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Monsieur le président, je commencerai en disant que je comprends qu'un hôpital particulier ne ferait normalement pas l'objet d'une étude de la part d'un comité parlementaire, à plus forte raison d'un comité responsable du patrimoine, mais la situation est inhabituelle. Le problème vient du fait que le gouvernement fédéral avait précédemment approuvé la vente de quelque 60 acres de terrain sur l'avenue Carling, au centre d'Ottawa, en vue d'y construire un hôpital devant remplacer l'actuel Campus Civic de l'Hôpital d'Ottawa, âgé maintenant de 92 ans.
La actuelle a mis fin au processus alors qu'il était déjà commencé et a maintenant retardé d'un an la construction de l'hôpital. Après une période de calme et de confusion, elle a décidé de confier le dossier à la , qui l'a délégué à la Commission de la capitale nationale, lequel relève de notre Comité. Voilà comment l'affaire a atterri ici aujourd'hui.
Le Campus Civic de l'Hôpital d'Ottawa sert non seulement notre capitale, mais aussi l'Ouest du Québec, Gatineau et l'Est ontarien. Je crois comprendre que des patients, certains venant d'aussi loin que du Nunavut, s'y rendent pour recevoir des services spécialisés. Ce campus est en outre un centre de traumatologie pour l'Est de l'Ontario et un centre régional de traitement des maladies cardiaques et des AVC. Le gouvernement fédéral met en péril tout cela en bloquant la construction sur le terrain disponible de l'autre côté de la rue, lequel a été retenu par un groupe d'experts.
Le campus actuel est en très mauvais état. Il a 92 ans et a un criant besoin de remplacement et de réparations. C'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui, afin de demander que la comparaisse devant le comité du patrimoine, puisqu'elle a renvoyé le dossier à la ministre du Patrimoine et à la CCN, afin d'expliquer sa décision de retarder la construction de cet hôpital.
Je vous ai donc présenté le dossier. J'invite les membres à appuyer la motion pour que nous puissions effectuer une étude au moment qui conviendra au Comité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle John Honderich, et je suis président du conseil d'administration de la Torstar Corporation. Je suis ravi d'accepter votre invitation à témoigner aujourd'hui devant le Comité.
Mon message pour vous est simple. Il y a une crise au Canada; le bon journalisme est en déclin. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas voir comment la situation peut faire autrement que s'empirer. Nous constatons qu'il y a beaucoup moins de conseils municipaux couverts par les médias. À Queen's Park, où se trouve le deuxième gouvernement en importance au Canada, il n'y a maintenant plus qu'un seul bureau journalistique regroupant plus d'un correspondant. À Ottawa, la tribune de la presse parlementaire n'est plus l'ombre d'elle-même, parce que de grands journaux métropolitains canadiens, y compris le nôtre, y ont considérablement réduit leur nombre de correspondants. Dans l'ensemble, je dirais qu'il y a beaucoup moins de journalisme d'enquête de qualité.
Cette tendance a des conséquences énormes sur la capacité d'avoir des citoyens informés et de donner accès aux collectivités locales à l'information dont elles ont besoin. Si vous êtes du même avis que nous que la qualité d'une démocratie dépend directement de la qualité des renseignements dont disposent les citoyens pour prendre des décisions éclairées, vous comprenez que cette tendance est vraiment inquiétante. Je crois que c'est quelque chose qui devrait tous nous préoccuper.
Il est très important que vous compreniez d'entrée de jeu que les journaux sont loin d'être morts. D'après les données sur le lectorat, nous sommes encore bien vivants. Pas moins de 50 % des Canadiens lisent encore un journal en format papier. Près de 90 % — c'était en fait 88 % l'an dernier — des Canadiens lisent chaque semaine des articles de journaux sur l'une de nos quatre plateformes numériques. De notre côté, le dernier sondage Vividata montre que l'édition papier du Toronto Star, qui détient toujours le plus grand tirage au pays, est lue chaque jour par plus d'un million de personnes. Je tiens à mentionner que c'est deux fois le lectorat de notre plus proche concurrent. Les dernières données montrent que le lectorat du Toronto Star a augmenté de 67 % sur l'une de nos plateformes numériques. Le nombre de pages consultées a augmenté de 39 %. Le nombre de visiteurs uniques a augmenté de 30 %. Soit dit en passant, cela représente 26 millions de visites par mois.
Le lectorat n'est pas le problème. C'est le modèle d'entreprise qui l'est. J'aimerais vous décrire ce changement de paradigme en vous racontant notre expérience à la Torstar.
Nous sommes une fière entreprise médiatique progressiste qui s'engage à faire du journalisme de qualité. Nous publions plus de 110 journaux et possédons des dizaines d'entreprises en ligne. L'entreprise a été fondée à partir de son journal phare, le Toronto Star. Le Star Media Group administre également Thestar.com, qui est l'un des sites Web les plus visités au Canada; Star Touch, soit le contenu offert quotidiennement aux utilisateurs de tablettes; la chaîne de journaux Metro qui sont distribués à Vancouver, à Edmonton, à Calgary, à Winnipeg, à Toronto et à Halifax; et le Sing Tao, la chaîne de journaux en chinois qui sont offerts à Toronto, à Vancouver et à Calgary.
Du côté local de notre société, Metroland publie plus de 100 journaux locaux dans le sud de l'Ontario, sans oublier le Hamilton Spectator et le Waterloo Region Record. Metroland est l'une des principales entreprises médiatiques au Canada et possède, en plus de ses journaux, de nombreuses entreprises en ligne, un vaste réseau de distribution de circulaires, des imprimeries, des salons à l'intention des consommateurs, des magazines et des répertoires. Enfin, nous possédons le tiers de l'agence de presse nationale du Canada, la Presse canadienne.
Je crois qu'il est juste de dire que nous connaissons bien les journaux. Nous sommes fiers de la qualité du journalisme dans l'ensemble du groupe, et nous entretenons des liens profonds avec les collectivités où nous sommes présents. Nous avons reçu des récompenses qui le prouvent. Si vous voulez savoir ce qui se passe à Toronto, vous lisez le Star; à Hamilton, c'est le Spec; à New Hamburg, c'est l'Independent; à Parry Sound, c'est le North Star, etc. Je pourrais le faire pour 110 journaux, qui appartiennent tous à Torstar.
Cependant, au cours de la dernière décennie, des changements fondamentaux dans l'industrie des journaux nous ont secoués. La révolution numérique et l'avènement d'Internet ont radicalement changé notre modèle d'entreprise. Le phénomène est mondial et bien documenté.
