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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 074 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 27 septembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité étudie les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques.
    Nous avons convoqué un groupe de témoins pour la première heure, qui va durer de 15 h 30 à 16 h 30. Nous avons commencé en retard et nous allons donc dépasser peut-être un peu 16 h 30 avec le premier groupe. Nous allons entendre, à titre personnel, Raymond J. de Souza; Peter Bhatti, président de International Christian Voice et Jay Cameron, avocat-procureur du Justice Centre for Constitutional Freedoms. Bienvenue.
    Voici quelle est la formule. Vous disposez chacun de 10 minutes pour présenter votre exposé. Il y aura ensuite une série de questions et nous ferons des tours de sept minutes. Au cours de cette séance, je ne pense pas que nous aurons le temps de faire deux séries; c'est ce que dit mon petit calcul.
    Je vais vous inviter à commencer, monsieur de Souza, pour 10 minutes. Je vous avertirai quand il vous restera deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de m'avoir invité à prendre la parole devant le Comité au sujet de la motion numéro M-103. Cette motion soulève plusieurs questions et sa formulation me semble, à mon avis, suffisamment bureaucratique pour qu'il soit difficile de comprendre ce qui est souhaité exactement. Il est par conséquent difficile de la commenter de façon précise, mais j'aimerais néanmoins faire quatre remarques qui me paraissent reliées à la motion.
    La première est que le racisme et la discrimination religieuse sont deux choses différentes, même si la motion semble les traiter de la même façon. La race est, bien entendu, reliée aux caractéristiques acquises à la naissance. La religion est une question de foi et de pratique, ce qui peut changer. Par exemple, un Pakistanais qui décide de devenir chrétien ne change pas sa race, ni sa nationalité, mais sa religion.
    J'ai l'honneur aujourd'hui d'être en présence de Peter Bhatti, le frère du martyr Shahbaz Bhatti, qui a été tué par des personnes qui étaient de la même race que lui, mais de confession islamique et qui l'ont tué à cause de leur haine pour sa foi catholique.
    Les religions comprennent, bien sûr, de nombreuses races différentes. Par exemple, mon église, l'église catholique, est de loin l'institution la plus multiraciale au monde, et pourtant les catholiques sont persécutés tous les jours, parfois jusqu'au martyre, et ce n'est pas à cause de leur race. La lutte contre le racisme ne s'attaque donc pas au problème de la discrimination religieuse.
    Ma deuxième remarque est que la motion condamne toutes les formes de discrimination religieuse et invite le gouvernement à lancer des initiatives de façon à mieux refléter la Charte des droits et libertés. Je note que la liberté de religion et de conscience est la première liberté fondamentale qui figure dans notre Charte. Je défends bien sûr la liberté de religion, mais je note que c'est bien souvent le gouvernement qui restreint la liberté religieuse, à cause des lois et des règlements qu'il adopte. Cela est vrai pour les juifs et les chrétiens, tout comme pour les musulmans. C'est pourquoi il me semble peu judicieux de viser une religion particulière.
    J'appelle de mes voeux un renouvellement de la notion de liberté religieuse, en particulier dans une culture politique dans laquelle bien souvent la pratique et les croyances religieuses se voient accorder un statut de deuxième classe. Les chrétiens, les musulmans, les juifs et les autres croyants font face à une sorte de fondamentalisme séculier qui est incompatible avec le patrimoine canadien qui est fondé sur la liberté religieuse, le pluralisme et la tolérance. Si cette motion devait déboucher sur une notion renouvelée de la liberté religieuse, j'en serais ravi.
    Troisième remarque, l'islamophobie est un terme qui, je le suppose, désigne la haine des musulmans, sentiment qu'il est assez facile de déplorer. La question est de savoir si, en pratique, l'examen critique de la doctrine musulmane constitue de l'islamophobie. Par exemple, les chrétiens et les musulmans comprennent de façon fort différente l'idée de Dieu. Cela ressort clairement, par exemple, des inscriptions figurant sur le Dôme du rocher à Jérusalem qui cite des passages du Coran qui rejette la notion de trinité, un principe fondateur de la chrétienté.
    Les désaccords moraux et doctrinaux peuvent faire l'objet de discussions si nous acceptons de vivre ensemble avec nos différences. Je ne pense pas que le gouvernement du Canada souhaite entamer une discussion théologique, qui ne relève pas de sa compétence, mais il ne devrait pas non plus décourager les discussions théologiques, même les discussions théologiques critiques.
    Ma quatrième remarque est qu'il est particulièrement important de pouvoir avoir une discussion théologique honnête et respectueuse; cela revêt une importance accrue lorsqu'on fait face à de la violence d'origine religieuse, quel que soit le groupe contre lequel elle est dirigée. Je cite, par exemple, l'ancien président Bill Clinton sur la question de la violence de l'islamisme radical. Il demandait « Comment y répondre? » et déclarait:
Nous pouvons essayer de les tuer et de les capturer, mais nous ne pourrons jamais les capturer tous. Nous pouvons essayer de les persuader de renoncer à la violence, mais si nos arguments ne résonnent pas par rapport à leur propre expérience, nous ne réussirons pas vraiment. La meilleure solution est de collaborer avec les représentants du monde musulman qui essaient de rejoindre l'esprit de ces mêmes radicaux en prêchant un islam plus complet et non pas un méchant tesson de verre.
    Ce passage est tiré de l'introduction qu'a rédigée Bill Clinton pour un livre sur la religion en matière de politique étrangère dont l'auteur était Madeleine Albright, sa secrétaire d'État. Il est extraordinaire d'entendre un homme d'État parler de la nécessité d'améliorer le prêche — en l'espèce, musulman — qui est principalement la tâche des théologiens et du clergé, et non pas celle des gouvernements.
    Le président Clinton reconnaît toutefois ce que nous savons tous, à savoir qu'il est urgent d'améliorer le prêche. Le Canada est peut-être bien situé pour déclencher ce dialogue et cet échange nécessaire, qui est principalement théologique. Il existe dans notre pays une communauté musulmane qui peut parler librement et engager un dialogue respectueux avec les autres religions. Ce n'est pas toujours le cas dans le monde musulman. Un tel travail théologique posera des défis et sera même considéré comme provocateur par certains, mais nous avons au Canada une tradition qui nous permet de le faire dans le respect et la tolérance. Par conséquent, les inquiétudes reliées à l'islamophobie, quelle que soit la façon dont elle est comprise, ne devraient pas empêcher ce travail nécessaire, ni un dialogue difficile, voire provocateur.
    Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous parler. Je prie Dieu de bénir votre travail.
(1545)
    Merci, père de Souza.
    Nous allons maintenant donner la parole pour 10 minutes à Peter Bhatti, qui est le président de International Christian Voice. Allez-y.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, j'aimerais remercier le comité du patrimoine de me donner la possibilité de parler des craintes et des préoccupations qu'entretient ma communauté d'origine pakistanaise au sujet de la motion M-103.
    Je me présente ici aujourd'hui en tant que citoyen canadien concerné et président de International Christian Voice. Mon frère, Shahbaz Bhatti, ministre des Affaires des minorités, a été assassiné au Pakistan en 2011 parce qu'il protégeait les droits des minorités religieuses persécutées.
    Les Canadiens d'origine pakistanaise ont choisi de s'établir au Canada à cause de la liberté religieuse et du système démocratique dont ils bénéficient ici, et qui leur permet de prospérer. Nous avons quitté nos foyers pour vivre dans un pays où nous sommes libres d'exprimer nos opinions et nos inquiétudes sans crainte et sans hésitation, que celles-ci soient de nature religieuse, sociale, politique ou autre. Je pense que cela constitue une partie essentielle de la société libre dans laquelle nous vivons au Canada.
    La motion M-103 a suscité beaucoup d'inquiétudes au sujet de l'effet qu'elle pourrait avoir sur la liberté religieuse et sur la liberté d'expression pour nous, pour nos enfants, nos petits-enfants, et les générations à venir. C'est principalement la définition du mot « islamophobie », un mot vague et imprécis, qui nous inquiète. Nous pensons tous qu'il est intolérable et inacceptable qu'une personne fasse l'objet de discrimination et de préjugé en raison de sa foi musulmane. Toutefois, une mauvaise définition de l'islamophobie pourrait également servir à supprimer les libertés fondamentales de tous les Canadiens qui souhaitent critiquer légalement et respectueusement les idées religieuses musulmanes. Les répercussions que pourrait avoir cette motion inquiètent beaucoup ma communauté et les autres communautés qui se trouvent au Canada.
    Les craintes des immigrants pakistanais chrétiens qui vivent au Canada ne sont pas imaginaires. Les conséquences que peut avoir le fait d'être étiqueté islamophobe aux termes de la motion M-103 peuvent avoir un effet indirect sur les membres de notre famille et nos amis qui vivent encore au Pakistan, un pays où les lois sur le blasphème prévoient des peines d'emprisonnement à perpétuité ou de mort. Les lois sur le blasphème ont été détournées pour régler des différends personnels, économiques et politiques et elles ont entraîné l'assassinat ou le meurtre de membres de ma famille, d'amis, et de membres éminents de notre communauté.
    Nous craignons que la motion M-103 favorise des conditions semblables associées à l'oppression et la suppression des opinions, tout en débouchant sur un environnement marqué par la division et les tensions au sein de nos communautés. Ce sont ces mêmes situations auxquelles nous avons voulu échapper et éviter à jamais en venant au Canada. Je crois qu'avec une définition aussi imprécise de l'islamophobie, les activistes islamistes pourraient manipuler le droit canadien pour limiter la liberté de parole et incriminer les non-musulmans qui expriment, célèbrent et défendent leurs fois respectives.
    À l'humble avis de notre communauté, il n'était pas nécessaire de déposer la motion M-103, qui cible l'islamophobie. Cette motion va-t-elle vraiment changer les attitudes? Pourquoi viser spécialement une religion? Les lois actuelles ne protègent-elles pas suffisamment la liberté de religion? Si ce n'est pas le cas, pourquoi alors ne pas déposer une motion limitant la discrimination visant toutes les religions.
(1550)
    Notre communauté s'inquiète du fait que la motion va finalement avoir pour effet d'empêcher les critiques valides que l'on peut faire de la terreur islamiste et nos enfants n'oseront pas défendre les critiques faites à leur propre foi.
    Ma famille, mes amis et ma communauté sont convaincus qu'il ne faut pas diluer les lois canadiennes pour accepter des règlements qui nous sont imposés par des entités internationales. Pour vous donner un exemple, il suffit d'examiner ce qui se passe en Angleterre où le gouvernement a cédé à la population musulmane qui exigeait le remplacement de la common law traditionnelle par la sharia dans certaines villes. Cela a eu un effet dévastateur sur les habitants britanniques qui vivaient dans ces villes et qui ont alors décidé de déménager.
    En 2011, les musulmans qui vivent en Grande-Bretagne ont demandé que la sharia remplace la common law britannique et la sharia est devenue la seule loi dans les villes qui comprennent de fortes populations musulmanes, notamment Manchester, Liverpool et plusieurs autres villes. Dans une enclave de l'est de Londres, on trouve dans les rues des affiches indiquant que la zone est contrôlée par la sharia. Les règles musulmanes sont appliquées et les musulmans lancent maintenant des menaces de mort aux femmes qui refusent de porter le hijab.
    Plus de 100 tribunaux de la sharia ont été mis sur pied au Royaume-Uni et ces tribunaux ont prononcé des jugements qui vont à l'encontre de la common law britannique. En 2011, le premier ministre britannique David Cameron a déclaré que le multiculturalisme était un échec et qu'il avait favorisé l'expansion de l'extrémisme islamique en Europe.
    Si la motion M-103 n'est pas abandonnée ou modifiée pour ajouter tous les groupes religieux qui existent au Canada, nous estimons que cette volonté d'obtenir un traitement particulier ne s'arrêtera pas là. Au lieu de créer la paix et l'harmonie entre les différentes communautés religieuses, cette motion nous conduira vers la division et la séparation.
    Dans notre communauté, nous ne voulons pas que les générations futures se retrouvent dans la situation que nous avons connue et que nous avons fuie. En tant que communauté chrétienne, nous continuerons à exprimer nos craintes et nos préoccupations pour que nos enfants et nos petits-enfants n'aient jamais à subir ce que leurs parents et grands-parents ont subi. Nous allons veiller sur le Canada.
    Encore une fois, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité. Que Dieu bénisse le Canada.
    Merci beaucoup, monsieur Bhatti.
    Le troisième témoin que nous allons entendre au cours de cette partie est M. Jay Cameron, avocat-procureur pour le Justice Centre for Constitutional Freedoms.
    Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité.
    Je représente le Justice Centre for Constitutional Freedoms. C'est un organisme caritatif enregistré, qui est non partisan, non religieux et qui ne reçoit aucun fonds du gouvernement. Sa mission consiste à défendre les libertés garanties par la Charte aux Canadiens, en particulier celles de l'article 2.
    Je vais aborder quatre sujets brièvement. Premièrement, je ferai un bref rappel de l'importance de la liberté de pensée et d'expression dans notre société démocratique. Deuxièmement, je parlerai de la formulation de la motion elle-même qui est menaçante, inadaptée et imprécise. Troisièmement, je vais parler de l'imprécision de la motion et de sa formulation, en particulier en ce qui concerne l'islamophobie. Quatrièmement, s'il me reste du temps, je vais parler de certaines déclarations des témoins qui m'ont paru menaçantes et inquiétantes.
