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Bonjour, madame la présidente et madame et messieurs les députés fédéraux.
Je m'appelle Wendy Freeman et je suis présidente de CTV News.
J'aimerais d'abord vous présenter les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui: Richard Gray, vice-président et directeur général, Radio et TV, Ottawa et Pembroke, et chef national de CTV Two News; Kevin Goldstein, vice-président, Affaires réglementaires, Contenu et Distribution; et Pierre Rodrigue, vice-président, Relations avec l'industrie.
Chaque jour, CTV News joue un rôle important en s'assurant que les Canadiens reçoivent de l'information sur ses plateformes télévisuelles et numériques à propos des enjeux locaux et régionaux. Avec nos 31 stations locales, dont certaines sont en service depuis plus de 50 ans, nous sommes le principal exploitant privé de stations de télévision au Canada. Nous sommes présents dans des marchés de toutes tailles, y compris 12 marchés où nous exploitons la seule station de télévision locale qui diffuse des nouvelles. Parmi ces marchés, mentionnons Dawson Creek et Terrace en Colombie-Britannique; Prince Albert et Yorkton en Saskatchewan; London et Kitchener en Ontario; et Sydney en Nouvelle-Écosse.
Les cotes d'écoute nous apprennent que les nouvelles diffusées par ces stations sont d'une importance cruciale pour les Canadiens. Lorsqu'un événement d'actualité locale se produit, nous avons du personnel sur place dans chacun de nos marchés pour informer immédiatement les téléspectateurs sur ce qui se passe. Il peut s'agir, par exemple, d'un ordre de faire bouillir l'eau dans une municipalité, ou d'un lieu sûr où les citoyens peuvent se rendre en cas de catastrophe naturelle, comme pendant les inondations de Calgary. Ces deux exemples, parmi bien d'autres, montrent clairement que la viabilité à long terme des stations de CTV — comme celles de nos concurrents — est essentielle pour nos communautés et pour l'ensemble du pays.
Malheureusement, même si nos stations ont réussi à établir des liens avec les communautés locales et à refléter leurs aspirations, elles n'ont pas pour autant atteint la viabilité financière. Pendant la dernière année de radiodiffusion, toutes nos stations de télévision, sauf cinq, ont fonctionné à perte. L'année précédente, 20 de nos stations ont été déficitaires. La tendance n'est donc pas en notre faveur. Et nos stations ne sont pas les seules à perdre de l'argent. Les stations locales de tout le pays croulent sous l'effet d'une extrême pression financière.
Malgré ces défis — et c'est un point sur lequel j'insiste en raison des sujets qu'étudie le présent comité —, nous pouvons nous vanter de n'avoir jamais réduit la quantité d'heures de nouvelles locales que nos stations fournissent à leurs communautés respectives. Nous sommes extrêmement fiers du rôle que nous jouons dans la fourniture de nouvelles locales aux communautés de l'ensemble du pays.
En fait, nous fournissons depuis plusieurs années plus de programmation locale que le minimum requis dans plusieurs des marchés que nous desservons. À Saskatoon, par exemple, nous diffusons 32 heures de programmation locale par semaine alors que le minimum exigé en vertu de la réglementation est seulement de 7 heures. À Winnipeg, nous diffusons 31,5 heures de programmation locale et, dans la région atlantique, 18,5 heures. De plus, nos journalistes et présentateurs locaux, notamment Sarah Plowman, journaliste à Winnipeg, et Tara Nelson, notre chef d'antenne à Calgary, font partie intégrante de leurs communautés.
Il est incontestable que la télévision locale est dans un état permanent de déclin structurel. En fait, depuis 2011, les revenus de publicité que génèrent les stations de télévision privées conventionnelles ont diminué de 325 millions de dollars, dont 91 millions de dollars pour les seules stations de Bell Média.
Il ne fait aucun doute que la diffusion de nouvelles locales est une entreprise coûteuse à laquelle il faut apporter des changements. C'est pourquoi, lors de la récente audience du CRTC sur la télévision locale et communautaire, nous avons proposé de réaffecter les sommes existantes dans le système et de créer un fonds qui encouragerait l'investissement dans les nouvelles locales. L'ancien Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, le FAPL, servait de bouée de sauvetage aux stations de télévision locale, et a permis à de nombreuses stations de garder leurs portes ouvertes.
Je vous cède la parole, Kevin.
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La télévision locale demeure le moyen le plus efficace d'atteindre un auditoire de masse. C'est le premier choix des Canadiens qui désirent s'informer sur ce qui se passe dans leur communauté. C'est aussi l'endroit où les téléspectateurs s'attendent à trouver les émissions de grande écoute, qu'il s'agisse de séries dramatiques populaires, d’émissions portant sur des événements phares ou d’émissions d'intérêt national.
De plus, la télévision locale contribue à faire découvrir le contenu canadien qui réside sur les plateformes numériques. Dans ce rôle, elle appuie et favorise l'écosystème numérique. C'est pourquoi il est d'une importance cruciale que la télévision locale demeure une plateforme viable.
Mais nous devons également tenir compte de la réalité commerciale à laquelle la télévision locale est confrontée. Étant donné la baisse des revenus de publicité et l'impossibilité d'accéder à d'autres sources de revenus, le modèle de gestion de la télévision locale n'est plus viable. La télévision locale en direct est la seule forme de télévision réglementée qui n'est pas associée à une source quelconque de revenus d'abonnement. Comme il s'agit d'un service dont les revenus proviennent exclusivement de la publicité, la télévision locale n'est tout simplement plus viable dans sa forme actuelle.
Certains intervenants ont soutenu que la croissance des plateformes de nouvelles numériques pourrait contribuer à la solution, ce qui est vrai. Mais les coûts liés à la collecte d'informations et à la production de nouvelles de haute qualité demeurent les mêmes, quelle que soit la plateforme sur laquelle les nouvelles sont diffusées. Il est difficile de monnayer la distribution d'émissions destinées aux plateformes numériques. Malgré cette difficulté, nous devons continuer d'investir dans ces plateformes, car c'est ce que souhaitent nos téléspectateurs. Or, ce qui nous permet de le faire, c'est justement la collecte d'informations pour les nouvelles de la télévision locale.
