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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 078 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité étudie les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques au Canada. Nous entendrons d'abord les quatre exposés. Chaque groupe dispose de 10 minutes pour le présenter. Nous entendrons trois groupes durant la première heure. À la fin de votre exposé, vous serez invités à répondre aux questions des membres. Je vous ferai signe au bout de huit minutes pour que vous sachiez qu'il ne vous en reste plus que deux pour conclure. Je devrai malheureusement vous interrompre au bout de 10 minutes.
    Bienvenue à Reuven Bulka ainsi qu'à l'organisation B'nai Brith Canada, représentée par Michael Mostyn et David Matas. Je souhaite aussi la bienvenue au Centre consultatif des relations juives et israéliennes, représenté par Shimon Fogel, son président-directeur général.
    J'invite Reuven Bulka à commencer. Vous avez 10 minutes.
    Je n'ai pas l'habitude de parler moins de 10 minutes, je vais donc faire mon possible.
    C'est agréable d'être ici avec vous tous. Je ne représente aucune organisation. Je ne parle pas non plus en mon nom personnel, je suis simplement venu vous faire part de certaines expériences que j'ai vécues au fil des ans. Je suis très content de prendre place à cette table qui réunit, sans exagérer, de renommés défenseurs des droits de la personne et de militants qui cherchent à faire du Canada un pays encore plus inclusif et meilleur.
    Je tiens d'abord à vous remercier, madame la présidente et membres du Comité, pour tous les efforts que vous déployez. Nous vous en félicitons. Je vais vous raconter — en faisant une petite digression avant d'entrer dans le vif du sujet — une expérience spéciale que j'ai vécue il y a une douzaine d'années.
    À l'époque, l'intimidation à l'école était l'un des principaux problèmes auxquels était confronté le système scolaire d'Ottawa. Ce problème est réapparu un peu plus tard, c'est un problème persistant. D'une certaine manière, l'intimidation à l'école est le reflet d'un problème plus généralisé qui consiste à exploiter les personnes vulnérables. Il reflète également la réalité de l'exclusion par opposition à l'acceptation de l'inclusion.
    À l'époque, nous avons donc lancé, à Ottawa, la Semaine de la bonté. Notre approche consistait non pas à nous attaquer directement à ce qui est mauvais, mais à promouvoir ce qui est bon. Au lieu de condamner directement la pratique de l'intimidation, un problème pourtant bien réel, nous le savons pertinemment, nous avons voulu adopter une attitude positive en mettant l'accent sur les gestes qu'il fallait poser et encourager.
    Cette approche a fonctionné et elle fonctionne toujours. La Semaine de la bonté en est à sa 13e année à Ottawa.
    Forts du succès de ce programme, nous avons créé, il y a quelques années, l'organisation Kind Canada Généreux, qui met l'accent, à la grandeur du pays, sur les choses que nous devons faire pour que le Canada devienne un endroit encore plus généreux.
    Par exemple, nous sommes en train d'établir un programme scolaire de la maternelle à la 12e année, dans toutes les écoles anglophones, francophones et autochtones. Il faudra encore attendre quelques années avant qu'il soit mis en oeuvre, mais l'idée est d'instaurer un climat de bonté, de respect et de générosité.
    J'ai un petit problème avec le mot « tolérance ». J'ignore si c'est un mot que vous avez l'habitude d'employer, mais il finit toujours par faire surface. On nous demande d'être un pays tolérant. Je pense que tout le monde serait d'accord avec moi pour dire que l'une des pires choses qui puissent arriver, c'est de vivre dans un pays intolérant. Or, la marge entre l'intolérance et la tolérance est bien mince parce que la tolérance précède de peu l'intolérance. C'est un mot rabaissant et condescendant.
    Je suis beaucoup plus favorable au positif, à l'harmonie, au respect, à l'accueil et à l'inclusion. Il ne s'agit pas d'éviter le négatif —  ce qui deviendrait négatif en soi —, mais de chercher à instaurer une culture dans laquelle chacun est apprécié avec ses différences. L'approche de la bonté que nous préconisons dans le programme scolaire met l'accent sur le positif et donne aux gens quelque chose sur quoi s'appuyer pour interagir avec autrui.
    Nous sommes tous réunis ici aujourd'hui parce que nous reconnaissons l'importance de cette initiative et constatons qu'il existe une tribune pour l'intimidation. J'interviens constamment à la tribune, mais pas pour faire de l'intimidation; ce n'est pas mon genre. Il existe cependant une tribune pour promouvoir, dans toutes les sphères de la société canadienne, la notion d'inclusion, la notion d'harmonie qui découle de l'acceptation de chacun, et pour encourager également les écoles et les milieux de travail à se doter de programmes qui acceptent chacun d'entre nous tels que nous sommes et misent sur nous parce que nous pouvons tous faire partie de ce merveilleux pays. C'est là l'idée que promeut notre organisme Kind Canada Généreux et que je vous encourage fortement à promouvoir.
    Mes collègues seront beaucoup plus compétents que moi pour aborder tous les détails de la loi. J'aborde la question sous un autre angle et je m'interroge sur les mesures positives à prendre pour éliminer ces problèmes, non pas en les attaquant directement, mais en mettant l'accent sur la bonté inhérente à chacun de nous qui peut nous aider à faire du Canada un pays encore meilleur.
    Je cède avec plaisir le temps qui me reste à mes collègues.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup. Il vous reste environ quatre minutes.
    Très bien.
    Monsieur Bulka, je suis heureuse que vous ayez mentionné le mot « tolérance ». En ma qualité de ministre responsable du multiculturalisme, je ne l'ai jamais employé parce que pour nous, médecins, ce mot est associé à la douleur. Nous tolérons quelque chose, la douleur, par exemple.
    Je préfère le mot « respect ». Le respect d'autrui signifie que nous savons que chacun de nous apporte quelque chose de positif à la table et que nous sommes dignes d'être là.
    Merci.
    La parole est maintenant à B'nai Brith. Je ne sais pas qui parlera en premier, Michael ou David.
(1540)
    Merci, je vais prendre la parole en premier.
    D'accord, merci. Allez-vous partager votre temps?
    Oui.
    Je vous remercie, madame la présidente. Nous remercions le Comité de nous avoir invités à comparaître.
    Mon collègue, David Matas, notre conseiller juridique principal, vous expliquera plus en détail certaines de nos principales observations. Nous avons de la documentation supplémentaire pour étayer notre témoignage.
    Créée en 1875, B'nai Brith Canada est la plus ancienne organisation nationale juive du pays et se porte fièrement à la défense des droits fondamentaux non seulement des Canadiens de confession juive, mais de l'ensemble des citoyens du pays. Nous défendons les intérêts des groupes juifs locaux, notamment la liberté de conscience et de religion.
    B'nai Brith s'attaque au double problème de l'antisémitisme et du discours haineux, les reliant à la menace plus généralisée de discrimination et de non-respect des droits de la personne, un problème universel qui touche tous les Canadiens et les citoyens du reste du monde. L'antisémitisme n'est que la partie visible des dangers qui accompagnent généralement les préjugés et la discrimination.
    Le Comité a l'occasion de demander que doivent faire les Canadiens pour affronter les défis qui se posent pour les communautés à risque, celles qui sont la cible de racisme systémique et de discrimination religieuse. L'étude du Comité et ses résultats doivent être reconnus par l'ensemble des Canadiens et porter sur les communautés qui sont la cible de racisme et de discrimination, y compris les citoyens juifs du Canada, qui sont constamment la cible de l'antisémitisme.
    L'étude entreprise par le Comité et ses résultats ne doivent pas diminuer ni être perçus comme diminuant la menace qui plane sur les Canadiens de toute confession visés par le racisme ou la discrimination religieuse. Ils ne doivent pas non plus laisser entendre qu'une forme de racisme ou de discrimination religieuse est plus menaçante ou prioritaire qu'une autre.
    Dans son étude et ses conclusions, le Comité doit faire preuve d'une grande prudence dans sa définition de l'islamophobie, si jamais il essayait de définir ce terme. Une définition floue et imprécise, acceptée par une communauté mais non par la totalité, ou qui déclenche un débat émotif ou irrationnel quant à sa portée et à sa signification, risque d'attiser les tensions entre les groupes confessionnels et à l'intérieur de ceux-ci et détourner le Comité de son objectif.
    Mon collègue David Matas vous parlera de la menace constante de l'antisémitisme au Canada. Contrairement à ce que certains pensent, l'antisémitisme n'est pas seulement le fait d'éléments marginaux de notre société. Depuis 1982, B'nai Brith Canada publie un relevé annuel des incidents antisémites au Canada, dont vous avez copie. Sur une période de cinq ans, on constate une hausse de l'antisémitisme. Selon Statistique Canada, en 2015, la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres complets, la communauté juive a été le groupe le plus visé par des crimes haineux dans notre pays, une grave tendance qui se maintient malheureusement depuis neuf ans.
    Dans les années 1980 et 1990, la plupart des crimes haineux antisémites étaient le fait de groupes d'extrême-droite, mais nous constatons malheureusement une recrudescence du nombre d'incidents antisémites perpétrés par des membres de la communauté musulmane, parfois par ceux qui prétendent agir ou parler au nom de l'Islam. Nous savons que cette tendance inquiète de nombreux dirigeants musulmans, tout comme elle suscite l'inquiétude de la communauté juive.
     C'est pourquoi nous reconnaissons l'importance de votre étude de la motion M-103 et souhaitons qu'elle ait une vaste portée. En mettant l'accent de manière disproportionnée sur l'islamophobie, vous donneriez l'impression que les musulmans sont les seuls au Canada à être la cible de crimes haineux. Nous sommes tout aussi inquiets face aux crimes haineux perpétrés contre des Canadiens de confession juive par des éléments radicaux de la communauté musulmane. Nous avons fait état de plusieurs incidents de ce genre et nous craignons que la loi ne soit pas appliquée assez rigoureusement pour traiter ces crimes haineux.
    Le Comité a l'occasion de renverser cette tendance et d'envisager des mesures appropriées, en exposant les faits, en préconisant l'éducation et en mettant l'accent sur les conséquences qui attendent ceux qui contreviendront à la Charte et au Code criminel. Il faut signifier clairement aux forces policières qu'elles doivent appliquer la loi.
    Le Canada ne peut devenir un havre pour les fanatiques anti-Islam. B'nai Brith Canada considère l'antisémitisme comme la partie visible des dangers généralement associés aux préjugés et à la discrimination, y compris ceux qui planent sur les membres de la communauté musulmane du Canada. De la même manière, nous devons nous assurer que personne ne peut se cacher derrière le principe voulant que toute critique de l'Islam soit une forme d'islamophobie, ou derrière une définition floue de ce concept.
    Nous espérons que le Comité gardera à l'esprit qu'au Canada, la minorité religieuse la plus visée par le discours et les crimes haineux est la communauté juive. Nous vous ferons part plus tard de nos recommandations.
    Je donne maintenant la parole à David Matas.
    Je tiens à vous dire à quel point nous sommes honorés de vous recevoir comme témoin.
    Je vous remercie pour vos bons mots et j'ajoute que c'est un honneur d'être ici, en particulier de vous avoir comme présidente.
    Je constate que la motion M-103 nomme seulement l'islamophobie, mais elle ne porte pas seulement sur l'islamophobie. Parallèlement, je rappelle au Comité que l'islamophobie ne peut et ne doit être ignorée, autant son concept que les mesures à prendre pour contrer ce problème.
    Au sens littéral, « islamophobie » signifie « peur irrationnelle de l'Islam ». Cette notion reconnaît l'existence de son contraire. Par exemple, la claustrophobie n'englobe pas toutes les formes de la peur d'être confiné dans un espace restreint. Cette peur est parfois rationnelle. De la même manière, l'islamophobie n'englobe pas toutes formes de la peur de l'Islam. Cette peur peut aussi être rationnelle. Les adhérents de certaines factions de l'Islam prêchent la haine et le terrorisme, incitent à la haine et au terrorisme et commettent des actes motivés par la haine et des crimes terroristes. La peur de ces formes de l'Islam est une réponse rationnelle à la menace qu'elles représentent.
    Par exemple, il faut être téméraire pour ne pas avoir peur d'al-Qaïda, de l'EI, des talibans en Afghanistan, du Hezbollah au Liban, du Hamas à Gaza, du Jihad islamique en Syrie, des Brigades des martyrs d'al-Aqsa en Cisjordanie ou d'al-Shabaab en Somalie. De nombreux groupes islamiques terroristes figurent à la liste des entités terroristes visées par la loi canadienne. Nous avons des militaires en Afghanistan qui forment et conseillent l'armée dans son combat contre les talibans. Craindre certaines factions de l'Islam, c'est une question de prudence tout simplement.
    L'islamophobie est un terme mal choisi parce qu'il a une portée trop large. Nous ne devons toutefois pas être emportés dans le combat contre ce qui est trop large et aller à l'extrême opposé en minimisant, ignorant ou, pire encore, en s'opposant à la peur de ces factions de l'Islam que nous avons toutes les raisons de craindre.
    L'islamophobie ne surgit pas du vide. Elle procède d'une peur de l'incitation à la haine et au terrorisme et de la perpétration d'actes terroristes par des éléments de la communauté islamique. Pour combattre l'islamophobie, il faut cibler les véritables menaces émanant de l'intérieur de la communauté islamique et non les citoyens innocents qui n'ont rien à voir avec ces menaces.
    Lutter contre une menace d'incitation à commettre des actes haineux ou terroristes, de manière directe et proportionnée, c'est plus facile à dire qu'à faire. Cela nous oblige parfois à prendre des décisions difficiles. Je reconnais que c'est trop demander au Comité d'examiner les diverses mesures adoptées ou rejetées par d'autres gouvernements du monde pour lutter contre les menaces et les actes de haine et de terreur de la part d'islamistes radicaux. Nous pensons toutefois que le Comité pourrait proposer des critères étayés par des exemples, susceptibles de guider ceux qui sont directement engagés dans la lutte contre les menaces d'actes haineux ou terroristes de la part d'islamistes radicaux. Ces critères et ces conseils pourraient les aider à déterminer si une mesure prise pour contrer la menace d'islamistes radicaux est proportionnée ou si elle est islamophobe.
    La résolution de la Chambre des communes demande au Comité d'appliquer une approche globale et, en ce qui concerne l'islamophobie, cette approche doit avoir un double objectif: protéger les victimes de l'islamophobie et lutter contre l'incitation à des actes haineux et terroristes de la part d'éléments de la communauté islamique.
    Je vous remercie.
(1545)
    Merci beaucoup.
    C'est incroyable, vous êtes tous bien en deçà de vos 10 minutes, ce qui me laisse beaucoup de temps. C'est très bien.
    Rabbin Fogel...
    D'accord.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Nous remercions les membres du Comité d'avoir invité le Centre consultatif des relations juives et israéliennes à témoigner. Notre organisation représente les intérêts des fédérations juives du Canada.
