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Bonjour, madame la présidente, et bonjour aux membres du Comité permanent du patrimoine canadien.
Je m'appelle Judd Palmer et je suis un des trois co-directeurs artistiques du Old Trout Puppet Workshop, un collectif d'artistes établi à Calgary, en Alberta.
Nous nous concentrons principalement sur la création de spectacles de marionnettes expérimentaux, destinés principalement aux adultes, que nous présentons en tournée dans tout le pays et à l'étranger, mais nous faisons aussi des sculptures, des peintures, des livres illustrés pour enfants, des opéras et des films, nous enseignons à de vastes publics et nous organisons un festival international de marionnettes dans notre ville d'origine.
La fondation de notre compagnie il y a presque 20 ans est un récit qui s'inscrit bien dans le mandat du Comité. De nos jours, la scène théâtrale de l'Alberta est prospère et cosmopolite, et elle déborde de talents de classe mondiale, mais à la fin des années 1990, quand j'étais jeune et que j'avais tendance à broyer du noir, je croyais que tout artiste digne de ce nom devait se déplacer vers l'Est. C'est donc plein d'ambitions grandioses que j'ai chargé une Volvo familiale orange bringuebalante et conduit jusqu'à Toronto prendre d'assaut les grandes murailles du théâtre du centre du Canada.
Les grandes murailles du théâtre du centre du Canada n'ont pas exactement croulé sous mes attaques implacables. Je me suis retrouvé à errer mélancoliquement dans la rue à la recherche d'une communauté qui m'accepterait, et à mesure que mon courage m'abandonnait, j'avais de plus en plus l'impression que je n'étais peut-être juste pas à la hauteur. Je me languissais de la communauté que je connaissais, des gens avec qui j'avais grandi, dans la nature sauvage très éloignée, loin des institutions intimidantes du pouvoir culturel.
Puis, un jour marquant, je me suis rendu compte que la distance était peut-être en fait une bénédiction. Il y avait peut-être quelque chose d'unique et de merveilleux par rapport au fait d'être un artiste albertain qui avait besoin d'être entouré de ses amis, de sa famille et façonné par des expériences communes, et qui ne pouvait s'épanouir ainsi isolé dans des contrées moins clémentes. Nous pouvions peut-être inventer nos propres traditions, nos propres styles étranges, nos propres institutions. J'ai appelé tous mes vieux amis, qui étaient désormais dispersés partout dans le monde dans des missions semblables, terrassés par le même chagrin, et je leur ai demandé s'ils voulaient revenir à la maison pour lancer une compagnie avec moi.
J'avais deux choses à offrir. La première, c'était une cabane chauffée au charbon sur le ranch de ma famille dans le Sud de l'Alberta, où nous pourrions vivre et travailler si nous nourrissions les cochons et recueillions les œufs. La deuxième était une subvention de 8 000 $ du Conseil des arts du Canada que j'avais réussi à obtenir pour créer un spectacle. Pour nous, c'était une somme énorme. Nous avons réussi à vivre pendant des mois grâce à cette subvention et avons présenté l'avant-première de notre première production dans la cabane, devant un public de cowboys et de Huttérites, où du bétail couvert de givre émettait de la vapeur à l'extérieur des fenêtres, avec, en guise de trame sonore, le hurlement de la prairie hivernale.
C'est ainsi que notre compagnie est née, fondée dans le creuset du patriotisme provincial à partir d'un nouvel amour pour la patrie et le foyer, et du sentiment revitalisé de qui nous étions et de qui nous pourrions devenir, appuyés, ironiquement, par une institution nationale qui mieux que nous-mêmes, voyait clair dans nos propres peurs. C'est le Conseil des arts du Canada qui nous a donné les ressources et la confiance dont nous avions besoin pour commencer, dans un geste d'approbation qui tenait précisément au fait que nous étions prêts à nous tailler une place dans le secteur alors désertique des arts et de la culture de l'Alberta.
Autrement dit, le Conseil des arts du Canada a rendu possible l'existence de notre compagnie. Sans la confiance de ces membres du jury depuis longtemps oubliés, je serais probablement perdu et seul, à présenter aux enfants, dans une ruelle de Toronto, un spectacle affligeant de marionnettes dans un décor installé à l'arrière de la même vieille Volvo.
Mon témoignage aujourd'hui est principalement le suivant: pour moi, le Conseil des arts du Canada a toujours été une institution incroyablement magnifique à qui je dois, à bien des égards, toute ma vie. Une des choses que j'adore à propos de cette institution, c'est que c'est l'expression même de la grande idée canadienne fondamentale selon laquelle tout le pays devient plus fort si on s'occupe de toutes ses régions.
Je ne suis pas vraiment en mesure d'offrir une analyse éclairée et de haut niveau concernant les iniquités régionales en vertu de l'ancien ou du nouveau modèle de financement. D'autres témoins ont fait état d'un écart entre le financement qu'accorde le Conseil à l'Alberta par rapport au reste du pays, et je soutiens entièrement leur désir que cet écart soit corrigé. Je crois que le Conseil cherche honnêtement à le faire. Toutefois, je dois aussi parler de notre propre expérience.
Notre compagnie a prospéré depuis les jours passés sur le ranch, et nous avons bénéficié d'un soutien important du Conseil tout au long de notre histoire. Nous nous sommes rarement vu refuser une subvention. En vertu du nouveau modèle, notre financement de base a triplé. Nous ne savons pas bien pourquoi nous avons reçu du soutien du Conseil tandis que d'autres n'en auraient apparemment pas reçu, mais nous sommes énormément reconnaissants de ce financement et espérons vraiment que le Conseil trouvera des moyens, dans les années à venir, d'offrir le même soutien à un plus grand nombre d'artistes de notre province.
Bien sûr, nous avons quelques suggestions.
Une chose qui a toujours été un peu problématique avec les bailleurs de fonds des trois ordres de gouvernement, c'est le temps qu'il faut entre la présentation d'une demande et la réception d'une décision. Vous pouvez devoir attendre de trois à six mois avant que le Conseil vous dise si vous avez obtenu l'argent pour aller de l'avant avec votre projet, puis un autre mois pour le recevoir. En tant que compagnie qui fait un certain nombre de tournées à l'étranger, cela peut être problématique, puisque les diffuseurs à l'étranger prennent souvent leurs décisions en fonction de calendriers beaucoup plus serrés. Nous avions espéré que le nouveau portail en ligne et modèle de financement viendrait rationaliser le processus décisionnel au Conseil, mais il ne semble pas aider à le faire, du moins pas pour le moment.
Comme nous sommes une petite compagnie qui bénéficie d'un soutien administratif minime, tout ce qui peut réduire la quantité de travail que suppose l'accès aux fonds du Conseil est une énorme bénédiction. La rédaction de demandes de subvention occupe une partie importante de mon temps, et même si c'est bien sûr une étape nécessaire dans le processus de financement public, ce n'est pas ce que je suis formé à faire ni ce dans quoi j'excelle nécessairement. Je crois que c'est un obstacle important pour de nombreuses personnes de l'industrie, particulièrement celles qui travaillent à un échelon communautaire indépendant.
Les progrès accomplis par le Conseil dans le cadre de son nouveau modèle à l'égard de gains d'efficacité dans ce domaine sont, à mon avis, réellement percutants, et j'espère qu'il se rappellera cet objectif important quand il continuera de perfectionner ses programmes et ses processus.
Voici une petite chose. Chaque ordre de gouvernement a son propre organe de financement, et chaque organe de financement offre à peu près les mêmes programmes, mais le processus de demande proprement dit est juste assez différent pour que vous deviez rédiger de nouvelles demandes pour le même projet trois fois — ou plus, si vous comptez les fondations privées — en les reformulant pour répondre à des critères légèrement différents ou vous adapter à des formats différents, même si le fond est le même.
Ça ne relève évidemment pas de la compétence directe du Conseil, mais il pourrait agir comme leader pour régler ce problème, en demandant aux bailleurs de fonds provinciaux et municipaux de normaliser le processus de demande à tous les échelons, comme on le fait avec CADAC, la formule financière et statistique adoptée par de nombreux organismes subventionnaires.
S'il était possible de rédiger une demande puis de l'envoyer à des bailleurs de fonds multiples, cela éviterait énormément de travail inutile aux artistes de tout le pays.
