CHPC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent du patrimoine canadien
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 18 octobre 2018
[Enregistrement électronique]
[Français]
Je souhaite la bienvenue à tout le monde à cette 125e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous accueillons deux témoins. Le premier est M. Clement Doore, du parc historique Blackfoot Crossing, qui témoigne par vidéoconférence. Un autre témoin témoignera par téléconférence. Donc, nous n'avons que le son; la vidéo ne semble pas fonctionner aujourd'hui. Gardez à l'esprit que nous accueillons une autre personne, même si nous ne pouvons la voir. Il s'agit de Mme Nika Collison, du musée Haida Gwaii.
Nous commençons par le représentant du parc historique Blackfoot Crossing, s'il vous plaît.
Je m'appelle Clement Doore. Je suis un aîné de la nation Siksika, en Alberta. Notre présentation s'intitule « Rapatriement et réconciliation ».
Je vais commencer par une mise en contexte. Le parc historique Blackfoot Crossing est un centre interactif de renommée mondiale où se marient culture, éducation et divertissement. Il est situé dans la réserve no 146 de la nation Siksika Blackfoot. Le parc historique Blackfoot Crossing vise à promouvoir et à préserver la langue, la culture et les traditions de la Première Nation Siksika. Blackfoot Crossing, lieu historique de la signature du Traité no 7, désigné lieu historique national, a une importance historique et archéologique à l'échelle nationale et internationale. Le succès de la commémoration de la signature du Traité no 7, en 1977, a renforcé la volonté de la Première Nation Siksika Blackfoot de créer une attraction touristique unique de calibre mondial conçue pour faire vivre aux visiteurs des expériences culturelles authentiques avec notre peuple.
En 2007, 30 ans plus tard, la vision des Siksika s'est concrétisée. Il s'agissait de créer un musée vivant à deux volets, intérieur et extérieur, pour exposer et faire connaître aux Albertains, aux Canadiens et au reste du monde, pour toujours, les artefacts précieux, les paysages patrimoniaux et la culture des Pieds-Noirs. Le parc historique Blackfoot Crossing a, depuis sa fondation, une philosophie axée sur cinq piliers: la culture, l'éducation, le tourisme, le développement économique et les avantages sociopolitiques.
Le parc historique Blackfoot Crossing témoigne de la volonté et des efforts de conservation de la Première Nation Siksika à l'égard de la commémoration du site de la signature du Traité no 7 et de la protection, pour toujours, de la culture des Pieds-Noirs des Prairies du Canada.
Voici les recommandations du parc historique Blackfoot Crossing.
Premièrement, le gouvernement doit appuyer et financer la mise en oeuvre du plan de renouveau et de rapatriement du parc historique Blackfoot Crossing, plan qui est essentiel à la pérennité et la viabilité du site.
Deuxièmement, le gouvernement doit appuyer et financer les efforts de rapatriement continus déployés par le parc historique Blackfoot Crossing pour récupérer tous les artefacts liés au chef Crowfoot ou lui ayant appartenu.
Troisièmement, le gouvernement doit financer et appuyer la stratégie du parc historique Blackfoot Crossing et l'élaboration d'un plan de rapatriement pour la nation Siksika en vue d'une harmonisation avec une stratégie nationale.
Le rapatriement des artefacts du chef Crowfoot depuis le Royal Albert Museum d'Exeter, au Royaume-Uni, est essentiel au renouveau du parc historique Blackfoot Crossing. Le plan de rapatriement pour la mise en valeur des tenues traditionnelles du chef Crowfoot servira de catalyseur au renouveau du centre de Blackfoot Crossing, à sa viabilité financière, au renforcement de la préservation de la culture et à sa viabilité à long terme.
Le plan de renouvellement tient compte des défis que doit relever le parc historique Blackfoot Crossing et atténue les risques. Le plan de rapatriement est une analyse des nouveaux programmes, de la conception des installations, des ventes et du marketing, des relations publiques, des stratégies liées aux ressources humaines et aux finances.
Le parc historique Blackfoot Crossing a entrepris les démarches pour le rapatriement des artefacts du chef Crowfoot — une tunique et un pantalon —, qui sont exposés au Royal Albert Museum, à Exeter, au Royaume-Uni. Des réunions régulières ont eu lieu avec des fonctionnaires du gouvernement de l'Alberta et, en mars 2015, une subvention a été autorisée pour le rapatriement.
En juillet 2015, le financement du gouvernement de l'Alberta a été approuvé et reçu. En octobre 2016, le gouvernement albertain a approuvé une subvention pour l'embauche d'un expert-conseil pour l'élaboration d'un plan de rapatriement et de renouveau pour le parc historique Blackfoot Crossing.
En février 2015, nous avons reçu une autre subvention pour l'embauche d'un expert-conseil afin de poursuivre le processus de rapatriement et le dialogue avec le Royal Albert Museau d'Exeter, au Royaume-Uni. Le rapatriement des artefacts du chef Crowfoot témoigne de l'importance du Traité no 7, traité qui a joué un rôle prédominant dans l'établissement des relations entre les Indiens et les colons européens. Le rapatriement des artefacts du chef Crowfoot est l'une des étapes majeures vers la réconciliation, et un plan de rapatriement global peut contribuer à l'atténuation des obstacles actuels et à la reprise des négociations. Ce plan pourrait permettre aux deux parties d'en arriver à une compréhension mutuelle afin qu'ils conviennent, malgré leurs points de vue très différents, que cela leur est mutuellement avantageux.
La deuxième recommandation est que le gouvernement appuie et finance les efforts de rapatriement continus déployés par le parc historique Blackfoot Crossing pour récupérer tous les artefacts liés au chef Crowfoot ou lui ayant appartenu. Nous savons que les artefacts suivants peuvent faire l'objet d'un processus de rapatriement: une coiffe traditionnelle; une tunique en peau de chevreuil; une chemise de cuir; un pantalon; un repose-arc et un carquois en fourrure de loutre; des plumes d'aigle; un arc; quatre flèches à pointe de fer; trois pointes de flèche en silex; quatre paires de mocassins; une paire de mitaines; trois fouets; trois sacs brodés et un hochet.
La troisième recommandation est que le gouvernement finance et appuie la stratégie du parc historique Blackfoot Crossing et l'élaboration d'un plan de rapatriement pour la nation Siksika en vue d'une harmonisation avec la stratégie nationale. Pour nous, la prochaine étape de l'élaboration d'un plan de rapatriement global est la création d'un cadre fondé sur les aspects suivants.
Le premier est une réponse à la résolution no 8-2018 du conseil de bande. Aux termes de la First Nations Sacred Ceremonial Objects Repatriation Act, le lieutenant-gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant le processus et les procédures à suivre pour le rapatriement d'un objet cérémoniel sacré, notamment.
Le deuxième est une réponse au projet de loi 22 de l'Assemblée législative de l'Alberta, « an act to provide for the repatriation of indigenous peoples' sacred ceremonial objects ».
Le troisième est une réponse au projet de loi C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones.
Le quatrième est une réponse aux appels à l'action 67 à 70 de la Commission de vérité et réconciliation.
En terminant, compte tenu des effets du traité, de l'implantation des réserves, du système de pensionnats indiens et des mauvais traitements systématiques dont ont été victimes les Premières Nations du Canada, l'importance de cette mission est on ne peut plus claire. Ces artefacts sont au coeur même de l'identité de la nation Siksika. Dans une perspective de guérison holistique, l'utilité de ce processus est claire. Le rapatriement sera la pierre angulaire de la réconciliation pour toutes les Premières Nations.
Permettez-moi de répéter et de souligner l'importance des recommandations du parc historique Blackfoot Crossing. Premièrement, le gouvernement doit appuyer et financer la mise en oeuvre du plan de renouveau et de rapatriement du parc historique Blackfoot Crossing. Deuxièmement, le gouvernement doit financer et appuyer la stratégie du parc historique Blackfoot Crossing et l'élaboration d'un plan de rapatriement pour la nation Siksika pour l'harmoniser avec la stratégie nationale. Troisièmement, le gouvernement doit accorder au parc historique Blackfoot Crossing du financement pour la mise en oeuvre des appels à l'action 67 à 70 de la Commission de vérité et réconciliation, sous la rubrique « Musées et archives ». Dans les références, vous trouverez un résumé du plan de renouveau et de rapatriement du parc historique Blackfoot Crossing, la résolution du conseil de bande de la nation Siksika et une photographie du chef Crowfoot.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Nika Collison du musée Haida Gwaii. Voulez-vous faire votre déclaration préliminaire?
Haw'aa.
[Le témoin s'exprime en haïda.]
Je m'appelle Jisgang. Mon nom anglais est Nika Collison. Je suis la directrice exécutive du musée Haida Gwaii et coprésidente du Comité de rapatriement haïda.
Haw'aa au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
Haw'aa à M. Bill Casey pour sa vision et à tous ceux qui ont travaillé au projet de loi C-391.
En tant que professionnels de la muséologie et qu'être humains, nous sommes responsables d'amener des changements sociaux par l'entremise de l'intégration du chapitre sombre de l'histoire du Canada avec les peuples autochtones, tout en travaillant activement à redresser la situation.
Dans le monde de la muséologique autochtone et générale, le chemin vers la réconciliation s'articule autour de ce que la nation haïda appelle Yahguudangang, c'est-à-dire le respect. Selon la nation haïda, ce travail — communément appelé le rapatriement — se fonde sur le respect mutuel, la collaboration et la confiance. Yahguudangang a permis à notre nation d'approfondir sa guérison et d'accroître sa capacité en la matière. Ainsi, les musées de l'Ouest peuvent devenir des agents volontaires du changement plutôt qu'être une preuve physique du génocide canadien contre les Autochtones.
Saahlinda Naay, Saving Things House, aussi connu sous le nom de musée Haida Gwaii, est le résultat d'une démarche de réconciliation dans le monde de la muséologie. C'est une vision des Haïdas et de nos amis canadiens qui habitent sur nos îles qui a donné lieu à la création du musée, qui a ouvert ses portes en 1976. En 2017, nous avons ouvert le Haida Heritage Centre, qui nous a permis d'agrandir notre musée. Il a été créé pour notre peuple, mais aussi pour le partage. C'est notre cadeau au reste du monde.
Comme la plupart des trésors de Haida Gwaii ont disparu sous les régimes coloniaux, notre musée n'avait pas une grande collection au départ, mais les familles haïdas et les familles de colons nous ont généreusement fait don de leurs objets. Le Musée royal de la Colombie-Britannique, sous la direction du conservateur de l'époque Peter McNair, nous a montré son appui en nous rendant certains mâts monumentaux pour l'ouverture de notre musée. Ce geste silencieux de rapatriement est probablement le premier au Canada. Il n'était pas exigé par la loi ou par une politique. Il s'agit d'un geste humain d'une personne envers nous.
