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Merci beaucoup de votre accueil, madame la présidente.
Je vous remercie également, membres du Comité, de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui.
Nous avions hâte d'avoir cette conversation. Il s'agit présentement d'un moment charnière pour le diffuseur public ainsi que pour la culture et la démocratie canadiennes.
CBC/Radio-Canada occupe une place fondamentale au sein de l'industrie culturelle canadienne. Cette industrie, qui vaut 55 milliards de dollars, repose sur la contribution d'intervenants publics et privés, qui ont chacun leur rôle à jouer. Rappelons d'ailleurs que chaque dollar investi dans le diffuseur public génère trois dollars en activité économique au pays.
Au cours des dernières années, grâce au talent de nos employés de même qu'au réinvestissement important accordé par le Parlement — merci encore une fois —, notre transformation numérique a donné des résultats concrets.
[Traduction]
Aujourd'hui, plus de 20 millions de Canadiens se rendent sur nos plateformes numériques chaque mois. Nous sommes le baladodiffuseur le plus populaire du Canada en plus d'être un leader mondial de ce format audio émergent. Nous présentons plus d’émissions permettant de découvrir davantage le Canada, notamment des émissions comme Unreserved, avec Rosanna Deerchild, à CBC Radio, Pour l'amour du country, à partir d’Halifax et, comme on l'a annoncé récemment, The Cost of Living, une nouvelle émission hebdomadaire produite à partir de Calgary qui couvrira les histoires commerciales de l'heure.
Nous jouons un rôle essentiel pour rassembler notre vaste pays à l'occasion d'événements et de célébrations comme les Jeux olympiques, les Jeux paralympiques, les prix Juno, l’ADISQ et le Bye Bye.
Nos plateformes de contenu numérique comme CBC Gem, ICI Tou.TV, Espaces autochtones et CBC Indigenous rejoignent plus de Canadiens grâce à de nouveaux moyens; des moyens qu'ils recherchent pour consommer le contenu.
Même si la couverture de l'actualité au Canada, et tout particulièrement les nouvelles locales, est en déclin, nous avons maintenu la présence de journalistes dans 60 endroits à l'échelle du pays. À une époque où la désinformation mine la confiance dans nos institutions et notre démocratie, nous demeurons la source de nouvelles et d'information la plus digne de confiance aux yeux des Canadiens.
Nous voulons miser sur cette confiance et sur cette réussite, afin d'en faire profiter tous les Canadiens.
[Français]
Lancée la semaine dernière, notre stratégie pour les trois prochaines années vise à placer les auditoires au cœur de nos décisions et de nos actions, de là notre slogan « Entre nous, c'est pour la vie ».
Ce plan poursuit aussi les objectifs suivants: préserver la confiance que le public nous témoigne, mais que nous ne tenons jamais pour acquise; approfondir nos liens avec les Canadiens; et consolider notre position de chef de file des services numériques. Pour tout cela, nous nous appuyons sur notre détermination à faire rayonner les meilleures histoires canadiennes.
[Traduction]
Nous avons choisi de mettre l'accent sur cinq priorités.
Tout d'abord, nous voulons offrir plus de services numériques personnalisés. Nous répondrons aux besoins des citoyens de manière plus directe, surtout par l'entremise de nos services de visionnement en ligne, c'est-à-dire ICI Tou.TV et CBC Gem et de nos services audio.
Nous bâtirons des relations à long terme avec les Canadiens. En capturant l'attention des enfants et des jeunes avec des contenus qui les encouragent à établir des liens entre eux et avec leur pays, nous visons à renforcer la cohésion sociale et la fierté nationale.
Nous renforcerons nos liens à l'échelle locale. C'est d'ailleurs notre plus grand atout. En effet, notre proximité avec les Canadiens est ce qui nous distingue à titre de radiodiffuseur public.
Nous en ferons davantage pour refléter toute la richesse du Canada d'aujourd'hui, c'est-à-dire son visage multiculturel, sa réalité autochtone, et ses communautés urbaines, rurales et régionales. Nous le ferons dans les histoires que nous présenterons sur nos ondes et sur nos plateformes numériques et dans nos pratiques d'embauche — un volet très important —, afin que les Canadiens se reconnaissent dans leur radiodiffuseur public.
Enfin, nous veillerons à ce que des extraordinaires histoires canadiennes soient vues et entendues au Canada et ailleurs dans le monde.
[Français]
Notre industrie fait face à des défis réels, nous le savons. C'est pourquoi nous voulons travailler avec des partenaires canadiens publics et privés, parce qu'aujourd'hui, la concurrence n'est pas entre nous. Nos concurrents, ce sont Google, Facebook, Amazon et les autres géants étrangers du numérique, des géants qui font maintenant partie de nos vies. Ils captent notre attention, et aussi nos renseignements personnels.
