[Français]
Bonjour à tous.
[Traduction]
Merci de nous avoir invitées à nous adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Ingrid Mary Percy. Je suis artiste visuelle, éducatrice et présidente de CARFAC National. D'habitude, j'habite Corner Brook, à Terre-Neuve-et-Labrador, mais je demeure actuellement à Victoria, en Colombie-Britannique, où je suis doctorante au département d'éducation artistique de l'Université de Victoria.
Le Front des artistes canadiens est l'association nationale qui représente les artistes visuels du Canada. Nous avons pour mandat d'améliorer les conditions de travail des artistes. On demande souvent aux artistes de travailler pour rien, et nous croyons qu'ils devraient être payés équitablement pour leur travail.
Selon les résultats de l'Enquête sur la population active de 2011, il y a près de 16 000 artistes visuels au Canada, et leur salaire moyen est d'un peu moins de 25 000 $. Leur salaire moyen équivaut à environ la moitié du salaire moyen de l'ensemble de la population canadienne, et il n'est que légèrement supérieur au seuil de faible revenu. Le revenu médian des artistes visuels est d'environ 17 000 $, ce qui signifie que plus de la moitié des artistes visuels vivent sous le seuil de la pauvreté. De tous les artistes, ce sont les artistes visuels qui sont le plus souvent travailleurs autonomes et ils comptent parmi les plus vulnérables sur le plan de la précarité des revenus.
Il existe de nombreux moyens d'augmenter les revenus des artistes: en améliorant les politiques fiscales; en offrant un revenu de base garanti et d'autres mesures de sécurité sociale; en augmentant le financement des arts; et plus encore. Les modifications à la Loi sur le droit d'auteur que nous recommandons dans notre mémoire contribueraient à améliorer les revenus des artistes.
Nos collègues de Droits d'auteur Arts Visuels et du RAAV vont vous parler de deux de nos recommandations. Pour notre part, nous allons nous concentrer sur le droit de suite des artistes, que nous avons aussi présenté aux comités de l'industrie et des finances, ainsi qu'à un sous-comité sénatorial.
Le droit de suite permet aux artistes visuels d'obtenir des redevances chaque fois qu'une de leurs oeuvres est revendue par l'entremise d'une maison de vente aux enchères d'oeuvres d'art ou d'une galerie commerciale. Nous demandons que les artistes touchent 5 % du montant de la vente publique de leurs oeuvres lorsque le prix de revente est supérieur à 1 000 $ et lorsque divers critères d'admissibilité sont remplis. Le droit de suite permet aux artistes de bénéficier des profits courants réalisés sur leurs oeuvres. Il n'est pas rare que la valeur des oeuvres d'art augmente avec le temps, à mesure que la réputation de l'artiste grandit.
Nombre de nos artistes les plus renommés vivent dans la pauvreté, et bien qu'ils continuent à créer de nouvelles oeuvres durant toute leur vie, les acheteurs veulent tous se procurer leurs premières oeuvres, celles qui les ont rendus célèbres. Ce sont les artistes âgés et les artistes autochtones qui profiteront le plus du droit de suite, car la valeur de leurs oeuvres augmente souvent de leur vivant. Parfois, l'augmentation est minime; d'autres fois, elle est énorme.
Nous avons plusieurs histoires d'artistes canadiens qui tireraient profit du droit de suite, des artistes comme Kenojuak Ashevak, Rita Letendre, Mary Pratt et Kent Monkman. Dans un instant, la fille du grand artiste Joe Fafard s'adressera à vous.
Quand la mesure sera adoptée au Canada, les artistes seront rémunérés pour les ventes faites ici et pour celles faites dans des pays qui ont aussi instauré le droit de suite. En 1920, la France est devenue le premier pays à adopter des dispositions législatives à cet égard, et la pratique existe maintenant dans au moins 93 pays. Nombre de ces pays ont craint qu'une telle pratique leur fasse perdre des marchés au profit de pays où la loi n'existe pas, mais cette crainte ne s'est pas matérialisée. Les frais à payer et les efforts à déployer pour exporter des oeuvres d'art en valent rarement la peine. La question du droit de suite a été abordée dans le cadre de négociations commerciales avec l'Union européenne, et l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle en préconise la mise en oeuvre obligatoire à l'échelle internationale en vertu de la Convention de Berne.
Vous avez peut-être de nombreuses questions sur la façon dont le droit de suite fonctionne. Ne sera-t-il pas difficile à gérer? Pourquoi avons-nous besoin d'une loi? Pourquoi faut-il ajouter une nouvelle taxe? Je tiens à être claire. Le droit de suite est une redevance de droits d'auteur et non une taxe. Il n'est pas perçu par le gouvernement. Tout ce que nous vous demandons, c'est de nous donner le droit légal de percevoir cette redevance. Nous ne demandons pas de financement au gouvernement. Nous avons besoin d'un mécanisme prévu par la loi parce que si les gens ne sont pas obligés de payer, ils ne le feront tout simplement pas. Nous avons besoin d'un cadre légal. Une fois ce cadre mis en place, il existe des moyens de permettre au marché de gérer efficacement le droit de suite.
Il y a de bons modèles de gestion auxquels nous pouvons nous référer, et nos collègues internationaux et nous avons déjà examiné une grande partie des détails liés à la gestion. Nous avons étudié la question en profondeur, et nous nous tenons au courant de la manière dont c'est géré ailleurs, ainsi que des examens qui ont été faits dans d'autres pays. Nous avons une proposition détaillée qui explique comment le droit de suite fonctionnerait au Canada.
Le droit de suite a fait l'objet de discussions durant le dernier examen de la Loi sur le droit d'auteur, et bien que les membres du comité, y compris le ministre , l'appuyaient, il n'a pas été inclus dans la loi la dernière fois. On nous a dit d'attendre le prochain examen quinquennal.
Entretemps, notre proposition a reçu l'appui du gouvernement du Nunavut et du hameau de Rankin Inlet. Un projet de loi a été déposé en 2013, mais il n'a pas été adopté avant les dernières élections.
L'an dernier, le Comité des finances a recommandé d'inclure le droit de suite dans la Loi sur le droit d'auteur. Aujourd'hui, le Comité de l'industrie et vous examinez le droit d'auteur et les revenus des artistes. Nous vous exhortons à apporter ce changement dès maintenant.
Merci.
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Bonjour. Je m'appelle Gina Fafard. Je suis copropriétaire et dirigeante de la Slate Fine Art Gallery, une petite galerie commerciale de la Saskatchewan. Nous avons ouvert nos portes en 2013, mais je côtoie l'industrie des arts depuis beaucoup plus longtemps.
