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Merci, madame la présidente, et merci au Comité de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui au nom de la Canadian Association of Stand-up Comedians, la CASC.
J'aimerais préciser d'abord que notre organisation à but non lucratif nouvellement constituée en société, le 1er mai, compte maintenant des membres qui sont des artistes de l'improvisation comique, ainsi que des monologuistes. Depuis le lancement de notre organisation en juillet 2017, nous avons maintenant plus de 880 membres dans l'ensemble des provinces et territoires du pays.
La CASC est heureuse d'apprendre que le Conseil des arts du Canada gère une augmentation depuis le budget 2016. C'est une bonne nouvelle pour les artistes. Nous sommes aussi ravis d'en apprendre davantage au sujet de la transition du Conseil vers un modèle de financement modernisé.
La motion demandant l'étude que votre comité a adoptée, déclare aussi votre intention d'examiner la façon dont le nouveau financement du Conseil garantira que les artistes, peu importe où ils vivent au Canada, ont le soutien nécessaire pour contribuer au secteur de la créativité. C'est sur le sujet de cette dernière partie que j'aimerais parler au nom de tous les comédiens du pays.
Avec tout le respect que je dois au Comité, je soutiens que, en plus de veiller à ce que le Conseil finance et soutienne les artistes, peu importe l'endroit où ils vivent, il est temps maintenant de veiller à ce qu'il les finance et les soutienne, peu importe le genre d'art qu'ils créent. Le Conseil a adopté une approche audacieuse en ramenant ses volets de financement de 150 à 6, et en réduisant le nombre de champs de pratique ou disciplines artistiques parmi lesquelles les candidats peuvent choisir.
Historiquement, avec l'ancien modèle, les comédiens étaient exclus du Conseil. Cette absence flagrante de la comédie a envoyé aux comédiens pendant des dizaines d'années un message qui, à mon avis, a compromis notre art et a rendu un mauvais service au secteur créatif de cette nation, une nation qui est reconnue sur la scène mondiale comme étant une nation de comédiens.
Avec le nouveau modèle, initialement, on a conseillé aux comédiens de créer un profil de candidat dans la catégorie du champ de pratique « théâtre ». La comédie est, bien sûr, une pratique à part entière, et de nombreux comédiens ont encore beaucoup de difficulté à accéder aux fonds du Conseil, ou même à arriver au point où ils sont autorisés à présenter une demande. On leur dit qu'ils ne répondent pas aux caractéristiques générales d'un artiste de théâtre et, bien sûr, c'est le cas pour bon nombre d'entre nous. Généralement, nous avons une formation différente, des pairs différents et nous nous produisons dans des endroits différents.
La semaine dernière, nous avons rencontré le personnel du Conseil des arts du Canada une deuxième fois, y compris le directeur général. Nous avons reçu davantage de renseignements au sujet du nouveau profil de carrière en voie d'affirmation en vertu duquel le Conseil a encouragé les comédiens à présenter une demande à titre de nouveaux bénéficiaires. Il semblerait, par ailleurs, que le Conseil vise à diriger 25 % du nouvel investissement vers les nouveaux bénéficiaires, chose qui aurait été probablement impossible sans le doublement historique du budget du Conseil.
Les comédiens canadiens continuent d'innover et de créer des œuvres audacieuses, de prendre des risques et d'attirer de nouveaux publics, tout comme de nombreux autres artistes du pays. La CASC a bon espoir que les comédiens auront enfin un siège à la table du Conseil des arts du Canada.
Il reste encore des obstacles pour les comédiens qui ne feront pas demande au titre du profil de carrière en voie d'affirmation, ou, au cours des années subséquentes, seront encore tenus de présenter une demande en vertu de la catégorie théâtre ou de dresser des profils afin de recevoir un financement. Cela signifie qu'ils pourront se trouver dans la même impasse. À l'heure actuelle, on crée un profil de la catégorie théâtre, présente une demande dans l'espoir d'obtenir une subvention à titre d'artiste de théâtre, puis on est rejeté sur base des critères d'admissibilité avant même que la création artistique ne soit évaluée.
Si élargir la portée des champs de pratique est une bonne chose théoriquement, il y a quand même le risque que les agents de programme du Conseil et les évaluateurs pairs ne comprennent pas bien les contextes uniques des diverses disciplines précises. À notre avis, il est crucial que les comédiens soient des participants actifs dans l'élaboration, l'évaluation et l'application du nouveau modèle du Conseil. Il faut consulter les comédiens pour établir une meilleure compréhension de l'art des disciplines d'improvisation comique et de monologue de sorte que le personnel du programme du Conseil, ceux qui contribuent à la conception et supervisent et évaluent les demandes de subvention, puisse identifier plus précisément les comédiens qui respectent les critères d'admissibilité du Conseil et en appuient le mandat.
On nous a informés que les comédiens peuvent déjà demander à faire partie des comités d'évaluateurs pairs au Conseil. L'influence de la comédie ayant été absente du Conseil pendant des décennies, toutefois, nous estimons que le Conseil doit veiller à ce que les comédiens fassent partie de l'équipe, se joignant à une gamme diversifiée d'artistes et de professionnels de l'art qui évaluent, notent et classent les demandes admissibles.
Tous les programmes fédéraux de soutien des arts, y compris ceux relevant de Patrimoine canadien, sont d'une importance fondamentale pour un monde de la comédie florissant dans ce pays, car ils aident les artistes comédiens en créant pour eux des occasions de se former et de se produire, mais aucun d'entre eux ne fournit un financement direct aux comédiens, ceux qui se produisent dans cette discipline. Voilà pourquoi une relation avec le Conseil des arts du Canada et l'accès à ce dernier est pour nous une partie intégrante de la santé et de la croissance de la comédie canadienne.
Devoir nous appeler autre chose pour nous conformer ou nous adapter au processus sous-entend que nous ne sommes pas des artistes. Cela tue la perspective que nous avons de nous-mêmes et du monde autour de nous, et décourage l'expression même que le Conseil a le mandat d'encourager et affirme encourager au sein de la communauté des créateurs artistiques canadiens.