Cependant, il se pourrait que la situation financière de la télévision locale se dégrade encore plus à court terme.
En premier lieu, dans le but de coordonner les politiques canadiennes d'utilisation du spectre avec celles de nos voisins du Sud, le gouvernement a décidé de répartir à nouveau la bande de 600 MHz sur laquelle fonctionnent les stations de télévision en direct. Même si nous appuyons cette initiative dans son ensemble, nous devons dire qu'elle coûtera à Bell Média des dizaines de millions de dollars, sinon davantage. Cette dépense s'ajoutera à un investissement d'environ 30 millions de dollars que nous avons fait il y a cinq ans pour la conversion numérique.
En second lieu, la décision du CRTC de supprimer la possibilité de demander la substitution simultanée pendant le Super Bowl entraînera pour CTV une perte de revenus publicitaires de plusieurs millions de dollars. Même cette importante perte ne saurait se comparer à l'incidence plus générale qu'aura cette décision sur l'économie canadienne, y compris l'impact sur les annonceurs locaux qui vont perdre un important véhicule pour promouvoir leurs produits et services.
De plus, les répercussions de cette décision ne se limiteront pas à l'économie. Elles exposeront les consommateurs canadiens à des publicités de produits pharmaceutiques américains qui ne sont pas conformes aux normes de Santé Canada, de même qu'à des annonces de services financiers qui pourraient être contraires aux objectifs de politique publique du pays. L'industrie touristique canadienne perdra l'occasion de promouvoir notre pays auprès des Canadiens, et nous perdrons aussi la capacité de promouvoir des émissions canadiennes, ce que nous avons fait avec beaucoup de succès jusqu'à ce jour.
Tout cela n'est dans l'intérêt de personne.
Je vous cède la parole, Pierre.
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À la lumière des commentaires précédents, nous soumettons au présent comité les recommandations suivantes.
Premièrement, comme nous l'avons proposé dans le mémoire adressé au CRTC sur cette question, il faudrait que les fonds existants du système soient réaffectés de façon à soutenir spécifiquement les nouvelles locales.
Deuxièmement, étant donné que la télévision locale ne reçoit pas de revenus d'abonnement contrairement aux services spécialisés, une partie des revenus de 5 milliards de dollars que devrait produire la vente aux enchères de la bande de 600 MHz devrait servir à défrayer au moins les coûts engagés par les radiodiffuseurs pour relocaliser les émetteurs.
Finalement, l'impact généralisé de la décision du CRTC sur la substitution simultanée pendant le Super Bowl devrait être examiné.
En résumé, la télévision locale et, plus précisément, les nouvelles locales demeurent d'importantes priorités pour le système canadien de radiodiffusion, pour l'ensemble des Canadiens et pour Bell. C'est avec intérêt que nous lirons le rapport du présent comité sur les possibilités d'amélioration de la situation à laquelle les stations de télévision locale sont confrontées.
Nous vous remercions de nous avoir invités à exposer notre point de vue et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins d'être ici parmi nous aujourd'hui. Votre présence en grand nombre pendant toute l'heure témoigne bien de l'importance que vous avez comme participant dans cette industrie au pays.
Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'on est dans une période où le système est beaucoup remis en question? Vous avez bien constaté que beaucoup de gens vous blâment. Votre entreprise est le gros joueur et elle est souvent blâmée à plusieurs égards. Pourtant, je pense qu'il est correct qu'une entreprise fasse de l'argent. Vous êtes là pour cela et vos actionnaires sont heureux d'avoir un rendement sur leur investissement.
De toute évidence, on se doit tous de s'attarder à la santé de notre système. Dans votre présentation, vous avez évoqué certains points qui corroborent le fait que les choses deviennent difficiles, et ce, même pour vous. À la toute fin de votre présentation, vous avez dit accueillir favorablement le témoignage de quelqu'un qui a dit que les pertes publicitaires étaient très importantes en ce qui concerne les médias traditionnels.
Convient-on que le système est fondé sur le fait que les ondes publiques sont gérées par une agence gouvernementale pour s'assurer que le pays y trouve son compte et que tout cela est basé sur un marché publicitaire afin qu'on puisse offrir du contenu à meilleur coût? Cela étant dit, vous demandez-vous comment, dans notre système, on peut arriver à une décision comme celle qu'a prise le CRTC d'assurer la diffusion du Super Bowl en permettant la diffusion des publicités américaines?
Tout le monde ici se doit d'avoir à coeur la santé de notre système. Il faut que tous les joueurs fassent de l'argent, que ce soit les comédiens, les journalistes, les diffuseurs, les distributeurs ou les autres personnes. Tout le monde doit gagner sa vie, et cela doit se faire dans le meilleur intérêt du pays. Cependant, comment expliquer qu'on en soit à un point où le président du CRTC suggère une telle chose? Vu de cette façon, on se demande quel est l'intérêt à cet égard pour vous et pour les Canadiens, sinon de regarder les super publicités du Super Bowl.
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L'audience du CRTC à laquelle vous faites allusion portait sur le fonds pour les nouvelles locales que nous avons proposé. Il s'agit d'une audience récente du CRTC au sujet de la télévision locale et de la télévision communautaire. Ce que nous avons proposé, c'est qu'une partie des fonds que les distributeurs de radiodiffusion placent dans leurs chaînes communautaires, ainsi qu'un petit montant qui va au Fonds des médias du Canada, soit réacheminée vers ce nouveau fonds.
Le nouveau fonds ne servirait pas qu'à donner de l'argent. En gros, vous seriez tenus de dépenser un certain montant d'argent. Vous obtiendriez alors deux tiers du coût, et un tiers viendrait du fonds, mais seulement pour les montants dépassant le minimum établi par la réglementation. Les chaînes au Canada n'ont en ce moment aucune obligation de diffuser des nouvelles locales; elles ont l'obligation d'offrir une programmation locale. Il y aurait un minimum de base pour les nouvelles locales, par marché, et dépasser ce montant vous rendrait admissible à un tiers de vos coûts dépassant le minimum, calculés au prorata.
