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Madame la présidente et membres du comité, bonjour.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur les médias et les communautés locales. Je m'appelle Sylviane Lanthier et je suis la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Je suis accompagnée de notre directeur des communications, Serge Quinty.
Dans neuf provinces et trois territoires, 2,6 millions de citoyens et de citoyennes choisissent de vivre en français une partie de leur vie. Si on peut réellement parler de dualité linguistique, c'est parce qu'on trouve des collectivités francophones dynamiques et diversifiées dans toutes les régions du pays. Elles incarnent l'une de nos valeurs canadiennes fondamentales. La FCFA est ici aujourd'hui comme principale porte-parole de ces collectivités et des gens qui en font partie, des gens déterminés à vivre en français.
Nous sommes honorés de partager cette table aujourd'hui avec I'Association de la presse francophone et I'Alliance des radios communautaires du Canada, ou l'ARC. La présence de ces deux organismes en particulier illustre très bien une réalité fondamentale de nos communautés: si nous voulions avoir des médias locaux en français, il nous fallait, dans une large mesure, les créer nous-mêmes. Développés par et pour nos communautés, nos journaux et radios communautaires sont les seuls, à part les stations régionales de Radio-Canada et quelques médias du secteur privé, à raconter la francophonie telle qu'elle se vit au quotidien dans diverses régions du pays.
Or aujourd'hui, nos médias souffrent. La dernière année a vu un de nos journaux, L'Express d'Ottawa, mettre fin à sa publication, et un autre, L'Eau Vive, en Saskatchewan, suspendre la sienne pour quelques mois. Un concert-bénéfice pour appuyer ce journal aura d'ailleurs lieu la semaine prochaine.
Du côté de nos radios, trois des stations membres de l'ARC du Canada n'ont plus d'employé salarié. À certains endroits comme Halifax ou Rivière-la-Paix, les difficultés sont assez graves pour menacer sérieusement la survie de la station.
Comment en est-on arrivés là? Certes, le virage vers le numérique y est pour quelque chose. Entre autres, le virage du gouvernement fédéral vers Internet pour tout ce qui concerne les communications avec le public canadien s'est fait au détriment des placements publicitaires dans nos médias. Cette baisse des placements a eu un impact majeur sur la capacité de plusieurs de nos radios et de nos journaux à mener leurs activités quotidiennes au bénéfice de la communauté qu'ils desservent. La FCFA a d'ailleurs, comme I'APF, déposé une plainte auprès du commissaire aux langues officielles concernant cette décision du gouvernement en matière de placements publicitaires.
Plus largement, l'appui gouvernemental aux médias communautaires demeure profondément insuffisant. Un grand nombre d'entre eux sont situés dans des endroits où le marché publicitaire ne suffit pas à lui seul à soutenir un média de langue française, et c'est d'ailleurs pourquoi le secteur privé y est absent. Or si ces radios et ces journaux opèrent dans un contexte de viabilité financière fortement réduite, leur viabilité culturelle et sociale, elle, ne fait aucun doute. L'existence même de ces médias témoigne de l'importance qu'ils revêtent pour la communauté qu'ils desservent. Inversement, si on n'agit pas pour mieux appuyer ces médias, leur disparition représentera une perte irréparable pour la francophonie.
On nous parlera de l'évolution des technologies, et nous reconnaissons volontiers l'importance croissante du numérique et des plateformes sociales dans les habitudes de consommation des Canadiens et des Canadiennes, y compris les francophones qui vivent dans nos communautés. Cela dit, je porte à votre attention les trois considérations suivantes.
Premièrement, nous vivons à une époque où la grande majorité des contenus télé, radio et de nouvelles sur les plateformes numériques est produite par les médias traditionnels. Comme vous le diront nos collègues de I'ARC du Canada, la radio n'a jamais cessé d'être populaire, même auprès des jeunes.
Deuxièmement, la connectivité haute vitesse au Canada n'est pas encore arrivée à un point où tous les citoyens et toutes les citoyennes peuvent, de façon égale, consommer facilement des produits médiatiques en ligne. II est difficile pour un Acadien de la Nouvelle-Ecosse d'écouter la radio en ligne lorsque sa connexion tient davantage du dial-up que d'lnternet haute vitesse. On ne peut pas non plus demander à un Franco-Yukonnais ou à une Franco-Ténoise de visionner de la vidéo en ligne lorsque sa bande passante lui coûte un prix exorbitant par mois. Comme nous l'avons dit au CRTC il y a quelques semaines, il y a encore plusieurs endroits au pays, particulièrement en milieu rural ou éloigné, où il faut investir dans les infrastructures pour que les francophones participent pleinement à l'univers numérique. Dans ces endroits, la radio, la télévision et le journal demeurent les outils de choix.
La troisième considération que je porte à votre attention est la suivante. Dans un univers multiplateformes où certains choisissent de lire leur journal en ligne et d'autres en format papier, où certains écoutent la radio par ondes hertziennes et d'autres sur une application mobile, c'est le contenu qui est roi. Investir dans le numérique, certes, mais encore faut-il être en mesure de recueillir et de livrer ce contenu. C'est pourquoi j'encourage ce comité et le gouvernement fédéral à appuyer la capacité de nos médias de raconter nos communautés au quotidien.
Dans cette perspective, nous verrions d'un bon oeil la création d'un programme d'appui aux médias communautaires, afin de garantir à nos radios et à nos journaux les ressources minimales adéquates pour faire leur travail. Ce programme pourrait également appuyer et accompagner nos médias communautaires dans leur adaptation à l'environnement numérique. Cette adaptation est déjà difficile pour plusieurs grands médias, alors imaginez ce qu'il en est de nos journaux et de nos radios.
En somme, de notre point de vue, comme société, on a deux choix. On peut laisser faire la loi du marché et courir le risque qu'avec I'érosion continue des ressources, nos médias soient encore plus nombreux à cesser de diffuser ou de publier. On peut, dans ce cas, attendre de voir si le virage vers le numérique génère ou non des solutions de remplacement adéquates. Ou alors, on peut investir pour consolider la capacité de nos médias à faire leur travail et à évoluer dans un environnement numérique et multiplateformes. De cette manière, on préserve tout un capital d'enracinement dans nos communautés.
J'aimerais maintenant ajouter deux mots sur la Société Radio-Canada.
La FCFA estime que, pour 58 % des francophones habitant à l'extérieur du Québec, les stations régionales du diffuseur public sont la seule source de contenus locaux en français à la télévision. Et puisqu'il s'agit de stations provinciales, vous comprendrez que j'utilise le mot « local » de façon assez large.
Vous savez comme moi ce qu'il en est de la situation actuelle de Radio-Canada. Au cours des dernières années, nos communautés ont vu, comme le reste des Canadiens et des Canadiennes, disparaître des pans entiers de la programmation de la société d'État. Depuis l'élimination par le CRTC du Fonds d'amélioration de la programmation locale, il ne se fait presque plus de production télévisuelle hors nouvelles dans les stations régionales à l'extérieur du Québec. II n'y a presque plus d'émissions jeunesse, de magazines culturels et d'émissions de variété. Même dans le cas des nouvelles, on a réduit de 60 à 30 minutes la durée des téléjournaux dans toutes les régions, sauf à Ottawa et à Moncton. Encore une fois, il y a moins d'occasions de raconter le quotidien de nos communautés à l'écran et moins de ressources humaines et matérielles pour le faire.