    Nous sommes une organisation nationale, non partisane et sans but lucratif qui représente plus de 150 000 Juifs canadiens appartenant à des fédérations locales dans l'ensemble du pays. À l'instar de notre organisation soeur, B'nai Brith, nous nous sommes engagés à collaborer avec le gouvernement et tous les groupes aux vues similaires à faire en sorte que le Canada demeure un pays où chacun jouit de chances et de protections égales.
    Le Canada est un pays extraordinaire, surtout pour les membres de groupes minoritaires. C'est l'un des pays les plus diversifiés, inclusifs et respectueux du monde. Cependant, la haine persiste au sein de divers groupes marginaux de notre société. Nous devons rester vigilants pour nous assurer que la haine ne gagnera pas de terrain et pour la pousser dans ses derniers retranchements.
    Confronter la haine est une expérience que les Juifs du Canada connaissent trop bien. Les rapports successifs de Statistique Canada et des services policiers de partout au pays ne cessent de confirmer, comme on vient de le dire, que les citoyens juifs du Canada sont la minorité religieuse la plus ciblée par des crimes haineux, tant en nombre absolu qu'en nombre par habitant.
    À l'échelle nationale, en 2015, ils ont été la cible de 54 crimes haineux pour 100 000 habitants. Bien que ce chiffre soit relativement similaire à ceux des années précédentes, on note une augmentation des incidents haineux visant d'autres minorités, dont la communauté musulmane. En fait, la communauté musulmane a été le deuxième groupe le plus souvent ciblé, soit 15 incidents pour 100 000 habitants.
    À l'échelle locale, les chiffres confirment cette tendance. Permettez-moi de vous donner quelques exemples de la région métropolitaine de Toronto qui compte la plus importante communauté juive du pays.
    En 2016, la police de Peel a recensé 23 incidents antisémites, une augmentation de 155 % par rapport aux 9 incidents signalés en 2015 et la plus forte augmentation en matière de victimisation d'un groupe identifiable. Au cours de la même période, il y a eu une diminution de 92 % des crimes contre des chrétiens, passant de 13 à 0, et une diminution de 54 % de crimes antimusulmans, passant de 11 à 5. Les juifs représentent environ 0,2 % de la population de Peel, mais ils ont été visés par 39 % des crimes haineux. À Toronto, la communauté juive ne représente que 3,8 % de la population, mais elle a été la cible de près de 30 % des crimes haineux en 2016.
    Je vous fais part de ces chiffres non pas pour mettre en évidence la victimisation des juifs, mais pour vous donner une idée de l'expérience que vit notre communauté par rapport aux problèmes que vous étudiez. En même temps, je constate que les pourcentages peuvent sembler alarmants et trompeurs.
    Dans la région de York, en 2016, les crimes haineux antisémites ont diminué de plus de 10 %, tandis que les crimes antimusulmans ont augmenté de plus de 18 %. Ces pourcentages peuvent paraître élevés, mais si vous regardez les chiffres réels, vous constatez que les incidents antisémites sont passés de 19 à 17, tandis que les incidents antimusulmans ont augmenté de 11 à 13.
    Il est important de ne pas perdre de vue le fait que dans l'ensemble, les Canadiens sont incroyablement accueillants, respectueux et ouverts et que les crimes haineux, même s'ils sèment la panique et sont souvent tragiques, sont peu fréquents. En 2016, à Peel, 38 154 infractions au Code criminel ont été signalées. De ce nombre, seulement 59, ou 0,15 %, ont été qualifiées comme étant motivées par la haine. Cela n'empêche pas qu'un seul crime haineux, c'est déjà un de trop.
    Le Canada est un pays extraordinaire pour les minorités. Nous pensons que les recommandations suivantes permettraient d'en faire un pays encore meilleur et nous espérons que chacune d'entre elles aura l'approbation unanime du Comité. Voici quatre points à prendre en considération.
    Premièrement, améliorer les données.
    Actuellement, la collecte et la publication de données sur les crimes haineux et les incidents motivés par la haine varient grandement d'un service policier à l'autre. J'ai fait état de statistiques de Peel, de Toronto et de la région de York, qui sont toutes accessibles, mais comme les rapports produits par ces trois régions voisines fournissent des renseignements différents, il est parfois difficile de faire des comparaisons directes. D'autres municipalités, comme Montréal, ne communiquent pas de données sur les crimes haineux perpétrés contre des groupes identifiables. Cette lacune se fait sentir sur les chiffres compilés par Statistique Canada, ce qui fait en sorte que les décideurs, comme chacun d'entre vous, n'ont pas accès à des données complètes.
(1550)
    Ce comité devrait recommander que le gouvernement établisse des lignes directrices et des normes uniformes à l'échelle nationale pour la collecte et le traitement des données sur les crimes haineux et les incidents à caractère haineux.
    Cette mesure permettra de veiller à ce que les responsables de l'application de la loi à l'échelle locale, provinciale et nationale recueillent, répertorient et diffusent de façon uniforme les données concernant les crimes haineux et les incidents à caractère haineux. Plus les données disponibles seront précises et exhaustives, plus les efforts en vue de contrer la haine et le sectarisme au Canada pourront être adaptés pour répondre aux besoins particuliers des communautés les plus touchées. Des données empiriques exhaustives sont nécessaires pour diagnostiquer efficacement les problèmes et prescrire les solutions les plus appropriées.
    En deuxième lieu, il faut définir la notion de « haine ».
    On ne peut pas combattre efficacement le sectarisme et la haine sans les définir de façon précise. La définition de l'antisémitisme à laquelle l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste est arrivée a fait l'objet d'un consensus multilatéral, qui a reçu l'appui de gouvernements partout dans le monde, y compris au Canada, précisément à cette fin. Il existe des exemples concrets de normes définies de ce qui constitue un préjugé contre les juifs et une expression critique légitime. Des définitions similaires devraient être établies pour d'autres formes de haine, sur la base d'un examen soigneux, d'une approche rationnelle et d'un consensus.
     Le terme « islamophobie » a été défini de nombreuses façons, dont certaines sont efficaces, et d'autres problématiques. Malheureusement, ce terme est devenu un sujet de controverse, qui détourne l'attention d'autres enjeux importants. Même si certains utilisent le terme « islamophobie » pour décrire de façon concise les préjugés contre les musulmans, d'autres l'ont élargi de façon significative pour inclure l'opposition à des idéologies politiques. Par exemple, l'édition d'octobre dernier du guide de ressources sur le Mois du patrimoine islamique du Conseil scolaire du district de Toronto comprenait une définition de l'islamophobie incluant l'« aversion... à l'endroit des politiques ou de la culture islamiques.
    Cet incident fait ressortir des problèmes importants liés à l'utilisation de définitions ponctuelles et inappropriées de l'islamophobie. Les musulmans peuvent être protégés contre la haine, sans qu'il soit nécessaire que l'on restreigne les critiques contre des idéologies, particulièrement celles qui sont explicitement antisémites. Des exemples récents de l'antisémitisme affiché dans certaines mosquées et organisations musulmanes à Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver ont montré que l'extrémisme est un problème qui est présent dans certaines parties de la collectivité musulmane au Canada et qui doit être résolu.
    Dans la lutte contre la haine et pour la protection des individus contre la discrimination au Canada, nous devons aussi maintenir la liberté de débattre et de critiquer des idées. La définition d'autres formes de haine — y compris, sans s'y limiter, l'islamophobie — selon des principes similaires à la définition de l'antisémitisme adoptée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste constitue selon nous un bon point de départ. Cela aiderait les responsables de l'application de la loi et d'autres intervenants à identifier les incidents à caractère haineux de façon plus précise et uniforme et permettrait aux Canadiens de savoir précisément quand la liberté d'expression se transforme en discours haineux.
    Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de contrer les crimes haineux, il faut assurer une application plus large et uniforme des lois existantes. Dans nombre de cas, les poursuites pour crimes haineux nécessitent l'autorisation des procureurs généraux des provinces. Cela peut devenir très politisé et représenter un obstacle très difficile à surmonter. Récemment, le Procureur général du Québec a décidé de ne pas porter d'accusations contre un imam de Montréal qui avait demandé l'exécution des juifs. Pour que des accusations d'incitation publique à la haine puissent être portées, les délais de prescription étaient dépassés.
    À une époque où les déclarations peuvent se perpétuer éternellement en ligne, y compris dans ce cas sur la chaîne YouTube de cette mosquée particulière, nous croyons que les délais de prescription dans le cas de l'incitation publique à la haine devraient être prolongés, et nous vous encourageons à faire cette recommandation au gouvernement.
    Le Procureur général du Québec a aussi refusé de déposer une deuxième accusation de promotion d'un génocide. Par cette décision, il a envoyé le message que quelqu'un peut demander la disparition d'un groupe complet de personnes sans que cela entraîne de conséquences. Je crois qu'il s'agit là d'un mauvais message à véhiculer.
    Pour résoudre ce problème, le gouvernement fédéral devrait établir un programme national de formation pour les services de police et les procureurs, afin de les éduquer sur les dangers des discours haineux et de les encourager à appliquer les dispositions existantes du Code criminel en matière d'incitation publique à la haine de façon plus uniforme et robuste.
    Enfin, le gouvernement fédéral devrait affecter des ressources au soutien de la mise en place d'unités spéciales de la police locale chargées des crimes haineux. Des unités de ce genre ont été intégrées dans plusieurs services de police au Canada et ont obtenu un immense succès. Les unités spécialement formées pour enquêter sur les crimes motivés par la haine font en sorte que les incidents sont traités avec une sensibilité particulière et en comprenant la nature distincte du crime, ainsi que ses répercussions sur les victimes, leurs familles et leurs communautés.
    L'universalisation des unités chargées des crimes haineux ferait en sorte que le plus grand nombre possible de Canadiens vulnérables profiteraient de ces services, qui permettent de garantir que les agents qui doivent intervenir pour des incidents à caractère haineux sont les mieux équipés possible pour le faire.
    Si ce comité avait mené ces audiences il y a un an, j'aurais eu une autre recommandation à faire. Je souhaite plutôt, madame la présidente, conclure avec cela.
(1555)
    J'aimerais exprimer notre gratitude aux députés de cette Chambre pour leur soutien du projet de loi C-305 et à votre collègue Chandra Arya, pour l'avoir soumis. Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes fait depuis longtemps la promotion de ces changements, qui permettront d'élargir les sanctions dans le cas des crimes haineux qui ciblent des infrastructures, comme les centres communautaires de groupes identifiables. Au moment où nous nous parlons, le projet de loi a été adopté au vote final à la Chambre et devrait prendre force de loi.
     Madame la présidente, le projet de loi C-305 représente un exemple clair de la façon dont les élus peuvent collaborer dans un esprit de consensus et selon une approche rationnelle, en vue de faire concrètement une différence dans la protection des minorités vulnérables. Je souhaite que les membres du Comité adoptent une approche unie similaire concernant la démarche que je vous ai exposée ici aujourd'hui.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je veux seulement vous informer que vous avez dépassé de 30 secondes vos 10 minutes. Même si vous souhaitiez avoir plus de temps...
    Mon rabbin m'a accordé quelques minutes de plus.
    En effet.
    Je vous remercie beaucoup pour cette série très exhaustive de recommandations et cette discussion très éclairante à ce sujet.
    Nous allons maintenant commencer la période de questions et réponses.
    Nous débutons par une ronde de sept minutes. Cela signifie sept minutes pour les questions et réponses. Comme je le fais toujours, je vais vous demander d'être aussi concis que possible, sinon je vous interromprai. Merci.
    Nous allons d'abord donner la parole à Dan Vandal et Michael Levitt, qui représentent les libéraux.
    Tout d'abord, merci beaucoup aux trois groupes, aux quatre personnes, pour ces exposés des plus éclairants. Je les ai beaucoup appréciés.
    Je céderai la majeure partie de mon temps de parole à Michael, mais j'aimerais d'abord mentionner quelque chose. Certains semblent avoir l'impression erronée que l'étude de la motion M-103 laisse suggérer à tort qu'un crime haineux contre un groupe est peut-être plus important ou plus menaçant qu'un crime haineux contre un autre groupe. Rien n'est plus faux.
    Par ailleurs, certains semblent penser que la motion M-103 limitera la liberté de parole. En tant que membre permanent de ce comité depuis deux ans — et je crois parler au nom de tous les membres du Comité qui sont ici aujourd'hui — je souhaite affirmer très clairement, afin qu'il n'y ait pas de confusion, que nous ne suggérerions jamais, n'approuverions jamais ou n'adopterions jamais quelque chose qui limite la liberté de parole. Cela est tout simplement impensable. Je voulais simplement préciser cela dans le temps de parole qu'il me reste.
(1600)
    Allez-y, Michael.
    Merci, messieurs. J'ai le plaisir de vous connaître tous les quatre, ainsi que les deux organisations qui sont représentées ici, B'nai Brith et le Centre consultatif des relations juives et israéliennes. Je vous remercie des efforts que vous faites pour représenter et défendre la communauté juive.
    Cette étude vise notamment à soumettre des recommandations au gouvernement sur la façon dont il pourrait recueillir des données, contextualiser les rapports sur les crimes haineux et évaluer les besoins des communautés touchées.
    Il a déjà été mentionné, mais je vais le souligner à nouveau, que, selon un rapport de 2015 de Statistique Canada concernant les crimes haineux, les Canadiens d'origine juive sont le groupe religieux le plus ciblé au Canada. D'après le rapport statistique sur les crimes haineux des services de police de Toronto, depuis 2016, les incidents antisémites constituent le groupe le plus important de crimes haineux à Toronto. Les électeurs juifs de ma circonscription de York-Centre ont été victimes d'incidents antisémites, notamment des croix gammées qui ont été peintes dans des cours d'école. Il arrive souvent que ces incidents ne soient pas considérés comme des crimes haineux.
    Ma question est la suivante: de quelle façon les crimes haineux et les incidents à caractère haineux que l'on ne qualifie pas officiellement de crimes haineux sont-ils quantifiés à l'heure actuelle, et comment peut-on assurer une meilleure collecte de données, une meilleure quantification et une meilleure analyse? Pouvez-vous nous donner des idées? Je sais que vous avez tous mené un certain nombre de travaux, mais pouvez-vous nous éclairer sur les stratégies, qu'elles se situent au niveau légal ou éducatif, que nous pourrions utiliser pour contrer ce problème très grave? Pouvez-vous nous fournir des éclaircissements et votre point de vue à ce sujet?
    Je crois que pour cette question, je vais me limiter à M. Fogel et M. Mostyn. J'aurai une question de suivi qui s'adresse de façon particulière à M. le rabbin Bulka, s'il vous plaît.
    Merci de votre question et de vos aimables commentaires. Je serai très bref et concis, madame la présidente.
    Je crois qu'il existe déjà des outils pour recueillir de l'information et des données. Comme l'a souligné le représentant de B'nai Brith, son organisme le fait déjà depuis un certain nombre d'années. Le défi, selon moi, consiste à assurer une certaine uniformité dans l'ensemble du pays, afin que nous puissions comparer des pommes et des pommes, plutôt que des pommes et un autre fruit ou légume.