     La Cour suprême du Canada a déclaré: « La vie même de la démocratie repose sur la liberté d'échanger des idées et des opinions. » Dans l'affaire Edmonton Journal, c. Alberta, le juge Cory a déclaré:
« Il est difficile d'imaginer une liberté [...] qui soit plus importante que la liberté d'expression dans une société démocratique. En effet, il ne peut y avoir de démocratie sans la liberté d'exprimer de nouvelles idées et des opinions sur le fonctionnement des institutions publiques. »
    Les tribunaux ont souvent répété que la liberté d'expression ne pouvait être restreinte que dans les cas les plus évidents. La liberté d'expression ne protège pas toutefois uniquement la personne qui parle. Elle protège également celle qui entend les paroles. Ce commentaire est particulièrement pertinent à cause des remarques qu'a faites mercredi dernier un de vos témoins au sujet de la « radio poubelle ». Au Canada, les gens peuvent avoir des opinions au sujet de la radio poubelle et ils peuvent qualifier une radio de cette façon. Nous vivons dans un pays libre et nous avons le droit de le dire. Au Canada, ce sont les citoyens qui déterminent ce qui constitue des propos poubelles, pas le gouvernement.
    Dans Harper c. Canada, la majorité de la Cour a déclaré: « Le droit des citoyens de discuter de certaines idées et d'en débattre représente le fondement même de la démocratie ». La majorité de la Cour a parlé en particulier de la nécessité que les citoyens puissent entendre des opinions et a déclaré: « La liberté d'expression protège non seulement celui qui communique le message, mais aussi celui qui le reçoit », c'est-à-dire, ceux qui écoutent ce qu'on appelle les radios poubelles.
    Je ferai une pause pour signaler que le fait de qualifier des propos de propos « poubelle » a pour effet de retirer toute valeur au contenu de ces propos. C'est comme si je parlais d'un témoin qui a comparu devant le comité en le qualifiant de témoin poubelle. La chose à faire serait plutôt de contredire les pensées qu'il a exprimées et les réfuter grâce à un raisonnement éclairé et constitutionnel.
    La liberté d'expression et d'écoute n'est pas une particularité canadienne. Le droit de recevoir de l'information est garanti à la fois par la Déclaration universelle des droits de l'homme et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Canada est signataire de ces deux documents. Selon la jurisprudence américaine, dont on a dit qu'elle était tout aussi pertinente pour le Canada que pour les États-Unis: « La liberté de parler et la liberté d'écouter sont inséparables; ce sont les deux faces de la même pièce. » Mais la pièce elle-même appelle réflexion et discussion.
    La motion que vous étudiez affirme qu'un « climat de haine et de peur [...] s'installe dans la population » que le gouvernement doit « endiguer ». Je ne sais pas comment le mot « endiguer » a été accepté par la Chambre des communes, mais je peux vous dire immédiatement que l'emploi du mot « endiguer » est inquiétant. Endiguer consiste à empêcher un groupe « de progresser, à le contenir dans certaines limites », « à le réprimer et à le supprimer par la force ». C'est un terme que l'on utilise fréquemment dans le contexte des émeutes, mais pas lorsqu'il s'agit de garantir les libertés constitutionnelles des Canadiens.
    L'emploi du mot « endiguer » dans la motion ne fait que renforcer les inquiétudes que suscite la motion M-103. Il fait référence à la contrainte et implicitement, à l'emploi de la force.
    Le comité devrait hésiter énormément à affirmer qu'un « climat de haine et de peur [...] s'installe dans la population ». D'après l'indice mondial de 2017, qui était présenté aux Nations unies cette année, le Canada arrive au huitième rang sur 163, parmi les pays les plus sûrs. Au Canada, des millions de personnes d'origines raciale, culturelle et religieuse diverses vivent en paix quotidiennement, ce qui vient contredire l'affirmation selon laquelle il existe un climat de haine et de peur qui s'installe et qui appelle une mesure législative draconienne.
    Les lois existantes encadrent déjà le comportement des Canadiens. Je pense au droit pénal, aux règles en matière de droit de la personne, à la responsabilité délictuelle et aux règles en matière de diffamation. M. John Stuart Mill a fait remarquer: « La troisième raison, et la plus puissante, pour limiter les interventions du gouvernement est que celles-ci ont pour immense défaut de lui accorder davantage de pouvoirs. »
    Il n'appartient pas au gouvernement d'obliger les gens à s'aimer. Le gouvernement a pour rôle de faire respecter les libertés constitutionnelles.
(1555)
    Ce qui m'amène à la motion M-103 et au terme « islamophobie ». Le mot n'est pas défini dans la motion. Le comité a été invité à l'étudier et à présenter des recommandations pour supprimer l'islamophobie. Je ne sais pas ce que c'est, mais, ce qui est encore pire, vous ne le savez pas non plus.
    Pire encore, on vous a demandé de préparer une réponse législative à cette motion. La députée Iqra Khalid propose de définir l'islamophobie comme étant la crainte irrationnelle de l'Islam. Cette définition soulève davantage de problèmes qu'elle n'en résout, dont la moindre n'est pas la question de savoir si le Parlement peut constitutionnellement légiférer contre une crainte irrationnelle. S'il existe une crainte irrationnelle de l'Islam, cela veut-il dire qu'il peut exister des préoccupations ou des craintes rationnelles qui ne constituent pas de l'islamophobie? Comment faire la différence entre les deux?
    Le Canada est un des pays les plus sûrs au monde, mais les gens qui vivent ailleurs n'ont pas une telle chance. Le Proche-Orient et l'Afrique du Nord sont classés selon le GPI comme étant les régions les moins pacifiques au monde pour la cinquième année consécutive. L'instabilité politique règne dans ces régions. Il y a des guerres et des luttes internes et ces pays sont beaucoup moins sûrs que le nôtre.
    Est-ce de l'islamophobie quand des Canadiens s'inquiètent de savoir si l'immigration de personnes originaires de ces pays peut affecter la sécurité du Canada? Est-ce de l'islamophobie que de conclure que les nations qui sont gouvernées par une combinaison de mosquées et d'appareil étatique sont beaucoup moins sécuritaires que le Canada et sont régulièrement classés parmi les pays les plus dangereux au monde? Devrait-il être illégal d'exprimer de telles inquiétudes?
    Wadi est un organisme non gouvernemental qui opère au Proche-Orient. Le mot « wadi » est un mot arabe qui veut dire vallée. Il s'occupe des questions touchant les femmes. Après avoir établi des relations de confiance avec les femmes locales de la région kurde de l'Irak, les membres de cet organisme ont appris qu'il était courant dans cette partie du pays de pratiquer la mutilation génitale des femmes et que la procédure consistait, selon elles, à utiliser un instrument non stérilisé, voire même du verre cassé, pour pratiquer cette opération, sans anesthésie, sur des filles âgées de 4 à 12 ans, l'ampleur de la mutilation dépendant de l'expérience de la sage-femme et de la chance de fille concernée.
    L'excision du clitoris est effectuée selon les règles du sunnat, c'est-à-dire selon la tradition du prophète. Les habitantes rapportent que l'on met ensuite de la cendre ou de la boue sur la plaie, et que les filles sont ensuite obligées de s'asseoir dans un seau rempli d'eau glacée. De nombreuses filles kurdes meurent et d'autres souffrent de douleurs chroniques, d'infection et d'infertilité.
    Des études ultérieures ont démontré que 60 % des femmes qui résidaient dans cette partie de l'Irak, qui adhèrent à une secte de l'Islam, ont subi une mutilation génitale. Les Nations unies essaient depuis des dizaines d'années de supprimer cette pratique, mais elle se répand de plus en plus. Le clitoris est considéré comme un appendice sale, haram, et les femmes craignent que leurs filles ne puissent trouver un mari si elles n'ont pas été mutilées. Elles sont nombreuses à penser que les hommes préfèrent avoir des relations sexuelles avec une femme mutilée.
(1600)
    Il vous reste deux minutes, monsieur Cameron.
    Merci.
    Il est intéressant de signaler que, lorsque l'utilisation générale de la mutilation génitale des femmes par les Kurdes irakiens a été rapportée, certains membres d'organisations arabes et islamistes ayant de l'influence sur la diaspora ont critiqué les conclusions de ce rapport. Ils ont accusé le Wadi d'essayer d'insulter l'Islam et de faire de la propagande anti-musulmane. Les membres de Initiative of Muslim Austrians ont affirmé que ces données faisaient partie d'une campagne islamophobique et ils ont affirmé qu'on ne pratiquait aucunement en Irak la mutilation génitale des femmes. Ils ont déclaré que cela faisait partie d'une campagne islamophobe. C'est le mot que l'on vous a demandé de supprimer par voie législative. Réfléchissez-y bien.
    Est-ce faire de l'islamophobie que d'exprimer des inquiétudes au sujet de la sécurité des musulmanes? Est-il irrationnel qu'un Canadien s'inquiète de la mutilation génitale des femmes et du fait qu'elle continue à se pratiquer dans certaines communautés ici au Canada ou du fait que personne n'a jamais été condamné pour avoir pratiqué une mutilation génitale féminine au Canada?
    Le gouvernement affirme sans cesse qu'il défend les droits des femmes. Un rapport de la patrouille des frontières et des douanes a été transmis cet été au gouvernement fédéral et il affirmait que la pratique était utilisée ici au Canada et que des gens venaient dans notre pays pour l'exécuter. C'est ce que subissent ici des Canadiens et d'après les sources utilisées dans mon étude, des Canadiennes, qui possèdent des droits constitutionnels au terme de l'article 7, ont été mutilées contre leur volonté. Est-ce faire de l'islamophobie que de condamner une telle pratique?
    L'Arabie saoudite vient de déclarer qu'elle allait autoriser les femmes à conduire. Est-ce faire de l'islamophobie que de condamner le fait que cela ait pris autant de temps pour prendre cette décision?
    M. Fatah est-il islamophobe parce qu'il pense qu'il répugne aux femmes d'être obligées de porter la burka? Il est musulman et il a déclaré que l'Islam était en train de se réformer et de lutter contre ces genres de popes qui prétendent être infaillibles...
    Merci, monsieur Cameron. Je pense que vous avez dépassé votre temps de parole.
    Merci.
    Vous pourrez peut-être introduire les commentaires qui vous restent dans une réponse aux questions qui vous seront posées.
    Nous allons maintenant commencer une série de questions. Pendant la première série, les questions seront de sept minutes, ce qui comprend les questions et les réponses; je vais donc demander à tout le monde d'être bref. Merci.
    Nous allons commencer par Julie Dzerowicz, du Parti libéral, qui a sept minutes. Allez-y.
(1605)
    Merci, madame la présidente. Je remercie également les trois témoins qui nous ont présenté des exposés aujourd'hui. J'apprécie énormément que vous ayez pris le temps de venir et de participer à nos travaux.
    Je suis membre du comité depuis peu de temps et je tiens à être très claire sur nos objectifs d'aujourd'hui, ce qui m'amène à dire que vos commentaires sont tout à fait pertinents. Je vais commencer par répéter ce que le comité essaie de faire. La partie de la motion que nous examinons à l'heure actuelle est celle où elle énonce: « c) demander que le Comité permanent du patrimoine canadien entreprenne une étude », il ne s'agit donc pas d'une mesure législative, « sur la façon dont le gouvernement pourrait (i) établir une approche pangouvernementale pour la réduction ou l'élimination du racisme ou de la discrimination religieuse systémique dont l'islamophobie, au Canada, tout en assurant l'adoption de politiques fondées sur les faits, qui soient d'application globale et axées sur la communauté ». La deuxième partie se lit « (ii) recueillir des données pour contextualiser les rapports sur les crimes haineux et pour évaluer les besoins des communautés touchées ». Elle nous invite ensuite à faire ce travail et à le présenter à la Chambre avant une date butoir.
    Il me paraît important de répéter ce qu'est la nature de notre travail, parce que mes questions vont directement porter sur cet aspect. J'aime rechercher des solutions. Que nous demande-t-on de faire, on pourrait dire également, comment le gouvernement canadien peut-il élaborer un plan pour lutter contre le racisme et la discrimination systémiques au Canada? Comment pouvons-nous amener les communautés du Canada à participer à un tel plan? Comment pouvons-nous faire en sorte que ce plan soit fondé sur des preuves scientifiques et sur des données?
    Nous parlons de collecte de données; je vous demande comment réunir ces données de façon à mieux comprendre les crimes haineux qui sont commis actuellement? Lorsque nous aurons ces données, comment allons-nous évaluer les besoins des communautés touchées?
    À partir de ce que nous essayons de faire — et je viens juste de mentionner ce que nous essayons de faire — je serais très reconnaissante d'entendre chacun d'entre vous nous présenter des recommandations. Si nous élaborons un plan pour lutter contre la discrimination et le racisme systémiques au Canada, quelles seraient les mesures que vous recommanderiez?
    Père de Souza, je pourrais peut-être commencer par vous et nous pourrons ensuite passer à chacun des témoins. Je vous remercie.