Une dernière chose. Il y a quelques années, le Conseil des arts du Canada a lancé un programme intitulé « Nouveau chapitre », un programme de subventions de projets ponctuel à l'occasion du 150e anniversaire de la Confédération, dont la demande maximale pouvait aller jusqu'à un demi-million de dollars — une somme beaucoup plus importante que tout maximum prévu pour une subvention de projet précédente, du moins d'après ce que j'ai vu au cours de ma vie.
Plus de 2 000 candidats de partout au pays ont participé, et ma compagnie a été une des 200 environ qui ont été retenues. À l'aide de cette subvention et de l'aide supplémentaire qu'on a pu obtenir du Fonds national de création du Centre national des arts, nous avons créé notre propre opéra de marionnettes en partenariat avec l'Opéra de Calgary et le Centre des arts de Banff. Il est présenté à Calgary en ce moment même. Grâce au programme Nouveau chapitre, on nous a offert la possibilité de faire quelque chose de plus grand et de plus fantastique que tout ce que nous avions tenté auparavant, et nous estimons que cela a énormément élargi nos possibilités en tant qu'organisation.
Mon souhait, c'est que nos leaders politiques nationaux, vous tous qui assistez à ces audiences, ainsi que le Conseil, reconnaissiez les vastes répercussions que ce programme a eues et continuera d'avoir sur l'écologie des arts nationaux, et que vous trouviez un moyen de maintenir en activité le programme. Peut-être pourrait-il être exécuté tous les deux ou trois ans, et continuer peut-être avec une portée plus limitée, mais j'espère sincèrement que plus d'artistes — des artistes de l'avenir — se verront offrir la même occasion.
Nous n'avons pas le même système d'investissement privé axé sur les profits que celui qui stimule l'économie du spectacle américain, et j'en suis heureux. Mais pour que nos artistes travaillent à une échelle vraiment mondiale, il doit être possible d'accéder à du soutien de création transformative d'une telle ampleur sans avoir à quitter le pays, même si ce n'est qu'une fois dans sa vie.
Ma compagnie et moi avons été bénéficiaires d'un soutien énorme du Conseil des arts du Canada et d'autres bailleurs de fonds. Nous aimerions exprimer notre profonde gratitude envers les gens qui administrent ces programmes. Ce ne peut pas être facile, mais nous visons certainement, avec honnêteté et grande diligence, le bien commun de tous les Canadiens.
Nous aimerions aussi remercier les gens du Canada, de l'Alberta et de Calgary, qui ont eu foi en nous et nous ont soutenus. Nous faisons de notre mieux pour mériter cela.
Merci de votre écoute.
Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de comparaître devant vous dans le cadre de votre étude portant sur le financement du Conseil des arts du Canada, le CAC.
Pendant cette comparution, je ferai une mise en contexte de l'organisme et de ses membres, ainsi que de la relation dans les arts médiatiques entre industrie et création indépendante. J'aborderai aussi certains problèmes quant au financement que le CAC peut offrir au Front des réalisateurs indépendants du Canada et à ses membres. Pour conclure, je parlerai des avancées et des ajustements nécessaires pour favoriser la vitalité des arts médiatiques dans la francophonie canadienne.
Je vais commencer par faire une petite mise en contexte du Front des réalisateurs indépendants du Canada, qu'on appelle le FRIC.
Le FRIC a été créé en 2004 avec l'appui de la Fédération culturelle canadienne-française, ou FCCF, de l'Office national du film, ou ONF, et du CAC. C'est un organisme de services national qui réunit les artistes francophones en arts médiatiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire, ou CLOSM. Ces artistes travaillent donc en documentaire, en fiction, en vidéo expérimentale et en arts numériques, et ce, dans différents formats et sur différentes plateformes, que ce soit la télévision, le Web ou autres.
Le FRIC a actuellement 64 membres établis dans trois grandes régions: l'Acadie, l'Ontario ainsi que l'Ouest et le Nord. Il n'a qu'un seul employé à temps partiel, à raison de quatre jours par semaine, depuis plus de cinq ans. Le budget annuel du FRIC oscille entre 120 000 $ et 165 000 $.
Je tiens à souligner que, dès cette année, le FRIC recevra pour la première fois un financement à programmation de Patrimoine canadien, ce qui permettra la consolidation de l'organisme. Nous profitons donc de l'occasion pour remercier le ministère du Patrimoine canadien de son appui. Les fonds ont été obtenus grâce aux nouveaux investissements du Plan d'action pour les langues officielles 2018-2023. Cette partie du financement de l'organisme ne peut cependant pas couvrir les activités de perfectionnement professionnel, de développement et de création, qui sont plus du ressort du CAC.
Je vais maintenant aborder le financement accordé par le CAC au FRIC.
Le FRIC peut déposer auprès du CAC des demandes de subvention pour des projets. Depuis sa création en 2004, le FRIC a reçu du financement pour huit projets. Cependant, n'ayant pas reçu de financement de projet entre 2013 et 2018, le FRIC n'est malheureusement pas admissible au financement à programmation et ne pourra donc pas bénéficier de l'augmentation de l'enveloppe budgétaire du CAC.
En ce qui concerne la relation entre l'industrie et la création indépendante, je dirais qu'il est très difficile de concevoir du contenu original de façon indépendante dans la francophonie canadienne à l'extérieur de l'industrie sans passer par un producteur. Puisque les CLOSM ne disposent pas des mêmes leviers que les artistes au Québec, la télévision est la meilleure façon de permettre la création et le rayonnement des œuvres dans les communautés francophones. S'il n'y avait pas l'industrie télévisuelle dans les CLOSM, il n'y aurait tout simplement pas de contenu franco-canadien sur les écrans, ou alors il y en aurait très peu.
Selon le CAC, l'artiste doit avoir le plein contrôle créatif de son œuvre. Or, dans l'industrie, c'est le producteur et le diffuseur qui ont le dernier mot sur la production. Par conséquent, pendant longtemps, les réalisateurs issus des CLOSM n'ont pas été reconnus par le CAC et ses comités de pairs, puisqu'ils travaillaient en majorité avec l'industrie. Cette situation a occasionné beaucoup de mécontentement et de découragement au fil des années. Plusieurs membres du FRIC ont décidé d'abandonner, après de nombreux refus de la part du CAC. C'est aussi pour cette raison que le nombre de projets soumis était et demeure très petit.
Voici les résultats des demandes faites par des artistes au CAC entre 2015 et 2018. En 2015, le CAC a retenu deux demandes. En 2016, aucune demande n'a été retenue, car aucune n'a été déposée. En 2017, trois demandes ont été retenues; en 2018, une seule.
Je vais maintenant parler du financement des arts médiatiques au niveau fédéral.
Au niveau fédéral, il faut être une personne morale pour proposer la conception ou la création d'un projet, que ce soit au Fonds des médias du Canada, pour la télévision ou le Web, ou à Téléfilm Canada. Il n'y a que le financement du CAC qui est accessible aux artistes.
Bien qu'il y ait un fonds stratégique pour les CLOSM au Conseil des arts du Canada et certaines mesures incitatives offertes par Téléfilm Canada, c'est seulement le Fonds des médias du Canada qui a une enveloppe strictement réservée à la production franco-canadienne en situation minoritaire. Les répercussions de ce fonds sont tangibles et l'industrie télévisuelle chez les CLOSM se porte assez bien.
À titre d'exemple, je vous présente la situation des longs métrages de fiction et de documentaire, que le CAC et Téléfilm Canada financent. Nous venons de célébrer les 50 ans de Téléfilm Canada en 2017. Le FRIC a effectué un recensement afin de chiffrer le nombre de longs métrages de fiction et de documentaire qui ont été créés par des artistes issus des CLOSM grâce à l'appui de Téléfilm Canada. Nous avons constaté que, en 52 ans, 13 longs métrages de fiction ont été réalisés et produits, et aucun long métrage de documentaire n'a été réalisé. C'est vraiment très peu.
Depuis 2017, il semble y avoir eu des améliorations notoires apportées par le CAC, notamment en ce qui concerne l'admissibilité des membres du FRIC à du financement. Le problème de cette dualité inhérente au FRIC et à ses membres, c'est-à-dire la relation entre l'industrie et la création indépendante, semble être chose du passé quant à l'admissibilité des artistes au financement. Il est très encourageant de voir que cette première barrière a été enlevée. Par contre, il semble encore y avoir une inégalité dans la composition des comités de pairs. La réalité est que, la majeure partie du temps, les pairs qui forment les comités sont pratiquement tous Québécois et ne connaissent pas ou pas très bien la réalité et les artistes à l'extérieur de Montréal.
