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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 131 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 20 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1140)

[Traduction]

    Bienvenue à la 131e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
    Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-369, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d'interprétation et le Code canadien du travail sur la Journée nationale des peuples autochtones.
    J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui et j'aimerais également les remercier de leur patience, car nous avons dû participer aux votes.
    Avant de commencer, j'aimerais proposer au Comité de modifier légèrement les séries de questions, afin que nous puissions avoir le temps de poser des questions aux deux groupes de témoins. Nous aurons une série de trois questions de cinq minutes, c'est-à-dire une pour chaque parti, après chaque groupe de témoins. Cela ne nous ferait pas trop dépasser le temps imparti. C'est donc ma proposition.
    Aujourd'hui, dans le premier groupe de témoins, nous accueillons Aaron Wudrick, de la Fédération canadienne des contribuables. Par vidéoconférence, nous accueillons Elizabeth Edgar-Webkamigad, du Shingwauk Residential Schools Centre. Nous accueillons également, en personne, Alania Sanregret et Pauline Mawer, du Bonnyville Frienship Centre.
    En raison de problèmes techniques, nous entendrons d'abord le témoin par vidéoconférence, si vous êtes d'accord. Veuillez livrer votre exposé.
    Merci.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de l'invitation à comparaître.
    Je m'appelle Elizabeth Edgar-Webkamigad. En Ojibway, mon nom est Nenookaasi, ce qui signifie « colibri » dans notre belle langue. Je suis Ojibway, Odawa et Pottowattomi. Je viens de Wikwemikong, sur l'île Manitoulin, mais je vis à Sault Ste-Marie depuis 23 ans.
    J'aimerais d'abord reconnaître le beau territoire sur lequel se trouve cette université et le Shingwauk Residential Schools Centre. Nous sommes chez les Ojibway de Garden River et les Ojibway de la Première Nation de Batchewana et, avec l'établissement métis historique traditionnel, c'est l'un des plus grands établissements de la région. Nous sommes au coeur de la région des Grands Lacs, et je suis certainement très honorée de représenter le Shingwauk Residential Schools Centre.
    J'aimerais vous parler un peu de l'histoire de ce site. Le Shingwauk Residential Schools Centre a été établi au début des années 1980, lorsque plusieurs anciens élèves d'un pensionnat ont décidé de se rassembler et de veiller à ce que cette partie historique de leur vie — c'est-à-dire le fait d'avoir été un élève de pensionnat et l'héritage de cette période de notre histoire — ne soit pas oubliée. Le Shingwauk Residential Schools Centre a donc été créé après la formation de ce groupe d'anciens élèves.
    J'aimerais préciser que j'ai eu l'honneur de parler avec plusieurs personnes dernièrement, après avoir reçu l'invitation à comparaître. Je leur ai demandé ce que nous devrions garder à l'esprit lorsque nous parlons des raisons pour lesquelles une telle journée est tellement importante. Je remercie les enfants des anciens élèves de Shingwauk, deux de nos chefs locaux, des étudiants de l'Université Algoma, des membres de notre personnel, nos instructeurs, que ce soit à l'Université Algoma ou à la Shingwauk Kinoomaage Gamig et certaines de nos commissions scolaires de la région et leur personnel. De plus, j'aimerais remercier les organisateurs de l'événement auquel je viens tout juste de participer en Colombie-Britannique et qui était parrainé par Universités Canada et se déroulait à l'Université de Victoria. Je parle du rassemblement pour la réconciliation.
    Le message est clair: les gens d'aujourd'hui doivent penser aux sept générations suivantes. Par exemple, l'une des responsabilités du peuple anishinabe est de penser à l'avenir des sept générations suivantes et aux choses que nous pouvons faire aujourd'hui pour veiller à ce que les gens de ces générations aient une bonne vie — mino-bimaadiziwin.
    Un message très important revenait chez toutes les personnes auxquelles j'ai parlé, et c'est qu'il est important de reconnaître la résilience et l'espoir. La résilience du peuple anishinabe de l'ensemble du territoire est importante. Les gens comme moi qui travaillent dans le domaine de l'éducation et de l'apprentissage interculturel souhaitent susciter l'espoir que nos messages continueront d'être entendus.