Si les champs de pratique sont dorénavant à la fois ouverts, mais encore limités, quelles autres mesures d'adaptation le nouveau modèle de financement du Conseil pourrait-il contenir, mesures qui éloigneraient les comédiens et d'autres artistes pendant 60 ans encore?
Les modèles de distribution et de présentation des arts changeants et un nombre inférieur de programmes et de contenus étant adéquatement appuyés et créés au Canada par des artistes canadiens, la CASC estime que le secteur de la créativité est en crise. Par conséquent, il est plus important que jamais que le Conseil fasse bien les choses.
L'avancement pour les artistes ne signifie pas forcément une grande popularité ou un public massif sur la scène mondiale. Pour de nombreux comédiens, c'est effectivement le cas, mais pour d'autres, qui ont recherché des débouchés, épuisé tous les recours et, peut-être même, abandonné tout espoir de pouvoir présenter leur voix novatrice à des publics canadiens, le Conseil représente la seule possibilité du genre d'avancement qui leur tient à cœur.
La CASC est la première association de ce genre au Canada. Le Conseil faisant actuellement la transition vers un modèle de financement modernisé, c'est le moment idéal pour les comédiens de participer activement à la création de lois, politiques et programmes de financement qui stimulent et soutiennent les arts, et encouragent la production d'œuvres.
De plus, en alimentant et faisant progresser le secteur canadien de la créativité, il est crucial que les décideurs protègent non seulement les grandes entreprises nationales, mais aussi les artistes canadiens lorsqu'ils se battent pour protéger notre culture particulière contre l'influence et la propriété étrangères. Voilà pourquoi la CASC demande à ce comité d'ordonner au ministère du Patrimoine canadien et au Conseil des arts du Canada de collaborer avec tous les intervenants publics et privés de la communauté des arts, y compris les comédiens, pour veiller à ce que nous prenions tous les moyens possibles de faire fond sur la réputation de nation d'humour qu'a le Canada.
Je vous remercie, madame la présidente.
Nous sommes reconnaissants d'avoir eu la possibilité de nous adresser au Comité aujourd'hui. Nous avons hâte de travailler avec le Conseil des arts du Canada sur leur nouveau modèle de financement.
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Merci, madame la présidente, et merci à tous de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
J'aimerais commencer en disant qu'il est extrêmement important pour moi de pouvoir parler aujourd'hui de l'industrie qui a façonné ma vie. Je reconnais à quel point c'est une tâche complexe que de déterminer comment répartir un financement dans l'ensemble d'un pays si vaste, et je suis reconnaissante aux nombreux employés du Conseil des arts du Canada du travail qu'ils accomplissent avec intégrité.
Avant de vous dire ce que je pense de l'augmentation historique en 2016 du financement du Conseil des arts et de l'effet qu'il a eu sur l'Alberta, j'aimerais vous dire un peu qui je suis pour pouvoir parler d'une voix éclairée.
Je suis une artiste née à Grande Prairie, en Alberta, une petite ville qui comptait 11 000 habitants à l'époque. J'ai gagné ma vie en tant qu'interprète, artiste et administratrice pendant près de 40 ans, et j'ai eu le privilège de me produire sur des scènes du monde entier, et notamment de chanter pour Sa Majesté la reine Elizabeth II.
À l'heure actuelle, je suis directrice exécutive de Ballet Edmonton, une organisation de ballet moderne établie en Alberta, et j'occupe aussi un siège de gouverneure et de sénatrice à l'Université de l'Alberta; je connais donc bien les budgets de milliards de dollars et la portée des besoins concurrentiels.
J'ai passé les 12 premières années de ma vie professionnelle à Toronto et à voyager dans le monde à partir de là. Je suis revenue en Alberta en 1991, et j'estime que je dispose d'une expérience canadienne comparative à partir de laquelle tirer des conclusions.
Je remercie ce comité de comprendre à quel point il est important d'appuyer le secteur des arts dans tout le Canada, pas seulement pour les artistes, mais aussi pour les Canadiens. Nous partageons manifestement la conviction que l'art est un outil puissant pour le bien-être, la qualité de vie, la création des collectivités et la réconciliation. C'est aussi un moteur économique dans toutes les provinces.
Par conséquent, j'espère que, comme moi, vous estimez qu'il est crucial que nous nous attaquions au problème très réel de l'iniquité historique qui se perpétue au Conseil des arts sur le plan du financement.
Mon mécontentement prend source dans la constatation que, pendant des dizaines d'années, les artistes de l'Alberta ont perdu des occasions artistiques, l'occasion de se produire devant notre public, de prendre des risques artistiques, de créer de nouvelles œuvres, d'établir des relations artistiques avec nos collègues du reste du Canada, de partir en tournée et d'être reconnus à l'échelle nationale. Cette iniquité a eu un impact sur notre croissance artistique provinciale et a nui à notre capacité de contribuer à l'identité culturelle globale du Canada.
Le peuple de l'Alberta représente 11,6 % de la population canadienne, et pourtant, au cours des 20 dernières années, notre province a été victime d'un plafond systématique sur le financement. En 2001, nous avons reçu 6,7 % du financement du Conseil des arts. En 2018, deux ans après le doublement du budget, nous sommes à 5,4 %. C'est une réduction d'un point, en dépit de ce financement historique.
Le refus de démocratiser le financement à l'échelle du Canada a baissé notre voix et mis en cause la valeur de l'Alberta dans l'écosystème artistique du Canada. Nous sommes une collectivité robuste et passionnée, qui a pour tradition de produire des artistes extraordinaires dont la carrière retentit dans le monde, et pourtant, il semble que nous ne soyons pour le Conseil des arts qu'un post-scriptum.