Depuis, le musée Haida Gwaii a pris de l'ampleur et compte une importante collection de trésors, qui sont principalement des dons privés, des achats et des prêts à long terme, et non le résultat du rapatriement des musées. Nous présentons aussi de nouvelles oeuvres d'art, puisque notre culture est vivante. Nous ne sommes pas seulement une institution. Nous faisons partie de la société haïda et de la société canadienne dans son ensemble.
Au milieu des années 1990, le rapatriement des restes ancestraux est devenu une priorité pour notre peuple. À l'heure actuelle, plus de 500 de nos ancêtres ont été rapatriés chez nous, à partir de musées et de collections privées de partout en Amérique du Nord, et d'une collection du Royaume-Uni. Ce travail a pris plus de 20 ans et a coûté plus d'un million de dollars en argent, en temps et en dons.
Lorsque nous nous rendons dans ces musées pour rapatrier nos ancêtres, nous visitons également nos trésors culturels et d'autres vecteurs de connaissances, comme les archives. Nous rapatrions la vie de notre peuple par l'entremise d'images, d'enregistrements audio, de notes et de la restauration des oeuvres, de même que par l'entremise des connexions physiques, émotionnelles et spirituelles qui nous unissent à jamais. À quelques reprises, les musées nous ont rendu certains de ces objets de famille. Nous sommes maintenant prêts à en récupérer davantage.
Environ au même moment où nous avons commencé à nous centrer sur nos ancêtres, le Rapport du Groupe de travail sur les musées et les Premières nations de 1992 a été publié. Ce rapport a eu une grande incidence sur les relations entre les Autochtones et les musées généraux, mais ce sont les 40 dernières années, au cours desquelles notre peuple a cogné aux portes, a bâti des relations et a fait preuve d'une grande patience, qui ont permis au monde des Haïdas et au monde de la muséologie de s'unir pour bien faire les choses.
La Native American Graves Protection and Repatriation Act, ou NAGPRA, des États-Unis a joué un rôle important pour les gens là-bas et pour nous aussi, de façon indirecte. Le premier rapatriement transfrontalier de l'un de nos ancêtres a été fait grâce à la NAGPRA. Sur le plan juridique, le musée n'était pas tenu de collaborer avec nous parce que nous ne sommes pas une tribu américaine reconnue par le gouvernement fédéral, mais il voulait que notre ancêtre retourne à la maison. Lorsque nous avons communiqué avec d'autres musées américains, ils nous ont fait part de leur souhait de rapatrier nos ancêtres alaskiens pour harmoniser leur processus à la NAGPRA, mais ces ancêtres venaient de Haida Gwaii et les musées ont fini par le reconnaître.
L'Angleterre accuse un retard par rapport au Canada en matière de rapatriement, et de nombreux mécanismes — ou une absence de mécanismes dans certains cas — interdisent une telle pratique. Malgré tout, grâce à l'établissement de relations et à notre travail acharné, nous avons réussi à rapatrier l'un de nos ancêtres à partir du musée Pitt Rivers en 2010. Le British Museum a changé son règlement afin de permettre le rapatriement des restes humains, et nous allons donc rapatrier les restes de notre ancêtre sous peu.
Ce que nous avons réalisé dans le cadre de notre travail, c'est que nous pouvons établir des politiques et des lois sur le rapatriement, mais que le réel Yahguudangang — ou le rapatriement et la réconciliation — ne peut être atteint sans des relations respectueuses et authentiques entre les nations. Nous souhaitons que les gens veuillent nous rendre nos ancêtres et nos trésors. Nous souhaitons que les gens veuillent bien faire les choses sans être obligés de le faire; nous voulons décider ensemble de la voie à suivre. Le rapatriement représente le travail le plus important auquel j'ai participé dans le cadre de la réconciliation. Le travail est plus que colossal. Il faut du temps et c'est aux membres de notre nation et à nos amis de favoriser la guérison.
J'ai peur de manquer de temps; j'ai besoin de quelques secondes.
D'accord, excellent.
Yahguudangang a changé l'histoire des Haïdas et du Canada, et aussi la façon dont certains membres du personnel des musées de l'Ouest se perçoivent, perçoivent leurs propres histoires de colonisation et perçoivent les histoires de leur musée, alors que nous guérissons tous ensemble. Ils apprennent et acceptent que nos lois et protocoles autochtones doivent faire partie du processus et être respectés, et le font valoir. Alors que les musées appuient nos efforts de rapatriement, leur personnel peut aborder la question de la honte associée au colonialisme et en guérir. Ainsi, le rapatriement devient une solution évidente pour ne pas replonger dans la honte.
En 2003, alors que nous nous préparions à rapatrier nos proches à partir du Field Museum, ma cousine Jenny Cross s'est demandé si nous n'allions pas nous rapatrier nous-mêmes. Nous croyons en la réincarnation et nous savons que tout est relié. J'ai appris qu'il y avait une pratique dans notre culture qui vise à « nouer un fil » entre les gens ou les choses. Par exemple, à l'époque des mariages arrangés, les familles pouvaient « nouer un fil » entre leurs enfants afin de veiller à ce qu'un jour, ils fassent leur vie ensemble.
J'aime croire que nos ancêtres ont noué un fil entre eux ou avec leurs trésors, avec les musées où ils se trouvent et avec nous, afin de nous lier avec une chose qui dépasse la préservation de l'histoire, de la culture et de l'identité haïda, pour unifier nos deux mondes afin que nous travaillions ensemble lorsque le temps serait propice, pour guérir et redéfinir nos relations entre nous et avec le monde et pour aller de l'avant de manière respectueuse et honnête. Ainsi, vous comprendrez que le rapatriement n'est pas un travail, mais bien une façon de vivre que les membres de ma nation et moi-même avons adoptée.
Selon ce que je comprends du projet de loi C-391, il ne s'agit pas d'une loi sur le rapatriement, mais bien d'un processus visant à faciliter le rapatriement. Nous sommes heureux de cela, parce que la mesure législative n'est pas trop prescriptive, mais à notre avis, il faudrait quelque peu ralentir le processus. Bien que des consultations aient eu lieu, il faudrait un engagement et une consultation accrus auprès des nations autochtones.
Nous avons pris en charge le rapatriement. Nous sommes les mieux placés pour en discuter. Il faut un plus grand engagement avec l'Association des musées canadiens, notamment avec le conseil de réconciliation nouvellement formé. Il faut consulter les gouvernements provinciaux et les musées généraux qui détiennent des collections autochtones.
Il faut tenir compte des territoires dans le libellé du projet de loi, en plus des provinces, et faire valoir que c'est l'autodétermination des Autochtones qui fait avancer le rapatriement et qui le définit.
La loi doit prévoir une certaine indemnisation en cas de rapatriement fautif ou erroné, puisqu'il s'agit parfois du résultat de revendications concurrentielles ou de retours erronés.
Comme l'a fait valoir le témoin précédent, le financement est essentiel en vue du rapatriement, tant pour les nations autochtones que pour les musées généraux. En ce qui a trait à la recherche, à la consultation des communautés, aux négociations, à la coordination, à la conservation, au transport, à la construction d'un centre pour conserver toutes ces pièces et les entretenir, au renforcement de la capacité et à la longévité, tout cela coûte très cher et est tout à fait nécessaire et essentiel en vue de la guérison de nos nations et du renforcement des relations entre la population canadienne et nous.
En ce qui a trait aux objets vendus légitimement, il faut comprendre...
Madame Collison, excusez-moi, c'est un peu difficile parce que vous ne me voyez pas.
Je voulais vous dire que vous en êtes à 10 minutes. Pourriez-vous conclure et peut-être soulever les autres points dans vos réponses aux questions des membres du Comité?
Aussi, les interprètes ont un peu de difficulté à vous suivre en raison de la mauvaise qualité du son. Je vous entends bien, mais pourriez-vous parler un peu plus lentement? Je sais que cela semble contradictoire: je vous demande de conclure et de parler plus lentement.
Je m'en excuse.
D'accord. J'ai trois derniers points à aborder.
Aussi, en ralentissant le processus, il faut comprendre qu'un délai de deux ans pour examiner la stratégie nationale lorsqu'elle sera achevée est très court. Comme je l'ai dit plus tôt, il nous a fallu 20 ans — même s'il nous faut accélérer les choses — pour rapatrier nos ancêtres. C'est un processus très coûteux. Nous devons comprendre cela.
Nous vous invitons à visionner le documentaire Stolen Spirits of Haida Gwaii. Il vous donnera une idée du travail fait par notre nation pour rapatrier ses proches et de tout le travail nécessaire en vue de rapatrier nos trésors.
Nous vous invitons à visiter Haida Gwaii pour vivre une expérience directe avec nous.
Haw'aa.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entreprendre notre période de questions.
Mme Anju Dhillon est notre première intervenante. Vous disposez de sept minutes. Allez-y.
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leur présence et de nous partager leurs histoires sur le rapatriement.
Ma première question s'adresse à vous tous. Pouvez-vous nous dire comment cette privation des artefacts autochtones vous a touchés, vous et votre communauté?
Pour le parc historique Blackfoot Crossing, c'est un processus continu. Nous avons visité divers musées de l'Amérique du Nord et nous rapatrions ce que nous pouvons. L'entente avec le musée nous permet de le faire. Nous aimerions pouvoir continuer. De façon particulière, nous avons maintenant un immeuble. Nous avons l'espace nécessaire pour entreposer et montrer les artefacts que nous allons rapatrier.
En passant, notre immeuble représente une métaphore pour notre culture. Il est reconnu à titre d'immeuble de classe mondiale.
Merci.
Vous nous avez demandé comment la disparition de nos trésors nous avait touchés. Lorsque nous allons dans les musées et que nous voyons ces objets, que nous savons qu'ils ont été pris par les régimes coloniaux... la plupart d'entre eux, pas tous. Notre art, c'est notre identité, notre histoire, notre lien avec la terre, l'eau, l'air; c'est ce qui nous unit entre nous, avec d'autres êtres et avec le surnaturel. C'est notre forme d'écriture. C'est l'art qui accompagne notre langue haïda.
Lorsque nous réussissons à récupérer ne serait-ce qu'un seul objet, les renseignements qu'il renferme sont incroyables. Je pourrais vous parler pendant des heures de ce que j'ai appris simplement en montrant un hameçon à flétan à nos aînés. Cela dépasse largement la capacité de pêcher.
En n'ayant pas accès à ces objets, on nous prive de connaissances et d'une possibilité de guérison. Le rapatriement nous permet de renforcer notre nation et de renforcer notre relation avec le Canada. Nous en sortirons tous plus forts.
Madame Collison, vous avez dit que le Canada accusait un retard par rapport à l'Angleterre en ce qui a trait au rapatriement des artefacts culturels. Pourriez-vous nous dire ce qui fait que l'Angleterre a réussi dans ce domaine? Comment pourrait-on améliorer notre stratégie nationale?
J'aimerais vous faire part d'un très bon exemple de ce qui est possible grâce à l'appui du gouvernement. Comme vous le savez peut-être, le Musée royal de la Colombie-Britannique a investi 2 millions de dollars dans le rapatriement, pour faire avancer les choses. Il a utilisé les fonds de façon très progressiste et très efficace, mais ce n'est pas assez.