    Un engagement a été pris en vue de poursuivre les efforts qui visent à établir des relations. Dans le cadre de l'établissement de ces relations, nous sommes tous mis au défi d'agir et de dire la vérité, et c'est notre priorité. En même temps, nous reconnaissons les Premières Nations du Canada et le peuple anishinabe sur l'ensemble du territoire. Si on me donne une journée, j'espère que non seulement moi-même, mais aussi tous les autres Canadiens, aurons l'occasion de réfléchir et certainement d'honorer, en participant aux différents événements qui pourraient être organisés, l'importance et la signification de cette journée spéciale.
    Le dernier message que j'aimerais vous communiquer, pendant que vous réfléchissez à vos travaux, c'est que l'une des réflexions les plus profondes qui émergent de l'événement auquel j'ai assisté samedi dernier, c'est qu'un traumatisme intergénérationnel s'est transmis d'une génération à l'autre, mais ce qui est aussi important — ou plus important —, c'est que nous observons également la transmission d'une résilience intergénérationnelle. Le peuple anishinabe et les peuples des Premières Nations sont des peuples résilients, et c'est une belle chose.
    Enfin, un jeune homme, un étudiant international qui a participé à ce rassemblement, a parlé de son arrivée au Canada. En arrivant à l'aéroport de Vancouver, il a vu un beau et grand totem.
(1145)
    Il a dit qu'il s'était rendu compte que ce totem avait sûrement une signification, car il était tellement grand et beau. Il a donc décidé de s'informer auprès d'un habitant de l'endroit — il a décidé cela pendant qu'il traversait l'aéroport — pour tenter de connaître l'histoire de ce totem.
    À la grande surprise de tous ceux d'entre nous qui l'écoutaient dans le cadre du rassemblement pour la réconciliation organisé par Universités Canada, il a parlé à un habitant de l'endroit. Ce jeune homme venait des Indes orientales. Il a demandé à une habitante de l'endroit si elle savait ce qu'était cette belle chose qu'il voyait. La personne a répondu qu'elle habitait dans cet endroit et que cet objet était lié aux Indiens, et elle a ajouté qu'elle pensait que ce qu'il regardait était très important.
    Ensuite, ce jeune homme s'est demandé pourquoi il ne connaissait rien sur ce totem s'il était lié aux Indiens, car il était lui-même un Indien.
    Il a dit que c'est à ce moment-là, lorsqu'il a découvert ce que c'était et lorsqu'il est arrivé à l'université — il fréquentait l'Université de Victoria —, qu'il s'est rendu compte qu'un grand nombre de gens connaissent l'histoire du Canada et que c'est important pour nous, les gens qui travaillent dans le système universitaire, de veiller à ce que l'histoire du Canada soit racontée de la bonne façon, d'une façon respectueuse et véridique. Il a dit qu'il ne pouvait pas retourner chez lui, dans son pays d'origine, sans connaître cette vérité.
    Je crois réellement qu'un tel jour pourrait aider à lancer ce dialogue, à créer ce respect, à établir des relations réciproques et à favoriser la réconciliation, afin de permettre aux gens, à nous tous, de comprendre ce qu'est le Canada, avec les Premières Nations du Canada.
    Meegwetch
(1150)
    Merci beaucoup. Nous entendrons maintenant Aaron Wudrick, de la Fédération canadienne des contribuables.
    Bonjour, madame la présidente. J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invité à comparaître. Je m'appelle Aaron Wudrick et je suis directeur fédéral de la Fédération canadienne des contribuables. Nous sommes un groupe d'intervention non partisan et à but non lucratif qui profite du soutien de plus de 140 000 personnes d'un bout à l'autre du Canada. Nos interventions sont axées sur trois volets, à savoir la baisse des impôts, la lutte contre le gaspillage et la reddition de comptes du gouvernement.
    Je suis très heureux de comparaître aujourd'hui pour parler du projet de loi C-369, qui vise à faire de la Journée nationale des peuples autochtones un jour férié. Je crois qu'il convient de préciser dès le départ qu'il va sans dire que les objectifs qui sous-tendent ce projet de loi, c'est-à-dire la reconnaissance des torts historiques subis par les peuples autochtones du Canada et la nécessité de la réconciliation avec tous les Canadiens, ne soulèvent pas la controverse. En effet, je crois que cette idée profite d'un large soutien dans tout l'éventail politique et auprès de tous les Canadiens.
