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Bonjour. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à participer à cette séance. Je suis directeur général du Conseil québécois de la musique, ou CQM. Notre organisme regroupe des professionnels de la musique dite de concert, c'est-à-dire la musique classique, le jazz, la musique contemporaine et la musique du monde, ce qui nous distingue quant à la musique populaire.
Ma présentation est principalement tirée d'un document que le CQM a commandé à M. Guillaume Sirois, un chercheur indépendant de Montréal. Nous lui avons demandé de créer une revue de littérature, qui s'intitule Le développement de contenus numériques dans le domaine de la musique de concert. En guise de présentation, je vais vous lire des extraits de ce document.
De toutes les disciplines artistiques, la musique a sans doute été celle qui a été le plus rapidement et le plus profondément affectée par l'arrivée des technologies numériques. En effet, dès le début des années 2000, l'industrie de la musique a amorcé un cycle de changements qui s'est perpétué au fil des innovations technologiques. Les échanges de fichiers de pair à pair, le piratage de la musique en ligne, l'arrivée des sites de téléchargement légaux et, enfin, les plateformes de musique en continu ont tour à tour imposé des bouleversements profonds à cette industrie qui tente continuellement de s'adapter aux nombreux changements technologiques afin de garder ses capacités de production et sa vitalité.
Les promesses du numérique ont été nombreuses au cours de ces années. On a proposé, par exemple, que le numérique allait permettre l'abolition des intermédiaires de la chaîne de production ou de distribution pour établir un lien direct entre les créateurs et leurs adeptes. D'autres ont soutenu qu'on assisterait à une forme d'âge d'or, pour ce qui est des revenus tirés des performances scéniques, et qu'en matière de ventes, ces performances supplanteraient les enregistrements sonores en tant que moteurs de l'industrie. Dans cette perspective, l'enregistrement sonore serait réduit à une forme de produit d'appel qui favoriserait la vente de billets de concert. Pour la majorité des artistes de l'industrie de la musique, toutes ces promesses faites par les chantres de la révolution numérique ont toutefois eu bien du mal à se réaliser. Plusieurs de ces artistes peinent toujours à transformer les possibilité numériques en revenus importants.
Toutes ces questions problématiques liées à l'introduction des technologies numériques dans le domaine de la musique sont largement analysées en fonction de la musique populaire. Or, un certain nombre de questions particulières se posent dans le domaine de la musique de concert.
En tant qu'organisme porte-parole de ce milieu, le Conseil québécois de la musique est particulièrement préoccupé par l'ensemble de ces problèmes puisqu'ils affectent directement la totalité de ses membres.
Bien que l'application du droit d'auteur et la perception des redevances à l'ère numérique demeurent un enjeu central pour la rémunération des musiciens, les bouleversements numériques ont, eux aussi, une incidence importante sur leur capacité de production, de diffusion et de promotion. La rémunération des créateurs est donc affectée tout au long du processus de création.
L'impact de ces technologies sur les habitudes de consommation de la musique se modifient rapidement, au fur et à mesure que de nouvelles possibilités sont offertes aux consommateurs. La vente d'enregistrements sonores est généralement à la baisse; les revenus tirés de la diffusion en continu s'accroissent, mais demeurent minimes pour les musiciens; et les revenus tirés de la vente de billets de concert ne compensent pas la baisse des revenus tirés de la vente de musique. Il s'agit d'un marché fortement mondialisé où les productions circulent rapidement entre l'Amérique et l'Europe, et de plus en plus vers l'Asie, où la demande pour les produits culturels est en forte hausse.
Les nouveaux modes de consommation de la musique presque exclusivement conçus pour la musique populaire sont parfois mal adaptés aux réalités de la musique classique. Le fait qu'il soit difficile d'identifier correctement les compositeurs, les interprètes et les diverses composantes d'une oeuvre classique sur un enregistrement est un bon exemple de cela. En outre, il est difficile de traiter de manière appropriée des oeuvres comportant plusieurs mouvements — qui sont généralement enregistrés sur des pistes différentes —, notamment dans le cas des listes de diffusion ou des suggestions générées par le système. Il est difficile de repérer correctement les catalogues des compositeurs et des interprètes, puisque l'orthographe de leur nom varie parfois d'un enregistrement à l'autre. Il y a de plus une connaissance insuffisante des genres, des époques et des courants de la musique classique, qui est généralement traitée par ces plateformes numériques comme un tout homogène.
Il faut ajouter à cela que le mode de rémunération des sites de musique en continu est, de façon générale, désavantageux pour les musiciens classiques. En effet, ces sites offrent généralement une minuscule rémunération forfaitaire, soit quelques fractions d'un cent, pour chaque écoute d'une pièce. Le modèle est basé sur la récurrence d'écoutes d'une même pièce, ce qui pourra à terme générer des revenus pour les musiciens. Or, comme la durée des pièces classiques est en moyenne beaucoup plus longue que celle des morceaux populaires, le même temps d'écoute génère des revenus très différents selon le type de musique choisi.
Selon cette logique, un amateur de musique classique et un amateur de musique populaire qui passeraient tous deux une heure à écouter leur musique favorite sur l'un de ces sites engendreraient une distribution de redevances différente. Le premier, ayant écouté un nombre plus limité de morceaux, déclencherait un plus petit nombre de paiements de redevances, alors que le second, ayant eu le temps de consommer un plus grand nombre de pièces, provoquerait la distribution d'un nombre plus élevé de redevances.
De plus, comme les publics de la musique classique demeurent très petits par rapport aux publics de la musique populaire, les plateformes de diffusion en continu ne génèrent, pour le moment, que très peu de revenus liés à la musique classique. Ironiquement, un plus grand nombre de musiciens sont souvent engagés dans la création de ces oeuvres.
Dans un tel marché où les revenus sont généralement en baisse, il devient donc de plus en plus difficile de financer la production de contenus dans le domaine de la musique de concert. Pourtant, les musiciens et les orchestres ressentent de plus en plus la nécessité d'avoir une présence de leurs performances dans l'espace numérique, puisque cela devient un élément essentiel à toute progression des carrières dans ce domaine.
Dans ce contexte, la décision de Radio-Canada de réduire considérablement ses captations de concerts, prise il y a trois ans environ, n'a fait qu'ajouter aux difficultés des musiciens québécois de produire des contenus numériques de qualité et d'en faire la promotion auprès des publics intéressés par une telle production.
Le développement de technologies numériques abordables qui offrent une qualité d'enregistrement toujours meilleure a permis une forme de démocratisation de la production de contenus numériques en musique de concert. Or, plusieurs artistes soulignent également que l'irruption des technologies numériques dans l'espace artistique a entraîné un certain nombre de difficultés pour eux, notamment en ce qui a trait à la connaissance des outils technologiques appropriés à leurs besoins et aux possibilités que ces derniers présentent.