Je crois que Lucy Bell témoignera devant vous plus tard. Son organisme est un très bon exemple de ce qui est possible pour un Canada meilleur.
Vous avez aussi dit que le projet de loi C-391 était un processus de rapatriement de la propriété culturelle autochtone. Pourriez-vous nous en parler davantage?
Je ne crois pas que le projet de loi soit un processus. Je crois qu'il s'agit d'un outil permettant de faire avancer le rapatriement. Je ne crois pas qu'il soit prescriptif. Je crois plutôt qu'il s'agit d'une mesure législative très importante qui peut aborder la question du rapatriement, en faire la promotion et l'appuyer, pour qu'elle soit une réalité sur le plan humain. Le projet de loi pourrait favoriser l'humanisme.
Vous avez aussi mentionné qu'il avait fallu 25 ans, et que deux ans ne suffisent pas. Pouvez-vous nous dire pourquoi il a fallu 25 ans? Y a-t-il eu des obstacles? Les gens vous ont-ils occasionné des difficultés particulières?
Oui, malgré le rapport du groupe de travail sur les musées — nous avons commencé autour de la même période — l'établissement de liens était une idée très nouvelle. Même les Autochtones avaient de la difficulté à accéder à nos collections dans les musées à l'époque. Nous faisions tomber les obstacles, nous frappions aux portes, mais il fallait aussi collecter des fonds, parce que pendant 20 ans, nous n'avons reçu aucun soutien financier gouvernemental, et cela nous coûte cher à nous et aux musées. Il faut faire de la recherche pour nous assurer de rapporter les bonnes choses à la maison et de trouver l'emplacement de ces trésors.
Il y a des négociations et des façons de rapporter ces choses à la maison qui sont conformes aux lois, aux protocoles et aux valeurs haïdas. Mais, par-dessus tout, cela représente une quantité énorme de travail qui prend du temps.
Ma prochaine question s'adresse à vous deux. Comment vos organismes aimeraient-ils participer à la création d'un plan d'action national? Selon vous, qui sont les principaux intervenants qui devraient y participer?
Lorsque le rapport de la Commission de vérité et de réconciliation a enfin été présenté au Parlement, le parc historique Blackfoot Crossing a immédiatement commencé à penser à un plan global sur la façon de raviver notre culture et notre langue. Une des choses dont nous avons discuté et que nous avons planifiée a été que nous voulions écrire l'histoire de notre culture et de notre langue avant l'arrivée des Européens. Nous voulons commencer là et documenter notre mode de vie, nos territoires, et de là, passer ensuite aux pensionnats, au présent et à notre relation avec le Canada.
Dans une réserve, différents groupes essaient d'enseigner notre langue, mais il y a un problème. Les parents ne parlent pas la langue des Pieds-Noirs, seulement les enfants, et ceux qui la parlent ne semblent pas trop enthousiasmés. Je pense que c'est parce qu'ils ne sont pas conscients de leur culture, de leurs origines. S'ils l'étaient, ils seraient plus disposés à apprendre leur langue, mais c'est vraiment important que nous prenions les devants et que nous participions à tout plan global.
On m'a demandé à un certain nombre de reprises ce qu'est la différence entre notre musée et le musée Glenbow à Calgary, par exemple. La réponse est très simple. Le Glenbow est un musée dans lequel une autre culture explique la mienne. Au parc historique Blackfoot Crossing, vous entendez l'histoire directement des personnes concernées, si vous voulez. C'est nous qui connaissons l'histoire et tout.
Merci.
Merci.
Cela nous amène à la fin de notre série de questions de sept minutes, mais peut-être que Mme Collison sera en mesure de nous donner certaines de ces réponses pendant notre prochaine série.
La parole est à M. Shields.
Merci, madame la présidente.
Je sais gré aux intervenants de leur présence aujourd'hui et de leurs explications concernant notre situation actuelle et future.
Avec le Blackfoot Crossing, le conseil y travaille. Vous avez manifestement beaucoup d'antécédents avec cet organisme. Pourriez-vous nous parler brièvement de votre expérience de cette installation et de ce qu'elle fait?
Il a maintenant 11 ans. Il a fallu presque 20 ans pour que le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement du Canada finissent par approuver du financement. Nous avons embauché un architecte, qui a rencontré les anciens et leur a demandé comment ils aimeraient que ce musée soit construit. Comme je l'ai mentionné, c'est une métaphore pour notre culture. Il est très unique. Il a été reconnu par l'ONU. Lorsqu'il a été construit, on a dit qu'il pourrait devenir une installation de calibre mondial que l'UNESCO reconnaîtrait. Les programmes que nous offrons actuellement visent les touristes. Des gens de partout dans le monde sont venus. Nous avons cet endroit qui raconte l'histoire de la nation Siksika ainsi que l'histoire de nos territoires traditionnels.
Par exemple, cette année, il est réservé presque tous les jours d'avril à septembre par des personnes de Calgary — des étudiants ainsi que des groupes politiques et historiques. Ils viennent nous visiter et posent beaucoup de questions.
Cela me rappelle l'époque de l'ouverture. Je suis allé au musée juste pour voir ce qui s'y passait. Une dame est sortie, émue aux larmes en quelque sorte, alors j'ai demandé aux membres du personnel en plaisantant: « Que lui avez-vous fait? » Ils ont répondu qu'elle pleurait parce que notre culture est si belle. Nous aurions dû le faire il y a longtemps.
Merci.
Merci pour cette réponse. Je connais bien le site pour l'avoir visité à de nombreuses reprises.
Vous avez mentionné le rapatriement des artefacts du chef Crowfoot. Où sont-ils?
Ils sont en Angleterre. Nous sommes en pourparlers. Le gestionnaire précédent, Jack Royal, a été celui qui a lancé l'initiative. Il gère maintenant l'organisme de la Confédération des Pieds-Noirs. Il y a eu quelques délais, mais on était toujours en pourparlers. Il semble qu'ils soient maintenant prêts à procéder et à conclure une quelconque entente sur la façon de récupérer le costume traditionnel et les guêtres du chef Crowfoot.
Je savais que Jack avait changé de poste.
Je pense que c'est vraiment intéressant. C'est l'élément principal pour faire votre renouvellement en raison du site historique et de la signature du chef Crowfoot. Je pense que c'est un élément important pour votre projet de renouvellement, alors je suis ravi d'entendre que cela en fait partie. J'en suis vraiment ravi.
Je vais passer à Haida Gwaii. J'ai eu l'occasion d'y aller. Elle diffère beaucoup de Siksika. Siksika a un emplacement très avantageux parce qu'elle se trouve près de la Transcanadienne. Son emplacement géographique est excellent et important. Haida Gwaii est magnifique, mais son problème est qu'elle est isolée. Alors que Siksika a la possibilité de faire des expositions et d'instruire, c'est différent pour Haida Gwaii qui est difficile d'accès.
Lorsque vous parlez de partager pour Haida Gwaii, comment faire pour surmonter cet obstacle géographique qui empêche la plupart d'entre nous de s'y rendre?
D'accord. Excellent.
Je vais brièvement revenir en arrière parce que je pense que Louis Riel est important. Il a dit que dans une centaine d'années, nous allions renaître grâce à l'art. C'est ce que nous voyons avec l'accès réel à nos oeuvres d'art.
Pour combler l'écart, il y a des initiatives vraiment chouettes avec le musée d'anthropologie de l'Université de la Colombie-Britannique en partenariat avec notre musée et d'autres centres culturels et musées autochtones en Colombie-Britannique, où nous nous efforcions de jeter l'éclairage sur nos centres pour finir par créer une sorte de corridor culturel que les visiteurs auraient envie d'emprunter.
Notre nombre de visites continue d'augmenter. Nous hésitons à devenir comme Banff. Ce sont les activités éducatives par l'intermédiaire des médias et des production éducatives comme des documentaires qui donnent une grande visibilité à notre nation dans le monde. Il y a normalement un retard de deux ans après toute chose qui devient internationale.
Je vais revenir en arrière et dire que l'infrastructure pour amener les gens là-bas... les traversiers de Colombie-Britannique, les vols... Un vol de Vancouver vers l'Allemagne peut coûter moins cher qu'un vol de Vancouver à Haida Gwaii. Les horaires de vols et de traversiers sont si limités qu'ils nuisent vraiment à la capacité des visiteurs de s'y rendre parfois. Ce serait génial d'obtenir un soutien financier de cette façon, tant pour faciliter les transports que notre capacité de faire de la publicité et d'établir des partenariats avec d'autres établissements pour attirer les gens chez nous.
[Français]
Je remercie Mme Collison, du Haida Gwaii Museum, et M. Doore, du Blackfoot Crossing Historical Park.
Comme le disait Mme Collison, nous sommes très fiers que le Parlement ait adopté le projet de loi de M. Romeo Saganash, qui représente une implantation très claire des droits des peuples autochtones relativement à l'UNESCO et à l'ONU. C'est un grand pas de franchi. Je pense que tous les parlementaires peuvent en être fiers. Nous pouvons surtout être fiers de tous les efforts de médiation faits par les différents intervenants autochtones.
M. Doore, je vous écoutais parler des artéfacts dont vous avez été privés. Il y a un parallèle qui m'apparaît naturel de faire: dans Saint-Laurent, la circonscription de Mme Emmanuella Lambropoulos, il y a le Musée des maîtres et artisans du Québec. Ce musée est lié aux meubles et aux accessoires de la vie de tous les jours qu'utilisaient les Québécois. Il fait également un travail de médiation exceptionnel auprès de la population, particulièrement du côté de Ville Saint-Laurent.
Évidemment, il va de soi qu'il faut rapatrier ces objets si importants pour mieux comprendre une civilisation. J'entendais M. Doore dire que tous ces articles sont en Angleterre, et je comprends parfaitement le besoin de les rapatrier afin d'expliquer ce mode de vie.
Je pense qu'il y a également une dimension sacrée et spirituelle. Je ne peux pas vous dire que le Musée des maîtres et artisans du Québec comporte une dimension sacrée et spirituelle, c'est vraiment de l'archéologie et de l'histoire, ce qui est très important.
Je dois féliciter M. Casey de ce projet de loi. Dans tout ce qu'il a fait, c'est le projet de loi dont il est le plus fier. Il voit bien tout l'impact qu'il a sur la communauté.
Monsieur Doore, ne croyez-vous pas que les dimensions sacrée et spirituelle pourraient être soulignées davantage?
[Traduction]
À notre sens, il est très important que ces mesures législatives du gouvernement de l'Alberta et du gouvernement du Canada soient mises en oeuvre. Nous avons des connaissances appréciables concernant d'autres artefacts qui existent dans le monde.
Nous sommes allés au Smithsonian, à Washington, D.C., à un moment donné, et nous y avons vu un nombre incroyable d'artefacts appartenant à la Première Nation Siksika. Nous avons établi des liens avec d'autres musées. Nous avons rapatrié des artefacts d'un musée à Denver. À New York, nous les avons rencontrés et nous avons récupéré des artefacts. Tous les artefacts nous importent.
