Je vous souhaite tous la bienvenue à la séance no 122 du Comité permanent du patrimoine canadien.
Je m'excuse du petit retard, mais tout ira bien maintenant.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins dans le cadre de notre étude du projet de loi , Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones. Nous avons M. Travis Gladue, de la Bigstone Empowerment Society, et nous avons M. Dean Oliver, du Musée canadien de l'histoire.
Nous avons une autre témoin sur la liste, mais j'aimerais vérifier si elle se trouve dans la salle. Il s'agit de Sarah Pash, de l'Aanischaaukamikw Cree Cultural Institute.
Elle n'est pas encore arrivée, très bien. Nous allons commencer, donc, par les témoins qui sont dans la salle.
Je vous signale que vous avez accès à des services d'interprétation. Les députés vous poseront des questions en anglais et en français, car le Comité travaille dans les deux langues officielles. Si vous avez besoin d'interprétation, vous pouvez utiliser les écouteurs.
Pouvons-nous commencer par le Musée canadien de l'histoire?
Monsieur Oliver, allez-y, s'il vous plaît.
Bonjour, madame la présidente.
Le Musée canadien de l'histoire est heureux d'avoir la possibilité de discuter du projet de loi et de la proposition visant à créer une stratégie nationale pour le rapatriement des biens autochtones.
En tant qu'institution ayant toujours été à l'avant-scène en matière de rapatriement et de réconciliation avec les communautés autochtones, nous sommes ravis d'avoir été invités à vous faire part de nos expériences et de nos recommandations. Nous sommes reconnaissants également d'avoir eu la possibilité de rencontrer le parrain du projet de loi plus tôt cette année pour lui faire part de nos commentaires et de nos conseils, que je prendrai soin de détailler plus loin.
Le musée, comme nombre d'entre vous le savent, est le musée national d'histoire du Canada. Il est l'un des six musées nationaux au pays. Il a reçu le mandat, dans le cadre de la Loi sur les musées de 1990, de recueillir des objets d'intérêt historique ou culturel afin de les préserver au nom de l'ensemble de la population canadienne. La collection unique du musée représente le pays en entier, tous ses habitants, et est très bien documentée. Elle a été constituée, et continue d'être enrichie et gérée, avec une attention toute particulière.
Le musée détient, je pense, la plus importante collection canadienne d'objets liés à l'histoire et à la culture autochtone. Les éléments qui la composent ont été rassemblés pendant plus de 150 ans. Le Musée canadien de l'histoire est bien connu dans la communauté muséologique pour son travail en étroite collaboration, en concertation et en partenariat avec les communautés autochtones. Plusieurs d'entre elles sont d'ailleurs fières de voir leur culture et leur histoire présentées au musée.
Le musée a récemment inauguré la salle de l'Histoire canadienne. Il s'agit, à ce jour, de la plus importante exposition consacrée à l'histoire canadienne. Le parcours de cette exposition commence par un récit autochtone sur la création et se poursuit au fil de récits autochtones, qui constituent la toile de fond de la salle. Couvrant 15 000 ans d'histoire, celle-ci intègre donc pleinement l'histoire autochtone à ce qui compose le musée. L'une des sections de la salle, pour vous donner un exemple, présente une reconstitution numérique d'une famille autochtone sechelte de haut rang ayant vécu il y a environ 4 000 ans. Ce module a été créé en étroite collaboration avec cette communauté autochtone, qui en présente une version identique dans le musée de la communauté à Sechelt, sur la côte du Pacifique, en Colombie-Britannique. La salle entière, en fait, a été créée en collaboration avec des communautés autochtones de partout au pays, ainsi qu'en concertation avec un comité consultatif autochtone. Elle a été conçue en outre par quelqu'un que nombre d'entre vous connaissent, l'architecte autochtone Douglas Cardinal, qui a dessiné les plans de l'édifice original du musée.
Dans son rapport présenté en 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a souligné le leadership du musée dans ce type d'engagement, fondé sur des principes, avec les communautés autochtones. De tels projets collaboratifs permettent, à notre avis, de tisser des liens forts et positifs avec les communautés et de mettre en commun les connaissances et le savoir-faire. Nous y sommes parvenus grâce à notre travail au quotidien, mais aussi grâce à des programmes plus officiels, comme le projet concernant les objets sacrés qui offre la possibilité à des représentants de différentes communautés de venir au musée pour mettre en commun leurs connaissances des techniques traditionnelles de manipulation et de préservation des objets.
Le Programme de formation en pratiques muséales destiné aux Autochtones de la RBC, créé au début des années 1990, offre quant à lui une formation muséale professionnelle et technique aux participants métis, inuits et issus des Premières Nations qui proviennent de partout au pays. Cela contribue à la préservation et la diffusion de l'histoire et de la culture de leur communauté. Le programme compte désormais plus de 100 jeunes diplômés autochtones en muséologie.
Le musée s'est activement engagé dans les efforts de rapatriement menés depuis environ quatre décennies. Depuis le début des années 1990, le rapatriement d'objets de la collection nationale a également été ajouté aux négociations de traités. Le musée participe directement aux négociations, en fournissant de l'information sur les collections aux participants et en discutant du rapatriement conformément à ses propres politiques et pratiques.
En plus de la négociation de traités, les ententes liées à la garde ou au partage sont un autre moyen important pour le musée de partager la responsabilité de ses collections et l'accès à celles-ci. À titre d'exemple, le musée a conclu une entente liée à la garde avec la nation Nisga'a qui prévoit que les objets d'origine nisga'a sont partagés, sur une base permanente et continue, avec la communauté.
Cette entente porte sur la nécessité de consultation en ce qui a trait à l'inclusion des pratiques culturelles nisga'a dans la préservation des objets qui demeurent au musée et aux acquisitions éventuelles d'objets nisga'a. Stephanie Halapija, la directrice du musée nisga'a, a parlé de la mise en oeuvre de l'entente comme d'une « illustration concrète du processus de réconciliation ».
Comme l'a réitéré le parrain du projet de loi devant le Comité le 18 septembre dernier, l'objectif sous-jacent est d'ajouter une autre voix ou une autre porte d'accès pour la tenue de discussions sur le rapatriement d'objets. C'est un objectif qu'a également le musée.
D'après ce que nous avons compris directement et indirectement du parrain du projet de loi, il a souhaité rédiger ce document afin de répondre aux préoccupations qu'il avait concernant un petit musée de sa circonscription qu'il souhaitait aider dans ses efforts visant le rapatriement d'un objet conservé dans un musée international. On nous a fait part de la stratégie proposée au printemps. Cette stratégie porte la promesse de soutenir la restitution des biens culturels autochtones, en vertu de conditions particulières, et d'améliorer l'accès à ces biens à des fins éducatives ou cérémonielles comme principes d'égale importance.