Le gouvernement du Canada annoncera l'octroi de nouvelles ressources financières à CBC/Radio-Canada dans le prochain budget fédéral. C'est, en tout cas, ce qu'on entend. Fort bien, mais rien, absolument rien ne garantit que les stations régionales de langue française de la société d'État dans nos communautés bénéficieront de ces nouveaux investissements. D'une part, après des années de compressions, les besoins de rattrapage sont criants à plusieurs endroits. D'autre part, comme l'a indiqué le président du CRTC lors des récentes audiences publiques sur la télévision locale et communautaire, c'est le conseil d'administration qui fait les choix qui guident la société d'État, un conseil d'administration qui, je le mentionne, ne comprend aucune représentation provenant de nos communautés.
Dans son rapport sur le financement de CBC/Radio-Canada, commandé l'an dernier par les gouvernements du Québec et de l'Ontario, le consultant Michel Houle a recommandé que le gouvernement rétablisse une subvention annuelle, en sus des crédits parlementaires de base, qui serait entièrement consacrée à renforcer la programmation de pertinence locale des stations de radio et de télévision de CBC/Radio-Canada hors des marchés métropolitains. C'est là une piste a explorer. Nous avons également recommandé au CRTC la création d'un fonds d'appui à la programmation télévisuelle locale en français à l'extérieur du Québec.
D'une façon ou d'une autre, nous encourageons fortement le gouvernement fédéral à s'assurer que les fonds investis dans notre diffuseur public servent, en partie à tout le moins, à renforcer les stations télé et radio de langue française qui desservent nos communautés. Nous demandons en fait que le gouvernement en fasse une condition pour l'obtention de nouveaux fonds par CBC/Radio-Canada.
En terminant, quand on pense aux journaux, aux radios et aux télévisions locales, on pense le plus souvent en termes de marchés, mais cette notion nous empêche de voir deux éléments majeurs. D'abord, dans la plupart de nos milieux, les francophones n'ont pas la masse critique pour qu'on puisse réellement parler d'un marché publicitaire viable. Deuxièmement, nos médias francophones n'existent pas pour servir des marchés, mais bien des communautés formées de gens déterminés à vivre en français et qui ont besoin de ces médias pour s'informer en français sur leur milieu.
Nous, les 2,6 millions de citoyens et de citoyennes francophones vivant dans neuf provinces et trois territoires, avons besoin de nos journaux et de nos radios communautaires. Nous avons besoin des télévisions et des radios régionales de la Société Radio-Canada. Même dans un univers numérique, ces médias possèdent le savoir-faire et l'enracinement pour raconter nos histoires et nos réalités.
Je vous remercie.
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Mesdames et messieurs les députés membres du Comité permanent du patrimoine canadien, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Francis Sonier et je suis le président de l'Association de la presse francophone. Je suis accompagné aujourd'hui du directeur général de l'APF, M. Jean-Patrice Meunier.
L'Association de la presse francophone est un regroupement de journaux francophones en milieu minoritaire. Nous regroupons présentement 22 journaux d'un peu partout au pays, dans huit provinces et deux territoires. Le français est une langue officielle au Canada et il s'agit d'un des éléments importants de notre identité nationale.
Partout au pays, on trouve plusieurs communautés francophones. Il s'agit de grandes concentrations de gens parlant français ou de petits regroupements.
Le Manitoba est un excellent exemple. On y retrouve Saint-Boniface, véritable capitale de la francophonie du Manitoba, ainsi que d'autres communautés francophones plus petites.
[Traduction]
Les journaux communautaires servent de carrefour social. Ils sont un moyen pour les identités francophones de se solidariser et de se ternir au courant de ce qui se passe dans leur communauté. Les journaux communautaires sont souvent le seul lien direct entre ces personnes.
L'ère numérique suscite beaucoup de rapprochements, mais certaines régions ne sont toujours pas reliées à un réseau Internet à haute vitesse fiable. En l'absence de cette infrastructure, l'accès à l'information numérique s'avère donc parfois difficile, notamment dans le nord du Manitoba, dans les Territoires du Nord-Ouest ou même dans certains secteurs de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Ces communautés francophones sont souvent issues de l'histoire même du Canada. À la veille du 150e anniversaire de la Confédération, il est important de noter que les journaux communautaires sont les chroniqueurs de cette histoire.
Le Moniteur Acadien , de Shediac au Nouveau-Brunswick, célébrera aussi son 150e anniversaire en 2017. La Liberté, de Winnipeg, a récemment célébré ses 100 ans. Leurs archives respectives reflètent les événements, les difficultés comme les succès que ces communautés ont vécus au fil des ans. Le droit de vote des femmes a été gagné au Manitoba en 1916 et La Liberté y était. Ces archives comportent donc l'unique perspective d'une communauté francophone en milieu minoritaire.
Les journaux communautaires regroupent et contribuent au rayonnement de ces communautés. Ils contribuent directement aux économies locales et régionales, que ce soit en créant des emplois, en faisant la promotion d'entreprises locales ou tout simplement en parlant de celles-ci.
Il ne faut donc pas faire l'erreur de comparer un journal communautaire, qui parle spécifiquement de sa région, à un journal plus grand ou général, qui a une portée et un mandat qui est aussi plus grand. La Presse est un journal qui couvre le Québec dans son entier. The Globe and Mail est un journal d'intérêt national.
Un journal communautaire, lui, a une portée plus limitée. Certes, il peut parler de la grande Francophonie, mais il le fait parce qu'il s'agit d'un sujet touchant sa communauté. C'est son mandat, sa raison d'être. Les grands médias ou journaux quotidiens ne couvriront pas le Festival du homard de Shediac au Nouveau-Brunswick et ne traiteront pas des enjeux locaux de la communauté de Hearst au Nord de l'Ontario.
Les journaux communautaires ont des équipes d'information sur le terrain. Au fil des ans, les éditeurs ont appris ce que les gens voulaient savoir sur leurs communautés. Ces journaux ont beaucoup plus de présence que toute autre infrastructure d'information existante.
Il faut aussi noter qu'un journal communautaire coûte très peu comparativement à d'autres infrastructures d'information si on considère l'impact sur la communauté.
Tous les médias de langue officielle en milieu minoritaire ne peuvent être comparés à ceux qui sont en situation majoritaire. En milieu majoritaire, de multiples infrastructures existent. Si un journal, une radio ou même une chaîne de télévision disparaissait en milieu majoritaire, l'impact sur la communauté serait minime comparativement à l'impact qu'une telle disparition aurait sur une communauté minoritaire.
En situation majoritaire, une panoplie d'alternatives existent. Si le Toronto Star fermait ses portes, cela aurait bien sûr un grand impact, mais plusieurs alternatives existent pour le remplacer sur le plan des informations.