J'aimerais cependant vous raconter ce qui s'est passé de mon point de vue alors que j'étais éditeur du Star. Je me rappelle qu'en raison de notre lectorat je pouvais me vanter — et je le faisais — que les annonceurs n'avaient d'autres choix que d'acheter des publicités dans le Star. Aujourd'hui, un nombre infini de choix s'offre en ligne aux annonceurs.
Je me rappelle qu'à l'époque où j'étais chroniqueur économique les offres d'emploi nous rapportaient 75 millions de dollars. Ces revenus ont complètement disparu. Je me souviens de l'époque où nous avions 45 pages de petites annonces. Les gens utilisent maintenant Kijiji et Craigslist. Nous publions maintenant chaque jour deux pages de petites annonces, et la catégorie qui compte le plus d'entrées est les avis de naissance et de décès. Je me souviens de l'époque où notre section sur les voyages était bien remplie. Ce n'est plus le cas. Tous ces revenus servaient à payer un grand nombre de journalistes.
Sans ces revenus, nous n'avons tout simplement plus les moyens d'avoir autant de journalistes. En effet, le modèle d'entreprise même est menacé. Je ne veux pas que vous pensiez que nous sommes restés là les bras croisés sans rien essayer. À mon avis, Torstar a été l'une des sociétés les plus novatrices; nous avons tenté notre chance avec diverses nouvelles entreprises en ligne: Workopolis, WagJag, Toronto.com, Star Touch, Blue Ant Media, Gottarent.com et Goldbrook.ca.
Certains projets ont bien fonctionné, mais les pressions structurelles sont incessantes. Les revenus publicitaires continuent de diminuer, et tout le monde peut le vérifier, étant donné que nous sommes une société cotée. Que cela signifie-t-il pour notre capacité de rendre compte des nouvelles dans toutes nos collectivités? J'aimerais encore une fois laisser les chiffres parler d'eux-mêmes.
Au cours de la dernière décennie, le nombre de journalistes au Toronto Star a diminué depuis l'époque où j'en étais l'éditeur; à l'apogée, nous en avions 475. Lorsque le programme de rachat d'emploi sera terminé, il en restera 170. Au Spec et au Record, le nombre de journalistes a été réduit de moitié. Nos journaux locaux ont perdu le tiers de leurs journalistes. Vous avez peut-être lu un peu plus tôt cette année que nous avons été forcés de fermer le Guelph Mercury, l'un des plus vieux journaux canadiens, parce qu'il n'était plus rentable. Comme vous devez vous en douter, ce n'a pas été une décision facile à prendre.
L'ensemble de ces chiffres dépeint un portrait alarmant. Pourquoi? Croyez-le ou non, les journaux sont toujours les seules entreprises médiatiques, à quelques exceptions près, à avoir de grandes salles de nouvelles. Vous ne trouverez pas de journalistes dans les stations de radio ou les bureaux d'entreprises en ligne. Certains avancent que la démocratisation du Web permet à des blogueurs et aux citoyens de publier de l'information et que c'est la solution. Je ne suis pas de cet avis. Ces personnes n'ont ni les ressources, ni l'expertise, ni le temps de creuser de fond en comble une histoire ou de véritablement faire du grand journalisme d'enquête, ce qui était, à mon avis, essentiel.
Malheureusement, nous ne voyons pas de remède miracle à l'horizon. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est essentiel — et ce qui explique ma présence ici — de tenir des discussions nationales. Nous sommes aussi reconnaissants que le Comité pose les questions nécessaires et pertinentes. À titre de membre de l'organisme Journaux canadiens, Torstar réitère les recommandations qui vous ont été formulées, et nous sommes convaincus que, sans intervention, le journalisme de qualité et les relations avec les collectivités continueront de se dégrader. Les enjeux sont d'une importance capitale.
Merci beaucoup.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire parlementaire et membres du Comité, c'est un plaisir d'être ici aujourd'hui. C'est un plaisir aussi parce que nous considérons le mandat qui vous a été confié comme une planche de salut. C'est un mandat que nous saluons, évidemment, et auquel nous souhaitons prendre part. Comme il a été mentionné à plusieurs reprises, l'ensemble des médias un peu partout au Canada — c'est la même chose un peu partout dans le monde — sont dans ce qu'on appelle « une belle tempête » qui demande essentiellement la mise en place d'un nouveau modèle d'affaires.
Aujourd'hui, nous allons prendre la parole à deux. M. Brian Myles, qui est avec moi, représente Le Devoir. Il est directeur et éditeur du journal Le Devoir. Nous sommes accompagnés aussi de M. Pierre-Paul Noreau, président et éditeur du journal Le Droit. Nous représentons la Coalition pour la pérennité de la presse d'information au Québec.
Essentiellement, cette coalition est constituée de quatre acteurs importants dans le domaine des médias. On parle du Groupe Capitales Médias dont je suis le président exécutif, du journal Le Devoir, de Hebdos Québec et également de TC Transcontinental, dont les représentants sont venus témoigner ici, un peu plus tôt au printemps.
Les membres de la Coalition publient 146 journaux quotidiens, ou encore des hebdomadaires, qui rejoignent chaque semaine près de 6 millions de personnes au Québec, soit près de 80 % de la population. Nous avons également, dans l'ensemble de la Coalition, des journaux qui sont dans le Canada atlantique, en Ontario et en Saskatchewan. Nous fournissons — l'ensemble des membres — plus de 2 500 emplois de qualité qui se déploient un peu partout sur le territoire.
Aujourd'hui, nous nous présentons devant vous essentiellement pour lancer un cri d'alarme et demander à ce que nous puissions avoir ensemble un débat national sur cette question de la presse écrite. C'est une question de démocratie. En ce qui concerne la situation des journaux actuellement, dans notre cas et dans celui de l'ensemble des membres de la Coalition, le lectorat est en croissance.
Une première constatation est qu'il y a un besoin et une demande, également, pour l'ensemble de nos produits. Il est important de pouvoir s'assurer que, au Canada, on peut continuer à produire, avec des journalistes professionnels, une information qui est le reflet de la communauté, une information de proximité ainsi qu'une information de qualité.
Depuis quelques années déjà, nous ne nous sommes pas laissé faire en tant que coalition. Nous avons déjà commencé à mettre en place un certain nombres de modifications au sein de nos modèles d'affaires. Prenez par exemple le Groupe Capitales Médias; on peut maintenant retrouver notre information sur bon nombre de plateformes numériques.
La concurrence est féroce. Elle vient d'un peu partout dans le monde et, particulièrement, de géants comme Google. Lorsqu'on parle d'une intervention, qui serait ponctuelle, évidemment, on doit parler de protection de l'information et de protection des droits d'auteur.