Le musée adhère sans réserve aux mêmes objectifs et travaille en ce sens, comme je l'ai mentionné plus tôt, et c'est le cas depuis très longtemps déjà. Toutefois, le musée souhaiterait ajouter les suggestions suivantes à l'examen du Comité — comme nous l'avons fait lors de notre rencontre avec le parrain du projet de loi au printemps dernier — afin de modifier le texte du projet de loi de façon à ce qu'il permette de mieux atteindre ces objectifs.
À l'heure actuelle, le texte nous semble trop vague et imprécis. Par conséquent, il ne remplit peut-être pas suffisamment la mission qui lui avait été attribuée à l'origine. La stratégie pourrait identifier clairement les types d'objets devant être rapatriés, ainsi que les conditions en vertu desquelles les demandes pourraient être examinées. Par exemple, dans la version actuelle, il y a peu de distinctions entre les objets acquis légalement et les autres objets. Or, il s'agit d'une différence d'une importance cruciale pour tous les établissements du monde qui constituent des collections, et en fait pour tous les collectionneurs.
La notion de disponibilité légale et physique d'un objet est également absente du texte du projet de loi, à l'instar de la notion de conformité avec les protocoles autochtones pertinents existants. À notre avis, le projet de loi pourrait être amélioré par l'ajout d'une définition claire de ce qui est entendu par « disponible » ou « disponibilité » dans ce contexte.
Ces suggestions aideraient à affiner et à mieux cibler les efforts prévus dans le projet de loi afin de réaliser ce qui nous semble être son esprit et son intention. Elles viendraient également clarifier le travail et les délibérations entourant toute stratégie ou tout cadre de mise en oeuvre éventuels découlant du projet de loi afin d'aider à gérer le flot de renseignements, de demandes ou de décisions.
Selon notre expérience, ce travail délicat, mais si important, nécessite également la définition d'un lien clair entre le demandeur et les objets demandés. Or, pour le moment, le texte du projet de loi n'est pas précis sur ce point, ne parlant que d'objets revêtant une « importance » pour les demandeurs. Pour se rapprocher de l'intention énoncée, il serait plutôt préférable de parler d'objets « provenant » du groupe autochtone du demandeur ou ayant un « lien » avec lui.
Le projet de loi pourrait aussi être amélioré en y ajoutant les notions « d'accès » et « d'accessibilité », en plus de la notion de « rapatriement ». En effet, comme nous l'avons mentionné précédemment, il existe d'autres moyens que le rapatriement pour améliorer l'accès aux récits et aux objets. Le projet de loi comporte déjà des moyens d'évaluer les progrès et, par la suite, de créer des mesures pour assurer la réussite de l'initiative. Il pourrait également comprendre une reconnaissance du travail réalisé à l'heure actuelle par les différents établissements culturels, ainsi que des mesures pour soutenir ces établissements dans leurs travaux.
Toute unité de mesure éventuelle devrait comprendre une distinction entre les efforts existants et éprouvés et les nouvelles initiatives découlant du projet de loi. Cela permettrait de s'assurer que les futurs rapports sont efficaces et clairs et favorisent l'atteinte de résultats.
En conclusion, je dois ajouter que ce qui est à l'origine de nos commentaires est le texte lui-même, mais aussi la motivation et les intentions exprimées par le parrain du projet de loi, y compris son témoignage devant le Comité le 18 septembre. Notre expérience considérable, et de participant privilégié, dans les efforts de rapatriement et les domaines connexes et, humblement, nos quelque 40 ans comme chef de file dans le domaine nous ont également incités à offrir notre avis, tout comme les efforts importants et significatifs qui devront être menés à l'avenir.
Nous estimons qu'il s'agit d'un projet de loi prometteur. Nous croyons également qu'il est nécessaire de faire preuve de plus de diligence à son égard et d'adopter un texte plus précis, sur des éléments clés, afin de s'assurer qu'il réponde aux attentes de son auteur et du Comité, et qu'il puisse servir, s'il est adopté, de cadre utilisable, efficace et respectueux pour de nombreuses années à venir.
Je vous remercie de m'avoir accordé l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Nous espérons que nos recommandations vous seront utiles pendant vos délibérations.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
[Français]
Merci beaucoup.
Bonjour. Tansi. Je m'appelle Travis Gladue.
J'aimerais remercier le député David Yurdiga qui a recommandé que je témoigne aujourd'hui, de même que le Comité qui m'a invité à discuter du projet de loi .
Avant de commencer, j'aimerais souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel de la tribu algonquine à Ottawa.
Je suis un membre fier de la nation crie de Bigstone qui habite sur le territoire visé par le Traité no 8 dans le Nord de l'Alberta. Nos terres ancestrales comprennent Chipewyan Lake, Sandy Lake, Calling Lake et Wabasca-Desmarais, en Alberta. Nous sommes une tribu des Cris des Bois.
Ma nation est connue sous le nom de sakâwiyiniwak. C'est un mot cri qui veut dire peuple de la forêt, peuple des bois.
Au cours des siècles, les musées, les collectionneurs, les églises, en particulier celles de confessions anglicanes et catholiques, se sont emparés de beaucoup d'objets utilisés lors de nos cérémonials. Parmi les artefacts anciens en question, qui précèdent l'arrivée des Européens, il y a des pointes de flèche, des têtes de hache et divers outils anciens. Pendant la colonisation, de nombreux artefacts ancestraux nous ont été enlevés ou ont été détruits.
Notre nation a entamé son processus de guérison et de réconciliation, et nous avons grand besoin de retrouver notre identité, notre culture et notre langue.
Travailler ensemble au rapatriement de ces artefacts est pour nous un moyen habilitant et indispensable pour entamer la marche vers la réconciliation afin que les générations futures puissent retrouver la dignité et la fierté dont nos ancêtres et nos grands-parents ont été dépouillés.
Il faudra un effort collectif et le soutien de tous les échelons de gouvernement pour assurer et garantir la sécurité et la surveillance de ces artefacts au cours des années à venir. De plus, les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits doivent travailler aux côtés des parties concernées pour protéger et préserver notre histoire.
Un aîné et d'autres membres de ma nation ont communiqué dernièrement avec le Musée royal de l'Alberta au sujet de quelques artefacts qu'il garde dans sa collection. On envisage le rapatriement de 11 objets au total, dont une paire de mocassins faits à la main, un tambour, une tête de hache et divers bijoux. Nous sommes en discussions avec le musée pour un prêt à long terme. Nous venons de surmonter l'obstacle de taille qui consistait à bâtir un centre pour héberger ces objets.
En 2000, le gouvernement de l'Alberta a adopté le First Nations Sacred Ceremonial Objects Repatriation Act. La loi régit le Musée royal de l'Alberta et le Musée Glenbow à Calgary, mais concerne principalement la tribu des Pieds-Noirs qui habite sur le territoire visé par le Traité no 7 et ne s'applique que depuis peu aux objets cérémoniels. Les membres de ma nation souhaitent que la portée de la loi soit élargie pour inclure les deux autres traités importants en Alberta, soit le Traité no 6 et le Traité no 8.