    Une fois que nous y serons arrivés et que nous pourrons analyser les tendances, ainsi que les formes que prennent les manifestations d'intolérance et leur niveau de gravité, je crois que la grande coalition des responsables de l'application de la loi, des éducateurs, des dirigeants communautaires et des représentants élus pourra conjuguer ses efforts et élaborer des programmes et des plans.
    J'ai une inclinaison particulière pour l'approche décrite par le rabbin Bulka. Je crois que nous n'éliminerons jamais la haine chez ceux qui sont déterminés à perpétuer ce genre de notions horribles. Nous devons fournir à l'ensemble de la société des options de rechange, positives et constructives, qui nous permettront d'enrichir notre société et de reconnaître la valeur que chaque communauté apportera à l'édification du Canada au cours des 150 prochaines années.
    Vous souhaitiez que M. Mostyn intervienne...
    Oui, puis j'ai une question pour le rabbin Bulka.
    ... mais si le rabbin Bulka veut dire quelque chose, je vais lui donner la possibilité.
    Monsieur Matas ou monsieur Mostyn, lequel d'entre vous souhaite réagir?
    Je voulais parler d'un volet particulier de votre question, à savoir la façon d'obtenir des statistiques concernant les attaques à caractère racial qui ne constituent pas un crime.
    Même avec les statistiques les meilleures et les plus uniformes au monde, les services de police devraient en principe recueillir des données qui comportent un lien avec la criminalité, et non pas concernant une expression à caractère racial plus générale. C'est ce que fait la Ligue des droits de la personne de B'nai Brith. Je crois que d'autres communautés pourraient le faire aussi. Nous avons entendu une recommandation concernant l'uniformité de la collecte des données dans les divers services de police, et je crois qu'il serait sensé d'avoir une collecte aussi uniforme des données sur le racisme à caractère non criminel dans les ONG. Le gouvernement pourrait envisager des normes en matière d'uniformité et des façons de les appuyer.
(1605)
    Merci.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant poursuivre avec le rabbin Bulka.
    À la lumière du meurtre de six fidèles musulmans, le 29 janvier dernier, après la période des prières à leur mosquée de Québec, les leaders religieux locaux de ma circonscription de York-Centre ont créé un conseil interconfessionnel et ont lancé un dialogue multiconfessionnel. L'attaquant souhaitait semer la peur et la division au moyen de la violence, et ces leaders ont décidé de répliquer en faisant preuve de compassion et de compréhension. Nous savons que la discrimination ne se limite pas à un groupe ou une communauté. Les actes haineux touchent tous les Canadiens et vont à l'encontre des valeurs fondamentales que nous défendons.
    Ma question pour vous, rabbin Bulka, comporte deux parties. Tout d'abord, quel rôle le dialogue interconfessionnel joue-t-il dans la réduction de l'intolérance entre les gens et les religions? En deuxième lieu, comment les groupes confessionnels peuvent-ils travailler ensemble pour réduire et éliminer les actes haineux qui les touchent tous?
    Merci.
    La parole est à vous, rabbin Bulka.
    Le pouvoir du clergé est énorme, et le fait de se réunir envoie un signal fort et puissant d'unité. Si l'on revient au jour fatal du 11 septembre, dans notre communauté, tous les leaders religieux se sont réunis et ont annoncé publiquement, à un moment où les attaques contre la communauté musulmane étaient probablement plus virulentes que jamais, qu'une attaque à l'endroit d'une communauté religieuse équivalait à une attaque contre toutes les communautés religieuses. C'est ce message qui nous motive ici dans la région de la capitale nationale. Ce message a suscité un esprit de coopération. Je vous mentirais si je vous disais que tous emboîtent le pas, mais il n'est certainement pas exceptionnel de voir des leaders de différentes confessions travailler ensemble ici.
    Après l'attaque de Québec, l'une des choses que nous voulions faire, c'est d'envoyer un message d'inclusion. Nous avons tenu une collecte de sang, en décembre, à laquelle ont participé toutes les communautés religieuses, et nous espérons en faire un événement annuel, dont les chrétiens, les musulmans et les juifs feront ensemble la promotion dans tous leurs lieux de culte. Tous ensemble, ils donnent du sang, qui servira à aider d'autres personnes, quelle que soit leur religion, et même celles qui n'ont pas de religion.
    Ce genre de mouvement créatif — et il en existe plusieurs — va certainement aider. En outre, plus nous susciterons une attitude positive, plus nous isolerons les opposants et ceux qui ont une attitude négative et, je dirais même plus, nous contribuerons à ce qu'ils soient montrés du doigt comme ne faisant pas partie de la mosaïque canadienne.
    D'accord. Je vais maintenant passer à David Sweet, qui représente les conservateurs.
    Madame la présidente, merci beaucoup.
    Je souhaite faire écho aux aimables commentaires de M. Levitt concernant les quatre messieurs ici présents. Ils ont contribué de nombreuses façons à la politique publique, qu'il s'agisse des travaux de Me Matas concernant la collecte de preuves sur le trafic d'organes, et même plus loin, en ce qui a trait à la réduction du racisme et de l'antisémitisme. Je souhaite vous remercier tous.
    Madame la présidente, j'aimerais mentionner, aux fins du compte rendu, que selon les observations de M. Fogel, l'une des mesures non partisanes positives que nous pourrions prendre serait une recommandation concernant les prochaines réunions des premiers ministres, où l'accent devrait être mis par le gouvernement du Canada sur les crimes haineux et les incidents à caractère haineux.
    Des discussions pourraient être tenues et des efforts de collaboration pourraient être déployés relativement à la collecte de données sur les incidents à caractère haineux et les crimes haineux, ainsi que sur la façon dont elles sont agrégées et catégorisées par la suite, afin de pouvoir être utilisées à titre de pratiques exemplaires à l'avenir, par les législateurs comme nous, de même que par nos homologues provinciaux et municipaux. Cela inclurait les responsables de l'application de la loi à tous les niveaux, y compris la sécurité sur les campus universitaires, que nous avons étudiée précédemment au sein de la Coalition parlementaire canadienne de lutte contre l'antisémitisme. Certains campus universitaires ont leurs propres services de sécurité et font recueillir leurs données par les responsables locaux de l'application de la loi, mais il en existe de nombreux au Canada où aucune donnée n'est recueillie et, par conséquent, ne peut être utilisée de façon appropriée. Je veux que cela figure au compte rendu.
    Monsieur Mostyn, j'aimerais me reporter à votre témoignage. M. Vandal — et je crois que ses observations étaient très sincères — a mentionné à quelques reprises que nous ne voulions certainement pas faire quoi que ce soit pour limiter la liberté d'expression. Je suis entièrement de cet avis. Il n'y a personne ici qui voudrait que cela se produise. Vous avez mentionné quelque chose au sujet de l'islamophobie et du fait que la définition a été détournée. J'aimerais que vous nous en parliez et que vous nous indiquiez quelle importance cela a en ce qui a trait à notre débat, et pourquoi ce n'est pas à nous de décider où s'arrête la liberté d'expression, mais plutôt à quelqu'un d'autre.
(1610)
    Certainement.
    Contrairement à certains termes de racisme — comme l'antisémitisme, qui a déjà suscité de la confusion, mais au sujet duquel il existe actuellement un consensus international, dont le protocole d'Ottawa faisait partie — l'« islamophobie » est un terme qui, malheureusement, suscite la confusion à l'heure actuelle. J'aimerais mentionner, à titre d'exemple, les témoins représentant le Conseil national des musulmans canadiens, qui ont comparu devant ce comité il y a deux semaines. Ils ont témoigné qu'ils étaient en faveur de la définition correspondant à celle du Code des droits de la personne de l'Ontario, alors que cette organisation a approuvé le guide du Conseil scolaire du district de Toronto que mon collègue du Centre consultatif des relations privées et israéliennes vient de mentionner et y a apposé son logo, ce guide comportant une définition très problématique de l'islamophobie, qui inclut la critique des politiques ou de la culture islamiques.
    Soit dit en passant, ce même groupe a une troisième définition de l'islamophobie, qu'il a publiée dans un guide en 2016 et qui comprenait les attaques contre l'Islam proprement dit. À l'échelle internationale, l'Organisation de la coopération islamique, qui englobe 57 États musulmans, a sa propre définition de l'islamophobie.
    Comme le soulignait mon collègue David Matas, il y a des gens dans des organisations terroristes dans le monde qui disent parler au nom de l'Islam. Il serait malheureux que des organisations terroristes et autres comme celles-là détournent la définition en citant le Canada au sujet de l'islamophobie et en disant que cela s'applique à leur définition. Il s'agit forcément d'un terme problématique, et ce comité doit en tenir compte.
    Il a été aussi mentionné que les lois existantes ne sont pas appliquées de façon rigoureuse à l'heure actuelle. Je crois que vous avez fait allusion à cela. Pouvez-vous nous en dire davantage, afin que cela figure également dans le compte rendu aussi, s'il vous plaît?
    Merci.
    À ce propos, mon collègue a mentionné un autre incident qui s'est produit en février dernier, un imam de Montréal ayant à trois reprises demandé à Allah d'anéantir tous les juifs de la planète. Cela s'est fait devant l'ensemble de sa congrégation. Ce n'est que lorsque la vidéo de cet incident a fait surface que notre communauté s'est préoccupée de cette question. La police a annoncé, il y a peu de temps, qu'aucune accusation criminelle n'était justifiée.
    Toutefois, la disposition concernant l'incitation publique à la haine comprise dans le Code criminel constitue une infraction mixte. Il n'y a pas de délais de prescription concernant les actes criminels, et les services de police auraient pu procéder à une mise en accusation. En fait, B'nai Brith est d'avis qu'ils auraient dû le faire, et nous continuons de collaborer avec les responsables de l'application de la loi pour comprendre pourquoi cette décision a été prise et pour la contester, parce que cette personne devrait faire face à la justice. Il n'y a pas de délais de prescription selon le Code criminel pour l'acte criminel qui a été commis.
    Par contre, à Montréal — c'est donc dire encore une fois au Québec — un homme a été arrêté récemment et a fait l'objet d'accusations criminelles cette année, à juste titre d'ailleurs, pour un gazouillis dans lequel il disait que les musulmans devraient être éliminés. Les musulmans ne devraient pas être la cible d'un discours de haine, pas plus que les juifs. Il ne devrait pas y avoir deux poids deux mesures dans la loi, et je crois donc que vous avez tout à fait raison de dire que les responsables de l'application de la loi devraient se réunir, que les premiers ministres devraient tenir une réunion et que des définitions communes devraient être déterminées, parce que la loi n'est pas appliquée de façon uniforme. Les différents services de police ont des compréhensions différentes des actes haineux du point de vue de leur définition dans le système de justice pénale. Une telle définition devrait être uniforme, et chaque groupe identifiable au Canada devrait être protégé et devrait se sentir protégé de la même façon dans ce pays.
(1615)
    J'espérais que le rabbin Bulka puisse commenter.
    Il a 45 secondes pour le faire.
    Non, il s'agissait d'une situation différente, parce que nous faisions officiellement partie du Groupe multipartite d'amitié interconfessionnelle, que le rabbin Bulka coprésidait avec moi et qui regroupait des zoroastriens, des sikhs, des hindous, des musulmans, des chrétiens et des juifs. Nous comptions certains membres de l'organisation de Tony Blair, et nous faisions ce que d'autres témoins ont mentionné, c'est-à-dire regrouper les gens au moyen d'un dialogue constructif entre différentes communautés, et non pas légiférer et réglementer. M. Levitt y a fait allusion comme faisant partie des choses que les députés et les personnalités publiques peuvent faire pour augmenter beaucoup, non seulement la tolérance, mais l'amitié entre tous dans la communauté.
    Je voulais remercier le rabbin Bulka d'avoir fait allusion à cela. Malheureusement, je crois que mon temps de parole s'est complètement envolé.
    Je suis certaine que le rabbin Bulka peut prendre le temps nécessaire. Un autre témoin lui permettra probablement de s'étendre davantage sur ce sujet, ce que je souhaite.
    Nous allons maintenant donner la parole à Jenny Kwan, du Nouveau Parti démocratique, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leurs exposés éclairants.
    J'aimerais explorer davantage la notion des recommandations. On a discuté de la nécessité d'assurer la formation appropriée des responsables, qu'il s'agisse des forces de police ou d'autres intervenants. Nous avons entendu les exposés d'autres témoins qui étaient d'avis que du travail devait être fait. Je me demande si nos témoins pourraient commenter cela.
    Puis, outre les responsables, qu'en est-il du système d'éducation, du point de vue des sensibilités interculturelles, de la connaissance et de la sensibilisation interconfessionnelles, de même que de l'enseignement de la notion de respect, parce que nous savons que la haine est un comportement appris? Comment pouvons-nous aborder cela dans une perspective nationale?
    Je vois que tous les témoins sont pressés de répondre.
    Je vais diriger le débat. Nous allons d'abord passer à David.
    L'un des problèmes qui se posent avec les services de police dans le cas des crimes motivés par la haine vient de ce que parfois — en fait peut-être un peu trop souvent — ils identifient l'acte criminel sans examiner les motifs. Lorsque quelqu'un peint une croix gammée, ses motifs sont évidents, mais s'il s'agit de voies de fait simples, il se peut qu'ils s'occupent uniquement de l'infraction, sans tenir compte des motifs. Les chiffres peu élevés que nous entendons au sujet des crimes motivés par la haine viennent parfois du fait que les services de police ne prennent tout simplement pas la peine de déterminer s'il s'agit d'un crime motivé par la haine. Parmi les choses utiles du point de vue de la formation figure la sensibilisation des forces de police, ce qui fait que lorsqu'un acte criminel comporte une dimension haineuse, cela est déclaré et donne lieu à des mesures.
    Toujours en ce qui a trait à cette notion, devrait-il s'agir de quelque chose d'obligatoire?
    Je déteste imposer des choses aux services de police, parce que...
    Je veux dire du point de vue de la formation obligatoire.
    Oh, la formation obligatoire... Je peux vous dire de quoi la formation devrait être constituée, mais pour ce qui est de la rendre obligatoire, je crois que vous devriez vous adresser aux services de police. Je présume qu'ils suivent une certaine formation, de toute façon, et il s'agirait donc uniquement d'une composante de cette formation.
    Merci.
    Aimeriez-vous intervenir, monsieur Mostyn, ou devrais-je donner la parole au rabbin Bulka?
    La seule chose que je veux ajouter aux observations de mon collègue est ceci. Vous parliez d'éducation, de tolérance et de compréhension. La seule façon d'y arriver concrètement est de veiller aussi à enseigner l'histoire, à cause de son lien avec la réalité. Je crois que si les étudiants comprennent l'histoire et les conséquences des actes les plus horribles qui ont été commis dans le monde, ils pourront se rendre compte qu'ils doivent traiter leurs concitoyens avec respect. La formation doit être personnalisée dans une certaine mesure. Encore une fois, il doit y avoir une certaine uniformité, et je crois que les groupes de la société civile doivent collaborer avec les services de police pour les aider à comprendre, parce que la situation évolue constamment en ce qui a trait aux différents groupes qui ont une attitude haineuse et au langage codé qu'ils utilisent. Il faut définir ce langage et s'occuper de la situation lorsqu'il y a infractions criminelles.