Néanmoins, un artiste qui souhaite aujourd'hui produire des contenus destinés à l'environnement numérique dispose d'un éventail de possibilités. Il y a le modèle traditionnel où une maison de disques prend en charge toutes les étapes de la production et de la mise en marché, mais nous assistons de plus en plus au développement d'autoproductions, ou encore de contrats en partage du risque entre l'artiste et une maison de production.
Cette reconfiguration de la chaîne de production et de distribution des contenus numériques pose également de sérieuses questions quant au financement étatique de ce type d'activité. En effet, jusqu'à maintenant, tout le financement de l'État en matière de production de contenus allait directement aux producteurs, seuls acteurs capables d'assurer cette fonction. Or, qu'en est-il dans un monde où la production est beaucoup moins centralisée et peut être effectuée par plusieurs types d'acteurs? Si les producteurs traditionnels s'affaiblissent, si la pression sur les artistes s'accentue pour qu'ils deviennent leur propre producteur de contenus, si un grand nombre d'acteurs sont maintenant engagés dans cette activité, ne serait-il pas nécessaire de revoir les canaux de financement privilégiés par l'État dans son soutien à cette industrie?
La question de la production de contenus numériques en musique de concert est inséparable de celles de sa diffusion et de sa distribution.
Il faut prendre en compte la culture de la gratuité qui règne sur les contenus numériques. Il est de plus en plus difficile de mettre au point des modèles d'affaires qui demandent une contribution financière des consommateurs pour accéder aux contenus culturels. C'est particulièrement le cas pour les expressions artistiques de la relève. Les artistes et les producteurs qui jouissent d'une très grande notoriété peuvent plus facilement obtenir la confiance des consommateurs quant à la qualité de leurs produits et ainsi les convaincre de débourser une certaine somme pour y accéder. Toutefois, pour les artistes de la relève qui ne peuvent compter sur un tel capital de réputation, il est plus difficile d'obtenir une rétribution pour leurs prestations.
Tout le discours sur les grandes possibilités de visibilité qu'offre l'environnement numérique repose en grande partie sur le maillage entre la distribution de contenus numériques et l'assistance aux concerts. Les experts en commercialisation appellent cela le « fan-based marketing ». Or, les quelques réussites présentées comme étant un exemple de la recette miracle demeurent en grande partie inaccessibles à la majorité des musiciens.
Au sujet de la découvrabilité, les musiques de concert doivent faire face à un défi de taille: comment faire en sorte que les fichiers audio ou vidéo mis en ligne par les musiciens québécois trouvent leurs publics alors qu'ils entrent dans un espace compétitif qui ne concerne pas seulement la scène locale, mais bien les musiciens et les orchestres de toute la planète? Dans un domaine comme celui de la musique classique, qui est largement basé sur un répertoire commun, comment les musiciens québécois peuvent-ils se distinguer dans l'univers numérique qui contient probablement déjà plusieurs versions de l'oeuvre qu'ils proposent aux amateurs?
La question est d'autant plus préoccupante qu'en ce qui concerne la musique de concert, comme dans la plupart des secteurs artistiques, on assiste à un effritement du rôle de l'expert dans la prescription des produits culturels.
En terminant, notons qu'il semble qu'aujourd'hui la publication d'un simple fichier audio contenant une performance musicale soit de moins en moins suffisante pour combler les attentes élevées des consommateurs. Ainsi, les utilisateurs souhaitent avoir accès, de plus en plus, à une valeur ajoutée qui leur permet de voir, de vivre et de comprendre la musique, ce qui décuple du même coup les produits numériques, parfois chers à produire et qui rapportent peu: cinéma événement, applications didactiques et utilitaires, réalité virtuelle, installations sonores, et ainsi de suite.
Voici les principales pistes de solutions qui ressortent de notre enquête.
La première concerne le financement des productions. Il faut une réforme de la distribution du financement public pour mieux refléter les coûts associés à la production et aux structures de production actuelles. Il faut aussi imposer aux fournisseurs d'accès Internet une contribution obligatoire à des fonds de production de contenus numériques culturels. Nous suggérons l'imposition d'une taxe culturelle sur les appareils de lecture de contenus numériques et une réforme de la fiscalité de l'industrie de la musique pour y ajouter des crédits d'impôt, comme cela se fait dans le secteur du cinéma.
Nous recommandons qu'il y ait une réforme du droit d'auteur qui prévoie le paiement de redevances, mais également un système uniformisé de collecte de données permettant de retracer les ayants droit.
De plus, il faudrait faire de l'éducation sur les droits d'auteur. Il faudrait informer les musiciens sur leurs droits et leurs responsabilités, et sensibiliser le public aux répercussions de leurs actions virtuelles sur le domaine des arts et de la culture, de même que sur la consommation responsable dans ce secteur.
Finalement, il faudrait mener des initiatives de promotion pour faire connaître les contenus qui sont disponibles sur les grandes plateformes internationales.
Merci.
C'était un excellent exposé, soit dit en passant. Merci, monsieur Trudel.
Je m'appelle Graham Henderson, je suis président et chef des opérations de Music Canada, et nous défendons passionnément les créateurs de musique et la musique elle-même.
Je suis très heureux de voir le comité du patrimoine étudier des modèles de rémunération pour les artistes dans les industries créatives. C'est un aspect du système de l'industrie de la musique que je cherche moi-même, et Music Canada aussi, à moderniser depuis des années. Créer un marché fonctionnel, où les créateurs reçoivent une juste rémunération pour l'utilisation de leurs oeuvres, est le socle de notre mission.
Cependant, la réalité pour les créateurs canadiens est qu'il existe dans notre propre Loi sur le droit d'auteur des dispositions qui les empêchent de recevoir une juste valeur marchande pour leurs oeuvres. Je crois que le mieux que puisse faire le Comité pour aider à créer un marché transparent et favorable aux créateurs canadiens, c'est de proposer au gouvernement des solutions simples et accessibles pour remédier à ce que nous appelons l'« écart de valeur ». Music Canada a produit un rapport détaillé sur l'écart de valeur au Canada, que vous avez devant vous en anglais et en français. Il est tout à fait unique. Vous avez une feuille détachable sur le dessus qui définit l'écart de valeur comme étant « la disparité significative qui existe entre la valeur du contenu créatif que les consommateurs consultent et apprécient et celle des revenus qui sont transmis aux individus et aux entreprises qui l’ont inventé ».
Aujourd'hui, on consomme plus de musique que jamais dans l'histoire. Cependant, la rémunération de ce contenu n'a pas suivi les niveaux de consommation record. J'ai été heureux d'entendre la le reconnaître il y a quelques semaines en déclarant que les retombées de l'économie numérique sont inégalement partagées et que trop de créateurs, de journalistes et d'artistes sont laissés pour compte.