J'aimerais remercier Mike Beaver, l'ancien chef de la nation crie de Bigstone et actuel président du conseil d'administration du Musée Wabasca. Il a été l'un des premiers à proposer de rapatrier des artefacts en 2007. J'aimerais aussi remercier l'ancien chef, Ralph Cardinal, pour son soutien à l'égard des efforts déployés.
Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais en profiter pour parler de la protection et du rapatriement des sépultures ancestrales. En 1999, l'Arctic Institute of North America a publié un livre intitulé Kituskeenow Cultural Land-Use and Occupancy Study. Le livre portait notamment sur les peuples autochtones en Alberta. À la page 36, on résume bien la situation:
L'initiative visait à répertorier les sépultures non enregistrées uniquement. Leur nombre total dépassait les 200 dans plus de 70 sites. Les cimetières enregistrés dans les communautés de Peerless Lake, Trout Lake, Wabasca-Desmarais, Sandy Lake et Calling Lake ne sont pas inclus dans ce nombre. La plupart des aînés faisant partie de l'étude seront enterrés dans ces communautés établies, plutôt que dans la forêt où ils sont nés et ont grandi.
Au début 2017, j'ai effectué des recherches pour trouver l'endroit où pourrait avoir été enterré un ancien chef de la nation crie de Bigstone. Le chef Maxime Beauregard a servi la nation du 26 mai 1947 au 31 janvier 1962. Après avoir quitté ses fonctions de chef, mon arrière-grand-père est tombé malade et a été transféré au Charles Camsell Indian Hospital à Edmonton. Il est décédé le 24 juillet 1963. Son corps n'a pas été renvoyé à Wabasca, où il habitait et où ses enfants habitaient à ce moment et où ils habitent encore aujourd'hui.
Selon son acte de décès, il a été enterré au cimetière Winterburn, situé sur le territoire de la nation crie Enoch, en Alberta. Nous avons trouvé des lieux de sépulture potentiels et nous sommes actuellement en pourparlers avec la nation crie Enoch au sujet des lots potentiels ou des noms des personnes concernées.
J'aimerais simplement ajouter en terminant que ce projet de loi est très important, mais qu'il faudra tenir les consultations nécessaires dans les communautés. Il faut que ce soit un effort collectif de l'ensemble des parties concernées.
Merci de m'avoir invité aujourd'hui.
:
Je ne peux parler que du point de vue de mon musée.
En fait, une des deux influences très directes et marquées du rapport du groupe de travail sur les musées en 1992 a été le déploiement d'efforts très importants dans notre musée pour lancer des discussions générales sur le rapatriement avec les collectivités à la grandeur du pays, discussions que nous menons depuis.
Ensuite, il y a eu la création du programme de formation des Autochtones à Affaires autochtones dont j'ai parlé, auquel ont participé un minimum de trois personnes — parfois six ou sept — en réponse au rapport de ce groupe de travail qui recommandait d'accroître les capacités des Autochtones au pays pour qu'ils puissent gérer leurs propres matériels, leur propre culture, leurs propres récits. Nous le faisons avec zèle depuis ce temps.
Quoi qu'il en soit, cela n'est qu'une infime partie de la façon dont nous interagissons tous les jours et tous les mois avec les collectivités autochtones. Nous prenons toute une gamme de mesures pour les aider, mesures qui vont des démarches que nous prenons afin de leur permettre d'admirer les collections pour voir leur propre matériel à celles que nous prenons pour retourner le matériel dans les collectivités, sous forme de prêts, de rapatriement ou d'autres arrangements de partage aux fins de conservation.
Il arrive qu'il n'y ait pas de contrôles environnementaux de niveau muséal pour gérer les choses, et nous les créons de façon concrète pour ces collectivités — à titre d'exemple, en plaçant des présentoirs discrets dans les bureaux des chefs et des conseils de bande. Il arrive aussi qu'on redistribue ou diffuse des connaissances linguistiques, artisanales et cérémoniales qui sont avec nous depuis de nombreuses décennies — 150 ans dans certains cas — et qui pourraient, en fait, se perdre dans les collectivités. Nous l'avons fait dans une vaste gamme de régions, du Grand Nord à la côte de la Colombie-Britannique et jusqu'en Nouvelle-Écosse.
Enfin, une fois par année, nous envoyons les gens sur le terrain pour tenir des discussions, recueillir des artefacts, etc., y compris pour faire du travail archéologique sur place. Nous avons profité de toutes ces occasions pour parler aux gens de nos collections et du travail qu'ils peuvent faire dans leurs propres collectivités.
Pour vous donner un tout petit exemple, nous...
:
Absolument. Je vais changer de langue ici, parce que je veux bien choisir mes mots. J'ai tellement de respect pour les interprètes. Ils trouveront les mots justes.
[Français]
Si je comprends bien, non seulement il y a eu des passages horribles dans notre histoire, dans les injustices qui ont été commises à votre endroit, mais de plus, avec le temps, volontairement ou non, on en a pratiquement effacé les traces. Or vous cherchez à retrouver ces traces pour vous situer relativement à l'histoire. Vous parliez de votre grand-père qui est pratiquement disparu. Alors, oui, vous répondez parfaitement à ma question.
[Traduction]
Je vous félicite.
[Français]
Il demeure tout de même un enjeu réel, qui est la préservation d'artéfacts, et vous en avez évoqué les coûts.
Croyez-vous qu'on devrait examiner la possibilité d'avoir recours à la participation d'entreprises, à de commandites locales? Je suis persuadé que, du côté de Wabasca, de grands employeurs pourraient être intéressés par un tel programme, par exemple.
Nous avons beaucoup parlé de fonds, lors de nos études sur les musées. Il était question d'inciter les compagnies et les citoyens à donner de l'argent à des fondations, des sommes qui généraient des intérêts qui permettaient d'améliorer le budget des entreprises et des musées.
Seriez-vous intéressé par la participation de grandes entreprises de chez vous, qui agiraient comme commanditaires et qui vous aideraient à retrouver vos racines?
[Le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]
Je vous remercie infiniment de me recevoir ce matin. Je suis très heureux d’être ici sur les terres non cédées de la nation algonquine, en ma qualité de fier Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse. Mon bon ami, le député Andy Fillmore, est également ici. J’ai travaillé avec lui à la mise en oeuvre de quelques projets.
L’Assemblée des Premières Nations n’a pas encore pris une position par rapport au projet de loi d’initiative parlementaire , Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones. Au cours de notre assemblée de cet été, l’assemblée générale des chefs a adopté une résolution qui enjoignait l’APN à veiller à ce que toute future stratégie nationale sur le rapatriement des biens culturels autochtones soit élaborée avec la participation complète des Premières Nations et qu’elle respecte les normes établies dans la déclaration des Nations unies. Je m’attends à ce que les questions soulevées par le projet de loi proposé soient étudiées par les chefs en décembre, au cours de notre assemblée d’hiver.