Ce que cela signifierait pour nous, avec ce fonds — je vous dis cela de mémoire —, c'est un montant qui se situerait entre 65 et 70 millions de dollars. J'essaie de m'en souvenir. Je crois que c'est un peu plus de 20 millions de dollars qui nous reviendraient à l'appui de nos nouvelles locales.
En guise de comparaison, quand le FAPL mentionné précédemment existait — le fonds qui existait antérieurement et qui a été éliminé à son apogée, en 2014 — nous recevions entre 23 et 25 millions de dollars, et c'était vraiment vital pour nos chaînes.
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Les revenus de la radio sont aussi en baisse; c'est une baisse marquée.
Je vais utiliser Ottawa comme exemple parce que c'est le marché que je connais le mieux, mais il est représentatif sur ce qu'on observe partout au pays. Depuis 2011, les recettes du marché publicitaire local télévisuel d'Ottawa ont baissé de 12 %, tandis que les recettes publicitaires de notre entreprise provenant de la radio locale ont baissé de 20 %.
Cette baisse découle de deux ou trois facteurs qui valent tant pour la télévision que pour la radio, comme je l'ai indiqué. Cette baisse s'explique notamment par le changement fondamental qu'on observe dans les collectivités locales. À l'échelle locale, le marché du détail est très différent de ce qu'il a été dans le passé. On constate une transition vers les boutiques et les magasins à grande surface. Au pays, une catégorie d'entreprises est en train de disparaître: je les appelle les grandes petites entreprises. Leur disparition résulte principalement de la modification des habitudes d'achat d'un grand nombre de personnes, qui se tournent vers les achats en ligne.
L'autre changement fondamental important qui touche le monde de la publicité, c'est que les investissements dans le secteur du numérique ne se traduisent pas nécessairement par des dépenses en publicité numérique. Ce que j'entends par là, c'est qu'un concessionnaire automobile local, par exemple, est maintenant forcé de décider comment dépenser chaque dollar de son budget publicitaire et qu'il doit être présent dans l'espace numérique. Pour assurer cette présence dans l'espace numérique, le concessionnaire détourne son budget pour la publicité traditionnelle et le consacre à la création et à la gestion d'un site Web ainsi qu'à la création et au maintien d'une présence dans les médias sociaux. L'argent est canalisé vers l'optimisation des moteurs de recherche, ce qui réduit l'enveloppe budgétaire de la publicité diffusée sur les stations de télévision et de radio locales.
J'estime l'effet de ce phénomène à une perte annuelle de 2,6 millions de dollars par année, uniquement pour les stations d'Ottawa, et cette perte s'accentue rapidement. Il s'agit de changements sur lesquels nous n'avons aucune incidence, peu importe ce que mon personnel ou moi-même faisons. On parle de changements structuraux fondamentaux du fonctionnement de l'économie canadienne à l'échelle locale, dans des collectivités comme Ottawa, Winnipeg, Calgary, Brandon, au Manitoba et Halifax, en Nouvelle-Écosse. Cela touche l'ensemble du pays, d'un océan à l'autre.
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Je vais commencer, et nous verrons jusqu'où nous pourrons aller, étant donné que nous avons seulement trois minutes.
La pire façon d'établir des politiques publiques est de se fonder sur le récit de l'expérience personnelle des gens, mais laissez-moi tout de même y aller de mon témoignage.
Je représente la circonscription de York—Simcoe, au nord de Toronto, à l'extrémité nord de la région de York. On y trouve des municipalités comme Georgina et East Gwillimbury, qui sont desservies par votre société affiliée CTV Two, l'ancienne station de Barrie, CKVR, connue sous le nom de « New VR ». Lorsque j'ai été élu pour la première fois, je voyais régulièrement une caméra de CKVR presque chaque fin de semaine lorsque je parcourais ma circonscription. Maintenant, j'en vois peut-être une toutes les quatre semaines, même si, pour être honnête, on voit votre hélicoptère de Toronto lorsqu'un événement important se produit.
En revanche, je ne crois pas avoir vu une seule caméra de CBC/Radio-Canada dans ma circonscription depuis des années, littéralement. Lorsqu'un événement important se produit dans les collectivités de la région, on montre généralement l'endroit à l'aide d'une carte, et une personne jointe par téléphone mentionne qu'il s'agit d'un secteur situé au nord de la région du Grand Toronto même s'il en fait partie, évidemment. Donc, lorsque je vous entends parler des difficultés découlant du fait que CBC/Radio-Canada reçoit une subvention d'un milliard de dollars par année, je ne vois pas, selon l'expérience que j'en ai, en quoi cette subvention vous empêche d'être concurrentiels dans ce marché.
Pouvez-vous me dire en quoi cette subvention nuit à votre capacité de rivaliser pour la diffusion des nouvelles locales?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Rodrigue, je reviens à la question que j'ai soulevée plus tôt en ce qui a trait à votre brochure qui s'adresse aux investisseurs. Je trouve que, depuis quelque temps, on ne mentionne plus assez souvent la façon dont notre système est interrelié.
On a des champions comme vous. Souvent, on vous demande de faire des efforts et vous répondez que vous perdez de l'argent ici ou là. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé, lors de la comparution des représentants de Rogers, si on pouvait s'assurer que lorsqu'auront lieu les grandes réunions que la ministre du Patrimoine canadien espère tenir, il y aura une conversation la plus transparente possible sur les chapeaux portés par chacun des intervenants. Plus tôt, si j'ai bien compris, on a parlé du fait que dans les domaines de la distribution, par exemple, ou de la téléphonie cellulaire le portrait est magnifique.
On a aussi mentionné que le passage vers la bande de 600 MHz va entraîner des coûts pour Bell Média, mais que cela va générer tout de même une occasion d'affaires fantastique pour les gens de la téléphonie sans fil.
Peut-on reconnaître qu'il serait utile pour tous que lorsque vous parlez à vos actionnaires et que vous vendez une action, vous puissiez dire que certaines filiales vont très bien et que d'autres vont assez mal. Il faut le portrait d'ensemble à cet égard. En somme, serait-il utile d'avoir des porte-parole séparés pour chacun?
Monsieur Rodrigue, qu'en pensez-vous?
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Premièrement, monsieur Nantel, soyez assuré d'une chose. À l'appel de la ministre, Bell, en joueur responsable, et ce, quel que soit ses secteurs d'activités, va participer aux appels de commentaires sur les aspects du numérique et du contenu canadien peu importe les plateformes.