J'ai travaillé comme artiste pendant de nombreuses années et j'ai découvert les rouages de l'industrie des arts bien avant cela. Comme je suis la fille de l'artiste de renom Joe Fafard, j'ai eu l'expérience unique de voir un artiste bâtir sa carrière, des toutes premières étapes lorsqu'il passait de longues heures dans son studio à sa situation actuelle: aujourd'hui, il emploie un apprenti, un gestionnaire des activités et huit travailleurs de fonderie qui l'aident à produire ses oeuvres d'art.
Cela a été une merveilleuse aventure de voir ce qui peut être accompli quand un esprit créatif et dynamique réussit à trouver les moyens de réaliser ses rêves. Joe a eu la chance de connaître du succès au début de sa carrière, ce qui lui a permis de bâtir son entreprise. C'est rare qu'une telle occasion soit donnée aux artistes.
Ce sont des artistes comme Joe Fafard qui tireront profit du droit de suite, et à mon avis, il le mérite. C'est parce qu'il a travaillé fort et qu'il a persévéré pendant de nombreuses années que la valeur de ses oeuvres a augmenté. Au cours des 30 dernières années, au moins 20 oeuvres signées Joe Fafard ont été vendues aux enchères, oeuvres pour lesquelles il aurait eu droit à des redevances. Le prix total de ces oeuvres s'élève à 1,5 million de dollars. Il aurait donc reçu des redevances de près de 80 000 $ si le droit de suite était en place.
Ce total n'inclut ni le prix de ses oeuvres ayant été vendues aux enchères en ligne, ni les ventes secondaires faites par l'intermédiaire de marchands d'oeuvres d'art. Nous n'avons pas accès à ces renseignements, car seuls les détails des ventes aux enchères sont rendus publics.
C'est important de reconnaître que lorsqu'une oeuvre d'art est vendue, l'acheteur n'acquiert que l'objet et non la propriété intellectuelle. L'oeuvre d'art demeure la réalisation de l'artiste. L'artiste conserve toujours la propriété de son oeuvre. Le droit de suite pourrait permettre aux artistes de toucher une partie des profits et de soutenir l'économie.
Les 10 employés de Joe Fafard ont tous une famille; il ne serait donc pas le seul à tirer profit de toute somme qui lui serait versée: les redevances bénéficieraient également à ces 10 familles.
De façon similaire, le frère d'Annie Pootoogook, Cee Pootoogook, a dit qu'il avait de la famille et des amis qui n'avaient pas beaucoup d'argent, et elle vendait ses oeuvres et prenait soin d'eux. Les gens la suivaient à la coopérative chaque semaine, et elle partageait ses gains lorsqu'elle en avait. Nous ne pouvons minimiser l'importance des redevances quand les gens à qui elles bénéficient sont si nombreux.
Le droit de suite rémunère l'artiste pour sa contribution à la valeur de ses oeuvres et il fournit à l'artiste un revenu durable fondé sur cette valeur. Si l'oeuvre est donnée à un organisme ou offerte à un ami, le droit de suite représente la seule façon dont l'artiste peut être rémunéré pour cette oeuvre.
De plus, le droit de suite est ce qui permet aux artistes âgés de toucher un salaire. On tient souvent pour acquis que les artistes prospèrent une fois qu'ils sont établis. Pourtant, même les artistes comme Mary Pratt qui ont remporté des prix du Gouverneur général trouvent difficile, voire impossible, de gagner leur vie grâce à leur art. Les oeuvres de Mary Pratt ont été vendues pour très peu au début de sa carrière, et plus tard, elle a eu peine à continuer à créer pour gagner sa vie. Selon les recherches, les artistes visuels âgés ont un revenu médian de 5 000 $ par année, et un tiers de l'ensemble des artistes présente un risque financier élevé. Les artistes ont rarement le luxe de prendre leur retraite.
Le droit de suite aura-t-il une incidence sur les petites entreprises comme la mienne? Dans une certaine mesure, oui, mais les ventes secondaires représentent seulement un petit pourcentage de nos activités. Selon une étude menée par Patrimoine canadien, seulement 3 % des ventes secondaires sont faites par l'intermédiaire de galeries commerciales. La majorité des galeries n'en ressentiront pas les effets parce qu'elles font principalement ou exclusivement affaire avec le marché primaire.
À mes yeux, il ne s'agit que d'un petit montant à payer à nos artistes, et ils y ont droit. Notre galerie a déjà adopté la pratique de payer le pourcentage du droit de suite aux artistes que nous représentons.
En ma qualité de propriétaire d'une galerie, je vois souvent de jeunes artistes vendre leurs oeuvres à des prix grandement inférieurs à leur valeur, des prix qui ne leur permettent pas de gagner leur vie. Ils agissent ainsi pour essayer de percer dans le marché des arts et de s'établir, dans l'espoir qu'un jour, ils seront rémunérés adéquatement pour leurs oeuvres. Si l'on ne crée pas un milieu où c'est possible pour eux d'y arriver, les jeunes talents, frustrés par une industrie qui ne les soutient pas, continueront à se tourner vers d'autres professions.
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Bonjour. Merci beaucoup de cette invitation à comparaître devant vous.
Je suis le directeur général du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, le RAAV. Je suis accompagné de notre président, M. Moridja Kitenge Banza, un artiste en arts visuels.
Dans son mémoire, le RAAV demande que le Comité examine un ensemble de mesures liées à la révision de la Loi sur le droit d'auteur ainsi que des mesures connexes dont l'objectif est d'assurer une meilleure rémunération de la création artistique dans le domaine des arts plastiques et graphiques.
Nous aborderons d'abord le droit d'exposition, qui est spécifique aux arts visuels, et, dans un deuxième temps, les exceptions relatives à l'utilisation équitable et l'exception à des fins d'éducation, qui s'appliquent à plusieurs catégories d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.
Depuis la reconnaissance, en 1988, du droit d'exposition dans la Loi sur le droit d'auteur, de nombreux artistes en arts visuels ont vu leurs revenus augmenter sensiblement. Le paiement d'une redevance pour l'exposition de leurs oeuvres dans des contextes autres que ceux de vente ou de location s'est progressivement établi comme une norme. Malheureusement, la mention d'une date limite dans la Loi, soit celle du 8 juin 1988, fait en sorte que toutes les oeuvres produites avant cette date ne sont pas couvertes par le droit d'exposition, ce qui, à nos yeux, est une aberration. Les artistes plus âgés et des héritiers des artistes décédés se voient donc exclus. Cette date limite a pour effet d'établir une discrimination indirecte fondée sur l'âge, puisque — cela tombe sous le sens —, les oeuvres produites avant le 8 juin 1988 sont celles d'artistes plus âgés.