Tenant compte des défis géographiques et de l'accès difficile aux ressources pour certaines provinces et certains territoires, je propose que le financement soit, par mandat, proportionnel aux populations, à quelques exceptions près pour les collectivités éloignées. Ainsi, tous les Canadiens pourront récolter les bienfaits d'être nourris et choyés par une communauté artistique saine.
Bien qu'il soit vrai que le Conseil a augmenté l'écart de pourcentage par habitant pour les artistes de l'Alberta, celui-ci passant de 1,97 $ en 2014 à 2,71 $ en 2018, il est vrai aussi que, parallèlement, la province qui a les dépenses par habitant les plus élevées est passée de 5,77 $ à 8,53 $. Il est scandaleux de prétendre que ces décisions de financement étaient fondées sur l'excellence, quand il est manifeste qu'elles sont fondées sur un parti pris systémique.
En dépit de l'afflux de tous ces nouveaux dollars, le nouveau modèle de financement n'a pas corrigé le déséquilibre. Les augmentations graduelles pour l'Alberta en témoignent. En fait, Edmonton Opera a reçu moins de fonds d'exploitation qu'en 2004. Jusqu'à cette année, l'Art Gallery of Alberta n'avait eu aucune augmentation de son financement depuis 10 ans, et, cette année, elle a reçu 25 000 $. Un des théâtres régionaux les plus fréquentés et les plus prisés d'Edmonton, le Varscona Theatre, ne reçoit aucun soutien du Conseil, en dépit du fait qu'il héberge quatre troupes de théâtre.
Quelle formule permet ce genre de déséquilibre pendant des décennies, et pourquoi une telle formule n'est-elle pas abandonnée, puisqu'elle permet manifestement que des iniquités perdurent? Je suis forcée de conclure qu'il y a de profonds partis pris provinciaux et un aveuglement volontaire pour que cela reste inchangé. Le Conseil a brandi pendant bien trop longtemps les mots « mérite » ou « excellence » pour cacher sa résistance à un changement qui produirait une redistribution de l'art dans l'ensemble du pays.
Les retombées négatives de l'iniquité de financement ne touchent pas les artistes albertains seulement, elles touchent tous les Albertains. Elles ont un impact sur notre public et nos mécènes, qui ont été privés de programmes, privés du rayonnement que nous voulons tant, privés de la satisfaction de voir leurs propres histoires sur scène et privés de l'expérience partagée que l'art facilite dans les collectivités. L'iniquité de financement a paralysé la carrière des artistes de l'Alberta, des artistes qui ont refusé de quitter la province et pour qui y être restés a représenté une capacité d'expression grandement diminuée. Toutes ces années perdues ne peuvent être récupérées.
Comment un jury pourrait-il, quelle que soit sa connaissance de l'art, avoir une idée des pratiques artistiques régionales quand il ne comporte pas une personne de chaque province? Comment le Conseil peut-il comprendre le changement transformateur qu'exerce un artiste ou un groupe d'art donné dans une collectivité quand il utilise un modèle d'évaluation qui est fondé sur sa propre collectivité et, partant, ses propres préférences artistiques? Il est important de noter que tout groupe de jurés au Conseil des arts se compose en moyenne de 63 % de jurés des provinces centrales du Canada et entre 0 et 5 % de jurés albertains.
Prétendre que dans le Canada tout entier l'excellence a la même apparence et le même parfum est une hypothèse profondément erronée et, dans bien des cas, donne lieu à un art conçu pour obtenir un financement national et non pas un art authentique, inspiré et honnête.
Justifier des niveaux de financement statiques en déclarant que l'Alberta ne produit pas suffisamment d'art tient pour acquis que le financement n'a aucun impact sur la production. Bien sûr que les collectivités qui sont largement financées créent davantage d'art; les artistes bien financés ont une plus grande capacité, plus d'énergie, plus de ressources et, bien sûr, une plus grande assurance leur permettant de créer leur art.
L'Alberta a signifié aux dirigeants du Conseil des arts qu'il doit cesser ce financement inéquitable qui dure, depuis je ne sais combien de temps, et pourtant on nous a répondu simplement qu'un financement régional est impossible, car celui-ci repose sur le mérite et l'excellence, ce qui revient à nous dire que notre art est de qualité inférieure.
L'art est censé faire fonction de pont. Il unit les collectivités dans toute cette étendue géographique. L'art est censé nous aider à nous découvrir mutuellement, et le Conseil a la responsabilité de recourir à sa propre créativité pour mettre au point une stratégie de financement transparente afin que cela ait lieu partout au Canada.
Si le système fédéral de financement des arts continue d'être politisé, cela signifie qu'il est fondamentalement défaillant et cela va tout à fait à l'encontre de l'objectif d'un organisme national indépendant.
La force de notre nation, de nos artistes et de notre peuple réside dans notre diversité régionale. Notre art devrait faire état de cette diversité. Un art homogène est synonyme d'échec.
Je vous supplie de voir à ce que soient prises des mesures pour rééquilibrer ou renforcer le mandat du Conseil afin que l'on puisse voir émerger enfin une image précise de l'identité des artistes canadiens. Nos bailleurs de fonds municipaux et provinciaux pourraient aider le Conseil à déterminer les besoins des collectivités qu'ils représentent. Ils sont sur le terrain. Cela ne serait possible que si le Conseil s'ouvre à un dialogue constructif et transparent, suivi d'un plan d'action lui aussi transparent, élaboré de concert avec des chefs de file de l'ensemble du secteur des arts.
Mes remarques aujourd'hui viennent de mes 40 ans d'expérience et du respect profond que j'ai pour les artistes avec qui j'ai travaillé, que j'ai connus et que j'ai observés dans ma province. Je suis fière d'être une artiste canadienne et je suis fière d'être une artiste albertaine. Je compte sur vous pour veiller à ce que le Conseil respecte cela.
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Merci, madame la présidente.
[Le témoin s'exprime en cri.]
Salutations, mes amis. La flamme de mon esprit accueille la flamme du vôtre.