    Je vous remercie pour vos aimables paroles de bienvenue. Cet environnement est également nouveau pour moi.
    Je dirais qu'il faut, premièrement, séparer les deux. Le racisme et la discrimination antireligieuse ne sont pas la même chose. Il y a des gens qui sont membres d'un groupe racial minoritaire et qui font partie de groupes religieux majoritaires et vice-versa, ce n'est donc pas la même chose. Ce serait ma première suggestion.
    Tout cela m'inquiète parce que la formulation de la motion semble regrouper de nombreuses choses, ce qui montre peut-être que l'auteur de la motion ne savait pas très bien quel était le danger qu'il voulait supprimer. Lorsque vous essayez de résoudre un problème imprécis, je crains que vous n'obteniez des solutions très diverses qui essaient de préciser la nature du problème. L'aspect qui m'inquiète le plus est que les discussions religieuses et théologiques que l'on peut avoir au Canada, mais pas dans d'autres pays, risquent d'être paralysées dans un environnement où il n'y a qu'une seule religion — dans ce cas-ci — l'Islam qui ne peut faire l'objet de ce genre de discussions.
    En fait, pour être concret, je dirais que le gouvernement ne devrait probablement pas faire grand-chose pour favoriser les échanges religieux et théologiques entre les divers groupes canadiens parce que ce n'est pas son rôle de s'occuper de questions qui ne relèvent pas de ses compétences.
    Je distinguerais les deux. Je pense que, dans la mesure où il y a eu des attaques, dans ce cas-ci, contre des musulmans, nous pouvons les réprimer avec les lois existantes, mais nous devrions favoriser les discussions qui se font très couramment au Canada — je participe moi-même à un certain nombre d'entre elles — entre musulmans et chrétiens, chrétiens et juifs, juifs et musulmans, plus toutes les autres religions.
    Il reste deux minutes et demie pour tous les autres.
    Désolé, je m'arrête. Ah, nous avons sept minutes pour le tout.
    Merci, père de Souza. Je veux donner à M. Bhatti et à M. Cameron la possibilité de répondre.
    Le père de Souza a eu la gentillesse de me présenter une recommandation très précise: séparer la lutte contre la discrimination de la lutte contre le racisme. Si cela est possible, j'aimerais que vous me donniez des recommandations précises, monsieur Bhatti.
(1610)
    Ma recommandation est que nous n'avons pas besoin de règlements ou de motions supplémentaires pour lutter contre le racisme ou pour protéger les religions. Tout d'abord, la Charte des droits de la personne protège déjà toutes ces choses. S'il faut davantage de règles, elles devraient viser à protéger l'harmonie interconfessionnelle et les autres objectifs qui permettent de regrouper toutes les religions, dans le cadre de séminaires et de conférences, pour faire disparaître la haine contre les autres.
    C'est ma suggestion personnelle.
    Je l'apprécie.
    Monsieur Cameron.
    Il n'est pas possible de légiférer contre le racisme, parce qu'il commence dans la tête. Il existe dans la tête. Dans une société multiculturelle, où il y a de nombreuses personnes différentes, de nombreuses religions et points de vue différents, chacun estime que son point de vue est le bon.
    Il n'est pas possible de légiférer constitutionnellement contre le racisme, parce que...
    Monsieur Cameron, je suis désolé de vous interrompre, mais nous faisons en ce moment une étude. D'après ce que vous avez dit, vous ne recommanderiez pas une mesure législative. Mais si nous devions préparer un plan pour lutter contre le racisme systémique et la discrimination religieuse au Canada, qu'est-ce que vous recommanderiez?
    Protéger les droits des citoyens. Il est dans l'intérêt de notre pays d'avoir davantage de libertés, mais pas davantage de lois.
    Et comment y parvenir? Faudrait-il mettre sur pied un programme d'éducation? Faudrait-il établir certaines priorités? Comment pourrions-nous le faire?
    Je crois savoir que la semaine dernière des témoins ont exposé au comité les initiatives financées par l'État qui visent à promouvoir le multiculturalisme dans les communautés juives et musulmanes et dans les communautés chrétiennes. Le gouvernement fait donc déjà beaucoup pour veiller à ce que les gens se respectent conformément à la constitution de ce pays. La charte est déjà fondée sur la reconnaissance de ces droits.
    Il est proposé de prendre une mesure législative supplémentaire pour « endiguer », c'est pourquoi je ne suis pas tout à fait d'accord avec la façon dont vous définissez le travail que la motion vous demande d'accomplir.
    Merci, monsieur Cameron.
    La deuxième série de questions sera posée par David Sweet du Parti conservateur.
    David, vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci de me donner cette possibilité.
    Je veux remercier les témoins. Je parle souvent de divulgation complète et je tiens également à divulguer autre chose.
    J'ai eu le grand honneur, pendant près d'une douzaine d'années, d'être membre du sous-comité des droits internationaux de la personne. Voici quel est le souvenir le plus tragique et le plus frappant que j'en ai retiré. Shahbaz Bhatti est venu témoigner devant notre comité et j'ai déjeuné avec lui peu de temps après. Il m'a dit, et ce sont ses paroles exactes: « David, je vais probablement payer tout cela de ma vie ». Malheureusement, trois semaines plus tard, il a été descendu dans l'entrée de sa cour devant la maison de sa mère.
    C'était votre frère, Peter. J'ai sa photographie sur mon bureau pour me rappeler constamment que nous faisons ici des choses extrêmement importantes et que la vie de certaines personnes en dépend.
    C'est pourquoi les témoins ne peuvent mettre en doute le sérieux de mes questions.
    Premièrement, père de Souza, je conviens tout à fait avec vous que le gouvernement n'a pas vraiment le pouvoir d'intervenir dans les débats religieux, ni de légiférer dans ce domaine. Il y avait ici une instance qui s'en occupait, jusqu'à la présente session. J'espère que quelqu'un d'autre prendra la relève. J'ai présidé ce sous-comité pendant cinq ans. Nous avions mis sur pied un groupe d'amitié interconfessionnel qui représentait tous les partis; il y avait aussi des zoroastriens, des sikhs, des Baha'is, des musulmans, des chrétiens, des juifs — à peu près tous ceux qui souhaitaient participer à la création d'un forum. Comme je l'ai dit, je suis d'accord avec vous au sujet des compétences et nous avons essayé de créer un forum pour pouvoir tenir ce genre de dialogue.
    Je tiens à vous dire, monsieur Cameron, qu'il me semble que vous aviez beaucoup d'autres choses à dire et que vous n'avez pu le faire.
    Madame la présidente, j'aimerais que le Comité accepte d'introduire en preuve le reste du témoignage de M. Cameron, même s'il est par écrit. Cela vous convient-il?
    Il faut obtenir l'accord unanime des membres du comité. Si je ne l'ai pas, nous allons devoir suivre la procédure prévue.
    Très bien.
    Y a-t-il quelqu'un qui n'est pas d'accord?
    Très bien. Je vais donc poursuivre si cela vous convient.
    J'ai un certain nombre de questions qui découlent de votre témoignage, mais j'aimerais vous demander précisément de parler de l'islamophobie. Vous savez, le seul terme que je connaisse en matière de persécution religieuse c'est l'« antisémitisme ». L'antisémitisme existe depuis plus de 150 ans. Pourrait-on aller jusqu'à dire...? Je vous demande d'évaluer les paroles que j'ai prononcées à la Chambre, qu'elles soient justes ou fausses. Mais je pense que l'antisémitisme a bénéficié d'une période de 150 ans pour entrer dans les débats publics, les discussions universitaires, pour être soumis au public, et c'est la raison pour laquelle il est généralement accepté.
    Pensez-vous que le mot « islamophobie » a dû passer le même genre d'épreuve, de sorte qu'il serait un terme acceptable pour décrire, uniquement, la haine envers les musulmans?
    Père de Souza, je vais peut-être commencer par vous.
(1615)
    Merci, monsieur Sweet.
    L'antisémitisme est un terme très intéressant parce que l'antisémitisme n'est pas la même chose que l'antijudaïsme. Les races sémitiques, à strictement parler, comprennent aussi bien les juifs que les arabes, les musulmans et les juifs, mais il est vrai que depuis très longtemps, il a acquis un sens conventionnel qui est très largement compris. Les gens n'utilisent pas le mot « antisémitisme » pour parler de quelqu'un d'autre que des juifs, si c'est bien le groupe qui est visé par un comportement choquant.
    L'islamophobie est un terme relativement nouveau. En fait ce terme — qui fait référence à une phobie ou à une peur irrationnelle — jette déjà le discrédit sur tout ce qui pourrait être interprété de façon négative et il laisse entendre qu'il pourrait y avoir des craintes rationnelles, et c'est donc un mot qui fait problème.
    Il se peut fort bien que dans 150 ans, tout le monde saura ce qu'il veut dire, tout comme tout le monde comprend ce qu'est l'antisémitisme. Ce n'est pas le cas pour le moment; c'est pourquoi les autres témoins ont mentionné qu'il risquait d'être mal compris.
    Vous avez parlé de fondamentalisme séculier. Je me demande si vous pouvez nous parler des dangers que pose le fondamentalisme hyper séculier dans la mesure où il concerne la liberté religieuse en général, dans le contexte de toutes les religions légitimes qui sont pratiquées au Canada.
    Le fondamentalisme séculier — et ce n'est pas mon expression; elle est utilisée par d'autres — est une approche selon laquelle il convient d'écarter des débats publics tout ce qui est vicié, d'après cette théorie, par une croyance religieuse. Au lieu d'avoir un vif débat public dans lequel toutes les religions sont pratiquées librement, la préférence est donnée au fondamentalisme séculier.
    Il arrive que ces choses viennent en contact lorsque les gens perçoivent chez un groupe religieux — et dans le cas dont nous parlons, c'est l'islamophobie — un aspect troublant et qu'ils décident d'invoquer des arguments séculiers pour essayer de supprimer l'expression des croyances religieuses. Nous avons vu cela se produire dans différents contextes et dans différentes régions de notre pays.
    Ce genre de sécularisme, ou parlons plutôt de fondamentalisme séculier pour le distinguer du pluralisme dynamique, est une réalité que l'on retrouve dans les débats publics au Canada. Il n'en faudrait pas beaucoup pour que quelqu'un dise, « Nous avons un problème religieux ou un problème avec des personnes qui professent une certaine religion et il serait bon de repousser vers les marges de la société toutes les personnes religieuses. » C'est ce qui pourrait arriver.
    Merci, père.
    Enfin, monsieur Bhatti, vous avez été membre du conseil consultatif du Bureau de la liberté religieuse. Vous avez fait quelques commentaires au sujet des graves préoccupations qui suscitaient chez vous l'islamophobie, mais vous avez en fait beaucoup travaillé avec les communautés religieuses de toutes les confessions pendant que vous étiez membre de ce conseil consultatif.
    Est-ce un commentaire assez juste? Allez-y et commentez-le.
    J'aimerais simplement ajouter quelques mots au sujet des préoccupations que soulève l'islamophobie.
    Lorsque le Pakistan a été créé, on a dit aux chrétiens et aux autres minorités religieuses qu'elles seraient traitées de la même façon que les autres. Quinze ans après sa création, ce pays est devenu la République islamique du Pakistan au lieu de la République démocratique du Pakistan. Ensuite, peu à peu, la sharia et d'autres lois ont été ajoutées à la constitution du Pakistan.
    Ce qui nous inquiète, c'est ce qui se passe dans d'autres régions du monde et dans notre pays. Nous craignons constamment que, si nous laissons cette graine germer ici, avec tout ce qui se passe en Europe, la situation deviendra de plus en plus dangereuse pour nous tous. Ce n'est pas ce à quoi nous faisons face pour le moment. Nous craignons davantage pour nos enfants et nos petits-enfants et ce à quoi ils feront face si personne ne peut parler contre la violence.
(1620)
    Merci, monsieur Bhatti. Nous avons largement dépassé l'horaire.
    L'intervenant suivant est Mme Jenny Kwan du NPD.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les trois témoins pour leurs exposés.
    Monsieur Bhatti, permettez-moi d'honorer la mémoire de votre frère. Pour moi, il n'est jamais acceptable de recourir à la violence en cas de désaccord. J'aimerais exprimer à votre famille mes condoléances pour cette perte.
    J'aimerais aller à l'essentiel de la motion que nous étudions. Elle a suscité beaucoup de commentaires et les trois témoins nous ont dit que la motion n'a pas été très bien préparée et que les mots ne sont pas toujours bien choisis. Je crois qu'il est possible de reconnaître que ce n'est pas la motion la plus élégante qui nous ait été soumise.
    J'étudie l'anglais langue seconde, de sorte que je ne suis spécialiste d'aucune langue, certainement pas de l'anglais, parce que c'est ma seconde langue. Cela dit, il me semble qu'il faut examiner l'idée directrice de la motion, les intentions de la personne qui l'a présentée, ce qu'elle veut accomplir et, par conséquent, le travail du Comité. Tout cela me paraît essentiel.