    Toutefois, la question fondamentale qu'il faut se poser, c'est si la création d'un nouveau jour férié est nécessaire ou souhaitable pour faire progresser cet objectif. Nous devrions également examiner certains des coûts que cela entraînera.
    Pour parler simplement, les jours fériés ne sont pas gratuits. En effet, ils entraînent un coût pour l'économie, les employeurs et les contribuables. Manifestement, l'ampleur de ce coût dépendra des personnes touchées. Je sais que selon certaines estimations, ce projet de loi touchera 6 % de la population active. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a parlé de 3,6 milliards de dollars en perte de productivité. Un député a laissé entendre que cela coûtera un peu moins de 200 millions de dollars aux contribuables. C'est équivalent à une journée de paie de l'effectif fédéral.
    Cela ne signifie pas que nous n'avons jamais de jours fériés, mais c'est une raison évidente pour laquelle nous n'en avons pas un nombre illimité.
    Je crois qu'un autre point dont il est important de tenir compte lorsqu'il s'agit de déterminer si un jour férié est la meilleure façon de faire progresser l'objectif social dans ce cas-ci, c'est l'analogie du jour du Souvenir. Même s'il s'agit d'un jour férié dans certaines provinces et dans les milieux de travail fédéraux, ce n'est pas le cas dans d'autres endroits, notamment dans les écoles, et c'est un point important. En effet, de nombreux anciens combattants craignent que si le jour du Souvenir devenait un congé scolaire, cela pourrait priver les enfants d'une occasion de réfléchir à une notion très importante et d'en apprendre davantage sur ce sujet.
    Je crois qu'on peut faire valoir un argument semblable pour la Journée nationale des peuples autochtones. Il est important que pendant cette journée, les Canadiens prennent le temps d'apprendre et de comprendre l'histoire et les cultures de nos peuples autochtones et de réfléchir à ce sujet. La meilleure façon d'y arriver n'est pas nécessairement par la création d'un jour férié. Je peux vous dire que lorsque j'étais jeune, je ne prenais pas beaucoup de temps pendant la longue fin de semaine du mois de mai pour en apprendre plus au sujet de la reine Victoria.
    Cela dit, si les membres du Comité jugent qu'il est nécessaire de créer un jour férié pour souligner cette journée, j'aimerais leur suggérer d'envisager d'utiliser et de transformer un jour férié qui existe déjà et qui est reconnu dans la plupart des provinces et territoires —  je pense évidemment au jour férié du mois d'août. Cela permettrait d'imprégner à ce jour une signification particulière, mais cela éviterait également les coûts supplémentaires qu'entraînerait un nouveau jour férié pour les entreprises et les contribuables.
    C'est ce qui termine mon exposé. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant Alania Sanregret et Pauline Mawer, du Bonnyville Friendship Centre.
    Le Bonnyville Friendship Centre est situé dans la ville de Bonnyville, en Alberta. Il a été incorporé en vertu de la Loi sur les sociétés le 30 janvier 1975. Conformément à notre mandat, nous nous efforçons de combler l'écart entre les membres des communautés autochtones et des communautés non autochtones sur le plan culturel, social, économique et récréatif en favorisant la communication et la compréhension entre les peuples.
    Le Bonnyville Friendship Centre fournit, de façon continuelle, des programmes et un large éventail de services qui aident les habitants de la collectivité. Selon le recensement municipal de 2017, Bonnyville a une population de 6 422 habitants. C'est la ville de Bonnyville. Le district municipal de Bonnyville, que nous desservons également, a une population de 11 660 habitants et intègre les collectivités des Premières Nations du territoire visé par le Traité no 6, ainsi que l'établissement métis d'Elizabeth. Nous offrons également nos services dans plusieurs autres établissements.
    Le Bonnyville Friendship Centre crée une communauté saine, positive et productive en collaborant pour habiliter les familles et les gens par l'entremise de services innovateurs et culturels. Ainsi, au nom du conseil d'administration et du personnel du Bonnyville Friendship Centre, moi-même, Aliana Sanregret, gestionnaire de programme, et Pauline, notre directrice exécutive adjointe, avons accepté l'honneur et l'occasion de parler du projet de loi C-369 sur le patrimoine canadien.