Nous travaillons maintenant avec des gens de l'Université de Calgary qui mènent des fouilles archéologiques directement dans la réserve. Ils y ont trouvé des choses très importantes. On forme les gens de la nation Siksika pour travailler avec eux. Nous privilégions une approche exhaustive, c'est-à-dire que nous estimons avoir besoin de faire pratiquement le tour du monde pour rapatrier tout artefact, spirituel ou cérémonial, en vue de rehausser notre culture.
Merci.
Merci.
Nika Collison, premièrement, je dois dire que j'accepte votre invitation. J'espère que tout le monde aura la chance de visiter le musée Haida Gwaii.
Après avoir entendu de nombreux témoignages, j'ai compris que cela allait au-delà du premier parallèle que j'ai fait avec le musée des artisans à Ville Saint-Laurent. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
Oui, merci beaucoup.
Je tiens à vous remercier d'avoir mentionné la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Une des recommandations du projet de loi est de remplacer le mot « autochtone » par « indigène ».
Dans le cas du musée Haida Gwaii, nous avons fait des recherches pour localiser nos trésors et notre patrimoine immatériel dans le monde. Nous avons retracé plus de 12 000 objets à ce jour. Dans le cadre de nos consultations communautaires, nos anciens nous ont conseillé de rapporter chez nous d'excellents exemples de la gamme complète de notre culture matérielle et des copies de notre patrimoine immatériel. Cela dit, nous ne pouvons pas rapporter 12 000 pièces ici, et il y a d'excellents avantages à en avoir autour du monde, du moment que nous déterminons comment ils sont présentés.
Au-delà de cela, le rapatriement est thérapeutique. Ce l'est pour nous et pour le Canada. Il approfondit notre lien spirituel avec tous les aspects de la vie. Il guérit aussi les traumatismes psychologiques, pas entièrement, mais grandement, ces traumatismes intergénérationnels que nous a laissés en héritage le régime colonial. Dans les faits, il change notre façon de prendre des décisions, et c'est une voie véritable, une des voies les plus réelles vers la réconciliation. Bien sûr, il y a bien d'autres voies qui doivent être suivies.
Il ne suffit pas de dire: « Redonnez-nous les membres de notre famille; redonnez-nous nos choses » et de rentrer chez nous. Nous avons un engagement, une responsabilité de travailler à rendre le monde meilleur, et cet engagement est motivé par notre principe suprême, ou un de nos principes suprêmes, qui est le respect.
J'aimerais aussi ajouter que le projet de loi ne parle pas de l'identité des ancêtres et qu'il omet aussi le patrimoine culturel immatériel.
Merci, madame la présidente.
Merci à nos témoins d'être là ce matin.
Regardez, bien que le patrimoine soit essentiel à tous les peuples, il est indéniable que ce sont les peuples autochtones qui ont eu le moins d'ascendant sur le leur, alors je tiens simplement à féliciter le député Casey pour le projet de loi C-391. Je pense qu'il est très significatif et qu'il peut changer notre regard sur l'histoire, c'est clair.
Ma première question s'adresse à vous, madame Collison. Vous avez mentionné dans vos remarques liminaires que vous voulez que d'autres organismes, groupes, pays, que sais-je, veuillent vous redonner les biens culturels autochtones. Dans quelle mesure cela est-il réaliste? Où en sommes-nous dans cette démarche? Combien de travail reste-t-il à accomplir pour qu'ils veuillent vous les redonner?
Je pense qu'au cours des 20 dernières années au Canada, notre propre travail autour des ancêtres — et c'est une expérience véritablement transformatrice de travailler à ce niveau du rapatriement — a renforcé nos relations avec les principales institutions au Canada ainsi qu'aux États-Unis. C'est grâce à la collaboration. Nous avons un peu peur des lois et des politiques, mais nous en comprenons aussi les avantages.
Notre relation...
Nous façonnons une culture hybride de nations indigènes et de musées nationaux ou grand public. Le travail accompli change le discours sociétal, essentiellement, parce que dans le cadre de notre collaboration avec les institutions — ce sur quoi le projet de loi devrait porter, selon moi —, nous célébrons avec elles dans les médias. Tant qu'elles collaborent avec nous, elles ne représentent pas l'histoire coloniale.
La célébration du travail que nous faisons dans les médias et par le truchement de documentaires et d'expositions dans notre musée et les musées grand public fait en sorte qu'on puisse mieux sensibiliser le grand public et inspirer les gens à envoyer au Canada ou à y rapatrier des trésors incroyables, ainsi que les membres de notre famille. Certaines personnes nous ont envoyé des membres de notre famille; lorsqu'ils les ont pris, ils n'étaient pas conscients de ce qu'ils faisaient en réalité.
L'éducation, la célébration et l'avancement continu encouragent, selon nous, des changements énormes dans la société, mais il reste fort à faire, notamment au chapitre de l'enseignement de l'histoire: pourquoi nos ancêtres et nos trésors se sont-ils retrouvés dans des musées et comment pouvons-nous rectifier la situation et avancer?
Merci pour cette réponse.
Que recommanderiez-vous que le gouvernement fédéral fasse pour aider? Que pouvons-nous faire pour contribuer à faire en sorte que le musée à Washington ou un autre pays, un autre groupe ou que sais-je...? Que pouvons-nous faire pour faciliter ce processus?
Un projet de loi comme celui qui est proposé, du moment qu'il reste général... Voilà la question épineuse. C'est là que je pense qu'il faut passer plus de temps à en discuter avec les musées grand public avec lesquels nous travaillons activement, de même qu'avec les nations autochtones du Canada, qui devraient être les principales parties intéressées. Nous avons besoin de discuter davantage avant d'adopter un projet de loi aussi important que celui-ci. Il faut plus de temps pour ce faire.
Vous m'avez amené directement à ma question suivante. J'ai été surpris de vous entendre dire que le processus devait ralentir un peu. Vous pensez simplement que nous allons trop vite. Voulez-vous faire une pause? Pouvez-vous expliquer pourquoi vous craignez que nous allions trop vite?
La première fois que des collègues, des amis et moi-même avons lu le projet de loi, nous avons été pris de court par le seul fait qu'il soit déposé. Une fois de plus, je remercie infiniment M. Casey d'avoir lancé le processus. En me fondant sur le procès-verbal de la deuxième audience, je crois comprendre qu'on avait fait valoir qu'on avait tenu de bonnes consultations avec les nations autochtones et les musées. Dans mon cas — et je travaille avec les peuples autochtones et les musées grand public partout au Canada — c'est une chose à laquelle aucun d'entre nous ne s'attendait nécessairement. C'est tellement une idée fantastique, mais qui requiert de plus amples consultations.
Ce n'est pas une réaction négative au projet de loi. Elle dit simplement que nous faisons ce travail depuis des décennies. Nous avons tracé des voies avec les musées et changé la façon dont nous vivons ensemble. Cela ne s'arrêtera pas, mais pouvons-nous simplement prendre un peu de recul et nous réunir pour discuter du projet de loi de façon à nous assurer qu'il fonctionne vraiment pour les peuples autochtones, les musées grand public et la société canadienne en général? L'idée n'est pas de mettre un terme au processus, mais bien de le ralentir, de penser et de participer plus en profondeur.
Merci pour cette réponse.
Ma circonscription est celle de Saint John—Rothesay, au sud du Nouveau-Brunswick. C'est une circonscription dans une ville au patrimoine autochtone très marqué, mais ayant une très petite population autochtone. Comment un plan national pour le rapatriement des biens culturels autochtones peut-il être conçu de façon à assurer qu'un plus grand nombre de Canadiens non autochtones se renseignent sur l'histoire autochtone, les droits autochtones et le processus de réconciliation? Comment faire pour nous assurer que nos collectivités participent aussi à cette éducation?
Ce que j'ai constaté... Mon père a dit il y a longtemps: « Pourquoi faire aux autres ce qui nous a été fait? » À tout le moins, du point de vue de la nation haïda, nous devons travailler étroitement avec notre nation pour déterminer ce qui est acceptable d'exposer et ce qui ne l'est pas. Par exemple, des artéfacts funéraires ne sont pas toujours des éléments de choix à exposer. Il faut vraiment que ce soit mené par des Autochtones. La majorité des trésors qu'ont perdus nos ancêtres leur ont été volés ou leur ont été pris de force. J'affirme encore une fois haut et fort que la majorité de la culture matérielle qui a été prise entre 1885 et 1951, soit la durée de l'interdiction du potlatch, l'a été sous la contrainte. Il ne s'agit donc pas...
Sur ce, le temps de parole est terminé. Vous avez en fait dépassé le temps qui vous était alloué, monsieur Long.
Monsieur Blaney, vous avez quatre minutes.
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente.
[Traduction]
Merci, madame Collison, monsieur Doore, d'appuyer le projet de loi C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement des biens culturels autochtones.
Ma première question s'adresse aux deux témoins. Avez-vous une liste des artéfacts de votre nation qui se trouvent dans les autres musées dans le monde?
Monsieur Doore, je vous invite à répondre en premier. Avez-vous une idée du nombre d'artéfacts dans votre nouveau musée, soit le Parc historique de Blackfoot Crossing? Vous avez mentionné un artéfact de Crowfoot, par exemple.
Nous avions déjà accès aux artéfacts que nous avons actuellement au Parc historique de Blackfoot Crossing; ces artéfacts ont tout simplement été transférés. J'ai une longue liste de ces artéfacts. Toutefois, pour ce qui est des autres artéfacts qui se trouvent dans d'autres musées, nous sommes au courant de certains, et certains musées commencent à communiquer avec nous.
Nos artéfacts se trouvent aussi dans des collections privées. Les propriétaires veulent des millions de dollars pour s'en départir, mais nous n'avons pas cet argent.
Bref, vos artéfacts se trouvent dans d'autres musées ou des collections privées.
Madame Collison, qu'en est-il de votre côté? Avez-vous une idée des endroits où vos artéfacts se trouvent ou trouveriez-vous intéressant qu'une stratégie nationale vous permette de connaître les endroits où les artéfacts de vos ancêtres se trouvent ou sont exposés dans le monde?
Je crois que notre nation effectue des recherches à ce sujet depuis 2006. Jusqu'à présent, nous avons communiqué avec plus de 300 musées, et nous savons qu'au moins 12 000 de nos artéfacts se trouvent dans ces musées dans le monde, y compris en Inde. Nous avons peut-être perdu des artéfacts dans l'incendie du musée au Brésil. Nous savons qu'il y a des artéfacts en Australie. La liste est longue.
La provenance pose des problèmes. Très souvent, lorsque ces objets ont été amassés, les gens croyaient que certains objets étaient d'origine haïda, alors qu'il se peut qu'ils aient été fabriqués par des Tsimshians ou les gens croyaient qu'il s'agissait d'artéfacts des Tsimshians, alors qu'il se peut qu'ils aient été fabriqués par des Haïdas. Il se peut aussi que le tout soit simplement regroupé sous la mention « côte du Nord-Ouest ». Il nous reste encore beaucoup de pain sur la planche à ce sujet.