Les origines de l'écart de valeur remontent à plus d'une vingtaine d'années, à une époque où des pays du monde entier, y compris le Canada, commençaient à adapter et à interpréter des lois créées en d'autres temps pour protéger les entreprises de télécommunications et les compagnies de téléphone sur un marché numérique naissant. Partout dans le monde, ces lois comprenaient Internet comme étant une série de simples — et c'était le terme utilisé — canaux de transmission où les habitudes de navigation étaient anonymes et où la quantité de données échangées entre les sites était tellement immense qu'il était impossible de la connaître exactement. Vingt ans plus tard, nous savons qu'Internet est composé des canaux les plus intelligents que l'humanité ait jamais créés. Nos habitudes sur le Web sont suivies méticuleusement et les métadonnées qu'il crée sont recueillies, analysées et vendues à chaque seconde de la journée.
Ces lois étaient certes bien intentionnées au départ, mais elles ont pour conséquence aujourd'hui que la richesse ne revient pas aux créateurs, mais finit dans les poches d'entités numériques massives, d'intermédiaires. Le peu qui reste pour les créateurs est concentré entre de moins en moins de mains. Résultat, la classe moyenne créatrice disparaît, si elle n'a pas déjà disparu, et avec elle, de nombreux emplois et possibilités.
Il est inutile de pointer quiconque du doigt. Personne n'a voulu que la classe moyenne créatrice souffre. L'important maintenant est d'avancer résolument et sans tarder pour rectifier les règles. Il est primordial de faire en sorte que la Loi sur le droit d'auteur garantisse la juste rémunération des droits du créateur lorsque son oeuvre est commercialisée par d'autres.
L'écart de valeur repose sur des politiques d'exonération et des exceptions dépassées encore appliquées dans le monde entier. Une exonération, soit dit en passant, est une manière de limiter la responsabilité d'un intermédiaire et de permettre la consommation de musique sans paiement. Je sais que la et le travaillent sur ce dossier et parlent avec leurs homologues étrangers pour trouver une solution. Ici, au Canada, certaines lois creusent l'écart de valeur en exigeant — imaginez — que les créateurs, les créateurs individuels, subventionnent des entreprises technologiques commerciales qui valent des milliards de dollars.
Voici quatre mesures que le Comité pourrait recommander immédiatement, qui aideraient tout de suite les créateurs et qui harmoniseraient la politique canadienne avec les normes internationales.
Premièrement, supprimez l'exemption de redevances radiophoniques sur 1,25 million de dollars. Depuis 1997, les stations de radio commerciales sont, en effet, exemptées du paiement de redevances sur la première tranche de 1,25 million de revenus publicitaires. Cela revient à une subvention croisée de 8 millions par an payée par les artistes et leurs partenaires de l'industrie du disque à de grandes entreprises du secteur des médias, intégrées verticalement et très rentables. Ce genre de subvention n'existe nulle part ailleurs dans le monde. L'exemption ne s'applique pas aux redevances dues aux auteurs-compositeurs et aux éditeurs. Autrement dit, les interprètes et les maisons de disques sont les seuls titulaires de droits dont les redevances servent à subventionner l'industrie de la radio commerciale, ce qui est injustifiable et devrait être éliminé.
Deuxièmement, modifiez la définition d'enregistrement sonore dans la Loi sur le droit d'auteur. Là encore, la définition actuelle ne prévoit pas que les interprètes et les maisons de disques perçoivent des redevances pour l'utilisation de leur oeuvre dans les bandes sonores à la télévision et au cinéma. Cette exception ne concerne que les bandes sonores de la télévision et du cinéma et ne s'applique pas aux compositeurs, aux auteurs-compositeurs ou aux éditeurs de musique. Elle est inéquitable et injustifiée, étant donné surtout le rôle profond que la musique joue dans les bandes sonores. Elle est coûteuse pour les artistes et les maisons de disques, qui continuent de subventionner ceux qui exploitent leurs enregistrements à hauteur de 55 millions de dollars par an.
Troisièmement, modifiez la durée du droit d'auteur pour les oeuvres musicales. Au Canada, la durée de la protection du droit d'auteur pour les auteurs d'oeuvres musicales ne correspond pas aux normes internationales en matière de droit d'auteur. Aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, la protection des oeuvres musicales subsiste du vivant de l'auteur et est ensuite prolongée de 50 ans. En revanche, la majorité des grands partenaires commerciaux du Canada reconnaissent une durée de protection plus longue, et on voit s'appliquer maintenant la norme générale du vivant de l'auteur plus 70 ans. Je remarque que le vice-président du Comité, M. Van Loan, a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire sur le sujet, et nous l'en remercions.
Quatrièmement, renouvelez le soutien aux créateurs de musique. Différentes décisions limitent la redevance sur la copie privée, qui devait à l'origine être neutre d'un point de vue technologique et visait des supports devenus depuis obsolètes. Cette source de revenu gagné importante pour plus de 100 000 créateurs de musique est à présent menacée, à moins de moderniser le régime. Les créateurs de musique demandent la création d'un fonds provisoire de 4 ans doté de 40 millions de dollars par an. Il garantira que les créateurs de musique continuent de recevoir une juste rémunération des copies privées faites, jusqu'à ce qu'une solution permanente à long terme soit trouvée.
Chacun de ces changements élimine une subvention injuste, harmonise les lois au sein de nos industries et nous aligne sur les normes internationales. Ils peuvent être adoptés aujourd'hui.
Alors que la communauté artistique attend avec impatience cet examen de la Loi sur le droit d'auteur, une organisation appelée Focus on Creators a adressé à la une lettre maintenant signée par plus de 3 650 créateurs canadiens. Dans cette lettre, les créateurs exposent leur préoccupation au sujet de l'écart de valeur et de la disparition des artistes de la classe moyenne qu'il entraîne au Canada. La lettre des créateurs se termine par un message qui, je l'espère, vous tiendra à coeur: « Nous savons que vous comprenez l'importance culturelle de notre oeuvre; nous espérons que vous voyez aussi sa valeur et sa place cruciale dans l'économie du Canada. Nous vous demandons de mettre les créateurs au coeur de la future politique. »
Je vous remercie.
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Trouver un stationnement a été le plus difficile.
Des voix: Oh, oh!
M. Andrew Morrison: Le petit gars de la campagne venu du Nunavut. Je viens d'Iqaluit, où on peut stationner où on veut. Le contexte est un peu différent.
Je ne suis pas trop dans mon élément aujourd'hui. Je suis avant tout un artiste. Nous venons d'Iqaluit, au Nunavut, nous occupons donc une place particulière dans l'industrie de la musique au Canada. En tant qu'artistes, nous ne sommes pas... Je suis volontiers d'accord avec tout ce que vient de dire Graham. Je vais lui voler ses notes pour les relire.