Je vais passer à la relation entre l'industrie et la création indépendante.
Nous sommes à une époque des plus complexes pour la création de contenu en arts médiatiques, que ce soit sur les plans du financement, de la distribution ou autres. Avec le numérique et la diffusion multiplateforme, le contenant ne semble plus avoir d'importance: c'est la richesse du contenu qui est primordiale. L'industrie ne devrait plus être une barrière pour la création de contenu au CAC.
À ce chapitre, le FRIC voit d'un très bon œil le nouveau programme du CAC, en partenariat avec Radio-Canada, qui a pour objectif d'appuyer les artistes et les organismes artistiques à l'ère numérique en offrant un moyen novateur d'accéder aux plateformes numériques de Radio-Canada. Nous espérons que ce programme, qui est une avancée, étant donné que Radio-Canada fait partie de l'industrie, sera à la hauteur de nos attentes et de celles des créateurs francophones, et qu'il ouvrira la porte à une plus grande collaboration entre les deux secteurs.
Le nouveau modèle de financement du CAC est encore jeune, et c'est pour cette raison que nous sommes d'avis que des actions immédiates sont nécessaires. D'abord, il faut que l'engagement d'accroître le financement du CAC prévu jusqu'en 2020 soit maintenu. Ensuite, un exercice rigoureux de consultation et d'engagement doit être mis en place cette année auprès des parties prenantes de ce financement, pour évaluer la démarche en cours et apporter les ajustements nécessaires au nouveau modèle de financement.
Il y a donc encore beaucoup à faire pour permettre le plein épanouissement des arts médiatiques dans la francophonie canadienne. Nous sommes convaincus plus que jamais que la collaboration est la clé du succès.
Merci.
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Les membres de la PACT sont diversifiés, allant des plus grandes organisations d'arts du spectacle au Canada à de petites compagnies de théâtre indépendantes ou rurales.
Nous voulons donner un aperçu de l'importance que nos membres accordent au Conseil des arts du Canada et une brève évaluation de la modernisation du financement du Conseil et de l'investissement renouvelé. Nous avons récemment achevé un sondage auprès de nos membres au sujet de leurs perceptions et des interactions avec le nouveau modèle du Conseil. Sur nos 150 membres, 116 ont répondu, dont 100, ou 86 %, ont reçu du financement du Conseil.
Les théâtres reçoivent du financement pour des projets de création et de conception, de l'argent destiné à la production et au fonctionnement de base. Parmi les personnes sondées, 90 % avaient reçu du financement de base, et 28 % avaient reçu des subventions pour des projets spéciaux.
Depuis la mise en place du nouveau modèle de financement, 40 % de nos répondants au sondage sont demeurés à un niveau de financement plafonné, et 59 % des répondants ont vu leur financement changer; 94 % d'entre eux ont reçu une augmentation. Cela veut dire que bon nombre des membres de la PACT peuvent maintenant embaucher plus d'artistes et d'employés, augmenter les salaires, entretenir leurs installations, atteindre de nouveaux publics et soutenir une programmation artistique meilleure et plus poussée.
Nous sommes heureux de voir que les fonds sont attribués à de nouveaux bénéficiaires et ravis d'entendre que le Conseil a l'intention de tripler son investissement auprès des artistes et des organisations autochtones. Nous serions ravis de voir également le gouvernement intensifier sa présence par d'autres moyens afin de soutenir davantage la mise en commun des histoires autochtones et la création d'un théâtre autochtone partout au pays, y compris grâce au financement continu de la section de théâtre autochtone nouvellement créée du Centre national des arts.
Le message le plus pressant que nous vous lançons aujourd'hui, c'est que le secteur des arts se réjouit du doublement de l'investissement. Celui-ci habilite de nombreuses personnes à rehausser la prestation de leur vision et de leur mission, qui rejoignent et touchent des collectivités diversifiées du Canada. Nous félicitons le Conseil de la mise en œuvre du nouveau modèle, de l'ouverture de l'accès et de la prise en considération de changements créatifs majeurs dans l'écosystème culturel du Canada. Nous sommes au cœur de ce changement et nous devons voir le doublement de l'investissement se maintenir au cours des deux prochaines années. Cette période est nécessaire pour que nous puissions voir les retombées d'un investissement aussi historique vraiment se concrétiser.
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Nous imaginons que ce n'est pas une tâche facile pour le Conseil d'entreprendre un énorme changement stratégique en même temps que de recevoir un doublement progressif des fonds. La PACT, la plupart de nos membres, la Coalition canadienne des arts et de nombreux autres ont préconisé le doublement du budget. Bon nombre de nos membres sont des bénéficiaires de longue date du Conseil et pourraient venir vous faire part de préoccupations au sujet du déploiement. Ces préoccupations sont légitimes en ce qui concerne les relations entre le Conseil et les clients et l'intégrité de la prise de décisions indépendante. Nous voyons ces préoccupations comme des occasions d'évaluation et de rajustement au sein du Conseil, et nous exigerons sans aucun doute des consultations, des communications ouvertes et la prise de mesures par la direction du Conseil.
C'est l'esprit dans lequel nous nous présentons à vous aujourd'hui, afin d'encourager plus de réactivité, de dialogues réciproques et de mesures prises entre le Conseil et sa clientèle, tandis que nous entreprenons ce changement stratégique et doublons le budget en même temps.
Les réponses de nos membres étaient partagées quant à la facilité avec laquelle ils pouvaient reconnaître sous quelle composante de financement ils devraient présenter une demande. Au total, 35 % des membres sondés ont jugé qu'elles étaient faciles à reconnaître; 40 % étaient neutres; et 25 % trouvaient le processus difficile. Nous croyons que les séances de sensibilisation et les exposés actuels du Conseil dans l'ensemble du pays, ainsi que les relations entre les clients et les agents, aideront à atténuer certaines de ces difficultés.
Les agents de programme ont présenté un exposé lors de notre conférence nationale qui s'est tenue il y a deux semaines à Saskatoon, ce qui a donné aux théâtres une occasion importante de comprendre les nouvelles composantes de financement et les critères d'évaluation, et a permis de dissiper toute confusion ou mauvaise information qu'avaient les théâtres au sujet de l'admissibilité. Nous valorisons cette relation étroite avec le Conseil et espérons qu'il sera toujours possible pour les agents de rencontrer nos membres.
Nous comprenons que le personnel du Conseil est aussi soumis à une courbe d'apprentissage avec le nouveau modèle. Par conséquent, nos membres étaient partagés moitié-moitié quant au fait de savoir si le personnel était ou non utile. Pour ce qui est de la communication globale, y compris celle de la direction, 58 % ont dit que la communication n'était pas transparente, et 61 % avaient l'impression qu'elle n'était pas assez claire. C'est tout particulièrement troublant dans deux domaines. D'abord, on a dit à de nombreux candidats avant qu'ils présentent une demande au titre du nouveau modèle de financement de rêver grand, d'aspirer aux plus hauts sommets, de se montrer ambitieux dans leur demande budgétaire. Cela a établi des attentes irréalistes et a été particulièrement frustrant pour les bénéficiaires dont le financement est demeuré stable ou a diminué. Nous croyons que le Conseil est maintenant bien au courant du fait qu'il n'a pas établi des attentes réalistes durant la première année, particulièrement puisque le doublement de l'investissement est progressif et qu'il n'est pas pleinement réalisé au cours de la première année.
Ensuite, un énorme changement a été apporté au processus des comités d'évaluation par les pairs, le moteur de la prise de décisions indépendante sur le financement. Le Conseil des arts du Canada et les conseils provinciaux et municipaux ont toujours demandé à d'autres artistes d'évaluer et de classer les demandes, puis ils ont affecté des montants de financement à chaque bénéficiaire. Auparavant, les employés et les membres de la direction devaient approuver uniquement les affectations de fonds dépassant certains montants et y apposer leur signature finale.