[Traduction]
Les géants du numérique ont compris le potentiel économique de la culture. Par exemple, Apple, Netflix et Amazon vont dépenser, ensemble, 18 milliards de dollars américains dans la production de contenu l'an prochain — c'est presque 90 fois ce que CBC/Radio-Canada est capable d'investir.
La mondialisation des contenus d'information et de divertissement a complètement bouleversé l'écosystème médiatique canadien. Le défi consiste à rendre les histoires et les expériences canadiennes accessibles et faciles à découvrir dans cet océan de contenu étranger.
Soyons clairs: nous n'avons rien contre ces entreprises. Elles nous ont permis de découvrir des films et des séries extraordinaires comme Roma, Transparent ou The Crown. Elles peuvent aussi donner une visibilité mondiale aux histoires canadiennes — comme Netflix l'a fait avec Anne with an E et Kim's Convenience, ou Amazon avec Annedroids.
Toutefois, ces entreprises n'ont pas le mandat de soutenir ou d'encourager le développement des artistes et des créateurs canadiens, des athlètes canadiens dans le sport amateur ou des points de vue canadiens. C'est à nous de le faire.
[Français]
C'est l'objectif que nous poursuivons dans le cadre de notre stratégie.
Nous voulons forger des partenariats avec des médias dans les communautés locales partout au pays, pour soutenir l'information et la démocratie. Nous voulons approfondir nos liens avec les Canadiens et leur permettre d'interagir les uns avec les autres. Nous voulons créer plus de contenus pour les jeunes Canadiens sur un éventail de plateformes. Enfin, nous voulons élargir notre programmation pour refléter toute la richesse du Canada.
[Traduction]
Nous voulons également renforcer la présence du Canada sur la scène mondiale et y assurer une place à nos créateurs.
Cette stratégie aura des répercussions positives pour nos entreprises, pour nos emplois et pour nos créateurs. De plus, elle renforcera notre culture ici, au pays.
Je vous remercie de votre temps. J'ai hâte de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente. Bonjour, chers collègues, et merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants et c'était une déclaration très intéressante.
Je dois admettre quelque chose. J'ai des antécédents dans le hockey et le sport à titre de copropriétaire des Sea Dogs de Saint John, l'équipe de hockey junior majeur de Saint John. J'ai grandi dans une culture de sport, et je me souviens que lorsque j'étais un jeune adulte — et cela divulguera mon âge —, mon père me faisait regarder Tommy Hunter à la CBC et, bien sûr, Hockey Night in Canada. C'était ma première expérience avec la CBC.
J'aimerais ajouter que lorsque je faisais du porte-à-porte au début de ma campagne, en 2015, j'ai vu beaucoup d’affiches sur lesquelles on pouvait lire des messages visant à sauver CBC/Radio-Canada sur les pelouses des gens et aux événements auxquels j'ai participé. Je me suis rapidement rendu compte de l'énorme importance de CBC/Radio-Canada d'un bout à l'autre du pays et de la façon dont le radiodiffuseur rassemblait les gens et les communautés de notre pays, et comment il s'agit en quelque sorte d'un organisme d'unification à l’échelle du Canada.
Au Nouveau-Brunswick, j’aime certainement Harry Forestell, de CBC News New Brunswick. J'aime aussi beaucoup Julia Wright, la nouvelle animatrice de Information Morning, à la radio de CBC. Mais je commence à m'inquiéter, car il y a littéralement deux jours, le chef de l'opposition a déclaré que CBC/Radio-Canada devrait cesser de couvrir les nouvelles internationales.
Il semble penser que les événements internationaux n'ont aucune répercussion sur les Canadiens, et que les Canadiens ne se soucient pas de ce qui se passe à l'étranger. Manifestement, nous ne sommes pas seuls dans ce monde. Il ne se rend peut-être pas compte que le Brexit, les crises humanitaires qui se déroulent partout dans le monde et les guerres au Moyen-Orient peuvent avoir des répercussions sur notre société canadienne et sur notre mode de vie.
Madame Tait, j'aimerais vous poser ma première question. À votre avis, CBC/Radio-Canada devrait-elle cesser de couvrir les nouvelles internationales?
J'ai certainement aussi grandi avec la CBC. Je viens de l'Alberta. Lorsque je conduisais un camion de grains, j'écoutais ses programmes toute la nuit.