    Merci.
    La parole est à vous, monsieur le rabbin Bulka.
    Merci.
    Je n'ai pas ce qui pourrait être qualifié de réponse concrète pour vous, parce que je ne veux pas voir ce comité produire des mesures qui feront l'objet d'un contrôle. Je crois que la démarche devrait aller dans le sens de l'encouragement, et même d'incitatifs pour tous les types d'organisations, qu'il s'agisse d'organisations religieuses, d'organisations de la fonction publique, d'organisations philanthropiques, afin qu'elles fassent la promotion de l'inclusion dans leurs activités, ce qui deviendra une norme manifeste dans l'ensemble du pays, et non pas l'exception. Cela devrait en outre être fait de façon à ne rien imposer, mais plutôt en proposant des mesures que tous apprécieront et auxquelles ils adhéreront.
    Les meilleurs exemples que je peux vous donner sont ceux auxquels nous avons contribué directement, à toutes sortes de niveaux, y compris simplement faire des choses ensemble, s'assurer que dans les organisations... Ce soir, dans notre synagogue, nous aurons une discussion en groupe avec un imam, un leader catholique et un rabbin, afin d'apprendre à se connaître et de se poser des questions les uns aux autres de façon respectueuse. Plus nous ferons ce genre de choses, plus nous contribuerons à établir ce type de culture.
    J'aimerais intervenir ici pendant une minute avant que nous passions à M. Fogel.
    Il est certain que plus la société civile et la communauté s'engageront dans cette direction, plus la situation s'améliorera au pays globalement. Cela ne fait aucun doute. Toutefois, je suis aussi très consciente du fait que dans certaines communautés, les ressources représentent un problème important, et que l'accès à ces ressources pour faire le travail, pour faciliter ce travail, est parfois difficile, même dans notre système d'éducation, pour que les enseignants eux-mêmes aient les connaissances et la formation appropriées pour entreprendre cette démarche avec leurs étudiants. Parfois, les ressources manquent, et les jours de perfectionnement ne sont pas rémunérés ni couverts. Cela a pour effet qu'il existe des écarts entre les conseils scolaires au pays. C'est là je crois que se situe le noeud du problème.
    À cette fin, en ce qui a trait à une stratégie nationale, ne pourrions-nous pas, au sein de ce comité, dire au gouvernement que nous devrions avoir une telle stratégie pour que les communautés, les sociétés civiles et d'autres disposent des ressources nécessaires pour s'engager dans cette voie?
    Je crois que cela serait une excellente idée. Cette recommandation serait phénoménale. Elle pourrait nous économiser beaucoup de travail, parce que, pour le moment, nous devons procéder à des collectes de fonds pour pouvoir y arriver. Je pense que l'idée que le gouvernement soit derrière cela et encourage une telle démarche, et l'appuie même, est extraordinaire.
    Il s'agirait de travailler en collaboration avec...
    Exactement.
    Je crois que nous pouvons passer à M. Fogel maintenant.
    J'aimerais mentionner rapidement trois points importants.
    Le premier est que je crois que nous n'arriverons à rien dans l'avenir sans l'expression d'une volonté politique à cet égard. Vous avez non seulement des pouvoirs législatifs, mais aussi l'autorité morale. Je me rappelle que pendant la dernière législature, il y avait eu un débat sur l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui a par la suite été supprimé de la loi. Nous nous inquiétions que la perte de l'article 13, sans une détermination plus ferme d'utiliser les dispositions du Code criminel, empirerait davantage les choses que de ne rien faire.
    Par conséquent, nous avons consulté des procureurs généraux partout au pays, à l'échelle fédérale et provinciale, en les pressant d'unir leur voix pour prendre l'engagement d'exploiter toutes les ressources dont ils disposaient dans les dispositions du Code criminel, afin de veiller à ce que rien ne passe à travers les mailles du filet, et comme nous avons tous eu l'occasion de le mentionner au cours des dernières minutes, nous avons constaté que c'était le cas. Je crois par conséquent que vous avez la possibilité d'envoyer un message concernant la nécessité d'une stratégie nationale, afin que les premiers ministres, les services de police et les responsables de l'application de la loi tentent d'arriver à un certain degré de consensus.
    La deuxième chose que je souhaite mentionner est, selon moi, tout aussi importante.
    Excusez-moi, monsieur Fogel. Vous avez environ 30 secondes pour aborder vos deux autres points. Nous pourrons poursuivre plus tard, mais nous manquons de temps.
    Madame la présidente, vous allez rater l'occasion d'entendre une histoire extraordinaire, que je pourrai vous raconter plus tard, mais dont je vais me contenter de vous donner la chute. Selon moi, la capacité et la volonté pour les responsables de l'application de la loi d'établir des partenariats avec les communautés constituent l'autre élément qui déterminera le succès d'une stratégie nationale. S'ils ne peuvent pas établir ces rapports directs, s'ils ne peuvent pas susciter la confiance de la communauté, afin que ses membres croient que les responsables de l'application de la loi et d'autres officiels vont prendre au sérieux les préoccupations qu'ils expriment concernant la haine dont ils font l'objet, le processus est voué à l'échec. Il est impérieux que les responsables de l'application de la loi communiquent efficacement avec toutes les communautés menacées et les invitent à devenir des partenaires complets du processus visant à confronter et à contrer ce genre de menace.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Julie Dabrusin, pour les libéraux. Vous avez sept minutes.
    J'aimerais remercier tous les témoins présents ici aujourd'hui, qui nous ont soumis des recommandations très concrètes et utiles, ce dont nous aurons réellement besoin plus tard, au moment où nous commencerons la rédaction de notre rapport. Merci à vous tous pour cela.
    J'aimerais commencer par le rabbin Bulka, parce que j'ai été très touchée lorsque vous avez parlé de la Semaine de la bonté. Comment peut-on arriver à bâtir une culture d'appréciation de nos différences? Je crois qu'une partie de la réponse a été fournie après les questions de Mme Kwan. Je souhaite réellement que nous nous penchions sur cette question. Y a-t-il d'autres réflexions que vous avez concernant le rôle que peut jouer le gouvernement dans la mise en place d'une culture de l'appréciation?
    Je vais vous donner un exemple. Je suis entourée de deux de mes collègues. L'une d'elles, Mme Dzerowicz, a lancé un mois du patrimoine portugais, et M. Levitt, un mois du patrimoine juif. Nous avons donc deux exemples. S'agit-il d'exemples utiles? Avez-vous d'autres idées concernant ce que le gouvernement peut faire?
    Laissez-moi d'abord revenir sur ce que David Sweet a mentionné un peu plus tôt. Lorsque le Groupe multipartite d'amitié interconfessionnelle existait toujours — et j'espère que ses activités reprendront — nous avions institué une sorte de prix qui était accordé sur une base annuelle par chaque député à une personne de sa circonscription qui avait fait la promotion de la coopération entre les communautés. Il s'agissait d'une initiative extraordinaire: un genre de pont entre les communautés au Canada. La reprise des activités de ce groupe pourrait faire partie de vos recommandations, tout comme leur mise en valeur.
    J'aimerais suggérer une autre chose. Je sais que nous avons beaucoup mis l'accent sur les services de police dans tous les comtés. Un fait demeure, c'est que les services de police relèvent des maires, ce qui fait que susciter la participation des maires de toutes les collectivités à l'édification de celles-ci, et les encourager... Une part importante des activités qui se sont tenues à Ottawa en vue de regrouper les communautés religieuses s'est faite dans le cadre de campagnes du maire contre l'intimidation. Je suis pour que les maires de toutes les villes au pays soient derrière des initiatives dans chacune de leurs collectivités et se demandent ce qu'ils peuvent faire pour réunir les gens de façon très concrète. Les maires ont beaucoup plus de pouvoirs que nous le croyons.
    Ici, cela s'est fait grâce à l'intervention du maire Watson et du chef de police. Chaque fois qu'un problème s'est posé, ces deux messieurs ont permis que tous les segments de la collectivité soient réunis et travaillent ensemble. Une initiative communautaire de ce genre lancée par le maire serait très utile selon moi.
    Merci. J'aime vraiment l'idée des activités intercommunautaires et de la participation des députés à l'établissement de ponts entre les communautés.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Fogel. Nous avons examiné un rapport de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale des Nations unies. Le rapport abordait en partie la question des crimes haineux. Étant donné que vous avez mentionné de façon particulière les lacunes dans les données sur ce genre de crimes, je me demandais si vous pouviez m'éclairer. L'une des recommandations était que le Canada facilite la déclaration des crimes haineux par les victimes. Je me demande si vous avez réfléchi à ce sujet. Comment pouvons-nous aider à faciliter la déclaration des crimes par les victimes?
    Cela nous ramène à la notion de qualité des partenariats entre les responsables de l'application de la loi et les communautés touchées. Il doit y avoir une certaine garantie que le partage de l'information se fera de façon respectueuse et constructive.
    Toutefois, je dois aussi honnêtement signaler un problème. Les gens peuvent avoir des perceptions très subjectives de ce qui constitue un crime haineux, et les victimes ou victimes présumées de ce genre de crimes font aussi intervenir leur propre réalité ou perspective subjective. Il est donc selon moi important pour ce comité d'établir des critères uniformes concernant ce qui constitue et ne constitue pas un crime haineux ou d'encourager l'établissement de tels critères.
    Dans la communauté juive, nous avons beaucoup d'expérience à cet égard. Il y a ceux, par exemple — et ce n'est pas un secret — même dans la communauté juive, honnêtement, qui sont critiques d'une politique ou d'une autre d'un gouvernement particulier de l'État d'Israël. Est-ce qu'une critique de cette politique est synonyme d'antisémitisme? Je crois que nous croyons unanimement, et de toute évidence l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste le croit aussi, que ce n'est pas le cas. Même si cela peut m'offenser personnellement ou si cela peut me contrarier, il ne s'agit pas d'une manifestation d'antisémitisme au sens d'un crime haineux.
    De même, je crois que lorsque nous réfléchirons à ce que nous allons établir, grâce à un ensemble de définitions et de critères de ce qui constitue des infractions passibles de sanctions pénales, nous devrons être très précis et clairs et procéder à des révisions, parce que les choses changent.
    Je vous remercie beaucoup.
    Vous avez une minute et demie, madame Dabrusin.
    L'autre chose au sujet de laquelle je voulais faire un suivi est votre mention de la nécessité de l'adoption d'un modèle universel. J'essaie de retrouver vos termes exacts et je n'y arrive pas, mais il s'agissait essentiellement de trouver des méthodes universelles de collecte des données sur les crimes haineux. Je me demandais s'il y avait des modèles que vous aviez vus dans d'autres pays et que nous devrions envisager comme de bons modèles pour recueillir des données sur les crimes haineux.
    Très brièvement, je suis d'avis que le Royaume-Uni est aux prises avec le même problème maintenant. On y a fait beaucoup de travail à ce sujet. Il serait certainement utile d'examiner son expérience et ses pratiques éprouvées, afin de déterminer quoi faire et ne pas faire. Je ne connais pas actuellement de pays ayant un modèle générique réussi qui peut être appliqué. Je crois que cela montre bien que chaque communauté base sa perception des choses sur un ensemble unique de considérations. Nous devons être suffisamment souples pour pouvoir rendre compte de ces différences nuancées entre les communautés. Même si, en principe, nous sommes à la recherche d'un ensemble uniformisé de définitions et de critères, nous devons aussi réfléchir aux situations et aux considérations individuelles de chaque communauté en particulier.
    Je vous remercie beaucoup.
    Maître Matas, je vais vous donner la parole.
    Je me demande si je peux simplement ajouter une phrase ici. J'inciterais le Comité à examiner ce qui était autrefois l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes et qui est devenu l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne. C'est cet organisme qui est à l'origine de la définition d'antisémitisme que l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste a fini par adopter. Je crois que, dans ce cas, on est arrivé à comprendre cette question essentielle. Je pense que le Comité aurait tout avantage à consulter ses travaux.
    Merci beaucoup, David.
    Je tiens à remercier le groupe d'être ici. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion, bon nombre de recommandations de fond et de bien précieuses informations, et je vous en remercie.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes avant de passer à la deuxième heure.
    Merci.
(1630)

(1635)
    Nous reprenons les audiences du Comité. Je vous remercie.
    Si une personne du groupe précédent veut rester, elle est la bienvenue.
    Ayant déclaré la séance ouverte, j'aimerais commencer. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité étudie les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques au Canada.
    Nous accueillons maintenant deux témoins, et j'aimerais vous les présenter. Il s’agit de Mme Tamara Thomas, de l’African Canadian Legal Clinic, et de M. Sikander Hashmi, du Canadian Council of Imams. Nous allons commencer par Mme Thomas.
    Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Je vous préviendrai quand il vous restera deux minutes, puis nous passerons ensuite aux questions et réponses.
    Vous pouvez commencer madame Thomas. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour, madame la présidente et membres du Comité.
    Je représente aujourd'hui l’African Canadian Legal Clinic, ou ACLC, créée en 1994. Notre mandat est très précis. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui se consacre à la lutte contre le racisme systémique et institutionnel envers les Noirs dans la société canadienne. Nous représentons et défendons la communauté afro-canadienne et nous condamnons toutes les formes d'islamophobie et de racisme systémiques.
    Je tiens tout d'abord à remercier le Comité de rencontrer les intervenants afin d’acquérir une compréhension approfondie et exhaustive de l'islamophobie et du racisme systémiques et de trouver des moyens d'affronter ces problèmes de façon efficace et efficiente dans notre actuelle société canadienne hétérogène. L'ACLC appuie entièrement cette motion.
    La communauté d’ascendance africaine au Canada revêt de nombreuses identités qui se recoupent, et de nombreux membres de notre communauté s'identifient comme musulmans. Les membres de notre communauté sont souvent la cible de l'islamophobie et du racisme systémiques. Dans la société canadienne pluraliste et diversifiée d'aujourd'hui, il est important, plus que jamais, que notre gouvernement prenne la parole et dénonce la haine, le racisme et l'intolérance religieuse non seulement en paroles, mais aussi en adoptant des mesures concrètes pour comprendre, combattre et éliminer le racisme systémique au Canada.
    Cette motion est particulièrement importante au moment où le Canada connaît une montée en flèche du sentiment antimusulman et une intensification de l'activité suprémaciste blanche. Selon un rapport publié par Juristat en juin dernier, les Noirs au Canada ont été la cible du plus grand nombre de crimes haineux fondés sur la race jusqu'en 2015. Entre 2010 et 2015, plus de la moitié des crimes haineux violents visant les populations noires ont été commis par un étranger. En outre, 65 % des crimes haineux ont été non violents et 55 % de ces crimes non violents ont été considérés comme des méfaits. Il est terrifiant de constater que 35 % des crimes haineux commis contre des Noirs au Canada entre 2010 et 2015 ont été violents. Parmi ces crimes haineux, 19 % ont été signalés comme des voies de fait.