Nous avons rencontré un agent de programme cette semaine pour discuter du sondage auprès de nos membres, et il nous a aidés à démystifier le nouveau processus de jury. Dans le cadre du nouveau modèle, les membres du jury classent les demandes et présentent des recommandations, mais les employés du Conseil sont responsables des affectations de fonds finales. Nous croyons comprendre que les agents adhèrent au classement du jury et affectent les augmentations de fonds en respectant le mieux possible la demande budgétaire du candidat. En vertu du nouveau système de classement, les jurys ont trois choix: vert, augmenter la subvention; jaune, maintenir la subvention; ou rouge, diminuer le financement. On rappelle aux jurys les répercussions de leurs décisions; toutefois, il peut être facile de tomber dans la zone jaune du maintien de la subvention, et pour les jurys qui classent de nombreuses demandes dans la catégorie verte, le financement pourrait être écoulé avant qu'ils n'arrivent jusqu'au bas de la liste.
De plus, il est clair que des demandes de financement bien rédigées continuent d'être bien évaluées. Le Conseil et d'autres mènent des séances de sensibilisation partout au pays sur la façon de rédiger une bonne demande de subvention, et nous croyons en l'importance de parfaire les compétences de rédaction de demandes de subventions. Toutefois, de petits théâtres ayant un nombre limité d'employés qui doivent assumer de multiples rôles en plus de rédiger les demandes de subvention ou quelques compagnies qui pourraient avoir une expérience limitée de la rédaction de subventions, mais n'ont pas moins de mérite pour ce qui est de leurs capacités artistiques ou opérationnelles pourraient se retrouver dans les catégories jaune ou rouge. Nous poursuivrons nos efforts pour renforcer les capacités en rédaction de subventions partout au pays; cependant, nous devons déterminer comment évaluer le mérite qui s'exprime au-delà de la rédaction d'une bonne demande.
Bon nombre de nos membres se demandent aussi si la composition des jurys est aussi diversifiée qu'elle devrait l'être. Nous avons présenté nos préoccupations et nos résultats du sondage aux agents du Conseil des arts du Canada avec qui nous travaillons en très étroite collaboration. Toutefois, nous recherchons un dialogue plus ouvert et des consultations actives avec la direction du Conseil, particulièrement puisque ce nouveau modèle est évalué. Nous recherchons d'abord une compréhension des nouvelles décisions stratégiques, puis des rajustements du modèle, au besoin, afin qu'ils profitent vraiment à la clientèle du Conseil et à ses collectivités. Nous constatons, par l'entremise de nos artistes et des organisations artistiques, que le doublement de l'investissement de 180 millions est très prometteur et réalisera son plein potentiel, pendant que le Conseil et ses clients travaillent ensemble pour s'assurer que ce nouveau modèle est aussi fort qu'il le devrait.
Merci de votre temps. Nous sommes impatients de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins.
Mme la présidente nous a bien habitués à toujours donner la priorité aux témoins qui comparaissent par vidéoconférence, au cas où nous perdrions le signal en raison d'un problème technique. Je vais donc vous poser une question tout de suite, monsieur Palmer.
Il était intéressant de vous entendre parler de votre parcours, de la façon dont les choses ont commencé et de la manière dont le Conseil des arts du Canada vous a aidé à diverses étapes. Vous avez bien illustré aussi les difficultés que cela a pu représenter. Je pense que l'aventure des spectacles de marionnettes dans le coffre de votre vieille Volvo était vraiment géniale.
Avez-vous l'impression que les programmes du Conseil des arts du Canada ont évolué d'une façon qui reflète la réalité?
Le Conseil des arts du Canada a voulu réviser ses programmes et a reçu de surcroît cette incroyable manne qui lui a permis de répondre aux besoins et aux ambitions des artistes.
Dans le marché actuel, il y a beaucoup de concurrence électronique et moins de compagnies. En effet, les entreprises ont de plus en plus de difficulté à subvenir à leurs besoins. Ici, je pense entre autres à des compagnies de disques et au fait que les artistes deviennent plus autonomes.
Dans ce contexte, avez-vous l'impression que le Conseil des arts du Canada a su se moderniser au fil des ans?
J'aimerais aussi entendre l'opinion de M. Stacey et de Mme Tracey.
C'était peut-être un drôle de moment pour recevoir un budget deux fois plus élevé, alors même que le Conseil des arts du Canada refaisait l'architecture de son réseau. Je pense que c'est vous qui avez souligné ce point, monsieur Stacey.
L'évolution se déroule-t-elle au rythme des besoins des créateurs?
Trouvez-vous que c'était un drôle de moment pour recevoir tout cet argent en même temps qu'on refaisait l'architecture de la maison?
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Merci, madame la présidente.
Je suis ici pour représenter les points de vue et les expériences du Yukon Arts Centre concernant les nouvelles augmentations du financement du Conseil des arts du Canada et l'administration et la fourniture de ces nouvelles ressources en vue de créer un plus grand équilibre et une meilleure équité quant à la distribution des fonds à la communauté artistique canadienne. Je vais également vous faire part de certaines réflexions et observations sur les différentes expériences que d'autres ont vécues avec l'introduction de ces modèles et de ces lignes directrices au Yukon.
En guise de contexte, le Yukon Arts Centre est une des organisations artistiques les plus uniques et percutantes du Canada, dotées d'un vaste mandat en matière de présentation, de programmes, de formation et de participation communautaire afin de promouvoir la santé et la vitalité du secteur artistique dans le territoire du Yukon. Le YAC met l'accent sur l'établissement de ponts et de possibilités pour des artistes et des artisans diversifiés du Nord afin qu'ils produisent et présentent leur travail dans toutes les disciplines, devant des publics tant locaux que touristiques; il aide les artistes à diffuser leurs œuvres et à investir dans leur pratique et leur permet de promouvoir et de raconter leur histoire au monde.
La Yukon Arts Centre Corporation a été créée par la Loi sur le Centre des arts, une loi de l'Assemblée législative du Yukon adoptée en 1988. Le Centre des arts lui-même a ouvert en 1993, et depuis ce moment, il est devenu une organisation de plusieurs salles qui joue un rôle essentiel pour soutenir la programmation artistique dans le territoire. Il s'agit du plus grand centre des arts au Nord du 60e parallèle. Il contient un théâtre principal de 420 places, une galerie publique qui respecte la norme de l'industrie, une galerie communautaire, une galerie pour les jeunes, une salle multifonctionnelle au centre-ville qui s'appelle « The Old Fire Hall », un amphithéâtre extérieur connu sous le nom de « The Wharf » et une maison d'arts visuels saisonnière dans la collectivité éloignée de Carcross.
Parmi les programmes offerts par le Yukon Arts Centre, on compte une moyenne de 32 expositions d'arts visuels par année, une robuste série d'exposés interdisciplinaires comptant de 30 à 35 performances en moyenne, plus de 70 événements communautaires par saison, un festival pour enfants, un atelier artistique mensuel pour les enfants, un programme de tournée des arts de la scène qui invite des artistes en visite dans les collectivités du territoire, et la gestion du réseau N3, qui encourage et oriente le renforcement continu des réseaux de tournées artistiques dans le Nord du Canada.
Le Yukon Arts Centre exécute aussi des programmes de stages dans le secteur de la conservation des arts visuels et du théâtre technique depuis 2007, offrant à la prochaine génération de chefs de file du domaine des arts l'occasion de parfaire leurs compétences, de lancer leur carrière et de créer des réseaux dans un environnement artistique nordique et dynamique. Le Yukon Arts Centre offre aussi plusieurs programmes d'artistes en résidence, où les artistes peuvent concevoir et présenter leur vision artistique, y compris le programme de résidence en arts de la scène de YAC et les programmes de résidence Chilkoot Trail, Jenni House et Chu Niikwän. Le maintien actif des relations, des synergies, de la confiance et des partenariats qui servent les besoins de chacune des 14 Premières Nations du Yukon est intégré dans tous nos programmes de conception et de planification.
Il va sans dire que le rôle du Conseil des arts du Canada dans l'écologie artistique nationale est extrêmement important. Sans lui, notre dynamisme et notre énergie seront inhibés. Je salue les efforts et le courage de l'administration du Conseil, qui doit s'attaquer à une réforme et chercher à approfondir l'équité, la transparence et l'accès à ses programmes. Même le doublement du financement a ses limites quand vous avez affaire à un pays qui offre des productions et des possibilités créatives aussi riches. Aussi, je me rends compte que le fait d'aborder quelque chose de cette nature se révélera presque indubitablement un exercice polarisant pour la collectivité qu'il sert. Le statu quo est perturbé pour ceux qui ont profité du financement et ont compté sur celui-ci. D'autres ne voient aucune augmentation là où des augmentations étaient prévues, et certains reçoivent des augmentations imprévues.