Nous avons une liste. Nous savons qu'un grand nombre de nations autochtones avec lesquelles le Musée royal de la Colombie-Britannique et nous travaillons commencent à peine à le faire, et nous devons trouver des moyens de soutenir cette recherche et de créer des bases de données. J'ai beaucoup réfléchi à la création d'une base de données nationale, et je ne sais pas si ce serait réalisable, compte tenu des milliers d'artéfacts provenant de plus de 600 nations autochtones au Canada.
Madame Collison, les collections privées sont-elles un problème pour vous? Y a-t-il beaucoup d'artéfacts haïdas dans des collections privées?
Les collectionneurs privés possèdent des tonnes de trésors. En fait, après le rapatriement initial des mâts totémiques du Musée royal de la Colombie-Britannique...
Nous ne pouvons pas forcer les collectionneurs privés à le faire, mais nous pouvons les y encourager, les y sensibiliser et nouer des relations avec eux. C'est ainsi que nous avons amassé la majorité de notre collection.
Il me reste une dernière question. Voyez-vous comme un avantage l'exposition de certains artéfacts, comme vous l'avez mentionné, ailleurs dans le monde pour y faire rayonner votre culture?
Oui. Tout d'abord, il y a des Haïdas partout dans le monde, mais nous aimons aussi partager et éduquer, pourvu que nous ayons notre mot à dire sur la façon dont le tout est présenté et partagé avec le monde.
[Français]
[Traduction]
Monsieur Clement Doore, madame Nika Collison, merci d'avoir participé à la première partie de la réunion. Nous avons tous trouvé cela très intéressant, et je vous en suis reconnaissant. Merci de votre indulgence par rapport à nos difficultés techniques.
Nous prendrons une petite pause pour donner le temps aux prochains témoins de prendre place.
Merci beaucoup.
[Français]
Je voulais faire savoir aux députés francophones et à tout le monde qui a besoin de l'interprétation française que le troisième témoin, Mme Aluki Kotierk, va donner son témoignage en inuktitut. L'interprétation se fera de l'inuktitut à l'anglais, et puis de l'anglais au français, alors il va y avoir un décalage. Je l'annonce pour que tout le monde soit prêt à ce décalage.
[Traduction]
Nous accueillons Lucy Bell du Musée royal de la Colombie-Britannique, qui témoignera par vidéoconférence.
Sur place, nous avons Clément Chartier, président du Ralliement national des Métis.
Nous avons aussi sur place Aluki Kotierk, présidente de l'organisme Nunavut Tunngavik Inc.
Tout le monde est là.
Nous commencerons par la vidéoconférence au cas où nous ayons d'autres difficultés techniques ce matin. Serait-il possible d'entendre en premier Lucy Bell du Musée royal de la Colombie-Britannique?
Vous avez le temps de faire un exposé, si vous le voulez bien.
[Le témoin s'exprime en haïda.]
Bonjour à tous. Je m'appelle Lucy Bell. Je suis membre de la nation haïda et je travaille au Musée royal de la Colombie-Britannique.
Haw'aa. Merci de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je vais tout d'abord faire un survol de la raison pour laquelle vous m'avez probablement invitée ici aujourd'hui.
Je suis l'un des membres fondateurs du Comité de rapatriement haïda de Haida Gwaii. Il y a plus de 20 ans, j'étais stagiaire au Musée royal de la Colombie-Britannique. C'est là que j'ai appris qu'il y avait des restes humains dans les musées et qu'il y avait plus de 500 de mes ancêtres dans des musées dans le monde. J'ai rapporté cette nouvelle chez moi dans ma communauté haïda pour informer les autres que nos ancêtres étaient dans le musée. Les gens m'ont dit de me mettre au travail et de commencer à rapatrier mes ancêtres. Il m'a fallu plus de 20 ans pour tous les retrouver et les rapatrier.
Plusieurs années plus tard, j'ai commencé à travailler au Musée royal de la Colombie-Britannique à titre de responsable du département des Premières Nations et du rapatriement. Avec l'appui du gouvernement provincial, le Musée a donné suite aux appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation, de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et du groupe de travail et il cherchait vraiment à changer son orientation pour davantage mettre l'accent sur le rapatriement. Mon équipe accorde depuis environ deux ans une importance accrue au rapatriement.
Le Musée royal de la Colombie-Britannique participe au rapatriement depuis plusieurs décennies. Nous sommes l'un des deux musées au Canada à procéder au rapatriement dans le cadre du processus de traité, et nous rapatrions des restes d'ancêtres, des biens et du patrimoine immatériel.
J'aimerais souligner certains changements que nous avons apportés au cours des dernières années.
Nous avons récemment révisé notre politique sur le rapatriement et les collections autochtones pour être plus ouverts au rapatriement. L'un des changements dont je suis la plus fière, c'est que nous avons modifié la politique pour préciser que le Musée considère que tout artéfact acquis pendant que la loi anti-potlatch de 1885 à 1951 était en vigueur l'a été sous la contrainte et doit être rapatrié.
Un autre changement que nous avons apporté a été d'intensifier nos mesures pour le rapatriement et notre travail relatif au rapatriement du patrimoine immatériel. Cela signifie que notre très vaste collection d'enregistrements sonores et d'enregistrements ayant trait aux langues et à la culture est numérisée, et les communautés y ont accès.
Nous avons récemment lancé un programme de subvention pour le rapatriement avec le soutien du gouvernement provincial, et nous avons aidé 21 communautés autochtones de la Colombie-Britannique dans leurs mesures de rapatriement. Nous contribuons également au rapatriement dans le cadre du processus de traités. En moyenne, deux ou trois nations par année s'assoient avec le Musée.
Nous sommes en train de créer une trousse d'information 101 sur le rapatriement. Comme nous sommes conscients qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de nations qui sont actives sur le plan du rapatriement, nous savions que nous pourrions les aider en leur donnant des conseils sur la manière d'y arriver.
J'aimerais mentionner quelques points aujourd'hui.
J'ai été conseillée par le président-directeur général Jack Lohman, la conservatrice Martha Black et la gestionnaire de la collection d'archéologie Genevieve Hill, et nous avons formulé quelques suggestions. Je vais mentionner celles que j'ai notées.
Il est crucial que la stratégie qui est élaborée soit créée par les peuples autochtones de concert avec les musées. C'est important d'avoir les deux à la table.
D'après mon expérience en matière de rapatriement d'artéfacts aux États-Unis, nous estimons que la Native American Graves Protection and Repatriation Act est très restrictive. Quand nous arrivions finalement aux musées, les responsables se sentaient vraiment pressés et forcés. Ils étaient assez épuisés et ils se sentaient obligés de rapatrier les artéfacts. C'était pénible. Je recommande de plutôt utiliser la manière adoptée par le mouvement de rapatriement de la nation haïda, et cela consistait à utiliser le rapport du groupe de travail de manière beaucoup plus amicale. Nous présentions le document aux gens et nous leur disions que nous sommes là pour travailler de concert avec eux en toute amitié. Cette approche semblait donner de meilleurs résultats dans notre cas que la loi américaine.
L'un des problèmes que nous constatons ici avec notre programme de subvention, c'est que le rapatriement prend du temps et que cela nécessite de l'argent. Pour le mouvement de rapatriement de la nation haïda, nous estimons que cela nous a probablement coûté environ 1 million de dollars pour rapatrier 500 ancêtres. Nous avons dû trouver ces fonds nous-mêmes.
Il y a d'autres éléments que nous voulions aborder. Nous pourrions y aller de quelques définitions pour nous assurer que les expressions « restes d'ancêtres » et « patrimoine immatériel », notamment les enregistrements ayant trait aux langues, sont mentionnées dans la stratégie proposée par le projet de loi. C'est probablement une bonne suggestion d'utiliser l'expression « autochtone ». Ce sera aussi important de demander aux musées de se montrer plus transparents par rapport à leurs collections et à la présence de restes d'ancêtres dans leurs collections.
Enfin, je mentionne que le rapatriement prend du temps. En faire rapport prend du temps. C'est tout simplement un processus très lent et très réfléchi. Il a fallu 20 ans à la nation haïda pour rapatrier plus de 500 ancêtres. En Colombie-Britannique, compte tenu du très grand nombre de nations sur le territoire, c'est ce que nous comprenons au Musée. Cela prend du temps, cela prend des gens et cela prend des ressources.
Voilà mes principaux points aujourd'hui. Haw'aa de votre invitation.
Merci, madame la présidente.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je commence mon exposé avec une déclaration pour vous expliquer le peuple auquel je fais référence lorsque je parle des Métis. Il s'agit de la nation métisse de souche de l'Ouest canadien; c'est un peuple distinct avec une histoire distincte, une langue distincte, le michif, un drapeau national qui a plus de 200 ans, une forte population, ainsi qu'un territoire géographique défini. Il s'agit du peuple ou de la nation qui a posé des gestes politiques et qui a pris les armes pour défendre son peuple et son territoire.
Pour être précis, je ne fais pas référence à la multitude de centaines de milliers de personnes ayant des ancêtres autochtones et européens, en particulier dans l'Est canadien, qui affirment maintenant être Métis, qui utilisent ce terme comme un adjectif et qui prétendent être d'ascendance mixte en faisant valoir de manière frivole qu'ils auraient peut-être un ancêtre autochtone éloigné. Cet adjectif et l'utilisation de l'expression « Métis » pour désigner des gens d'ascendance mixte n'ont pas trait à la nation métisse, qui est un peuple autochtone distinct, une politie et un groupe autochtone à part entière ayant des droits distincts inhérents et sa propre culture.
Je suis ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones. Il est entendu que ce projet de loi permettra l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale qui rendra possible le retour des biens culturels autochtones aux peuples autochtones canadiens, ce dont nous avons désespérément besoin. Le sentiment d'urgence que la nation métisse, les Inuits et les peuples des Premières Nations ressentent démontre que les peuples autochtones souhaitent se réapproprier leur culture et leur patrimoine. Même si la revitalisation culturelle autochtone inclut aussi les langues et le territoire, les biens culturels détenus par d'autres sont un élément fondamental de la réappropriation et du renouvellement de la culture.
Depuis la naissance de la nation métisse, les personnes qui ont visité le territoire ont su apprécier la beauté de notre culture matérielle et elles ont collectionné et conservé cette culture sous la forme d'oeuvres d'art. C'était à l'époque où il y avait un semblant de commerce équitable et que les peuples autochtones et les colons s'échangeaient des biens et des services. La colonisation et l'oppression qui ont suivi ont donné aux nouveaux arrivants le pouvoir de posséder la culture et des biens autochtones. Cela incluait la limitation et l'élimination des sources de nourriture, la réduction des libertés, l'interdiction de posséder des terres et la restriction du commerce et des échanges.