Cette limitation basée sur la date de création pourrait, selon nous, contrevenir à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Avec le temps, cette date s'avère de plus en plus arbitraire et isole encore davantage les artistes plus âgés. Nous comprenons qu'à l'époque l'application de ce droit pour les oeuvres créées après cette date minimisait l'impact financier de ce nouveau droit sur les musées et les galeries. Or, 30 ans plus tard, cet argument ne tient plus et le paiement des droits d'exposition doit être la norme, peu importe la date de création des oeuvres et, indirectement, de l'âge des artistes les ayant créées.
L'âge moyen des artistes est assez élevé. L'étude que nous avons menée auprès des membres de notre regroupement montre qu'il est de 59 ou 60 ans. Vous pouvez imaginer une situation où, dans une même exposition, certains artistes toucheraient des droits d'exposition et d'autres pas. Ceux qui seraient payés seraient les plus jeunes, les plus vieux ne le seraient pas pour leurs oeuvres plus anciennes.
Un artiste de Toronto, Karl Beveridge, m'a mentionné que, pour une de ses expositions qui a tourné partout au Canada, certaines galeries le payaient et d'autres pas. Selon nous, c'est un non-sens. La limitation prévue à l'alinéa 3(1)g) devrait donc être éliminée.
Lors de la révision précédente de la Loi sur le droit d'auteur, nous avions manifesté de sérieuses craintes du fait que l'introduction d'une nouvelle exception d'utilisation à des fins d'éducation pourrait affecter sérieusement les revenus des artistes. Malheureusement, ces craintes se sont avérées.
Vous avez reçu des mémoires de différentes sociétés de gestion, dont Copibec, Access Copyright et Droits d'auteur arts visuels, qui illustrent de façon éloquente les effets négatifs de cette nouvelle exception. À la suite de l'introduction de cette exception, certaines universités ont réagi en adoptant leurs propres lignes directrices quant à l'utilisation équitable. Pensons à l'Université Laval, qui n'a pas renouvelé ses licences collectives avec une société de gestion et qui a rédigé sa propre politique relative à l'utilisation de l'oeuvre d'autrui. Ce n'est qu'à la suite d'un recours collectif de Copibec que l'Université Laval a accepté de suspendre cette politique et de signer des licences rétroactives.
De la même façon, il y a eu un recours de l'Université York, de Toronto. La Cour fédérale a entendu la demande de cette université visant l'obtention d'une déclaration selon laquelle son utilisation des reproductions d'oeuvres était équitable, conformément à l'article 29 de la Loi sur le droit d'auteur. Toutefois, voici ce que disait la décision rendue par le juge Phelan: « Les propres lignes directrices de York sur l'utilisation équitable ne sont pas équitables, que ce soit dans leur formulation ou dans leur application. » Si l'on appliquait intégralement les politiques de l'Université York, en reprenant dans une anthologie ce livre-ci, qui est mentionné dans la décision du juge Phelan, il n'y aurait pas de droits d'auteur à payer. C'est tout simplement inacceptable.
Plusieurs ministères de l'Éducation ont aussi mis fin à leurs licences de reproduction. Nous faisons donc face à une notion très élastique, qui doit être mieux encadrée quant à sa portée.
Nous estimons que les critères pour nous aider à déterminer l'utilisation équitable dans l'affaire CCH, qui remonte à 2004, doivent être complétés et précisés.
Nous y avons pensé et en avons discuté avec d'autres organisations, et nous ne demandons pas le retrait pur et simple de l'exception aux fins d'éducation. Cependant, cette exception doit être mieux encadrée, et le critère de l'impact de l'utilisation sur le marché devrait être fondamental pour déterminer si l'utilisation est équitable.
Nous soulignons que les modèles britannique et australien — nous en parlerons tantôt — sont inspirants, alors que la reproduction aux fins d'éducation, de recherche et d'étude privée devrait s'accompagner d'un mécanisme garantissant en tandem une juste rémunération lorsque des licences sont disponibles par l'entremise des sociétés de gestion de droits d'auteur.
Selon le modèle proposé, l'exception relative à l'utilisation équitable ne s'appliquerait pas aux établissements d'enseignement lorsqu'une oeuvre est accessible sur le marché au moyen d'une licence émise par une société de gestion de droits d'auteur. Il s'agit d'un système dit de « licences obligatoires », qui est très bien décrit dans une fiche d'information que l'Australian Copyright Council a soumise à votre comité. En fait de taille, le marché australien est semblable à celui du Canada.
De plus, une telle modification ferait en sorte que le Canada serait à niveau quant au critère à trois volets reconnu à l'article 9 de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, qui permet des exceptions particulières au droit de reproduction dans la mesure: où les circonstances constituent un cas spécial; où elles n'entrent pas en conflit avec l'exploitation normale d'une oeuvre; et où de telles reproductions ne causent pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de droits d'auteur.
Pour atteindre ce but, l'article 29 de la Loi sur le droit d'auteur devrait être amendé pour y introduire une référence à l'article 2bis de la Convention de Berne ou avoir une formulation semblable à celle qu'a proposée Access Copyright, notamment.
En terminant, le RAAV appuie fortement le droit de suite, dont le CARFAC vient de parler en détail.
Je conclus cette présentation en insistant sur l'importance des licences obligatoires et de la gestion collective.
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Bonjour. Merci, madame la présidente, merci, mesdames et messieurs, de nous avoir invités à nous adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Paddy Lamb. Je travaille comme artiste visuel et je vis dans le comté de Strathcona, en Alberta. Je défends activement les artistes visuels aux échelles locale, provinciale et nationale depuis plus de 15 ans. Je suis devenu coprésident de Droits d'auteur Arts Visuels en 2015. Bien que mes oeuvres soient vendues dans une galerie commerciale, les ventes occasionnelles ne représentent qu'une petite partie des gains que je tire de ma pratique. J'aimerais donc commencer par vous expliquer l'importance de la distribution des redevances pour les artistes comme moi partout au pays et le travail de notre organisme à cet égard.
Droits d'auteur Arts Visuels est une société de gestion des droits d'auteur sans but lucratif gérée par et pour les artistes. Nous offrons des services spécialisés de gestion des droits d'auteur aux artistes canadiens et québécois professionnels en arts visuels et médiatiques. Nous fournissons aux utilisateurs un accès complet aux oeuvres d'art et aux services professionnels de nos membres. Nous négocions les conditions pour l'octroi de licences d'utilisation des oeuvres, nous collectons les redevances et nous payons les artistes.