Deuxièmement, en ce qui a trait à notre rapport avec les investisseurs, une compagnie responsable comme Bell se doit d'être la plus claire possible quant aux risques encourus. Aujourd'hui, on pourrait parler avec certitude de tout ce qui s'est passé en matière d'innovations depuis trois ans. Toutefois, on est incapables de dire avec certitude ce qui va se passer dans trois mois.
Par ailleurs, en tant que compagnie publique, Bell se doit de dénoncer différentes décisions réglementaires qui peuvent être prises quand elle s'adresse à ses investisseurs, parler de différentes manières de vivre des Canadiens et des appétits de nos annonceurs, sans savoir exactement si un autre secteur de l'entreprise va pouvoir avoir accès à ce marché.
Cependant, même si un autre secteur peut y avoir accès, quelle est l'analyse de rentabilité à faire à cet égard? Cela ne veut pas dire que les dollars qui sortent du système de radiodiffusion ou de celui des annonceurs — par exemple, les revenus publicitaires — vont être récupérés nécessairement ailleurs et avec les mêmes marges de profit. C'est pourquoi la compagnie se doit d'expliquer quels sont les risques une fois par année. C'est une obligation légale mais, en plus, c'est de cette façon que le système est construit. Il faut permettre aux investisseurs de faire des achats au bon moment.
Tout cela pour dire que si un gouvernement, qu'il soit provincial ou fédéral, demande l'opinion des acteurs du système, Bell est là et va continuer de l'être. On propose des solutions qui sont loin de toujours être retenues. Par exemple, votre collègue a demandé ce qu'on avait dit au mois de janvier dernier. Parmi les solutions qu'on avait proposées, certaines ont été retenues, mais d'autres...
Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie de nous avoir invités à vous parler d'informations locales. Ce sujet nous tient à coeur étant donné que nous représentons des travailleuses et des travailleurs qui produisent chaque jour des nouvelles locales au Québec, que ce soit à la radio, à la télévision ou encore dans un journal.
Je m'appelle Denis Bolduc et je suis secrétaire général du Syndicat canadien de la fonction publique au Québec. Je suis accompagné de Nathalie Blais, qui est conseillère à la recherche. Dans une autre vie, Mme Blais et moi avons tous deux été journalistes. Nous avons préparé notre intervention avec des travailleurs de l'information qui sont toujours en région, sur le terrain, et qui nous accompagnent aujourd'hui, soit M. Richard Labelle, qui est cameraman à TVA et vice-président radio-télévision de notre secteur des communications, et M. Jean-François Racine, qui est président du syndicat des employés de la rédaction au Journal de Québec. Ils pourront répondre à vos questions, si vous le souhaitez.
Nous ne nous attarderons pas sur la situation financière précaire de la télévision et de la presse écrite, étant donné que vous êtes déjà au courant du déclin des ventes publicitaires, mais nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que ce sont les ventes nationales qui sont en baisse. Les ventes de publicité locale, elles, sont plutôt stables. Vous pourrez le constater en consultant le Tableau 2 de notre mémoire.
Aujourd'hui, nous voulons plutôt discuter avec vous de l'importance de l'information locale pour notre démocratie et mettre l'accent sur des recommandations visant à soutenir la production de nouvelles locales.
Pour dresser la table, je vous présenterai d'abord une vue d'ensemble de l'information locale au Québec.
Au début de l'année, le SCFP a commandé une étude à la firme Influence Communication. Cette étude a été déposée en preuve au CRTC lors de sa récente consultation sur la télévision locale. Voici quelques-unes des conclusions de l'étude.
Le premier constat est qu'en 2015, la quantité d'informations de toute sorte circulant au Québec était de 42 % supérieure à celle de 2001, mais elle comportait 88 % de moins de nouvelles locales. Au total, l'information locale qui sort de sa région d'origine représente moins de 1 % de toutes les informations disponibles dans la province de Québec.
Le deuxième constat est que, si l'on compare les régions entre elles, on voit que la quantité de nouvelles locales disponibles est très variable. Ce phénomène est illustré au Tableau 4 de notre mémoire. Par exemple, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, il y a 18 % de nouvelles locales pour 275 000 habitants, tandis qu'à Montréal, il y a 1 % de nouvelles locales pour presque deux millions d'habitants.
Le troisième constat est que la quantité de nouvelles locales diffusées a un impact sur le taux de participation aux élections. Influence Communication a comparé le niveau d'informations locales au taux de participation aux élections municipales de 2013, et ce, dans chaque région. La firme a constaté que, globalement, les citoyens sont plus nombreux à voter dans les régions où il y a davantage de nouvelles locales.
L'information locale a donc un impact réel sur la démocratie. C'est la principale raison pour laquelle il faut soutenir sa production et mettre en vigueur des mesures pour conserver l'expertise des journalistes et des professionnels de l'information qui la produisent. Le modèle économique de la télévision et de la presse écrite est fragilisé, mais il faut trouver une façon de le renforcer sans porter atteinte au service d'intérêt public qu'est l'information locale.
Nous vivons une période de changements qui amène les citoyens à consommer l'information différemment. Les jeunes de 44 ans et moins consultent davantage les nouvelles en ligne alors que les gens de 45 ans et plus lisent encore le journal et écoutent les téléjournaux.
Cependant, quand l'on regarde ces statistiques, il faut garder en tête que chaque citoyen consulte plusieurs sources d'information et que les jeunes lisent également les journaux et regardent les nouvelles à la télévision. Il y a également les plus vieux, comme moi, qui s'informent sur Internet. Tout n'est pas blanc ou noir, et toutes les plateformes ont encore leur pertinence en 2016.
Le problème vient du fait que les médias doivent entreprendre un virage numérique au moment même où leurs revenus dégringolent et où la génération montante est désormais habituée à consommer des nouvelles et de l'information gratuite.
Nous suggérons donc au gouvernement fédéral de créer un nouveau crédit d'impôt pour l'achat de publicité dans les médias traditionnels canadiens, c'est-à-dire la radio, la télévision et les journaux. Le crédit d'impôt viserait à soutenir l'industrie des communications pendant la transition vers des plateformes de diffusion numérique.