J'aimerais commencer par souligner que nous sommes réunis ici sur les terres non cédées du peuple algonquin. Je vous transmets aussi les salutations de la Ville d'Edmonton sur le territoire du Traité 6, ainsi que de la Première Nation crie Sucker Creek du Traité 8, qui est le territoire de mon peuple, les Sakawithiniwaks.
Quand on m'a demandé de venir vous parler de l'avenir du financement des arts au Canada, je me suis surpris initialement à penser que l'honneur était mal placé. Dans la tradition de mes ancêtres, c'est un processus de gouvernance important et sacré que de réunir diverses personnes dans un cercle comme celui-ci, autour d'un problème, d'une idée ou d'une nouvelle technologie, pour décrire chacun à son tour ce que l'on voit de notre place dans le cercle, s'écouter et se faire mutuellement confiance, afin de créer une compréhension pluridimensionnelle de la chose qui se trouve au centre. Qu'est-ce qu'un acteur de 25 ans comme moi, venant des Prairies, pourrait décrire de ma place dans votre cercle qui serait utile pour votre étude?
J'avoue que j'ai eu l'immense chance et le privilège d'avoir une carrière que bien des gens qualifieraient de grande réussite, mais j'ai toujours considéré que la réussite est le produit des innombrables personnes et organisations qui m'ont appuyé dans ma carrière. Dès mon plus jeune âge, j'ai eu accès à la formation et fait l'expérience des arts. J'ai été encouragé à suivre une carrière d'acteur et de chanteur et j'ai été invité à me produire sur la scène internationale. Je suis revenu à Edmonton pour faire ma part quant à ouvrir les arts pour les peuples autochtones et, enfin, j'ai pu produire, écrire et interpréter ma première œuvre. J'ai rarement été privé des moyens et des encouragements me permettant d'avancer. J'ai toujours su que mon expérience était l'exception à la règle.
Cet après-midi, j'aimerais consacrer mon temps dans votre cercle à vous conter mon histoire afin que, peut-être, vous puissiez voir le soutien que j'ai reçu en cours de route qui m'a permis, dans ma courte carrière, d'en faire plus que bien d'autres dans toute une vie. Vous pouvez imaginer, avec moi, une réponse à la question que je me suis posée en pensant à la grande chance que j'ai eue: Et si tous les artistes du Canada avaient les mêmes privilèges que j'ai eus?
Un de mes tout premiers souvenirs est le Fringe Festival d'Edmonton, le festival de théâtre Fringe le plus grand en Amérique du Nord. Dans ma famille, y assister était l'incontournable de chaque été. Cela m'a appris que les arts de la scène étaient une partie importante de la vie. Ayant découvert si tôt mon amour pour le théâtre, le chant et la danse, il m'a été facile de les choisir comme possibilité de carrière. Cela a été encore plus facile avec l'appui du département d'art dramatique de mon école secondaire et de nombreuses occasions d'activités parascolaires comme les Young Companies du Citadel Theatre, le festival de musique des Kiwanis d'Edmonton et le tournoi Nosebowl des TheatreSports du Rapid Fire Theatre au secondaire. En grandissant, chacune de ces étapes m'a appris à travailler dur, à rêver en gros et à continuer à perfectionner mon art.
À 18 ans, j'ai eu la chance d'entrer dans le programme de théâtre du baccalauréat en beaux-arts de l'Université de l'Alberta, où j'ai pu perfectionner mes compétences et mon acuité professionnelle. La petite taille des classes et des instructeurs de calibre mondial m'ont poussé au maximum et quelquefois au-delà de mes limites, et ont solidifié ma conviction que les contes sont un moyen important de créer la communauté et l'identité. Après avoir décroché mon diplôme à 21 ans, ma première activité professionnelle a été Evangeline, une coproduction de Citadel à Edmonton et du Confederation Centre à Charlottetown. Dans ce spectacle, j'ai eu la chance d'avoir pour mentor Brent Carver, un acteur récipiendaire d'un Tony, et d'établir des liens professionnels et personnels avec d'autres acteurs et artistes des quatre coins du pays.
L'assurance que cette expérience m'a donnée, conjuguée à mon premier rôle principal dans Roméo et Juliette au festival Freewill Shakespeare d'Edmonton cet été, m'a inspiré à déménager à Toronto pour une formation classique supplémentaire à l'académie du Soulpepper Theatre. Dans ce programme, à 22 ans à peine, j'ai pu travailler avec certains des artistes les plus estimés du pays à des projets valorisants comme TrueNorth Cabaret où, à mes débuts off-Broadway, j'ai lu un passage de l'œuvre de Richard Wagamese et chanté Both Sides Now de Joni Mitchell. Mon interprétation a été acclamée par le New York Times et cela a enflammé l'étincelle qui avait jailli en moi quand j'étais à Toronto, et je brûlais de questions: Comment me dynamisais-je en tant qu'artiste autochtone et pas seulement canadien? Comment utilisais-je mes talents innés et acquis pour soutenir mon peuple dans son ensemble?
C'était une interrogation pendant laquelle ma communauté artistique m'a soutenu. À 23 ans, j'ai décidé de prendre un congé culturel sabbatique pour explorer pleinement ces questions, et j'ai été appuyé dans cette initiative également.
Je suis rentré à Edmonton pour participer à des cérémonies et à l'histoire de mon peuple. Pour subvenir à mes besoins, je me suis associé à ma sœur, Jacquelyn Cardinal, et nous avons lancé Naheyawin.
Naheyawin est un cabinet-conseil qui s'attache à aider des organisations et des collectivités à créer la capacité d'abondance, de bonté et de revitalisation de l'esprit des traités en mettant en œuvre des principes autochtones dans les pratiques et procédés de travail courants. Nous disons souvent que nous invitons les autres à se joindre à nous pour regarder le monde à travers notre lentille autochtone et nous sentir capables de traverser des ponts vers les rêves que nous avons et, dans ce cheminement, à devenir les personnes que nous croyons pouvoir être.