Je viens de la région de Red Deer, et je dois avouer que nous avons été très déçus lorsque CBC/Radio-Canada a cessé d'y offrir ses services. Cela s'est passé il y a plusieurs décennies, mais nous avons tout de même écouté certaines personnalités locales, par exemple Ron Maclean. Ce sont des gens qui éprouvaient et continuent d'éprouver une grande passion pour CBC/Radio-Canada, mais nous sommes nombreux à avoir l'impression que l’orientation principale a peut-être changé. Dans des émissions comme As It Happens et d'autres émissions avec lesquelles j'ai grandi, et avec les personnes que nous avions, nous pouvions voir la différence entre les journalistes et les éditorialistes. Je pense que c'est l’un des problèmes. C'est l'une des choses que nous observons maintenant.
En effet, le nouveau cycle de nouvelles de 24 heures n'offre pas de nombreuses occasions d'entrer dans les détails d'une affaire. Le fait qu'on ne puisse pas faire cela semble contre-intuitif, mais c'est ce qui se passe dans les émissions de nouvelles. Autrefois, il y avait une demi-heure de nouvelles et ensuite, on présentait les affaires locales. Lorsqu'on perd cette partie… Comme il a été mentionné, vous assurez une présence dans 60 collectivités, mais vous avez dû vous retirer d'un grand nombre de collectivités.
Ces problèmes et ces choses que j'ai observés expliquent les raisons pour lesquelles vous vous faites parfois critiquer. Je suis allé dans des endroits comme Fort McMurray, lorsque des événements importants s'y sont déroulés. CBC/Radio-Canada arrivait avec quelques camions et six ou sept personnes, mais tous les autres réseaux de nouvelles arrivaient avec seulement un camion et une ou peut-être deux personnes. Les gens vous regardaient arriver en se disant que leurs impôts devaient payer pour cela. Vous devez vous rendre compte que cette perception existe.
En ce qui concerne l'autre enjeu soulevé par l'honorable député, je ne crois pas que sa citation était exacte, mais il a parlé du fait que CBC/Radio-Canada s'intéressait parfois un peu trop aux affaires américaines et ne se concentrait pas sur le Canada, ou du moins sur les répercussions de ces événements sur le Canada. Nous avons vu cette situation se produire. Nous n'entendons pas parler du fait que l'Australie, par exemple, a imposé une taxe sur le carbone et a ensuite décidé de l'éliminer, car le pays avait perdu toute sa compétitivité. Nous n'entendons pas parler de l'Allemagne, qui a dû apporter d'énormes changements en raison des problèmes qu'éprouve le pays avec ses ressources renouvelables, et les répercussions de cette situation.
Nous n’entendons pas parler des décisions commerciales catastrophiques qui ont été prises. Nous savons ce qui se produit. Je suis agriculteur et je fais également partie du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et lorsque vous parlez du blé dur d'Italie et des répercussions de cet obstacle non tarifaire au commerce sur notre pays, ou de l'Arabie saoudite, où un gazouillis mal avisé du gouvernement a causé de graves problèmes pour tout l'approvisionnement d'un produit… L'Amérique du Sud a des préoccupations semblables et, manifestement, il y a eu le voyage désastreux en Inde, ainsi que les légumineuses et les occasions de faire quelque chose à cet égard. Les gens commencent à se demander où est la couverture médiatique de ces événements.
Nous entendons parler de Donald Trump. Nous entendons parler des enjeux connexes dans ce pays et des prises de bec entre les démocrates et les républicains, mais qui s'en soucie? Nous devrions plutôt parler de la façon dont le Canada interagit avec le reste du monde. Oui, les États-Unis représentent un élément important, car c'est notre partenaire principal, mais ce n'est pas notre seul partenaire, et nous devons veiller à raconter cette histoire.
J'aimerais savoir si, selon vous, on pourrait faire en sorte que la société se concentre davantage sur le volet canadien de ces histoires nationales au lieu de se contenter de communiquer ce qui a été dit aux États-Unis.
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Oh! Je vous demande pardon. Ç'a été un événement très spécial.
Sur la représentation en Alberta, nous venons de parler de l'importance du financement local et de celui qui vient de l'État, et si CBC/Radio-Canada bénéficiait de fonds supplémentaires, je vous assure... Nous avons dressé une carte des endroits où nous voudrions être, mais d'où nous avons dû nous retirer, dans le passé, parce que, disons le seulement très clairement, malgré les fonds réinvestis par le gouvernement, nous subissions en permanence des pressions financières, faute d'être indexés à l'inflation des prix des biens et services, pendant que les recettes publicitaires et celles des abonnements diminuaient. La situation s'aggrave chaque année malgré la réinjection annuelle d'environ 20 millions de dollars.
Dans notre travail, nous sommes constamment exposés à cette sorte de pression. C'est simplement le contexte. Ce n'est pas que nous voulions nous retirer. Nous consacrerions beaucoup plus de ressources à la dimension locale... si nous en avions les moyens.