    Au moment du débat, qui a démontré qu'il y avait un désaccord sur le sens du mot islamophobie, j'ai trouvé décevant que les efforts déployés par les députés — et j'ai participé à ces efforts — n'aient pas réussi à amener les députés du gouvernement et les députés conservateurs à s'entendre sur la possibilité d'accorder un appui unanime à cette motion, de façon à envoyer un message fort contre toutes les formes de discrimination, racisme, discrimination religieuse, notamment, et pour que nous soyons tous unis dans cette approche. Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est passé et c'est pourquoi nous en parlons aujourd'hui. Je suis également attristée parce qu'avec cette situation, nous nous retrouvons dans un environnement où certaines personnes utilisent cette motion pour répandre encore des craintes et de la haine, et même parfois, pour fournir de faux renseignements. Ce n'est pas vraiment ce que nous souhaitons voir. Nous devons maintenant accomplir le travail du Comité.
    Dans l'esprit du député qui a présenté la motion... Une des raisons pour lesquelles l'islamophobie a été privilégiée, vient du fait que, d'après moi, et les membres du Comité peuvent me corriger s'ils le souhaitent, les membres de la communauté musulmane ont subi de nombreuses attaques. En fait, le sous-ministre adjoint du ministère du Patrimoine canadien nous a présenté un rapport contenant des données statistiques policières récentes concernant sur les crimes haineux et qui faisaient état de ce qui suit:
[...] une augmentation de 5 % des cas rapportés entre 2014 et 2015. Les crimes haineux visant les populations noires et juives demeurent les types de crimes les plus courants reliés à la race, l'ethnicité et la religion, mais les crimes haineux exercés contre les musulmans ont augmenté de 61 %, passant de 99 en 2014 à 159 en 2015.
    Ce sont là des statistiques officielles. Non officiellement, de nombreux membres de nos communautés connaissent la discrimination et la haine. En fait, j'ai assisté à une réunion où cela est arrivé à Vancouver-Est, ce que j'ai trouvé très décevant, mais ces choses arrivent.
    Dans ce contexte et en tenant compte de la situation, nous devons faire quelque chose. Bien sûr, nous savons également ce qui s'est produit au Québec, l'incident terrible qui est survenu. Pour ce qui est de réduire les craintes et la haine et les choses que nous ne voulons pas voir se concrétiser au Canada, j'aimerais vous poser cette question au sujet de la définition de l'islamophobie.
(1625)
    Cela vient de la Commission ontarienne des droits de la personne qui a préparé cette définition. Dans sa politique, elle définit l'islamophobie comme étant « le racisme, les stéréotypes, les préjugés, les peurs ou les actes d'hostilité ciblant des musulmans ou des adeptes de l'islam ». Je me demande si vous pouvez commenter cette définition, que la Commission ontarienne des droits de la personne utilise pour lutter contre la violation des droits de la personne dans ce domaine.
    Je pourrais peut-être commencer avec le père de Souza.
    Merci.
    Premièrement, même si vous êtes de langue maternelle anglaise, vous pouvez constater que cette motion manque à la fois d'élégance et de précision. C'est un problème qui découle de la formulation de la motion. Je contesterai cette définition parce qu'elle commence par le mot « racisme ». L'islam n'est pas une race, c'est une religion. Il faut la traiter comme une religion s'il y a un problème de sectarisme religieux. C'est mon premier commentaire.
    Je dirais, d'une façon plus générale, que parfois, lorsque le gouvernement intervient dans un domaine sensible, il aggrave la situation parce qu'il crée d'autres problèmes. M. Bhatti a fait référence au travail qu'il a accompli. J'ai présidé la commission dont a parlé M. Sweet, le conseil consultatif. Il se fait beaucoup de bonnes choses au Canada entre les membres des différentes traditions religieuses. Il n'est pas vraiment nécessaire qu'un programme, un plan ou une charte gouvernementale appuie ces activités. Elles s'exercent déjà. Je pense en fait que, lorsqu'on introduit une question aussi sensible que celle-ci dans un environnement partisan, ce qu'est la Chambre des communes, on risque d'aggraver les choses plutôt que d'appuyer le travail qui se fait déjà.
    Merci pour cette réponse.
    Je pense qu'il y a des moments privilégiés. C'est peut-être parce que je suis toute nouvelle dans cette arène politique, celle de la politique fédérale, mais je me trouve à cette table dans l'espoir que nous allons réussir à passer par-dessus certaines choses et que pour la question des politiques partisanes, même si nous appartenons à des partis différents et que nous avons des points de vue différents, la Chambre des communes n'est pas toujours obligée d'agir de cette façon. Lorsqu'il s'agit de lutter contre la haine et la discrimination sous toutes ses formes, il faudrait dépasser ces aspects.
    De ce point de vue, pour ce qui est d'en arriver à des recommandations, vous avez mentionné qu'il convenait de séparer racisme et discrimination religieuse. Je crois comprendre que, d'après vous, le gouvernement n'a peut-être pas à intervenir. Mais face à l'augmentation des crimes haineux et des cas vécus, dans lesquels des personnes font l'objet de discrimination, qu'elle soit fondée sur la religion, la race ou un autre motif, le gouvernement ne devrait-il pas faire quelque chose pour lutter contre tout cela?
    Je suis désolée, votre temps de parole est écoulé, madame Kwan. Sept minutes passent en fait très vite. J'en suis désolée.
    Nous allons maintenant passer à Dan Vandal, un député libéral, qui a sept minutes. Allez-y.
    Je vous remercie. Je vais partager mon temps de parole avec Arif Virani.
    Laissons là les définitions; je pense que personne ne peut mettre en doute le fait que les crimes haineux augmentent pour ce qui est de la communauté musulmane. Entre 2015 et 2016, ils ont augmenté de 61 %. Qu'il s'agisse de la communauté noire, de la communauté autochtone, des Premières Nations, des Métis, des Juifs, les crimes haineux augmentent. Que devons-nous faire en tant que dirigeants?
    Je m'adresse à M. Cameron.
    Merci, monsieur.
    Il est tout aussi impossible de légiférer pour lutter contre la haine que pour amener les gens à s'aimer les uns les autres. Personne ne peut obliger une autre personne à aimer. Personne ne peut obliger une autre personne à ne pas haïr. Ce n'est pas le rôle du gouvernement. Le rôle du gouvernement est de préserver les libertés constitutionnelles autant qu'il le peut et de créer un climat de tolérance. Vous pouvez supplier le peuple. Vous pouvez affirmer...
    Merci, monsieur Cameron. Nous n'avons pas beaucoup de temps et j'ai beaucoup de questions à poser.
    Monsieur Bhatti, voulez-vous intervenir pendant quelques secondes?
    Oui. Je pense personnellement que l'augmentation du racisme ou de la haine contre les musulmans ou l'islamophobie... Nous sommes limités...
    Ou contre la communauté noire ou juive ou autochtone...
    Oui.
    Comme je l'ai déjà mentionné, nous n'avons pas besoin d'un autre règlement, d'une autre modification ou d'une autre motion. Nous devons renforcer notre Charte canadienne des droits de la personne. Pourquoi ces cas se multiplient-ils? À mon avis, c'est parce que, dans le monde entier, dès qu'il y a un acte de terrorisme de commis, malheureusement c'est un musulman qui le commet, et cela a un effet sur tous les pays. C'est pourquoi le nombre des attaques augmente et c'est pourquoi nous devrions intervenir vigoureusement pour y mettre fin. Personne ne devrait haïr une autre personne.
(1630)
    Merci, monsieur Bhatti.
    La question que je pose est que faisons-nous en tant que dirigeants?
    Il faut réunir tout le monde.
    Monsieur de Souza, allez-y.
    Je dirais que le gouvernement du Canada fait déjà énormément de choses, par le truchement de ses ministères, pour promouvoir les relations multiculturelles et lutter contre le racisme. Ce n'est pas que, si cette motion n'est pas adoptée, rien ne se fera plus. Nous faisons déjà beaucoup. Nous avons déjà toutes sortes d'organismes de défense des droits de la personne qui ont été mentionnés plus tôt.
    Le problème que pose cette motion, d'après moi, est qu'avec ces ambiguïtés, elle pourrait endiguer — pour reprendre le terme de la motion — et étouffer un dialogue qui est nécessaire, qui doit être franc, honnête, respectueux, et qui se pratique déjà au Canada. Ce n'est pas que le gouvernement ne fasse rien. Le gouvernement fait déjà beaucoup de choses dans ce domaine.
    Ai-je bien compris que vous dites que nous ne devrions pas faire plus que ce que nous faisons déjà? Il n'y a rien d'autre à faire.
    Ce n'est pas qu'il n'y a rien d'autre à faire, mais cette motion risque de paralyser la discussion au sujet de questions délicates qui concernent l'islam, et il faut que ces discussions aient lieu. Elles ont lieu au sein de la communauté musulmane au Canada — vous allez entendre des témoins ou vous en avez déjà entendus sur ce point — et elles ont lieu au sein des différentes communautés religieuses de ce pays. Quelle que soit l'issue de cette motion, elle ne devrait pas avoir un effet négatif sur ces discussions.
    Merci.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Virani.
    Je donne la parole à M. Virani.
    Monsieur Virani, vous avez deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais principalement adresser mes questions à M. Cameron.
    J'avoue que je pratique le droit constitutionnel depuis 15 ans et que j'ai été quelque peu surpris par certains de vos commentaires. Je vais vous présenter quelques affirmations et j'aimerais que vous les commentiez.
    Vous avez dit que c'est aux citoyens et non pas au gouvernement de déterminer ce qu'est une radio poubelle. Je vous dirais que la Cour suprême a clairement déclaré dans sa jurisprudence qu'il y avait différents types de discours, et que, lorsqu'un discours allait jusqu'à inciter à la haine, il appartenait au gouvernement d'intervenir et que c'était le rôle de la police et du procureur général de le faire.
    J'aimerais également vous demander pourquoi nous devrions, d'après vous, préférer votre témoignage sur la question de l'effet des stations de radio au Québec sur la dissémination de la haine, plutôt que le témoignage que nous a livré un agent du SCRS du Québec qui a étudié cette question sur le terrain.
    Vous avez dit que nous devrions faire preuve de prudence avant de parler d'intolérance. J'aimerais que vous me commentiez les statistiques que vous a présentées Mme Kwan au sujet de l'augmentation des crimes haineux commis contre les Juifs et les musulmans dans notre pays.
    J'aimerais que vous nous disiez quelle est la partie de cette motion, de son libellé... Vous répétez constamment qu'elle nous invite à adopter une mesure législative, ce qui n'est pas le cas. Quelle est la partie de la motion qui nous demande de légiférer, de criminaliser les paroles, ou d'autoriser la mutilation génitale féminine.
    Le dernier commentaire que je tiens à faire... Vous avez dit que nous ne pouvons pas « légiférer constitutionnellement » pour supprimer le racisme. Je dirais que cette affirmation va à l'encontre de la Loi fédérale sur le multiculturalisme et de tous les codes des droits de la personne qui ont été adoptés dans ce pays, dans chaque province, y compris la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pour l'essentiel, vous dites que la Loi ontarienne contre le racisme, qui a pour but d'éliminer le racisme, est en quelque sorte inconstitutionnelle de votre point de vue.
    Quels sont vos commentaires sur ces sujets, monsieur?
    Je ne sais pas au juste très bien combien de temps il me reste.
    Il vous reste une minute, monsieur Cameron. Je suis désolée.
    Je vais faire de mon mieux.
    Madame la présidente, je souhaite invoquer le Règlement. Je voudrais obtenir le consentement unanime du Comité...
    Je suis désolée, monsieur Genuis, mais vous n'en pas actuellement membre. Or, le Comité compte déjà trois de vos collègues conservateurs.
    Bon.
    Entendiez-vous prolonger son temps de parole?
    Je souhaitais obtenir le consentement unanime du Comité pour lui accorder trois minutes de plus.
    Mais vous ne le pouvez pas, étant donné que vous ne faites pas partie du Comité.
    Dans ces conditions-là, un membre souhaitera peut-être intervenir.
    Madame la présidente, je souhaite, en ce qui me concerne, invoquer le Règlement. Je suis un membre assermenté du Comité et je voudrais demander le consentement unanime du Comité pour accorder à M. Cameron trois minutes de plus. On lui a en effet posé cinq questions distinctes.
    Je tiens cependant à rappeler au Comité, que nous allons devoir laisser la place à un autre groupe. J'ai déjà prolongé de 10 minutes la séance. On ne peut pas s'éterniser ici, car nous allons devoir quitter la salle.
    Pourriez-vous, madame la présidente, soumettre la question au Comité?
    Monsieur Reid, je vous en prie.
    Madame la présidente, pourquoi ne pas suivre les règles de procédure et demander...
    Je vous assure m'en tenir aux règles.
(1635)
    Non. Vous les inventez chemin faisant.
    Monsieur Reid, vous avez invoqué le Règlement et en tant que présidente, je réponds à votre recours. Or, aux termes mêmes du Règlement, on ne peut pas dépasser l'horaire, car nous empiétons alors...
    Mais vous ne pouvez tout de même pas refuser aux gens la possibilité de se prononcer, de dire oui ou non.
    Nous empiétons sur les droits des autres groupes qui doivent, après nous, occuper la salle. Nous avons déjà fait cela la dernière fois, et nous avons alors suscité beaucoup de mécontentement. Nous n'allons pas le refaire.
    Cela dit, je vais tout de même demander au Comité de décider s'il souhaite ou non accorder un peu plus de temps à M. Cameron.