Les deux années passées depuis mon retour à Edmonton, Jacquelyn a témoigné en notre nom devant le Sénat à deux reprises au sujet de notre approche et de l'impact de notre travail dans nos collectivités tant autochtones que non autochtones.
Un exemple de ce travail a été notre contribution l'an dernier à l'élaboration d'un plan primé de 10 ans sur les arts et le patrimoine pour Edmonton, qui porte le nom de Connections & Exchanges, incluant des recommandations stratégiques visant à faire en sorte que les peuples autochtones aient l'occasion de participer et de contribuer aux manifestations passées, présentes et futures de nos cultures.
Je ne saurai trop insister sur l'importance d'avoir été invité à marcher aux côtés des organisations qui m'ont aidé à me transformer en un artiste productif au gré de leur propre transformation en un avenir de vérité et de réconciliation. Ce fut un véritable honneur.
Quand j'ai senti que j'avais acquis une stabilité et un sens d'appartenance suffisants pour commencer mon perfectionnement artistique, une fois de plus en parallèle avec mon travail à Naheyawin, j'ai été accueilli à bras ouverts par ma collectivité. On m'a offert le rôle de Hamlet au Freewill Shakespeare Festival l'été dernier. Cela m'a permis de produire, d'écrire et d'interpréter ma première pièce de théâtre originale appelée Lake of the Strangers, une coproduction de Naheyawin et du Edmonton's Fringe Theatre, qui a débuté en janvier de cette année.
Ces deux projets m'ont permis de conjuguer tout ce que ma formation et mon expérience de travail m'ont appris à tout ce que m'a appris mon parcours pour me revitaliser en tant qu'Autochtone, et ils constituent ce que je considère mes plus grandes réalisations professionnelles jusqu'à présent.
Les nominations du prix Sterling d'excellence en théâtre à Edmonton — et je viens tout juste d'apprendre hier soir que j'en ai une pour mon rôle principal dans Hamlet et quatre pour Lake of the Strangers, y compris meilleure nouvelle pièce — sont le témoignage de ce qui est possible quand temps, espace et encouragement sont offerts aux artistes en début de carrière.
Pour terminer, je demanderais humblement au Comité de voir le cercle dans lequel nous sommes aujourd'hui comme une petite partie d'un cercle encore plus grand qui, en fin de compte, décrira ce à quoi nous accordons de la valeur en tant que Canadiens. Je ne parle pas pour tous les artistes, mais je crois que mon histoire de soutien extraordinaire et transformateur devrait être monnaie courante pour tous ceux qui contribuent au secteur canadien de la créativité. Nous devrions tous pouvoir suivre la voie du métier que nous aimons dans tous ses virages d'apprentissage, d'aspiration, d'échec et de réinvention pour que nous puissions, ensemble, continuer le travail d'artiste, découvrir le sens du passé, découvrir qui nous sommes aujourd'hui et nous hasarder à embrasser l'avenir.
[Le témoin s'exprime en cri.]
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Je dirais un travail de persuasion de la part des secteurs privé et public, et de ce comité auprès de Patrimoine canadien et du Conseil des arts du Canada pour qu'il y ait plus de créativité en humour dans notre pays.
Pour l'instant, que ce soit sur la scène ou dans le milieu de la production — et, comme je l'ai mentionné, les canaux de distribution sont en plein changement —, nous sommes encore perçus comme une nation d'humoristes. Nous sommes en train de rater le coche pour ce qui est du volume du contenu créé dans tous les volets.
L'humour, que ce soit sous forme de monologue, de sketches ou d'improvisation, représente l'une des formes théâtrales et de récit les plus proches de nous, mais il n'est même pas reconnu comme un art à part entière et les humoristes n'ont accès à aucun financement direct dans ce pays. Si on ne fait rien pour encourager la création de contenu humoristique pour la diffusion en continu, la programmation de diffusion ou la scène...
Je vous ai dit que j'avais étudié la programmation à heure de grande écoute pour 2017-2018. Au Canada anglais, à part CBC, moins de 7 % de la programmation télévisuelle avait été produite ici.
En 1951, la Commission Massey a été chargée de faire une étude du paysage culturel du Canada parce que la situation était désolante. Elle avait conclu que seulement 14 romans en langue anglaise avaient été publiés au cours de l'année.
À la CASC, nous estimons que le climat actuel est tout aussi désolant. Nous devons promouvoir et encourager la création de contenu national et nourrir cette création, comme vous l'a dit Hunter Cardinal, dans toutes les communautés. C'est le seul moyen de maintenir l'effervescence de la création de contenu humoristique.
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Merci, madame la présidente.
Chers membres éminents du Comité permanent du patrimoine canadien, bonjour.
Je suis Joëlle Préfontaine, directrice artistique et codirectrice générale de la seule compagnie de théâtre professionnel francophone à Edmonton, l'UniThéâtre. C'est une fonction que j'occupe depuis 16 mois, mais je connais bien la compagnie, puisque j'y travaille depuis 10 ans comme comédienne, formatrice et metteuse en scène.
Sachez que l'UniThéâtre a vu le jour en 1992. Il résulte de la fusion de deux compagnies de théâtre: le Théâtre français d'Edmonton, fondé en 1967, et la Boîte à Popicos, créée en 1978.
Je suis originaire de la communauté franco-albertaine de Legal, située au nord d'Edmonton. J'ai vécu sous le seuil de la pauvreté en tant qu'artiste bilingue pendant 15 ans, alors que je travaillais à temps plein, au-delà de 40 heures par semaine. J'ai été obligée de m'endetter pour survivre. Je me permets de vous faire part de cette information parce que je sais que bien des artistes se reconnaîtront dans mon récit.
Malgré tout, les arts se portent bien en Alberta. Un nombre grandissant d'artistes choisissent de s'établir à Edmonton pour pratiquer leur art. Je pourrais assister à deux spectacles par semaine sans pour autant réussir à voir tout ce qui se passe dans mon secteur.