En milieu minoritaire cependant, ce n'est pas la même chose. Si L'Aurore boréale, seul journal francophone du Yukon, fermait ses portes, il n'y aurait rien pour transmettre l'information de proximité à la communauté.
C'est la réalité. Si les journaux communautaires disparaissent, qui parlera des plus récentes décisions du conseil municipal, des projets novateurs des élèves francophones de la communauté, des projets d'entreprises, des oeuvres des artistes locaux et des résultats des jeunes sportifs francophones?
Il s'agit ici de divers éléments qui permettent de construire une identité et une fierté francophone.
[Traduction]
Un autre élément aussi crucial que troublant de l'industrie réside dans la concentration des médias entre les mains de grandes entreprises. Il se trouve que l'APF et l'Association des journaux régionaux du Québec représentent exclusivement des journaux indépendants. Nous avons observé que, dans le paradigme particulier des journaux de langue officielle en situation minoritaire, cette structure est celle qui garantit le mieux l'accès des communautés à l'information.
Une entreprise a des obligations envers ses actionnaires et non envers la communauté. Ses décisions reposent sur des considérations financières, des chiffres. L'Express d'Ottawa, par exemple, notre dernier membre commercial, a choisi de ne plus publier de version papier. C'était une décision d'affaires. Au Québec, le Westmount Examiner a fermé ses portes en octobre 2015, après 80 ans d'existence. C'est la même chose pour sa publication jumelle, le West Island Chronicle. Ces trois fermetures découlent de décisions d'affaires de Transcontinental.
[Français]
En revanche, quand le journal L'Eau vive, le seul journal francophone de la Saskatchewan, a annoncé ses difficultés financières et a dû cesser de publier sa version papier en novembre dernier, il ne s'agissait pas d'un adieu mais plutôt d'un au revoir.
L'APF a rencontré les dirigeants du journal et a offert ses conseils. La communauté s'est regroupée et, bonne nouvelle, le journal reprendra son impression cette semaine.
Il y a une situation d'urgence qui existe chez les journaux en milieu minoritaire. Certaines publications sont en situation très précaire, comme l'a démontré L'Eau vive. La réduction des publicités fédérales a fait très mal à ces publications, puisque les revenus ont chuté de façon très rapide et sans période de transition.
Chez les journaux membres de l'APF, on parle d'une réduction de 73 % des revenus publicitaires en provenance des ministères et des agences du gouvernement fédéral depuis 2006. J'ai bien dit 73 %. L'ensemble des journaux de l'APF sont maintenant privés d'un montant de 1,5 million de dollars par année en publicité fédérale. Ce chiffre global cache le fait que certains journaux ont vu leur revenus publicitaires chuter à 0 $ ou à près de 0 $ à la suite de ces décisions et de ces politiques.
Il ne s'agit d'ailleurs que d'une seule source de perte de revenus pour les journaux communautaires. Les nouvelles formules du programme d'Aide aux éditeurs ainsi que du Fonds Canada pour les périodiques ont aussi affecté les journaux membres de l'APF. Bien que certains journaux aient connu des augmentations, d'autres ont subi des pertes importantes, et l'APF a pu observer une réduction globale de plus de 20 % au fil des ans. En particulier, quatre journaux ont dû absorber à eux seuls des pertes d'environ 178 000 $ par année.
Chaque baisse de revenus a des impacts importants dans ces communautés. Que l'on parle d'un journaliste en moins, d'un collaborateur ou d'un correcteur en moins, peu importe, les revenus publicitaires d'un journal ainsi que les programmes d'aide financière garantissent la production d'un contenu éditorial de qualité.
Le gouvernement a mentionné la portée accrue de la télévision et de l'Internet pour expliquer la réduction des dépenses publicitaires chez les journaux communautaires en situation minoritaire. Pourtant, les statistiques démontrent que les membres des communautés lisent leurs journaux communautaires. Comme il a été mentionné précédemment, l'Internet ne rejoint pas tout le monde. De grandes régions du pays desservies par nos publications n'y ont pas ou très peu accès. Comment le gouvernement peut-il raisonnablement démontrer que ces communautés sont rejointes par les publicités Internet?
Selon une étude que les médias communautaires ont faite avec l'appui de Patrimoine canadien, les journaux communautaires bénéficient d'un lectorat moyen qui va de 54 % à 83 % selon les régions; 71 % des communautés considèrent leur journal comme étant important et autant l'apprécient. La crédibilité des journaux communautaires se chiffre à 89 %. L'Internet et les médias sociaux, autant qu'ils puissent sembler omniprésents, ne bénéficient pas d'une telle crédibilité.
On a qu'à montrer l'exemple de 2009, quand le gouvernement a voulu informer la population des dangers de la grippe H1N1. En plein milieu de la réduction des dépenses publicitaires, c'est dans les journaux qu'on a publié ces avis.
Nous ne sommes pas ici uniquement pour témoigner des problèmes, mais aussi pour apporter des solutions. Un journal communautaire en milieu minoritaire, peu importe sa vocation, est d'abord et avant tout un élément culturel de cette communauté. Il en est le reflet. C'est dans ces journaux que les acteurs des communautés s'expriment dans le cadre de reportages, d'éditoriaux et de textes d'opinion.
Nous avons formulé quelques suggestions qui sont comprises dans le document que vous pourrez lire. N'oubliez pas que les journaux sont des entreprises culturelles et qu'ils doivent être considérés comme tels avec l'aide notamment de Postes Canada. Postes Canada offre des taux préférentiels pour le livre. Nous souhaitons que ce soit la même chose pour les journaux. De plus, nous souhaitons avoir un fonds qui représenterait 1 % du budget de Radio-Canada pour les journaux et les médias communautaires.
Je vous remercie.
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Bonjour, madame la présidente et membres du comité.
Je m'appelle François Côté et je suis secrétaire général de l'Alliance des radios communautaires du Canada. Je suis accompagné ce matin de Simon Forgues, qui est agent au développement et aux communications.
Tout d'abord, nous voulons vous remercier de nous avoir invités. Nous sommes avec vous ce matin pour vous démontrer que, plus de 20 ans après l'arrivée d'Internet dans nos vies, la radio demeure encore et toujours le média de proximité par excellence, et ce, tout particulièrement dans des communautés comme les nôtres. Sauf que, malgré l'importante contribution de nos radios pour préserver notre langue et notre culture et pour favoriser l'épanouissement social et économique de nos communautés, elles vivent actuellement des moments difficiles, voire carrément inquiétants. Il en va de même pour nos collègues des journaux, comme vous l'avez entendu.
À l'ARC du Canada, trois de nos radios n'ont plus de salarié. Cinq d'entre elles n'ont plus qu'un employé à mi-temps, alors que quatre autres n'emploient qu'une seule personne. En de pareilles circonstances, il est difficile, voire impossible, de remplir le mandat qui leur a été confié.
Combien de fois avons-nous entendu dire que nos médias communautaires de langue française sont de parfaits indicateurs de vitalité linguistique francophone au Canada. S'il y a des radios et des journaux de langue française comme les nôtres dans nos communautés, c'est assurément que celles-ci sont bien vivantes, affirme-t-on bien souvent.