C'est notre situation. Le Yukon Arts Centre a énormément bénéficié de la nouvelle restructuration du programme. Auparavant, nous n'étions admissibles, au titre des anciennes lignes directrices, qu'à recevoir des fonds de fonctionnement pour notre galerie, mais avec le nouveau programme, nous pouvions présenter une demande en tant qu'organisation artistique interdisciplinaire. Grâce à ce changement de statut, nous avons vu une augmentation très importante de nos fonds de financement de base, ce qui nous a permis d'investir dans notre collectivité et d'élargir nos programmes dans le Nord de nombreuses façons stimulantes. Cela a changé les règles du jeu pour notre organisation et nous a permis d'assurer un nouveau soutien et du soutien continu à notre collectivité, ce qui a eu un effet d'entraînement dans l'ensemble du territoire.
Toutefois, la plupart des bénéficiaires nordiques du Conseil font partie d'organisations beaucoup plus petites ou sont des artistes indépendants. J'ai entendu une partie des témoignages précédents de mes collègues et je me fais l'écho de certains des points qui ont été soulevés pour ce qui est de la rétroaction concernant les demandes — des questions de mérite et d'excellence... au bout du compte, ces commentaires intimident et deviennent un obstacle pour de futures demandes. J'ai entendu des artistes au Yukon le mentionner et dire que cela a eu une influence négative sur eux personnellement. On doit faire plus de choses par rapport au style de communication du Conseil: celui-ci ne devrait pas être uniquement réactif; il devrait plutôt s'inscrire dans un projet continu et complet visant à mobiliser le Nord.
Je crois savoir que Simon Brault se rendra dans le Nord cet été pour faire une tournée et mener des consultations. C'est une nouvelle très positive. La haute direction du Conseil des arts du Canada doit être plus présente afin de permettre que ses programmes s'adaptent aux besoins de tous les territoires nordiques du Canada. Nos difficultés sont très réelles et uniques par rapport à celles du reste du Canada.
Voici quelques autres recommandations.
Ne sous-estimez pas les facteurs géographiques dans notre cas. Même à l'ère numérique, le Nord du Canada est bien loin d'Ottawa. Vous devez être physiquement présents, participer et écouter. Vous devez concevoir un programme de sensibilisation qui va au-delà des séances.
Votre mobilisation auprès des collectivités des Premières Nations du Yukon doit être personnalisée, authentique et proactive. Vous devez les rencontrer et échanger dans leur culture. Vous devez être présents dans des événements culturels importants et chercher des moyens de bien utiliser votre financement. La présence et la confiance sont essentielles pour encourager leur participation.
Décentralisez. Voyez Patrimoine canadien comme un meilleur modèle qui préconise des bureaux régionaux. Le Nord a besoin de représentants du Conseil sur le terrain qui nouent des relations avec nos artistes et défendent le secteur des arts dans le Nord de façon continue. Je crois que cela pourrait grandement contribuer à augmenter l'équité en matière de financement et la participation dans le pays.
Établissez un plan pour la participation des artistes en région rurale. Montrez-vous encourageants et accommodants dans toutes vos communications avec ces collectivités éloignées.
Enfin, envisagez un financement thématique. Je ne suis pas personnellement amateur du fonds Stratégie numérique. Je trouve ses critères beaucoup trop théoriques et pas assez pratiques pour que la plupart des organisations artistiques participent. C'est une grande somme d'argent qui aurait été plus utile au secteur sous une forme différente. Dans l'avenir, assurez-vous de garder tous vos critères pratiques, inclusifs et en prise directe sur les besoins réels des organisations artistiques et des artistes canadiens.
En résumé, je vois la transition vers ce nouveau modèle de financement comme un processus — au milieu duquel nous sommes en ce moment — dont la présente séance est une partie vitale. J'aime à penser que nous sommes tous ici pour encourager le programme et le rendre plus fort, puisque nous créons tout cela pour la prochaine génération de Canadiens.
Je remercie le Comité de m'avoir fourni la possibilité de prendre la parole aujourd'hui.
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Oui, exactement. Nous représentons fièrement le pays, ne vous inquiétez pas.
Nous vous sommes reconnaissants de nous donner l'occasion de témoigner devant vous et merci de cet excellent exposé.
Bonjour à tous. Je m'appelle Ravi Jain et je suis directeur artistique et fondateur de la troupe internationale appelée Why Not Theatre, située à Toronto, en Ontario.
Lorsque je suis revenu à Toronto en 2007 après avoir vécu et suivi une formation à l'étranger pendant un certain nombre d'années, aucune institution ne voulait m'embaucher. Même si j'avais un curriculum vitae international extraordinaire, les institutions étaient trop occupées à faire leur propre travail, souvent mené par un seul directeur artistique, et le responsable de la répartition des rôles n'avait pas la vision ou l'imagination de m'inclure dans les projets.
Comme de nombreux autres avant moi, j'ai été forcé de former ma propre troupe si je voulais travailler. J'ai fondé Why Not Theatre en 2007. Nous sommes une troupe qui jouit d'une immense renommée internationale en raison de la création de pièces de théâtre accessibles, novatrices et primées.
En 2017, 10 ans plus tard, nous avions travaillé sur plus de 80 projets et fait des tournées dans 30 villes sur cinq continents, et notre budget de fonctionnement annuel a lentement atteint 500 000 $. Nous étions une équipe de trois personnes, mais nous faisions le travail de six personnes, et nous avons éprouvé des difficultés non seulement à faire notre propre travail, mais également à appuyer celui de nombreux artistes qui n'avaient pas les ressources que nous avions réussi à accroître. Même à ce moment-là, nous défiions les lois de la probabilité.
À l'époque, il était impossible de faire croître une troupe avec le soutien des conseils. Le financement était statique, et lamajorité des fonds allaient aux peu nombreuses et plus anciennes institutions qui ont vu le jour à la suite de la Commission Massey.
Je suis certain que vous savez tous que la Commission Massey de 1951 a produit un rapport marquant, et elle est généralement considérée comme une des premières mesures importantes prises par le gouvernement canadien pour favoriser, préserver et promouvoir la culture canadienne. La commission a réussi à établir des institutions fondamentales pour les arts, mais ces institutions s'appuyaient principalement sur des valeurs eurocentriques et coloniales.
Voici une citation du texte de la Commission Massey: « La perturbation apportée par le Blanc, armé de sa civilisation plus avancée et de ses techniques infiniment supérieures, a provoqué la ruine graduelle du mode de vie indien. » Le rapport indique également que, « puisque la disparition des véritables arts indiens est inévitable, il ne faut pas encourager les Indiens à prolonger l'existence de fabrications qui apparaissent artificielles ou dégénérées, selon qu'on les considère d'un œil favorable ou non ». Le rapport conclut ainsi: « Ainsi donc, les techniques artistiques des Indiens n'ont survécu que comme les fantômes ou les ombres d'une société morte. »
Au cœur de ce rapport, qui allait inspirer les voix culturelles canadiennes pendant des décennies, se trouve un discours qui n'imaginait pas un monde où des cultures autochtones pouvaient exister. Ce discours excluait également les populations racialisées et d'autres groupes minoritaires. Vincent Massey n'aurait jamais pu imaginer me voir comme un directeur artistique d'une institution qui définit la culture canadienne, ce que je suis, pour être clair.
L'histoire du financement a créé un système où la majorité des fonds vont aux rares organisations plus anciennes. Une autre façon de voir les choses, c'est qu'il y a seulement un opéra, un orchestre symphonique, un ballet et une troupe de théâtre régionale dans chaque ville.
À quelques exceptions près, il est presque impossible d'établir une nouvelle institution de la taille et de la portée des plus anciennes troupes fondées à la suite de la Commission Massey. Pour moi, comme directeur artistique, ma seule possibilité de croissance, c'est de présenter ma candidature pour les rares emplois offerts dans les institutions qui ont perpétué des pratiques limitatives pendant des décennies. Il faudrait que je consacre toute mon énergie à changer la vision de cette institution au lieu de recevoir du soutien et la possibilité d'en établir une nouvelle ayant une vision plus générale de ce que pourrait être l'identité canadienne.