Nous nous efforçons de fournir à l'ensemble des artistes canadiens en arts visuels et médiatiques des mécanismes inclusifs et accessibles pour la gestion des redevances de droits d'auteur. Nous cherchons également à renseigner les artistes sur le droit d'auteur, ainsi que sur la propriété intellectuelle et morale et l'utilisation de leurs oeuvres. Nous visons aussi à améliorer les conditions socioéconomiques des artistes visuels en revendiquant l'amélioration des lois fédérales, y compris le droit de suite, la réforme de la Loi sur le droit d'auteur, l'utilisation équitable et des normes en matière de pratique exemplaire.
Droits d'auteur Arts Visuels a plus de 25 ans d'expérience dans la collecte et la remise de redevances de droits d'exposition, de reprographie et de reproduction pour les artistes visuels. Quelque 1 000 artistes reçoivent des redevances annuelles. Nous émettons tous les formulaires d'impôt requis concernant les paiements. Tout artiste qui le souhaite peut devenir membre sans frais.
En notre qualité de société de gestion collective principale pour les artistes visuels canadiens, nous suivons l'évolution des politiques sur le droit d'auteur et nous y réagissons. Nous assistons régulièrement aux réunions de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs, la CISAC, et de son sous-groupe, le Conseil international des créateurs des arts graphiques, plastiques et photographiques. Ainsi, nos membres bénéficient d'une connaissance du marché international et d'accords de licences réciproques avec plus de 15 pays. Chaque année, nous présentons des exposés sur le droit d'auteur et sur nos services dans le cadre de congrès nationaux et régionaux, de réunions d'associations d'artistes et de groupes communautaires, ainsi que de cours sur la pratique professionnelle dans les universités et les collèges.
Récemment, nous avons entrepris de nouveaux projets importants pour répondre aux besoins des artistes. Nous travaillons avec une vaste coalition d'associations d'artistes autochtones à l'élaboration d'un guide sur la propriété intellectuelle autochtone. De plus, nous collaborons avec CARFAC et Access Copyright pour créer de nouveaux outils visant à permettre l'attribution certifiée d'oeuvres d'art au moyen de la technologie de chaîne de blocs.
En outre, Droits d'auteur Arts Visuels est le partenaire responsable d'un projet majeur dont le but est de créer un site Web d'octroi de licences en ligne pour les arts visuels canadiens. Le projet vise à employer les technologies numériques de manière stratégique en créant un outil moderne de gestion du droit d'auteur pour les artistes visuels, un outil qui simplifie et accélère le processus d'octroi de licences et qui permet de faire des paiements en ligne en toute sécurité. Le site Web améliorera l'accès aux oeuvres des artistes visuels canadiens, tout en veillant à ce que les droits des artistes soient respectés et à ce que les redevances soient payées. Le projet comprend une banque d'images en ligne des oeuvres des artistes, une calculatrice des redevances et un système intégré d'octroi de licences. Il permettra aux artistes, aux musées, aux centres d'artistes autogérés, aux établissements d'enseignement et aux utilisateurs privés de se joindre aux autres joueurs des industries créatives canadiennes en participant pleinement à l'économie numérique.
J'aimerais maintenant vous présenter mon collègue, M. Grant McConnell.
Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis Grant McConnell. Je travaille comme artiste visuel à Saskatoon, où j'enseigne également les arts visuels en atelier et l'histoire de l'art au Canada à temps partiel à l'Université de la Saskatchewan et au Collège St. Peter's affilié. Je suis membre du Front des artistes canadiens depuis 40 ans et j'ai exercé deux mandats à titre de président et de porte-parole national de cet organisme. Je suis actuellement membre du conseil d'administration d'Access Copyright.
L'organisme Droits d'auteur Arts visuels m'a demandé de parler aujourd'hui en tant qu'artiste. C'est à partir de cette perspective que je vais aborder quelques-unes des questions que vous examinez actuellement.
Je ne suis pas parmi les artistes connus. Vous ne connaissez probablement pas mon nom ou mes oeuvres. Bien que j'aie connu un succès modéré dans le cadre d'expositions dans des galeries publiques et commerciales au cours des 35 dernières années, je pourrais me décrire comme un artiste qui a touché un revenu moyen au cours de sa carrière. Dans la pratique de mon art, j'ai gagné près des 24 000 $, dont on a fait allusion dans le mémoire écrit, pendant de nombreuses années.
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Je travaille fort pour toutes les réalisations importantes et commerciales que j'ai eues, et même si j'aime enseigner, j'ai besoin de ce deuxième revenu pour joindre les deux bouts, nourrir ma famille et continuer d'apporter ce que je pense être une précieuse contribution comme artiste à ma communauté et au Canada.
Quand je pense à ce dont j'ai besoin en tant qu'artiste pour continuer de pratiquer mon art et que j'ai confiance d'avoir une chance de réussir dans la profession que j'ai choisie, les solutions sont modestes. L'une de ces solutions est l'accès à un revenu supplémentaire tiré des droits d'exposition et de paiements pour la reproduction, qui sont actuellement limités en vertu de la loi existante. Une autre solution, qui est plus appropriée maintenant que j'ai 60 ans, c'est que je pourrais tirer une part d'une revente avec profits d'une oeuvre à une galerie commerciale ou à une maison de vente aux enchères. Ces attentes sont assez simples, mais les artistes sont rémunérés par petits versements. Un droit d'exposition ou un paiement pour reproduction de 400 $ est ce qui nous permet de continuer notre travail notoirement imprévisible.
Je vous prie de faire preuve d'indulgence à l'égard du point suivant que je vais soulever. Il y a des observations qui peuvent s'appliquer, je pense, aux carrières des écrivains, des compositeurs, des musiciens, des chorégraphes et d'autres artistes lorsque je dis que nous avons des oeuvres qui n'ont pas été vendues, qui n'ont pas été vues par le public, qui ne sont pas publiées ou qui n'ont pas été mises en scène. Cela fait partie du travail du créateur qui réussit. Comme un scientifique qui effectue de nombreuses expériences avant de faire une découverte, nous, les artistes, n'avons aucune garantie de succès à court terme. Dans notre travail non reconnu et non primé, nous apportons une contribution importante à la production culturelle du Canada.
Je soulève cet énoncé aujourd'hui, car il est déraisonnable de nous demander de renoncer à un rendement financier possible d'une oeuvre réussie qui trouve une place dans le monde. Tout ce que nous demandons, c'est que lorsqu'une oeuvre d'art rejoint le public par l'entremise d'une exposition, d'une publication, d'une mise en scène ou d'une reproduction, nous ne voulons pas nous faire demander de laisser tomber un paiement qui pourrait découler de cet engagement. L'équilibre entre les droits des utilisateurs et des créateurs que nous voulons atteindre peut se résumer en deux mots: les licences et les redevances.