    Nous reconnaissons que nous sommes réunis aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe, et nous aimerions remercier Georgina Jolibois d'avoir présenté le projet de loi C-369 et d'avoir lancé cette conversation pour honorer les peuples autochtones du Canada.
    Notre centre profite de toutes les occasions pour célébrer et encourager la culture autochtone dans notre collectivité. En effet, chaque année, nous célébrons la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin, en organisant un événement communautaire gratuit qui souligne les forces culturelles, la résilience et le savoir des peuples autochtones. Nous accueillons environ 1 000 membres de la collectivité chaque année, et parmi eux se trouvent des danseurs, des joueurs de tambour et des conférenciers autochtones, ainsi que des violoneux métis.
    En plus des activités culturelles, nous offrons un volet spirituel dans lequel nos aînés locaux coordonnent une cérémonie du calumet pendant laquelle des prières sont offertes pour la prospérité de notre collectivité pour la saison à venir. La date choisie pour la Journée nationale des peuples autochtones est le 21 juin, et c'est également la célébration du solstice d'été, que les peuples autochtones d'un bout à l'autre du Canada célébraient déjà avant la création des rivières.
    Notre centre organise une cérémonie du calumet chaque saison, et c'est une autre façon d'attirer l'attention sur nos forces culturelles. Parmi les participants se trouvent des dignitaires, des écoliers, des enseignants, des organismes partenaires et des habitants de la ville et du district municipal de Bonnyville. Même si le 21 juin n'a pas été reconnu comme étant un jour férié, notre organisme, à Bonnyville, accorde un jour de congé au personnel afin de faciliter les travaux qui sont menés ce jour-là.
    Nous avons quelques réserves au sujet du projet de loi.
    Afin de reconnaître et d'honorer les peuples autochtones du Canada, la création d'un jour férié offrira l'occasion de célébrer et de sensibiliser les gens en honorant à la fois les tragédies et les réussites des peuples autochtones du Canada.
    Toutefois, si le 21 juin devenait un jour férié, les écoles seraient fermées ce jour-là. Nous célébrons le 21 juin, que ce soit un jour d'école ou non. Nous accordons une grande valeur à cette occasion d'exposer les enfants et les jeunes de Bonnyville à la culture autochtone, car ils n'auraient peut-être jamais rien appris sur ce sujet autrement. Nous croyons que le 21 juin devrait être réservé pour la célébration de la Journée nationale des peuples autochtones, afin d'encourager les jeunes à participer, et qu'il serait préférable de choisir un autre jour pour créer un jour férié qui vise à honorer les peuples autochtones. Nous croyons que si le 21 juin devient un jour férié, nous pourrions perdre une occasion de faire participer les jeunes membres de notre collectivité à nos traditions et à nos célébrations.
    De plus, le financement de cet événement qui provient de Patrimoine canadien et de Relations avec les Autochtones de l'Alberta tient compte du nombre de participants ainsi que de la date de l'événement, selon l'organisme auquel nous demandons ce financement. Si le nombre de participants diminue, ce financement pourrait diminuer en conséquence, ce qui réduirait aussi l'impact que nous avons sur la collectivité.
(1155)
    Nous appuyons le projet de loi C-369 et la création d'un jour férié national pour commémorer l'impact des peuples autochtones sur la formation du Canada. Toutefois, nous proposons de garder la Journée nationale des peuples autochtones pour les célébrations et de choisir un autre jour pour le projet de loi C-369.
    De nos jours, la fête de la Reine est un jour férié, afin de reconnaître la souveraine en place à la formation du Canada, le 1er juillet 1867. Ne serait-il pas pertinent d'accorder le même respect aux peuples autochtones de notre pays, et de célébrer et de partager la culture et les traditions solides et étendues des peuples autochtones au Canada?
    Nous recommandons à votre comité de continuer à consulter les peuples autochtones dans le cadre de ce processus et nous recommandons aux Canadiens de profiter de cette conversation pour s'informer sur l'histoire des peuples autochtones du Canada et pour célébrer cette histoire.