Les Métis sont souvent présentés comme les intermédiaires à l'époque du commerce de la fourrure. À une certaine époque, nous réussissions brillamment à faire le pont entre les Premières Nations et les nouveaux arrivants. Cependant, cette situation a aussi connu une débâcle lorsque la nation métisse a été dépossédée de ses terres et qu'elle a été forcée de se disperser, ce qui a forcé de nombreuses familles métisses, voire la majorité, à vivre dans une pauvreté abjecte et à cacher et à nier leur identité pour protéger leur culture. À cela s'ajoutait plus d'un siècle d'humiliation pour les peuples autochtones qui a été caractérisé par un traitement injuste, des documents historiques partiaux, une réinstallation, l'interdiction de pratiques spirituelles, des tactiques d'assimilation musclées et de nombreuses autres formes de discrimination.
Entre nourrir ses enfants ou conserver des biens culturels d'importance, les parents n'avaient pas vraiment le choix. La réinstallation forcée signifiait que les gens ne pouvaient apporter que ce qu'ils pouvaient transporter. L'infrastructure qui permettait aux personnes dans des milieux plus stables de pratiquer leur culture et de créer des biens culturels ne pouvait pas exister dans de telles conditions.
Les Métisses jouaient un rôle essentiel dans l'économie de la famille. Elles fabriquaient des biens culturels magnifiques pour les vendre à des gens qui en profitaient, alors que les familles métisses ne pouvaient pas conserver les biens qu'elles fabriquaient et en profiter.
Les hommes métis s'occupaient notamment de travaux physiques sporadiques et difficiles, à des salaires très bas, et on les estimait plus chanceux que d'autres. Subvenir aux besoins d'une famille par la récolte de plantes et l'élevage d'animaux était absolument nécessaire. C'était un long et dur labeur.
Nous nous demandons à quel genre de biens culturels nous aurions eu droit si de telles épreuves n'avaient pas été imposées aux peuples autochtones et, en particulier, à la nation métisse. Quels efforts a-t-il fallu déployer pour préserver notre culture en secret et continuer de transmettre les arts culturels qui ont fait notre renommée? D'ailleurs, on nous appelait le « peuple du perlage floral ».
Nous sommes reconnaissants envers ceux qui y ont contribué, mais nous n'en tenons pas rigueur à ceux qui n'y sont pas parvenus parce qu'ils devaient survivre. Certaines personnes d'autres origines pourraient se dire: « Moi, je ne connais ni les chansons ni les danses de mes ancêtres, et je ne sais pas non plus fabriquer des objets de culture matérielle, alors quel est le problème? » Le problème, c'est que la vaste majorité des Canadiens ont un pays d'origine auquel ils associent une partie de leur culture. Celle-ci n'était pas interdite ou réprimée, comme c'était le cas ici au Canada pour les peuples autochtones. Les autres cultures n'ont pas été soumises à des décennies d'indifférence et de honte, qui ont forcé de nombreuses personnes à abandonner leurs traditions pour protéger leur culture et assurer leur survie.
Quand nous voyons avec combien de soin et d'attention ont été entretenus les biens culturels de ceux qui étaient libres de les fabriquer et de les collectionner, nous ne pouvons qu'imaginer comment la situation aurait pu être différente si les peuples autochtones — dans notre cas, la nation métisse — avaient eu la même liberté et les mêmes possibilités. Les objets de famille les plus précieux et les plus beaux auraient été légués de génération en génération. Ils n'auraient pas été vendus ou enlevés. Ils n'auraient pas été mal étiquetés ou non étiquetés; on aurait su qui en était l'artisan ou la nation autochtone d'origine. Ces objets ne seraient certainement pas entreposés ailleurs que chez nous.
Voici un exemple qui montre l'importance de prouver la provenance d'éventuels biens culturels qui pourraient faire l'objet de rapatriement. Au mois d'août, je me suis jointe à une organisation d'ambassadeurs, de dirigeants autochtones et d'autres intervenants en provenance d'un certain nombre d'États américains pour visiter le Musée des Autochtones américains, au Smithsonian, à Washington D.C. Dans l'une des expositions de bonnets, une pièce a attiré mon attention: un bonnet pour bébé doté d'une borderie perlée caractéristique de la nation métisse. Voici ce qu'on pouvait lire dans la légende: « Cris des Plaines (Cris des Prairies), bonnet/chapeau pour bébé, vers 1910, Saskatchewan, Canada ». N'importe quel membre de la communauté métisse qui aurait vu cet objet saurait que c'était d'origine métisse. Il s'agit d'un cas possible d'erreur d'étiquetage de l'art métis, car la suppression des droits et de l'existence des Métis était, durant cette période précise, imposée à la nation métisse.
Le projet de loi C-391 est un bon premier pas vers la réconciliation afin que le Canada puisse réparer ces injustices. Il permettra aux peuples autochtones de se réapproprier leurs biens culturels, en plus de guider tous les intervenants concernés dans le cadre de diverses démarches qui devraient, au bout du compte, convaincre tout le monde qu'il s'agit de la bonne voie à suivre. Le rapatriement des biens culturels autochtones fera accélérer le processus de renouveau culturel des peuples autochtones. C'est le reflet d'une époque dont les Canadiens ne devraient pas être fiers et la promesse d'une nouvelle époque qui pourra faire leur fierté.
Par ailleurs, il faut veiller à ce qu'il existe un ou des endroits où conserver les biens culturels rapatriés. Trop souvent, la nation métisse ne dispose pas des ressources nécessaires pour établir des musées ou des centres culturels. La situation est en train de changer lentement. En effet, après 20 ans d'efforts, la Fédération des Métis du Manitoba, au nom de la nation métisse, en est aux dernières étapes pour créer un musée national des Métis à Winnipeg, l'ancien site du gouvernement provisoire des Métis de la rivière Rouge. D'autres initiatives sont également en cours.
Enfin, en 2020, la nation métisse célébrera le 150e anniversaire de son adhésion à la Confédération canadienne, qui a été rendue possible grâce aux négociations sous la présidence de Louis Riel et à l'adoption de la Loi de 1870 sur le Manitoba. Nous espérons que tous les parlementaires et, en fait, tous les Canadiens célébreront cet événement historique avec nous.
[Le témoin s'exprime en haïda.]
Merci.
Merci.
Nous allons maintenant entendre Mme Aluki Kotierk, présidente de Nunavut Tunngavik Inc. Nous recevons également la directrice exécutive, Pamela Gross.
Je crois comprendre que vous allez offrir votre témoignage en inuktitut, n'est-ce pas? D'accord. J'invite tout le monde à utiliser les écouteurs.
Mme Aluki Kotierk (présidente, Nunavut Tunngavik Inc.) [Traduction de l'interprétation]:
Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous. J'ai songé à parler en anglais, mais je vais m'exprimer maintenant en inuktitut puisque vous avez un interprète. Je suis très fière de pouvoir parler ma langue, l'inuktitut, pendant que je suis à Ottawa. Il y a deux points que j'aborderai en ce qui concerne le projet de loi C-391 et le Nunavut. Brièvement, je dirai qu'à la lecture du projet de loi, on y apprend que les artéfacts peuvent être utilisés à des fins éducatives. C'est d'une grande importance, à mon avis. Il est très important pour nous, les Inuits, que les artéfacts inuits se trouvent au Nunavut, ce qui n'est pas le cas. Ils sont entreposés ailleurs.
Les jeunes devraient voir leur propre mode de vie aujourd'hui au Canada. Par le passé, être autochtone était considéré comme honteux. Lorsque nous voyons de près les motifs complexes brodés par les Inuits et la façon dont ils fabriquaient des outils — par exemple, des peignes et d'autres outils —, cela nous rappelle à quel point les Inuits étaient distincts des autres peuples. Ils étaient ingénieux. C'était notamment le cas au Nunavut.
Il s'agit d'une aspiration louable, car nous n'avons rien au Nunavut. Ce plan serait très utile pour nous s'il y avait un musée au Nunavut. En ce moment, comment allons-nous utiliser les biens culturels rapatriés? Ce qui m'inquiète, c'est que, malgré la stratégie nationale, il n'existe aucune installation, d'autant plus qu'aucune mesure appropriée n'a été mise en oeuvre pour protéger les biens culturels.
Comme nous le savons, le Nunavut est devenu un territoire en 1993 aux termes de l'entente du Nunavut, plus précisément de l'article 4. Cela fait 25 ans que la Loi sur le Nunavut et la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut ont reçu la sanction royale au Parlement canadien.
Au Nunavut, il n'y a aucun centre du patrimoine territorial où exposer les biens culturels inuits. Par conséquent, plus de 140 000 artéfacts du Nunavut se trouvent dans des entrepôts, dont certains ici, à Ottawa. Le gouvernement du Nunavut dépense des millions de dollars depuis 1999 pour les faire entreposer à l'extérieur du Nunavut. La nécessité d'une telle installation était prévue dans l'entente du Nunavut. L'article 33.2.4 précise:
Il est urgent d'établir des installations dans la région du Nunavut pour la conservation et la gestion d'une partie représentative des registres archéologiques.
De plus, pour souligner le besoin d'installations, l'entente du Nunavut a permis d'établir la Fiducie du patrimoine inuit, qui est chargée de conserver et de protéger les biens qui lui sont confiés.
La création d'une installation territoriale est envisagée par le gouvernement du Nunavut depuis 2001. En 2006, Nunavut Tunngavik, la Fiducie du patrimoine inuit et le gouvernement du Nunavut ont annoncé que l'installation territoriale serait située à Iqaluit. Cependant, en raison de nombreux besoins concurrents en matière d'infrastructures, le projet a été mis en veilleuse en 2011, et les fonds prévus ont été réaffectés à d'autres projets.
L'identité inuite revêt une importance pour nous. En 2014, la Fiducie du patrimoine inuit a collaboré avec la Qikiqtaaluk Corporation sur le projet de centre du patrimoine dans le but de rapatrier des artéfacts inuits du Nunavut et d'établir l'installation sur les terres des Inuits.
Pour l'heure, la création du projet du patrimoine du Nunavut devrait coûter, selon les estimations, entre 70 et 90 millions de dollars. À notre assemblée générale annuelle de 2017, Nunavut Tunngavik a prévu 5 millions de dollars pour ce projet, et la Qikiqtani Inuit Association s'est engagée à verser le même montant — 5 millions de dollars pour la construction d'un nouveau centre du patrimoine au Nunavut.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
Mme Pamela Gross (directrice exécutive, Kitikmeot Inuit Association, Nunavut Tunngavik Inc.) [Traduction de l'interprétation]:
Merci beaucoup, madame la présidente. Je viens de Cambridge Bay.
[Traduction]
Je suis heureuse d'être ici. Merci de nous donner l'occasion de témoigner et de nous recevoir ici. Je m'appelle Pamela Gross. Mon nom inuinnaqtun est Hakongak, un nom qui m'a été donné par ma grand-mère en souvenir d'une de ses cousines.