J'aimerais, un instant, aborder plus particulièrement l'utilisation équitable en lien avec notre contenu créatif au Canada. J'ai consulté récemment le site Web de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université pour mieux comprendre sa position sur l'appui à l'utilisation équitable pour l'éducation. C'est une position que je n'adopte pas, mais j'ai approuvé une grande partie de ce que j'ai lu. Les artistes ne veulent pas que leurs oeuvres soient incluses dans des recueils de cours abordables. Ils veulent que leurs vidéos soient présentées dans les salles de classe et que leur art fasse partie du contenu de la classe.
La grande différence entre la position de l'ACPPU et ma position, c'est que je crois que le contenu devrait être adéquatement rémunéré par l'entremise de licences. Je ne suis pas un cartel de publication qui s'en prend à l'utilisation équitable pour des motifs mercenaires, comme on le décrit sur le site Web. Je suis un artiste qui doit relever les aberrations de la loi sur les droits d'auteur de 2012 qui ont indûment touché mes revenus et les revenus de mes collègues. Le chèque de remboursement des droits d'auteur remis aux artistes était autrefois suffisant pour payer une consultation chez le dentiste ou les vêtements des enfants pour la rentrée scolaire, mais ce n'est plus le cas.
Je vais vous fournir quelques renseignements sur les ententes axées sur les règles. Nous avons beaucoup entendu parler des ententes axées sur les règles au cours de la dernière année en lien avec un accord commercial conclu avec un partenaire économique. Mais quel est l'ensemble de règles et qui en bénéficiera? L'utilisation équitable pourrait être examinée dans cette même optique. Si vous vous rendez sur le campus de n'importe quelle université canadienne qui participe beaucoup à la recherche à l'heure actuelle et que vous proposez une réduction considérable des protections de la propriété intellectuelle couvertes par la Loi sur les brevets, vous seriez reçus froidement, et le mot est faible.
On peut probablement dire la même chose d'une suggestion que des enseignants et des professeurs d'université...
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Je vous remercie, madame la présidente.
[Traduction]
Je suis Jean La Rose. Je suis le directeur général du Réseau de télévision des peuples autochtones, ou APTN, et le président de First Peoples Radio, dont je parlerai dans un instant. Je suis accompagné aujourd'hui de Sky Bridges, chef des opérations d'APTN. Nous parlerons à tour de rôle pour faire l'exposé.
Nous sommes ravis de témoigner aujourd'hui sur les modèles de rémunération des artistes et des industries créatives. Permettez-moi d'abord de parler d'APTN et du rôle que nous jouons dans l'industrie de la télévision autochtone.
Le lancement d'APTN en 1999 a eu une incidence considérable sur la participation des Autochtones dans le secteur de la télévision. Avant APTN, les occasions créatives pour les peuples autochtones étaient limitées. La production autochtone se fait principalement dans le cadre du Programme d'accès des Autochtones du Nord à la radiodiffusion et du financement offert par Patrimoine canadien aux sociétés de communications autochtones.
Les sociétés jouaient un rôle de premier plan pour produire du contenu autochtone, surtout dans les langues autochtones. Cependant, les ressources à la disposition du secteur n'appuyaient pas une grande partie du contenu et n'étaient pas disponibles partout au Canada. APTN a été créé par quelques-unes des sociétés de communications pour relever ces défis, et elles sont toujours des membres d'APTN.
L'un des objectifs d'APTN lorsqu'il a été lancé était de produire plus de contenu à valeur élevée dans tous les formats télévisuels, y compris les émissions dramatiques, les documentaires, les nouvelles et les émissions sur le mode de vie et le divertissement, et de mettre ce contenu à la disposition de tous les Canadiens.
Le réseau APTN est un succès. Vous connaissez sans doute bon nombre de nos programmes, y compris de grandes émissions dramatiques comme Mohawk Girls, qui a été créée par Tracey Deer et Cynthia Knight et produite par Rezolution Pictures, et une téléréalité plus récente intitulée First Contact, dans le cadre de laquelle six Canadiens moyens qui ont des opinions arrêtées au sujet des peuples autochtones font un voyage de 28 jours dans les régions autochtones canadiennes. L'émission First Contact est fondée sur un format australien et est une coproduction d'Indios Productions et d'Animiki See Digital Production, une entreprise de production associée d'APTN.
Nous appuyons maintenant des centaines d'heures de production autochtone originale dans tous les formats, y compris nos reportages primés sur l'actualité et du contenu informationnel. Nous faisons la production et l'acquisition de contenu en anglais et en français, de même que dans au moins 15 langues autochtones, chaque année.
Lorsqu'APTN a été lancé en 1999, il n'y avait qu'un petit nombre de producteurs autochtones indépendants au Canada. Nous mandatons maintenant la production et faisons l'acquisition de contenu de près d'une centaine d'entreprises différentes, en plus de nos propres productions. Collectivement, le secteur emploie des centaines de personnes, tant devant que derrière les caméras. C'est une réalisation remarquable.
Parce qu'APTN est distribué à l'échelle nationale en tant que service de base par câble, par satellite et par plateformes IPTV, ce contenu est disponible à tous les Canadiens. Nous croyons que c'est quelque chose dont tous les Canadiens devraient être fiers.
Par conséquent, lorsque nous examinons les modèles de rémunération pour les créateurs, je pense qu'il est important de revenir aux premiers principes. APTN a créé un espace dans le système de diffusion pour l'expression autochtone. Sans APTN, les occasions étaient pratiquement inexistantes, et sans occasions, il est impossible de toucher une rémunération significative.
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Ce que le réseau APTN a fait pour la télévision, nous espérons maintenant que nous pourrons le faire pour la radio et la musique par l'entremise de First Peoples Radio, ou FPR.
FPR vient de lancer deux nouvelles stations de radio autochtones à Ottawa et à Toronto. Fonctionnant sous le nom de ELMNT.FM, le CRTC a octroyé des licences à deux stations en juin 2017 à la suite d'un concours. ELMNT.FM offrira de la musique, des nouvelles, des émissions d'information, des tribunes téléphoniques et des émissions-débats d'un point de vue autochtone et dans un format populaire. La station offrira également des programmes en langue autochtone pertinents à chaque marché. Ces stations ne reçoivent aucun financement du gouvernement, si bien qu'elles devront se débrouiller seules sur le marché concurrentiel.
Ces stations offriront aux musiciens autochtones une visibilité et un temps d'antenne beaucoup plus importants que ce qu'ils obtenaient sur les stations de radio grand public. Au moins 25 % de la musique que nous ferons jouer sera celle d'artistes autochtones canadiens. Le bassin de talents est riche, et une visibilité accrue pour la musique autochtone peut donner lieu à un temps d'antenne accru sur d'autres stations également.