    Un député: Non.
    La présidente: Je prends acte du refus du Comité. Je vous remercie. Nous allons maintenant poursuivre.
    Me reste-t-il encore une minute?
    Non, vous êtes à court de temps, mais étant donné que nous avons amputé votre temps de parole de 30 secondes, je vous accorde 30 secondes de plus. Je suis désolée.
    Merveilleux.
    Je voudrais dire ceci: la haine et l'injure sont deux choses différentes. Je pourrais dire, par exemple, que le témoignage livré par le représentant du SCRS était nul, minable, que j'étais en désaccord complet avec ce qu'il a dit et que les propos qu'il a tenus étaient dénués de toute valeur. C'est en fait ce qu'il disait de ces stations de radio. Mais la question est de savoir si ces postes de radio ont le droit de critiquer tel ou tel aspect de la gouvernance publique. Or, les radios ont effectivement ce droit.
    La deuxième chose que je voudrais dire est qu'il y a des limites à ce que l'on peut décréter. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons une Charte des droits et libertés. Cette Charte impose des bornes à l'exercice du pouvoir gouvernemental. Je suis opposé au racisme, je trouve cela odieux, mais ce n'est que mon opinion. Or, le gouvernement ne peut pas obliger les gens à changer d'opinion. Il faut tenter de les éduquer, instituer des programmes qui favorisent le multiculturalisme, et plaider en faveur de la tolérance. Cela ne relève pas de la législation.
    Vous m'avez demandé d'indiquer où, dans la motion en cause, est évoqué le besoin d'adopter de nouvelles dispositions législatives.
    Je suis désolée, monsieur Cameron.
    Oh...
    La réponse, monsieur, se trouve dans mon mémoire.
    Bon. Je vous remercie.
    Nous n'aurons pas le temps de procéder à une deuxième série de questions. Je tiens à remercier le père de Souza, M. Bhatti et M. Cameron d'avoir répondu à notre invitation et d'avoir supporté pas mal de...
    Madame la présidente, avant de passer à autre chose, même si je sais que nous avons convenu de la solution, pourrait-on très rapidement convenir que M. Cameron pourra à tout le moins nous transmettre ultérieurement ses réponses par écrit?
    Monsieur Cameron nous a remis un exposé écrit. Le document n'a pas...
    Je parlais de ses réponses aux questions que lui a posées M. Virani...
    Oui, tout à fait.
    Monsieur Cameron, vous pourrez nous les faire parvenir par écrit.
    Merci.
    Vous n'avez qu'à les remettre à notre greffier et nous les ferons distribuer dans les deux langues officielles. Nous n'avons pas pu remettre votre exposé aux membres du Comité, car il n'y avait que la version anglaise. Je suis désolée, mais c'est une des règles que nous sommes tenus de suivre. Votre exposé sera remis à tous les membres du Comité.
    Vous pouvez nous faire parvenir tout ce que vous voulez. Nous sommes toujours disposés à en prendre connaissance.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Sweet, d'avoir proposé cela.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute avant de passer à nos autres témoins.
(1635)

(1635)
    La séance est ouverte.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité du patrimoine procède à l'étude des formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques.
    Nous accueillons un seul témoin, car notre second témoin a dû se décommander à la dernière minute, pour cause de maladie, semble-t-il. Nous accueillons donc un groupe composé d'une seule personne. Mme Raza va prendre la parole pendant 10 minutes, après quoi, si tout se passe bien, nous aurons probablement assez de temps pour deux séries de questions.
    Je passe donc la parole à Mme Raza, qui a 10 minutes pour nous présenter son exposé. Je vous ferai signe quand il vous restera deux minutes.
    Merci.
(1640)
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée de prendre la parole devant vous.
    Je m'appelle Raheel Raza et je suis présidente du Council for Muslims Facing Tomorrow.
    L'année prochaine, cela fera 30 ans que je me suis installée au Canada avec ma famille. Comme la plupart des immigrants, nous sommes venus vivre ici par goût de la démocratie, de l'égalité des sexes et de la liberté d'expression. Je suis intimement persuadée que le Canada est le pays où il fait le mieux vivre au monde. Or, il se doit pour cela de donner l'exemple. Je bénis le Ciel d'être citoyenne de ce pays et de partager pleinement les valeurs qu'il défend.
    Nous nous retrouvons aujourd'hui autour de cette table pour parler de la motion 103. Je tiens à dire sans ambages que l'on doit combattre avec vigueur les préjugés, la haine et le racisme. Hélas, ce sont là des sentiments qui se manifestent depuis la nuit des temps. Or, la dignité humaine exige une condamnation catégorique de ces accès méprisables.
     Ils doivent être dénoncés, mais ne soyons pas omnibulés par ce terme fumeux d'« islamophobie ». J'ai lu plusieurs fois le texte de la motion 103 et si je puis être d'accord avec le motif qui l'inspire, je ne suis pas d'accord avec son usage de ce terme, car il sert surtout à semer la confusion dans les esprits et à entraver la liberté d'expression.
    Je viens d'assister, au siège des Nations unies à Genève, à la 36e session du Conseil des droits de l'homme, et j'ai pu constater combien, depuis des années, l'Organisation de la conférence islamique fait tout pour réduire au silence les critiques de la religion. Je précise que l'on peut critiquer la religion sans s'en prendre pour cela aux personnes. En effet, si, par certains côtés, une religion porte atteinte aux droits de la personne, il faut bien en débattre. La religion est, en effet, une abstraction. Or, ce sont les êtres humains qui ont des droits et non les abstractions. Le Canada devrait donc se préoccuper des droits de ses habitants, sans tomber dans le piège que lui posent les tenants de certaines idéologies.
    Le monde entier réclame la réforme de l'Islam afin de pouvoir accueillir les musulmans au XXIe siècle, dans un torrent de nouvelles idées nées de la modernité et de la liberté de penser, mais avec toutefois le souci constant des droits de la personne.
    Ce phénomène n'est pas entièrement nouveau, car déjà au IXe siècle il y avait dans l'Islam tout un mouvement de libre pensée. Ces partisans de la liberté intellectuelle se réunissaient pour soumettre à un débat rationnel les enseignements de leur foi. Les hommes au pouvoir trouvaient cela dangereux et ils ont su petit à petit les faire taire. L'interdit ainsi décrété, nous a mis, nous autres musulmans, dans une situation ridicule. En outre, il désigne à opprobre tous ceux qui appellent au changement.
    D'autres croyances ont su se réformer. Les chrétiens, par exemple, vont, cette année, célébrer le 500e anniversaire de la Réforme. Mais d'où provient la réforme? Eh bien, elle procède de la réflexion, de l'emploi de la raison et de la logique et, oui, d'une critique salutaire. Sans la liberté de blâmer une foi risque de s'engourdir.
    Musulmane pratiquante, je n'estime pas pour cela qu'il m'appartienne de prendre la défense de ma foi. Or, de nos jours, c'est le mot « terrorisme » qu'on associe le plus souvent à l'Islam. Est-ce de cela que mes enfants et mes petits-enfants vont hériter? Je refuse qu'il en soit ainsi. Il appartient en premier aux communautés musulmanes de rejeter les funestes pratiques qui se sont glissées dans notre foi et dans notre culture, des pratiques telles que la mutilation génitale féminine, les mariages forcés, le mariage des mineurs, l'esclavage, la polygamie, la violence armée contre les civils sous guise de jihad, la charia imposée de force, les exhortations à la haine et à l'intolérance envers des minorités.
    Un mouvement a déjà introduit dans les communautés musulmanes de grands changements. C'est ainsi qu'hier l'Arabie saoudite a annoncé que les femmes saoudiennes auraient désormais le droit de conduire une automobile. En Inde, la Cour suprême vient d'interdire une tradition en vertu de laquelle depuis des centaines d'années, un homme qui voulait se défaire de son épouse n'avait qu'à lui dire trois fois « Je renonce à toi », le divorce étant par là même prononcé.
(1645)
    Les femmes du Maroc ont aidé à faire évoluer les lois sur la polygamie. En Tunisie, suite à une décision historique, les musulmanes, contrairement aux prescriptions de la charia, peuvent désormais épouser des non-musulmans. Le Bangladesh a remplacé sa constitution islamique par une constitution laïque, et la Chambre des lords du Royaume-Uni envisage actuellement d'interdire certaines pratiques des tribunaux de la charia.
    D'après moi, donc, le Canada, avec ses communautés musulmanes florissantes, devrait élever sa voix pour encourager ces réformes et non encourager les musulmans à s'abriter derrière une motion qui tend à brider la liberté d'expression. J'ajoute que dans une société laïque, dont nous sommes partisans, l'État ne devrait pas s'occuper de religion.
    Dans son état actuel, la motion M-103, et le terme d'« islamophobie » qu'elle renferme, établit un clivage entre « nous » et « eux ». En distinguant une communauté de croyants en particulier, la motion donne l'impression que l'Islam et les musulmans ont quelque chose d'exclusif, et qu'ils demandent que leur soit accordée une attention particulière, alors que, selon les statistiques, les crimes haineux frappent plus particulièrement les Juifs, les Noirs et les membres des diverses communautés LGBTQ. Ajoutons que selon les sondages d'opinion, plus de 70 % des Canadiens sont opposés à la motion M-103.
    Mais voyons un peu le sort réservé aux musulmans dans l'agglomération urbaine de Toronto, où j'habite. On y trouve plus de 100 mosquées et 50 organisations islamiques. Onze députés musulmans siègent à la Chambre, et des prières musulmanes sont récitées dans plusieurs écoles publiques. Je ne vois guère en cela de racisme systémique. Cela dit, les préjugés et le racisme existent effectivement et j'invite donc le Comité à renforcer la législation contre la haine et la discrimination visant non pas un secteur particulier de la population, mais tout Canadien quel qu'il soit.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Raza.
    Vous avez fait preuve d'une belle efficacité.
    Merci.
    Nous allons entamer une première série de questions, chacun disposant de sept minutes. La parole passe aux libéraux en la personne de Julie Dabrusin.
    Merci pour votre exposé. C'était intéressant et j'ai aimé entendre votre point de vue.
    Cependant, en pensant à ce que nous avons entendu de la part du premier groupe de témoins, et encore maintenant, je me suis posé des questions sur notre travail. Pourquoi faisons-nous cette étude? Quel est son objectif? J'ai pensé revenir à la motion 103 afin d'examiner le texte et de le retourner dans tous les sens.
    Comme nous le savons tous ici, c'était au départ une motion d'initiative parlementaire déposée par Mme Iqra Khalid, députée de Mississauga—Erin Mills. La motion a été lue et débattue à la Chambre des communes et adoptée le 23 mars de cette année.
    Par conséquent, cette motion a déjà été adoptée à la Chambre des communes et n'a donné naissance à aucun texte de loi. La raison pour laquelle j'y reviens, c'est que le dernier groupe de témoins a soulevé des inquiétudes à propos des lois et de la liberté d'expression. Je tiens à préciser clairement que cette motion a été adoptée, mais qu'elle n'a abouti pour le moment à aucun texte législatif. C'était une simple motion. Si je retourne au texte, je crois que la motion a eu pour résultat de « reconnaître qu'il faille endiguer le climat de haine et de peur qui s'installe dans la population », « condamner l'islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques » et « prendre acte de la pétition e-411 à la Chambre des communes, ainsi que des problèmes qu'elle a soulevés ».
    Cela a été fait. Ensuite, notre comité a été chargé d'entreprendre une étude. Ce n'était pas une obligation, mais une demande.
    Je voulais attirer l'attention à ce sujet, en raison des inquiétudes qui ont été évoquées au sujet de la liberté de parole et de l'impact d'une condamnation de l'islamophobie. En fait, la Chambre des communes a déjà adopté une motion à cet effet en octobre 2016, motion qui, là non plus, n'a donné lieu à aucun texte de loi, aucune restriction à la liberté d'expression.
    Cela m'a amené à regarder de plus près ce que nous faisons aujourd'hui. Nous siégeons au sein d'un comité parlementaire indépendant composé de députés de tous les partis reconnus. Il y a des députés libéraux, des députés conservateurs, des députés du NPD. Nous sommes réunis ici pour effectuer cette étude. Ensemble, nous avons convenu du mandat de cette étude. Nous nous sommes entendus sur la façon de procéder, sur les témoins que nous souhaitions convoquer. Aujourd'hui, les députés des trois partis qui constituent notre comité travaillent ensemble pour recueillir des témoignages qui serviront à l'étude que nous avons entreprise.
    Lorsque l'étude sera terminée, nous rédigerons un rapport qui pourra contenir des recommandations. En revanche, il est une chose que nous ne pouvons pas faire, c'est légiférer. Je tiens à être très claire à ce sujet, car il semble que certaines personnes se méprennent à ce sujet. Notre comité n'a pas le pouvoir de créer des lois. Il peut présenter des recommandations dans un rapport que la présidente déposera à la Chambre des communes une fois que la majorité des membres du comité auront approuvé la version finale du rapport.
    Le dépôt du rapport ne va toujours pas avoir pour effet de déclencher la rédaction d'une loi. La Chambre des communes va tout simplement prendre connaissance du rapport dans lequel nous présenterons les conclusions de notre étude. Par la suite, le gouvernement pourra répondre à notre rapport.