    En résumé, la célébration des peuples autochtones dans le cadre d'un jour férié honorera la nation du Canada en reconnaissant la vie et la culture des peuples autochtones du passé, du présent et de l'avenir. Il faut tenir compte de beaucoup de choses lorsqu'on envisage de créer un jour férié national et d'autres commémorations.
    C'est ce qui termine mon exposé.
    Merci beaucoup.
    Nous entamons maintenant la première série de questions de cinq minutes.
    La parole est à M. Wayne Long.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Wudrick, je suis heureux de vous revoir.
(1200)
    Merci.
    Pouvez-vous simplement nous rappeler qui sont les membres de la Fédération canadienne des contribuables? Qui siège au sein de votre conseil d'administration? Est-ce une combinaison de citoyens et de simples contribuables? Dites-moi qui fait partie de votre conseil?
    Si je ne m'abuse, notre conseil d'administration compte actuellement cinq ou six membres. Ce sont tous des bénévoles. Je crois qu'il y a maintenant deux femmes et trois hommes, ou bien deux femmes et quatre hommes. Je ne vois pas trop ce que je pourrais vous dire de plus...
    Je veux surtout savoir si l'on y trouve uniquement des représentants du milieu des affaires ou s'il y a également des contribuables. Vous portez le nom de Fédération canadienne des contribuables, mais est-ce qu'il y a seulement le milieu des affaires qui est représenté?
    Non. Notre conseil compte des représentants de différentes disciplines: avocat, comptable, gestionnaire d'une firme de relations publiques, spécialiste des relations gouvernementales, etc. Nous nous présentons comme la Fédération canadienne des contribuables parce que nous voulons insister sur le fait que les citoyens ont des taxes à payer et s'attendent à obtenir des services en retour. Nous essayons de faire contrepoids aux groupes qui revendiquent sans cesse de nouvelles dépenses sans tenir compte du fait que l'on doit trouver cet argent quelque part.
    Les gens d'affaires comptent pour quelle proportion de vos membres?
    Peut-être 10 %. Il y a des gens d'affaires qui appuient notre organisation, mais je ne pourrais pas vous donner un pourcentage.
    D'accord. Vous avez indiqué dans votre déclaration que votre groupe en était arrivé à une estimation de 3,6 milliards de dollars en perte de productivité.
    Ce sont les chiffres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
    Avez-vous une idée de la manière dont on s'y est pris pour en arriver à cette estimation?
    Je l'ignore.
    Vous l'ignorez.
    Est-ce que votre groupe a effectué des calculs pour déterminer ce qu'il nous en coûterait de renoncer à la réconciliation? Ne croyez-vous pas qu'il y a un contexte plus général à prendre en considération?
    Je sais que vous parlez des coûts associés au jour férié que l'on veut instaurer. Je suis bien conscient que vous ne proposez pas l'élimination du congé de Noël, de la fête de la Reine et du jour du Souvenir, mais est-ce que votre groupe a essayé d'une manière ou d'une autre d'évaluer ce qu'il nous en coûterait si nous n'allions pas de l'avant avec la réconciliation?
    Je ne sais pas trop comment on pourrait quantifier ces coûts. Il est bien évident que la réconciliation est un objectif important. Personne ne va prétendre le contraire. Il s'agit de savoir comment quantifier l'impact de l'absence d'un jour de commémoration sur la capacité des Canadiens de cheminer vers la réconciliation.
    Estimez-vous qu'il ne devrait y avoir aucun coût associé à cette réconciliation?
    Non, je crois qu'il va y avoir des coûts à assumer. Je fais simplement valoir qu'il faut toujours songer à la question des coûts lorsque vient le temps de prendre des décisions semblables.
    Pensez-vous que la réconciliation vise seulement à générer des profits?
    Non. S'il en était ainsi et que les jours fériés devaient être institués seulement à cette fin, nous n'en aurions aucun.
    N'admettez-vous pas par contre que la réconciliation avec les groupes autochtones et les Premières Nations vise des objectifs plus généraux qui transcendent la simple question des coûts?
    Tout à fait. Ce n'est pas seulement une question d'argent. Je souligne simplement qu'il y a des coûts associés à cette initiative et que nous devons en tenir compte. En outre, comme je l'indiquais dans mes observations préliminaires, je pense qu'il y a tout lieu de se demander si nous pouvons atteindre ces objectifs sans qu'il y ait nécessairement un jour férié.