Deux stations ne transformeront peut-être pas la scène musicale comme APTN l'a fait pour la télévision, mais c'est un début. La possibilité accrue pour les musiciens autochtones de percevoir des redevances parce que leurs oeuvres sont passées sur les ondes est bienvenue.
On n'examine pas seulement la radio. Les artistes autochtones sont prolifiques pour créer du contenu et ont influencé des groupes importants et des genres musicaux. Permettez-moi d'attirer votre attention sur une entreprise de production autochtone canadienne, Rezolution Pictures, de Montréal.
Le film s'intitule Rumble! Le rock des Indiens d'Amérique. C'est un documentaire sans précédent sur l'histoire de la musique. En racontant le parcours d'icônes du jazz, du blues et du rock, le film Rumble rend hommage aux influences autochtones qui ont transformé la musique populaire malgré des tentatives de censurer et d'éradiquer les cultures autochtones américaines au cours de l'histoire, un chapitre musical trop souvent étouffé que Rumble met à l'avant-plan.
Toutefois, le succès dans la musique grand public et la sécurité financière ne sont souvent pas courants parmi ces musiciens. Les nouvelles plateformes numériques ne semblent pas être la solution, et de nombreux commentateurs soulèvent que la musique est plus disponible que jamais sur les plateformes numériques, mais que les paiements versés à nos artistes sont en baisse.
APTN élabore actuellement un outil de gestion de la musique autochtone pour aider les artistes autochtones à faire progresser leur carrière et à accéder aux sources de revenus.
Comme vous le savez sans doute, les spectacles en direct sont encore les principales sources de revenus des musiciens, si bien que pour soutenir ce secteur, il est important de faire connaître les talents autochtones au public.
De plus, en tant que diffuseur, APTN connaît la vaste sélection de contenu pour la synchronisation avec la télévision et la production de films. C'est un secteur de croissance potentielle pour les artistes autochtones. Par l'entremise de nos services radiophoniques et d'initiatives musicales, APTN vise à aider les musiciens autochtones à prendre la place qui leur revient sur la scène musicale canadienne.
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Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous vous remercions de nous avoir invités à participer à l'examen de la Loi sur le droit d'auteur. Je m'appelle Élisabeth Schlittler et je suis déléguée générale pour le Canada de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD, ainsi que de la Société civile des auteurs multimédia, la SCAM.
La SACD et la SCAM — je suis désolée pour l'acronyme, qui peut paraître incongru à des personnes anglophones, mais c'est celui que porte l'organisme —, qui ont des bureaux à Montréal depuis plus de 30 ans, sont deux sociétés qui gèrent, au Canada et à l'international, les droits de leurs membres, qui touchent un vaste répertoire d'oeuvres dramatiques et documentaires. Elles ont été chargées par leurs membres-auteurs de négocier, de percevoir et de répartir les redevances versées par les utilisateurs des oeuvres des répertoires audiovisuel, radiophonique et scénique. Ce sont deux sociétés de gestion collective au sens de la Loi sur le droit d'auteur.
La SACD regroupe les auteurs d'oeuvres à caractère dramatique, soit des scénaristes, des réalisateurs, des réalisatrices, des dramaturges, des chorégraphes, des compositeurs et des metteurs en scène. La SCAM représente les scénaristes ainsi que les réalisateurs et les réalisatrices d'oeuvres à caractère documentaire. La SACD-SCAM représente près de 2000 auteurs canadiens, francophones et anglophones, essentiellement des scénaristes ainsi que des réalisateurs de séries télévisuelles, de longs métrages, de dessins animés, de courts métrages ainsi que de séries Web ou radiophoniques. Elle représente aussi des dramaturges et des chorégraphes.
En adhérant à la SACD ou à la SCAM, les auteurs nous confient entre autres leur droit de communiquer leurs oeuvres au public par l'entremise des télécommunications. Le répertoire audiovisuel de la SACD est constitué de longs métrages tels que La chute de l'empire américain, de Denys Arcand, et de séries telles que District 31, de Luc Dionne. Le répertoire de la SCAM, quant à lui, est constitué de documentaires tels que Roger Toupin, épicier variété, de Benoît Pilon, et Un pont entre deux mondes, de Pascal Gélinas.
En contrepartie des apports que constituent les droits des auteurs, la SACD-SCAM s'engage auprès de ces derniers à négocier les conditions des licences qu'elle accordera, notamment aux chaînes de télévision et aux plateformes numériques qui leur permettent d'exploiter les répertoires. Au Canada, la SACD-SCAM a négocié des licences qui couvrent six chaînes traditionnelles, vingt chaînes spécialisées, une chaîne payante, cinq plateformes numériques, une chaîne de radio et une entente pour les droits du câble. Grâce aux contrats négociés par la SACD-SCAM en France, en Belgique, au Luxembourg et à Monaco avec les chaînes de télévision et des plateformes numériques telles que YouTube et Netflix, ainsi que dans ses ententes avec des sociétés d'auteurs nationales, notamment en Suisse, en Italie, en Espagne et en Pologne, les membres canadiens sont assurés de recevoir des redevances découlant de l'exploitation de leurs oeuvres dans ces pays.
Le principe de rémunération qui est défendu par la SACD-SCAM, notamment dans les pays francophones d'Europe, et qui est appliqué au Québec, est très simple: un auteur doit être lié à la durée de vie économique de son oeuvre et il doit être rémunéré pour toutes les formes d'exploitation de cette dernière. En d'autres mots, un auteur doit bénéficier des retombées du succès de son oeuvre et être rémunéré équitablement par tous les utilisateurs de son oeuvre, entre autres par les chaînes de télévision et les plateformes numériques.
En ce sens, la gestion collective des droits continue d'être indispensable, particulièrement à l'ère du numérique. L'examen actuel de la Loi sur le droit d'auteur doit favoriser la création des oeuvres et la juste rémunération des auteurs en outillant plus adéquatement les sociétés de gestion collective. Nous demandons au gouvernement, en contrepartie de l'apport inestimable des auteurs à l'économie et à la culture du Canada, que la Loi les reconnaisse et qu'elle impose leur rémunération. Il est temps de faire contrepoids aux multiples exceptions adoptées en 2012 et de se souvenir que cette loi est censée protéger les auteurs. Le gouvernement doit stopper le pillage des biens intellectuels issus du travail des auteurs. Il doit envoyer un message clair indiquant que tout travail mérite un salaire et qu'on ne peut pas tout obtenir gratuitement.
Dans le mémoire que nous avons déposé en mai dernier, vous trouverez le détail de nos recommandations. En voici un bref aperçu.