    Voilà qui me ramène à notre débat d'aujourd'hui. J'ai été intéressée par vos interventions à propos de lois s'opposant au racisme envers tous les groupes. C'était une de vos recommandations et je vais y revenir. Je suis ravie que l'on puisse entendre les témoins et recueillir des informations utiles pour notre étude.
    Je tiens à préciser que le mandat de notre étude indique clairement que nous devons entreprendre
... une étude sur la façon dont le gouvernement pourrait... établir une approche pangouvernementale pour la réduction ou l'élimination du racisme et de la discrimination religieuse systémiques, dont l'islamophobie, au Canada, tout en assurant l'adoption de politiques fondées sur les faits, qui soient d'application globale et axées sur la communauté.
    Dans la deuxième partie, il est question des données concernant les crimes haineux. Cela vise à éliminer le racisme systémique — ces efforts ne doivent pas cesser — ainsi que la discrimination religieuse, y compris l'islamophobie, mais sans se limiter à un groupe particulier.
(1650)
    Ceci n'est que le préambule aux réflexions auxquelles j'ai abouti lorsque j'ai examiné cette question.
    Parmi les documents réellement importants qui nous ont été présentés la semaine dernière, nous avons les conclusions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale des Nations unies. À mon sens, ce document est vraiment utile pour étayer le travail que nous allons entreprendre dans le cadre de notre étude. Il présente une série de recommandations. J'avais l'intention de vous les lire pour vous donner une idée de ce que notre comité pourrait adopter, car c'est l'objectif que nous recherchons.
    Il vous reste deux minutes, madame Dabrusin.
    Très bien.
    Certaines recommandations nous encourageaient à recueillir des données désagrégées dans tous les ministères pertinents afin d'améliorer la surveillance et l'évaluation de la mise en oeuvre et de l'impact des politiques visant à éliminer la discrimination raciale et l'inégalité. Le rapport de la convention louait la première stratégie provinciale antiracisme adoptée par l'Ontario et nous recommandait d'élaborer et de lancer un nouveau plan d'action national contre le racisme.
    Ensuite, les auteurs du rapport recommandaient de prendre des mesures en vue de prévenir les crimes racistes haineux contre tous les groupes ethniques et minoritaires et les peuples autochtones, de faciliter la dénonciation par les victimes, de faire systématiquement le suivi des crimes racistes haineux signalés et de conserver des données à ce sujet, d'enquêter à propos de l'augmentation de 61 % des crimes racistes haineux rapportés contre des musulmans et de la montée de l'islamophobie, ainsi que d'examiner les raisons.
    En énumérant ces recommandations — ceci n'est qu'un simple échantillon, car il y en a beaucoup d'autres — je me demande si vous pensez qu'il serait utile pour nous d'en adopter quelques-unes et de remettre en contexte tout ce que nous faisons ici, au comité.
    Madame Raza, vous avez 30 secondes.
    Merci beaucoup pour cette précision.
    Je crois qu'il est important de mettre l'accent sur le mot « toutes » et j'aimerais qu'il soit inclus dans toutes les recommandations afin que l'on dise « toutes les communautés ethniques », « toutes les minorités » et « toutes les formes de racisme ». Le mot « islamophobie » m'inquiète, parce que beaucoup d'entre vous ne savent peut-être pas que ce mot a été créé après les événements du 11 septembre afin d'enrayer les critiques, les discussions ou les débats à propos de l'islam et des musulmans.
    Or, mon organisation étant à l'avant-garde de la lutte contre l'idéologie djihadiste radicale, ce sont des sujets que nous devons aborder. Depuis l'adoption du terme islamophobie dans la langue courante, les gens ont peur de s'exprimer. Vous avez dit que la liberté d'expression est demeurée intacte depuis que la motion a été adoptée. Je suis au regret de vous dire que ce n'est pas le cas, puisque les gens ont peur d'utiliser les termes « musulman » ou « islam », même pour poser une question à propos des extrémistes qui ont perpétré l'attentat à Londres. Les gens ont peur de parler, peur d'être traités de racistes à cause de cette motion...
(1655)
    Madame Raza, je dois vous interrompre.
    Soyez assurée que vous aurez l'occasion de terminer votre propos ou de le compléter lorsque les autres témoins seront amenés à s'exprimer, mais cela reste à la discrétion des députés qui poseront des questions plus tard au cours de notre séance.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Anderson, du Parti conservateur.
    Merci, madame la présidente.
    Je trouve regrettable que certains de mes collègues utilisent leur temps de parole pour faire de l'obstruction et empêcher nos témoins d'aujourd'hui de répondre aux questions, ou encore parce qu'ils ne sont pas intéressés eux-mêmes à poser des questions. Il me semble que cela n'est pas inhabituel dans le cadre de ce débat où il y a tant à dire. On dirait qu'ils sont plus intéressés à écouter leur propre voix que celle des autres.
    Je vous remercie d'être venue aujourd'hui et je vais vous donner l'occasion de répondre à quelques questions.
    Vous avez parlé de réforme, un sujet qui a été important pour vous. Au moment de procéder à sa mise en oeuvre, nous voulons éviter les excès qui se sont produits dans d'autres pays. Vous avez mentionné les tribunaux de la charia et certaines pratiques, ainsi que divers conseils qui ont été mis sur pied. Certains d'entre nous qui ne siègent pas au comité cette semaine, ont eu la chance de rencontrer la baronne Cox et de lui parler. Comme vous, elle défend la cause des jeunes femmes.
    Pouvez-vous nous dire quelles sont les conséquences qu'ont les tribunaux de la charia sur les jeunes femmes, comment ils ont été mis en place, qui les dirige et ce que nous pouvons faire pour éviter à l'avenir quelques-uns des problèmes que rencontrent d'autres pays à l'égard de ces questions?
    Je vous remercie pour cette très importante question. Je travaille en étroite collaboration avec la baronne Cox et, en fait, j'ai traversé l'Atlantique pour aller présenter un témoignage à la Chambre des lords, en Angleterre, sur exactement le même sujet. Vous savez peut-être qu'il existe 85 tribunaux de la charia au Royaume-Uni. Le gouvernement britannique a approuvé la mise sur pied de ces tribunaux jusqu'à ce que surgissent les problèmes.
    Lorsque j'étais là-bas, l'an dernier, de nombreux témoins ont rapporté le cas de musulmanes qui se trouvaient abandonnées dans une situation incertaine, étant donné que ces tribunaux de la charia n'ont aucun compte à rendre au sujet des décisions qu'ils prennent relativement au mariage, au divorce et à la garde des enfants. Les mariages qu'ils célèbrent ne sont pas enregistrés par les tribunaux civils du gouvernement. Si un homme dit trois fois à sa femme « Je veux divorcer de toi », comme c'est la coutume, celle-ci n'a aucun recours en vue d'obtenir la garde de ses enfants ou un dédommagement financier.
    Nous avons fait venir les victimes et la Chambre des lords les a écoutées raconter leurs histoires. Les lords ont alors compris que les tribunaux de la charia posaient problème dans la mesure où ils n'ont aucune obligation de rendre des comptes. Les lords ont également souhaité entendre mon témoignage à propos de la demande de création de tribunaux de la charia qui avait été présentée en Ontario. À l'époque, nous avions fait du lobbyisme pendant plus d'un an et nous sommes parvenus à faire changer la loi qui autorisait l'arbitrage et la médiation. J'ai recommandé à la Chambre des lords de faire en sorte que ces tribunaux soient tenus de rendre des comptes. Les lords ont entendu des centaines et des milliers d'histoires de victimes de ces tribunaux de la charia. Ces victimes sont des femmes à 99,9 %. La Chambre des lords se penche à nouveau sur cette question et je collabore encore avec la baronne Cox pour faire avancer les choses.
    On ne saurait nier que le Canada a été le théâtre d'une vague de ressentiment antimulsulman et d'événements motivés par le sectarisme et la haine. Je pense que vous avez dit que, selon vous, ce sentiment n'est pas systémique. Quelles sont les solutions à ce problème? Notre pays a son lot de problèmes. Quelles sont vos suggestions? Vous avez parlé de réforme, mais quelles sont les autres recommandations que vous pouvez nous présenter?
    Je recommande que les communautés elles-mêmes soient chargées d'apporter ce changement. Ce sont les florissantes communautés musulmanes d'ici qui auraient dû se charger de cette tâche. Nous avons une grande population musulmane. Or, je constate que rien de tel ne se produit. Il n'y a pas de tables rondes dans les mosquées ou dans les centres islamiques pour débattre de cette question, de ces inquiétudes ou de la façon dont nous pouvons réagir.
    Une des recommandations concerne le dialogue interreligieux qui est un élément important. Je suis très engagée également dans ce type de dialogue qui amène les communautés à se parler. Nous devons parler avec ces communautés qui ont subi le racisme et la discrimination avant nous.
    Tous les immigrants qui se sont installés au Canada — les Italiens, les juifs, les Irlandais — ont connu leur lot de défis. Nous devons nous asseoir avec ces communautés afin de comprendre comment elles ont surmonté ces difficultés. Elles n'ont pas pu s'appuyer sur des lois ou des motions.
    Je ne crois pas qu'une motion du gouvernement ou une étude peut nous aider dans ce domaine. Je crois que les communautés musulmanes doivent prendre leurs responsabilités et ouvrir le débat sur ce problème, afin de trouver elles-mêmes des solutions et, à ce moment-là seulement, demander au gouvernement de les aider d'une manière ou d'une autre.
(1700)
    D'après vous, qui devrait prendre cette initiative? Est-ce que certains dirigeants de la communauté peuvent s'en charger ou est-ce qu'il revient à notre comité et à cette motion d'affirmer que la situation doit changer et que le gouvernement doit s'en mêler?
    Selon moi, c'est un rôle que devraient endosser les organisations islamiques et les mosquées. C'est là que se trouve le leadership. Les leaders devraient prendre cette responsabilité. Malheureusement, ce ne sont pas les bonnes organisations qui prennent le leadership. Le ministère de la Justice et la police ont pris contact avec nous pour nous demander à qui ils devaient s'adresser. Parfois, on ne s'adresse pas aux bonnes personnes, parce que ce sont elles qui sont à l'origine de la propagande haineuse. Il faut être bien conscient de cela.
    Ce sont les gens de la base et les organismes communautaires qui devraient jouer ce rôle. Il est certain que le gouvernement peut faire des recommandations et peut-être accorder une aide financière à des groupes qui seront en mesure d'offrir à nos jeunes un espace sûr entre la mosquée et la morgue, un endroit où les jeunes pourront s'informer sur la radicalisation et éviter de devenir les victimes de la propagande haineuse qui sévit actuellement.
    Mais avant tout, il faut avoir un débat ouvert et honnête sur ces questions.
    Je suis moi aussi à court de temps.
    Certains témoins nous ont invités à limiter la liberté d'expression. Devrions-nous envisager d'aller plus loin que la Cour suprême et d'imposer des limites plus strictes à la liberté d'expression?
    Absolument pas. Je me bats farouchement pour la liberté d'expression. Il ne devrait y avoir aucune limite à la liberté d'expression. Tous les citoyens canadiens devraient avoir le droit de poser des questions et de dénoncer ces pratiques qui vont à l'encontre des droits de la personne.
    Vous avez collaboré avec des groupes de prière interreligieux et mixtes, animés par des femmes. Comment cela a-t-il été perçu? Avez-vous été critiquée ou persécutée pour avoir participé à de telles activités?
    J'ai eu mon lot de menaces et de courrier haineux. J'ai un fichier de messages haineux dans mon ordinateur. C'est terrible, mais c'est la réalité. Cependant, les résultats ont été positifs, puisqu'il y a maintenant cinq mosquées dans le monde qui sont dirigées par des femmes. La culture qui règne dans les mosquées ici est si misogyne et si patriarcale que des femmes ont décidé d'ouvrir leur propre lieu de culte. Évidemment, cette décision a été controversée, mais le changement se fait petit à petit et nous avons fait les premiers pas. Aujourd'hui, les femmes ont le droit de conduire en Arabie saoudite. Voilà comment le changement s'impose. Quelqu'un doit se lever pour exiger l'égalité des sexes ou le respect des droits de la personne.
    Comment cela se passe-t-il au Canada?
    Très bien.
    Merci, madame Raza.
    Nous allons maintenant donner la parole à Jenny Kwan, du NPD.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, madame Raza, pour votre exposé.
    Je suis particulièrement intéressée par ce que vous avez dit au sujet de la nécessité d'établir un dialogue interreligieux. Je crois qu'un des témoins précédents nous a dit que la haine ou l'amour ne sont pas des sentiments que l'on peut imposer par la loi. Je pense que c'est tout à fait exact, même si l'on peut comprendre aussi que la haine est un comportement acquis. Cela étant dit, c'est peut-être en facilitant le dialogue que l'on peut aborder ces questions et que le gouvernement peut jouer un rôle. Vous avez vous-même parlé de la nécessité d'un tel dialogue.
    Quant aux recommandations, puisque nous devons en formuler, le gouvernement devrait-il intervenir auprès des ONG et d'autres organismes pour faciliter ce dialogue afin de promouvoir une compréhension interculturelle et interreligieuse et une prise de conscience des différentes personnes et des différents groupes? J'aimerais vous demander votre point de vue à ce sujet et ensuite, j'aurai quelque chose à ajouter.