Nous chantons en inuktitut. Cela fait partie de ce que font les Jerry Cans. Nous nous inscrivons dans une tendance musicale très importante au Canada, la scène musicale autochtone et ce qui s'y passe. J'ai beaucoup de choses à dire sur l'industrie de la musique, mais pour ce qui est du droit d'auteur, je crois qu'il est très important de comprendre la relation entre la Loi sur le droit d'auteur et les formes musicales autochtones. Il s'agit d'une situation unique dont toute nouvelle loi devrait tenir compte.
Nous intégrons le chant guttural et nous sommes très méfiants, car le chant guttural devient une forme d'art connue dans le monde, avec Tanya Tagaq et ses collaborations avec les Jerry Cans et quelques autres artistes. Nous nous demandons comment le chant guttural pourrait être utilisé, comment les formes d'art traditionnelles devraient être protégées et comment leur rémunération devrait être garantie lorsqu'elles sont exécutées à l'échelle internationale. C'est ce que je voulais dire dans mon exposé et pas grand-chose d'autre.
Je pense aussi que les artistes ont du mal à cause de ce qui se passe en ce moment dans l'industrie de la musique. Notre production musicale — les chansons que nous créons et les chansons que nous produisons — représente une si petite part du revenu que nous générons à présent, et nous ne voyons pas nécessairement... À mon avis, c'est à cause de ce qui se passe dans le monde du droit d'auteur. Nous perdons tellement le contrôle et le pouvoir sur nos propres formes musicales et artistiques.
Nous ne savons pas vraiment quoi faire parce que nous nous sentons un peu impuissants par rapport à la provenance de notre argent. Nous nous produisons sur scène pour gagner de l'argent. Une nouvelle chanson que nous créons est davantage une carte de visite que toute forme de chanson à succès, par exemple. J'espère donc que nous trouverons une solution.
Nous sommes partis en tournée avec des artistes internationaux pour qui le Canada est un endroit très spécial. Ils croient qu'on y soutient beaucoup la musique, et je pense que nous devons faire en sorte que cela continue. Je pense aussi que nous devons trouver le moyen de mieux rémunérer les artistes pour leur musique, en particulier parce que les tournées sont fatigantes — comme vous pouvez le voir. J'ai joué jusqu'à minuit hier soir. Il est important, à mon sens, de présenter le point de vue des artistes. On nous oublie parfois dans les conversations parce que ces choses sont très compliquées, et nous avons du mal à comprendre le monde du droit d'auteur.
Je pense qu'il y a beaucoup à faire. Par ailleurs, quand Graham parlait des artistes de la classe moyenne, je me disais que je voudrais bien en faire partie, à cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Si nous dressons un tableau de nos revenus, la part des droits d'auteur est minime aujourd'hui. Je suis un jeune artiste et ceux de la génération précédente me parlent de la grande époque où ils touchaient des chèques de redevances. Je me dis, super, mais moi, j'ai tout juste de quoi t'offrir un café avec les miennes.
Je suis persuadé qu'on peut trouver une solution. Je ne connais pas ces situations particulières, mais je crois qu'il est important d'écouter ce que les artistes ont à dire et de comprendre que notre optique du droit d'auteur change considérablement. Nous ne voyons pas forcément la sortie d'une chanson comme un moyen de payer le loyer ou autre chose. Je tiens aussi à rappeler qu'il est important de bien définir la place des formes d'art autochtones dans la Loi sur le droit d'auteur au Canada. C'est tout.
Les choses sont particulièrement difficiles au Nunavut parce que tout est tellement cher dans le Nord, mais je pense que c'est une des tendances musicales les plus importantes au Canada aujourd'hui. Je vous laisse le soin de trouver le moyen de soutenir cette forme d'art comme il convient.
Je vous remercie. Qujannamiik.
Venez nous voir au Nunavut.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous.
Je remercie tous les témoins.
Monsieur Henderson, je pense que votre allocution était probablement la meilleure que vous ayez jamais présentée. Il est très important d'avoir l'heure juste quant à la situation du droit d'auteur. Il faut rappeler aussi qu'il y a d'autres révisions importantes qui s'en viennent; je pense notamment à la réforme de la Loi sur la radiodiffusion.
Cependant, il s'agit ici de la rémunération des auteurs, et c'est cela qu'il est important de rappeler. Nous pouvons parler, entre autres, de la visibilité de notre culture dans le cadre des changements technologiques et de tout ce qui s'y rattache, mais nous parlons plutôt de la rémunération de nos auteurs et de nos artistes.
Monsieur Morrison, du groupe The Jerry Cans, je dois premièrement vous dire que je vous trouve extrêmement rafraîchissant. C'est merveilleux de penser que vous venez de si loin: hier soir, vous étiez sur scène, en spectacle, et vous êtes ici ce matin. Je vous en remercie beaucoup. C'est sûr que cela me fait un drôle d'effet de vous entendre dire que vous n'avez aucune idée de ce dont nous parlons quand il est question des droits d'utilisation d'une oeuvre enregistrée. Je vois d'ailleurs des gens de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ou ADISQ, et de la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec, ou SOPROQ, qui sont ici.
Je pense que M. Henderson l'a bien formulé: nous avons en effet gagné notre vie en tant que créateurs et je peux vous dire que j'étais là, comme mélomane, et nous gagnions notre vie de cette manière. Vous me semblez merveilleusement rafraîchissant, monsieur Morrison, et je pense que c'est très important de se rappeler que nous travaillons pour des gens comme vous.
Pourriez-vous nous dire brièvement, monsieur Morrison, à quoi vous faites allusion quand vous dites que cette réforme est particulièrement importante pour les formes d'art autochtone?
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Vous plaidez votre cause comme un avocat.
Parfait. C'est très clair.
[Français]
J'ai une dernière question pour M. Trudel.
On a mentionné le système utilisé par Spotify, et il est vrai que la situation est certainement meilleure sur cette plateforme que sur celle de YouTube. Par contre, malgré cela, les redevances sont minables. Elles ont été négociées par de grands éditeurs internationaux, à leur profit, et ces derniers vont chercher des parts de ventes de données dans le monde. C'est de cette façon qu'ils font de l'argent, il faut croire.
Je crois que les artistes de la formation les Violons du Roy, qui sont certainement très importants pour vous — je les ai d'ailleurs découverts aux galas des prix Opus —, font partie de ceux réunis dans la compilation de Fifty Shades of Grey. Une pièce de Jean-Sébastien Bach a été interprétée par eux, si je me souviens bien. C'est une compilation qui a certainement eu une visibilité très grande à l'échelle mondiale.