Depuis longtemps, les Premières Nations des quatre coins du pays expriment la nécessité de créer et de mettre en œuvre une protection juridique qui garantit le rapatriement des restes ancestraux, des objets sacrés et des objets ayant une importance culturelle. En 1994, l’Assemblée des Premières Nations a créé un groupe de travail avec l’Association des musées canadiens qui a élaboré des normes éthiques portant sur la façon dont les Premières Nations et les musées travailleraient ensemble au respect des échanges relatifs au rapatriement.
Bien que ce travail résiste à l’épreuve du temps, nous constatons la nécessité de disposer d’une analyse juridique éclairée à cet égard, une analyse qui tient compte des documents juridiques importants qui ont été rédigés depuis 1994, comme l’adoption de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et confirme les traités et les droits inhérents des Premières Nations, et l’adoption en 2007 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par l’Assemblée générale des Nations unies.
Les Premières Nations du Canada ont vécu de nombreuses violations de leurs droits. Des restes ancestraux, des objets sacrés et des objets ayant une importance culturelle ont été pris sans le consentement préalable donné librement et en toute connaissance de cause des Premières Nations. C’est ce à quoi la plupart des gens pensent lorsqu’ils parlent du rapatriement de nos biens culturels — de notre patrimoine et de nos documents —, mais il importe également de noter un enjeu crucial du rapatriement, à savoir les biens intangibles.
Les Premières Nations ont perdu l’accès à des enregistrements audio des voix et des histoires de nos aînés qui ont été recueillies auprès de nos peuples par tous les chercheurs. Ces histoires sacrées ou non et ces leçons de la nature sont souvent déposées dans des musées et des archives, où elles amassent la poussière, alors qu’elles pourraient nous aider à rebâtir nos nations et à renouer avec notre territoire et notre histoire.
Il est nécessaire de prendre des mesures qui respectent les protocoles des Premières Nations et nos droits en tant que personnes. Il y a 24 ans, des lignes directrices ont été élaborées par le groupe de travail composé des musées et des Premières Nations, mais nous ne pouvions pas les faire respecter, et c’est toujours le cas. Un pouvoir discrétionnaire a été laissé entre les mains des musées. Cette situation ne cadre pas avec les obligations que le Canada doit honorer en vertu de la déclaration des Nations unies. Le gouvernement du Canada a l’obligation morale et légale d’aider les peuples autochtones à obtenir la restitution des biens et des documents qui leur ont été enlevés de façon illégale et trompeuse, et il doit travailler avec les peuples autochtones afin d’établir une voie pour le rapatriement.
Les Premières Nations et les musées canadiens ont élaboré pour le traitement des demandes de rapatriement une approche au cas par cas qui respecte les diverses circonstances des parties. Après tout, il y a 58 différentes nations autochtones au Canada. Comme les membres de votre comité l’ont entendu, les Premières Nations ont besoin de ressources pour participer à bon nombre de ces entreprises ou pour mener à bien le rapatriement de leurs propres biens. Il est nécessaire de concevoir un processus de participation complète et de procéder à une analyse juridique en profondeur pour comprendre les diverses situations des Premières Nations du Canada.
Nous encourageons le Canada à envisager la possibilité de mener avec les Premières Nations un dialogue structuré et entièrement soutenu. J’attire votre attention sur le fait que l’assemblée des chefs a adopté de nombreuses résolutions relatives au rapatriement. Le chef a également enjoint l’APN à demander aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de reconnaître qu’ils ont la responsabilité morale et fiduciaire de soutenir les Premières Nations du Canada dans leurs efforts de rapatriement nationaux et internationaux. En refusant aux Premières Nations l’accès à leurs biens culturels ou le pouvoir d'exercer un contrôle sur eux, on empiète sur le droit des Premières Nations à l’autodétermination, garanti par nos droits inhérents issus des traités, nos droits constitutionnels et nos droits internationaux de la personne. Nous devons étudier les politiques et le cadre juridique qui sont nécessaires pour guider les musées dans leurs rapports et leurs échanges avec les Premières Nations.
Une loi qui incite simplement les propriétaires à restituer les biens n’atteindra pas l’objectif de protection et de respect des droits des Premières Nations ou d’avancement de la réconciliation. Bon nombre d’artefacts ont été vendus aux musées et aux collections privées sous la contrainte. Les gens mouraient de faim. Les Premières Nations n’ont jamais consenti au déménagement de leurs restes ancestraux dans des musées.
Pour retrouver les biens culturels conservés au Canada ou dans des collections hors du pays, y avoir accès et les rapatrier, les Premières Nations ont besoin que le gouvernement fédéral prenne un engagement et des mesures. Pour respecter les protocoles et les droits des Premières Nations, il faut qu’au bout du compte, les mesures puissent être appliquées à ceux qui détiennent des biens autochtones sacrés ou des restes humains.
Nos collectivités doivent faire équipe avec les organismes et les autorités tout au long du processus décisionnel et du processus d’application. Le rôle du Canada consisterait, entre autres, à promouvoir et appuyer la restitution de nos biens et de nos documents culturels. Les principes énoncés dans la déclaration des Nations unies devraient être utilisés comme cadre pour prendre toute décision concernant le rapatriement. Les Premières Nations ne devraient pas être restreintes dans la présentation de leur passé, de leur présent et de leur avenir.
Dans un esprit de réconciliation, l’érosion délibérée des cultures et des langues des Premières Nations par les générations antérieures requiert que des fonds publics soient dépensés. Toute nouvelle mesure législative sur le rapatriement qui cherche seulement à encourager le rapatriement ne va pas suffisamment loin dans l’affirmation des droits des Premières Nations, en particulier les mesures législatives qui n’ont pas été créées en collaboration avec les peuples autochtones.
À court terme, il y a un certain nombre de mesures que le Canada peut prendre.
Il peut financer les Premières Nations et prendre des mesures pour les aider à récupérer leur patrimoine culturel tangible et intangible, ainsi que leurs restes ancestraux. De même, il faut que des mesures de revitalisation des langues soient prises afin de préserver nos langues protégées. Notre patrimoine culturel est menacé d’extinction, et nous sommes impatients de prendre des mesures relatives au rapatriement afin de revitaliser nos cultures autochtones.
Le Canada peut dresser un catalogue national et international. Il faut établir un registre des restes ancestraux actuellement détenus par des musées, des archives et d’autres institutions.
Le processus doit être élaboré en collaboration avec nous. Des mesures devraient être prises pour établir un cadre dirigé par les peuples autochtones visant à reconnaître à la fois leurs connaissances et leur droit de prendre des décisions au sujet de leur patrimoine tangible et intangible.
Des centaines d’années d’érosion culturelle ne peuvent pas être effacées en prenant simplement des mesures modestes. Il faut également que des mesures à plus long terme soient prises. Il faut adopter des mesures législatives robustes qui seront orientées par des politiques élaborées par des Autochtones, et il faut procéder à un examen des politiques et des pratiques actuelles qui permettra de déterminer les situations dans lesquelles les valeurs et les droits des peuples autochtones sont exclus.
Le Canada peut financer et appuyer l’inclusion des traditions et des protocoles juridiques des peuples autochtones, ainsi que l’inclusion de leurs politiques et de leurs lois sur le patrimoine culturel.