C'est donc un privilège pour moi d'être des vôtres aujourd'hui. Je vous remercie de me fournir cette chance de vous rencontrer.
J'aborderai plus particulièrement quatre thèmes: l'augmentation du budget du Conseil des arts du Canada, ou CAC; les communications avec le CAC; la représentation de la francophonie canadienne aux jurys du CAC; et l'avenir du financement du CAC.
Après que le financement du Conseil des arts du Canada eut stagné pendant quelques années, le gouvernement du Canada a annoncé en 2016-2017 qu'il s'engageait à doubler le budget du CAC d'ici 2021. Il est inutile de vous dire que cette nouvelle nous a plu.
Le plafonnement du budget du CAC avant l'annonce de 2016-2017 nuisait au développement du milieu artistique. Le CAC n'avait pas les moyens de soutenir les propositions de nouveaux artistes ni celles d'artistes chevronnés porteurs, eux aussi, de nouveaux projets. Pendant ce temps, le développement d'organismes artistiques albertains comme l'UniThéâtre était limité par le manque de ressources à leur disposition. Malgré ces conditions, ma compagnie est restée en contact avec sa communauté.
Cependant, même avec l'augmentation prévue des budgets du CAC, celui-ci ne sera toujours pas en mesure de répondre aux besoins réels du milieu artistique. En effet, l'annonce des nouveaux investissements au Conseil des arts du Canada a été accompagnée d'une autre nouvelle, soit une restructuration de ses programmes. Ainsi, le CAC a réduit le nombre de ses programmes. Auparavant, il en existait quelque 150, puis il est passé à six programmes dits plus souples et plus ouverts. Il est vrai qu'il est plus facile de naviguer dans le nouveau modèle de fonctionnement du CAC. Cependant, certains aspects de la mise en œuvre laissent à désirer.
Avant l'avènement du nouveau modèle, l'UniThéâtre s'adressait à un agent du CAC en particulier capable de l'orienter vers les programmes susceptibles de soutenir ses projets. Puisqu'il était notre principal interlocuteur au CAC, cet agent avait un regard sur toutes les facettes de nos activités. Il comprenait ce que représente la gestion d'une compagnie de théâtre francophone en milieu minoritaire.
En effet, une compagnie comme l'UniThéâtre a un double mandat, à la fois artistique et communautaire. Nous existons pour soutenir et présenter le travail d'artistes d'expression française, mais nous sommes aussi des promoteurs de la langue et de la culture françaises. J'ajoute que j'ai réappris mon français à travers mes expériences dans le théâtre. Nous contribuons au façonnement de l'identité franco-albertaine.
Notre agent comprenait donc les rôles que nous jouons. Maintenant, si l'UniThéâtre veut faire appel à plus d'un programme du CAC, il doit s'adresser à plus d'un agent. C'est un changement considérable. Cela signifie que chaque agent n'a qu'une vision partielle de qui nous sommes et de ce que nous faisons. Nous devons nous présenter à nouveau auprès de chacun d'eux, dans l'espoir qu'ils apprendront non seulement à nous connaître, mais à nous comprendre. Cette perte de familiarité nuit à la fluidité de nos rapports avec le CAC.
Outre les rapports que l'UniThéâtre entretient avec le CAC à titre de client, celui-ci m'invite parfois à siéger à ses jurys de pairs pour évaluer certaines des demandes de financement qui lui sont adressées. Cet autre point de contact avec le CAC est important pour moi et pour l'UniThéâtre. Chacune de ces expériences est un apprentissage en soi. Découvrir ce que font mes pairs et comment ils le font est essentiel à mon développement d'artiste. Cela dit, je sais qu'en acceptant ces invitations, je serai la seule franco-canadienne à participer à ces évaluations. Je devrai alors représenter neuf provinces et trois territoires.
Malgré les fiches de mise en contexte proposées par le CAC, les autres membres du jury, majoritairement du Québec, connaissent relativement peu les artistes de la francophonie canadienne, les défis associés à la création dans un contexte linguistique minoritaire et les écarts entre les provinces et les territoires en matière de financement public des arts. Ils ignorent qu'il n'y a pas un seul programme de formation en théâtre en français au niveau postsecondaire dans l'Ouest canadien. C'est une vaste tâche que je suis fière d'accomplir, mais je crois qu'il serait important d'inclure au moins une ou un autre artiste de la francophonie canadienne dans les jurys francophones, question d'alléger le fardeau de la personne qui doit représenter l'ensemble du pays plutôt qu'une province en particulier.
À titre de codirectrice générale de l'UniThéâtre, je prête une attention particulière aux actualités qui pourraient avoir des répercussions sur ma compagnie. Par exemple, les élections fédérales d'octobre prochain pointent à l'horizon. Le financement des arts et de la culture est rarement mentionné au cours d'une campagne électorale, mais, puisque j'ai votre attention, j'adresse la requête suivante aux partis politiques représentés à ce comité: prenez l'engagement de maintenir l'augmentation du budget du Conseil des arts du Canada qui a été annoncée, de la consolider, et même de la bonifier après 2021. Cet argent ne sera pas jeté par les fenêtres. Les fonds versés à une compagnie de théâtre comme la mienne servent à couvrir les honoraires des entreprises et des artistes auxquels nous faisons appel pour réaliser nos projets. Ils nous permettent de vendre nos billets à un prix modique, pour permettre au plus grand nombre possible de personnes d'accéder à nos productions. Nous générons ainsi des retombées économiques qui profitent à notre ville, à notre province et à notre pays. De plus, nous contribuons à la qualité de vie de nos concitoyens. Ce sont des réalisations dont l'UniThéâtre est fier.
Sachez que je suis infiniment reconnaissante au Conseil des arts du Canada de son soutien à ma démarche personnelle et artistique ainsi qu'à celle de l'UniThéâtre. Les fonds qui nous sont versés nous permettent de rêver nos vies, de créer des occasions de transmettre des histoires à notre public, de grandir. Les arts nous rassemblent, nous permettent d'apprendre et de nous faire entendre.