Je représente la Fiducie du patrimoine inuit, qui est visée par l'article 33 de l'entente du Nunavut. J'y occupe le poste de fiduciaire, et je travaille aussi à la Société du patrimoine du Kitikmeot. En inuinnaqtun, nous l'appelons Pitquhirnikkut Ilihautiniq. Il s'agit d'une organisation sans but lucratif à Cambridge Bay, qui cherche à préserver, à protéger et à promouvoir la culture inuite.
Je travaille dans le domaine du patrimoine depuis plusieurs années. J'ai eu la chance d'avoir de nombreux modèles à suivre et j'ai pu travailler auprès de la Fiducie du patrimoine inuit tout au long de ma carrière universitaire. Il est très important que nous ayons un musée au Nunavut afin de pouvoir rapatrier nos artéfacts qui sont entreposés à Ottawa et à Winnipeg et de les ramener chez nous pour permettre à notre peuple de les utiliser et d'en tirer des leçons au sein de nos communautés d'origine.
Iqaluit est le berceau potentiel de notre musée territorial. C'est une promesse généreuse faite par Nunavut Tunngavik et la Qikiqtani Inuit Association, qui ont chacune prévu 5 millions de dollars pour la construction d'un musée. Cela fait déjà presque 25 ans que l'entente du Nunavut a été sanctionnée. Ce serait donc une excellente occasion pour nous, car le Nunavut est le seul endroit au Canada où il n'y a pas de musée territorial.
Si vous veniez visiter notre territoire — et j'ignore qui d'entre vous y a déjà été —, vous verriez que nous avons effectivement quelques musées, comme celui où je travaille, mais nous ne disposons pas de musée territorial. Ces dernières années, nous avons pu reconquérir une bonne part de notre fierté culturelle. Nous redéfinissons notre identité et nous nous la réapproprions de diverses façons. Un excellent moyen d'y parvenir, c'est de prendre connaissance des vieux artéfacts et d'amener nos aînés à des musées. Par exemple, j'ai amené des aînés au Danemark pour voir les collections qui y sont entreposées parce que nous n'avons pas la possibilité de le faire dans notre coin de pays.
Nous devons acquérir ces connaissances et les préserver dans notre culture afin de garder cette identité. Quand on pense au Canada ou quand on demande aux gens ce qu'ils pensent du Canada, ils ont souvent en tête des images d'inukshuk, de kayak et d'igloo. Voilà autant de pièces importantes que nos ancêtres ont travaillé fort à créer grâce à leur ingéniosité. Ces outils et les objets qu'ils recèlent — le savoir, la sagesse, les mots, la langue — font tous partie intégrante de notre identité et de ce qui nous façonne.
Nous sommes fiers d'être Canadiens, mais nous voudrions avoir la possibilité de mettre davantage en valeur notre culture et de nous en inspirer en guise d'outils d'apprentissage.
La première étape, pour le Nunavut, consiste à se doter d'un musée territorial et de rapatrier nos objets. Comme on l'a mentionné, 140 000 objets sont entreposés à Ottawa et à Winnipeg. Nous aimerions les ramener dans nos communautés et les utiliser comme outils pour les transmettre à la prochaine génération.
Quanaqqutit de votre temps.
Merci.
Nous allons maintenant entamer notre période de questions et de réponses, en commençant par M. Hogg.
Merci beaucoup, chers témoins, de nous avoir fait part de vos expériences en ce qui concerne le rapatriement et les enjeux connexes. Nous voulons certes élaborer une stratégie en la matière pour aider à éclairer et à orienter le rapatriement.
Nous avons entendu précédemment un témoin de Haida Gwaii. Mme Collison a parlé de certaines des négociations qui ont eu lieu. Elle a dit que son peuple souhaite que les gens veuillent faire la bonne chose et être en mesure d'engager un dialogue. Y a-t-il des valeurs ou des principes qui devraient être pris en compte dans le projet de loi et qui encourageraient une telle mobilisation afin que les gens voient ce que nous essayons de faire? Cela pourrait prendre la forme d'un énoncé de valeurs qui tient compte de l'histoire et de la nécessité d'agir, de manière à donner un peu plus de contexte, de sorte que les propriétaires d'artéfacts autochtones comprennent que ce projet de loi est un peu plus qu'une simple mesure législative. C'est quelque chose qui raconte une histoire ou qui lance une réflexion. On pourrait y ajouter un préambule qui serait utile à cet égard.
J'invite Mme Bell à répondre en premier.
En ce qui a trait au rapatriement dans le cas des Haïdas, Nika en a probablement parlé. Le mot haïda Yahguudangang signifie « respect », et nous sommes toujours revenus à cette notion dans toutes nos démarches concernant nos ancêtres.
Comme vous pouvez l'imaginer, il est bien étrange de devoir rapatrier des centaines de restes humains. Ce n'est pas quelque chose de normal. Les gens des médias nous demandaient souvent, par exemple, s'ils pouvaient venir nous filmer alors que nous veillions sur nos ancêtres. On nous demandait si les membres du personnel pouvaient participer. Nous étions vraiment assaillis d'une foule de questions nouvelles. Nous devions toujours revenir au mot « respect » et demander également à nos collègues de comprendre le sens véritable de respect. Ainsi, la voie à suivre a été beaucoup plus claire pour nous et nos collègues.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'utilisation du rapport du groupe de travail en dit long sur la collaboration et l'amitié entre les musées et les peuples autochtones. Nous nous en sommes vraiment tenus à ce point de vue. Nous avons demandé aux musées d'adopter cette position, eux aussi. D'ailleurs, nous blaguions à ce sujet, l'autre jour, au travail. Nous sommes Canadiens; notre pays est reconnu pour ses relations amicales, alors le projet de loi devrait en tenir compte. Travailler dans un esprit d'amitié est une chose importante que nous devons faire grâce à cette mesure législative.
Haw'aa.
Oui, et nous abondons dans le même sens. Nous voulons qu'il y ait, dans le projet de loi, quelque chose qui exprime le respect dont vous et Nika avez parlé. J'essaie de trouver un moyen de formuler cela dans une certaine phraséologie. Votre collègue a notamment expliqué que certaines négociations semblaient mettre l'accent sur une approche juridique plutôt qu'une approche axée sur les principes et les valeurs. J'essaie de trouver un juste milieu entre les deux et de voir comment nous pourrions exprimer cette notion dans la phraséologie que nous allons proposer.
Les autres témoins ont-ils des observations à faire sur la façon dont le projet de loi pourrait mieux tenir compte des valeurs et des principes, au lieu de se limiter à de simples mesures concrètes?
En plus de ce qui a déjà été dit, je pense qu'il est important en cette journée de réconciliation que les Canadiens soient... Ils deviennent plus compréhensifs et mieux informés au sujet des divers peuples et nations autochtones, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire pour sensibiliser le public.
Je pense que, dans un préambule, il y aurait lieu de transmettre la notion qu'en tant que premiers peuples de ce pays, les peuples autochtones ont une histoire, une culture, une appartenance à une nation et une appartenance à un peuple qui leur sont propres, et qu'il faut garder à l'esprit qu'il y a des distinctions entre les divers peuples. En même temps, les valeurs des peuples autochtones ne sont pas différentes de n'importe quel autre peuple. Nous apprécions ce qui est à nous et nous voulons dans bien des cas reconstruire ce que nous avons perdu dans cette affaire. Je pense que c'est quelque chose d'important.
Notre patrimoine culturel a été attaqué durement. Je pense qu'il faut un effort collectif de tous les Canadiens pour aider à reconstruire ce qui a été détruit. Je pense que certains messages en ce sens seraient tout indiqués.
Je pense que l'une des façons de faire cela est d'intégrer les connaissances traditionnelles — Inuit Qaujimajatuqangit ou IQ —, de travailler avec nos collectivités et de parler avec les gens.
Notre population augmente et nos besoins vont croissant. Je pense que la chose la plus importante pour nous est de pouvoir utiliser ces artefacts qui sont proches de notre peuple et de notre culture, de travailler avec nos communautés pour transmettre le savoir traditionnel à travers ces objets, de montrer comment ils ont été fabriqués et comment on obtient tant d'informations en utilisant ses mains, en écoutant les anciens, en travaillant pour faire quelque chose qui est presque inhérent à qui nous sommes et en intégrant notre IQ.
Je vous remercie.
Cela vous amène à la fin de votre temps de parole.
Nous passons maintenant à M. Blaney. Nous vous écoutons.
[Français]
Je vous remercie, madame la présidente.
[Traduction]
Ma première question s'adresse à Mme Bell.
Madame Bell, j'ai une question très simple: vous avez proposé que le projet de loi soit amendé pour que soit remplacé le terme anglais « aboriginal » par « indigenous ». Pouvez-vous me dire pourquoi? Je crois comprendre que cette requête est justifiée.
Au Canada anglais, le terme « indigenous » — « autochtone » en français — englobe davantage tous les membres des Premières nations, les Inuits et les Métis. C'est ce que nous essayons de faire en Colombie-Britannique et au Musée royal de la Colombie-Britannique. Nous essayons d'être plus dynamiques et de répondre à ce que disent les membres de la collectivité. Nous essayons d'être plus inclusifs.
Vous avez également proposé que le projet de loi soit amendé pour inclure les « actifs incorporels ». J'ai aussi entendu parler des « savoirs traditionnels ».
Est-il facile pour vous de recouvrer des actifs incorporels? Vous avez 20 ans d'expérience. Cela a-t-il été facile pour vous ou avez-vous eu de la difficulté à cet égard?
Au fil de nos voyages de rapatriement dans les musées du monde entier, il est devenu de plus en plus important pour nous, les Haïdas, de demander que nous soit restitué le patrimoine immatériel. Avec le temps, nous avons appris que c'était à nous de le demander, parce que les musées n'étaient pas nécessairement enclins à nous informer qu'ils avaient aussi des enregistrements et des photos historiques des Haïdas. J'ai trouvé que cela constituait un certain défi.
Comme vous le savez peut-être, les musées ont de la difficulté à suivre le rythme de la technologie, alors la numérisation... Dans mon ministère seulement, nous avons 3 000 enregistrements. Nous avons donc ajouté environ quatre nouveaux membres à notre équipe au cours de la dernière année afin de numériser cette propriété intellectuelle. C'est un gros travail pour les musées.
Je crois comprendre que vous appuyez le projet de loi et qu'il est important pour les autochtones de rapatrier ce qui est à eux. Voyez-vous un avantage à ce qu'une partie de la collection soit exposée dans d'autres régions du pays ou à l'étranger?
Bien sûr que oui. Vous connaissez sûrement le célèbre sculpteur haïda Bill Reid, et vous savez sans doute à quel point son magnifique travail a réussi à susciter un intérêt pour les Haïdas et les peuples autochtones du Canada. Je ne dirais jamais que nous sommes en train de faire un rapatriement intégral et complet, car il s'agit d'un processus et d'une relation complexes.
Monsieur Chartier, quand le musée des Métis sera-t-il construit? Vous avez parlé d'un musée métis qui serait construit au Manitoba. Est-ce exact?