Il peut procéder à des vérifications des anciennes pratiques des musées et d’autres institutions en matière de rapatriement, ainsi que de leur refus de mettre en oeuvre les recommandations du Rapport du Groupe de travail sur les musées et les Premières Nations, publié en 1994.
Le Canada peut envisager d’examiner les politiques et les lois internationales sur le rapatriement — par exemple, la Native American Graves Protection and Repatriation Act — afin de comprendre ce qui fonctionne ou non. Les États-Unis ont connu quelques grandes réussites, mais leur loi crée également des tensions dans les relations entre les parties, en raison d’un cadre rigide et d’un manque de financement pour appuyer le travail requis.
Les Premières Nations du Canada devraient être en mesure d’avoir accès à leurs sites et leurs objets religieux, cérémoniels et culturels, et pouvoir les entretenir et les protéger. Elles devraient jouir d’un droit collectif de rapatriement de leurs restes ancestraux, de leurs objets sacrés et de leurs objets ayant une importance culturelle.
Enfin, je tiens à remercier les membres du Comité et Bill Casey, le député de notre coin, d’avoir donné à ces enjeux une visibilité plus grande. Je pense que cela revêt une grande importance à nos yeux, en ce sens que cela nous permet d’écrire, en collaboration avec les Canadiens, une nouvelle histoire pour tous les Canadiens et les membres des peuples autochtones.
Wela’lioq.
:
[
Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Merci, madame la présidente. Je remercie également le Comité.
[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
C'est pour moi un immense honneur que de témoigner en territoire algonquin non cédé pour traiter de l'important projet de loi dont il est question aujourd'hui.
Aanischaaukamikw est le centre culturel des 10 communautés cries d'Eeyou Istchee, dans le Nord du Québec. Nous occupons un édifice de 30 150 pieds carrés comptant 3 000 pieds carrés d'espace réservé à des expositions à long terme et temporaires, de l'entreposage visible, un centre de documentation et de ressources, un entrepôt de collection à la fine pointe de la technologie, notamment dans le domaine de l'archéologie, et un espace de travail hébergeant une quarantaine d'employés.
Le projet de loi définit le bien culturel autochtone comme étant un « objet ». D'après notre expérience, et considérant nos besoins à long terme de rapatriement, cette définition devrait inclure le patrimoine intangible, les documents d'archives et toutes les formes de données de recherche. Comme nous nous efforçons de maintenir notre langue, d'assurer la transmission de notre culture et de notre savoir traditionnel de génération en génération et de protéger notre héritage culturel pour les générations à venir, nous comprenons qu'il importe de faire en sorte que nous soyons capables de rapatrier les documents et les articles, comme nos objets de cérémonie détenus par les musées du Sud, et les voix de nos anciens, décédés depuis longtemps, qui figurent dans les collections d'archives universitaires des anthropologues.
Voilà qui nécessite l'inclusion de données de recherches et de documents faisant partie du patrimoine autochtone. Une part substantielle de ce patrimoine se trouve dans des musées et des établissements d'enseignement du Canada, des États-Unis et d'autres pays, loin d'Eeyou Istchee.
Nous définissons nos biens culturels en fonction du patrimoine et de l'identité. Le patrimoine étant étroitement lié à l'identité, il est impossible de séparer les biens culturels autochtones du patrimoine autochtone à titre de droit.
Le projet de loi arrive alors que nous nous réjouissons de la ratification de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, car cette dernière stipule que les peuples autochtones ont le droit de pratiquer et de revitaliser leurs coutumes et leurs traditions culturelles, ayant notamment le droit de maintenir, de protéger et de développer les manifestations passées, présentes et futures de leurs cultures, mots qui font référence aux biens culturels tangibles et intangibles.
Après des siècles de colonisation et d'actions coloniales qui ont menacé notre capacité de vraiment mettre en valeur notre patrimoine de bon droit, nous accueillons à bras ouvert des mesures comme le projet de loi s'il s'agit d'une manière authentique d'appuyer notre droit au patrimoine et de faire en sorte que nos biens culturels soient protégés et préservés pour les générations à venir.
Bien que la portée du projet de loi englobe les biens culturels autochtones, peu importe l'endroit où ils se trouvent, il faut, pour être exhaustif et combler nos besoins, qu'il soit bien compris qu'il inclut les biens détenus à l'étranger. Certains biens de grande importance patrimoniale, dont de nombreux biens sacrés et rituels, se trouvent aux États-Unis et en Europe, ainsi qu'à de nombreux endroits au Canada.
La faiblesse de certains passages, résultat de l'utilisation de mots tels qu'« encourager » plutôt qu'« exiger » le retour des biens culturels, est préoccupante, étant donné que l'on réclame la mise en oeuvre authentique de la déclaration des Nations unies et que la Commission de vérité et de réconciliation a lancé un appel à l'action. Les deux documents, s'ils sont pris sérieusement, exigent un recadrage complet et une nouvelle vision de la relation entre les nations autochtones, leurs établissements culturels et les grands musées.
Le projet de loi fait en outre référence aux « propriétaires », aux « gardiens » et aux « fiduciaires ». Il s'agit habituellement de fonctions autodésignées quand il est question du patrimoine ou des biens culturels intangibles autochtones. Cette subtilité de la dynamique du pouvoir devrait être plus largement comprise dans le discours entourant le rapatriement à titre de geste de réconciliation.
Je soulignerais en outre que les propriétaires, les gardiens et les fiduciaires dont il est question dans cette disposition ont profité des biens qu'ils détiennent et les ont utilisés pour rehausser leur réputation, élaborer des programmes, légitimer la position de leurs établissements et réunir des capitaux. Vu sous cet angle, il faudrait admettre qu'ils ont une dette envers les communautés sources. Le milieu culturel en général et la communauté patrimoniale autochtone doivent préconiser d'une même voix le recadrage de la relation aux fins de réconciliation. En fait, la manière dont on qualifie publiquement les biens culturels autochtones de « collection » ou d'« artefacts » a pour effet de jeter un voile sur des processus d'une nature très violente.
Des articles issus de notre territoire se sont retrouvés de manières plus que douteuses dans des musées et des collections universitaires ou privées. Oui, certains ont été achetés et payés, mais même dans ce cas, le collectionneur bénéficiait fréquemment d'une position de richesse et de pouvoir, n'étant pas confronté à la famine ou à d'autres drames.
Prenez, par exemple, le cas des objets de cérémonie qui se trouvent dans des musées du pays et du monde; nous savons qu'ils viennent de nos communautés.