Sachez, mesdames et messieurs les députés, que ces indicateurs de vitalité linguistique sont de plus en plus fragiles et que c'est essentiellement par manque de ressources financières. Au train où vont les choses, on ne pourra bientôt plus citer nos radios et nos journaux comme des preuves que le français se porte bien au pays si rien n'est fait pour les aider.
Presque la moitié de nos membres sont dans une situation précaire. Plusieurs ont présenté des déficits au cours des dernières années, en grande partie à cause du manque de financement stable et de la baisse de la publicité fédérale.
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Bonjour. Je vous remercie tous les trois de vos présentations, ce matin.
Je viens de la Saskatchewan. Comme vous le savez, il y a des enclaves à forte concentration de francophones. Pensons par exemple à Gravelbourg, à Zenon Park ou à Arborfield. C'est rassurant, j'imagine, que L'Eau vive revienne en kiosque jeudi.
Il est question du financement fédéral. C'est curieux, car je pense que l'immersion en français gagne sans cesse en popularité. Jusqu'au 19 octobre dernier, j'étais conseiller scolaire. L'immersion en français bat son plein dans ma province.
J'ai quelques questions pour vous. Vous avez parlé des publicités du gouvernement et tout ça. Or, je ne vois aucun soutien à la langue française de la part des organismes provinciaux. Dans ma province, l'éducation en français ne va pas très bien, alors je suppose que c'est la même chose pour la télévision et la radio, et je sais que les journaux ont du mal. On peut toujours lancer la pierre au gouvernement fédéral à partir de 2006... et des affaires sont devant les tribunaux dans ma province, des écoles de langue française poursuivent le gouvernement provincial. Parlons-en. Vous avez dit qu'il y a 2,6 millions de francophones au pays. Pourtant, à l'exception peut-être du Québec, de l'Ontario, un petit peu, et du Nouveau-Brunswick, je ne vois pas beaucoup de soutien des provinces dans ce dossier. Elles ne prennent pas le relais au chapitre de la publicité.
Ouvrons la boîte de Pandore, car les gouvernements provinciaux dépensent beaucoup d'argent, d'un océan à l'autre. J'ignore d'où vous tirez vos revenus. Je suppose que l'APF touche un financement suffisant de Patrimoine canadien. C'est ce que j'aborderai dans mes questions au cours des sept minutes qui me sont imparties.
Cela dit, je veux en savoir un peu plus à propos des provinces. Pouvez-vous m'en parler?
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Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins d'être ici parmi nous aujourd'hui.
Tous les membres du comité ont reçu des appels. Les médias sont interpellés par l'étude. Je siège depuis quatre ans et demi au comité et je n'ai jamais senti autant d'effervescence concernant un sujet. Je crois que les gens se disent que c'est leur chance d'en parler. Je vous félicite tous de participer à ces travaux. J'espère que j'aurai la chance de demander à M. Sonier de parler un peu plus des solutions qu'il voulait présenter et de ce qu'il aimerait voir dans le rapport.
Permettez-moi de parler un peu de la situation d'un journal comme L’Aurore boréale, au Yukon. Ce média est dans un désert en ce qui a trait au service Internet. Il est situé dans une région éloignée et il intéresse peu les annonceurs. Un vendeur d'autos ne vend sûrement pas 25 voitures par semaine à cet endroit. Par ailleurs, on est dans une situation minoritaire autant en français qu'en anglais. Un média imprimé régional et traditionnel à l'extérieur des grands centres est dans un contexte où les publicistes s'intéressent moins aux médias traditionnels qu'auparavant. C'est la source du problème. Il y a des enjeux nouveaux et traditionnels au Canada. On cherche à nourrir ces deux cultures, ces deux langues. Cette carence en publicité gouvernementale qui vous affecte tous est paradoxale.
Un peu plus tôt, monsieur Forgues, vous avez indiqué que le CRTC vous a demandé de vous équiper d'un système de télécommunications qui vous a coûté près de 10 000 dollars pour chacune des stations afin de diffuser des messages d'urgence, de cataclysmes, de radio publique et de services. On vous demande de faire un investissement, mais on n'achète plus de publicité chez vous. On vous dit que votre radio donne des services essentiels, mais on ne vous donne pas d'argent à toutes les semaines pour boucler votre budget. Toutefois, il faut que l'émetteur fonctionne et vous devez payer 10 000 dollars. C'est un peu paradoxal.
Il y a la notion de rejoindre une clientèle. On est très « niché », on n'achète pas de publicité dans ce contexte.
Trouveriez-vous intéressant que le comité reçoive des gens qui s'occupent de placement médias pour qu'ils nous expliquent leurs choix auprès de leurs clients? On a entendu plusieurs témoignages concernant des publications qui vont bien et dont le lectorat est excellent. On fait beaucoup moins d'achats publicitaires chez eux comme si, tout à coup, annoncer ailleurs que sur Internet ne valait plus rien.
Croyez-vous — et j'aimerais vous entendre là-dessus et je veux absolument garder du temps pour M. Sonier — qu'il serait pertinent de recevoir des représentants des grandes entreprises de télécommunications? On pourrait leur demander où sont les signaux qui marchent et où sont ceux qui ne marchent pas et ce qu'il en est d'Internet. Il serait bon aussi de parler de placement médias. Comment peuvent-ils expliquer qu'ils dirigent leurs clients vers toute sortes d'autres options sur Internet au lieu des médias traditionnels?
Madame Lanthier, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
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Je remercie vivement les membres du Comité, mes collègues qui sont intervenus un peu plus tôt et ceux qui sont autour de moi. Merci d'avoir invité l'Association des journaux régionaux du Québec à prendre part à ce débat crucial.
Très rapidement, nos publications en anglais ou bilingues — il y en a 30 — sont indépendantes de toute influence commerciale et distribuées à 770 000 citoyens dans l'ensemble du Québec. Les chiffres révèlent également que 8 Québécois sur 10 lisent leur journal communautaire. Ce n'est pas mal. Nous sommes au service de la communauté. La subvention de Patrimoine canadien représente le tiers de nos revenus, le reste provenant des petites annonces, de la publicité et des commandites du gala annuel.
Entrons dans le vif du sujet. Depuis 20 ans, les éditeurs de journaux répètent le même mantra: le milieu est en pleine tourmente. À la suite de conséquences imprévisibles, les lecteurs abandonnent la presse papier au profit de l'instantanéité des nouvelles en ligne. Les annonceurs traditionnels se sont donc détournés d'un média prétendument moribond à la recherche de consommateurs. Cette recherche les a apparemment conduits sur Internet.