    Ces statistiques ne représentent que les crimes haineux qui ont été signalés à la police. Comme d'autres l'ont mentionné, compte tenu des relations fragiles qui existent entre la communauté noire et la police, l’on conçoit aisément que les crimes haineux qui ont été signalés sont largement sous-représentés par rapport au nombre total de crimes haineux visant les Noirs au Canada. Cette motion constitue un point de départ pour que le gouvernement adopte des mesures concrètes en vue d’éradiquer la discrimination raciale au Canada.
    Aujourd'hui, mes observations porteront sur le racisme systémique envers les Noirs au Canada.
    Pour ceux qui ne connaissent peut-être pas cette expression, le racisme envers les Noirs est une forme de racisme systémique et institutionnalisé qui cible précisément la communauté noire. L'ACLC définit le racisme envers les Noirs comme suit:
... préjudices, attitudes, croyances, stéréotypes et discrimination à l’égard des personnes d’ascendance africaine, qui trouve son origine dans l’histoire et l’expérience uniques de l’esclavage. Il se manifeste dans l'héritage et les idéologies racistes qui continuent de définir la vie et l'identité des descendants africains, et les placent au bas de l’échelle sociale comme cibles principales du racisme. Le racisme envers les Noirs se manifeste en outre dans l’héritage de marginalisation sociale, économique et politique actuelle des Afro-Canadiens dans la société, comme le manque de possibilités, un statut socioéconomique inférieur, un chômage accru, des taux de pauvreté élevés, ainsi qu’une surreprésentation dans le système de justice pénale. Le racisme envers les Noirs se caractérise par des stéréotypes raciaux particulièrement virulents et envahissants. Les tribunaux canadiens et diverses commissions ont reconnu à maintes reprises l'omniprésence des stéréotypes envers les Noirs et le fait que les Afro-Canadiens sont les principales cibles du racisme dans la société canadienne.
    Comme je l'ai dit, les diverses manifestations du racisme systémique envers les Noirs sont vastes et omniprésentes, et elles sont enracinées dans l'histoire de l'esclavage et de la ségrégation dans notre pays. Comme l'a reconnu le Groupe de travail d'experts des Nations unies sur les personnes d'ascendance africaine dans son rapport de mission au Canada, publié et adopté par l'ONU en septembre dernier, les descendants africains sont présents au Canada depuis plus de 300 ans, depuis le début du XVIIe siècle. Depuis cette époque jusqu'à son abolition en 1834, l'esclavage était aussi présent et florissant au Canada. Même après l'abolition de l'esclavage, les descendants africains au Canada ont été victimes de ségrégation légale et de facto dans tous les aspects de la vie. En fait, la dernière école ségréguée en Ontario n’a fermé ses portes qu’en 1965. Ce n'est qu'en 1983 que la dernière école ségréguée en Nouvelle-Écosse a fermé.
    La situation des Afro-Canadiens ne s'améliore pas, malgré les apparences contraires en surface au sein de la société canadienne. Les disparités résultant de l'esclavage et de la ségrégation de la communauté des descendants africains au Canada sont encore bien présentes. Ces disparités résultent en grande partie de la façon dont ceux qui ont historiquement occupé des postes d'influence et de pouvoir et qui n'étaient pas noirs voient les Noirs, les corps noirs et les familles noires.
(1640)
    Il existe toujours une tendance persistante à l'inégalité et à l'iniquité en ce qui concerne la communauté des descendants africains au Canada. Les jeunes Afro-Canadiens sont pris en charge de façon disproportionnée par les organismes de protection de l'enfance, sont disciplinés et ciblés de façon inappropriée et inéquitable dans les écoles et sont coincés dans le pipeline qui mène de l'école à la prison. Les hommes afro-canadiens sont surreprésentés dans les établissements correctionnels, où ils ne profitent ni des programmes culturels, ni de la formation professionnelle, ni des possibilités d'emploi nécessaires pour éviter la réincarcération. Pour le même emploi, les femmes afro-canadiennes sont moins bien payées que les hommes afro-canadiens et que les femmes blanches en milieu de travail. La communauté afro-canadienne est aux prises avec des problèmes de pauvreté, de précarité du logement et des problèmes de santé mentale non traités, et nous continuons d'être régulièrement profilés et pris pour cible par la police, comme c'est le cas lorsque des hommes et des jeunes afro-canadiens sont arrêtés et que des policiers contrôlent leur identité, souvent pour s'être simplement retrouvés dans le mauvais quartier.
    Ce ne sont là que quelques exemples de racisme systémique envers les Noirs. Ce sont des histoires vraies qui se produisent tous les jours. L'ACLC entend ces types de plaintes chaque semaine et malheureusement, leur nombre n'a pas encore diminué.
    Dans nos récents mémoires présentés à l'Examen périodique universel du Canada et au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, le CEDR, des Nations unies, nous avons inclus des statistiques et des études de cas exhaustives qui illustrent bien la nature et l'existence du racisme systémique envers les Noirs au Canada. Vous pouvez obtenir ces observations si vous voulez examiner ces chiffres vous-mêmes. Malheureusement, rien de tout cela n'est nouveau. Déjà en 1992, Stephen Lewis reconnaissait la prévalence du racisme envers les Noirs dans son rapport sur les relations entre les races remis au premier ministre de l’Ontario à l'époque.
    Comment le Canada compose-t-il avec ce problème historique et omniprésent? Plusieurs suggestions pourraient être avancées, mais je ne me concentrerai aujourd'hui que sur quelques-unes d'entre elles, les plus importantes. Je crois que vous avez déjà entendu plusieurs de ces recommandations de la part d'autres intervenants communautaires.
    Premièrement, le gouvernement fédéral doit mettre en oeuvre une politique et une stratégie nationales obligatoires de collecte de données ventilées selon la race. Il est impossible de résoudre un problème sans pouvoir déterminer où il se situe, ou établir sa gravité. Cette collecte de données doit être obligatoire dans l’ensemble des ministères, organismes et conseils fédéraux et provinciaux. Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces et les territoires, en particulier ceux qui comptent de fortes concentrations d'Afro-Canadiens et d'autres personnes racialisées, afin de mettre au point une stratégie cohérente de collecte de données. Le gouvernement fédéral doit également collaborer avec les groupes communautaires pour recueillir ces données directement auprès des collectivités.
    Deuxièmement, il doit aussi mettre en place un plan d'action national énergique et vigoureux contre le racisme, le mettre à jour afin de tenir compte de réalités actuelles du racisme systémique au Canada, comme la montée de l'islamophobie. Le nouveau plan d'action doit être le résultat de vastes consultations avec tous les groupes d'intervenants et tenir compte de l'intersectionnalité et des différentes façons dont le racisme systémique touche différents groupes raciaux. Il doit reconnaître en particulier le racisme envers les Noirs au Canada et proposer des moyens efficaces de lutter contre cette forme de racisme.
    Troisièmement, il doit également reconnaître que la pauvreté intergénérationnelle, l'itinérance, la précarité du logement et de l’emploi, ainsi que le chômage sont également le résultat du racisme et de la discrimination systémiques. Il doit viser l'équité obligatoire en matière d'emploi. Dans sa stratégie de réduction de la pauvreté, le gouvernement n'a pas réussi à adopter une perspective d'équité raciale pour examiner l'impact de l’identité raciale sur le logement, l'itinérance et la pauvreté, et il n'a pas assez approfondi la question de la race. Il faut également, à l’examen de ces questions, déterminer le point d’intersection du statut précaire en matière d'immigration et de la race.
    En ce qui concerne d'autres recommandations clés pour lutter contre le racisme systémique, particulièrement en ce qui a trait à son impact sur la communauté afro-canadienne, j'exhorte le Comité à examiner nos mémoires au CEDR des Nations unies, les recommandations du CEDR et les recommandations du groupe de travail en ce qui concerne le Canada.
    Pour conclure, l'ACLC appuie sans réserve cette motion et reconnaît son importance dans la société canadienne d'aujourd'hui comme moyen d'agir concrètement pour éradiquer l'islamophobie et le racisme systémiques au Canada.
    Merci.
(1645)
    Merci, madame Thomas.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Hashmi.
    Au nom de nos membres, je vous remercie, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous donner l'occasion de nous exprimer ici aujourd'hui.
    Le Canadian Council of Imams a été créé en 1990 et est le seul organisme canadien qui représente les imams de partout au pays.
    Les musulmans canadiens ne sont pas des nouveaux venus au Canada. Le premier enfant musulman né dans ce pays a vu le jour en 1854, plus de 10 ans avant la Confédération. Il s'appelait James Love Jr. et il était le fil de James Love et d'Agnes Love.
    Il aura fallu attendre encore 84 ans pour que la première mosquée au Canada ouvre ses portes en 1938. Le projet de construction de la mosquée Al Rashid à Edmonton a été dirigé par des femmes, qui ont approché le maire de l'époque, John Fry, pour obtenir des terres. Elles ont recueilli les 5 000 $ nécessaires à l'établissement de la mosquée auprès de donateurs musulmans, chrétiens et juifs.
    Aujourd'hui, comme bon nombre d'autres Canadiens, la très grande majorité des musulmans canadiens sont reconnaissants de la sécurité, de la prospérité et des possibilités qu'offre notre pays, qui leur permettent d'étudier, de travailler, de pratiquer leur culte, d'élever leur famille et de profiter de tout ce que notre pays a à offrir tout en redonnant à la société dans un environnement relativement sûr et équitable. Des troubles se profilent toutefois à l'horizon.
    Comme tout cela a été établi en présence de ce comité, les crimes haineux contre des musulmans sont en hausse. L'attentat bouleversant perpétré le 29 janvier dernier au centre culturel islamique de Québec a été le massacre le plus horrible de l'histoire canadienne. Les communautés autochtones, noires, juives et sikhes, entre autres, continuent également d'être ciblées au Canada.
    Il serait pour le moins naïf de croire que le gouvernement n'a aucun rôle à jouer dans l'amélioration de la sécurité, de la sûreté et de l'inclusion des minorités dans la société canadienne. Après tout, la démocratie s'accompagne de la responsabilité de protéger les minorités contre la tyrannie de la majorité.
    Le droit de pratiquer librement et ouvertement sa religion sans porter atteinte aux droits d'autrui est fondamental. Pourtant, ce droit fondamental des musulmans canadiens est érodé par ceux qui cherchent à semer la peur au sein de la communauté musulmane canadienne au moyen d’attaques et de tactiques d'intimidation. Cette crainte a des répercussions négatives sur les femmes et les enfants musulmans canadiens en particulier.
    Comme imams, nous entendons souvent parler de cas de femmes musulmanes canadiennes victimes de harcèlement verbal et, dans certains cas, d'agressions physiques pendant qu'elles vaquent paisiblement à leurs occupations. De telles attaques laissent de profondes cicatrices psychologiques sur les victimes et sur la communauté musulmane en général, avec pour résultat que de nombreuses femmes ont peur de sortir seules.
    Les enfants ne sont pas seulement victimes d'intimidation de la part des autres élèves dans les écoles. Comme nous l'avons vu dans la région de Peel, en Ontario, des enfants musulmans ont été intimidés par des manifestants qui ciblaient les écoles. Ces enfants ont été ciblés simplement parce qu'ils avaient exercé leur droit fondamental d'assister à la prière du vendredi à l'école. Le vendredi est le jour le plus saint de la semaine pour les musulmans, et la prière a lieu en début d'après-midi.
    Contrairement aux juifs et aux chrétiens, les musulmans n'ont pas congé leur jour saint. En conséquence, des prières doivent avoir lieu à l'école pendant l’heure du lunch pour accommoder les élèves qui estiment devoir assister à la prière du vendredi à titre de musulmans pratiquants. Les obliger à choisir entre prier et étudier serait une forme de discrimination systémique.
    À notre avis, le climat de peur grandissant est alimenté par quelques facteurs.
    Premièrement, les radicaux violents qui prétendent parler au nom de l'islam, et contre lesquels nous continuons de lutter idéologiquement et en collaborant avec les autorités, profitent d’une légitimité inespérée quand certains dirigeants politiques, certaines autorités et certains médias leur accordent l'attention qu'ils recherchent et acceptent comme véridiques leurs fausses représentations des enseignements islamiques.
    Les terroristes ont besoin de publicité pour semer la peur comme moyen de faire avancer leurs projets. Privez-les de publicité, et vous étouffez complètement leur projet. Concrètement, cela signifie qu'il faut réduire la couverture médiatique des procès pour terrorisme et de la propagande radicale, comme les vidéos. Les autorités doivent annoncer et traiter les complots de terrorisme, y compris celui qui a été déjoué grâce au tuyau d'un imam canadien, de la même façon que les autres activités criminelles. Tout autre traitement ne fait que nourrir l'ego des radicaux violents et leur projet.
    Deuxièmement, ceux qui entretiennent de la haine contre l'islam et les musulmans, ou contre certains sous-groupes de l'islam, montrent souvent en exemple les actions de musulmans d'autres parties du monde, trop fréquemment présentés erronément, afin de justifier la crainte des musulmans canadiens. Nous revendiquons clairement notre statut de Canadiens. Nous avons encouragé, et nous continuerons de le faire, la pratique de l'islam au Canada d'une manière qui ne contrevient pas à la loi canadienne et qui est protégée par les libertés fondamentales de conscience, de religion, de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression garanties par la Charte.
    Lorsqu’il est question des musulmans ou de tout autre groupe au Canada, il est essentiel de se fonder sur les réalités actuelles telles qu'elles sont vécues au Canada, parce que le Canada est unique et que l'expérience musulmane canadienne est unique. Elle ne doit pas être associée aux réalités des musulmans d’autres régions du monde.
(1650)
    Les fanatiques s'en prennent habituellement à ceux qui sont en général ignorants, et ils répandent la crainte et la méfiance, en particulier sur Internet, en mettant en lumière des incidents isolés ou en déformant les faits. L’an dernier par exemple, les autorités ont déterminé qu'un tragique meurtre familial commis à Ottawa était un cas de violence familiale mettant clairement en cause des problèmes de santé mentale. Ce n'était pas un crime d'honneur, un geste condamné par l’islam, mais un média radical canadien a non seulement suggéré que c'en était un, mais ses représentants sont même allés jusqu'à visiter l'école islamique où l'une des victimes avait enseigné, pendant que des enfants s’y trouvaient. Ils ont intimidé le personnel pour avoir prétendument dissimulé un crime d'honneur, filmé à l'extérieur de l'école et ensuite affiché la vidéo sur leur site Web. Les parents craignent maintenant qu'un adepte de ce site qui croit ce faux récit de camouflage d’un meurtre d'honneur, finisse par attaquer cette école et leurs enfants, mais personne ne semble pouvoir mettre fin à ce type de fausses nouvelles, qui peut néanmoins avoir des conséquences très réelles.
    Les lois ne peuvent interdire les idées racistes et sectaires, mais elles peuvent faire obstacle aux actions de cette nature. Nous croyons que tous les Canadiens, en particulier les chefs de file communautaires et nos élus, ont l’obligation morale d'endiguer la montée de la haine au Canada, qui a manifestement un impact très négatif sur la vie des minorités canadiennes. En conséquence, nous proposons six mesures concrètes que peuvent adopter le gouvernement et nos élus pour contrer la montée de la haine au Canada.