Pour répondre à votre question générale sur notre couverture des événements mondiaux, encore une fois, nous estimons couvrir la planète avec très peu de ressources. Nous avons huit bureaux à l'étranger, et — encore une fois, vous pourrez me corriger — je pense que notre budget est peut-être de l'ordre de 10 millions de dollars pour la totalité du monde que nous couvrons.
Nous ne sommes pas présents en Afrique, un continent susceptible d'influer profondément sur l'avenir de l'économie canadienne — sauf pour seulement certaines des questions que vous avez soulevées. Nous ne sommes pas en Inde. Nous gérons la couverture journalistique de ces questions très importantes du mieux que nous pouvons, souvent avec ce que nous appelons des bureaux éphémères. Nous y dépêchons certains de nos journalistes de Paris ou de Londres.
Ce n'est pas faute d'essayer de donner aux Canadiens l'aperçu le plus complet de l'actualité mondiale. Nous y travaillons quotidiennement. Indéniablement, les États-Unis jouent un rôle très important dans la réalité canadienne, et ce serait également une omission grave de ne pas signaler ce qui s'y passe.
Encore une fois, comme je l'ai dit, équilibre et équité sont au cœur de nos normes et de nos pratiques journalistiques, et nos journalistes le comprennent. Un ombudsman de langue anglaise et un autre de langue française ont pour rôle de s'en assurer. Je pense que nous relevons très bien ce défi.
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Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup à nos trois invités d'être ici.
Concernant la couverture internationale, au début de chaque année, j'ai hâte de voir l'émission où il y a une table ronde avec tous les correspondants à l'étranger. J'imagine que vous faites la même chose à CBC. À maintes reprises, j'ai trouvé que Radio-Canada, contrairement au portrait assez poussiéreux qu'en faisaient les conservateurs à l'époque où ils étaient au pouvoir, était très moderne. Sa plateforme ICI TOU.TV a ouvert la voie à la télévision de rattrapage.
Je crois que Radio-Canada demeure un standard à bien des égards. Nous nous souvenons tous de M. Bernard Derome, qui ne voulait jamais qu'on évoque le moindrement que la façon de faire « radio-canadienne » en matière d'information était à remettre en question, et il avait bien raison.
Madame Tait, j'ai eu la chance d'entendre votre présentation sur le nouveau paradigme qui a cours aujourd'hui. Vous avez tapé dans le mille en disant qu'il allait falloir travailler tous ensemble. Nous sommes tous devant ces nouvelles habitudes de visionnement des gens, lesquelles amènent à importer du contenu de façon phénoménale; c'est du jamais vu.
Vous avez parlé de votre budget. Évidemment, les enchères sont ouvertes pour déterminer qui vous aime le plus ou qui vous hait le plus. Ce que je sais, c'est que les libéraux ont ramené le budget au niveau où il serait sans les compressions du gouvernement conservateur de l'époque. Dans les faits, votre budget de fonctionnement a déjà été plus élevé, n'est-ce pas? Comment gérez-vous cette situation? Votre budget est moindre, mais les salaires doivent bien augmenter et vous devez maintenir des normes de qualité. Vous demeurez la référence à bien des égards. De plus, il faut tenir compte de l'inflation. Comment y arrivez-vous?
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Vous mettez le doigt sur le sujet qui me passionne le plus, mais qui est à la toute fin de mes questions. Vous m'obligez donc à sauter plusieurs pages.
Vous parliez de sauter une génération. La génération du millénaire écoute rarement la télévision en direct. Cela dit, dans son allocution, Mme Tait a évoqué le Bye bye, lequel a encore une fois battu des records mondiaux, j'en suis certain.
Je me permets de prendre quelques secondes pour rappeler aux membres du Comité que tous les sondages Numeris sur les émissions télévisuelles au Canada et au Québec confirment grosso modo, d'une semaine à l'autre, que 25 des 30 émissions les plus populaires au Québec sont produites au Québec, tandis qu'au Canada anglais, c'est plutôt la situation inverse: au moins 25 des 30 émissions les plus populaires ne sont pas canadiennes. Dans les deux cas, ce sont des records mondiaux. Il est toujours bon de rappeler qu'autant il peut n'y avoir aucun intérêt d'un côté pour du contenu local, autant il peut y en avoir un très grand de l'autre côté. Par contre, la prochaine génération va changer cela.
Vous avez fait quelques annonces relativement à la télévision pour enfants. Selon moi, nous avons déjà perdu la génération préscolaire actuelle, c'est-à-dire les enfants qui entrent à la maternelle prochainement. En effet, il y a de fortes chances qu'ils écoutent exactement les mêmes émissions que les « ti-cul » qui habitent au Connecticut.