Or, en réalité, depuis 30 ans, ce sont des entreprises déguisées en chaînes de journaux qui mettent la main sur des publications naguère indépendantes. C'est ce qu'on appelle la concentration ou la convergence des médias. Ces entreprises sont inféodées à leurs actionnaires et accordent de moins en moins d'importance aux intérêts des lecteurs tout en réduisant continuellement les ressources des journalistes, la largeur des colonnes et les tarifs à la ligne, au point de paralyser leurs activités. Ensuite, dans le but de générer des profits, elles transforment et dévalorisent leur atout le plus précieux, c'est-à-dire le contenu, en le fournissant gratuitement sur Internet, articles compris. Elles le donnent carrément. Je suis bien placé pour le savoir, j'étais journaliste à l'époque. J'étais aux premières loges. Voilà, si je ne m'abuse, ce que l'on a qualifié de conséquences imprévisibles.
En concentrant les médias, les entreprises espéraient attirer des annonceurs sur leurs plateformes en ligne, mais il se trouve que le système du clic par millier, à l'échelle d'Internet, ne rapporte que quelques sous. En définitive, ce fut une catastrophe insurmontable et un point de non-retour.
Saviez-vous que, pour chaque dollar de revenus en ligne, sept ont disparu pour les tirages papier? C'est tout un fossé. Comment parvient-on à payer les factures? Eh bien, très difficilement, comme beaucoup de mes collègues l'ont indiqué.
Revenons un peu en arrière en rafraîchissant la mémoire du Comité. En 1981, la Commission royale sur les quotidiens a notamment recommandé, primo, d'interdire toute nouvelle concentration importante de la propriété des médias; secundo, d'instaurer des incitatifs fiscaux pour diversifier la propriété des médias; et, tertio, de créer des crédits d'impôt pour les journaux qui accordent la priorité aux actualités locales. Pour une raison ou pour une autre, ces recommandations n'ont pas été appliquées ou ont été ignorées; en conséquence, le Gleaner, qui servait la minorité de langue anglaise de Huntingdon, au Québec, a fermé ses portes après 150 ans. Le Chronicle, un journal de langue anglaise pour lequel j'ai moi-même écrit, a subi le même sort en décembre dernier, de même que le Westmount Examiner. C'étaient tous des journaux de langue minoritaire, tous des membres de l'Association des journaux régionaux du Québec, et ils en ont tous été réduits à n'être plus que l'ombre de leur gloire d'antan. Ils ont tous été fermés par leurs propriétaires, en fait une seule entreprise, TC Media, l'an dernier, en 2015. Cette conséquence de la concentration des médias, qui perdent de plus en plus leur indépendance, se répète mois après mois d'un bout à l'autre du pays, frappant autant de journaux irremplaçables.
L'actuel changement de paradigme a fait perdre tout intérêt à de nombreux quotidiens de la métropole, mais ce n'est pas le cas pour les hebdomadaires régionaux. En effet, bien qu'un quotidien renferme bien peu de contenu qu'un lecteur n'a pas déjà lu ou entendu sur Internet — que ce soit avec son téléphone, sa tablette ou son ordinateur —, à la télévision ou à la radio, ce n'est pas le cas d'un hebdomadaire régional. Les quotidiens couvrent l'actualité, mais l'actualité de la veille: le cours de la Bourse, qu'on peut maintenant suivre en direct; les sports, dont les résultats sont relayés au fur et à mesure; ou même les notices nécrologiques, alors que tout le monde a des salons funéraires dans ses signets. Que leur reste-t-il alors à couvrir?
Pour leur part, les hebdomadaires régionaux couvrent souvent des localités isolées qui sont trop petites pour l'être ailleurs. Pensons par exemple à Hampstead, à Dollard-des-Ormeaux, à Aylmer, à Mont Saint-Sauveur, à Whitehorse ou à Saint-Boniface, au Manitoba, où aucun quotidien ne couvre les réunions des conseils municipaux environnants. Il en va de même pour le sport amateur ou les équipes des écoles secondaires. Les gens veulent surtout savoir ce qui se passe par chez eux.
N'oublions pas l'opinion des rédacteurs en chef ainsi que des politiciens et des résidants de la région. Les journaux communautaires ont une connaissance, une conception et une perspective de la communauté qu'ils servent auxquelles un quotidien ou une grande entreprise ne peuvent aspirer. Par exemple, ils nous apprennent que Mme Wilson vient de prendre sa retraite après 25 ans d'enseignement ou que M. Grant a servi son pays avec honneur au cours de deux guerres. Nous savons qui est en bonne voie d'être repêché dans la LNH, même s'il n'a que neuf ans. Les hebdomadaires régionaux présentent un contenu hyperlocal et offrent un reflet de la communauté qui ne se retrouvent nulle part ailleurs.
Les membres du Comité conviendront assurément qu'il s'agit d'un trésor à préserver.
Les hebdomadaires sont une solution à l'isolement. Ils joignent les minorités linguistiques et brisent leur isolement comme aucun autre média ne peut le faire. J'exhorte donc les organismes fédéraux à recourir aux journaux régionaux pour communiquer avec les citoyens en milieu minoritaire, car, comme je l'ai dit, nous avons pour rôle de servir les communautés de langue anglaise.
Puisque Internet a conquis le marché des petites annonces et que Facebook et Google gagnent beaucoup de terrain sur celui des publicités, l'État devrait pour le moins s'intéresser à maintenir une fraction de son engagement auprès des hebdomadaires régionaux. À l'instar de la plupart des associations de journaux, l'Association des journaux régionaux du Québec constate une chute de 98 % au chapitre des publicités fédérales par rapport à 2010; pourtant, en 2015, Élections Canada a fait appel aux journaux de l'Association pour joindre les minorités linguistiques, au Québec comme dans le reste du pays.
En 2010, au cours de la pandémie de grippe H1N1, mes collègues et nous avons répondu à l'appel. Dans le milieu, on se demande s'il faut une situation de crise pour attirer votre attention. Nous n'avons rien fait relativement au Plan d'action économique du Canada, car nous n'en avons pas eu la possibilité. Or, la campagne d'information s'est essentiellement avérée un échec puisqu'il a été rapporté en 2003 que les Canadiens adultes ne visitaient pas le site Web du Plan d'action économique. J'avoue qu'il y a un monde, pour un gouvernement, entre respecter ses engagements et informer concrètement les citoyens qu'il sert.
Pour donner suite aux propos de certains de mes collègues, ce matin, j'ai quelques mots à dire à propos de CBC/Radio-Canada. Pas mal d'argent y sera investi, et je pense qu'il serait fantastique qu'une fraction de cet argent, 1 %, aille aux journaux régionaux en milieu minoritaire. Nous avons souvent discuté de collaboration et de la possibilité de mettre quelque chose sur pied avec nos collègues de l'Association de la presse francophone. S'il faut finir par passer par la publicité sur Internet — et personne ne nous dit de ne pas essayer —, il faut une autre formule, en quelque sorte, un nouveau mode de financement et d'aide pour y arriver.
Esprit de civisme, lectorat et engagement communautaire, la preuve est faite: quel que soit le plan proposé, il s'agira d'un investissement judicieux. À notre avis, la télévision et les médias sociaux, d'une part, et les journaux, d'autre part ne sont pas mutuellement exclusifs. Pourquoi ne pas collaborer? C'est ce que nous qualifions de regroupement. C'est logique.