    Premièrement, pour mieux protéger les biens religieux, envisager d'élargir le paragraphe 430(4.1) du Code criminel aux écoles religieuses et supprimer l'élément précis pour faire de l'infraction une infraction de nature générale. L’obligation d’établir une intention précise impose au procureur un fardeau de preuve supplémentaire et accorde au malfaiteur une défense supplémentaire.
    Deuxièmement, envisager d'élargir l'article 319 de manière à qualifier toutes les attaques physiques contre les symboles religieux dans des lieux publics, y compris ceux qui sont portés par des personnes, comme le hidjab, le turban, la kippa et la croix, d'incitation publique à la haine ou de promotion délibérée de la haine.
    Troisièmement, augmenter le financement des organismes d'application de la loi et de maintien de la sécurité pour leur permettre d’enquêter sur les propos haineux affichés sur Internet, d’appliquer les lois existantes, de recueillir des renseignements et d’enquêter sur les individus et les groupes radicaux qui veulent terroriser les minorités canadiennes au moyen d’actes criminels, et de les poursuivre avec la même vigueur et les mêmes moyens que ceux qui ont été utilisés à ce jour contre les individus et les groupes qui veulent terroriser des Canadiens, quels qu’ils soient, en commettant des actes criminels.
    Quatrièmement, envisager de créer des zones de sécurité à l'extérieur de toutes les écoles lorsque les enfants s’y trouvent, afin que les manifestants soient tenus de laisser les enfants entrer à l’école en toute sûreté et sans être intimidés.
    Cinquièmement, illustrer la promotion de la compréhension et de la diversité, mais pas nécessairement de l'entente, dans tous les organismes fédéraux et dans la fonction publique en imposant régulièrement à tous les gestionnaires et les employés de première ligne des séances de formation sur l'interaction avec les membres de groupes divers et minoritaires.
    Sixièmement, mener régulièrement des campagnes nationales de sensibilisation du public afin de créer un sentiment de fierté nationale à l’égard de la diversité canadienne et mettre en lumière les contributions positives des Canadiens de toutes origines.
    Nous sommes tous d'accord pour dire que notre pays est une bénédiction que nous voulons continuer de bâtir et d’améliorer. Pour cela, nous devons commencer par nous-mêmes individuellement, ensuite au niveau des collectivités et enfin, comme nation.
    Que Dieu protège notre pays et ses citoyens. Que Dieu le fasse plus sûr et plus accueillant pour tous.
    Merci.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Nous en arrivons maintenant à la deuxième partie de cet exercice, soit une période de questions et réponses.
    Le premier tour dure sept minutes. Puisque les questions et les réponses sont incluses dans les sept minutes, je demande à tout le monde d'être concis. Je suis consciente de l’importance du sujet que nous étudions, et je sais que tout le monde veut l'approfondir, mais vous ne serez pas plus avancés si je dois vous interrompre au moment où vous en arrivez au cœur de votre intervention. Ne l'oublions pas.
    Commençons dès maintenant le premier tour de sept minutes. La parole est à M. Vandal, du Parti libéral.
    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous les deux pour l’excellence et la rigueur de vos exposés, qui étaient très intéressants.
    J’aimerais parler de la collecte de données sur les crimes haineux. Vous avez peut-être des renseignements précis à ce sujet. Dans le cas contraire, faites-le moi savoir.
    Premièrement, pouvez-vous me dire si la collecte de données sur les crimes haineux est cohérente dans l'ensemble du pays? Commençons par Tamara, puis tournons-nous ensuite vers M. Hashmi, si vous avez cette information.
     Les renseignements que j'ai cités aujourd'hui provenaient de l'institut de la justice pour la collecte de statistiques, je crois, le Juristat. Tels qu’ils sont présentés, ces renseignements semblent s'appliquer à l’ensemble du pays. Puisque je ne sais pas comment ces données ont été recueillies ni si leur collecte a été uniforme ou non, je ne peux pas me prononcer sur la cohérence de cette information en particulier.
    D'accord.
    M. Hashmi, avez-vous des commentaires à ajouter?
    Oui, mes commentaires seraient semblables, mais je dirais que la vraie question consiste à définir ce qu’est un crime haineux. De plus, une fois qu'il y a entente à ce sujet, des mesures précises doivent être mises en place, là où il le faut, pour s'assurer que des données sont recueillies. Il y a certainement un problème de sous-déclaration des crimes haineux.
    Il semble y avoir un certain nombre de problèmes à régler, et c'est frustrant pour les victimes d'être visées par un crime, d'être une victime, et de découvrir plus tard que, pour quelque raison que ce soit, l'incident n'a pas été classé comme un crime haineux alors qu'il aurait dû l’être.
    Madame Thomas, j'ai ici un document qui provient de votre organisation. C'est la trousse à outils concernant les crimes haineux envers les Noirs. Je suppose que vous connaissez ce document.
    Je ne l'ai pas lu, mais je sais qu’il existe.
    Pourriez-vous me dire depuis combien de temps ce document existe au sein de votre organisation.
    Je n’en suis pas sûre. Il n'y a pas de date sur le document comme tel. Je ne sais pas quand le document a été publié ni quand sa distribution a commencé. Je pourrais essayer d’obtenir les réponses que je ne peux vous fournir aujourd'hui et vous revenir à ce sujet.
    J’aimerais peut-être changer un peu de sujet. Pourriez-vous nous parler du rôle d'Internet, de la cyberhaine, dans les crimes haineux dans les dernières années et nous dire ce que vous en pensez?
    Commençons par M. Hashmi, et nous poursuivrons ensuite avec Mme Thomas.
    Avant, si vous aviez des opinions sectaires et vouliez les exprimer, ou si vous vouliez dire quelque chose de socialement inacceptable, vous aviez beaucoup d'efforts à faire, alors que c'est beaucoup plus facile maintenant avec Internet. Les gens sont libres d'avoir les opinions qu'ils veulent, mais ils ne peuvent pas s'aventurer dans le domaine des discours haineux. Il semble hélas que l'Internet soit devenu un terrain de jeu non surveillé où n'importe qui peut dire tout ce qu'il veut, à peu près en toute impunité.
    C’est peut-être à Montréal, comme nous l’avons entendu dans les exposés précédents, que des mesures ont été prises pour la première fois. Nous craignons que si rien n'est fait, les discours haineux sur Internet au Canada pourraient causer beaucoup de tort. Ils pourraient mener à différents types d'activités criminelles. C'est pourquoi nous insistons beaucoup pour que des ressources soient affectées à la surveillance des discours haineux sur Internet afin de voir d'où proviennent ces discours et quels sont les objectifs visés.
(1700)
    En raison de la prolifération d’idées négatives, de stéréotypes, d'informations et de croyances haineuses sur Internet, il est difficile de s'attaquer au problème. Il existait autrefois une disposition dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, je crois que c'était l'article 13, qu’auraient pu invoquer les personnes qui avaient été touchées négativement par la prolifération d'informations haineuses sur Internet. Cet article n'existe plus, mais il faut envisager de tels recours en raison de la difficulté de faire face à la prolifération d'opinions haineuses sur Internet. Il y a peu de façons de contrôler les personnes qui diffusent ces idées.
    Pourriez-vous nous proposer des solutions? Quelle est la mesure la plus importante que nous pourrions prendre au gouvernement fédéral?
    Désolée, quelle est la mesure la plus importante...?
    Quelle est la mesure la plus importante que nous pourrions prendre en vue de solutions pour combattre la haine?
    Oui. Il est crucial à l’heure actuelle de continuer de dénoncer publiquement ces actes. Le leadership et l'action du gouvernement fédéral sont essentiels pour montrer au grand public que le gouvernement se préoccupe vraiment de la situation et qu'il n'appuie pas les personnes qui expriment ces points de vue controversés.
    Notre organisation croit vraiment en l'importance d'un plan d'action national pour combattre le racisme. Quelques autres organismes communautaires, des cliniques d'aide juridique et des représentants qui ont comparu ici ont exprimé le même point de vue, qui a aussi été présenté au niveau international devant plusieurs instances et recommandé par des tribunes internationales comme le groupe de travail des Nations unies.
    Merci madame Thomas. Votre temps est hélas écoulé, mais vous pourrez poursuivre lors de votre prochain tour.
    Nous cédons maintenant la parole à David Anderson, du Parti conservateur. Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, et je remercie les témoins pour leur présence aujourd'hui.
    Imam Hashmi, je m’intéresse à votre organisation. J'ai un peu suivi cette question sur Internet. Nous avons eu une longue discussion sur l'islamophobie et sur sa définition. Vous n'avez pas beaucoup utilisé ce mot dans le cadre de votre exposé. Y a-t-il une définition que vous aimez utiliser, ou avez-vous simplement banni ce mot de votre vocabulaire?
    Nous définissons l'islamophobie comme une forme de haine antimusulmane, mais nous préférons nous concentrer véritablement sur l'action et sur le problème en soi. Il revient à chacun de déterminer le terme employé, mais il importe de reconnaître le problème et de le régler.
    Merci.
    Puis-je vous demander dans quelle mesure votre organisation est inclusive? Vous êtes un conseil d'imams. Faites-vous une place à divers courants en ce qui concerne l'islam? Vous êtes vous-même sunnite.
    C'est exact.
(1705)
    Est-ce un plus petit groupe, un groupe?
    Il y a des membres de partout au pays. Il y a des imams sunnites et chiites.
    Merci.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu de votre travail interconfessionnel. Je pense que vous en avez fait pas mal. Comment voyez-vous cet aspect dans le contexte de ce débat sur l'islamophobie et sur la haine au sein de ces communautés?
    Excusez-moi, pourriez-vous répéter la question?
    Je m'intéresse simplement à votre travail interconfessionnel et à la façon dont vous abordez cet aspect quand vous essayez d'instaurer la paix entre les diverses communautés.
    Le travail interconfessionnel est extrêmement important. Nous essayons toujours de trouver des possibilités d'interaction. Comme l’a dit le rabbin Bulka, il y aura une activité qui se tiendra ce soir à sa synagogue et j’y participerai.
    Il semble que chaque communauté a ses propres idées préconçues sur les autres. Lorsque des leaders religieux de confessions différentes se réunissent, cela envoie un message très fort de coopération. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas en désaccord sur certaines choses ou que nous n'avons pas de désaccords fondamentaux, car nous en avons. Cependant, cela montre aussi que nous sommes capables de nous réunir et de nous mettre d’accord sur certaines choses, et il y a en fait beaucoup de choses sur lesquelles nous sommes d'accord et pour lesquelles nous pouvons travailler ensemble. Je pense que ces initiatives sont essentielles, qu'il s'agisse de collectes de sang, de discussions en groupe, de dîners ou de journées portes ouvertes dans les mosquées.
    Je tiens simplement à dire que le Canada est vraiment unique. Je suis allé avec une délégation d'Ottawa visiter la mosquée incendiée à Peterborough, et j'ai été renversé de voir le mouvement de soutien à la communauté musulmane, sans égard aux convictions politiques et aux croyances religieuses. Tout le monde a mis l’épaule à la roue.
    Ce qui est le plus remarquable, c'est que les dirigeants de la mosquée m'ont dit qu'ils avaient l’embarras du choix au niveau des locaux offerts pour le vendredi suivant. Des églises et la synagogue locale avaient offert leurs locaux, et ils ne savaient pas quelle offre choisir. En fin de compte, je crois que le premier vendredi après l’incendie de la mosquée, ils ont accepté l’offre de l'Église unie locale, puis les deux vendredis suivants, ils ont choisi la synagogue locale. Où d'autre dans le monde verriez-vous cela? Pour moi, cette entraide est tout simplement remarquable.
    Ce sont des gestes qu'il faut partager et mettre en évidence. Ces petits gestes passent souvent inaperçus aux yeux de la collectivité, mais ils pourraient être soulignés dans le cadre d'une campagne nationale de sensibilisation du public.
    Merci.
    J'ai une question pour vous. Vous nous avez fait six suggestions sur la façon dont nous pourrions régler certains de ces problèmes à l'extérieur de votre communauté. Vous êtes un chef de file de votre communauté. Comment composez-vous avec le radicalisme? Vous avez parlé de radicaux violents qui prétendent parler au nom de l'islam. Y a-t-il un protocole au sein de votre organisation pour composer avec une situation comme celle que nous avons vécue à Montréal, avec les sermons et ce genre de choses? Comment gérez-vous cela? Pouvez-vous nous en parler un peu? Je pense que le public aimerait bien le savoir.
    Chaque communauté compose avec les différentes situations à mesure qu’elles se produisent. Un homme s'est levé, après le service du vendredi à une mosquée locale, et a exprimé de vive voix son appui au tireur de la Colline du Parlement. Nous avons appelé les autorités et les mesures qui s’imposaient ont été prises.
    Face à des personnes qui expriment des opinions considérées comme radicales ou illégales, il y a assurément des mesures à prendre. Comme conseil, nous avons communiqué des avis à nos membres et à tous les imams pour qu'ils fassent très attention à la façon dont ils présentent des textes historiques et des incidents du passé, de manière à ne pas contrevenir à la loi et à ne pas propager la haine, ce qui doit évidemment être évité.
    Le fait est que de façon générale, les personnes qui ont des opinions radicales ne fréquentent pas nos mosquées. Elles ne nous approchent pas. Elles ont une épithète péjorative pour nous. Elles nous appellent des noix de coco.
    Bon nombre de ces personnes sont actives sur Internet. Si elles viennent à la mosquée ou aux services religieux, elles ne vont pas prendre la parole la plupart du temps, parce qu'elles savent que leurs opinions ne seront pas acceptées par les dirigeants de la mosquée. C'est la raison pour laquelle elles restent dans l'ombre. Cependant, si de telles opinions ou de telles personnes se manifestent ou si elles sont portées à notre connaissance, selon la gravité de la situation, il peut en résulter un tuyau pour les autorités, comme dans le cas de l’imam canadien qui a révélé le complot terroriste de Via Rail. Si nous estimons que la personne est tout simplement confuse ou qu’elle pose une question en toute sincérité, nous essayons de lui parler et de la guider du mieux que nous le pouvons. Cela dépend vraiment de la situation.
(1710)
    Nous allons bientôt manquer de temps, mais j’aimerais que mon collègue...
    Il vous reste une minute.
    D'accord.
    Nous aurons probablement un bref tour de table par la suite, alors je pourrai peut-être y revenir.
    Je voulais d'abord prendre une minute pour confirmer ce que vous venez de dire. Stephen Harper m'a dit un jour que les imams constituaient notre meilleure source de renseignements au Canada, puisqu’ils n’hésitent pas à s’occuper des individus malavisés qui s’éloignent du droit chemin. Personne n’était mieux placé que lui pour le savoir puisqu’il était alors premier ministre et que le SCRS lui avait transmis des informations au sujet de complots terroristes.
    Ma question est la suivante, et peut-être aurez-vous l'occasion d'y réfléchir d’ici à ce que nous revenions pour la prochaine série de questions. Selon ma lecture de l'islam, la haine des Juifs n'est pas inscrite dans le Coran et provient principalement d'un Hadith discrédité. N’étant pas moi-même musulman, je ne suis pas en mesure de critiquer ceux qui s’éloignent du droit chemin. J'allais vous demander comment vous composez avec les gens qui ne connaissent tout simplement pas la foi, mais qui expriment néanmoins des opinions en toute sincérité.