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Je vois. Veuillez me pardonner.
J'ai immédiatement pensé aux nouvelles falsifiées, mais vous parlez bien de désinformation.
Notre monde est compliqué. Nous vivons dans la surabondance de l'information et des contenus et dans celle de la désinformation. Ajoutez de fausses nouvelles et vous obtenez des algorithmes qui isolent les utilisateurs dans des bulles filtrantes. Depuis 5 à 10 ans, les diffuseurs publics sont complètement décontenancés. Je dirais, comme on le dit à Montréal et partout ailleurs, que, l'une des raisons pour lesquelles j'ai accepté ce merveilleux travail est ma conviction que la diffusion publique n'a jamais été aussi importante qu'aujourd'hui.
Les autres diffuseurs publics, à Paris, Londres, en Australie, avec qui je suis en relation, et moi, nous affrontons tous le même problème, la protection et la défense de l'ensemble des citoyens contre l'incroyable tsunami de la désinformation.
Dans un certain sens, nous sommes devenus une balise de la vérité. Essentiellement, votre question — sur la comparaison du diffuseur public et du diffuseur de l'État — est que nous avons besoin du public pour nous sentir en sécurité et savoir que nous sommes une balise pour cette vérité et qu'il sait...
Nous pouvons commettre des erreurs. Tout le monde en fait, mais les normes et les pratiques journalistiques énoncent très clairement la nécessité pour nous de mesurer, de chercher, d'être transparents, de soupeser, de nous efforcer de présenter toutes les facettes d'un sujet particulier. Voilà la nature du service et du mandat publics, que nous prenons très au sérieux.
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Je me pose bien sûr la question et je la pose à mes collègues ici, aujourd'hui. Nous savons très bien que l'histoire peut se répéter. Il est à espérer que ce ne sera pas dans le cas qui nous occupe ici.
Divers éléments entrent en ligne de compte. Récemment, dans le plan stratégique que nous avons lancé, nous avons parlé de la nécessité, pour le diffuseur public, de conserver son modèle de revenus diversifiés. Précisons tout de suite de quoi il s'agit. Tout diffuseur public dans le monde possède un modèle de revenus diversifiés et il cherche à obtenir des revenus commerciaux pour équilibrer ceux qui lui sont accordés par l'État, que ce soit par crédit parlementaire, octroi d'un droit ou par un modèle quelconque de financement public. Nous considérons que c'est une police d'assurance indispensable contre les aléas.
Pour répondre directement à votre question sur ce que nous devrions faire, nous devrions opérer des compressions, examiner tous les éléments de notre activité et réduire les services. Simplement pour que vous compreniez, certaines de nos activités, notre programmation télévisée par exemple, sont peut-être rentables, nous font encaisser de l'argent, comme le Bye bye, mais nous fournissons aussi des services aux communautés minoritaires, aux communautés francophones hors Québec, qui ne seraient simplement pas des entreprises rentables. Elles dépendent entièrement des deniers publics que nous recevons. C'est vrai aussi du côté anglais et de certains services donnés dans le Nord. Nous occupons seuls ce créneau parce que les diffuseurs privés ne s'y aventureraient jamais, ces services ne rapportant absolument rien.
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C'est bon. Je ne m'attends pas à ce qu'elle le fasse. Merci.
Ce qu'on disait, c'est que les compressions du gouvernement fédéral signifiaient pour CBC/Radio-Canada la perte de 115 millions de dollars en financement sur trois ans, selon le budget déposé à ce moment-là. Donc, c'était une réduction de 10 % du budget de 1,1 milliard de dollars du diffuseur public, dans le cadre de compressions totales de 5,2 milliards de dollars des dépenses fédérales sur trois ans. Le budget de CBC/Radio-Canada a été réduit d'environ 36 millions de dollars par année pendant ces trois années.
Je vais vous lire un commentaire de CBC/Radio-Canada: « Dans le cadre des mesures du gouvernement visant à réduire les dépenses, tous les ministères et organismes fédéraux ainsi que les sociétés d'État devaient soumettre des budgets montrant des compressions de 5 % ou de 10 %. »
Je trouve cela intéressant, car je me souviens de cela. Je n'étais pas au gouvernement à l'époque, mais je viens d'une région rurale de la Saskatchewan et j'écoute la radio de CBC tout le temps. À l'époque, je ne sais pas qui représentait les diffuseurs canadiens, mais la personne qui s'occupait de cela pour CBC/Radio-Canada a dit à la radio qu'elle trouvait qu'il était vraiment très utile de faire cet exercice et de trouver des façons de faire face à de telles circonstances. Dans l'article, on disait que le diffuseur avait indiqué qu'il réaliserait les compressions d'une façon qui ne compromettrait pas outre mesure sa stratégie visant à accroître la couverture médiatique locale.