Un dernier point: notre association nationale, Newspapers Canada, adopte un nouveau modèle de représentation axé sur la centralisation des ventes, un modèle qui exclut les associations représentant les langues officielles du Canada. Qui alors représentera les journaux de langue minoritaire et les minorités linguistiques? Est-ce la chronique d'une mort annoncée? Il ne semble pas y avoir d'alternative.
Je vous remercie une fois de plus de cette occasion de faire une présentation. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
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Bonjour, madame la présidente et membres du Comité permanent du patrimoine canadien.
Je m'appelle Jean La Rose et j'occupe la fonction de directeur général du Réseau de télévision des peuples autochtones. Je suis un citoyen de la Première Nation abénakise d'Odanak. Notre conseiller juridique en matière de réglementation de la radiodiffusion, M. Joel Fortune, m'accompagne aujourd'hui.
[Traduction]
L'enquête du Comité vise, à notre avis, à mieux comprendre comment les Canadiens suivent les nouvelles locales et régionales par l'entremise de leurs médias d'information ainsi que des conséquences de la concentration des médias d'information et des nouvelles plateformes numériques sur la diffusion des reportages locaux.
APTN est un réseau national de télévision canadien. Nous diffusons en anglais, en français et dans des langues autochtones. Même si, au fil des ans, 32 langues autochtones différentes ont été parlées sur nos ondes, nous diffusons chaque année dans au moins 15 langues autochtones différentes.
APTN est une véritable réussite pour les Autochtones. Avant notre entrée en ondes, en 1999, la télévision canadienne représentait faiblement les Autochtones; en fait, presque pas du tout. Lorsque nous nous sommes penchés sur ce problème, avant le lancement d'APTN, une jeune personne nous a fait remarquer qu'il voyait plus d'extra-terrestres que d'Autochtones à l'écran. Le rôle d'APTN est de remédier à ce problème. Notre principale mission, comme l'indique la dernière licence que nous avons obtenue auprès du CRTC, est « d'offrir de la programmation qui reflète la vie, la culture et les différents points de vue des peuples autochtones, et qui constitue une ouverture sur les aspects positifs de la vie des Autochtones ». Nous décrivons notre mission avec un peu plus de concision, soit « faire connaître le parcours de nos peuples, célébrer nos cultures, inspirer nos enfants et honorer la sagesse de nos aînés ».
Le CRTC nous accorde une licence, et nous sommes diffusés dans tout le Canada par câble et par satellite, à titre de service de base. APTN est compris dans la nouvelle offre « de base émaciée » dont vous avez sans doute entendu parler. APTN ne reçoit aucun — j'insiste sur aucun — financement de sources gouvernementales autre que celui dont peuvent se prévaloir les autres télédiffuseurs. Nous tirons nos revenus des tarifs de gros que nous versent nos distributeurs par câble et par satellite et, dans une moindre mesure, de la publicité. APTN accède aux fonds de production à la portée d'autres télédiffuseurs, mais non à l'ancien Fonds pour l'amélioration de la programmation locale. Nous sommes un organisme de bienfaisance sans but lucratif, alors tous nos revenus financent nos émissions et I'exécution de notre mandat.
À APTN, nous sommes très attachés à la production et à la présentation de bulletins de nouvelles. Notre service responsable des émissions d'information compte environ 60 employés, lesquels sont répartis à la grandeur du Canada dans 14 villes et régions reculées. APTN est un réseau national, mais, à bien des égards, il joue le même rôle pour les Autochtones que la télévision locale auprès des Canadiens qui ont droit à une programmation locale. Les Autochtones écoutent APTN parce qu'ils y trouvent des reportages qui reflètent leur quotidien, et s'y informent d'autres questions plus vastes qui les touchent directement.
Pour vous donner une meilleure idée de notre couverture de nouvelles, nous vous avons fourni la liste des reportages diffusés par APTN National News le jeudi 3 mars dernier. Je n'ai pas le temps de vous la lire, mais elle vous donne une idée de l'équilibre entre nouvelles locales, régionales et nationales qui caractérise chaque jour nos bulletins d'information. Les reportages portent sur une vaste gamme de sujets et reflètent les préoccupations et les perspectives des Autochtones aux échelons local, régional et national.
Je tiens aussi à signaler que, si vous écoutiez nos bulletins de nouvelles, vous verriez que, de temps à autre, un segment ou un journaliste de CTV vient alimenter un reportage d'APTN, et vice-versa. Nous essayons de collaborer de près avec d'autres télédiffuseurs afin d'accroître notre capacité de sortir la nouvelle — et, nous l'espérons, la leur.
À part nos bulletins de nouvelles quotidiens, nous proposons des émissions d'affaires publiques régulières et approfondies, dont InFocus, animée par Cheryl McKenzie; APTN Investigates, où des journalistes d'enquête examinent à fond des questions autochtones; Face to Face, une émission d'entrevues avec des personnes qui font les manchettes et d'autres qui ont une expérience directe de diverses questions préoccupantes pour les Autochtones; et Nation to Nation, la chronique politique nationale d'APTN, enregistrée à Ottawa. Je suis convaincu que certains d'entre vous ont déjà participé à Nation to Nation, avec l'animateur Nigel Newlove. Enfin, il y a The Laughing Drum, un groupe de discussion qui se penche sur des problèmes actuels des Autochtones dans la perspective des collectivités. Les membres du groupe sont, entre autres, les humoristes autochtones bien connus Candy Palmater et Jerry Barrett. Cette émission très terre-à-terre aborde des questions très sérieuses.
Toutes ces émissions, y compris le bulletin de nouvelles nationales, sont accessibles sur le site Web d'APTN et peuvent être écoutées sur pratiquement toutes les plateformes numériques. Comme vous pouvez le constater, APTN propose des bulletins de nouvelles approfondis et variés aux Autochtones du Canada, ainsi qu'à tous les Canadiens qui cherchent à mieux nous connaître.
Comme l'ex-premier ministre Paul Martin l'a un jour écrit: « Je me fais souvent demander par les principaux chefs de file de l'industrie du Canada ce que les Autochtones veulent. Je n'ai qu'une seule réponse à leur donner: regardez APTN et vous comprendrez. »
Dans la même veine, la Commission de vérité et réconciliation a reconnu l'important rôle d'APTN en tant que lien de communication essentiel entre les populations autochtones et non autochtones. Dans son rapport final, la Commission a déclaré, à la recommandation numéro 85:
Nous demandons au Réseau de télévision des peuples autochtones, en tant que diffuseur indépendant sans but lucratif dont les émissions sont conçues par et pour les peuples autochtones et traitent de ces peuples, d’appuyer la réconciliation; plus particulièrement, nous demandons au Réseau, entre autres choses:
i. de continuer d’exercer un leadership en ce qui a trait à la programmation et à la culture organisationnelle qui reflètent la diversité des cultures, des langues et des points de vue des peuples autochtones;
ii. de continuer d’élaborer des initiatives médiatiques pour informer et sensibiliser la population canadienne et tisser des liens entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones.