Croyez-vous qu'il soit possible de demander aux artistes des Violons du Roy de nous donner un évaluation de leurs redevances ou de faire une comparaison entre la somme qu'ils ont reçue pour cette interprétation et celle qui leur a été versée suivant le plus gros succès qu'il ont connu en tant qu'artistes?
Vous avez parlé de la découvrabilité des artistes de concert, qui sont québécois de surcroît. Croyez-vous que c'est intéressant?
Il est vrai que les plateformes Spotify et Apple Music sont bien meilleures que celle de YouTube, mais les créateurs reçoivent des redevances minables. N'est-ce pas?
Mesdames et messieurs membres du Comité, je vous remercie de cette invitation.
Je m'appelle Lyette Bouchard et je suis la présidente de la Société canadienne de perception de la copie privée, ou SCPCP. Comme vous l'avez dit, madame la présidente, je suis accompagnée de Mme Lisa Freeman, qui est la directrice générale.
En 1997, la Loi sur le droit d'auteur a été modifiée pour permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de copier des enregistrements sonores sur support audio pour leur usage privé. Parallèlement, la redevance sur la copie privée a été créée afin que les créateurs reçoivent une rémunération pour l'utilisation de leur musique. C'était la copie privée.
Conformément à la Loi, les fabricants et les importateurs de supports audio vierges paient une faible redevance pour toute importation ou vente au Canada de ces supports. Ces redevances sont perçues par la SCPCP pour ses sociétés membres, qui représentent les artistes-interprètes, les auteurs-compositeurs, les éditeurs de musique et les maisons de disques.
Pendant de nombreuses années, le régime de perception de la copie privée a constitué une importante source de revenus, qui générait des recettes de plus de 300 millions de dollars pour 100 000 créateurs de musique, ce qui les a aidés, bien sûr, à continuer de créer et de commercialiser du contenu culturel important.
Initialement, le libellé de la Loi visait à rendre le régime de perception de la copie privée neutre sur le plan technologique. Cependant, les décisions de la Cour d'appel fédérale et du gouvernement fédéral précédent ont restreint ce régime aux supports qui tombent rapidement en désuétude. Je parle, bien sûr, des copies de CD vierges.
Comme la majorité des consommateurs font actuellement des copies de musique sur des appareils comme des téléphones intelligents ou des tablettes, l'utilisation de CD vierges pour copier de la musique diminue rapidement. Par conséquent, les revenus destinés aux créateurs de musique liés à la copie privée sont également en chute libre.
Les revenus annuels découlant de la redevance pour copie privée ont baissé de 89 %, passant d'un sommet de 38 millions de dollars en 2004 à moins de 3 millions de dollars de redevances en 2016.
En 2015-2016, les Canadiens ont copié plus de 2 milliards de pistes de musique, soit plus du double de copies faites en 2004. Cependant, à l'heure actuelle, les ayants droit ne reçoivent aucune compensation pour la majorité de ces copies, y compris les centaines de millions de copies non autorisées réalisées sur des appareils comme les téléphones intelligents.
Quelle serait la situation si le Canada avait suivi l'exemple européen en 2012 lors de la dernière révision de la Loi et avait rendu le régime neutre sur le plan technologique pour qu'une redevance s'applique sur les téléphones intelligents et les tablettes? Selon les données relatives aux ventes de ces appareils, une redevance de 3 $, qui est la moyenne pratiquée en Europe, aurait généré 40 millions de dollars par année pour les ayants droit. Seulement entre 2012 et 2017, c'est un montant de 240 millions de dollars que le milieu de la musique a perdu.
Il est urgent que nous agissions.
La SCPCP recommande au gouvernement de rendre le régime neutre sur le plan technologique pour demeurer en phase avec la façon dont les Canadiens consomment la musique.
La solution est de modifier la Loi pour que le régime s'applique tant aux supports audio qu'aux appareils tels que les téléphones intelligents ou les tablettes.
La SCPCP propose également d'apporter d'autres modifications très mineures à la Loi. En un sens, il suffit de clarifier le fait que le régime s'applique seulement aux copies faites à partir d'un enregistrement sonore qu'une personne a en sa possession. Nous voulons toutefois qu'il n'y ait aucune confusion: le fait d'offrir ou d'obtenir de la musique illégalement, que ce soit par un service en ligne non autorisé, par l'extraction audionumérique en ligne ou même en volant un album dans un magasin, demeure illégal. Bien sûr, voler est un geste illégal.
Il doit également être clair que le régime de copie privée ne doit pas nuire aux services légaux de musique en ligne, ni légaliser les services illégaux.
Chaque fois qu'il est possible de le faire, les ayants droit licencient le fruit de leur travail pour ceux qui souhaitent l'utiliser. Le régime de copie privée ne vise qu'à rémunérer les copies qui ne peuvent être contrôlées.
Il nous faut une solution législative permanente, mais, dans l'intervalle, il est primordial que soit mis en place un fonds intérimaire de 40 millions de dollars, comme le soulignait tout à l'heure M. Henderson.
Merci.
Madame Freeman, c'est votre tour.
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Je voulais mettre une fois encore l'accent sur les très bonnes raisons de corriger le régime de la copie privée. Tout comme Music Canada a souligné quatre éléments, je donnerai trois catégories de bonnes raisons de corriger le régime de la copie privée.
Tout d'abord, il reste la meilleure solution à ce qui est un problème continu. La diffusion en continu domine peut-être le marché légal de la musique, mais les Canadiens apprécient toujours les copies de musique et en font plus de deux milliards par an depuis 2010. La tendance est assez constante. Le système de redevance est le meilleur mécanisme pour rémunérer les titulaires de droits pour les copies qui ne peuvent être autorisées et qui constituent toujours l'immense majorité de ces copies. Il suffit de le modifier pour qu'il suive le mode de consommation de la musique des Canadiens sur un marché en constante évolution, maintenant et à l'avenir.
Avec des révisions minimales, le régime de la copie privée peut redevenir ce qu'il était censé être au départ, à savoir un système souple et neutre sur le plan technologique qui monétise les copies privées sur lesquelles les titulaires de droits ne peuvent exercer de contrôle, sans nuire aux services de musique en ligne légitimes.
Le processus de perception de redevances resterait le même, puisque la SCPCP serait tenue de déposer auprès de la Commission du droit d'auteur un tarif proposé et de démontrer par des preuves empiriques quels appareils et quels supports sont habituellement employés pour copier de la musique.
À l'heure actuelle, le Canada est un pays marginal. La plupart des pays de l'Union européenne et certains pays d'Afrique et d'Asie, soit une quarantaine de régimes solides dans le monde, ont accepté l'évolution technologique il y a des années et sont maintenant dotés de régimes de copie privée vigoureux qui appliquent des redevances à divers supports et appareils, comme les téléphones intelligents et les tablettes. En Europe, c'est le cas de l'Autriche, la Belgique, la Croatie, la France, l'Allemagne, la Hongrie, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse.