Je vous remercie de votre attention.
Merci pour cette présentation.
Dans le cadre de la présente audience — j'imagine que c'est le terme qu'il faut utiliser —, la perspective que j'apporterai sera celle d'une Canadienne plutôt que celle d'une Albertaine.
Je suis actuellement présidente et directrice générale du Winspear Centre et de l'Orchestre symphonique d'Edmonton.
[Français]
Je suis née à Montréal et c'est dans cette ville que j'ai poursuivi des études en musique à l'université. Je suis ensuite allée vivre en Europe pour quelques années, à la suite de quoi je suis retournée à Montréal.
[Traduction]
Mon premier emploi au Canada a été un poste d'administratrice au Nouveau-Brunswick.
[Français]
J'ai travaillé à l'orchestre symphonique de Saint John, qui s'appelle maintenant Symphonie Nouveau-Brunswick. J'y ai travaillé pendant environ quatre ans à titre de directrice générale. Je suis ensuite déménagée à Ottawa, où j'ai travaillé au Centre national des arts pendant quatre ans. J'ai par la suite travaillé à Winnipeg, au Manitoba, où je suis restée environ 10 ans. Je suis ensuite déménagée à Edmonton, où je travaille aujourd'hui.
[Traduction]
Je m'adresse à vous de ce point de vue privilégié, parce qu'en tant que Canadienne — un statut que je revendique ardemment et fièrement —, je vois une différence très manifeste entre les régions de notre pays. C'est certainement un défi immense pour tous les organismes de financement de trouver un modèle qui tient compte de toutes les solitudes qui composent ce pays.
J'ai eu beaucoup de chance. Quand j'étudiais à l'Université McGill, un de mes professeurs était Hugh MacLennan. Vous vous souvenez, j'espère, d'un de ses nombreux grands livres, qui m'a beaucoup marquée et qui s'intitulait Deux solitudes. Depuis ce temps, j'y ai très souvent repensé. Le Canada est composé de cinq ou six solitudes, je crois. Il y a les Maritimes, le Québec, l'Ontario, le Manitoba et la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique. À ces solitudes s'ajoute celle du Nord canadien.
La beauté de notre pays vient justement de ces cultures très différentes qui tiennent tellement à cœur aux Canadiens. Selon moi, c'est cette réalité qui a été perdue de vue dans le modèle de financement du Conseil des arts du Canada. Même si cela n'a jamais été délibéré, c'est l'une des conséquences d'un modèle de financement axé sur le mérite artistique. Mon expérience au sein de jurys du Conseil m'a permis de comprendre les difficultés pour les jurés d'évaluer des demandes qui proviennent de contextes différents.
En fait, c'est le point essentiel de mon intervention. Notre pays est une mosaïque d'univers très différents, et je crois que la meilleure façon d'examiner les demandes et d'octroyer le financement est de le faire selon le principe de la représentation proportionnelle de la population.
Je me rappelle une situation très particulière. Je travaillais déjà en Alberta et je faisais partie d'un jury qui devait examiner des demandes dont certaines provenaient des Maritimes, beaucoup de l'Ontario et du Québec, une poignée du Manitoba, pratiquement aucune de l'Alberta et une poignée de la Colombie-Britannique. Nous avions des discussions fort intéressantes. En dépit de leur meilleure volonté, les jurés avaient beaucoup de peine à comprendre le contexte dans lequel ces demandes avaient été soumises.
C'était tout ce que je voulais dire aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions tout à l'heure.
:
Merci, madame la présidente.
Je vais commencer par un peu de lecture:
D'ici 2021, les artistes et les organismes artistiques canadiens partageront leur œuvre avec un public plus vaste et plus diversifié, dont la jeunesse, que ce soit en personne, sur papier ou en ligne.
Les artistes et les organismes artistiques disposeront de plus de ressources pour expérimenter et prendre des risques afin de créer d'excellentes œuvres qui seront partagées à l'échelle nationale et internationale.
On peut lire un peu plus loin dans le même texte:
Les grands organismes artistiques du Canada seront des modèles de diversité et d'innovation et contribueront à la quête d'excellence et au renouvellement de leurs champs de pratiques artistiques et à la vitalité des villes ou des communautés où ils sont établis. Les programmations et toutes les décisions institutionnelles qui reflètent la diversité du Canada — notamment les citoyens de diverses cultures, les artistes handicapés ou sourds, et les communautés de langue officielle en situation minoritaire — vont prospérer et être appréciées par encore plus de Canadiens.
Madame la présidente, chers membres du comité permanent, je suis Jon Jackson, directeur général de Theatre Calgary. Je vous remercie de me donner cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du Conseil des arts du Canada et de la façon dont il gère l'accroissement de son budget.
Ce que je viens de vous lire est un extrait de la vision du Conseil pour 2021. Theatre Calgary, de concert avec les organismes artistiques d'un bout à l'autre du pays, souscrit à cette mission et applaudit la formidable ambition du Conseil. Nous appuyons entièrement l'engagement du Conseil des arts à créer davantage de possibilités pour les artistes canadiens et à accroître et à diversifier le nombre d'artistes et d'organismes artistiques qui reçoivent des subventions.
Malheureusement, je suis ici aujourd'hui pour vous dire que ces efforts ne sont pas répartis de façon équitable à l'échelle du pays, particulièrement pour ce qui concerne I'Alberta. Le gouvernement fédéral a accordé au Conseil un financement accru pour investir dans les arts, et c'est le moment d'en profiter pour modifier le système de façon à le rendre juste et équitable pour tous les Canadiens, non seulement pour créer de l'art, mais également pour en profiter.
En 2017-2018, les artistes de I' Alberta ont reçu 11,2 millions de dollars du Conseil sous forme de subventions aux artistes, aux organismes artistiques et aux projets. Le financement moyen par artiste a été de 991,30 $, plaçant I' Alberta à l'avant-dernier rang, et ce, malgré le fait que la province occupe le quatrième rang en termes de nombre d'artistes par province.