[Français]
Chez APTN, nous sommes heureux de ce genre de reconnaissance et d'appui, qui par ailleurs nous encourage. Nous sommes conscients de la responsabilité qui nous incombe de refléter au mieux de nos capacités la vraie nature des Autochtones.
Le Comité examine l'état actuel des nouvelles locales au Canada. Pour les Autochtones, APTN est réellement l'équivalent de leur bulletin de nouvelles locales. Vous êtes toutefois à même de voir que nous sommes bien plus encore. De certaines façons, nous ouvrons à tous les Canadiens une fenêtre sur le quotidien des Autochtones.
Voyant l'état de l'entreprise qu'est la télédiffusion, APTN s'estime chanceux de ne pas dépendre uniquement de ses revenus de publicité. Réglementés par le CRTC, les revenus d'abonnement provenant des distributeurs de services par câble et par satellite nous procurent une stabilité relative depuis quelques années. Nous en sommes très reconnaissants et nous connaissons nos responsabilités.
Par ailleurs, APTN a un accès limité au Fonds canadien des médias afin de financer ses émissions, ainsi qu'à un fonds restreint de Patrimoine canadien, soit l'Initiative des langues autochtones, qui contribue au financement de certaines émissions en langues autochtones. Cependant, compte tenu de notre mandat en matière d'émissions et de bulletins de nouvelles, ces fonds ne suffisent pas à répondre aux vastes attentes de nos peuples et aux Canadiens qui, au fil des années, sont de plus en plus nombreux à nous choisir.
[Traduction]
Nous savons très bien que l'industrie des communications est marquée par un changement de la façon dont les médias sont perçus et dont le modèle opérationnel fonctionne. C'est pourquoi nous mettons beaucoup d'énergie à adapter notre contenu au plus grand nombre possible de plateformes.
II convient toutefois de souligner que les revenus de la télévision financent pratiquement tout le contenu que nous produisons. Si APTN, qui demeure très pertinent pour les téléspectateurs, disparaissait du paysage télévisuel, je ne crois pas que les Canadiens retrouveraient un contenu audiovisuel et professionnel de grande qualité aussi étoffé que celui qui les informe actuellement sur les Autochtones. Peu importe la plateforme de diffusion, les auditoires réclament du contenu et, à ce jour, la télévision conserve la part du lion au chapitre du contenu.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'exposer notre point de vue au Comité de la Chambre des communes.
Madame la présidente, messieurs les vice-présidents, membres du Comité, merci de nous donner l'occasion de témoigner. Nous vous savons gré de votre intérêt pour ce sujet de première importance.
Je tiens à prendre un instant pour souligner la Journée internationale de la femme. J'ajoute d'ailleurs être ravie de voir des femmes siéger à ce genre de comité.
Madame Fry, vous êtes depuis longtemps un modèle pour les politiciennes et les dirigeantes. Merci.
Je m'appelle Carmel Smyth et j'ai une longue carrière comme journaliste à la télévision, carrière que j'ai suspendue le temps de présider la Guilde canadienne des médias, un syndicat qui représente 6 000 personnes qui travaillent dans une dizaine d'organismes médiatiques au pays, dont CBC/Radio-Canada, la Presse Canadienne, Thomson Reuters, APTN, Shaw Media et ZoomerMedia, mais aussi des pigistes et des travailleurs de la télévision d'information. La télévision d'information, ou télévision vérité, fait travailler quelque 2 000 ou 3 000 personnes au pays. Ce sont elles qui créent les bulletins d'information et le contenu que vous consommez au quotidien.
Comme vous l'ont dit nos collègues, notamment le monsieur qui est intervenu un peu plus tôt, on a l'impression qu'un journal ferme ses portes toutes les deux semaines. Dernièrement, à Ottawa, le Sun et l'Ottawa Citizen ont fusionné leurs salles de rédaction, une décision incroyable qui, de toute évidence, aura des conséquences majeures sur la couverture parlementaire. Hélas, vous serez sans doute aux premières loges pour le constater.
À une certaine époque, en Alberta, le Calgary Sun et le Calgary Herald étaient de fiers concurrents. Aujourd'hui, les deux quotidiens sont produits par la même équipe. Dans une ville où vivent un million et demi de personnes, c'est incroyable.
À la Guilde, nous sonnons la sonnette d'alarme depuis des années. Les actualités régionales sont en crise. Nous sommes au fait des conséquences dévastatrices des compressions budgétaires et des mises à pied, qui continueront à empêcher les journalistes de courir la nouvelle ou de mener l'enquête afin de présenter les reportages sur lesquels comptent les Canadiens pour participer pleinement à la démocratie. Nos propres recherches montrent que, depuis 2008, 16 000 emplois ont disparu dans les médias, mais le chiffre réel est probablement nettement plus élevé. Il va sans dire que la situation a des conséquences très tangibles sur le journalisme au Canada, sur les artisans des médias et, comme vous l'entendez aujourd'hui, sur les collectivités.
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N'oublions pas également qu'il n'est pas rare que des journalistes évoluant sur la scène régionale découvrent des histoires d'envergure finalement nationale. C'est même fréquent. Dans mon cas, par exemple, lorsque je travaillais en Saskatchewan, au début de ma carrière, j'ai fait un reportage sur la difficulté pour les jeunes hémophiles de composer avec leur maladie. Au cours des échanges, ils ont révélé que beaucoup d'entre eux étaient séropositifs à cause des nombreuses transfusions sanguines qu'ils avaient dû subir. C'était alarmant, car, à l'époque, on ignorait comment se transmettait le VIH. Quoi qu'il en soit, j'aime à croire que la mise au jour d'une histoire, souvent à l'échelle régionale, peut avoir de vastes répercussions dans la vie des Canadiens.
Voici un autre exemple dont vous aurez probablement été plus nombreux à avoir entendu parler. En 1982, l'Ocean Ranger, plus grande plateforme de forage pétrolier du monde, a sombré sur les côtes de Terre-Neuve, avec des conséquences catastrophiques dans la région. Cinquante-six des victimes étaient des Terre-Neuviens. Cependant, longtemps après que les médias locaux furent partis, la salle de rédaction locale a affecté un journaliste en permanence aux audiences. Selon nous, il est évident que si les 66 recommandations de la commission royale ont été appliquées, c'est grâce à cette couverture continue par, encore une fois, les médias régionaux.
Ce ne sont là que deux exemples qui montrent l'importance pour les médias d'avoir des journalistes sur le terrain. C'est toujours la même chose: des histoires troublantes sont mises au jour parce que, comme l'ont souligné mes collègues, les Canadiens en viennent à connaître les journalistes régionaux et à avoir confiance en eux.
La crise se ressent non seulement dans l'érosion de la couverture, mais aussi dans des tendances qui nuisent à la qualité de l'information. Des travaux de recherche de l'industrie montrent que, lorsque les médias électroniques couvrent l'actualité, la frontière entre les relations publiques et la nouvelle est de plus en plus floue. Ainsi, le contenu commandité et les publicités se multiplient, et les journalistes sont souvent contraints de présenter ce contenu, ce qui donne évidemment l'impression que les publicités sont la nouvelle.