Diverses études ont démontré que la publicité dans les médias traditionnels est efficace, mais un effet de mode et des prix plus bas favorisent la publicité ciblée sur Internet, dont on ne connaît pas le rendement réel. Le crédit d'impôt viendrait rééquilibrer les choses en rendant moins alléchant le coût de la publicité offerte par des entreprises étrangères, comme Google ou Facebook. Ces entreprises ne produisent pas de nouvelles, encore moins de nouvelles locales. Les médias traditionnels, par contre, sont encore à la source d'une grande part de l'information locale disponible sur Internet.
Le SCFP propose également au gouvernement fédéral de mettre en place un crédit d'impôt sur la masse salariale afin de permettre aux médias traditionnels canadiens de poursuivre leur mission d'information locale malgré la situation économique difficile. Les journaux, la télévision et la radio ont une expertise inégalée en matière d'information sur laquelle les Canadiennes et les Canadiens doivent pouvoir continuer de miser, peu importe la plateforme utilisée.
Le crédit d'impôt pourrait être versé pour chaque travailleur de l'information oeuvrant directement à la production de nouvelles locales factuelles si le média accepte de se conformer à un code de déontologie reconnu et indépendant, par exemple le Guide de déontologie du Conseil de presse du Québec. Le journalisme d'opinion serait exclu de l'application du crédit d'impôt.
Enfin, le SCFP recommande au gouvernement fédéral de mieux encadrer la collecte de données sur l'industrie des communications. La ministre du Patrimoine canadien a lancé il y a une dizaine de jours une révision de l'ensemble des mesures culturelles en place, y compris celles qui touchent les médias d'information. Toutefois, les dernières consultations du CRTC sur la télévision locale et communautaire ont montré qu'il y avait des failles dans les données disponibles. Par exemple, on ne sait pas combien de journalistes sont affectés à l'information locale au pays, ni combien d'heures ou de pages de nouvelles sont diffusées chaque semaine sur Internet, à la radio ou à la télévision. Pendant ce temps, les diffuseurs comme CTV et Global tentent de réduire leur programmation locale qui est principalement composée de nouvelles.
Pour remédier au manque de données pertinentes, le gouverneur en conseil pourrait notamment se prévaloir du paragraphe 7(1) de la Loi sur la radiodiffusion pour donner instruction au CRTC de colliger davantage de statistiques sur l'industrie qu'il réglemente. La collecte d'informations plus complète sur la presse écrite pourrait être confiée à Patrimoine canadien.
Pour conclure, le SCFP est d'avis que le journalisme professionnel qui s'appuie sur des règles de déontologie reconnues est une valeur démocratique essentielle qui doit être encouragée. Les Canadiennes et les Canadiens méritent d'être informés correctement de ce qui se passe dans leur communauté locale afin de pouvoir prendre des décisions éclairées. Le gouvernement a la responsabilité de mettre en place des mesures pour s'assurer qu'ils pourront toujours avoir accès à une information diversifiée, complète et de qualité. L'accès à l'information est essentiel pour préserver une saine démocratie.
Je vous remercie de nous avoir écoutés. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
Merci, madame la Présidente.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci.
Je m'appelle Catherine Edwards, et je suis la directrice exécutive de l'Association canadienne des usagers et stations de la télévision communautaire, ou CACTUS. Je suis accompagnée de M. André Desrochers, un membre de notre conseil d'administration, du Québec.
L'Association a été créée en 2008 afin d'attirer l'attention des décideurs sur le retard qu'accuse le secteur de la télévision communautaire canadien, jadis prospère, en ce qui concerne le virage technologique.
Trente pays reconnaissent que les médias communautaires constituent un troisième secteur de la radiodiffusion complémentaire aux diffuseurs privés et publics. Dans tous les pays, sauf au Canada, les entreprises du secteur de la radiodiffusion communautaire ont comme particularité d'être des entreprises communautaires sans but lucratif.
On voit pourtant une telle structure de propriété dans le secteur canadien de la radio communautaire. Près de 200 stations de radio communautaire sans but lucratif appartenant à la communauté font la promotion de la vie locale dans des collectivités trop petites pour accueillir une station publique ou privée et permettent l'expression d'une diversité de points de vue dans les régions urbaines.
Toutefois, la majorité des stations de télévision communautaire au pays n'appartient pas à la collectivité. Étant donné que le Canada a été le premier à offrir la télévision communautaire à la fin des années 1960, avant l'avènement des caméras vidéo portatives — on n'avait alors que des caméras de studio encombrantes et coûteuses —, le mandat de la participation citoyenne a été confié aux câblodistributeurs.
Plus de 300 studios de production des câblodistributeurs semblables à celui de Wayne's World ont vu le jour au pays, desservant la plupart des collectivités de plus de 5 000 habitants ainsi que beaucoup de collectivités plus petites. Les entreprises de câblodistribution ont limité les coûts grâce à la co-occupation des studios avec leurs têtes de réseau. Par exemple, dans une petite collectivité comme Arnprior, dans la vallée de l'Outaouais, l'employé qui installait le câble était probablement celui qui faisait fonctionner le studio et qui diffusait les bandes vidéo.
Ces chaînes ont connu un énorme succès; elles favorisaient la liberté d'expression et la diffusion d'une diversité de points de vue à la télévision. Elles offraient des cours d'initiation aux médias, formant ainsi une génération de cinéastes, de techniciens, de journalistes, d'écrivains et d'acteurs canadiens comme Guy Maddin, Dan Aykroyd et Frédéric Arnould. Elles ont aussi favorisé la participation citoyenne en offrant aux électeurs un accès direct aux élus — comme vous — par l'intermédiaire de tribunes téléphoniques fondées sur la formule « Appelez votre député », et en diffusant des reportages sur les élections et les conseils municipaux.
Tout cela a changé au début de la transition vers le numérique, dans les années 1990. Les entreprises de câblodistribution ont entrepris une consolidation et ont commencé à utiliser la fibre optique pour relier des réseaux autrefois indépendants. Les têtes de réseau n'avaient plus aucune utilité. Leur disparition a été suivie de celle de plus de 200 des 300 studios qui favorisaient la production télévisuelle dans les petites collectivités.