Essentiellement, nous demandons aujourd'hui de nous accompagner dans une transformation de modèle d'affaires qui est déjà bien amorcée. Toutefois, comme le mentionnait M. Honderich tout à l'heure, les constatations sont assez impressionnantes. Selon moi, lorsque j'observe la demande et la croissance du lectorat, je me dis qu'il y aura toujours une place pour une belle information de qualité.
En ce qui concerne ce que nous vous demandons essentiellement dans le cadre de vos réflexions, nous avons produit un certain nombre de recommandations. Je vais demander à mon collègue M. Brian Myles de vous expliquer les différentes recommandations.
Merci.
:
Mesdames, messieurs, je vous remercie. C'est un réel plaisir d'être ici aujourd'hui, devant vous.
Comme mes collègues le disaient plus tôt, l'heure est grave. Je crois que s'ils en avaient l'occasion, tous les patrons de presse vous diraient aujourd'hui à peu près la même chose, c'est-à-dire que nos revenus traditionnels en matière d'imprimé diminuent et que les revenus numériques ne compensent pas les pertes. Qu'on me comprenne bien: je ne retournerais pas à l'ère du papier. Nous ne sommes aucunement des dinosaures, ici. La révolution numérique est fantastique, mais pour notre modèle d'affaires, cela revient à dire que nous avons échangé des dollars analogiques contre des cents numériques. Nous ne réussissons pas à atteindre un modèle d'affaires stable.
Nos recommandations se divisent en deux parties: des mesures d'aide directe, d'une part, et des mesures d'aide indirecte, d'autre part. La première, qui est peut-être la plus importante, est une mesure indirecte. À défaut de nous aider, l'État pourrait cesser de nous nuire et utiliser les budgets publicitaires qui sont à sa disposition pour financer en premier lieu nos médias, soit les médias nationaux du Québec et ceux du reste du Canada.
En ce moment, le gouvernement fédéral investit environ un demi-million de dollars dans ses publicités destinées aux journaux de l'ensemble du Canada. Il y a 10 ans, cette somme était de 20 millions de dollars. Pour nous, cette chute, ce passage de 20 millions à un demi-million de dollars, est brutal.
Où sont passées toutes ces publicités gouvernementales?
Ce n'est pas un grand mystère. En effet, on a retrouvé sur les plateformes numériques, en 2014-2015, quelque 19 millions de dollars. Ces 19 millions ou, si on arrondit ce chiffre, ces 20 millions de dollars, sont essentiellement de l'argent dont héritent les géants américains que sont Google et Facebook.
La première recommandation est donc, bien sûr, d'augmenter de manière significative et durable le placement publicitaire gouvernemental dans nos médias. En outre, les annonceurs qui ont encore le courage de soutenir la presse d'ici devraient, à notre avis, bénéficier de crédits d'impôt pour leur placement publicitaire dans nos plateformes. Quand je dis « plateformes », cela inclut nos pages imprimées, mais aussi nos écrans, étant donné que nous nous retrouvons tous sur des tablettes et des téléphones mobiles, à l'heure actuelle.
Il serait aussi très important de mettre à jour la Loi sur le droit d'auteur. Les pays européens sont en avance sur le Canada et les États-Unis à cet égard. Ici, on a laissé cette entité surnommée GAFA, soit les géants Google, Amazon, Facebook et Apple, vampiriser nos contenus et les monétiser. C'est un exode de recettes, donc un exode fiscal, très important. La bonification de la Loi sur le droit d'auteur permettrait de négocier des ententes et d'obtenir des redevances quand nos contenus seraient utilisés sur ces grandes plateformes.
Nous demandons aussi d'être traités comme tous les autres médias. De nos jours, dans le domaine numérique, un écran est un écran. On doit considérer que les médias écrits présents sur les plateformes numériques vont aussi faire de la vidéo à l'occasion et être présents sur Internet. Or pour l'instant, nous ne bénéficions d'aucun programme d'aide. Des programmes gérés par le Fonds des médias du Canada ou Téléfilm Canada ne nous sont pas accessibles. Si nous voulons développer une offre vidéo sur notre mobile pour rejoindre de nouveaux clients, des jeunes, nous devons le faire par nos propres moyens. Nous n'avons accès à aucun crédit d'impôt, aucune aide, qu'elle soit directe ou indirecte. C'est le cas du quotidien Le Devoir et de tous les membres de la Coalition, en ce moment.
Nous estimons que des crédits d'impôt relatifs à la masse salariale, pour l'embauche de journalistes qualifiés, et des crédits d'impôt portant sur la création d'applications nous permettraient de poursuivre notre virage numérique. Nous ne nous attendons pas à une aide perpétuelle de l'État. Nous ne demandons pas de vivre à ses crochets. Nous estimons qu'une aide transitoire nous permettrait de poursuivre les activités que nous avons déjà amorcées et de payer des journalistes. En effet, l'information a un prix, une valeur. Or cette valeur est celle des cerveaux, de l'intelligence des gens que nous engageons et qui se déploient sur le terrain pour rapporter du matériel de qualité. Ces crédits nous permettraient certainement de respirer un peu, le temps que nos modèles d'affaires se mettent en place.
Enfin, nous payons la TPS sur nos produits ainsi que la TVQ, au Québec. Nous demandons aux deux ordres de gouvernement, autant à Québec qu'à Ottawa, de se coordonner pour exempter les médias écrits de la TPS et de la TVQ. Bien sûr, cette mesure allégerait un peu la difficulté. Vous pouvez constater par vous-mêmes et dans votre entourage que, dans le domaine culturel, la gratuité est très répandue, en particulier chez les nouveaux consommateurs d'information. Il y a des limites à ce qu'on peut demander comme prix d'abonnement. Au journal Le Devoir, nous avons un mur payant.
Nous sommes un des rares médias qui réussit à faire payer les abonnés pour une information de qualité. Nous savons très bien que nous testons l'élasticité de la demande en augmentant constamment les prix. L'exemption de la taxe nous permettrait d'avoir une marge de manoeuvre. L'industrie du livre au Québec bénéficie d'une exemption de la TVQ. Les magazines canadiens ont bénéficié d'exemption de taxes et ont eu droit au Fonds du Canada pour les périodiques.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je n'ai pas l'habitude d'ouvrir le bal, mais je vous remercie de cet honneur.
[Français]
Monsieur Cauchon, vous et les membres de votre groupe avez mis en avant beaucoup de solutions et je l'apprécie énormément. Nous sommes ici pour trouver des solutions.