Dans une étude mondiale détaillée de la copie privée publiée en décembre dernier, la CISAC, qui est une organisation internationale de sociétés d'auteurs, rappelle au Canada en particulier la nécessité de moderniser et d'adapter son régime aux nouvelles utilisations en percevant des redevances sur les appareils numériques. Voilà pour la première série de raisons.
La deuxième série de raisons concerne la question de l'équité. Au cours des deux dernières décennies, la redevance sur la copie privée a répondu à un besoin important des titulaires de droits et des consommateurs de musique au Canada en permettant une juste rémunération des titulaires de droits et en assurant les consommateurs de la légalité de leurs copies. En l'absence d'une solution législative comme celle que la SCPCP propose maintenant, l'activité de copie privée des Canadiens demeurera illégale et les redevances aux créateurs de musique, qui les dédommagent de la copie privée massive de leurs oeuvres, ne tarderont pas à disparaître complètement.
Les créateurs de musique canadiens doivent être payés pour l'utilisation généralisée de leurs oeuvres, tout comme les entreprises qui produisent et vendent les appareils utilisés pour copier la musique se font toutes payer. La redevance sur la copie privée n'est pas une taxe, ni de la charité, ni un programme de subventions. Il s'agit d'un revenu gagné.
La Commission du droit d'auteur décide en dernier ressort du montant de la redevance. Cependant, les redevances proposées par la SCPCP ne représenteront certainement qu'une petite fraction du coût d'un téléphone intelligent ou d'une tablette, et elles seront comparables aux taux de redevance appliqués dans la plupart des pays européens, où la redevance moyenne payable sur un téléphone intelligent est d'environ trois dollars, soit le prix d'une tasse de café.
Comme toujours, ce sont les fabricants et les importateurs de supports et d'appareils qui paieraient la redevance. En fait, nous savons tous que le coût de nombreux téléphones intelligents et tablettes est déjà subventionné pour les consommateurs par les entreprises intermédiaires qui fournissent les appareils dans un forfait de services de réseau mobile.
La troisième et dernière catégorie de bonnes raisons de corriger le régime de la copie privée que je souhaite vous soumettre est celle de l'urgence de cette correction. Nous ne saurions trop insister sur l'urgence de cette question. Comme Music Canada vient de vous l'expliquer, en même temps que les créateurs de musique voient diminuer leur revenu du régime de la copie privée, leur revenu de nombreuses autres sources diminue aussi, en partie à cause d'exceptions supplémentaires au droit d'auteur ajoutées à la révision de la loi en 2012.
Les artistes canadiens et les entreprises canadiennes dont la musique est copiée pour un usage personnel ne peuvent produire et se livrer concurrence sur la scène internationale que s'ils sont payés lorsque leurs oeuvres sont utilisées.
Nous demandons instamment au gouvernement de présenter immédiatement après cet examen parlementaire un projet de loi afin que les modifications mineures nécessaires à la loi puissent être apportées dès que possible.
Je vous remercie de votre attention. Nous répondrons volontiers à vos questions.
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Au nom des musiciens de ce pays, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à témoigner. Je vous en suis très reconnaissant.
Graham Henderson, de Music Canada, a déjà dit de manière très éloquente la majorité de ce que je vais dire. Ce sera une répétition simplement parce que l'essentiel de ce que la Fédération canadienne des musiciens fait au nom de ses membres concerne le droit contractuel. Nous ne percevons pas de droits d'auteur à proprement parler. Toutefois, en raison de l'impact direct sur nos membres, la question est extrêmement importante pour nous.
Nombre d'artistes et de musiciens professionnels captivent des auditoires internationaux et se hissent en tête des palmarès de vente. Nous avons beaucoup à offrir au monde parce que notre société apprécie la créativité et l'innovation. Notre gouvernement doit veiller à ce que ses politiques et règlements reflètent la valeur que nous attachons à notre communauté créatrice et aux arts. Ces consultations devraient jeter les bases d'outils de réglementation et de politique, ainsi que du soutien financier nécessaire pour que les musiciens professionnels canadiens prospèrent dans l'environnement numérique maintenant et dans les années à venir.
Notre première recommandation — là encore, dans le droit fil de la recommandation de Music Canada — est de modifier la définition d'« enregistrement sonore ». La définition actuelle qui en est donnée dans la Loi sur le droit d'auteur doit être modifiée afin que les interprètes puissent percevoir des redevances quand leurs interprétations musicales enregistrées sur des bandes sonores d'oeuvres audiovisuelles, comme des émissions de télévision et des films, sont télédiffusées, diffusées en continu sur Internet ou présentées dans des cinémas. Nous recommandons, à cette fin, la ratification du Traité de Beijing, afin de garantir que cette mesure fonctionne correctement.
Notre deuxième recommandation est de supprimer l'exemption de redevances accordées aux diffuseurs radiocommerciaux sur la première tranche de 1,25 million de dollars. En modifiant la Loi sur le droit d'auteur pour éliminer cette exemption inutile dont bénéficient les radios commerciales, on aurait des millions de dollars de redevances en plus pour les artistes. Ce qu'on n'a pas précisé plus tôt, c'est que cette exemption sur les 1,25 million de dollars ne devait à l'origine s'appliquer qu'aux radios familiales dont les revenus étaient inférieurs ou égaux à 1,25 million de dollars. Or, tout à coup, elle s'est appliquée à tous les radiodiffuseurs. Autrement dit, elle n'a pas été bien définie au départ.
La troisième recommandation est d'élargir le régime de la copie privée aux nouvelles technologies qui permettent de réaliser des copies. Comme la SCPCP l'a si bien expliqué, nous devrions procéder aux changements législatifs nécessaires pour moderniser le régime de la copie privée de manière qu'il tienne compte des progrès de la technologie de copie numérique.
Nous recommandons également de changer le fonctionnement et les pratiques de la Commission du droit d'auteur. J'y consacre un autre mémoire.
En ce qui concerne la lutte contre le piratage dans le monde numérique, nos politiques et lois culturelles doivent y apporter une réponse pratique qui corresponde mieux à la façon dont les Canadiens consomment le contenu et qui aide les musiciens professionnels canadiens et leurs créateurs de contenu à réussir sur le marché numérique mondial. Il existe toutes sortes de technologies. Il y a des algorithmes capables de retracer l'utilisation de toute chanson où que ce soit dans le monde. Il est anormal que nous n'utilisions pas ces technologies et que nous ne monétisions pas correctement les enregistrements de nos musiciens.