Ce que cela me dit, c'est que le pays tout entier a dû travailler ensemble pour passer à travers une période très difficile, et que CBC/Radio-Canada a contribué et est demeurée déterminée à améliorer la couverture locale.
Je suis contente de vous entendre dire que vous voulez poursuivre ce mandat. Je vis à 90 kilomètres de l'unique importante collectivité de toute ma circonscription rurale. Cette importante collectivité compte 16 000 habitants, et quand je prends la route de chez moi pour me rendre à Yorkton, je ne peux pas capter la radio de CBC.
Vous parlez d'avoir comme priorité les régions de notre pays qui n'ont aucune réception — ou aucun autre diffuseur que vous. Où cela se trouve-t-il dans vos plans? Dans quelle mesure est-ce une priorité pour vous, sur le plan des dépenses, ce qui comprend les 675 millions de dollars qui sont investis maintenant et que j'applaudis? Où se situent nos régions rurales dans cette priorité? Pouvez-vous donner un pourcentage de la croissance prévue dans les circonscriptions rurales à l'échelle du Canada?
Je m'appelle Daniel Bernhard, et je suis le directeur exécutif des Amis de la radiodiffusion. Comme Mme Dabrusin l'a dit, je suis accompagné de mon collègue Jim Thompson.
L'organisation Les amis de la radiodiffusion est la voix des citoyens qui veulent protéger le journalisme et les récits canadiens pour lesquels la radiodiffusion publique joue un rôle de la plus grande importance. Nous jouissons de l'appui de centaines de milliers de Canadiens qui sont également notre unique source de financement. Les amis de la radiodiffusion est une organisation tout à fait non partisane, et je tiens à souligner que nous ne sommes affiliés à aucune société ni à aucun diffuseur, notamment CBC/Radio-Canada.
[Français]
Les amis de la radiodiffusion travaillent à protéger et à défendre notre richesse culturelle et la saine démocratie qu'elle alimente. La force de Radio-Canada, l'audace journalistique et notre histoire commune sont au cœur de notre identité.
[Traduction]
Il faut mettre en contexte la discussion d'aujourd'hui. Cette semaine, j'ai assisté à une réunion du Grand Comité international sur les mégadonnées, la protection des renseignements personnels et la démocratie. Au cours de cette réunion, on a essentiellement souligné la mesure dans laquelle les entreprises de technologies, principalement Google et Facebook, ont été conçues pour supplanter la démocratie et même éroder l'autonomie individuelle.
Ces entreprises vendent une chose: nos données personnelles et privées. Elles les acquièrent en nous espionnant, souvent sans notre consentement. Elles utilisent ces données pour nous profiler, puis elles vendent l'accès à ces profils à des entreprises publicitaires. Nous générons des données qui s'additionnent à chaque seconde qui passe, et ces sociétés consacrent des milliards de dollars à nous garder en ligne plus longtemps.
Le principal incitatif de Facebook est par conséquent de publier du contenu qui retient notre attention. Elle ne se préoccupe pas de ce que c'est — des propos haineux, de la désinformation, même les propos de l'auteur d'une tuerie à Christchurch en Nouvelle-Zélande —, du moment que nous cliquons sur l'information, que nous indiquons l'aimer et que nous la partageons.
Facebook a compris que les humains ont évolué de manière à remarquer en particulier les menaces. Comme l'a dit danah boyd, chercheuse chez Microsoft, nous sommes biologiquement programmés pour être attentifs aux choses qui nous stimulent, au contenu qui est dégoûtant, violent ou sexuel, et aux potins humiliants, gênants ou blessants.
Facebook est au Canada la principale source d'information. J'aimerais donc vous poser une question. Qui parmi vous pense que c'est une bonne idée d'obtenir l'essentiel de notre information auprès d'une société dont le modèle opérationnel mise sur la publication de la plus importante quantité de contenu dégoûtant, violent, sexuel, humiliant, gênant ou insultant? Qui pense que c'est sain pour notre société?
Facebook a comme mandat de choquer, d'espionner et de faire des profits. CBC/Radio-Canada a comme mandat de renseigner, d'éclairer et de divertir. Ce mandat va au-delà de ce qui est simplement approprié, à l'ère numérique; en cette ère marquée par un capitalisme effréné qui mise sur la surveillance, les médias publics sont plus impératifs que jamais.