Les deux témoins et M. Honderich ont démontré clairement que nous traversons une crise et qu'il est très important de prendre des mesures judicieuses. Je vais commenter rapidement les cinq points mentionnés par M. Myles.
Le premier point touche l'aide indirecte par l'entremise des investissements du gouvernement fédéral dans des annonces publicitaires dans les journaux, dont la valeur est passée de 20 millions à un demi-million de dollars. Je ne suis pas certain qu'il existe une solution facile. Je ne voudrais pas que notre gouvernement investisse 10 millions de dollars dans le seul but de faire vivre les journaux. Pour être honnête avec vous, je suis moins à l'aise avec ce point. Par contre, votre point concernant les crédits d'impôt pour les annonceurs qui font du placement publicitaire dans les journaux m'intéresse. Cette stratégie a été mentionnée à plusieurs reprises. Les annonceurs qui bénéficieraient d'un tel crédit d'impôt pourraient être davantage motivés à placer des annonces dans les journaux.
Comme je l'ai dit, je suis plutôt contre votre premier point parce que de moins en moins de gens consultent les journaux pour s'informer. La suggestion concernant la vidéo m'intéresse également. Les points 2, 3 et 4 m'apparaissent intéressants. Le cinquième point m'apparaît aussi très intéressant parce qu'il faut quand même faire une distinction entre les grands journaux, les grands sites de médias et les plus petits. Notre étude vise surtout le milieu rural. Le Comité veut savoir quelle information est disponible dans les communautés rurales. Selon moi, les suggestions faites aux points 2, 3, 4 et 5 sont intéressantes si on veut apporter un appui à la presse écrite, que ce soit en l'exemptant de la TPS et de la TVQ, en lui offrant une aide financière pour la production de vidéos ou en accordant des crédits d'impôts aux annonceurs.
Je vois tout cela comme des outils et des solutions possibles pour les régions rurales et les petites régions pour s'assurer que la population a accès à de la bonne information. Ce que j'aimerais, c'est trouver des stratégies pour aider à transmettre du contenu canadien et local important dans les régions rurales. Je suis prêt à investir là-dedans, mais moins dans les régions urbaines où vous disposez certainement de moyens énormes.
Maintenant, j'attends vos commentaires.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le député et membre du Comité, je vous remercie de cette question.
Revenons au premier commentaire que vous avez formulé concernant la publicité gouvernementale de 20 millions de dollars, qui est passée aujourd'hui à 495 000 $. Il faut comprendre que nous ne demandons pas une enveloppe publicitaire supplémentaire. On comprend que, grosso modo, un montant de 20 millions de dollars est investi chaque année.
Essentiellement, nous disons au gouvernement canadien que, s'il a une sensibilité sur le plan de la nouvelle locale, comme vous venez de le mentionner, il devrait continuer à investir dans nos produits.
Tous les jours, dans l'ensemble des groupes, dans l'ensemble des journaux et des membres de la Coalition, nous rencontrons des gens qui, jour après jour, investissent dans nos journaux et y achètent de la publicité parce qu'ils comprennent que nous pouvons les aider à améliorer leurs ventes et que nous sommes des partenaires. Nous donnons également des résultats.
Depuis quelques années, on est passé de la plateforme papier à ce qu'on appelle l'univers numérique. On s'en va vers ce qu'on appelle le multimédia. Essentiellement, nous vous disons qu'il s'agit de faire en sorte de nous aider, parce que la situation est totalement inéquitable.
Un peu plus tôt, Brian Myles a parlé de la télévision qui a reçu de l'aide. Il y a eu le débat sur les magazines. D'ailleurs, j'y étais à l'époque. On a fait cela correctement, afin de protéger la démocratie, de maintenir une qualité journalistique un peu partout au Canada et de s'assurer d'un contenu canadien.
J'ai dit que la situation était inéquitable. En effet, tous les jours, si on prend les membres de mon groupe, Groupe Capitales Médias par exemple, 200 journalistes couvrent la nouvelle de façon professionnelle, un peu partout au Québec. Ce sont des nouvelles de qualité sur les communautés. Ces journaux sont le reflet de la vie culturelle, politique, économique et communautaire. Nous le faisons avec nos capacités et nos propres moyens financiers, et ces gens le font généreusement. Ils font presque du bénévolat, parce qu'ils croient en leur mission.
Devant nous, il y a les Google de ce monde qui, essentiellement, pillent, distribuent et diffusent l'information sur l'ensemble de la plateforme sans que cela leur coûte un sou.
Nous faisons donc un certain nombre de recommandations. Je pense que le gouvernement canadien devrait passer de la parole aux actes.
Par ailleurs, je pense qu'on devrait dépoussiérer la Loi sur le droit d'auteur comme on est en train de le faire en Europe.
Quand le gouvernement décidera de voir à la question des droits d'auteur, qu'il dira aux géants américains de cesser de piller notre information et de nous donner des redevances, vous allez constater que le ton va changer du côté de ces géants américains et des grandes compagnies. Ils vont venir nous voir et s'asseoir, parce qu'ils ne voudront pas se faire imposer un modèle d'affaires.
Voilà donc ce que nous vous demandons.
[Traduction]
Monsieur le vice-président, j'aimerais répéter que nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui, de participer aux délibérations et de vous aider dans votre mandat. Je crois que c'est une question de démocratie. Comme vous l'avez dit, il est question des régions partout au pays, et c'est essentiel. Si j'ai décidé de faire un choix de carrière et de faire le saut dans le secteur des médias, alors que je sais pertinemment bien que le modèle d'entreprise est actuellement en pleine transition, parce que le secteur traverse une période difficile, c'est que je crois en l'information. Je crois également en la qualité de l'information. Je sais que nous apportons une contribution dans les collectivités canadiennes. C'est ce que je crois. Voilà pourquoi je suis ici aujourd'hui.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'excuse du contretemps en début de rencontre. Ce n'était pas tellement admissible, selon moi.
Il y a vraiment une crise qui est large, qui est sociétale et qui est probablement à la grandeur de l'Occident. Les systèmes en place fonctionnaient bien et étaient très imbriqués. Là, des joueurs arrivent de l'extérieur et on ne sait pas quoi faire de cela. On n'est même pas foutu de leur faire payer des taxes de vente sur leurs services. On a vraiment les culottes à terre. Ils arrivent et on s'exclame devant eux, alors qu'ils sont train de manger votre business, donc notre distinction culturelle.