    C'est une bonne question.
    Pour chaque verset ou chaque parole ou tradition prophétique qui peut être mal interprétée ou mal comprise, il y en a toujours une autre qui peut faire contrepoids et montrer l’inexactitude d’interprétation ou de compréhension. L'antisémitisme est évidemment à proscrire et comme vous l'avez fait remarquer à juste titre, il n’est pas inscrit dans le Coran. De plus, quelqu'un qui étudierait les enseignements prophétiques verrait même un certain nombre d'exemples de relations cordiales et positives avec le peuple juif.
    Je pense que c'est ce genre d'enseignements qui doivent être partagés et diffusés. C'est ce que nous essayons de faire, surtout en cas de problème. Bon nombre d'imams canadiens s'attaqueront de front au problème lors des prières du vendredi et exprimeront un point de vue général afin qu'il n'y ait pas de fausses représentations ou de malentendus de personnes qui choisissent les seuls éléments de la foi qui leur plaisent. Malheureusement, c'est ce que les extrémistes radicaux aiment faire, tout comme les fanatiques. Ils ne retiennent que ce qui leur plaît, alors que les enseignements islamiques sont fondés sur un vaste recueil de préceptes.
    Merci monsieur Hashmi.
    Je cède maintenant la parole à Jenny Kwan, du NPD, pour sept minutes.
    Merci beaucoup madame la présidente.
    Je remercie également nos témoins de leurs exposés.
    Madame Thomas, vous nous recommandez d’adopter un plan d'action national, et vous avez entièrement raison. D'autres témoins qui ont comparu devant le Comité sont également de cet avis.
    Dans le cadre de ce plan, verriez-vous par exemple, un mécanisme de rapport ou un genre de mécanisme redditionnel, et le doteriez-vous aussi de ressources? Comment pouvons-nous nous assurer que le gouvernement appuiera ce plan pour qu’il donne les résultats auxquels nous aspirons tous?
    Ce sont là des aspects fondamentaux du succès éventuel de l'élaboration et de l’instauration d'un plan d'action national de lutte contre le racisme. Le plan initial contenait ces deux éléments, à savoir un élément redditionnel et un mécanisme de rapport, et un financement avait été prévu sur cinq ans pour ce plan, qui devait favoriser l’adoption de mesures concrètes en fonction des problèmes et des objectifs qui y avaient été définis.
    Ces deux éléments sont nécessaires dans cette situation. Souvent, s'il n'y a pas de méthode établie pour s'assurer que des mesures concrètes sont prises dans les domaines et dans les plans énoncés dans ces documents, aucune mesure ne sera prise, du moins pas au rythme voulu.
    Dans un plan d'action national, il serait obligatoire d'inscrire un mécanisme de rapport, une sorte de mécanisme redditionnel, soit un bulletin de rendement, un calendrier, des jalons, des délais, et ainsi de suite. Le public doit connaître les délais et les obligations du gouvernement, de sorte qu'il y ait aussi un niveau accru de reddition de comptes au niveau de la population.
    En ce qui concerne le financement, les moyens de résoudre certains des principaux problèmes qui seraient cernés dans un plan d'action national consisteraient à octroyer des fonds aux groupes et aux organismes communautaires. Ce financement doit être précisé dans le plan en soi, afin que les mesures redditionnelles puissent s’y appliquer.
(1715)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Hashmi, pouvez-vous vous prononcer sur la même question, en ce qui a trait aux recommandations. Devrions-nous nous lancer dans cette voie et recommander au gouvernement d'adopter un plan d'action national assorti des suggestions et des mesures formulées par Mme Thomas?
    Tout à fait, parce que c'est un enjeu national et qu'il faut le régler à l'échelle nationale. Bien sûr, il y a certaines limites à ce que le gouvernement fédéral peut faire, compte tenu des compétences provinciales, et ainsi de suite. En revanche, puisque le problème touche des gens de partout au pays, car je ne pense pas qu'une région en soit exempte, il faut absolument réunir les différents intervenants autour d’un plan national. J'aime beaucoup la suggestion avancée plus tôt de faire participer les premiers ministres, ainsi que les provinces et les municipalités. Au bout du compte, cela touche les gens d'un bout à l'autre du pays, et tout le monde a un rôle à jouer.
    Croyez-vous que l'on devrait réaliser une analyse pangouvernementale des politiques existantes et de celles à venir sous un angle similaire à celui de l'égalité entre les sexes, mais en fonction de l'égalité raciale?
    J'inviterais d'abord Mme Thomas, puis M. Hashmi, à prendre la parole.
    Je pense que oui. Pour vraiment comprendre la manière dont les divers programmes et politiques touchent les membres des différents groupes raciaux, il faut nécessairement les examiner sous l'angle de l'égalité raciale.
    Il faut reconnaître — et la seule véritable façon d'y arriver, c'est par l'optique de l'égalité raciale — que chaque groupe sera touché différemment suivant sa relation avec ces politiques. Chaque politique aura des retombées différentes sur chaque groupe racial, et il est important de prendre le temps de recueillir l'information et les données voulues pour définir la situation des différents groupes. Une démarche universelle ne fonctionnera pas; elle ne suffira pas. Les divers moyens selon lesquels on s'est attaqué aux inégalités raciales et à la racialisation de la pauvreté par le passé l'ont démontré: certains groupes profitent des politiques, mais d'autres pas. Pour expliquer ce phénomène, il faut adopter l'optique de l'égalité raciale.
    Monsieur Hashmi, si vous le voulez bien.
    Je suis d'accord avec ces observations. Nous devons aussi nous tourner vers les parties prenantes et, peut-être, organiser des tables rondes ou nous doter d'autres mécanismes permettant de consulter les groupes racialisés. Quand on ne tient pas compte de l'égalité raciale et que ces groupes ne sont pas entendus, il est souvent très facile d'omettre des enjeux potentiellement cruciaux pour ces derniers. À défaut de faire autre chose, il faut, à tout le moins, se doter d'un dispositif qui assure la tenue de telles consultations.
    Merci.
    J'aimerais maintenant aborder la question de la collecte des données.
    Vous avez une minute.
    Beaucoup de données échappent à la collecte à cause du phénomène de sous-déclaration. En moins de 30 secondes, pourriez-vous nous recommander quelques façons d'assurer le signalement de ces incidents?
    J'aurais besoin de 15 minutes.
    Je pense que cela a déjà été dit auparavant, mais je crois qu'il est important de travailler avec les organismes et chefs de file communautaires ainsi qu'avec les membres des différents groupes communautaires qui occupent une position de confiance parmi les leurs, cela pour recueillir des données suivant une démarche plus rigoureuse. Il existe actuellement des tensions par rapport aux mécanismes de signalement en place, de même qu'un grand nombre de problèmes sous-jacents qu'il ne sera peut-être pas possible de résoudre immédiatement.
    Tant que nous n'aurons pas atteint cet objectif, si nous l'atteignons, nous devrons travailler avec les groupes de la base qui servent leur communauté et auxquels ces incidents sont signalés.
    Merci.
    J'invite maintenant Anju Dhillon, du Parti libéral, à prendre la parole. Madame Dhillon, allez-y.
    Je tiens à remercier nos deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui. La majorité de mes questions s'adressent à Mme Thomas.
    Je suis toujours triste de constater que la communauté noire au Canada fait encore l'objet de tant de discrimination et de marginalisation. Je suis consternée qu'une telle situation perdure.
    D'après toutes les statistiques que vous avez mentionnées — ou les statistiques manquantes, devrais-je dire — quel pourcentage de ces crimes violents à l'endroit de personnes noires ont été commis par des personnes en position d'autorité?
(1720)
    À mon avis, et en toute franchise, je n'avais pas lu le document en entier. Je me suis concentrée sur des sections bien précises. Dans l'une de ces sections, je me suis attardée au nombre de crimes et de crimes violents fondés sur la race, et je n'ai rien vu quant au nombre de crimes perpétrés par des personnes en position d'autorité. Je n'ai rien vu de tel dans mes lectures. J'ignore si, dans les faits, on consigne ces renseignements. Je ne crois pas qu'on recueille, du moins de façon régulière et soutenue, des données ou des statistiques sur le taux de crimes perpétrés contre des membres des communautés noires par des policiers, par exemple. Il est donc difficile de le savoir.
    La seule chose que j'ai vue à ce sujet, est le pourcentage que j'ai mentionné. Je crois que c'était 35 %, non, c'était... Je ne tiens pas à perdre de temps pour le retrouver, mais un grand nombre de crimes sont commis par des étrangers. Cependant, je n'ai rien vu au sujet des personnes en position d'autorité.
    Si vous apercevez quoi que ce soit à ce sujet, je vous saurais gré de soumettre le tout au Comité.
    Bien entendu.
    En plus des propositions soumises par l'ACLC aux Nations unies. Nous aimerions que vous les présentiez au Comité également.
    Je peux aussi vous transmettre ces documents.
    La situation des personnes noires ne s'améliore pas et, selon vous, elle empire pour ce qui est des crimes commis contre elles ou du retrait de la garde de leurs enfants par les services à l'enfance. Vous avez aussi mentionné le fait que les enfants de race noire sont punis injustement à l'école. J'aimerais donc savoir si votre organisme a fait quoi que ce soit pour atténuer la situation.
    Cela décrit bien l'essentiel de ce que fait notre organisme. Nous nous sommes prononcés au nom des personnes qui reçoivent des visites d'agences de services à l'enfance. Des gens nous appellent régulièrement à ce propos.
    Une situation que l'on observe très souvent, par exemple, est la séparation des parents. Un parent est blanc et l'autre noir. Notre expérience montre que c'est toujours le parent blanc qui obtient la garde de l'enfant. Il arrive aussi que la direction de l'école ou le médecin communique avec la Société de l'aide à l'enfance et signale un cas de négligence. Des agents de la Société de l'aide à l'enfance se rendent alors sur place, mais ils ne saisissent pas réellement le fait que la négligence résulte peut-être de la pauvreté intergénérationnelle ou de la monoparentalité, qui contraint le parent à occuper trois emplois pour se nourrir ainsi que son enfant.
    Il y a un réel manque de compréhension et une vision incomplète de la réalité.
    On observe également un manque de compassion.
    Oui, il y a de ça aussi. Quant à ce qu'a fait notre organisme pour lutter contre ces problèmes, nous essayons d'engager la discussion. Nous exerçons des pressions sur le gouvernement. Nous avons collaboré avec la Société de l'aide à l'enfance. Nous avons rencontré des représentants du Conseil scolaire du district de Toronto, par exemple.
    Tout cela n'a-t-il rien donné?
    Nous avons observé certains résultats. Par exemple, nous avons rencontré récemment des représentants du Conseil scolaire du district de Toronto, et ils semblaient très conscients du fait que les élèves de race noire sont catégorisés et punis de façon disproportionnée. Par exemple, l'Ontario vient juste de faire paraître le Plan d'action ontarien pour l'équité en matière d'éducation. Nombre des questions abordées dans ces plans d'action ont été abordées dans le cadre de conversations que mon organisme a eues avec le ministère de l'Éducation au cours d'une longue période.
    Ça bouge lentement du côté de l'Ontario, précisément, mais ce sont toutes des questions auxquelles nous travaillons depuis longtemps.
    Quelles recommandations concrètes aimeriez-vous voir émaner du gouvernement fédéral, de sorte que nous puissions apporter une aide réelle?
    Je pense qu'un grand nombre des problèmes que nous observons, outre ceux que nous avons déjà relevés, sont aussi du ressort des provinces. Ils touchent l'ensemble du pays, mais la Société de l'aide à l'enfance, de même que l'éducation et le maintien de l'ordre relèvent tous de la juridiction provinciale ou municipale...
    Oui.
    Par conséquent, il n'existe peut-être pas de règle contraignante ou quelque élément que ce soit qui permette au gouvernement fédéral, à l'échelle du pays, d'entraîner des retombées, d'exercer une influence ou, si j'ose dire, de contraindre les provinces et les territoires à agir. Dans le cas qui nous occupe, je crois que c'est précisément les provinces qui sont en mesure d'agir. Cela dit, je pense qu'un appel à l'action de la part du gouvernement fédéral, y compris des encouragements vigoureux, des recommandations sérieuses et des conversations de fond, et le fait de réunir et d'entendre tous les intervenants concernés — un accroissement des cadres de travail — sont toutes des façons dont le gouvernement peut collaborer avec les provinces pour tenter de s'assurer que la démarche employée pour enrayer systématiquement ces problèmes est équitable.
(1725)
    J'invite maintenant le député Virani à poser quelques questions.
    Merci.
    Vous avez 30 secondes.
    C'est un plaisir de compter parmi nous aujourd'hui des représentants de l'ACLC. Merci beaucoup d'être ici.
    En vous fondant sur la Direction générale de l’action contre le racisme et sur la loi ontarienne de 2017 contre le racisme, pouvez-vous nommer des pratiques exemplaires mises en oeuvre en Ontario qui, à votre avis, devraient être adoptées à l'échelle du pays?
    Je crois que le gouvernement de l'Ontario a franchi des étapes très concrètes dans la délimitation des problèmes existants, l'ouverture à la perspective de rencontrer les groupes concernés et d'échanger avec eux et la collecte des données nécessaires. Je crois que la condamnation du racisme à l'échelle provinciale, la mise en oeuvre d'un plan d'action en matière d'éducation et le déploiement d'une stratégie de lutte contre le racisme constituaient des mesures ciblées visant à résoudre des problèmes précis et à atteindre des objectifs clairement définis. Ce sont toutes des manières fondamentales de circonscrire les sphères de responsabilité et d'agir en conséquence.
    Je pense que tous ces plans que l'Ontario a mis en oeuvre par le truchement de ses différents ministères et agences pourraient servir de cadre au gouvernement fédéral dans sa démarche de lutte contre le racisme systémique.
    Merci beaucoup, madame Thomas.
    Comme nous accusons 10 minutes de retard dans cette ronde, je suggère que nous utilisions 15 minutes pour effectuer trois rondes de cinq minutes chacune.
    Je vais commencer par M. Reid. Je crois que vous vouliez utiliser ces trois minutes additionnelles.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais que nous poursuivions la conversation que nous avions entreprise plus tôt. Vous avez répondu si méticuleusement à la question que si vous désiriez ajouter quelque chose, vous le pourriez, mais j'aurais une autre question à vous poser, et il en est justement question dans les nouvelles. Le Québec a adopté ou s'apprête à adopter le projet de loi 62. La nouvelle loi en question limiterait les services aux...
    M. Hashmi souhaite dire un mot.
    Oh, pardon. D'accord.
    Allez-y.
    ... aux personnes qui portent l'habit religieux. Je voulais vous demander ce que vous en pensiez, si vous me le permettez.