Par conséquent, il ne s'agit pas d'évaluer la pertinence du mandat de CBC/Radio-Canada, mais plutôt de déterminer si la société est équipée pour s'en acquitter. Ce n'est manifestement pas le cas en ce moment. Comme Mme Tait l'a dit précédemment, à 34 $, le montant par habitant qui est consacré à CBC/Radio-Canada compte parmi les plus faibles du monde développé. J'ajouterai qu'en tenant compte de l'inflation, le budget actuel de CBC/Radio-Canada est inférieur à ce qu'il était à son plus bas niveau, après les compressions de 400 millions que Jean Chrétien lui a fait subir dans les années 1990.
Bien sûr, ce qui est pire encore, c'est que le gouvernement du Canada subventionne activement les forces mêmes de la désinformation que CBC/Radio-Canada a pour mandat de contrer, ce qui dilue essentiellement les effets bénéfiques de ses efforts. Comme les membres du Comité le savent bien, une faille dans la Loi de l'impôt sur le revenu équivaut à subventionner le prix des annonces vendues par des sociétés comme Google et Facebook parce que leurs produits sont exemptés de sanctions qui existent depuis longtemps. Cette faille a coûté aux contribuables 1,6 milliard de dollars en 2018. En 2017, votre comité avait demandé très judicieusement au gouvernement de combler cette faille très coûteuse. Les raisons de l'inaction du gouvernement dans ce dossier demeurent pour moi un mystère.
[Français]
C'est une question de priorités. Nous avons juste à regarder où nous dépensons notre argent pour comprendre quelles sont nos vraies priorités. La valeur des exemptions et des subventions que le Canada accorde à Facebook, à Google et à Netflix représente 250 % de ce qu'il investit dans la Société Radio-Canada.
[Traduction]
Le Canada a du rattrapage à faire par rapport aux autres pays et doit imposer ses lois, ses règles et ses impôts à Facebook et aux autres géants numériques dont les intérêts commerciaux nuisent à l'intérêt public.
Nous devons aussi augmenter considérablement le budget de CBC/Radio-Canada, et ce, rapidement. Ce qui est plus important encore, c'est que nous devons veiller à ce que CBC/Radio-Canada soit de moins en moins dépendante des deux sources de revenus qui limitent le plus sa capacité de s'acquitter de son noble mandat: le gouvernement et les annonceurs.
Au bout du compte, la clé, c'est l'indépendance, et l'indépendance commence au sommet. Nous recommandons fortement des changements législatifs qui garantiront que les membres du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada n'ont aucune affiliation partisane et que le gouvernement ne participe pas du tout à leur sélection et à leur nomination.
De nouvelles dispositions législatives doivent aussi conférer au conseil d'administration le pouvoir complet et exclusif d'embaucher et de congédier le PDG de la société.
En matière de financement, la façon la plus simple d'augmenter le financement de CBC/Radio-Canada se trouve déjà dans les dispositions législatives existantes: interdire la déductibilité des dépenses de publicité numérique étrangère. En 2018, une telle mesure aurait généré jusqu'à 1,6 milliard de dollars, un montant suffisant pour accroître les crédits parlementaires de CBC/Radio-Canada de 145 %, et ce, sans qu'il en coûte un sou au gouvernement. Cette démarche permettrait d'atténuer la pression sur les finances publiques tout en répondant à des préoccupations très raisonnables au sujet de l'indépendance de notre diffuseur public.
[Français]
De plus, une surtaxe sur la publicité ciblée est tellement nécessaire. Si votre entreprise pollue la démocratie, vous devriez être responsable de la nettoyer. Une surtaxe de 5 % sur les publicités ciblées aurait généré environ 385 milliards de dollars en 2018, suffisamment pour remplacer l'ensemble des revenus publicitaires de CBC/Radio-Canada. Le fait de demander à Netflix de percevoir la taxe de vente générerait 130 milliards de dollars supplémentaires. Une fois que Disney, CBS et d'autres sociétés étrangères arriveront ici, chez nous, ce chiffre augmentera considérablement.
[Traduction]
À la veille des élections générales, les recherches sur l'opinion publique nous indiquent que les électeurs sont extrêmement favorables à ces propositions. Pour certains partis, revoir le mandat de CBC/Radio-Canada semble être une façon de dire qu'on veut éliminer des services entiers ou même la société entière, mais je peux vous assurer que de telles politiques seraient vraiment très impopulaires auprès des électeurs que vous vous efforcez maintenant de courtiser. Je serais ravi de discuter des résultats de notre dernier sondage Nanos avec vous, si vous le souhaitez.