Ensuite, en 2017, comme le témoin précédent l'a dit, les règles du jeu ont changé. Nous avons reçu une des 200 nouvelles subventions Nouveau chapitre du Conseil des arts du Canada pour le projet de rêve de produire une nouvelle adaptation d'une ancienne épopée indienne intitulée Mahabharata. Il s'agit d'une des plus importantes histoires de l'Asie du Sud-Est jamais écrites.
L'investissement de 375 000 $ nous a permis de créer une production multimédia internationale en trois parties, qui sera jouée sur la plus grande scène du Festival Shaw, à Niagara-on-the-Lake. Pour la première fois, nous avons maintenant les ressources pour monter un spectacle de la même ampleur que ce que seules les grandes institutions pouvaient mettre en scène.
Maintenant, dans le cadre de notre partenariat avec le Festival Shaw, nous nous retrouvons sur un même pied d'égalité. C'est historique parce que cette institution a servi un seul auditoire depuis plus de 50 ans. Ce partenariat créera un accès sans précédent à un tout nouveau public, dont certains membres n'ont jamais participé aux arts de la scène canadiens.
En 2018, nous avons obtenu du financement de fonctionnement du Conseil des arts du Canada. À la suite de notre première demande présentée dans le cadre d'un concours pour obtenir du financement de fonctionnement, nous avons reçu 175 000 $. Pour vous donner une idée, nous recevions 25 000 $ qui provenaient du Conseil des Arts de l'Ontario et 30 000 $ du Toronto Arts Council. L'investissement du Conseil des arts du Canada était très important ce qui nous a permis d'assumer un rôle de leadership qui nous était prédestiné. Grâce à cet investissement, nous avons été en mesure d'augmenter notre financement en attirant de nouvelles entreprises donatrices et de nouveaux philanthropes qui, il y a à peine deux ans, n'auraient pas du tout souhaité nous appuyer.
Nous connaissons à l'heure actuelle une croissance exponentielle; nous avons un budget de fonctionnement de 2 millions de dollars et neuf employés à temps plein en 2020. Nous prévoyons atteindre 3 millions de dollars en 2021 et poursuivre notre progression dans les années à venir. Qui plus est, nous pouvons servir des centaines d'artistes qui, jusqu'ici, n'avaient pas été entendus et faire connaître leur travail à des millions de Canadiens qui n'avaient jamais été représentés sur scène.
Enfin, notre vision de ce que peut être le Canada commence à avoir le même poids que celle des institutions eurocentriques qui ont suivi la Commission Massey. Si nous obtenions plus de soutien, imaginez l'incidence que nous pourrions avoir sur la signification des arts et de la culture pour tous les Canadiens.
Le Conseil des arts du Canada a pris une mesure importante pour corriger les inégalités historiques en accordant la priorité à l'équité et en accordant à de nouvelles voix d'importants investissements. Ce changement doit perdurer. Nous devons continuer à modifier la destination des fonds. Il faut redistribuer la richesse en vue d'offrir à plus de troupes dynamiques et novatrices comme Why Not Theatre les moyens de croître et de devenir de nouvelles institutions — non pas pour remplacer, mais plutôt pour appuyer les anciennes institutions et travailler de concert avec elles comme partenaires égaux afin de forger notre identité nationale.
À l'heure actuelle, la croissance de Why Not Theatre est une exception, mais dans deux ans, elle doit être la norme. Il est important de noter que ce changement et ce nouvel équilibre n'auraient jamais été possibles sans l'augmentation indispensable du budget du Conseil des arts du Canada, et ce changement ne peut perdurer sans une croissance et un investissement continus. Nous pouvons seulement faire plus si on continue d'augmenter les investissements.
J'espère que le Conseil des arts du Canada poursuivra dans cette voie. Je souhaite qu'il soit encore plus visionnaire. Cela permettrait de changer non seulement qui raconte l'histoire, mais également qui vient l'écouter. J'espère que les actions du Conseil des arts du Canada inspireront Patrimoine canadien à faire la même chose, car nombre de ses programmes sont désuets et servent principalement ces anciennes institutions eurocentriques.
Patrimoine canadien est une idée qu'il est difficile de comprendre. Doit-il préserver le passé, un héritage de Massey qui n'a pas tenu compte de mon existence? Ou faut-il qu'il façonne l'avenir dans lequel mon existence est essentielle pour le pays afin de définir notre mission et notre voix? À mon avis, c'est clair. Nous avons enfin fait un pas dans la bonne direction. C'est maintenant le temps d'en faire cinq de plus.
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Bonjour. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je m'appelle Kathi Sundstrom et je suis directrice exécutive de Decidedly Jazz Danceworks, ou DJD, située à Calgary.
DJD est une des rares compagnies de danse jazz en Amérique du Nord. Notre mission est d'enrichir la vie des gens en les encourageant à explorer, à faire évoluer et à promouvoir l'art de la danse jazz. J'occupe mon poste depuis 26 ans et, pendant ces années, j'ai présenté des demandes pour des centaines de subventions. J'ai également participé à une foule de comités, d'assemblées publiques et de réunions individuelles avec des collègues et des bailleurs de fonds en vue d'examiner, d'évaluer et d'analyser la façon dont les fonds sont accordés et les critères qui sont utilisés; j'ai aussi formulé nombre d'observations sur les processus d'octroi de subventions.
Voici ce que j'ai appris. Il n'existe pas de système parfait, et il n'y aura jamais assez d'argent pour satisfaire toutes les demandes. Ces dernières dépasseront toujours les ressources, et lorsqu'on reçoit une lettre de refus, on n'en est jamais heureux. Chaque subvention et chaque ordre de gouvernement ont des critères et des objectifs différents et accordent les fonds de manière différente.
À mon avis, la chose la plus difficile pour les bailleurs de fonds gouvernementaux a été le plafonnement de leurs budgets et l'augmentation des demandes de fonds suivant la croissance du secteur, et ils ont eu la tâche impitoyable et presque impossible de prendre les décisions difficiles de réduire le financement d'une organisation et de l'attribuer à une autre.
La décision sans précédent du gouvernement fédéral de doubler le financement du Conseil des arts du Canada a été, au cours des 26 années que j'ai passées comme administratrice du secteur des arts, la plus importante augmentation, le plus beau vote de confiance et l'investissement le plus indispensable que j'ai vus dans le milieu. Je félicite les personnes qui ont pris cette décision. Merci.
Vous m'avez demandé ici aujourd'hui de faire des commentaires sur la façon dont le Conseil a géré les augmentations, et particulièrement de dire si le système fait en sorte que les artistes de partout ont accès au financement. J'aimerais parler un peu de la relation entre DJD et le Conseil et de notre histoire en matière de financement.
Nous avons vu le jour en 1984. Nous sommes devenus une compagnie avec des danseurs à temps plein en 1987 grâce à une subvention fédérale accordée dans le cadre d'une stratégie canadienne de l'emploi et nous avons commencé à présenter des demandes de financement au Conseil dans le milieu des années 1990. À ce moment-là, seulement trois formes de danse étaient financées: le ballet, la danse moderne et la danse expérimentale. La danse jazz n'était pas reconnue comme une forme légitime et, sur le plan technique, nous n'étions pas admissibles au financement. Nous avons quand même présenté une demande. Nous avons défendu notre cause. Des modifications ont été apportées au Conseil, et, avec le temps, nos pairs nous ont reconnus.
Seize ans plus tard, nous avons reçu notre première subvention de fonctionnement. DJD a atteint sa vitesse de croisière dans les années 1990, comme de nombreuses organisations, et a commencé sa quête de financement de fonctionnement lorsque les budgets gouvernementaux consacrés aux arts n'augmentaient pas. Il était presque impossible pour les bailleurs de fonds de modifier les modes de financement habituels. Le nouveau modèle modernisé du Conseil a eu une immense incidence sur nous et le secteur des arts du Canada. DJD a été désignée comme une des sept institutions de danse et la seule compagnie qui n'est pas axée sur le ballet. Montréal et Calgary sont les deux seules villes qui ont deux institutions de danse. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis le temps où nous n'étions pas reconnus.