Il peut y avoir des crises. Nous pouvons trouver que Le Devoir ne couvre pas assez le NPD ou quoi que ce soit d'autre, mais là n'est pas la question. Nous serons contents que vous puissiez nous couvrir dans cinq ans, que ce soit en bien ou en mal. C'est la même chose pour tout le monde. Il peut y avoir des plaintes au sujet des hebdos régionaux. On peut trouver toutes sortes d'enjeux d'intendance, mais la question est beaucoup plus large que cela, et je suis content que le Comité s'y attarde.
Êtes-vous en mesure de nous fournir le libellé de l'article? Je connais assez bien la question des droits d'auteur. Quel est le libellé de l'article qui permet à Google de pirater votre contenu et de le dilapider, le diffuser partout sans vous donner aucune redevance? Si vous ne l'avez pas, pourriez-vous nous le faire parvenir? Il n'y a pas d'équipe de 60 recherchistes ici. Cela m'aiderait beaucoup.
:
On entretient cette espèce de perception de communauté virtuelle et de partage qu'amène l'Internet. C'est très bucolique, mais au final, quand on regarde les revenus des gens qui se promènent avec des vélos de trois ou quatre couleurs en Californie, ce n'est pas si bucolique que cela. Cela semble leur profiter beaucoup.
J'aimerais aussi aborder autre chose avec vous. Ne vous sentez pas mal de dire que vous cherchez un soutien gouvernemental, parce que je pense que le constat est général. Il y a même des gens de l'Alberta Weekly Newspapers Association qui nous disent ceci:
[Traduction]
« Nous n'avons pas trop l'habitude de demander l'aide du gouvernement, mais il faut bien avouer que la situation n'est pas rose. »
[Français]
Quand on entend cela, on voit que le problème est répandu. Par moments, la tâche du gouvernement est de réparer une injustice ou un déséquilibre qui s'installe. Ici, il n'y a pas de crainte à y avoir ou de reproches en ce qui a trait aux traités internationaux, parce qu'à l'international, tout le monde est aux prises avec le problème, qui est de protéger notre diversité ou notre distinction culturelle en Amérique du Nord.
Seriez-vous en mesure de nous donner un ordre de grandeur du soutien accordé aux autres industries par rapport à celui que vous recevez? Depuis le début de notre étude, je constate constamment que les membres de ce comité sont réceptifs, qu'ils cherchent des solutions et qu'ils vous écoutent. Je ne le blâme pas, mais le grand absent, dans tout ce dossier, est le ministère de l'Industrie. J'aimerais que les gens de ce ministère fassent leur part.
Quel est l'ampleur du soutien étatique que vous recevez? Comment se compare-t-il à celui accordé aux autres industries? Il s'agit bien d'une industrie, ici. Si vous n'avez pas ces chiffres avec vous, je vous prierais de nous les envoyer plus tard.
Ma question s'adresse à vous également, monsieur Honderich.
Tout à l'heure, vous disiez qu'il ne faut pas être gêné de venir demander de l'aide. Ce que nous demandons essentiellement, c'est de l'accompagnement. Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement puisse intervenir pour régler des questions qui sont fondamentalement des questions d'iniquité. Vous savez, il l'a fait dans le passé. C'est le rôle de l'appareil gouvernemental d'intervenir pour soutenir des secteurs particuliers. Si nous parlons de démocratie, selon moi, c'est une question constitutionnelle. C'est une question fondamentale.
Le gouvernement l'a fait au cours des années passées lors de la crise du poisson de fond pour soutenir et redresser un ensemble de collectivités. C'était excellent, c'était très bien. Il l'a fait pour l'industrie de l'aérospatiale, justement parce qu'il y avait des géants qui concurrençaient les compagnies canadiennes de façon très inéquitable. Il l'a fait l'a fait pour leur donner un coup de pouce, les amener au même niveau afin qu'elles puissent affronter la concurrence sur un pied d'égalité. Il l'a fait dans le domaine du multimédia et dans le domaine de la technologie de façon générale. Vous savez, il n'y a pas une société qui s'installe au Canada, actuellement, sans recevoir un crédit d'impôt.
Ce que nous demandons essentiellement, c'est que vous veniez, de façon particulière et ponctuelle, nous accompagner dans un virage qui est déjà bien amorcé par l'ensemble des membres de la Coalition. C'est une question de démocratie, mais également une question de besoins. Au bout du compte, nous savons que nos produits font la différence. Nous savons que nos produits aident les gens qui veulent annoncer les leurs, et nous demandons au gouvernement canadien de recommencer à publier ses annonces dans l'ensemble de nos produits, c'est-à-dire les versions papier, mais également les versions numériques que l'ensemble des membres de la coalition ont développées.
:
Si vous me le permettez, monsieur le vice-président, nous avons parlé de démocratie et nous avons dit que les journaux partout au Canada apportent une contribution dans les collectivités locales. Voilà essentiellement ce que défend la coalition. Bien entendu, les entreprises qui sont membres de notre coalition emploient environ 2 500 personnes partout au Canada; ces employés se lèvent chaque matin et se rendent à leurs bureaux locaux afin de fournir aux gens de l'information valable et de bonne qualité. Nous faisons cela depuis des siècles. Par exemple, dans le cas du
Droit, nous nous impliquons dans notre collectivité. Nous menons de nombreuses batailles. C'est ce que nous avons fait avec
Le Soleil,
La Tribune,
La Voix de l'Est,
Le Quotidien,
Le Nouvelliste — ce sont tous des journaux de renom des quatre coins du Québec, et les gens en sont très fiers.
Je vais vous dire quelque chose. D'ici cinq ans, je reviendrai avec la même coalition, et nous serons heureux de dire que nous sommes encore là, plus forts que jamais, parce que je suis sûr qu'à l'avenir, le gouvernement canadien choisira d'être un partenaire pour s'assurer qu'ensemble, nous serons en mesure de transformer notre modèle d'affaires. C'est ce que nous avons fait dans le passé pour le secteur de la pêche. Je m'en souviens très bien parce que j'étais ministre. Nous l'avons également fait pour les magazines, la télévision, et ce ne sera pas une histoire sans fin. Ce sera pour une période limitée. En fait, nous croyons en ce que nous faisons, et c'est pourquoi nous avons tous commencé à participer au monde numérique.
Dans le cas du Groupe Capitales Médias, il y a un an et demi, notre contenu n'était disponible qu'en version papier. Aujourd'hui, notre contenu est accessible sur plusieurs plateformes. Quand on examine le modèle d'affaires qui prend forme aujourd'hui partout dans le monde, songez au groupe Gannett, aux États-Unis, et à la voie dans laquelle il s'engage. C'est précisément le nouveau modèle d'affaires que nous entrevoyons. Nous vous demandons tout simplement de nous aider pendant une courte période, parce que nos concurrents sont beaucoup plus grands et beaucoup plus avantagés que nous. Je suis d'avis que nous devrions envisager sérieusement de modifier la loi sur le droit d'auteur ici au Canada, comme c'est le cas en Europe, par exemple.