Tout d'abord, nous recommandons que le flou juridique entourant la question de la titularité des droits sur l'oeuvre cinématographique, l'oeuvre audiovisuelle, soit clarifié. Selon nous, il est nécessaire de préciser qu'il s'agit d'une oeuvre de collaboration entre plusieurs coauteurs et de prévoir une présomption de titularité au bénéfice du scénariste et du réalisateur.
Cette clarification nous permettra notamment de négocier avec les chaînes et les plateformes canadiennes la rémunération de nos membres réalisateurs qui en ont été privés jusqu'ici.
À l'instar de la majorité des pays disposant d'un régime de copie privée, nous recommandons que le régime canadien de copie privée soit étendu aux oeuvres audiovisuelles et qu'il s'applique à tous les supports utilisés par les consommateurs pour les reproduire. Cette extension du régime à l'audiovisuel corrigerait ainsi une situation impossible à justifier auprès des auteurs et des sociétés soeurs avec lesquelles nous avons des ententes fondées sur la réciprocité.
Finalement, nous recommandons, à l'instar du Parlement européen, que tous les intermédiaires du numérique contribuent au financement du contenu culturel puisqu'ils l'acheminent ou y donnent accès à leurs abonnés et en tirent des profits. Nous saluons la démarche du visant à trouver des solutions fiscales au commerce électronique, mais nous demandons que toutes les taxes qui sont perçues par les entreprises nationales le soient également par les entreprises étrangères et qu'une part des sommes ainsi perçues soit réservée au financement de la culture canadienne.
Finalement, nous nous réjouissons que le Canada se soit engagé dans l'Accord États-Unis-Mexique-Canada à modifier enfin la durée du droit d'auteur au Canada en la portant à 70 ans, afin de refléter la durée prolongée de l'exploitation des oeuvres et d'harmoniser la loi canadienne avec les lois étrangères modernes.
Au nom des membres de la SACD-SCAM, je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.
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Le témoin s'exprime en inuktitut.]
Je suis Lucy Tulugarjuk, productrice exécutive au NITV, Nunavut Independent Television Network, et je travaille en étroite collaboration avec Isuma Distribution International. Je suis reconnaissante d'être invitée à assister à cette réunion.
Isuma est un groupe collectif d'entreprises et de personnes qui oeuvrent dans l'industrie de la production, de la diffusion et de la distribution de contenu vidéo en langue inuite depuis les 30 dernières années. Nous sommes une organisation inuite, mais nous travaillons comme une initiative interculturelle nationale. Je travaille avec Jonathan Frantz, Norman Cohn, Zacharias Kunuk et Sam.
Deux des fondateurs d'Isuma sont Zacharias Kunuk et Norman Cohn, qui sont tous les deux des aînés et ont hâte à la retraite. Jonathan et moi sommes la prochaine génération d'Isuma pour continuer d'offrir du contenu créé, interprété et produit par des Inuits et de préserver notre culture et notre langue. Nous espérons pouvoir pendant des années encore avoir le droit de publier l'art inuit dans les médias et de faire connaître l'art inuit aux auditoires à l'échelle nationale et internationale.
Lorsque nous avons commencé, les applications autochtones n'étaient pas admissibles aux fonds des grands organismes de financement du Canada. Zacharias figurait parmi les premiers artistes autochtones à obtenir du financement du Conseil des arts du Canada. Nous avons exercé des pressions pendant des années auprès du Fonds des médias du Canada et de Téléfilm Canada pour avoir accès à du financement de production professionnelle et aider à créer ce qui est maintenant un secteur de production autochtone canadien en pleine expansion.
Ce faisant, nous avons produit un film qui a été récompensé à Cannes en 2001 et qui a été qualifié par le Festival international du film de Toronto comme étant le meilleur film du Canada de tous les temps, Atanarjuat, la légende de l'homme rapide. C'était la première fois que je faisais partie d'un long métrage en tant qu'actrice et, à partir de là, j'ai continué de travailler avec Zacharias et Norman derrière et devant les caméras, à la distribution des rôles, à la production, au maquillage et à la rédaction de scripts.
J'ai rédigé mon premier script et dirigé un long métrage, et nous allons maintenant diffuser en première Tia et Piujuq, qui est notre premier long métrage pour enfants en inuktitut, en anglais, en français et en arabe. J'espère que nous continuerons de produire plus de films inuits dans le futur pour que nous puissions continuer de préserver notre langue et notre culture.
Je vais céder la parole à mon collègue, Jonathan.
Isuma a pu s'épanouir, non seulement en raison des excellents films qui ont été produits, mais aussi parce que l'on a été en mesure de créer une entreprise viable dans une localité aussi éloignée qu'Igloolik qui compte à peine 2 000 habitants. C'est à quelque cinq heures de vol au nord d'Ottawa.
Grâce au travail de Norman Cohn et de Zacharias Kunuk, on a réussi à former un groupe combinant entreprises et organismes sans but lucratif pour appuyer tout le processus de production, du début jusqu'à la fin. Des entreprises ont été constituées en société, une agence sans but lucratif désormais reconnue par le Fonds des médias du Canada à titre de diffuseur a été mise sur pied, et une entreprise de distribution vient de voir le jour.
C'est à la faveur des liens ainsi tissés entre ces différentes organisations qu'Isuma a pu devenir le plus important employeur non gouvernemental à Igloolik, devant l'activité minière et les autres débouchés économiques offerts dans le Nord, tout en créant un produit favorisant l'épanouissement de la culture et de la langue inuites.
Nous avons récemment commencé à exporter ce modèle de production locale autochtone vers d'autres nations du Canada. En collaboration avec la nation Haïda, nous avons ainsi lancé il y a peu de temps Edge of the Knife, un film en haïda, une langue qui n'est plus parlée que par 24 personnes dans le monde. Cet effort pour contribuer à la survie de la langue haïda a fait l'objet de nombreux reportages médiatiques tant au Canada qu'à l'étranger. Nous sommes heureux de constater que le modèle d'Isuma peut être étendu et mis à contribution dans d'autres secteurs.
Dans l'état actuel des choses, il est notamment difficile pour nous de rendre accessible à des publics autochtones le contenu que nous produisons. Il y a très peu de distributeurs sur le marché et un très petit nombre d'entre eux s'intéressent au genre de travail que nous accomplissons. Les films en langue autochtone avec sous-titres ne satisfont pas aux critères habituels d'investissement des entreprises de distribution, et il est impossible de demander du financement de Téléfilm Canada si l'on n'a pas de distributeur.
Le gouvernement canadien a beaucoup fait pour appuyer notre capacité de production de films, mais nous estimons que le soutien laisse à désirer lorsque vient le temps de mettre ces films sur le marché. Nous sommes à la recherche des ressources, des partenaires et des occasions nécessaires pour que ces films importants puissent être vus par les gens qu'ils intéresseront le plus.