Un de ces objets de cérémonie, un capuchon pour femme brodé de perles datant du milieu des années 1800 qui servait à souligner notre relation avec les animaux dont nous dépendons et à célébrer les événements de la vie, a été trouvé dans un musée de Montréal. Nos recherches nous ont permis de déterminer qu'il venait d'une de nos communautés du Nord du Québec. Nous savons de quelle famille il venait et qui le portait dans les années 1800, mais nous n'avons pu déterminer comment il était tombé aux mains d'un collectionneur avant d'aboutir dans un musée urbain. Nous ne pouvons que supposer que s'il n'a pas été obtenu par le vol ou la force, la famille était aux prises avec des difficultés telles qu'elle a été obligée de se départir de ce précieux héritage familial, lequel constitue un important lien vers sa vie spirituelle et cérémoniale.
Si nous pouvons seulement discuter du fait que l'obtention de parties de notre patrimoine culturel a été facilitée par des conditions économiques ou sociales indésirables, que ces objets ont été volés ou pris de force ou ont inexplicablement abouti entre les mains d'un collectionneur, et admettre ce fait, notre société n'en est pas arrivée au point auquel nous pouvons simplement « encourager » le retour des biens culturels autochtones. Par conséquent, le soutien du processus dont il a été question doit faire en sorte que les communautés et les organisations patrimoniales autochtones n'aient pas à assumer les coûts du rapatriement des biens culturels.
D'après notre expérience, le transport d'un objet depuis un musée de Montréal ou de Toronto peut coûter des dizaines de milliers de dollars. Pour un petit établissement sans but lucratif, il s'agit d'un fardeau qu'il assume en sachant que notre capacité de donner accès à des parties de notre patrimoine tangible qui sont tombées dans l'oubli ou qui ont cessé d'être utilisées dans nos communautés constitue une facette importante de la revitalisation et du maintien de notre patrimoine. Si nous parlons, comme l'indique l'article 3, du soutien à la préservation et à l'accès, il faudrait comprendre que ce soutien inclut l'aide financière nécessaire pour que cela fonctionne adéquatement. Il faudrait en outre veiller à ce que les coûts ne soient pas assumés par les communautés ou les organisations autochtones. Une aide financière authentique tient compte des frais de transport et de conservation, et du soutien aux installations et aux activités. Il faut également prendre en compte le soutien visant à accroître la capacité des nations autochtones, à former les ressources humaines et à construire des installations.
L'installation du Aanischaaukamikw Cree Cultural Institute, située à Oujé-Bougoumou, dans le Nord du Québec, sert les 10 communautés cries d'Eyou Istchee. Nous possédons et exploitons une installation ultramoderne qui a obtenu la désignation de catégorie A de Patrimoine canadien, ce qui signifie qu'elle est jugée égale à bien des grands musées du pays au chapitre de la conservation et de l'entreposage.
Un nombre croissant d'organisations autochtones du pays construisent de tels établissements et renforcent leur capacité de gestion du patrimoine culturel. Le projet de loi préconise le soutien du rapatriement des biens culturels, notamment l'appui à la construction des installations nécessaires à leur entreposage.
De plus, en ce qui concerne l'accès, il serait préférable de ne pas imposer aux communautés autochtones des exigences conditionnelles fondées sur les normes muséologiques occidentales qui restreindraient l'accès pour un motif jugé valide par une communauté autochtone. Les décisions relatives au contrôle et à l'accès devraient rester aux mains des communautés autochtones ou des organisations qui les représentent, et ce pouvoir devrait être reconnu.
Nous nous heurtons fréquemment à la résistance des musées au chapitre de l'accès, car leurs protocoles de prise de décisions s'appuient sur des normes muséologiques occidentales, lesquelles ne tiennent pas compte de notre savoir sur les soins à porter aux objets de cérémonie ou à d'autres articles. Dans bien des cas, nous avons constaté que nos objets sont traités de manière inadéquate et irrespectueuse dans les grands musées, car ces derniers appliquent les normes muséologiques occidentales. Bien souvent, pour que l'objet soit traité convenablement, il devrait être retourné dans son territoire d'origine, auquel sa vie spirituelle est liée.
Le déplacement et le traitement irrespectueux, même accidentels, de nos objets patrimoniaux les plus précieux suscitent une douleur que le projet de loi pourrait contribuer à atténuer. Sachez en outre que dans bien des cas, les biens collectifs ont été entreposés d'une manière qui est loin d'être idéale. Quantité d'objets sacrés, rituels et importants ont été aspergés de pesticides et négligés parce que les musées leur accordent une faible priorité, comme nous avons été à même de le constater à l'étranger.
Il est à nos yeux essentiel de soutenir le rapatriement des biens patrimoniaux autochtones en raison du fait qu'une grande partie de la collecte d'objets s'est déroulée en une ère d'expansion de l'empire, quand les biens culturels autochtones étaient considérés comme des objets exotiques, des fétiches et des articles à sauvegarder. Par conséquent, il y a beaucoup de travail de rapatriement à faire.
En ce qui concerne les revendications relatives aux collections soutirées des communautés et des territoires autochtones, particulièrement à la suite du contact avec les Européens, il existe rarement de preuve documentaire de la propriété. Les communautés autochtones ne peuvent assumer seules le fardeau de la preuve. Les recherches doivent être dirigées par des Autochtones, mais faire l'objet d'un soutien, financier et autre, sans imposer de frais aux communautés autochtones. En outre, il faut tenir compte de la tradition et du discours oraux dans le cadre des recherches visant à rapatrier les objets dans leurs communautés d'origines.
Je voudrais prendre un instant pour souligner le travail de M. Casey et d'autres personnes qui ont élaboré le présent projet de loi. Je ferais également remarquer que s'il est adopté, cela nous aiderait considérablement à assurer le maintien de notre culture et l'accès à notre patrimoine. Le rapatriement des biens culturels nous permet de donner accès au patrimoine à la population que nous servons. Voilà qui crée des expériences et des occasions d'apprentissage empreintes de profondeur et de sens qui nous permettent de retrouver des aspects de nous-mêmes et de notre identité, et de nous renseigner sur nous-mêmes alors que nous rapatrions nos biens culturels.
Merci, madame la présidente.
Je voudrais moi aussi remercier le Comité de nous offrir l'occasion de nous adresser à lui. J'ajouterais, sur une note personnelle, que je lui suis particulièrement reconnaissante d'être ici, car j'ai été membre du Groupe de travail sur les musées et les Premières Nations, auquel nous devons les lignes directrices avec lesquelles nous travaillons actuellement. Je suis enchantée de voir que nous en arrivons enfin à l'étape avancée à laquelle nous nous trouvons.
Sachez en outre que la GRASAC est une organisation qui doit son existence au financement fédéral de la Fondation canadienne pour l'innovation, du Programme des chaires de recherche du Canada et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. C'est grâce au soutien fédéral que nous avons pu réaliser la recherche que nous avons menée.
Notre organisation est le fruit d'une collaboration entre des universités, des communautés autochtones, des chercheurs et des employés de musées, qui ont uni leurs efforts pour effectuer une partie du travail dont d'autres témoins ont parlé, lequel consiste à déterminer les origines et l'histoire des collections d'objets, que ce soit en Amérique du Nord ou outre-mer.