Même les studios des grandes villes appartenant aux câblodistributeurs ont dû affronter la concurrence des services par satellite. Dans l'espoir de retenir des abonnés, les câblodistributeurs ont délaissé les émissions favorisant l'accès des citoyens au profit de productions attrayantes produites par leur personnel.
Malgré leurs efforts, le taux de pénétration du câble est passé d'un sommet de plus de 80 % dans les années 1980 à un peu moins de 60 % aujourd'hui, de sorte qu'une faible majorité de Canadiens ont accès à une chaîne communautaire distribuée par câble, et encore moins un accès à un studio de production pour créer leur propre contenu.
Au cours de la dernière décennie, plus d'un milliard de dollars provenant des abonnements ont été investis dans ces chaînes. Or, selon Numeris, seulement 1,5 % des Canadiens regardent ces chaînes au cours d'une semaine donnée.
Des abonnés de Montréal ont même déposé un recours collectif contre la chaîne communautaire MAtv, de Vidéotron.
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Ces centres de médias numériques ne se contenteraient plus d'enseigner la production audio et vidéo; on pourrait aussi y apprendre la conception de sites Web et de jeux en ligne. Leur contenu ne serait pas seulement accessible via la câblodistribution, mais aussi sur les ondes, via satellite, sur Internet et via les appareils mobiles. Ces 150 millions de dollars seraient suffisants pour financer 250 centres de médias communautaires numériques, ce qui permettrait d'offrir de nouveau des services dans toutes les collectivités de 5 000 habitants et plus et dans bon nombre d'autres de plus petite taille également.
Le CRTC n'a pas donné suite à notre requête. Le CRTC a récemment révisé sa politique en matière de programmation télévisuelle locale et communautaire. Aux fins de cet exercice, nous nous sommes associés à des intervenants des secteurs de la radio communautaire, des médias communautaires en ligne et des jeux en ligne en vue de proposer tous ensemble une politique unique et cohérente visant à faire entrer les médias communautaires canadiens dans le XXe siècle. Nous vous avons d'ailleurs remis un résumé de notre rapport de recherche et de nos propositions dans les deux langues officielles.
Dans le contexte de votre étude, les centres de médias communautaires numériques pourraient apporter une contribution pertinente sous trois aspects.
Il y a d'abord l'acquisition de compétences. Tout le monde peut bien avoir accès à Internet, mais cela ne signifie pas que l'on sait l'utiliser à bon escient ou que l'on se conforme nécessairement aux normes journalistiques applicables. Dans le secteur communautaire, nous pouvons produire une heure de contenu pour moins du dixième du coût des secteurs public et privé — 500 $ comparativement à plus de 6 000 $ — parce que nous faisons appel à des travailleurs bénévoles et aux infrastructures communautaires, mais il faut tout de même des installations et des professionnels pour former les gens.
En second lieu, il faut que les médias soient davantage présents dans un plus grand nombre de collectivités. Lors des récentes audiences du CRTC sur la télévision locale et communautaire, nous avons appris qu'il y avait des stations de télévision publiques et privées dans seulement 59 villes canadiennes, dont la plupart ont une population dépassant les 100 000 habitants. Même si, à titre d'exemple, un fonds de nouvelles locales était créé à partir des 150 millions de dollars actuellement consacrés au soutien à la télévision communautaire, comme certains l'ont proposé, il servirait principalement à appuyer le travail de stations déjà existantes dans les grandes villes canadiennes. En outre, tout le monde reconnaît qu'un tel fonds servirait au mieux de cataplasme, et ne constituerait pas une solution à long terme.
En revanche, la création d'un fonds d'accès aux médias communautaires, tel que proposé par CACTUS, permettrait la réouverture non seulement de studios de télévision, mais de centres complets de production multimédia et de formation dans près de 200 localités canadiennes qui s'ajouteraient aux 59 grandes villes déjà desservies. Nous sommes le seul secteur à pouvoir prendre un tel engagement à votre endroit. Les médias communautaires peuvent desservir les minorités francophones dans les marchés de petite et moyenne tailles ainsi qu'une partie de nos quelque 500 collectivités des Premières Nations. Le rapport « Médias numériques et émergents: les possibilités et défis » produit par votre Comité en 2012 allait d'ailleurs dans le sens de notre proposition en faveur de la création de centres de médias communautaires numériques.
Troisièmement, la diversité serait rétablie. Comme vous l'indiquait M. Winseck, la concentration de la propriété des médias est extrêmement élevée au Canada. Plus cette propriété est concentrée, moins il devient logique que ces grandes entités contrôlent le secteur dit communautaire, dont le mandat consiste justement à offrir cette diversité des voix tant recherchée.
D'après nous, le Canada a besoin d'une nouvelle vision des médias communautaires qui permettra à nos citoyens et à nos jeunes d'acquérir les compétences numériques dont ils ont besoin pour créer leur propre contenu, soutenir la concurrence à l'échelle internationale et entreprendre un dialogue significatif qui ne se limitera pas aux 132 caractères de Twitter ou à des plateformes fragmentées comme Facebook. C'est le secteur communautaire qui permettra d'optimiser les ressources en vue d'offrir un reflet fidèle de nos collectivités dans l'ensemble des médias. Les ressources existent déjà; il suffit de savoir les déployer efficacement.
Voici donc nos recommandations. Premièrement, le ministère du Patrimoine canadien devrait élaborer une politique pancanadienne des médias communautaires numériques visant à la fois les nouveaux médias et ceux qui sont plus traditionnels. Deuxièmement, nous proposons la création d'un fonds d'accès aux médias communautaires pour le financement de centres de production locaux misant sur les médias numériques. Troisièmement, les recettes d'abonnement des EDR destinées à la télévision communautaire devraient être affectées à ce fonds. Quatrièmement, la prestation de services dans ces centres communautaires au moyen de ce fonds devrait être coordonnée avec quatre autres ministères, à savoir le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique et le ministère de l'Emploi, du Développement de la main-d'oeuvre et du Travail, relativement au mandat de formation pour l'acquisition de compétences numériques; le ministère des Institutions démocratiques, relativement au mandat civique et démocratique des médias communautaires; et le ministère de l'Infrastructure et des Collectivités, étant donné que les centres de médias communautaires représentent une infrastructure importante.