Puisque mon temps de parole achève, je passe immédiatement à quelques suggestions qui, selon nous, permettraient de régler une partie des problèmes. La première — la plus importante — concerne le rôle de CBC/Radio-Canada.
Le réseau est un chef de file, car il sert 54 marchés en français, en anglais ou en langues autochtones. Il a le plus grand service d'information au pays, un service populaire auprès des Canadiens, qui le jugent digne de confiance, c'est connu. Or, il est étranglé par les compressions draconiennes, ce qui se répercute bien sûr sur les informations régionales, la programmation et les productions canadiennes originales. Depuis 2006, la société d'État a aboli 3 000 postes. Il y a davantage de reprises à l'écran, moins de reportages originaux et moins de liens avec la collectivité. Nous pensons que la solution pourrait consister à appliquer une recommandation issue du rapport de 2008 du comité du patrimoine — madame Fry, vous savez ce dont je parle — en portant le financement de CBC/Radio-Canada à 40 $ par Canadien. À notre avis, il est plus que temps d'appliquer cette mesure. Elle apporterait un soulagement certain dans la crise qui accable les médias d'information régionaux.
D'autres médias publics, notamment les télédiffuseurs provinciaux TVO et TFO en Ontario, Knowledge Network en Colombie-Britannique et Télé-Québec, jouent également un rôle névralgique dans l'écosystème médiatique; pourtant, eux aussi subissent les conséquences catastrophiques des compressions budgétaires. Il faut leur redonner des moyens.
APTN, seul réseau autochtone en Amérique du Nord, doit jouir d'un traitement particulier étant donné son rôle distinctif au sein de l'écosystème médiatique. La Guilde appuie la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation visant la reconnaissance d'APTN en tant que chef de file de la programmation autochtone et de son rôle clé en éducation.
Par ailleurs, pour soutenir l'information régionale, nous exhortons le CRTC à créer un fonds des médias d'intérêt public accessible aux services d'information régionale, toutes plateformes confondues — les télédiffuseurs provinciaux à vocation éducative, APTN, les réseaux privés, CBC/Radio-Canada, le télédiffuseur public —, pour assurer la couverture des actualités régionales. Ce fonds pourrait être alimenté en prélevant un petit pourcentage des profits que le système permet aux grands câblodistributeurs et sociétés de communication par satellite d'engranger. À l'instar de beaucoup d'autres intervenants, nous persistons à recommander de mettre également à contribution les fournisseurs de services Internet.
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De toute évidence, nous ne sommes pas pleinement en mesure de le faire, compte tenu, surtout, des coûts de déplacement dans le Nord, qui sont faramineux. Nous avons des bureaux dans les trois capitales territoriales — Whitehorse, Yellowknife et Iqaluit —, et le personnel est envoyé en reportage dans les localités éloignées. Lorsqu'un événement majeur se produit, il va sans dire que nous n'arrivons pas à traiter des enjeux locaux autant que nous le souhaiterions.
Nous avons lancé un projet pilote il y a deux ans. Nous fermons certaines installations physiques. Par exemple, nous avons fermé notre bureau de Toronto et l'argent économisé, c'est-à-dire les coûts d'infrastructure liés à l'immeuble et les frais des services, nous a permis d'envoyer des vidéojournalistes dans deux villes supplémentaires. Nous assurons une couverture dans trois villes au lieu d'une seule, ce qui élimine certains coûts de déplacement. Nous envisageons d'appliquer cette solution dans d'autres régions également. Nous avons aussi fermé le bureau d'Edmonton afin d'avoir un vidéojournaliste à Calgary et à Edmonton. Nous reproduirons ce modèle partout au pays dans la limite de nos ressources.
Étant donné qu'il y a 633 Premières Nations, 400 ou 500 établissements métis, sans parler des communautés inuites éloignées, les pressions qui s'exercent sur le réseau sont énormes. Tout le monde veut que son histoire soit racontée, et les gens sont pleinement justifiés de l'exiger. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour couvrir tous les événements, mais je crois que les téléspectateurs sont conscients que nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens disponibles. D'ailleurs, à mesure que nous dégageons des ressources et que nous étendons nos services dans certaines régions, l'intérêt de nos communautés augmente.
S'il y a un domaine auquel nous voulons consacrer davantage de ressources à long terme, c'est celui des langues autochtones. Comme nous le savons, bon nombre de langues sont menacées de disparition, et nous essayons vraiment d'offrir une programmation dans davantage de langues que les 15 que nous utilisons habituellement chaque année. Nous aimerions aussi, avec le temps, diffuser des nouvelles dans des langues autochtones, avec sous-titres anglais peut-être, mais cela implique de former plus de gens. C'est beaucoup de temps, d'efforts et de ressources à consacrer dans le but de créer une toute nouvelle génération de locuteurs de langues autochtones qui peuvent faire du reportage pour nous. Ce qui est le plus difficile pour nous à l'heure actuelle, entre autres, c'est de trouver du personnel pour combler nos postes.
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C'est une bonne question. Pour répondre à la première partie de votre question, je dirai que notre lectorat local est loyal. C'est ce sentiment qui explique nos chiffres, sauf quand des sociétés décident de fermer trois journaux. Le lectorat diminue alors.
Quant aux incitatifs, eh bien, nous ne recevons aucun financement du gouvernement du Québec. Rien du tout. Nous pouvons toujours compter sur le financement offert par Patrimoine canadien, qui s'élève à 120 121 $ par année. Le ministère nous a dit qu'il n'y aurait aucuns fonds supplémentaires, mais que nous ne perdrions pas l'ancien financement.
Pour ce qui est de mesures d'incitation pour passer au numérique, je précise que nos membres comptent des journalistes qui utilisent les médias sociaux. Tout le monde se sert de Twitter et de Facebook, et tous nos membres ont un site Web. Comme Carmel l'a fait remarquer, la situation financière des journalistes laisse à désirer. Ils font tout. Ce sont des journalistes multimédias.
J'ai des idées de regroupement numérique, mais je dois aussi me soucier de la situation actuelle. Il est impératif de retenir les journalistes de langue anglaise au Québec, car, s'ils continuent de perdre de l'argent, ils vont se tourner vers une autre profession, ce qui n'est pas rare. Ou alors ils se feront embaucher par un quotidien et cela pourra durer six mois, durant lesquels ils feront plus d'argent. Mais le résultat est le même.
J'offre à mes membres qui ne disposent pas d'une plateforme numérique — et c'est le cas de tous les membres — un service numérique centralisé: les annonceurs peuvent utiliser le site Web de l'AJRQ pour diffuser des publicités dans les journaux de tous les membres du réseau. Ils peuvent donc afficher de la publicité. Je peux offrir à telle ou telle entreprise de mettre une annonce pleine page pour 900 $. Si elle veut annoncer dans les journaux du réseau, elle peut le faire au coût de 60 $ par numéro, par exemple. Je partage l'argent avec nos membres, car nous avons un budget de fonctionnement, mais l'offre est là. Les résultats sont couci-couça.
C'est le mieux que je puisse faire pour le moment, car je manque de ressources.