Notre dernière recommandation concerne la réglementation du contenu canadien. Nous encourageons le gouvernement à travailler en collaboration avec le milieu de la musique pour faire passer les quotas de contenu et la désignation MAPL de l'analogue au numérique. Nous devons d'abord réglementer la diffusion en continu, industrie qui vaudra bientôt 70 milliards de dollars à l'échelle mondiale, et ceux qui produisent au Canada, comme Netflix, devraient être assujettis au processus de négociation collective, notamment en ce qui a trait au statut de l'artiste.
Merci infiniment. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Je m'appelle Jean-Pierre Caissie et je suis membre du conseil d'administration de l'Alliance nationale de l'industrie musicale, ou ANIM. Je suis également directeur adjoint de l'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick.
Il est important que les artistes, les créateurs et les créatrices puissent vivre de leur art au Canada. Il en va de même pour les artistes des communautés francophones et acadienne vivant en milieu minoritaire au Canada. La , Mme Mélanie Joly, a tout à fait raison de dire que le Canada est créatif. Il est maintenant temps de soutenir cette créativité. Selon Hill Stratégies, qui analyse les données de l'Enquête sur la population active, le nombre d'artistes a augmenté de 56 % entre 1989 et 2013. Il y a donc de plus en plus d'artistes au Canada ainsi que dans les communautés franco-canadiennes.
Ces artistes ont accès à de nombreux outils de production dont leurs prédécesseurs ne disposaient pas, notamment à des enregistrements dans des studios maison ainsi qu'à des plateformes de diffusion, par l'entremise d'Internet, et au public qui découvre de cette façon leur travail à distance. De nombreuses possibilités s'offrent aux artistes. Être artiste demande souvent d'investir du temps dans des métiers connexes tels que la gestion et les communications. Le nombre d'heures consacrées à la création diminue et passe du côté de la gestion de la carrière.
Rappelons que, selon l'Enquête nationale auprès des ménages, le revenu annuel moyen des artistes en musique et des chanteurs était de 22 770 $ au Canada en 2010. Au Nouveau-Brunswick, le revenu annuel médian d'un artiste se chiffre à 17 562 $. C'est sous le seuil de la pauvreté, soit dit en passant.
Pour qu'ils soient pleinement accompagnés dans le développement de leur carrière, les artistes ont besoin du soutien accru d'expertises précises: gérance, maisons de disques, engagements et aide à la tournée, et ce, tant à l'échelon national qu'international. L'accompagnement, la formation, la main-d'oeuvre qualifiée et les occasions de réseautage sont des besoins ciblés dans l'Étude sur le développement des artistes et des entreprises de la musique oeuvrant au sein des communautés francophones en situation minoritaire, qui a été réalisée en 2017 et dont nous vous enverrons une copie. Ce sont là des éléments incontournables du développement de la carrière d'un artiste en musique.
Pour aborder plus directement la question qui nous intéresse aujourd'hui, soit celle des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs, nous aimerions, à l'instar de certains de nos collègues, parler de la diffusion en continu. Avant d'aborder cette question, nous tenons à souligner l'importance des tarifs visant les auteurs et compositeurs lors de diffusions à la radio. Les redevances qui sont remises aux artistes sont primordiales pour leur santé financière. De plus, quand il y a des redevances, cela signifie que les chansons sont diffusées à la radio et se font connaître par un public plus vaste. Le Rapport de surveillance des communications, qui a été publié par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, en 2017, rappelait l'importance de la radio dans le quotidien des citoyens et des citoyennes. On soulignait en effet que 91 % des francophones écoutaient la radio traditionnelle. Il est donc important de maintenir et même d'améliorer les redevances payées aux artistes quand leurs oeuvres jouent à la radio.
Pour ce qui est de la diffusion en continu en ligne, les tarifs consentis aux artistes sont notablement plus bas. La Commission du droit d'auteur du Canada a déterminé un tarif qui se chiffre à 0,012 ¢ par écoute. Le tarif aux États-Unis est environ 25 fois plus élevé. Nous sommes rassurés par le fait que le gouvernement ait demandé à la Commission de réaliser une étude. Nous croyons que des améliorations sont possibles et nous nous rangeons derrière la Coalition pour une politique musicale canadienne, qui demande que la Commission prenne des décisions plus rapidement et que ces décisions soient plus conformes aux tarifs appliqués ailleurs dans le monde.
Dans le contexte de la diffusion en continu, on parle souvent du défi de la découvrabilité. Cela équivaut à trouver une aiguille dans une botte de foin, me direz-vous. C'est un peu le cas, mais en utilisant des mots clés et en comprenant mieux les algorithmes, on peut espérer obtenir un plus grand nombre d'écoutes sur ces plateformes. Nous aimerions, bien sûr, figurer sur les listes d'écoute des ministres et du premier ministre, mais les places sont limitées. Il est vrai que, dans la réalité, une large part du travail de promotion doit se faire ailleurs, entre autres en donnant des spectacles et en obtenant une couverture médiatique dans les journaux locaux et les radios communautaires. Les médias liés à Internet ne vivent pas dans un monde clos, séparé de la vie concrète, d'où l'importance pour les artistes en musique de bénéficier dans leur communauté de l'accompagnement de personnes qui font du travail de gérance et de communications pour effectuer les tâches supplémentaires liées à Internet et à toutes les plateformes existantes.
À titre d'information, j'aimerais préciser qu'un certain nombre d'artistes acadiens envisagent présentement de retirer leurs chansons des services de diffusion en continu qui n'offrent pas de tarifs raisonnables. C'est triste, dire-vous. Cela va à l'encontre du souhait du gouvernement, qui, dans sa politique culturelle intitulée Pour un Canada créatif, encourage la diffusion d'oeuvres canadiennes sur Internet. Les détenteurs de droits d'auteur ont encore et toujours le droit de refuser les utilisations de leurs oeuvres. En effet, les artistes des communautés francophones et acadienne veulent occuper le cyberespace, notamment les plateformes de diffusion, mais ils ne veulent pas avoir l'impression d'en financer le développement. S'il n'y a pas de chanson, il n'y a pas de services de diffusion en continu.
Il en va de même pour YouTube, qui verse des redevances ridiculement basses aux créateurs et créatrices. Des catégories de rémunération sont établies en fonction de la quantité de visionnements, comme vous le savez. C'est une courbe proportionnelle qui désavantage ceux et celles dont les oeuvres sont moins visionnées. C'est un peu comme si la radio payait un tarif moins élevé aux artistes dont les oeuvres jouent moins souvent à la radio.
L'équité est importante pour nous. Pourquoi la plateforme YouTube n'est-elle pas soumise au même tarif que les autres services de diffusion en continu? Elle agit comme une radio, surtout quand on considère que plus de 50 % des Canadiens et des Canadiennes écoutent de la musique sur cette plateforme.
Le régime de copie privée est un autre mode de rémunération à la disposition des créateurs et des créatrices. Des représentants, ici, ont dit que les redevances diminuent. Entre 2007 et 2015, à peu près huit fois moins de redevances ont été versées aux artistes.