Merci encore une fois. Nous sommes heureux que vous ayez ce mandat.
:
Monsieur Honderich, je connais bien votre journal, en l'occurrence le
Toronto Star. Je ne le lis pas aussi souvent qu'avant, mais j'aime beaucoup l'application Toronto Star Touch. Vous avez payé une fortune pour la créer il y a quelques années. Je crois que c'était 25 millions de dollars dès le départ et, depuis, c'est environ 10 millions de dollars par année.
Si j'étais, comme vous, le patriarche d'un quotidien et que j'écoutais les délibérations du Comité, je prendrais probablement certaines des mêmes mesures. Je créerais une plateforme en ligne conçue spécialement à cette fin, axée sur la technologie des tablettes et adaptée à celle-ci. Elle serait inspirée de La Presse+, que M. Nantel qualifie souvent de modèle, et ce, à juste titre. C'est magnifiquement conçu.
J'investirais dans de bons journalistes, de la trempe d'Emma Teitel ou de Paul Wells. On n'est peut-être pas toujours d'accord avec eux, mais ils sont intelligents et ils savent ce qu'ils font. J'investirais aussi dans des nouvelles importantes et dans des salles de presse. D'ailleurs, s'il y a une salle de presse qui ressemble le plus au film Spotlight, particulièrement dans le domaine de la presse écrite, et peut-être partout au Canada, je dirais que c'est la vôtre.
Vous aviez une grosse nouvelle hier soir à propos des revues médicales. Le reportage a également été diffusé sur CTV National News. L'information semble un peu banale, mais elle est d'une importance cruciale. En tant qu'ancien animateur d'émissions du matin et de chroniques sur la santé, je sais qu'il suffisait de citer des revues spécialisées pour donner d'emblée une impression d'autorité. On cite tout le temps ce genre de publications lorsqu'on parle de santé, sujet qui capte l'attention de tous. Vous avez un bon reportage d'enquête qui montre comment ces revues pourraient être discréditées à la suite de diverses acquisitions. C'est une information importante, mais vous perdez de l'argent, et je le dis avec désolation. Comprenez-moi bien.
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Mais notre budget a été réduit du tiers.
En ce qui concerne l'application Toronto Star Touch, la compétition sur le marché anglophone à Toronto est féroce. Les gens ont tellement d'options. Je crois que l'exclusivité de La Presse à Montréal lui a procuré un avantage supplémentaire. Si vous me demandiez — j'en prends l'initiative — qui est notre plus grand concurrent aujourd'hui, je dirais que c'est CBC/Radio-Canada. Elle dépense des sommes incroyables pour son site web — elle a des ressources illimitées — et elle peut accepter des annonces publicitaires.
Si vous voulez vous occuper d'une question, vous pouvez examiner le modèle de la BBC, qui fait face à exactement la même situation. La BBC a instauré une énorme présence numérique, mais elle n'a pas le droit de diffuser des annonces publicitaires. Voilà une question dont vous pourriez discuter.
Vous voulez tenir compte d'autres options et vous avez soulevé des questions sur l'orientation future. Le Fonds du Canada pour les périodiques, établi après la débâcle de Maclean's, est une subvention directe du gouvernement pour les magazines à tirage payé.
Traditionnellement, les journaux à proprement parler n'ont jamais voulu de subventions gouvernementales. Ils n'ont jamais voulu y avoir recours. Je peux vous dire qu'en Ontario, le gouvernement provincial avait établi un crédit d'impôt pour les médias numériques. Il l'a maintenant éliminé. Nous nous en sommes certainement prévalus.
Sachez que le premier ministre McGuinty a décidé de ne pas imposer la TVH à la vente de journaux en raison de l'argument relatif à la démocratie. Cette exemption est en vigueur, mais elle n'a jamais été une mesure de grande envergure, comme le soutien pour l'industrie canadienne du divertissement et de la création.
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Premièrement, vous avez parlé de la concurrence. Bien entendu, je suis pour la concurrence, mais pour une concurrence loyale, comme tous en conviendront. Les salaires que nous versons chaque jour aux 200 journalistes de la province de Québec pour qu'ils produisent une information locale de qualité exceptionnelle servent aussi à veiller, par l'entremise de ces personnes, au maintien de la démocratie et d'une vie communautaire dynamique. En revanche, il y a des gens qui s'emparent des nouvelles que nous produisons sans payer le moindre droit, et je crois que cela est injuste. C'est tout ce que nous dirons là-dessus pour le moment.
Deuxièmement, je pense que nous pouvons influencer le cours des choses. Comme vous l'avez dit, les gens sont en train de passer au numérique. C'est un fait indéniable, mais nous croyons que le nouveau modèle d'affaires qui nous attend est ce que nous appelons le multi-plateforme. Il va y avoir des tablettes et des téléphones intelligents, et vous allez pouvoir consulter Internet et consommer des imprimés. Toutes ces plateformes vont prendre part à ce que j'appelle l'échelle de la publicité. Elles auront toutes leur fonction particulière. Ceux qui investiront dans l'imprimé auront une certaine cible et une certaine vision. Ceux qui investiront dans la tablette auront des objectifs différents. Dans l'esprit des consommateurs, les effets ne sont pas les mêmes pour chaque plateforme, et c'est pourquoi nous avons choisi le multi-plateforme.
La seule chose que nous vous demandons c'est de vous assurer que nous allons être en mesure de roder ce modèle d'affaires afin d'être à nouveau capables de produire d'excellents journaux à l'échelle du Canada. C'est tout ce que nous voulons.
En ce qui concerne la publicité, je suis heureux du mandat qu'on vous a donné, et je sais que vous entendez les gens de partout au pays. Au risque de me répéter, je reviens sur la somme de 20 millions de dollars que le gouvernement fédéral investissait dans nos journaux, il y a environ 10 ans, et au demi-million de dollars que ces publicités représentent aujourd'hui. L'argent est allé à des gens qui sont à l'extérieur du pays. Il ne crée à peu près pas d'emplois et ne génère à peu près pas d'impôts.
Si vous croyez vraiment en votre mandat, j'estime que vous devriez joindre les actes à la parole. Pour un grand nombre d'entreprises de partout au Canada qui placent des annonces dans nos versions papier et numérique, nous avons un effet déterminant. Je suis d'avis que le gouvernement canadien devrait être suffisamment fier de notre culture pour se tenir debout et continuer de publier des annonces dans nos journaux. C'est ce que je crois, monsieur.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs les témoins, je vous remercie beaucoup de votre présence. Vos recommandations sont très claires et très précises, ce que j'apprécie énormément.