Isuma Distribution s'emploie actuellement à rassembler des fonds. Nous obtenons un excellent soutien des agences gouvernementales locales. Nous avons créé un système hybride faisant appel à la distribution via Internet par l'entremise de notre propre site Web — Isuma TV — et sur iTunes. Nous sommes également en négociation avec Netflix. Nous faisons en outre de nombreuses tournées avec un équipement professionnel de projection afin que les gens de ces collectivités éloignées aient le bonheur de voir ces films qui les intéressent au premier chef dans un environnement cinématographique de qualité. Nous organisons aussi des visionnements dans de petits cinémas indépendants. Nous reconnaissons en effet qu'il n'est pas commercialement viable d'essayer de programmer nos films pendant des semaines complètes dans un cinéma de 600 places, mais qu'il peut être très rentable de le faire pendant quelques jours dans un petit cinéma de 50 places.
Nous aimerions pouvoir bénéficier d'un plus grand soutien à ce niveau. Notre capacité de distribuer ces films dans les collectivités éloignées dépend en grande partie d'une meilleure connectivité Internet. Le Nord se distingue par des services de connexion parmi les plus coûteux et les moins performants au Canada. L'accès à Internet est 10 fois plus cher et 10 fois plus lent que dans le Sud, si bien qu'il est difficile pour nos clients et nos différents publics d'avoir accès au contenu que nous créons.
Je vais m'arrêter là. Merci beaucoup pour le temps que vous nous consacrez.
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À la lumière de tout ce que nous avons pu entendre, il est bien certain à notre point de vue qu'il faut surtout s'employer à trouver des possibilités de mettre en vitrine le contenu que nous créons et à cerner les moyens à prendre pour étendre encore davantage ces possibilités.
Comme nous l'indiquions précédemment en parlant du modèle de rémunération, c'est généralement lorsqu'on a l'occasion de diffuser son matériel que l'on peut en tirer certains revenus. Dans le cas de la programmation en langue autochtone, ces occasions sont très rares et se limitent parfois à une seule communauté. Le sous-titrage peut permettre d'étendre le public visé — et nous ne manquons pas d'y avoir recours — mais il demeure difficile d'intéresser des publics plus vastes afin de générer de nouvelles recettes qui nous permettraient de créer encore davantage de contenu.
Le réseau APTN peut aussi compter sur un service de distribution permettant de collaborer avec bon nombre de nos producteurs autochtones pour la diffusion de ce contenu. Des événements comme MIPCOM, MIP-TV et MIP Cancun sont autant de nouvelles tribunes planétaires pour la diffusion de nos productions, et je me réjouis d'entendre qu'Isuma est aussi active à ce niveau. Peut-être y aurait-il d'ailleurs des possibilités de collaboration entre nous.
Du point de vue de la réglementation, il semble certes exister désormais de meilleures possibilités pour les Autochtones du Canada de rendre ce contenu accessible. Il y a des mesures à prendre tant du point de vue législatif qu'au niveau des politiques pour que ces possibilités puissent maintenant se concrétiser. À titre d'exemple, la Loi sur la radiodiffusion parle de la place particulière qu'occupent les peuples autochtones, mais qu'entend-on exactement par place particulière?
À partir du moment où des ressources deviennent disponibles — nous sommes actuellement l'un des pays les plus riches du monde et si l'on nous dit que nous n'avons pas les ressources nécessaires, je devrai en conclure que nous ne les aurons jamais —, je pense qu'il incombe à ce comité tout comme au Parlement et au gouvernement de trouver des façons de traduire en actions concrètes ces belles paroles afin de nous fournir des occasions de diffuser dans le reste du monde ces oeuvres qui reflètent notre vécu.
Je vais permettre aux autres témoins de répondre également.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je vous remercie tous d'être ici.
Madame Schlittler, il y a environ deux ans, j'ai eu la chance de rencontrer votre directeur général, M. Rogard. La tempête de la taxe sur les produits et services, la TPS, sur les services de télévision par contournement au Canada a vraiment commencé lors de cette rencontre. Il avait bien raison: l'imposition de la TPS aux fournisseurs de contenus en ligne est une manière de s'assurer de savoir qui fait quoi, et à quel point.
Je vous remercie beaucoup. Nous prenons bonne note de vos recommandations.
Dans les deux cas, vos deux organisations peuvent témoigner de l'importance de la découvrabilité. M. Bridges avait fait allusion, entre autres, aux faibles droits d'auteur qui sont versés par les services de diffusion de musique en continu. Cependant, dans les deux cas, je pense que le succès d'APTN, une chaîne que je connais beaucoup mieux, est lié au fait que sa programmation n'est pas cantonnée à un poste donné de mon terminal Vidéotron. Elle fait partie de l'offre, et je la vois passer. Les créateurs de contenus se préoccupent-ils de la découvrabilité au sein de cette abondance dans l'offre, vu la baisse des revenus liés aux droits d'auteur associés à chaque écoute, à chaque visionnement? Il ne faut pas non plus oublier de préserver nos parts de marché. Êtes-vous de cet avis?
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Souvent, on voit beaucoup de neige avant de nous trouver, et il est facile de se perdre dans une tempête de neige.
La découvrabilité est réellement très importante. Chez Vidéotron, je crois qu'APTN fait partie des 10 à 15 premières chaînes. Chez Rogers, nous sommes regroupés avec d'autres chaînes dans le forfait de base. Cela nous aide beaucoup à nous faire découvrir. Chez d'autres diffuseurs, par contre, nous nous retrouvons aux chaînes 300, alors que le forfait télévisuel de base comprend des chaînes numérotées de 1 à 50. Il arrive parfois que personne ne réussisse à nous trouver.
Cela nuit beaucoup à nos revenus. En effet, la société Numeris ne mesure malheureusement pas l'auditoire d'APTN. Elle mesure plutôt un auditoire canadien dans lequel le nôtre peut ou non se trouver. Souvent, lorsqu'elle a de la difficulté à former un groupe pour recueillir certaines données audimétriques, comme c'est arrivé au printemps passé dans l'Ouest, elle s'abstient tout simplement de mesurer ces données. Dans pareils cas, aucune donnée sur APTN n'est disponible, pouvant laisser croire en théorie que personne ne nous a regardés. Or c'est loin d'être le cas.
Les conséquences négatives sont indéniables. Au nom de nos entreprises et de notre souveraineté nationale ou culturelle, il serait peut-être important de s'assurer que tout ce que nous créons est suffisamment mis en avant pour être découvert plus rapidement et plus facilement par l'auditoire. Par le fait même, cela permettrait des redevances beaucoup plus appréciables pour tous les artistes et ceux qui contribuent à la création du contenu.