    Merci. Je crois en effet qu'il est important d'encourager ce dialogue entre les communautés, pas seulement les communautés religieuses, mais entre toutes les communautés, afin qu'elles puissent apprendre les unes des autres.
    J'aimerais revenir très rapidement sur un commentaire que vous avez fait, car cela me semble extrêmement important pour notre discussion. Vous avez raison de dire que la haine est un comportement acquis. La haine n'est pas innée, mais enseignée. Le comportement haineux qu'affichent certaines personnes leur a été enseigné.
    Il y a des institutions religieuses qui véhiculent des messages de haine. Je pense que dans de tels cas, le gouvernement devrait intervenir. Ces organisations, ces institutions devraient être tenues de rendre des comptes. Dans certaines mosquées de Toronto et de Québec, les messages de haine... il y a même un imam de Québec qui incite à tuer les juifs. On ne devrait pas, au Canada, tolérer de telles expressions de haine. Voilà d'où vient la haine.
    Nul ne naît terroriste. On devient terroriste parce qu'on a été radicalisé. Il faut aller à la source même de cette radicalisation et le gouvernement devrait, dès qu'il en prend connaissance, éradiquer ces messages de haine, parce que le Canada n'est pas un endroit où ces messages de haine devraient se déployer.
(1705)
    Merci.
    En fait, cela m'amène directement au prochain point sur lequel je souhaite attirer votre attention et vous poser une question.
    La motion fait référence à une pétition, la pétition e-411 qui a été déposée à la Chambre des communes sous la forme d'une motion qui a été adoptée à l'unanimité. Je pense qu'il est important de lire cette motion aux fins du compte rendu, étant donné que ce texte doit être placé dans le contexte de notre discussion. La pétition e-411 se lit comme suit:
Attendu que:
L’Islam est une religion comptant plus de 1,5 milliard de fidèles dans le monde. Depuis la création de cette religion, il y a plus de 1 400 ans, les musulmans contribuent au développement positif de la civilisation humaine, et ce dans toutes les sphères, notamment les arts, la culture, les sciences, la médecine, la littérature et plus encore;
Récemment, un nombre infinitésimal d’extrémistes ont perpétré des actes terroristes en prétendant agir au nom de l’Islam. Ces actes ont servi de prétexte pour une montée notable des sentiments antimusulmans au Canada;
Ces individus violents ne traduisent en aucune façon les valeurs et les enseignements de l’Islam. En fait, ils donnent une fausse impression de cette religion. Nous rejetons catégoriquement toutes les activités. Ils ne représentent en aucune façon la religion, les croyances et le désir des musulmans de cohabiter en paix avec tous les peuples du monde.
Nous, soussignés, citoyens et résidents du Canada, prions la Chambre des communes de se joindre à nous pour reconnaître que les extrémistes ne représentent pas l’Islam et condamner toutes les formes d’islamophobie.
    Je veux établir un lien entre tous ces différents points de vue. Vous avez absolument raison de dire que nous ne voulons pas que le Canada soit un pays où l'on permet la promotion de la haine.
    C'est pourquoi il a été proposé que le gouvernement présente des recommandations ou des actions différentes sur la lutte contre le racisme et la discrimination religieuse. Qu'en pensez-vous?
    Comme l'a dit le père de Souza, je crois que le racisme est un problème différent. Bien sûr, le gouvernement peut faire des recommandations ou présenter des motions à propos du racisme, mais je crois personnellement que ce sont les communautés elles-mêmes qui doivent lutter contre la discrimination religieuse. Le texte que vous m'avez lu est merveilleux et plein de bonnes intentions, mais il ne reflète pas la réalité et il évite de prendre position sur la montée du terrorisme et la radicalisation qui se produisent actuellement dans l'ensemble du monde musulman.
    À propos de la radicalisation, le comité a entendu le témoignage de fonctionnaires qui sont venus nous parler des différentes mesures qu'ils ont prises. De ce point de vue, avez-vous des recommandations précises à faire au gouvernement à propos de l'approche qu'il devrait adopter face à la radicalisation? Comment pouvons-nous procéder?
    Oui, absolument. Mon organisation applique une approche que nous appelons celle des « trois E ». Cette approche consiste à exposer le problème, éduquer les masses et ensuite tenter d'éliminer le problème. Le clergé devrait faire partie de la solution. C'est pourquoi nous devons lui donner le pouvoir de travailler auprès des jeunes et de présenter des programmes au cours desquels ces questions sont abordées. Mais ensuite, évidemment, une telle motion à propos de l'islamophobie empêche la tenue de débats ouverts et honnêtes sur ces questions. Aussi, tout d'abord...
    Excusez-moi, je vais vous interrompre, parce que la motion ne porte pas uniquement sur l'islamophobie. Je pense qu'il est vraiment important de ne pas dire que la motion ne concerne que l'islamophobie. La motion précise qu'il faut « condamner l'islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques ».
    C'est vrai.
    Par conséquent, ce sont toutes les formes de racisme et de discrimination qui sont condamnées. L'islamophobie n'en représente qu'une forme. Par ailleurs, j'aimerais insister sur la discrimination systémique parce que, dans votre exposé, vous en parlez, je crois, dans le contexte de l'islamophobie alors que, quand on parle de discrimination systémique, je pense beaucoup aussi aux peuples autochtones qui sont bel et bien victimes de ce type de discrimination. Nous en parlerons, je l'espère, au cours des semaines à venir.
    Je tiens à préciser cela pour le compte rendu, afin d'éliminer toute confusion à ce sujet, parce que plus on entretient la confusion et moins on se rapproche de l'objectif commun que l'on cherche à atteindre, à savoir lutter contre la discrimination sous toutes ses formes et pour tous.
    Merci, madame Kwan. Je regrette, madame Raza, mais le temps est écoulé. Vous aurez d'autres occasions de répondre.
    Monsieur Vandal, pour les libéraux. Vous disposez de sept minutes.
(1710)
    Merci beaucoup pour votre exposé.
    Je vais poursuivre dans le même sens que Jenny Kwan. Je veux m'assurer que vous avez bien compris et j'attends une réponse de votre part. La motion se lit comme suit:
a) reconnaître qu'il faille endiguer le climat de haine et de peur qui s'installe dans la population;
b) condamner l'islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques et prendre acte de la pétition e-411 à la Chambre des communes, ainsi que des problèmes qu'elle a soulevés...
    Vous comprenez que nous ne parlons pas uniquement de la haine envers l'islam et les musulmans. Nous parlons de toutes les formes de haine. Nous voulons inclure toutes les formes de haine envers les Autochtones, les Noirs, les juifs ou d'autres communautés ethniques. Est-ce que vous comprenez cela?
    Oui, je comprends, mais la motion ne mentionne aucune autre communauté. Pourquoi seule la communauté musulmane est-elle désignée nommément? C'est là ma question et c'est, je crois, l'objet principal de la motion. En effet, il n'est pas question de racisme contre les juifs, contre la communauté LGBTQ ou les Noirs. Si l'on regarde les statistiques, on peut constater que l'homme blanc peut lui aussi être victime de haine. Et pourtant, la motion ne mentionne pas ces autres communautés.
    Pourquoi seuls les musulmans sont-ils nommément désignés? Sont-ils la seule communauté au Canada? Sont-ils une communauté spéciale ou particulière? Les musulmans sont-ils une communauté exclusive? Le racisme envers eux est-il différent de toutes les formes de racisme dont sont victimes les autres communautés? Voilà la question que je me pose à propos de la motion.
    J'essaie vraiment de comprendre. Parce que l'islamophobie est mentionnée dans la motion, vous estimez que l'ensemble de la motion n'est plus valide et vous pensez en fait qu'elle est même dangereuse et qu'elle pourrait nuire à la liberté d'expression. Est-ce que c'est cela que vous pensez...?
    Je n'ai pas dit que la motion dans son ensemble est invalide. Je crois cependant que le fait d'utiliser le terme « islamophobie » dans la motion nuira à la liberté d'expression, parce qu'aucune autre communauté ethnique ou religieuse n'est citée nommément dans la motion. Je veux être très claire à ce sujet. Il n'est question que d'islamophobie. Or, qui est visé par l'islamophobie? Pas les chrétiens, mais les musulmans. Voilà ce qu'est l'islamophobie. Et d'ailleurs, ce terme nouveau me paraît problématique et ambigu. Deuxièmement, seule la communauté musulmane est mentionnée. Voilà à quoi je m'objecte dans cette motion.
    Je comprends. Dans un récent rapport sur les crimes haineux signalés à la police au Canada en 2016, Statistique Canada constate notamment que les crimes motivés par la haine signalés à la police visant des musulmans ont augmenté de 61 % entre 2014 et 2015. Voilà qui est alarmant à mon sens et dénote une tendance continue à l'augmentation du nombre d'incidents anti-musulmans révélatrice d'un problème de haine plus général. Je suis de Winnipeg. Nous y avons des problèmes de haine par rapport aux Autochtones, aux Premières Nations, aux Métis. Ailleurs au Canada, il y a des problèmes de haine à l'encontre de la communauté noire, et je pourrais donner bien d'autres exemples encore.
    Que faisons-nous, en tant que dirigeants fédéraux qui entreprennent cette étude, pour essayer de mettre un terme à toute cette haine? Que pouvons-nous faire mieux pour enrayer ce problème?
    Comme nous l'avons entendu plus tôt, l'idée de la haine est idéologique et elle est très difficile à surveiller ou à combattre par des lois. Ce qu'il faut, c'est une meilleure éducation, une meilleure interaction entre les communautés et une meilleure compréhension les unes des autres. Je crains que les communautés musulmanes ne se soient pas ouvertes aux autres comme elles l'auraient dû, parce que je fais partie de cette communauté, et il faut améliorer le dialogue.
    Je viens de rentrer, hier, de Winnipeg. Je connais les problèmes qu'y ont les Autochtones. J'ai parlé devant la Manitoba Teachers' Society et je vois que ces problèmes sont énormes. Alors, pourquoi ne mentionne-t-on pas la question des Autochtones? Le défi est immense. Pourquoi n'en est-il pas question dans la motion?
    Nous revenons à la motion M-103. Si elle dit que nous devons étudier la discrimination et le racisme contre toutes les communautés, nous nous en félicitons. Mais là est le problème, qu'il ne s'agit pas seulement de l'islamophobie ou des musulmans. L'étude doit porter sur tous les types de discrimination.
    Je veux m'assurer que vous comprenez que l'augmentation de 61 % concerne la communauté musulmane.
(1715)
    Je le comprends.
    La communauté musulmane est la victime en l'occurrence.
    Oui, et la communauté musulmane doit prendre en main ses propres problèmes, les examiner et décider de ce qu'elle doit faire. Elle devrait demander l'aide du gouvernement, si nécessaire. Elle se montre passive sur le sujet.
    Le gouvernement n'a pas à materner une communauté en particulier. Elle doit prendre ses propres responsabilités.
    Vous trouvez que protéger des groupes contre la haine, c'est les materner?
    Non, mais la motion 103, qui ne mentionne qu'une confession, revient à materner.
    La motion 103 équivaut à du maternage.
    En effet.
    Êtes-vous du même avis à propos des Autochtones?
    Non. Je pense que chaque communauté se regroupe. Si tout le Canada déclare que, dans ce pays, nous nous opposons en tant que Canadiens à la haine, au racisme et à l'intolérance à l'égard de toute communauté, alors, ce sera logique pour moi. Mais la motion parle d'« islamophobie », ce qui soulève une question.
    Il me reste une minute.
    Des gens m'appellent à mon bureau au sujet de la motion 103. Ils ont peur que leur liberté de parole soit menacée. Ils craignent de voir la charia appliquée au Canada. Des gens appellent l'auteure de la motion pour la menacer de mort.
    La haine — mais pourquoi toutes ces réactions?
    Nous avons des lois au Canada contre les crimes haineux, et c'est terrible qu'on appelle quelqu'un pour proférer des menaces. Je le sais parce que j'en reçois aussi. Je comprends donc.
    Mais ma question est pourquoi toutes ces réactions? Pourquoi les gens s'inquiètent-ils autant au sujet de cette motion?
    Je ne sais pas. Je n'ai pas de réponse à cette question, mais quelles que soient les raisons, elles ne sont pas normales et il faut sanctionner aussi ces actes. De toute évidence, comme je l'ai dit, le racisme et l'intolérance, quelle qu'en soit la source, doivent être examinés et combattus, et pas par rapport à une communauté en particulier.
    Je vous remercie, madame Raza.
    Nous arrivons à la fin de cette série. Nous allons passer à une autre de cinq minutes. J'ai le nom des personnes sur la liste.
    Je souhaite saisir l'occasion, en tant que présidente, parce que j'étais présente quand nous nous sommes mis d'accord, comme l'a dit Mme Dabrusin... Cette motion de la Chambre n'a pas été transmise avec un ordre de renvoi. Autrement dit, il n'est pas précisé que nous devions faire quoi que ce soit en l'occurrence.