Le monde est en ce moment engagé dans une lutte existentielle pour la démocratie dont le prix ultime est l'ensemble de l'industrie de l'information et de l'industrie culturelle. CBC/Radio-Canada n'a pas besoin d'un nouveau mandat; elle a besoin d'un nouvel engagement concernant un financement adéquat, durable et responsable. Pour être prête à gérer ces fonds, elle doit être indépendante de toute préoccupation politique et commerciale sur les plans financier et administratif.
Je vous remercie de votre attention. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
:
Absolument. Je tenais simplement à indiquer clairement ce à quoi nous faisons allusion.
Je pense que, si vous examinez quelques-uns des chefs d'État du monde entier qui manifestent des tendances un peu plus autoritaires, vous remarquerez systématiquement chez eux un mépris pour les faits et pour les journalistes qui travaillent sans relâche pour produire et diffuser ces faits.
Les plates-formes comme Facebook sont extrêmement utiles aux gens qui cherchent à échapper à la surveillance et à transmettre directement aux gens leur version de la vérité ou leur discours préféré, comme si la vérité ou ces faussetés étaient simplement des divergences d'opinions qui devraient être envisagées de la même façon. Nous avons observé ces comportements non seulement à l'échelle mondiale, mais aussi au Canada. Le fait que des plates-formes comme Facebook ne respectent aucune norme et n'assument aucune responsabilité en matière de qualité, de vérité ou d'intégrité, de la même manière que, par exemple, les télédiffuseurs canadiens le font...
Je vais simplement vous citer un exemple. Pouvez-vous me dire ce qu'il adviendrait, selon vous, si CBC/Radio-Canada ou CTV diffusait en direct une tuerie en cours? Il y aurait des émeutes, mais c'est exactement ce que Facebook a fait dans le cas de la fusillade de Christchurch.
À mon avis, ces outils sont très dangereux dans une société où les gens sont tenus d'être informés.
Comme M. Thompson l'a déclaré, CBC/Radio-Canada jouit d'un important soutien à l'échelle nationale. Ce soutien est apporté par des Canadiens de toute allégeance politique, et les statistiques le démontrent clairement. Notre travail consiste à rendre très visible ce soutien.
À l'heure actuelle, que ce soit en négligeant d'éliminer une échappatoire fiscale qui figure à l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu ou en mettant beaucoup de temps à déclarer que Netflix est un radiodiffuseur au titre des dépenses en émissions canadiennes, le gouvernement a démontré une préférence marquée, peut-être par inertie ou par défaut, pour les entreprises étrangères qui apportent une contribution négligeable, voire négative, à notre société et à notre démocratie, comparativement aux radiodiffuseurs canadiens, et plus particulièrement CBC/Radio-Canada, qui existent pour nous servir et nous enrichir.
Nous avons également remarqué que certains partis de l'opposition n'ont pas rendu publique leur position à propos de ces enjeux. Nous tentons de satisfaire le désir du public d'avoir accès à une narration et un journalisme canadiens crédibles et forts, y compris dans les petites collectivités et les régions rurales. Nous tentons également d'obtenir que les politiciens des circonscriptions clés soient honnêtes à propos de leurs points de vue et du point de vue de leur parti à ce sujet. Nous espérons obtenir que tous les partis s'engagent à faire connaître leurs positions à ce sujet. Les Canadiens s'attendent à cela, et je crois qu'ils méritent d'être tenus informés à cet égard.
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Nous ne faisons pas partie de CBC/Radio-Canada et nous ne participons pas aux décisions liées à la production, ce qui est sans doute une bonne chose. Mais je suis d'accord avec vous pour dire que les émissions doivent refléter l'ensemble du Canada et l'avenir que nous souhaitons, pour nous inciter à devenir un meilleur pays.
Je vais donc répéter ce que j'ai dit un peu plus tôt: produire de nouvelles émissions de haute qualité coûte cher. Si on veut vraiment demander à CBC/Radio-Canada de rendre des comptes, par exemple, pour ne pas se préoccuper sérieusement de la diversité et ne pas refléter le vrai visage du Canada, je pense qu'il serait beaucoup plus approprié de le faire si elle disposait vraiment des ressources nécessaires pour réaliser de telles émissions, mais qu'elle ne le faisait pas.
À l'heure actuelle, elle n'en a tout simplement pas les moyens, et quand elle dépend des ententes avec Netflix, par exemple, pour joindre les deux bouts, elle fera alors ce que Netflix veut qu'elle fasse, soit du contenu générique qui peut se situer n'importe où, et qui ne reflète pas les enjeux et la dynamique qui existent ici.
Je suis d'accord avec vous. Nous avons besoin de plus d'émissions ethniques et plus de diversité ethnique. Il faut refléter la véritable image du Canada, mais pour le faire, il faut financer de telles émissions.