Nous vous sommes très reconnaissants des efforts que vous consacrez à cette étude d'une grande importance. Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions.
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En fait, il faut trouver un moyen d'encourager les médias à produire de la nouvelle locale. Nous constatons la même tendance que vous décrivez, avec justesse d'ailleurs, et cela nous préoccupe. Nous constatons depuis plusieurs années l'effritement de l'importance de la nouvelle locale dans les médias.
J'ai commencé en 1985 comme journaliste au Journal de Québec . Je n'y suis plus depuis 2011. À l'époque, au Journal de Québec, au quotidien Le Soleil, au réseau TVA et à Radio-Canada, on allait partout en région, que ce soit dans le Bas-Saint-Laurent ou ailleurs, pour faire de la nouvelle locale. Aujourd'hui, il faut vraiment de grandes nouvelles pour faire sortir les journalistes des villes et des centres. Sinon, ils ne sortent plus. Nous avons la même préoccupation que vous à ce sujet.
Quand on analyse la situation, on voit qu'il faut des incitatifs. Les entreprises parlent d'argent. Il faut donc trouver un incitatif financier, et c'est pour cela que nous proposons une solution toute simple, à savoir le crédit d'impôt. Si, pour de la publicité locale dans les médias traditionnels, une entreprise dans une petite ville a un budget publicitaire de 50 000 $ par année et reçoit un crédit d'impôt de 20 % par exemple, peut-être qu'elle choisira quand même d'investir ses 50 000 $ de publicité plus les 20 % pour avoir davantage de publicité. Cela fera rouler un peu les choses et encouragera les médias à produire de la nouvelle locale.
Je pense que l'incitatif doit être d'ordre financier, et c'est pour cela que nous proposons de telles solutions. On peut bien parler des principes, mais, de notre côté, nous sommes préoccupés par la qualité de l'information. C'est pour cela que nous faisions référence dans notre mémoire à un code de déontologie. Il faut que ce soit rattaché à cette question.
Les entreprises demandent de plus en plus aux professionnels de l'information de produire plus de nouvelles sur plusieurs plateformes et de consacrer de moins en moins de temps à valider les nouvelles, mais d'alimenter de plus en plus toutes sortes de plateformes. De notre côté, nous parlons de qualité de l'information, ce dont les grandes entreprises ne parlent pas beaucoup. La quantité nous préoccupe, mais la qualité nous préoccupe également.
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J'aimerais qu'on fasse d'abord la distinction entre la diffusion numérique, la diffusion sur des plateformes numériques et la production numérique.
Cela fait plus de 20 ans qu'on produit en numérique. Il n'y a donc pas d'enjeu sur le plan de la production. L'enjeu a plutôt trait à la diversité des plateformes numériques qu'il faut alimenter. Comme l'a dit Denis plus tôt, cela prend beaucoup plus de temps à un seul journaliste d'alimenter plusieurs plateformes que de produire une nouvelle et de la livrer dans un média comme la télévision ou un journal. Il dispose de moins de temps pour faire toutes ses vérifications.
Il y a aussi l'impact technologique. Étant donné que les appareils sont plus faciles à utiliser, des journalistes sont maintenant aussi des cameraman et des monteurs. Parfois, on leur demande de faire la transmission de leurs reportages à distance. On peut imaginer ce que cela représente. Auparavant, on passait une journée entière pour un reportage, mais maintenant, le reportage couvre le tiers de la journée. Le reste du temps, on fait le montage, l'envoi du reportage et on s'assure que la technique fonctionne. Là aussi, il y a une perte de qualité.
C'est pour cette raison que nous proposons un crédit d'impôt sur la masse salariale. Leurs revenus étant en diminution, les médias réduisent leur personnel et rationalisent en utilisant cette technologie, de sorte qu'on y perd sur le plan de la qualité. Ce n'est pas de la mauvaise volonté. C'est le système qui amène l'information dans ce sens.
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Merci, madame la présidente.
Merci pour ce document de 170 pages sur les politiques en matière de télévision communautaire dont j'ai terminé la lecture à 2 heures du matin.
C'est une situation qui semble inévitable pour le Comité du patrimoine. À toutes les fois qu'un témoin se présente devant nous, c'est pour obtenir un soutien quelconque. Nous venons d'entendre les représentants de Bell et nous savons tous de quoi il en retourne.
Si vous me permettez, je vous dirais que Bell a acheté CTV pour une seule raison: l'entreprise avait besoin de contenu. Ne les plaignez pas trop, car ils ont obtenu ce qu'ils cherchaient. Bell a acheté CTV parce qu'elle avait besoin de contenu pour ses sites Web et ses stations de télévision, notamment.
Madame Blais, vous parlez d'un crédit d'impôt sur la masse salariale. Comment est-ce que cela va fonctionner? Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
Tous ceux qui comparaissent devant le Comité du patrimoine veulent de l'argent. Que ce soit pour l'amélioration des nouvelles locales ou pour un autre usage, chacun veut sa part du gâteau, mais je ne sais pas comment on peut satisfaire tout le monde. Vous venez de nous proposer une nouvelle forme de financement. Expliquez-nous donc de quoi il s'agit, car nous devons composer avec ce genre de requête depuis maintenant trois mois. On ne sait pas vraiment si des ressources sont disponibles, mais on sollicite encore notre aide. D'où vient cette idée de crédit d'impôt sur la masse salariale?
On voulait sortir de la proposition d'un fonds qui financerait directement l'information. On a alors cherché à trouver une solution qui fournirait un financement relié à des responsabilités. On propose en effet un crédit d'impôt. L'argent viendrait donc du gouvernement, mais ce crédit d'impôt entraînerait un résultat.
On constate qu'il y a de moins en moins de journalistes dans les régions. Les gens couvrent ce qui se passe près de la station, mais s'éloignent de moins en moins de la station ou du journal. Pour stimuler cette couverture régionale, on propose un crédit d'impôt sur la masse salariale. Présentement, dans les médias où certains de nos membres travaillent, on réduit le personnel local pour centraliser la production. Par exemple, au cours des prochains mois, TVA va centraliser à Montréal la production pour les stations de Sherbrooke et de Trois-Rivières. Par conséquent, des gens en région vont perdre leur emploi.