    Le Comité aurait pu dire qu'il n'allait pas l'étudier parce qu'il n'y est pas tenu, mais le Comité, auquel siègent trois partis politiques — pour resituer le contexte —, a décidé de l'examiner. Nous nous sommes assis, nous avons réfléchi à ce que nous allions faire et nous avons défini le mandat et les thèmes. Nous avons tous ici présents accepté ce mandat.
    Les thèmes reposaient clairement sur la discrimination religieuse et toutes les formes de racisme systémique. C'est de cela dont nous allions nous occuper. La collecte de données est un autre aspect.
    En résumé, j'aimerais m'assurer que vous comprenez bien ce que nous étudions. Nous ne suivons pas la motion mot à mot. Nous avons défini en tant que comité ce que nous allions étudier et comment nous allions l'étudier, et nous n'avons pas à suivre à la lettre ce que dit cette motion. Je voulais tout simplement le souligner. Nous avons décidé en tant que comité réunissant trois partis politiques, dont un n'a pas voté en faveur de la motion à la Chambre, mais nous avions tous le sentiment qu'il fallait parler de ce sujet et trouver des solutions à ce problème.
    J'aimerais revenir sur un élément de la motion que personne n'a mentionné. Elle dit que « le Comité devrait formuler des recommandations que pourra appliquer le gouvernement afin de mettre davantage en valeur les droits et libertés garantis dans les lois constitutionnelles, y compris la Charte canadienne des droits et libertés ». Cela renvoie à l'article 2 sur les libertés religieuses et à l'article 15 sur la haine ou la discrimination à l'égard de minorités, etc.
    Il me semble que nous avons défini le mandat et qu'il est clair. Il ne me semble pas que nous nous intéressions à une seule chose, comme on le dit apparemment maintenant. Nous parlons de toutes les formes. Notre mandat est clair à ce propos. Je veux mettre sur la table le mandat de l'étude à laquelle s'attelle le Comité, afin que vous puissiez, si vous avez des questions plus tard, les placer dans ce contexte, à savoir que nous ne suivons pas à la lettre la motion adoptée. Je voulais que vous le sachiez.
    Je vous remercie. Je ne connais pas le protocole, mais puis-je poser une question?
    Non, je suis désolée. Vous êtes sur la sellette, madame Raza, voilà tout.
    J'en ai l'habitude.
    Nous passons à la deuxième série de questions, de cinq minutes cette fois pour les questions et réponses.
    Nous commencerons par les conservateurs.
    Monsieur Sweet.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Mais, je dois ajouter deux points fondamentaux à cette description. D'une part, nous avons rejeté la motion. Nous avons négocié avec son auteure afin de retirer le mot « islamophobie », parce que nous estimions qu'il était problématique en soi, pour le remplacer par la « haine envers les musulmans ». L'auteure de la motion a répondu qu'elle ne changerait pas le libellé.
    D'autre part, nous participons à l'étude parce que la motion a été adoptée à la Chambre, étant donné la majorité actuelle, et nous voulions nous assurer de participer au processus, car il nous paraît très important. Voilà pourquoi nous sommes ici.
    Si vous aviez une question à poser et que vous pouviez la poser, quelle serait-elle?
(1720)
    Vous changez les règles, monsieur Sweet, mais poursuivez. Je vous laisse faire. J'userai de ma discrétion en tant que présidente pour vous y autoriser.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Si je pouvais poser une question, je demanderais à quoi cela sert-il de faire venir des témoins si tout a déjà été décidé? Vous allez mener cette étude. En tant que citoyenne canadienne, je suis présente ici parce que je suis préoccupée par les répercussions à long terme de cette motion. Certes, il ne s'agit pas d'un projet de loi pour l'instant, mais ce pourrait bien en devenir un. L'étude pourrait déboucher sur une loi. Ce serait très dangereux pour la Constitution et pour les Canadiens sur le plan de la liberté d'expression.
    Je viens d'une théocratie. J'apprécie donc d'autant la liberté d'expression, la liberté de choix, la liberté de pouvoir exprimer une opinion, même si elle est critique. C'est quelque chose que je défends et que je prône constamment.
    Madame Raza, depuis combien de temps défendez-vous la liberté de religion, en particulier dans la communauté musulmane, et les droits des femmes? Est-ce que cela fait au moins une vingtaine d'années?
    Oui, même plus. Cela ne me rajeunit pas, mais je dirais au moins trois décennies.
    Combien de pays dans le monde ont fait appel à vos compétences?
    J'ai conseillé le gouvernement suédois. J'ai pris la parole au Parlement britannique. J'ai parlé aux États-Unis et ici, au Canada, aussi. Évidemment, par voie électronique, j'ai conseillé des dirigeants d'autres pays européens aussi.
    J'espère, pour mes collègues, que l'expression biblique ne sera pas vraie cette fois et que vous serez prophète en votre pays.
    J'aimerais vous demander quelque chose de précis, parce que nous tournons autour du pot. Quel est le problème avec le terme « islamophobie »?
    Tout d'abord, le sens est vague. Ensuite, comme je le mentionnais, le terme « islamophobie » a été créé au lendemain des attentats du 11 septembre — pas la peine de me croire sur parole, allez vérifier sur Internet — par un membre des Frères musulmans qui a déclaré, en fait, et ses propos ont été cités, qu'ils utiliseraient ce terme pour qu'on arrête de remettre en question, de critiquer ou de discuter de quoi que ce soit qui touche à l'islam et aux musulmans.
    Je crois qu'ils ont atteint leur but dans une large mesure. Le terme est nouveau. Il n'existait pas il y a 30 ans. Je n'en avais jamais entendu parler avant les attentats du 11 septembre et il a été créé pour stopper tout débat ou discussion critique.
    Vous dites qu'il est sain de débattre et que ce terme vise à faire cesser le débat.
    En effet, il est sain de débattre, surtout dans le climat dans lequel nous vivons aujourd'hui, en ce qui concerne les musulmans. Le terme « islamophobie » renvoie évidemment aux musulmans. Nous vivons une époque très agitée où il faut des discussions et des débats, et c'est là que la communauté musulmane a aussi son rôle à jouer.
    Cette peur irrationnelle... Je vous donnerai un exemple. J'enseigne à l'Université Ryerson depuis cinq ans, et mon cours porte sur l'islamisme et la radicalisation. Il faut qu'ils posent la question: « Est-ce que c'est de l'islamophobie? » Non, ça n'en est pas. Nous avons des discussions très critiques en classe parce qu'elles sont authentiques. Elles sont valides. Les étudiants parlent de vrais sujets.
    Je vous remercie, monsieur Sweet. Vous avez 30 secondes. Si vous pensez avoir le temps pour une question, allez-y.
    Je pense que vous confirmeriez donc ce que dit le père de Souza, à savoir qu'il y a une abondance d'échanges théologiques sains qui contribuent à améliorer les choses, ce qui mettrait fin à ce débat.
    Effectivement.
    Je vous remercie.
    Nous passons à Mme Dhillon pour les libéraux. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    Nous avons beaucoup entendu parler du sens du terme « islamophobie ». Il n'est pas synonyme de limitation de la liberté d'expression et ainsi de suite. J'aimerais, si c'est possible, que vous n'y reveniez pas et que vous nous proposiez des solutions positives et concrètes quant à ce que le gouvernement peut faire pour réduire ou éliminer le racisme systémique et la discrimination religieuse à l'égard de toutes les communautés du Canada. Que peut-on faire?
(1725)
    Les messages d'intérêt public sont une excellente idée. On y recourt dans beaucoup de pays. Je l'ai vu en Europe et au Royaume-Uni. Il s'agit de messages d'intérêt public, diffusés dans différentes langues, qui parlent de la tolérance, de la compréhension et de la diversité.
    Nous avons déjà dans ce pays une acceptation grandissante de la diversité. Je me déplace dans des établissements d'enseignement et des services de police pour parler de la diversité et de la beauté de la diversité, ce qui est un élément très important de l'éducation des masses. Je ne pense pas que les Canadiens comprennent vraiment, en général, la différence entre, disons — je parle en tant que musulmane —, l'islam et une idéologie politique. Il est important d'avoir ces conversations.
    Les médias doivent jouer un rôle plus vigoureux non seulement dans la défense d'une communauté confessionnelle, mais aussi dans la discussion des questions relatives à la diversité. Quelles interactions avons-nous les uns avec les autres? Quels rapports entretenons-nous? Quelles sont les difficultés que rencontrent nos jeunes dans les établissements d'enseignement? Peut-être le gouvernement pourrait-il s'intéresser à ce qui s'y passe. Est-ce que des jeunes de différentes origines ethniques sont pris à partie et, si tel est le cas, pourquoi?
    Nous devons commencer par là. Commencer par les jeunes dès l'enfance, parce que c'est à ce moment-là qu'on apprend la haine. Si on ne leur apprend pas la haine, ils deviendront en grandissant des citoyens de ce pays très tolérants et très ouverts.
    Il faut enseigner la Charte canadienne des droits et les valeurs canadiennes aux nouveaux immigrants qui arrivent dans le pays. Cela fait partie d'un processus et peut se faire de différentes façons, à différents niveaux. Je le fais à mon humble mesure, mais si le gouvernement prend le relais, on peut avoir un dialogue très sain.
    Vous avez parlé des médias. Vous est-il arrivé de leur demander de se montrer plus objectifs dans leur couverture de l'information, par exemple?
    Je l'ai fait, à maintes reprises. Ils me détestent.
    Des députés: Oh, Oh!
    Nous parlons de discrimination raciale systémique, par exemple, des contrôles d'identité avec fouille de Noirs dans la rue. Qu'en pensez-vous?
    Je pense qu'il faut parler de tous les types de discrimination raciale au niveau où ils se produisent, avec les forces concernées. Elles doivent mieux comprendre. Je crois que les services de police canadiens sont vraiment handicapés parce qu'ils sont face à des communautés tellement diverses, mais je n'ai pas une connaissance approfondie du sujet. L'interaction doit être améliorée.
    Là encore, je ne peux parler que pour moi-même. Ils sont venus nous trouver pour nous demander une sorte de formation et d'avis sur les différentes communautés musulmanes, qui comptent près de 60 nationalités et cultures dans ce pays. Il appartient à chaque communauté de se manifester. La communication n'est pas à sens unique. Si nous voulons une vie meilleure et une meilleure compréhension des questions, les communautés doivent aussi jouer un rôle important en collaborant avec les institutions. Les communautés, les particuliers et les organisations doivent travailler avec les institutions, peut-être sous l'égide du gouvernement.
    Puis-je vous demander quel type de formation vous avez fournie à des services de police?
    Nous avons offert une formation sur la diversité des communautés musulmanes, sur la culture, l'ethnicité et la façon de procéder dans les questions de maintien de l'ordre.
    La formation a-t-elle changé quelque chose au problème?
    Certainement. Ces services aimeraient que nous ajoutions cette formation, mais nous manquons de ressources.
    Vous manquez de ressources. Merci infiniment.
    C'est tout pour moi.
    Merci, Anju.
    C'est maintenant le tour de Scott Reid pour les conservateurs. Vous avez cinq minutes.
    Je voudrais poser une question sur la motion M-103, telle qu'elle est écrite, et savoir s'il s'agit d'un problème structurel fondamental.
    Je ne vais pas toute la relire, mais la motion parle de la nécessité d'« endiguer le climat de haine et de peur qui s’installe dans la population ». Je cite mot pour mot. Elle parle aussi d'établir « une approche pangouvernementale pour la réduction ou l’élimination du racisme et de la discrimination religieuse systémiques ».
    Il me semble qu'on confond deux choses. D'une part, on a les actes individuels ou aléatoires de haine, de racisme, y compris la haine et le racisme meurtriers que nous avons vus à l'oeuvre en janvier à Québec. D'autre part, on a le racisme systémique, ou institutionnel, qui se manifeste, par exemple, par la différence de traitement des détenus autochtones dans notre système pénal. Il s'agit, à mon avis, de deux choses complètement différentes, mais on les confond ici, ce qui me semble tout à fait anormal.
    Je vous donne un commentaire. Êtes-vous d'accord que cela pose un problème dans cette motion?
(1730)
    C'est, à mon sens, un problème. Le libellé donne l'impression que les Canadiens sont par nature très racistes et, pour ce qui est de l'emploi du terme « islamophobie », que des musulmans sont lapidés dans les rues de Toronto et que le racisme est systémique.
    Le racisme existe — je l'ai dit d'entrée de jeu — sous différentes formes et à différents niveaux. Nous devons le combattre de front. Quant à présenter le Canada comme un pays où le racisme est systémique, cette image ne correspond ni à mon expérience, ni à mes convictions. Ma famille et moi-même vivons ici depuis 30 ans, comme je l'ai dit. Je pense que c'est vraiment exagéré les choses.
    Monsieur Reid, je suis navrée.
    Les lumières clignotent. La sonnerie retentit. Nous avons des votes. Nous devons mettre fin à cette réunion.
    Je suis désolée.
    Puis-je prendre un instant pour remercier le témoin?
    Vous avez la parole.
    Je veux juste vous dire un grand merci. Votre témoignage était très intéressant.
    Merci, madame Raza.
    Je crois que nous devons aller voter. On nous appelle. Il y a une lumière qui clignote derrière vous.
    Je vous remercie.
    La séance est levée.
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