    Je pense que c'est très préoccupant et très décevant. Je sais que nombre de Canadiens de confession musulmane suivent ce dossier de très près, surtout en raison du fait que le projet de charte des valeurs au Québec a suscité beaucoup de dissensions. Par la suite, il y a eu un changement de gouvernement, et, évidemment, les événements tragiques survenus à la mosquée de Québec. Je crois que nous avions le sentiment ou bon espoir d'avoir surmonté tout cela, mais malheureusement, il ne semble pas que ce soit le cas.
    Le Canada est un pays qui défend les libertés des femmes. Pourtant, nous constatons qu'en réalité, cette mesure va à l'encontre de ces libertés, car elle empêchera les femmes qui choisissent de porter le niqab d'accéder aux services publics et même de se déplacer en ville. Je ne vois pas en quoi c'est utile à quiconque.
    Merci de vos observations. Soit dit en passant, je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point.
    C'est une réglementation provinciale, naturellement. Y a-t-il quoi que ce soit que nous devions faire au palier fédéral à l'égard de cette situation?
    Je n'ai vraiment pas de réponse à cette question. Je pense que, jusqu'ici, la position du gouvernement fédéral à l'égard de ce genre de questions s'est avérée positive. Je l'encouragerais à poursuivre dans cette voie.
    J'ajouterais une chose qui, je sais, va trouver écho auprès des députés, des politiciens. Il y a aussi le poids des paroles et de l'exemple que nous donnons en tant que chefs de file, surtout en tant que dirigeants sur la scène nationale. Ce que vous dites, ce sur quoi vous décidez de vous prononcer et la façon dont vous en parlez ont un énorme impact sur les citoyens et sur ce qu'ils ressentent. Tout cela influe réellement sur leur vie.
    Naturellement, il se pourrait que certaines personnes soient d'accord avec ce qui se passe au Québec à l'égard de cette loi, et il est possible qu'elles éprouvent des difficultés ou aient certaines préoccupations en ce qui a trait aux musulmans. Vous pouvez parler de ce que vous voulez, mais assurez-vous de le faire d'une manière qui soit respectueuse, bienveillante et compatissante, et tenez compte des répercussions possibles de vos paroles.
(1730)
    Merci.
    Les cloches ont commencé à sonner, et j'ai besoin d'un consensus pour continuer. Nous avons presque terminé. Voulez-vous que nous passions aux prochaines questions?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Merci.
    Passons maintenant à Julie Dzerowicz.
    Merci, madame la présidente.
    Merci encore pour votre exposé et merci d'avoir patiemment répondu à un si grand nombre de nos questions.
    Je suis préoccupée par la question des communications et par la façon dont nous nous y prenons pour faire connaître les stratégies de lutte contre le racisme ou la discrimination que nous mettons en place. Mon milieu compte plusieurs groupes ethniques dont les membres parlent de nombreuses langues. Une bonne partie d'entre eux sont présents sur le Web, mais certains ne le sont pas. La façon dont ces groupes reçoivent l'information varie beaucoup.
    Avez-vous des conseils à nous donner sur la façon d'améliorer nos communications avec ces groupes? Outre les moyens habituels, existe-t-il des outils, comme les médias sociaux? Nous recourons aux médias locaux. Nous utilisons les médias nationaux. Nous essayons de diffuser des gazouillis. Avez-vous autre chose à nous suggérer?
    Je sais que beaucoup de ces suggestions peuvent sembler répétitives, mais je tiens à le répéter: il est réellement avantageux de traiter directement avec les groupes communautaires, car un grand nombre de personnes, les nouveaux arrivants, en particulier, mais aussi ceux et celles qui sont arrivés ici il y a plusieurs décennies, entretiennent des liens très étroits avec leur communauté. Il existe un grand nombre de centres culturels, de groupes communautaires ou d'organismes communautaires auxquels ces personnes consacrent une partie importante de leurs temps libres. Ces canaux vous donnent en quelque sorte la clé du bouche à oreille.
    J'estime que collaborer étroitement et directement avec ces groupes communautaires, déployer les efforts nécessaires pour savoir qui sont les chefs de file communautaires, où ils vont et ce qu'ils font de leurs journées, puis rejoindre ces centres culturels constituent la meilleure façon de diffuser l'information. C'est même plus efficace que les médias sociaux.
    Absolument.
    Je suis persuadé que les médias ethniques ont déjà été mis à profit en ce sens, mais il faut aussi prendre en compte le pouvoir des relations. Apprendre à connaître les communautés, apprendre à connaître les membres des communautés, puis utiliser ces canaux pour diffuser l'information constitue l'un des moyens les plus efficaces de s'assurer que le message est transmis à toutes les communautés et à autant de membres de ces communautés que possible.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Vous disposez d'une minute.
    Quelqu'un l'a mentionné auparavant. Je crois que c'était l'un ou l'autre des avocats ou chefs de file noirs du milieu juridique qui ont témoigné ici. Il a dit que nous avions tous des préjugés. Comment pouvons-nous en tenir compte dans notre stratégie alors que nous nous efforçons de nous sensibiliser les uns les autres à nos propres préjugés? C'est une question épineuse.
    Je dirais que les récits et images s'avèrent extrêmement utiles dans la lutte contre les stéréotypes.
    Vous avez absolument raison. Nous avons tous une vision préconçue des autres et des préjugés à leur égard. Les surmonter est difficile et exige des efforts. À mon avis, si l'on se fie à ce qui se passe ailleurs dans le monde, le Canada se classe parmi les meilleurs pays pour ce qui est de s'attaquer à cette question et de reconnaître que, oui, nous avons tous un problème à résoudre sur le plan individuel dans notre lutte contre les préjugés et les stéréotypes.
    Selon moi, il n'y a rien de plus puissant que les récits et les images qui font éclater complètement les stéréotypes, car c'est le genre de chose que les gens regardent en se disant: « J'ai toujours cru que tel ou tel groupe était comme ça, mais il semble que non. Peut-être me suis-je trompé. » C'est ainsi que l'on est amené à se remettre en question et à explorer.
(1735)
    Merci.
    Merci.
    Scott, vous avez la parole.
    Madame Thomas, nous avons entendu quelques témoignages fort intéressants au cours de nos audiences sur le racisme systémique dont font l'objet les Canadiens d'origine africaine. La présentation suggère que ce phénomène est avant tout lié aux institutions, en particulier le système judiciaire. Vous avez mentionné un certain nombre de domaines préoccupants. Vous en avez énuméré cinq environ. Le premier avait trait au grand nombre d'enfants dont la garde est retirée à leurs parents. Nous ne serons pas en mesure de trouver ces données par nous-mêmes. Pourriez-vous nous fournir les sources que vous citez? Cela nous aiderait énormément.
    J'aimerais revenir un moment sur la question des enfants dont la garde est retirée à leurs parents. Cela touche naturellement une corde sensible chez moi, car notre mémoire collective, en tant que Canadiens, est aujourd'hui marquée par la « rafle des années soixante », au cours desquelles une situation semblable a frappé les Autochtones canadiens.
    Pourriez-vous en dire un peu plus au sujet de ce problème particulier et nous en fournir plutôt une description? C'est un enjeu que j'ignorais complètement jusqu'à ce que vous l'abordiez.
    Pour ce qui est du premier point, les sources d'information sont presque toutes mentionnées dans le rapport remis cette année au CERD, qui fait état de toutes les sources. Quand je déposerai ce rapport, ces renseignements y figureront tout comme les liens y renvoyant.
    Il est curieux que vous ayez pu faire ce lien parce qu'on a également constaté que des jeunes Noirs ont été arrachés à leurs familles. Je ne me souviens plus de qui a fait cette constatation, mais c'est un cas d'assimilation d'une culture par une institution. Très souvent, quand ces jeunes sont arrachés à leur famille, ils ne sont pas placés dans des foyers où ils retrouvent les mêmes réalités culturelles. Au contraire, ils sont complètement coupés de leur culture. Il appartient alors aux personnes qui les recueillent de faire un effort supplémentaire pour recréer ces liens. Une génération entière d'enfants est ainsi mise à l'écart de sa culture.
    Cette mise à l'écart croissante est attribuable à quelques facteurs. Ceux qui prennent ces décisions ne sont pas suffisamment sensibilisés à la culture. Ils ne connaissent pas, par exemple, les aliments traditionnels. On a communiqué avec les Sociétés d'aide à l'enfance de l'Ontario parce qu'un enfant avait apporté des aliments traditionnels à l'école. L'enseignant ne les connaissait pas et, croyant qu'ils n'étaient pas appropriés, a demandé à la Société d'aide à l'enfance d'intervenir auprès des parents. Ce manque de compréhension des différences culturelles existe et ces dernières donnent souvent lieu à des sanctions.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons à M. Arif Virani, du Parti libéral, et ensuite à Mme Kwan.
    Je vous remercie de votre présence.
    Je m'adresse à la fois à l'imam Hashmi et à Mme Thomas. Nous avons entendu dire que des fonds ont déjà été accordés à des collectivités pour leur permettre de renforcer leurs capacités. Cela leur a permis d'effectuer l'évaluation de leurs besoins et de comprendre le fonctionnement du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.
    Selon vous, cela aiderait-il à permettre aux groupes de se pencher sur certains de leurs besoins liés à la manière d'entretenir des relations avec les gouvernements?
    Voulez-vous dire que le financement servait à aider les groupes communautaires à mieux comprendre leurs propres collectivités?
    Oui. Permettez-moi d'ajouter quelques mots là-dessus. Il existe actuellement un financement visant à établir un dialogue entre les collectivités. Des Jamaïcains s'entretiennent avec des Ukrainiens, par exemple. À une certaine époque, toutefois, il y avait des fonds destinés uniquement aux Jamaïcains ou aux Ukrainiens, aux Barbadiens ou aux Pakistanais, et ainsi de suite. Il s'agit de renforcement des capacités ou de développement communautaire, mais on met l'accent sur un groupe à la fois.
    Je crois qu'il s'agirait d'une étape positive à franchir. Je ne sais pas si ce financement se ferait au détriment de l'autre. Le dialogue entre collectivités est, à mon avis, aussi nécessaire, surtout dans le climat qui règne actuellement. Permettre aux groupes de s'éduquer et de renforcer leurs capacités eux-mêmes procure un sentiment d'appartenance. Cela confère aussi le sentiment d'être en mesure de comprendre comment aborder des problèmes en tant que monsieur ou madame tout le monde qui doit faire face aux réalités quotidiennes, peu importe la couleur de sa peau ou sa religion. Je pense que ce type de financement est nécessaire pour que nous puissions prendre les mesures qui s'imposent.
(1740)
    À mon sens...
    Vous disposez d'une minute.
    À mon sens, cela serait très utile, car nombre de nouvelles collectivités, de groupes d'immigrants, ont beaucoup de mal à se rassembler et à renforcer leurs capacités pour en arriver à même avoir accès aux fonds susceptibles d'être mis à leur disposition et à comprendre comment ils doivent procéder. Je crois que cela serait très utile, très avantageux.
    Très rapidement, imam Hashmi, pourriez-vous donner plus de détails à propos de vos observations sur les médias, les sites Web et les médias sociaux, et en particulier, de Rebel Media, comme plateforme relayant certains points de vue semblant semer la discorde au Canada à l'heure actuelle.
    Il existe bien sûr des sites Web sur le détournement du droit à la liberté d'expression et des personnes qui ont exercé de tels détournements de manière à diviser et à nuire. S'agit-il de discours haineux? Je ne sais pas — je ne suis pas avocat —, mais il est clair que ce phénomène existe et qu'il prend de l'ampleur. Il ne serait pas avantageux pour nous de ne pas y porter attention et de ne pas prendre les mesures qui s'imposent.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vais passer à Mme Kwan qui dispose des trois dernières minutes.
    Merci infiniment.
    Je voudrais poursuivre sur ce sujet, car je crois qu'on veut laisser entendre, à juste titre, que ceux qui parmi nous occupent un poste de leadership, doivent passer à l'action. Des membres de groupes de témoins et des témoins individuels ont formulé des critiques au sujet de l'insuffisance des mesures prises jusqu'ici.
    À cette fin, à propos des fausses nouvelles, de la diffusion de la propagande haineuse — à défaut d'un terme plus adéquat — dans le réseau des médias sociaux, avez-vous des suggestions à faire? Quelles sont les trois principales choses qu'il nous incombe de faire à titre de dirigeants politiques tous partis confondus? Pouvez-vous nous faire part de votre réflexion à cet égard?
    Absolument. D'abord, quand cela arrive, il faut dénoncer. Refuser de l'accepter. Les candidats et les élus ont des pages Facebook. Soyons francs: nous avons tous, dans nos communautés, des gens qui se font traiter de cinglés, de radicaux, d'androphobes et j'en passe. Cela s'applique aussi à moi, à titre de chef religieux. Si quelqu'un dans ma collectivité diffuse de la propagande haineuse ou des messages inappropriés, que ce soit sur ma page Facebook ou à n'importe quel autre endroit où j'exerce un contrôle, il m'incombe de le dénoncer et d'agir.
    À mon avis, on ne devrait tolérer aucun type de haine, et pour les dirigeants politiques, j'irai jusqu'à dire que la barre devrait probablement être placée un peu plus haut. Si quelqu'un débite des commentaires désobligeants, propage des théories du complot sans fondement ou des rumeurs, agissez. Ne laissez rien passer sous votre gouverne. C'est la première chose.
    Deuxièmement, il faut assurer une formation aux bénévoles et aux membres de votre personnel pour qu'ils sachent aussi quoi faire et ne pas faire et pour qu'ils comprennent l'importance et le pouvoir des mots qu'ils emploient.
    Troisièmement, invitez des personnes de divers groupes à échanger simplement leurs points de vue, parce que nous avons tous un certain apprentissage à faire, et il se peut que vous ne soyez pas d'accord avec ce que vous entendez. Je prends la parole dans des églises et dans divers lieux de culte et organismes. Je dis aux gens qu'ils peuvent tout à fait s'opposer à ce que je dis, cela ne pose aucun problème, mais que je veux simplement faire part de mon point de vue pour qu'ils sachent ce qui me motive et je veux aussi connaître leur position.
    Ce sont de menues mesures que nous pouvons tous prendre pour commencer à mieux comprendre et mieux respecter la diversité.
    Vous avez 30 secondes.
    Un dernier mot, madame Thomas?
    Je crois que des rencontres comme celle-ci sont fondamentales, car il peut vraiment exister une nette différence entre avoir l'impression de savoir ce qui se passe, aux niveaux supérieurs, et ce qui arrive en réalité. Il importe de comprendre cet aspect. Je pense que vous saisissez tous cela, mais j'ajouterais qu'il est primordial de se rappeler que parfois les politiques, programmes et processus n'ont pas les répercussions qu'ils devraient avoir. L'intention est là, mais ce n'est pas l'intention qui compte, c'est l'effet et...
(1745)
    Je vous remercie madame Thomas. Je suis désolée, mais nous devons aller voter.
    Je tiens à remercier Mme Thomas et l'imam Hashmi d'être parmi nous, de nous avoir donné beaucoup de matière à réflexion et d'avoir formulé de bonnes recommandations, de vaste portée et générales, sur la nature de la direction à prendre.
    Merci encore.
    La séance est levée.
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