La GRASAC appuie l'adoption du projet de loi . Nous considérons que le rapatriement constitue une expression importante de l'autodétermination, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dont le Canada est maintenant signataire. Nous avons décrit le travail de notre organisation et formulé des observations détaillées dans un rapport écrit, que nous vous remettrons une fois qu'il aura été traduit.
Aujourd'hui, nous voulons traiter de dispositions clés et proposer des modifications que nous jugeons nécessaires pour que le projet de loi atteigne ses objectifs. Nous sommes d'avis qu'il doit appuyer trois choses principales: la recherche permettant de déterminer quels objets doivent être rapatriés, les formes multiples d'accès, dont l'accès numérique et les prêts au besoin, et les infrastructures dans les communautés autochtones.
Anong Beam, qui m'accompagne aujourd'hui, est directrice exécutive de l'Ojibwe Cultural Foundation et membre du comité directeur de la GRASAC. C'est elle qui traitera de ce dernier point très important.
Pourquoi la recherche est-elle une condition préalable au rapatriement? Comme d'autres témoins l'ont souligné, nous ignorons où se trouvent nos objets patrimoniaux. Nous constatons en outre que bien peu de documents existent sur la question. Dans bien des cas, nous ne savons pas où, quand ou dans quelle communauté les objets ont été recueillis. Les Autochtones doivent donc déterminer quels articles doivent être rapatriés, car les musées et les établissements possédant des collections devront en connaître l'histoire pour pouvoir étudier les demandes. Ces établissements exigeront ce genre de renseignements. D'un point de vue pratique, il faudra également savoir où se trouvent les objets.
Quand on effectue ces recherches, comme nous l'avons fait dans le cadre du projet de la GRASAC, cela met en lumière les diverses manières dont les biens culturels autochtones ont quitté les communautés pendant quatre siècles, dans le cas de la région des Grands Lacs.
J'ai apporté quelques images, espérant vous montrer toute l'importance qu'ont ces objets et la manière dont ils ont été recueillis.
La première diapositive montre une collection de curiosités du XVIIe siècle à Paris, laquelle existe encore. Elle contient des objets venant des Grands Lacs. C'est le genre d'articles que les collectionneurs de curiosités amassaient: un magnifique sac du peuple des Outaouais et une pipe très importante.
Le sac se trouve au National Museum of Ireland, pays où il a été ramené par un soldat irlandais qui était au Canada vers 1800. La pipe a été ramenée en Écosse par un soldat ayant combattu au cours de la guerre de Sept Ans et qui l'a laissée à son employeur. Ce n'est que vers 2006 qu'elle a été vendue lors d'une enchère de Sotheby, au cours de laquelle les musées canadiens n'ont pas eu les moyens de l'acquérir. Un collectionneur américain privé l'a acquise avec toute une collection d'autres objets merveilleux. Les communautés autochtones ont été complètement incapables de participer aux enchères, par manque de fonds, je ferais remarquer.
Les premières années, c'est en grande partie lors d'échanges diplomatiques et de rituels de remises de cadeaux que les objets ont quitté les communautés. Le wampum constitue la forme la plus connue d'articles recueillis ainsi; vous en voyez ici un exemple important, qui se trouve maintenant au Musée McCord.
Mes collègues de la GRASAC m'ont appris que la réception des cadeaux dans un tel contexte indique et confirme la conclusion d'une entente. Le retour d'un tel objet a des conséquences potentielles, car il pourrait rendre l'entente caduque. C'est un facteur à garder à l'esprit.
Les échanges diplomatiques, particulièrement au cours de XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, donnaient également lieu à l'adoption rituelle de personnes considérées comme étant des alliés ou des défenseurs des communautés autochtones; pendant ces adoptions, on offrait très souvent de magnifiques vêtements. Le lieutenant John Caldwell, adopté en 1780 par les Anishinaabe, arbore le vêtement qu'il a reçu. Une grande partie de ces articles sont maintenant exposés au Musée canadien de l'histoire. Ils ont été rapatriés dans les années 1970 quand le gouvernement fédéral a fourni du financement pour ramener au pays des objets patrimoniaux canadiens détenus à l'étranger.
D'autres sortes de cadeaux ont été remis au cours du XIXe siècle lors de visites de fonctionnaires importants, comme une remarquable collection de paniers d'écorce ornés d'aiguilles de porc-épic qui se trouve maintenant à la Osborne House, sur l'île de Wight, en Grande-Bretagne, laquelle se trouve être l'ancienne maison familiale de la reine Victoria. Ces objets ont été offerts au prince de Galles, alors que d'autres ont été donnés directement à la reine Victoria. Ils peuvent ressembler à des articles achetés comme souvenirs, mais il s'agit en fait de cadeaux diplomatiques.
Certains objets pouvaient être commandés, comme ce magnifique berceau fort célèbre, dont les panneaux ont été commandés à Christina Morris, une des artisanes spécialisées dans l'utilisation des aiguilles de porc-épic les plus connues du XIXe siècle en Nouvelle-Écosse. Il s'est également produit énormément de souvenirs dans la région des Grands Lacs à des fins économiques, ce qui a fourni aux Autochtones une source substantielle de revenus.
Parmi ces objets se trouvent de splendides articles brodés de perles fabriqués par les Haudenosaunee dans le Nord-Est, que l'on retrouve en quantité dans les collections. Grâce aux nombreuses photographies de femmes victoriennes tenant ces sacs, on peut constater que ces articles étaient fort prisés.
Cependant, la plupart des articles détenus par des musées, dont d'autres témoins ont déjà parlé, font partie de l'énorme quantité d'objets qui ont été recueillis à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle dans le cadre d'un projet souvent appelé « ethnographie de sauvetage ». Des anthropologues ont sillonné l'Amérique du Nord pour recueillir ce qu'ils considéraient comme étant les derniers vestiges de la culture autochtone, pensant que les Autochtones allaient disparaître.
D'après mon expérience, ces objets sont considérés comme ayant été obtenus sous la contrainte. Les gens, appauvris, étaient confinés dans des réserves. Leurs enfants avaient été envoyés dans des pensionnats, et le moral était fort bas à bien des endroits. Le statut de ces objets semble donc quelque peu différent de celui des autres articles dont j'ai parlé.
Le fait important que nous voulons porter à votre attention, c'est que les objets entrant dans toutes ces catégories feraient aujourd'hui plus de bien dans les communautés autochtones que dans les entrepôts et les tiroirs des musées, mais exigeraient peut-être des formes différentes de demande auprès des établissements. Cette étape des recherches est vraiment cruciale, car elle nous aidera à formuler des demandes convaincantes.
Je conviens également que la définition de « bien culturel autochtone » doit être améliorée, comme Dean Oliver l'a fait remarquer.
Je céderai maintenant la parole à Anong Beam, qui traitera du fait que le projet de loi doit absolument appuyer les infrastructures dans les communautés autochtones.
:
D'accord. Je serai brève de toute manière.
Je suis directrice exécutive de l'Ojibwe Cultural Foundation et je suis originaire de l'île Manitoulin, en territoire de la nation Sheg.