Oui, c'est exact.
Ils en sont aux dernières étapes de la mobilisation des ressources nécessaires à sa réalisation. Nous croyons que c'est pour très bientôt.
D'accord.
Bien entendu, vous espérez être en mesure de rapatrier des artefacts pour le musée. Or, vous avez dit qu'il y a des artefacts métis qui ne sont pas reconnus non plus. Je crois comprendre que ce nouveau musée pourrait favoriser la reconnaissance de la culture métisse et aider à clarifier la classification des artefacts.
Oui. C'est exact.
Cela fera partie de l'exercice. À titre d'exemple, il y a environ trois ans, Bibliothèque et Archives Canada a organisé une exposition intitulée Un peuple dans l'ombre. Essentiellement, l'organisme se penchait sur ses propres travaux d'archivage, où beaucoup de documents n'étaient pas identifiés. Les artefacts étaient à toutes fins utiles d'origine métisse, mais les gens de BAC ont dû fouiller dans tout ce qu'ils avaient pour en extraire cette matière.
Nous allons devoir passer par des processus semblables parce qu'il y a 100 ans, les Métis n'étaient plus vraiment reconnus comme des personnes ayant des droits. Par conséquent, le gouvernement fédéral nous a mis de côté et nous avons dû nous débrouiller seuls. Cela a encore changé au cours des dernières années, alors il s'agit maintenant de reconstruire.
Je vous remercie.
Ma prochaine question s'adresse à Mme Kotierk.
Madame Kotierk, si je ne m'abuse, Mme Gross a dit qu'il y avait 140 000 artefacts un peu partout dans le monde. Je suis conscient qu'il est nécessaire pour le Nunavut d'avoir un établissement où les gens pourront avoir accès à ces artefacts, et je crois comprendre qu'il y a un engagement à cet égard.
Ma question est la même que celle que j'ai posée à Mme Bell. Voyez-vous un avantage à ce que la culture du Nunavut soit exposée dans d'autres régions du pays et dans le monde? Voyez-vous ce projet de loi comme un moyen d'aider à établir un équilibre entre le fait d'avoir des artefacts appartenant au peuple du Nunavut et la perspective de les faire circuler pour exposer la culture du Nunavut?
Comme le Nunavut n'a pas d'installation patrimoniale en tant que territoire, nous nous concentrons sur la façon de rapatrier les 140 000 objets qui sont actuellement entreposés à l'extérieur du Nunavut — en fait, le gouvernement du Nunavut paie pour faire entreposer ces objets à l'extérieur du territoire.
Je suis conscient qu'il y a une discussion sur l'intérêt que ces artefacts pourraient représenter pour d'autres Canadiens, pour le public canadien, mais je pense qu'à ce stade-ci, l'accent est mis sur la façon de les rapatrier au Nunavut afin que les Inuits du Nunavut puissent voir les choses que leurs ancêtres ont fabriquées.
Les Inuits du Nunavut ont subi un changement très radical en très peu de temps, et c'est donc dans l'histoire vivante. La génération de mon père est une génération qui vivait sur le territoire, pas dans les collectivités. Chaque fois que des artefacts sont apportés dans nos collectivités, cela suscite des discussions nourries et un important transfert de connaissances entre les plus vieux et les plus jeunes. Ces objets nous rappellent des souvenirs, ce qui est d'une importance cruciale pour nous en ce moment.
Nous avons besoin d'installations sur notre territoire où nous pourrons héberger ces objets. Ensuite, nous pourrons commencer à examiner s'il y a lieu d'organiser des expositions itinérantes dans nos collectivités afin d'offrir aux Inuits un outil qui les renseignera sur eux-mêmes.
D'accord.
Je vous signale que vous avez dépassé votre temps de parole.
[Français]
Nous allons passer à M. Nantel.
Je remercie grandement tous les témoins.
Ce projet de loi suscite des discussions fascinantes. En compagnie des autres témoins, nous faisons référence au projet de loi de mon collègue Romeo Saganash, que j'ai le privilège de côtoyer, et au respect des droits fondamentaux des peuples autochtones.
Je dis chaque fois — je l'ai même entendu dans la question de mon collègue tout à l'heure — qu'il existe une perception d'ordre archéologique de cette question, mais je crois qu'on fait davantage allusion aux sciences sociales et à une guérison contemporaine des gens dont c'est le passé. C'est de votre passé et de votre histoire qu'il s'agit, et je pense qu'il y a matière à aborder deux points, ce que j'aimerais faire maintenant.
D'abord, on peut considérer d'emblée que c'est à vous de choisir comment vous voulez rapatrier, exposer et partager ces artéfacts, avec vos gens d'abord, bien avant qu'on s'en serve comme de pièces de musée et de médiation culturelle auprès des Blancs. C'est à vous de choisir comment vous le ferez. Cela dit, vous donner cette responsabilité sans l'accompagner d'un budget adéquat, c'est un cadeau empoisonné.
Comment pensez-vous donc que nous devrions prévoir, dans ce projet de loi, votre contrôle sur ce rapatriement, et comment en évaluer le coût? Le coût ne devrait-il pas être complètement assumé par les gens qui ont commis tous les gestes ayant mené aujourd'hui à la commission sur la réconciliation, donc payé par nous, par le reste du pays? Par ailleurs, pourquoi pas ne serait-il pas aussi payé par des gens qui ont profité de ces artéfacts dans leurs installations muséales, archéologiques ou dans des collections personnelles? Je ne veux pas amener une dimension trop négative, mais il faudra parler d'argent. D'où viendra cet argent?
Je pose cette question particulièrement à M. Chartier et à Mmes Kotierk ou Gross.
[Traduction]
Eh bien, c'est une très bonne question et une excellente observation, car vous avez raison. Sans les ressources nécessaires pour nous permettre de retrouver ces objets et de les identifier comme étant les nôtres, ceux dont nous ignorons l'existence... Il faudra des ressources.
J'ai mentionné le musée du Manitoba. Nous y travaillons depuis plus de 30 ans. La Fédération des Métis du Manitoba s'en est chargée il y a une quinzaine d'années, et nous nous approchons du but. En fait, nous avons commencé par un budget incitatif, aux termes duquel on nous a demandé de présenter une proposition, mais au bout du compte, la nation métisse n'a pas obtenu un sou de cette démarche. Au fil des ans, l'idée s'est un peu développée pour en arriver là où elle est aujourd'hui, c'est-à-dire, sur le point de se matérialiser.
Dans nos petites collectivités, nous n'avons pas de musées. Par exemple, dans le nord-ouest de la Saskatchewan, d'où je viens, j'achète depuis 30 ans des perles de nos artisans, des sculptures d'orignaux, etc. Je les ai, mais je n'ai pas encore d'endroit où les mettre. Je pense qu'à un moment donné, si le musée national est le seul choix que nous avons, nous vivrons avec. Sauf qu'entretemps, ce serait bien qu'ils soient dans notre collectivité. Le financement est donc un enjeu névralgique.
Notre organisme éducatif en Saskatchewan, l'Institut Gabriel Dumont, à Saskatoon, possède bien un petit musée et un musée virtuel. L'organisme passe par ce processus, mais il a aussi des défis à relever. Encore une fois, les ressources sont un enjeu de taille.
Permettez-moi d'ajouter quelque chose à la question. Certains d'entre vous ont peut-être entendu parler des études sur les centres culturels que nous avons menées ici. Pourrait-il y avoir un lien entre ces centres et un centre culturel qui serait financé et qui pourrait aussi héberger ces artefacts selon vos desseins et volontés?
Ma question s'adresse à Mme Kotierk ou à Mme Gross.
Nakurmiik.
Pour ce qui est des coûts, j’ai précisé qu’une installation patrimoniale a déjà été convenue aux termes de l’article 33.2.4 de l’entente du Nunavut. L’un des problèmes, c’est que nos ententes actuelles ne sont pas mises en oeuvre. Je crois que cette installation serait une bonne occasion d’affecter des fonds pour réaliser quelque chose. Il y a divers types de financement. Il y a le financement qui serait nécessaire pour créer l’installation proprement dite, mais aussi celui destiné au fonctionnement et à l’entretien. Je crois que l’argent que le gouvernement territorial dépense actuellement pour entreposer ces 140 000 artefacts à l’extérieur du Nunavut pourrait être réaffecté aux dépenses de fonctionnement et d’entretien.
Ce sur quoi nous devons travailler en priorité, ce sont les fonds d’immobilisation qui nous permettront de créer cette installation sur le territoire du Nunavut. En plus de cela, il nous faudra de l’argent pour veiller à doter les Inuits des capacités et compétences techniques requises pour travailler à cette installation vouée à la préservation du patrimoine, installation qui sera dirigée par des Inuits et axée sur des conceptions du monde propres aux Inuits.
Je crois que ce sont les types de... Pour le moment, nous sommes devant le défi de rapatrier les 140 000 objets qui nous appartiennent et qui sont hébergés à l’extérieur du territoire. Une fois que nous aurons terminé cela, je crois qu’il faudra aussi faire des recherches pour trouver les autres objets inuits éparpillés un peu partout, mais nous ne sommes pas encore rendus là.
Merci de votre question.
Je pense vraiment que la Fiducie du patrimoine inuit donne une occasion au gouvernement du Canada de faire acte de réconciliation en travaillant avec nous à la mise en œuvre de l’article 33.2.4 et en nous aidant à doter notre territoire d’un musée. Nous avons bien sûr des musées plus petits. Comme je l’ai dit, je travaille pour l’un d’eux. Il s’agit d’un organisme sans but lucratif que la collectivité a créé il y a plus de 22 ans.
En allant dans les musées, nous voulons célébrer qui nous sommes dans nos collectivités. C'est un beau cadeau que Nunavut Tunngavik Incorporated et la Qikiqtani Inuit Association nous ont fait en donnant 5 millions de dollars en appui au rapatriement des artefacts entreposés au Musée de la nature et à la Winnipeg Art Gallery.
Nous aimerions vraiment récupérer ces objets le plus tôt possible, parce que nos aînés disparaissent plus vite que ce nous ne le croyons. Les connaissances qu'ils peuvent nous transmettre sur les personnes auxquelles nous nous identifions en tant qu'Inuits s'estompent rapidement. Chaque aîné qui, tristement, quitte la Terre emporte avec lui ses connaissances et sa sagesse. Il est très important pour nous que nos aînés puissent nous montrer tout ce qu'il y a à savoir à propos de ces objets, et qu'ils puissent le faire alors qu'ils sont chez eux.
Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions pour la réunion d'aujourd'hui.
Si l'un d'entre vous a d'autres commentaires à nous faire, vous êtes le bienvenu, mais je vous demanderais de le faire bientôt, car nous allons commencer l'examen de ce projet de loi sous peu. Si vous avez d'autres observations à signaler, n'hésitez pas.
Merci à vous tous. Vous nous avez vraiment aidés à comprendre ce projet de loi et la façon dont nous devrions aller de l'avant. Voilà qui met fin à la présente séance.
La séance est levée.
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