Je représente la circonscription de , dont Granby fait partie. Monsieur Cauchon, La voix de l'Est couvre 100 % ma circonscription. C'est majeur. L'information de qualité qu'il y a dans ce quotidien est au coeur de la vie quotidienne des citoyens de ma circonscription. Chaque jour, quand je me promène dans la circonscription, les gens me parlent de La Voix de l'Est et de l'information locale qu'ils y trouvent.
Je ne vois pas du tout l'aspect voulant que votre journal ne serait plus là demain. Qui va parler du conseil municipal de chacun de ces villages? Qui va parler du club de soccer qui a gagné le tournoi à Repentigny? Qui va parler des artistes locaux qui se démarquent et qui veulent grandir dans notre société?
Pour moi, c'est clair qu'il y a une iniquité avec les gros joueurs. Vous n'avez pas besoin de me convaincre de la nécessité de l'intervention de l'État pour redresser vos différents quotidiens qui constituent le média traditionnel pour moi. C'est clairement un besoin.
Vous avez parlé d'aide temporaire ou d'aide transitoire. Je vais revenir là-dessus. On en a parlé vaguement tout à l'heure. J'ai entendu parler de deux ans ou trois ans. J'aimerais que vous précisiez cette aide temporaire. Qu'entendez-vous par là? Je ne sais pas si c'était M. Myles ou M. Cauchon, mais elle est intéressante, parce que vous avez dit que vous ne vouliez pas vivre au crochet de l'État, mais que vous étiez en crise et que c'était probablement le moment de vous aider.
Pouvez-vous nous parler de cet aspect plus précisément?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, et merci de me recevoir.
Avant de m’aventurer trop loin, je pense qu’il vaut peut-être la peine que je vous explique comment je suis passé du statut de pauvre reporter taché d’encre à celui d'éditeur numérique. Poursuivant dans la voie tracée par mon père et de mon grand-père, j’ai commencé ma carrière journalistique à la fin des années 1980. J’ai fait mes débuts à la radio, mais je suis vite passé aux journaux et aux revues. Je suis né en 1964, c’est-à-dire durant l’ultime année du baby-boom.
Les éditeurs vont certes tenter de vous faire croire qu’ils ont été pris de cours par les effets dévastateurs d’Internet, mais pour moi, cette tendance qui tire tout vers le bas a toujours existé. En tant que journaliste, ma sécurité d’emploi comme celle de tous les gens de mon groupe d’âge a toujours été assujettie au principe du « dernier entré, premier parti ». Pour les moins de 50 ans, le journalisme n’a jamais été synonyme de stabilité d’emploi.
Au fil des décennies, la publicité est allée de récession en récession, et nous n’avons jamais pu nous remettre complètement de la précédente avant que la prochaine ne frappe. Les éditeurs savent depuis toujours que leur modèle est fondamentalement faillible. Il semble qu’ils sont très peu nombreux à avoir pris au sérieux les avertissements qui leur ont été servis. Puis, la révolution numérique est arrivée. Pour nous qui travaillons dans les médias d’information, on pourrait facilement parler d’une ère de glace, du bouleversement catastrophique de notre écosystème.
[Français]
Je suis de ceux qui ont eu le privilège et le luxe de passer une année à Harvard en 2007-2008 à titre de récipiendaire d'une bourse Nieman. Au même moment, l'économie s'écroulait littéralement dans l'industrie des médias et, particulièrement, en ce qui avait trait aux nouvelles.
[Traduction]
Sur 30 collègues — dont la moitié sont américains et l’autre moitié sont de l’étranger, et parmi eux, certains des meilleurs journalistes de la planète —, huit ont été mis à pied au cours de la dernière année.
Vous pourriez me demander pourquoi j’utilise cette métaphore de l’ère de glace. Eh bien, c’est parce que je crois que tout ce qui est gros et lent à se déplacer est inévitablement voué à mourir, et qu’un renouveau bien réel ne pourra s’amorcer que lorsqu’on aura permis à la civilisation des médias actuelle de s’éteindre.
Je ne suis pas ici pour demander l’aumône. Si ma main est levée, c’est pour vous faire signe d’arrêter. Dans mon for intérieur, je crois que la perspective de tenter de préserver les vieux médias ne devrait même pas être envisagée. Je vous propose de garder votre argent en vous demandant de ne pas venir à la rescousse de mes concurrents.
Je demande au gouvernement d’arrêter de donner de l'argent à la CBC/Radio-Canada pour financer le transfert massif et systématique de ses informations au numérique, dans des marchés qui, de surcroît, sont déjà marqués par une concurrence féroce ou en voie de l’être. La CBC/Radio-Canada a été créée pour deux raisons: servir de rempart contre l’impérialisme culturel américain et combler un vide dans les régions rurales où l’information « commerciale » n’était pas viable.
La CBC/Radio-Canada a certes fait beaucoup de choses formidables, mais en ce qui me concerne, il ne s’agit pas d’une entité superbe et bienveillante, mais bien d’un prédateur de première classe. Étant donné la nature de son contenu Web, la CBC/Radio-Canada n’est pas en train de concurrencer l’Huffington Post ou CNN. Elle est en train de concurrencer directement The Globe and Mail, Postmedia et, vous l’aurez deviné, iPolitics.
Le financement de la CBC/Radio-Canada a un effet fortement dissuasif sur les entrepreneurs potentiels de notre pays, surtout si l’on considère qu’il n’y a pas de projet clair qui pourrait nous donner une idée de la façon dont cet argent sera dépensé ou de l’endroit où il sera investi. Avec raison, les investisseurs sont réticents à mettre leur argent dans un marché donné — même si ce marché est clairement lacunaire —, car ils savent qu’il se peut très bien que la CBC/Radio-Canada vienne leur faire concurrence une fois qu’ils auront démontré la viabilité dudit marché. C’est l’obstacle le plus important à l’existence d’un marché dynamique et innovateur dans le monde des médias.
Je suis impatient de répondre à vos questions, alors je vais tout de suite passer à une série de points en rafale.
Je ne crois pas que le marché de la publicité reviendra à ce qu’il était auparavant. Les incitatifs fiscaux peuvent-ils aider? Peut-être, mais c’est une mesure sans mordant. Les abonnements sont la seule issue viable, mais pour que cela fonctionne, il faut que les éditeurs investissent dans la qualité. Cela et d’autres choses encore.