Nous exploitons un musée à vocation artistique et un centre culturel publics contrôlés et gérés par les Autochtones. Nous représentons les six nations membres des United Chiefs and Council of Mnidoo Mnising
Nous disposons aussi d'un espace destiné aux collections. Notre centre ayant été créé en 1974, il s'agit d'un des plus anciens espaces culturels autochtones du Canada. À ce que je sache, il est l'un des seuls centres culturels autochtones qui aient facilité le rapatriement de nos propres collections dans des nations voisines. D'après notre expérience dans ce domaine, le retour de ces objets a un effet incroyable.
Sur une des images que vous avez vues dans le diaporama se trouve l'oiseau-tonnerre sur le sac provenant des Grands Lacs, un article vu par un artiste de notre communauté lors d'une exposition intitulée Patterns of Power organisée par ma collègue Ruth. Il a été vraiment estomaqué de voir cette image issue de notre communauté, alors qu'elle se trouvait en Irlande. Il a donc créé sur le plancher de notre édifice une oeuvre d'art arborant l'oiseau-tonnerre, le logo de notre peuple, de notre communauté, alors que nous n'avons jamais vu l'original ou quoi que ce soit s'en approchant.
La revitalisation des arts traditionnels suscite énormément d'intérêt dans notre centre, notamment dans les domaines des textiles et des arts textiles.
Pour le moment, nous n'avons pas pu exposer de pièces originales. Tout au plus avons-nous pu inviter Renee Dillard, une femme d'un talent incroyable originaire de Harbor Springs, au Michigan, qui est anishinaabekwe.
Elle vient nous visiter après de nombreuses visites au Smithsonian Museum, où elle a vu des objets semblables aux arts textiles de notre région. En pouvant y accéder et les voir au Smithsonian Museum, elle a réappris certaines techniques et est revenue nous visiter avec des répliques qu'elle a réalisées après avoir vu ces objets. Notre communauté est enchantée et incroyablement honorée de bénéficier d'un tel lien avec ces artefacts.
Notre édifice de 11 000 pieds carrés est doté de systèmes de sécurité, de chauffage et de climatisation. Il est sur le point d'entrer dans la catégorie A dans le domaine des biens culturels mobiliers. Nous possédons toutes les compétences nécessaires. Tout ce qui nous manque, c'est le financement de base pour appuyer le maintien en poste de l'effectif.
Le fait est que nous dépendons considérablement du financement de FedNor ou des petites subventions, fort bien accueillies, qui financent les postes qu'occupent les nouveaux diplômés. Voici ce qu'il se passe: nous formons un diplômé, qui travaille pendant un an, mais nous n'avons pas les moyens de le garder une année de plus. Dès que l'année est écoulée et que nous avons un employé qui connaît bien la gestion des collections et les soins qu'il faut apporter à ces dernières, les expositions, la création de matériel didactique et l'enseignement à prodiguer aux classes, nous le perdons, et cela se produit encore et encore.
Quand notre financement est approuvé, il s'écoule habituellement six mois avant que nous puissions pourvoir le poste, car nous ne nous trouvons pas dans un grand centre. Notre accès aux personnes compétentes est au mieux minimal. Nous avons énormément besoin de maintenir notre personnel en poste.
J'ai été informée par divers membres du gouvernement fédéral et du ministère des Affaires indiennes et du Nord que les arts et la culture ne font pas partie de la Loi sur les Indiens et qu'ils n'ont pas la responsabilité de financer ainsi les postes essentiels. On m'a conseillé d'écrire une lettre à pour faire part de mes préoccupations à ce sujet.
J'espère que dans le cadre de votre examen de ce projet de loi, vous prêterez l'oreille à certaines des personnes formidables qui ont pris la parole aujourd'hui et à d'autres que vous entendrez certainement plus tard, et conforterez notre capacité d'assurer le maintien en poste de notre effectif afin que nous puissions prendre soin de ces objets, les exposer et prodiguer de l'enseignement à leur sujet.
Meegwetch.
:
Si vous n'y voyez pas d'objection, je répondrai en premier.
Je pense que cette question et toute cette affaire sont très importantes, car nous devons raconter notre histoire. Le Canada fait ce qu'il faut dans le cadre de la réconciliation en permettant l'établissement d'une nouvelle relation avec les Autochtones.
L'éducation est lacunaire. Nous avons tous fréquenté l'école. Que vous a-t-on enseigné dans les livres? Je me souviens que le premier ministre a indiqué, lorsque nous avons annoncé l'appel à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation, qu'il avait été à l'école privée et qu'il ne s'en cacherait pas. Il a étudié à l'école privée et il supposait que tout le monde le savait, mais quand sa classe est arrivée au chapitre sur les Autochtones, le professeur a déclaré qu'ils devraient le sauter parce que c'était ennuyeux.
Dans la société d'aujourd'hui, nous nous efforçons tous de favoriser l'épanouissement de meilleures valeurs de diversité au sein de la population, mais voyez ce qu'il s'est passé en Nouvelle-Écosse quand la statue de Cornwallis a été retirée. Le manque d'éducation favorise le racisme et n'inspire pas l'épanouissement de meilleures valeurs.
Si on étudie le premier contact — pas le spectacle, mais le premier contact proprement dit —, ce fut comme un tsunami dans l'Atlantique, une vague qui s'est abattue et qui a effacé la culture. Si vous ne trouvez personne au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, c'est parce que le premier contact fut un tsunami. La vague n'a pas atteint la Colombie-Britannique; on se demande ensuite pourquoi on y trouve une multitude de lieux culturels fort dynamiques. La vague revient. C'est nous qui subissons les répercussions les plus fortes et les plus longues du contact avec les Européens.
Voilà pourquoi nous devons rapatrier ces objets afin de raconter notre histoire correctement, car à l'heure actuelle, notre peuple tente de connaître son identité. Souvenez-vous — une minute et j'ai terminé — qu'on nous a qualifiés d'Indiens, de sauvages, puis d'Indiens de nouveau, ensuite d'Autochtones, puis, après une éternité, tout le monde s'est senti à l'aise avec l'appellation Premières Nations. Puis, du jour au lendemain, nous étions un peuple autochtone. Nous continuons de nous voir accoler toutes sortes d'étiquettes, car nous ne pouvons raconter notre propre histoire. Ce sont d'autres qui la racontent à notre place.
Je suis micmac. Le jour viendra où le gouvernement ne considérera plus l'abondance de tribus comme un problème. Le Canada compte 58 tribus: acceptez-le et ne le voyez pas comme un problème. Nous ne sommes pas le problème indien. Il existe une formidable diversité de culture au pays. Mes enfants doivent acquérir la culture micmaque, mais c'est celle des Algonquins, des Cris et des Dénés qu'ils ont apprise. Ils ont emprunté les styles de ces tribus, car ils voulaient vraiment faire partie de l'identité autochtone. Je dois pouvoir leur prodiguer un enseignement adéquat en rapatriant certains objets, qu'il s'agisse d'enregistrements sonores ou d'autre chose.