D'une certaine manière, le principe qui sous-tend le régime de copie privée est d'assurer que les artistes canadiens peuvent continuer à créer des chansons, qui pourront servir, entre autres, à remplir les tablettes et les téléphones à écran tactile. Nous sommes d'accord sur les propositions de ces représentants.
Nous nous demandons pourquoi les fournisseurs d'accès Internet, ou FAI, ne sont pas soumis à des conditions semblables à celles auxquelles sont soumis les câblodistributeurs, qui doivent verser une partie de leurs profits dans des fonds indépendants de production ou le Fonds des médias du Canada. Ce sont là des fonds qui aident à financer la création de films, d'émissions ou de médias interactifs. Pourquoi les FAI n'ont-ils pas la même responsabilité à l'égard du contenu canadien, pour que leurs canaux de distribution puissent contribuer à la création de nouvelles oeuvres et ainsi transporter de nouvelles chansons d'artistes de la francophonie canadienne?
Nous aimerions qu'il y ait une nouvelle loi sur le droit d'auteur qui comporte moins d'exceptions ou, à tout le moins, des exceptions claires qui n'auraient pas à être définies devant les tribunaux. Trop de causes récentes démontrent que l'exception prévue pour l'utilisation équitable dans le milieu de l'éducation n'est pas claire. Plusieurs établissements d'enseignement ont fait ce que l'on pourrait qualifier d'utilisation non équitable d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.
Il y a plusieurs causes juridiques. Comme vous le savez, les sociétés de gestion des droits d'auteur se retrouvent trop souvent devant les tribunaux. Il y a la cause Canadian Copyright Licensing Agency c. Université York, et dans les prochaines années, il y aura Copibec c. Université Laval.
Comme la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou SOCAN, et Ré:Sonne en musique, les sociétés de gestion sont primordiales pour les créateurs et les créatrices, tant de la francophonie canadienne que du reste du Canada. Si les écoles ne paient pas pour les oeuvres présentées en classe, les artistes canadiens gagneront encore moins de revenus et devront continuer à occuper un deuxième ou un troisième emploi. Je ne voudrais pas demander le même sacrifice du personnel en milieu de l'éducation et des autres fournisseurs de services en milieu scolaire.
Nous apprécions votre travail et merci d'apprécier le nôtre.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous de vos présentations.
Effectivement, Internet offre des occasions de visibilité. Comme vous l'avez dit, un inconnu devient
[Traduction]
autre, mais il reste pauvre, à moins d'avoir accès à un marché mondial.
[Français]
Les magasins Dollarama sont remplis d'objets qui sont vendus au prix coûtant, mais une petite marge de profit est réalisée parce que ces objets sont vendus à l'échelle internationale.
Dans le cas d'un artiste dont la clientèle de base est normalement composée des gens qui l'entourent, c'est-à-dire des gens de sa communauté, que ce soit au Québec ou en Acadie, cela pose problème, car il ne peut jamais être assez important pour constituer une masse critique et finalement avoir l'intérêt international et devenir un produit de consommation. Même si ce n'est pas le but ultime de chaque artiste de conquérir la planète, nous voulons vivre de notre création. Je parle comme si j'étais un artiste, mais je ne le suis pas du tout, je n'ai aucun talent artistique.
Madame Bouchard, j'ai remarqué que votre préoccupation quant au régime de copie privée est aussi une préoccupation de plusieurs autres personnes, dont la Coalition pour la culture et les médias. Je ne sais pas si nous allons recevoir leurs représentants, mais elle nous a fait parvenir un mémoire qui nous est spécialement destiné. En fait, elle l'a envoyé au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie lors de son étude sur le droit d'auteur. Elle parle aussi de l'importance d'adapter le régime de copie privée aux nouvelles technologies.
J'aimerais vous poser une question à ce sujet. Tous les gens de ma génération se souviennent d'avoir fait des cassettes sur lesquelles se trouvaient les chansons que nous aimions. Ensuite, il y a eu l'apparition du CD-R. C'était merveilleux car toutes nos chansons s'y trouvaient. Aujourd'hui, ce phénomène semble avoir été remplacé par les services en continu auxquels nous avons accès. Pourtant, il y a encore des gens qui volent la musique. L'impression générale, c'est que la musique ne coûte plus cher. Elle devrait coûter plus cher, puisque les artistes sont mal rémunérés à cause des ententes auxquelles M. Willaert a fait allusion. Comme nous avons l'impression que la musique ne coûte plus cher, nous nous demandons qui en vole encore.
Croyez-vous que cette perception voulant que la musique vaut moins chère et que l'offre légale est abondante fait que même les gens qui connaissent bien le sujet se demandent pourquoi la copie privée existe encore?
Madame Freeman ou madame Bouchard, j'aimerais que vous nous précisiez combien cela coûterait de plus, par exemple par rapport à un iPad, qui vaut environ 700 $ — le mien a été payé par la Chambre des communes, c'est donc un montant approximatif. Combien représente le régime de copie privée, la bonification pour compenser les pertes des créateurs?
J'ai une question, précisément pour les gens de l'Alliance nationale de l'industrie musicale.
À mon avis, votre mouvement mérite d'être connu. Vous faites un choix très audacieux de retirer votre matériel des plateformes, parce que la compensation vous semble minable. Vous avez raison. Nous sommes bien d'accord. Tout à l'heure, M. Henderson disait que le système de Spotify était bien meilleur que celui de Google en ce qui concerne les redevances, mais même celles reçues de Spotify sont vraiment merdiques. Il faut appeler un chat, un chat. C'est vrai que les redevances qu'on reçoit sont minables, et ce n'est que sur le marché international que cela devient potentiellement payant.
Je suis parfois d'accord avec la . Quand elle est allée à Paris — nous y sommes allés ensemble, parce que je considérais qu'il était vraiment pertinent d'aller renouveler l'engagement du Canada envers la diversité culturelle —, j'étais très d'accord avec elle. Aujourd'hui, nous en sommes rendus à devoir mettre du mordant à ce principe pour que la diversité culturelle se défende. La défendre, c'est s'assurer d'avoir des normes gouvernementales pour que l'on puisse investir afin de soutenir nos artistes. Un jour, la ministre a aussi évoqué la notion de critère de géolocalisation dans les métadonnées des services de diffusion en continu.
À votre avis, serait-il intéressant que le premier produit qu'un service de diffusion en continu propose aux gens en Acadie soit quelque chose de local? Actuellement, cela ne serait pas possible, car vous en êtes absents. Toutefois, je vous comprends.
Que peut-on faire pour vous soutenir? Sinon, la musique de vos artistes ne sera reproduite que sur des CD et des cassettes.