Je sais que vous l’avez déjà entendu de la part du groupe précédent, mais je vous en prie, renforcez la protection des droits d’auteur. Imposez des peines sévères aux récidivistes et peut-être même des travaux communautaires.
Bannissez les agrégateurs à but lucratif qui puisent dans un bassin publicitaire très restreint sans générer le moindre contenu; encouragez plutôt les médias concurrents à travailler ensemble.
Exigez de la CBC/Radio-Canada qu’elle s’abstienne de n’afficher que du contenu numérique. Son contenu devrait être créé avant tout pour la télévision et la radio. C’est ce que font d’autres diffuseurs ailleurs dans le monde, dont la British Broadcasting Corporation. C’est une mesure qui pourrait faire beaucoup pour niveler les chances sur le terrain.
Je profite de cette tribune pour proposer également que tout le contenu vidéo, audio et numérique produit par la CBC/Radio-Canada soit mis à la disponibilité du public en temps réel, et qu’il puisse être repris par n’importe quel site de nouvelles autorisé, à condition de respecter certaines exigences clés en matière de marque. Il s’agit après tout de contenu produit grâce à des fonds publics. Aux États-Unis, ProPublica fonctionne de cette façon et elle veille à ce que ses nouvelles soient disséminées aussi largement possible.
Je propose aussi que la CBC/Radio-Canada ait des projets conjoints avec des sociétés à but lucratif pour assurer la pérennité du journalisme d’enquête et de la couverture sérieuse des nouvelles, pour ainsi faire en sorte que sa riche expérience soit mise à la disposition d’autres intervenants.
Pour les besoins des nouvelles, je suis d’avis que l’attention devrait être mise sur le journalisme d’intérêt public. Je reconnais que l'« intérêt public » n’a pas de définition proprement dite, mais, comme le disait le juge Potter Stewart: « Je sais le reconnaître quand je le vois. » Le journalisme d’intérêt public est le type de journalisme qui contribue à l’édification des collectivités, qui interpelle et alerte la population, qui aide à préserver la démocratie et qui veille à ce que nos dirigeants nous rendent des comptes.
Créez un mécanisme qui permettra à des fondations caritatives de créer et de disséminer des nouvelles et des opinions qui servent l’intérêt public. Cela devra être fait en toute indépendance et se limiter aux nouvelles et aux opinions très générales afin d’éviter d’appuyer indûment des causes particulières, ce qui pourrait ressembler à du lobbying.
Si vous tenez absolument à dépenser de l’argent, l’initiative la plus prometteuse que nous ayons vue — je l’admets, et on vous en a parlé tout à l’heure —, c’est le défunt crédit d’impôt pour les médias numériques de l’Ontario, et ce, même si, dès sa conception, il était beaucoup trop lent pour être utile à n’importe quel entrepreneur digne de ce nom. C’était un mécanisme formidable pour des gens comme le Toronto Star et Postmedia, qui pouvaient se permettre d’attendre 18 mois voire deux ou trois ans avant d’être dédommagés, mais il n’était d’aucune utilité pour les entrepreneurs qui arrivaient à peine à se garder la tête hors de l’eau. Du reste, le crédit était vraiment mal conçu puisqu’il permettait à tous ceux qui avaient un site Web — que ce soit un salon funéraire ou Walmart — de présenter une demande. C’est l’une des autres raisons pour lesquelles il n’a pas fonctionné. Cela dit, nous ne refuserons pas l’argent qui nous sera offert.
Je suis certain que notre discussion fera jaillir d’autres idées, et je suis impatient de les examiner avec vous.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
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Puisque les gens de The Tyee vous ont montré la leur, permettez-moi de vous montrer la mienne.
Nous avons démarré iPolitics il y a presque six ans. Nous avons 23 employés à plein temps, et il a fallu juste un peu plus de 3 millions de dollars pour financer toute l'affaire. Nous nous déplaçons parfois afin de participer aux grands congrès. Nous essayons d'être aussi présents que possible. Nous sommes souples, et nous employons beaucoup de jeunes.
Je n'ai pas l'impression que cela est attribuable au crédit d'impôt. Le crédit d'impôt a récompensé ceux qui ont investi. Ce n'était pas de l'argent « gratuit ». Les montants étaient en fonction de ce que vous investissiez. Si vous arriviez à convaincre quelqu'un de vous donner 1 million de dollars et que vous dépensiez un certain pourcentage de cette somme sur le développement et le journalisme, on vous en remboursait une partie. C'était très utile et cela vous permettait d'être à la hauteur.
Selon moi, la création d'un fonds d'innovation qui n'exige pas des récipiendaires le dur travail d'arriver les premiers avec une idée et de prouver la viabilité de cette idée ne saurait engendrer, au final, que des déceptions.
Cela dit, lorsque David Beers a démarré The Tyee, il s'est débrouillé admirablement bien et il a réussi à trouver des voix très intéressantes. Le type de journalisme qu'il a développé en cours de route vaut aussi son pesant d'or.
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Je comprends tout mais je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à Politico à Washington, j'ai rencontré certains des fondateurs là-bas. Ils ont dit que leur objectif était d'être le ESPN du domaine politique, ce qui signifiait, pour eux, les médias imprimés, la télévision et les médias numériques. Pour eux, le créneau était la politique, et la plateforme n'avait aucune importance.
Je suis venu ici avec cette idée. En une courte année, ou même six mois, entre cette conversation et mon arrivée ici en me demandant si la même chose pourrait fonctionner au Canada, tout au sein de l'industrie a commencé à avoir tendance à être encore plus granulaire. Les séries verticales devaient être encore plus étroites. J'utilise maintenant l'analogie selon laquelle nous sommes Baseball America. Je ne sais pas si vous connaissez cette organisation, mais Baseball America possède des statistiques sur les joueurs de baseball de niveau single A qui jouent à Topeka, au Kansas et ce genre de choses. C'est la référence pour les vrais partisans de baseball. Ils ne consultent pas USA Today. Ils ne lisent pas les rubriques sportives du journal local.
Si on prend le milieu des affaires, il y a trois gagnants, essentiellement: The Wall Street Journal, le Financial Times et Bloomberg. Dans le milieu du divertissement, au niveau des affaires, il y a Variety, et, dans un registre plus sensationnaliste, il y a TMZ. Alors il faut savoir être spécialiste dans son domaine.
Le lecteur type a maintenant sur son territoire de pêche cinq ou dix lignes qu'il vérifie chaque matin. Je suis heureux d'apprendre que nous sommes l'une des lignes que vous jetez à l'eau, parce que c'est une façon d'accroître sa pertinence.