Grâce aux nouvelles priorités d'évaluation — la direction, la mobilisation et la résilience artistiques —, nous avons réussi, au moyen d'arguments solides et convaincants, à persuader nos pairs de nous appuyer. Notre budget de fonctionnement est passé de 3,5 % à 13 % de notre budget. Cette augmentation modifie de façon révolutionnaire nos activités et la collectivité que nous servons. Nous allons embaucher plus de danseurs pour plus de semaines, investir dans des créations originales et faire des tournées dans l'Est du Canada, pour ne nommer que quelques-unes des choses que nous allons faire.
Vous avez parlé d'accès. J'ai déjà dit que, dans les années 1990, le Conseil ne reconnaissait que trois formes de danse pour l'obtention de financement. Maintenant, il y a peut-être 30 formes admissibles, et l'ouverture du Conseil fait en sorte qu'il n'impose plus les anciennes contraintes limitant la possibilité de présenter une demande de financement et définissant ce qu'est la danse. Si on respecte les critères en tant qu'organisation professionnelle ou artiste et si on présente un dossier qui correspond aux détails du programme, alors on est admissible. On sera évalué par ses pairs. Oui, il s'agit d'un processus concurrentiel, et chaque demande doit respecter une norme minimale pour être prise en considération pour du financement, mais il y a un vaste accès au financement.
Permettez-moi de parler un instant de l'évaluation par les pairs. Le Conseil a commencé ce processus d'évaluation dans les années 1980 et, au début des années 1990, pratiquement toutes les subventions étaient accordées de cette façon. J'ai fait partie de deux jurys dans le cadre du nouveau modèle et de jurys antérieurs au changement. Le Conseil des arts du Canada fait preuve d'une grande intégrité dans la mise en œuvre du processus de jurys de pairs. Selon mon expérience, le personnel du Conseil travaille très dur pour offrir une diversité dans la sélection du jury. J'ai été impressionnée par l'attention qu'il accorde à composer le jury de personnes qui possèdent des formations et des expériences variées pour mieux examiner les dossiers, et tous les employés respectent et facilitent le rôle de « pair » dans le jury qui étudie les dossiers.
Être membre d'un jury est parfois assez difficile, compte tenu du nombre de documents à examiner et des responsabilités à exercer. Dans tous les jurys dont j'ai fait partie, j'ai été impressionnée par le processus et j'avais confiance en celui-ci et j'ai été surprise par le sérieux et le degré d'engagement dont tout le monde fait preuve pour prendre les meilleures décisions.
J'ajouterais également que, en tant qu'administratrice du secteur des arts disposant d'un personnel réduit, je suis reconnaissante de la simplicité des processus de demande et de reddition de comptes du modèle modernisé. Oui, il y a eu quelques difficultés pour rendre le portail fonctionnel, mais on devait s'y attendre avec une modification aussi importante. Le résultat final, cependant, est une amélioration par rapport au passé.
Un des facteurs qu'il ne faut pas oublier en Alberta, c'est que la province et, dans le cas de Calgary, les administrations municipales, n'ont pas fixé comme priorité le renouvellement d'investissements destinés au financement des arts, ni suivi la croissance du secteur, ni même celle de l'inflation, lorsqu'elles ont attribué leurs budgets.
À l'échelle provinciale, malgré l'apogée passé de l'Alberta, le budget de l'Alberta Foundation for the Arts a diminué de 12,5 % en une décennie. En 2009, le budget de l'AFA était de 36 millions de dollars. L'an dernier, il était de 31,5 millions de dollars. Il y a 10 ans, la subvention de fonctionnement de l'AFA représentait 12 % de notre budget; aujourd'hui, c'est 7 %.
Notre subvention de fonctionnement provenant de la ville de Calgary au cours des 10 dernières années est passée de 89 000 à 95 000 $, ce qui est essentiellement une stagnation. Les dépenses par habitant de la ville de Calgary au chapitre des arts sont parmi les plus basses. En 2019, cependant, le conseil municipal de Calgary a heureusement enfin augmenté le budget, qui est passé de 6,4 à 12,4 millions de dollars. Nous sommes sur le point d'entamer le processus de demande, alors nous ne savons pas quelle sera l'incidence sur notre subvention de fonctionnement inchangée, mais nous sommes convaincus qu'il y aura un certain degré d'augmentation.
Il est intéressant de comparer le rôle du financement gouvernemental. DJD a récemment terminé une campagne de financement de 28,5 millions de dollars pour construire un nouveau centre de danse au centre-ville de Calgary. Au total, 52 % des fonds recueillis provenaient des trois ordres de gouvernement; la ville a fait l'investissement le plus important, soit 22 %, ensuite la province avec 18 % et le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministère du Patrimoine canadien, avec 12 %. Lorsque nous regardons notre budget de fonctionnement pour 2019-2020, 27 % des fonds viendront des trois ordres de gouvernement, et l'ampleur des investissements sera complètement l'inverse. Le gouvernement fédéral fournira 14 %, la province, 7 % et la ville, 5 %.
Dans les trois derniers jurys dont j'ai fait partie pour le Conseil des arts du Canada, malheureusement très peu de demandeurs venaient de l'Alberta. Le gouvernement fédéral a réalisé un réinvestissement massif dans les arts, ce qui est une décision très sage. Il faut que vous encouragiez vos homologues provinciaux à suivre votre exemple.
Le soutien des arts en Alberta n'incombe pas seulement au gouvernement fédéral. Les deux autres ordres de gouvernement doivent s'engager à renouveler leurs investissements. Si ces investissements étaient réalisés, il y aurait un bassin d'artistes et d'organisations des arts plus important en Alberta, ce qui entraînerait plus d'activités de la part des organisations et des artistes, qui présenteraient à leur tour plus de demandes au Conseil pour obtenir du financement.
Merci.
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Bonjour, tout le monde. Je m'appelle Martin Théberge et je suis le président de la Fédération culturelle canadienne-française, la FCCF. Je suis accompagné de Marie-Christine Morin, la directrice générale de la Fédération.
La FCCF est la voix nationale des arts et de la culture en francophonie canadienne et acadienne. Pour nous, la vitalité des arts et de la culture francophones enrichit le paysage artistique, social et économique au pays.
Notre réseau rassemble 22 organismes membres: 7 regroupements nationaux en théâtre, en littérature, en chanson-musique, en arts médiatiques et en arts visuels, 13 organismes œuvrant au développement culturel et artistique dans 11 provinces et territoires du Canada, ainsi qu'un regroupement de réseaux de diffusion des arts de la scène et une alliance de radios communautaires. Par l'entremise de ses membres, la FCCF chapeaute plus de 3 125 artistes et plus de 150 organisations en provenance de plus de 180 communautés d'expression française.
D'entrée de jeu, nous tenons à vous remercier de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de comparaître devant vous dans le cadre de votre étude portant sur le financement du Conseil des arts du Canada.
Nos propos auront trois points d'ancrage. Nous parlerons d'abord du financement accru du Conseil des arts du Canada et nous expliquerons en quoi cela est une bonne nouvelle pour notre secteur. Nous mentionnerons ensuite quelques ajustements nécessaires. Nous terminerons par un appel à la vraie collaboration avec le Conseil.
Le financement accru est une bonne nouvelle pour le secteur. Il serait impossible pour nous de ne pas saluer haut et fort la décision qu'a prise le gouvernement en 2016 de doubler le budget du Conseil des arts du Canada. Il s'agissait, comme l'ont repris plusieurs, du plus important réinvestissement dans les arts et la culture au Canada depuis 30 ans et dans tout le G7.
Tout le secteur culturel au pays était derrière ce travail de persuasion auprès du gouvernement. Le Conseil des arts du Canada n'y serait pas arrivé seul. Nous réclamions tous et toutes, d'une seule voix, des investissements accrus. Ensemble, nous avons réussi.
Enfin, plusieurs de nos artistes allaient pouvoir accéder à du financement et plusieurs organisations allaient pouvoir consolider leurs activités, tous et toutes ayant pour but de faire avancer leur vision artistique et nourrir leur apport à la société canadienne.
À ceux et celles qui remettraient en question ce réinvestissement, nous rappelons ces temps de grands tumultes et de doute identitaire dans lesquels nous sommes plongés, trop souvent avec violence. Nous avons besoin plus que jamais de mobiliser la force créatrice qui nous habite, pour faire en sorte que les inégalités sociales s'estompent et que les efforts de mobilisation soient pacifiques.