S'il y a perte d'emploi en région, l'économie y est moins forte. C'est la raison pour laquelle on pense que le crédit d'impôt, même s'il s'agirait d'argent supplémentaire versé par le gouvernement, constituerait un atout pour l'économie régionale.
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Je ne peux exprimer une opinion éclairée que du point de vue du secteur communautaire. L'audience de 2008 sur la diversité des voix a eu lieu avant les dernières mégafusions — soit avant que Bell ne fasse l'acquisition de CTV et Shaw, celle de Global. Comme le professeur Winseck l'a indiqué, nous sommes actuellement dans un environnement médiatique plus concentré qu'à l'époque où la question préoccupait le CRTC.
Les médias communautaires estiment que, au niveau de la base en démocratie, cette politique constitue une sorte de soupape de sûreté à utiliser en dernier recours. Par exemple, lorsque personne ne voulait parler de façon impartiale du jeune réformiste de l'Ouest qui appelait Stephen , celui-ci se faisait entendre dans les médias communautaires à Calgary. À l'époque, j'étais la coordonnatrice bénévole de ces médias communautaires. Quand Elizabeth ne peut se faire entendre sur une grande plateforme médiatique, elle peut se tourner vers les médias communautaires.
Dans un contexte de très forte concentration médiatique, cette possibilité est extrêmement importante. C'est dans un tel contexte que les médias communautaires sont les plus nécessaires pour présenter une diversité de voix et permettre, même aux journalistes de métier... Nous avons organisé une assemblée publique à Toronto l'an dernier pour discuter de la mise sur pied d'une plateforme de médias communautaires à Toronto. À notre étonnement, outre les participants habituels — les représentants de groupes minoritaires, des personnes handicapées et des Éthiopiens qui ont souligné que les médias grand public ne leur accordent aucune attention —, la moitié de l'auditoire était composée de communicateurs professionnels qui ont dit: « Nous voulons simplement que notre voix soit entendue quelque part. Nous n'arrivons même pas à faire diffuser nos documentaires où que ce soit, même s'ils portent sur un sujet important. De plus, nous ne trouvons pas de formation. » Comme Mme Blais l'a indiqué, la situation est très difficile. À la société CBC/Radio-Canada, un rédacteur annonceur n'est même pas autorisé à toucher un câble audio. Il est difficile d'acquérir ce genre de compétences.
Compte tenu de toutes ces raisons, les médias communautaires nous permettent d'assurer une diversité de voix, à tout le moins au niveau de la base. Cette diversité a un effet d'entraînement et constitue le fondement créatif de notre industrie de la production télévisuelle.
Je crois effectivement que cette politique doit être mise à jour. De plus, j'estime que les médias communautaires ont un rôle considérable à jouer à cet égard.
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Cette formule pose deux problèmes.
À l'heure actuelle, en vertu de la politique du CRTC sur les canaux communautaires, les câblodistributeurs sont censés consacrer la moitié de leur calendrier et de leur budget aux canaux communautaires pour permettre aux citoyens de s'exprimer. Cette politique vise à inciter les câblodistributeurs à fournir un accès aux ondes aux membres de la collectivité. Rogers demande en quelque sorte s'il est possible de prendre de l'argent consacré à des canaux communautaires de grandes villes, comme Toronto, et de l'utiliser pour des canaux de petites localités. Je dis petites localités, mais comme le service a été éliminé dans les très petites localités, il s'agit en fait de villes moyennes où on trouve généralement d'autres radiodiffuseurs privés et publics. Rogers veut simplement avoir plus d'argent pour soutenir la concurrence sur ces marchés.
Il souhaite réduire le pourcentage d'accès à 30 % dans ces marchés et utiliser l'argent pour embaucher des journalistes professionnels pour le service des nouvelles. Là encore, ce n'est pas l'utilisation que la loi avait prévue pour cet argent. Bref, Rogers cherche à obtenir davantage de marge de manoeuvre pour dépenser comme bon lui semble ce 2 % de recettes qui doit être consacré aux médias communautaires. Le câblodistributeur souhaite offrir des productions professionnelles. C'est d'ailleurs ce qu'il fait depuis 20 ans. Comme je l'ai expliqué dans mon exposé, Rogers tend à professionnaliser ses canaux communautaires pour faire concurrence aux diffuseurs par satellite.
En ce qui nous concerne, cette façon de faire n'améliorera pas les services aux petites collectivités. Elle ne fera que permettre à Rogers de soutenir la concurrence dans les localités moyennes déjà desservies par des radiodiffuseurs privés et publics. Elle ne permettra pas non plus de mieux couvrir l'actualité ou d'ouvrir de nouvelles stations.
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Je souscris à cette motion et je vais l'appuyer. J'aurais préféré que nous examinions les cas séparément au fur et à mesure qu'ils se présentent et qu'il soit possible de donner un préavis d'au moins 48 heures pour chacun, mais le principe demeure le même et il est valable.
Paradoxalement, dans sa lettre, Mme soutient que cette motion limite les droits des députés. Or, c'est précisément le contraire. Il s'agit d'une motion qui donne aux députés indépendants le droit de proposer des amendements lors de l'étude en comité, ce qu'ils ne pouvaient pas faire auparavant.
Néanmoins, cette motion peut empêcher un député, comme cela est déjà arrivé dans le passé, notamment à Mme , de paralyser les travaux de la Chambre pendant des jours, littéralement toute la nuit, par une série interminable de votes sur des motions présentées non dans le but de débattre sérieusement mais plutôt de simplement paralyser les travaux. Cette situation était attribuable au fait qu'il n'était pas possible de présenter des amendements lors de l'étude en comité. C'est pour cette raison que les amendements faisaient l'objet d'un vote à l'étape du rapport.
La motion de Mme Dabrusin donne aux députés indépendants la possibilité de participer pleinement aux travaux du Comité, notamment en proposant des amendements. Par conséquent, il s'agit d'une approche judicieuse pour assurer le bon déroulement de nos travaux, tant au Comité qu'à la Chambre.