L' Alberta réalise des créations artistiques parmi les meilleures au Canada et les présente à un public international. Theatre Calgary, par exemple, a établi plusieurs partenariats mondiaux au fil des ans, allant du développement de la première mondiale du Petit Prince en collaboration avec Lamplighter Drama à Londres, à notre partenariat de production permanent avec I'American Conservatory Theater de San Francisco (qui a récemment mené à une adaptation théâtrale de A Thousand Splendid Suns), de même qu'à notre récente collaboration avec les artistes new-yorkais Bobby Cronin et Crystal Skillman pour la première mondiale de Mary and Max—A New Musical, dont la première européenne aura lieu à l'automne au théâtre de Linz, en Autriche.
L' Alberta Ballet est la seule compagnie au monde à laquelle Elton John, Joni Mitchell, k.d. lang, Sarah McLachlan, Gordon Lightfoot et The Tragically Hip ont confié leur musique pour en créer des ballets.
L' Alberta abrite également l'lndefinite Arts Centre, le plus ancien et le plus important organisme artistique pour personnes handicapées au Canada. Le centre présente actuellement une exposition à Dubaï, et ce, après avoir connu un vif succès à Hong Kong l'an dernier.
Tous les artistes et les organismes artistiques de I'Alberta produisent des œuvres extraordinaires, même si le financement qu'ils reçoivent du Conseil n'est pas juste. Ils aident le Conseil à rehausser le profil international de l'art et des artistes canadiens, sans toutefois bénéficier du soutien qu'ils méritent.
Le Conseil des arts du Canada a indiqué qu'il a réduit de 67 % à 50 % la part de financement accordée aux organismes artistiques afin d'octroyer davantage aux projets et aux artistes individuels. Nous applaudissons et appuyons certes cet investissement accru afin de donner aux artistes davantage de souplesse quant à l'endroit et à la façon de créer leur art, mais nous tenons à rappeler au Conseil que les organismes artistiques emploient ces mêmes artistes et leur fournissent un revenu stable, de même que la possibilité de prendre des risques et de présenter leur art à un public plus vaste.
Rien qu'au cours des cinq dernières années, le Calgary Opera, Theatre Calgary, I'Alberta Ballet et le Calgary Philharmonic Orchestra ont employé 5 135 artistes. Sans ces compagnies, nombre de ces artistes pourraient être forcés de quitter I'Alberta pour trouver du travail. De plus, chacun de ces organismes appuie et encourage la relève. Au cours des trois dernières années en effet, nous avons investi plus de 2,6 millions de dollars dans des programmes de mentorat et d'aide aux artistes en début de carrière.
Ces initiatives offrent aux artistes émergents et en développement des occasions rémunérées de travailler, ce qui leur permet de développer leur art et de se familiariser avec le monde professionnel. Sans financement équitable de la part du Conseil qui mette les Albertains sur un pied d'égalité avec leurs homologues ailleurs au pays, nous ne pourrons pas maintenir ces programmes, ce qui aura un effet négatif à long terme sur le secteur des arts de I'Alberta.
Nous sommes certes tout en faveur du recours à l'évaluation par les pairs utilisé par le Conseil des arts du Canada pour guider ses investissements; après tout, qui de mieux pour juger une œuvre artistique que d'autres artistes? Pourtant, voilà un autre exemple d'iniquité. En 2017-2018, le Conseil a fait appel à 624 évaluateurs à l'échelle du Canada. Quelque 62 provenaient des provinces de l'Atlantique, alors que seuls 34 étaient de I'Alberta, en dépit du fait que sa population est 2 fois plus nombreuse et qu'elle compte près de 2 fois le nombre d'artistes. Comment les artistes et les institutions artistiques de l'Alberta peuvent-ils être évalués de façon équitable si les Albertains n'ont pas voix au chapitre?
M. Brault a indiqué que le Conseil des arts du Canada ne recevait pas suffisamment de demandes de subvention de I'Alberta pour lui permettre d'accroître le financement aux artistes et aux organismes artistiques de cette province. Je lui demanderais ce qui a été fait pour établir des relations avec les Albertains, pour leur faire connaître les possibilités et les familiariser avec le processus de demande de subvention.
Je le mets au défi de s'assurer que lui et ses chargés de projet passent plus de temps en Alberta, rencontrent nos organismes, viennent voir nos artistes, en particulier nos artistes autochtones, et les aident à présenter leurs demandes. Je sais pertinemment que Calgary Arts Development, notre organisme municipal de financement des arts, se ferait un plaisir de travailler avec M. Brault pour faciliter et coordonner cette démarche.
Mon défi va au-delà de la simple sensibilisation aux possibilités; je parle aussi de tisser des liens. Bien que le Conseil ait le mandat de disséminer équitablement l'information, ici en Alberta, nous avons continuellement de la difficulté à obtenir de l'information du Conseil et à communiquer avec celui-ci.
L'an dernier, j'ai réussi à parler à mon chargé de projet une seule fois, ce malgré de nombreuses tentatives de ma part. L'organisme Wordfest a changé cinq fois de chargé de projet au cours des deux dernières années. Les organismes ont non seulement de la difficulté à parler directement à leurs représentants, mais ils se font constamment répondre que la rétroaction sur les demandes récentes prendra des semaines, voire des mois à préparer. Comment pouvons-nous établir une relation avec le Conseil si nous ne savons pas avec qui nous sommes censés l'établir?
Nous vivons une passionnante période de transformation. Le doublement du budget du Conseil des arts du Canada est l'occasion rêvée de donner aux artistes canadiens la chance de se hisser sur la scène internationale. En tant que fier Canadien, fier Albertain et fier travailleur du domaine artistique, je demande que cette occasion soit offerte de façon égale à toutes les provinces.
Merci.