Le 29 avril dernier était la Journée internationale de la danse, instituée en 1982 par le Conseil international de la danse, en collaboration avec l'UNESCO. Pour l'occasion, un message international rédigé par une personnalité de la danse est diffusé partout. Pour l'édition de 2019, c'est à Karima Mansour, danseuse, chorégraphe et éducatrice égyptienne, qu'est revenu cet honneur. Voici le message de Mme Mansour: « C'est dans la danse que les cultures se donnent en partage et que les frontières se dissolvent dans un lieu d'inclusion et d'unité, où l'on parle le langage muet de l'universalité. [...] La danse est un guérisseur. La danse est le lieu où l'humanité peut s'assembler. »
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Je vais maintenant parler des ajustements rendus nécessaires par l'octroi d'argent frais au Conseil des arts du Canada.
La nouvelle du financement accru du Conseil des arts du Canada a eu l'effet d'un baume pour tout le secteur. Dans la francophonie canadienne, disons qu'il y avait du chemin à faire, et ce, pour toutes sortes de raisons liées à l'histoire, à l'insécurité linguistique et aux difficultés systémiques.
Nous le constatons, nous avons fait des progrès. En effet, comparativement à 2015, donc avant l'injection de nouveaux fonds, le financement aux artistes et organismes francophones a plus que doublé. En 2018-2019, le Conseil a reçu 566 demandes d'artistes francophones, une augmentation de 34,4 % par rapport à 2017-2018. De ce nombre, 283 ont été retenues.
Malheureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres. Nous demeurons préoccupés si nous regardons les données d'un peu plus près.
Historiquement, le nombre de demandes provenant d'artistes individuels francophones a toujours été moins élevé que celui de leurs collègues anglophones minoritaires au Québec. Pourquoi? Est-ce parce qu'il y a moins d'artistes francophones en milieu minoritaire que d'artistes anglophones au Québec? Oui, mais cela n'explique pas tout. Alors, pourquoi? À partir de témoignages d'artistes eux-mêmes, voici des débuts de réponse.
Certains artistes ont l'impression que leur projet sera pris plus au sérieux s'ils déposent leur demande en anglais. D'autres se font conseiller de déposer leur demande en anglais, soi-disant parce que c'est plus simple et plus direct. En effet, un artiste de communauté linguistique minoritaire doit certainement déployer plus d'efforts pour maintenir sa documentation dans les deux langues. De plus, certains éprouvent de l'insécurité à l'idée d'exprimer leurs idées en français. Pour certains, c'est un réel complexe.
L'anglais étant la langue prédominante au sein des jurys de pairs, le Conseil couvre les frais de traduction des demandes qui seront évaluées. Or, la traduction soulève des risques bien réels que la valeur et la nuance du propos de la démarche artistique évaluée s'en trouvent modifiées. Selon nous, il est bien plus gagnant d'avoir des jurys francophones pour évaluer des projets de francophones.
D'autres personnes, après avoir essuyé plusieurs refus dans le passé sans avoir obtenu d'explication satisfaisante, ont choisi de ne plus déposer de demandes au Conseil des arts du Canada. Ces gens découragés ne sont pas tous des créateurs émergents; certains ont déjà percé, parfois même sur la scène internationale.
Il existe aussi ces fameuses barrières systémiques, ces modalités de programmes qui désavantagent les bénéficiaires potentiels en provenance de communautés linguistiques en situation minoritaire avant même qu'ils n'aient posé leur candidature.
Comment expliquer que l'expérience artistique d'un artiste visuel ne soit pas reconnue comme étant de nature professionnelle lorsqu'il expose ses œuvres dans un espace communautaire? Pourtant, dans certaines communautés, ces infrastructures dotées d'équipements pour les arts sont les seules qui peuvent accueillir ces artistes et leur permettre de présenter leurs créations à leur public. Dans la réalité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire, les centres culturels et communautaires sont des lieux rassembleurs qui permettent aux gens d'avoir accès à un milieu de vie en français, ce qui inclut les arts.
La situation est tout aussi complexe si l'artiste souhaite se déplacer pour se professionnaliser ou encore faire voyager son œuvre. Les chances sont élevées qu'un artiste habitant dans un milieu linguistique minoritaire, souvent en région éloignée, aura à se déplacer, souvent à grands frais, étant donné notre grand pays.
Complexifier le processus de demandes, ne pas tenir compte des coûts réels des déplacements, tout cela a pour effet de limiter la capacité des artistes et des œuvres issus de communautés linguistiques en situation minoritaire de rayonner ici et ailleurs.
On remarque aussi un manque de sensibilité de la part du Conseil des arts du Canada aux réalités des artistes en situation minoritaire quand vient le temps de parler de leur rapport aux industries. En effet, pourquoi un artiste en arts médiatiques dont le parcours comprend des expériences en télévision ne peut-il pas être reconnu aux yeux du Conseil? Pour vivre de son art en francophonie canadienne et acadienne, on doit être un touche-à-tout. Cela veut dire créer des œuvres télévisuelles aussi bien que des œuvres cinématographiques indépendantes.
Plusieurs de ces barrières systémiques sont connues du Conseil, mais il y a peu de mouvement, peu de changement. On parle d'enjeux, on parle de défis, mais, souvent, on ne va guère plus loin que les constats.
Il faut corriger le tir. Il faut travailler à déceler et à éliminer ces barrières qui empêchent la communauté artistique francophone en milieu minoritaire de prendre sa place.
En agissant sur ces questions, non seulement le Conseil aura une influence sur la capacité de l'artiste lui-même à faire valoir sa démarche artistique, mais il appuiera également tout un écosystème communautaire dans lequel nous investissons et en lequel nous croyons pour répondre à cette myriade de préoccupations linguistiques.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins.
Madame Sundstrom, je vous remercie de votre expertise et de votre objectivité.
Monsieur Shields, je partage pleinement vos soucis relativement à la répartition des fonds et à l'interprétation que l'on peut en faire. De toute évidence, le Conseil des arts du Canada semble octroyer moins d'argent à l'Alberta, mais il semblerait que différents facteurs mènent à ce résultat. Mme Sundstrom a essayé de l'expliquer avec justesse. D'ailleurs, j'en suis content, parce que, honnêtement, je me sens mal à l'aise de voir qu'on profite de la présence de témoins dans cette étude pour constituer un dossier au sujet du sous-financement de l'Alberta. J'espère que M. Boissonnault et moi pourrons nous en reparler dans quelques années.
En effet, les chiffres prouvent que le Conseil des arts du Canada donne moins d'argent à l'Alberta. Je crois cependant qu'il y a des raisons à cela. Il y a certainement des problèmes à régler, mais je crois qu'on y est allé un peu fort.
Merci beaucoup, madame Sundstrom.
Messieurs Jain et Lightwala, j'espère par ailleurs avoir l'occasion de vous parler, parce que je partage totalement l'enthousiasme de M. Shields au sujet de l'analyse que vous avez présentée. Je pense que vous avez parfaitement exprimé la modernité à laquelle il faut aspirer. Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un modèle qui s'appuie sur l'eurocentrisme. Je suis d'ailleurs content de voir que le Conseil s'est ajusté en conséquence.
Je m'adresse maintenant aux représentants de la Fédération culturelle canadienne-française.
Je constate qu'on ne veut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. On devrait pouvoir croire que l'ampleur du budget accordé au Conseil permettra de soutenir de nouvelles traditions théâtrales au Canada, comme celles présentées par MM. Lightwala et Jain.
Par ailleurs, je vous suis reconnaissant d'avoir clairement rappelé que si un artiste expose son œuvre dans un centre culturel qui est un organisme sans but lucratif, ce n'est pas parce qu'il n'est pas assez bon pour aller dans un centre professionnel, mais bien parce que c'est le seul endroit dans sa communauté où il peut exposer son oeuvre. Je vous ai trouvés bien nuancés.
Cela dit, êtes-vous en train de dire que vous auriez dû avoir plus de soutien? Avez-vous le sentiment que vous étiez mieux ou moins bien servis autrefois? Est-ce que les récents changements structurels au Conseil vous paraissent prometteurs? Sinon, quelles inquiétudes avez-vous, précisément?