    Vous ne savez donc pas comment la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante en est arrivée à cette estimation de 3,6 milliards de dollars. Du point de vue de votre organisation, à combien se chiffrent ces coûts?
    Cette estimation me semble élevée. Je pense que la vérité se situe quelque part entre les deux chiffres cités. Les coûts salariaux seraient de 195 millions de dollars pour les fonctionnaires fédéraux. Il y aurait bien sûr un coût à assumer également pour les employeurs du secteur privé. Je pense que les coûts totaux se situeraient probablement quelque part entre 200 millions de dollars et 3,6 milliards de dollars.
    Madame Sanregret, pourriez-vous nous dire ce qu'il nous en coûterait selon vous de renoncer à la réconciliation?
    Je n'ai aucune idée des coûts financiers, mais je peux vous parler...
    Des coûts sociaux.
    ... des coûts sociaux. Lorsqu'il est question de réconciliation, j'entends sans cesse parler des pensionnats indiens, si bien que l'on passe presque sous silence les autres problèmes, luttes et tragédies qui ont jalonné notre parcours au Canada.
    Les Autochtones comptent pour 8 ou 9 % de la population canadienne — je ne me souviens plus exactement —, mais sont fortement surreprésentés au sein de la clientèle de nos systèmes de protection de l'enfance, de justice pénale et de justice familiale. Ils devancent nettement tous les autres groupes culturels à ce chapitre.
    Je suppose que les coûts financiers associés à l'abandon de cette démarche de guérison... La réconciliation vise en effet à guérir les vieilles plaies et celles qui ne manquent pas de continuer à nous faire souffrir encore aujourd'hui.
    Il n'y a peut-être plus de pensionnats indiens ni de discrimination marquée comme ce fut le cas avec la rafle des services sociaux dans les années 1960, mais les Autochtones sont encore surreprésentés au sein de la clientèle des services à l'enfance. Nous voyons encore des Autochtones être accusés de crimes dans des situations où d'autres Canadiens pourraient être innocentés. Pour avoir moi-même passé beaucoup de temps dans les tribunaux, je peux vous dire qu'il y a des Autochtones qui reçoivent des sentences d'incarcération plus longues que celles qui seraient imposées à des non-Autochtones. Cet état de fait peut s'expliquer par tout un contexte et toutes sortes de raisons dont je pourrais sans doute traiter pendant des journées entières.
(1205)
    Malheureusement, nous avons déjà dépassé le temps prévu, alors si vous pouviez conclure brièvement...
    D'accord.
    Disons que les coûts financiers et sociaux de la réconciliation justifient pleinement tous les investissements pouvant être consentis à cette fin.
    Merci.
    Il n'y a vraiment pas de quoi.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à M. Shields. Je crois que vous allez partager votre temps avec M. Yurdiga.
    Oui. Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins d'avoir bien voulu comparaître aujourd'hui pour nous faire profiter de leurs points de vue.
    Madame Sanregret, j'ai trouvé intéressants vos commentaires quant à la nécessité de trouver la meilleure façon de s'y prendre.
    Oui.
    Il est peut-être préférable de conserver une journée pour la célébration dans les écoles et d'inscrire le jour férié à une autre date du calendrier. Je pense que ça peut être un inconvénient pour vous.
    La marraine du projet de loi parlait notamment de l'importance d'aller de l'avant. Je pense que l'exemple du totem que vous avez donné montre bien...
    En fait, c'est Elizabeth...
    Oui, c'est elle qui en a parlé, mais il s'agit en fait d'en apprendre davantage pour poursuivre la démarche. Je crois qu'elle a fortement insisté sur le fait qu'il fallait aller de l'avant en se tournant vers l'avenir, plutôt que de toujours regarder en arrière. Qu'en pensez-vous?
    Pour aller de l'avant, nous devons tenir compte de ce qui s'est passé auparavant. C'est ce que l'histoire du monde nous a appris. Si nous ne reconnaissons pas que certaines choses se sont produites, il est presque impossible d'aller de l'avant sans répéter les erreurs du passé. Cette reconnaissance, exempte de honte, de blâme ou de culpabilité, est primordiale. Il est important de savoir que c'est ce qui est effectivement arrivé.
    Une forte proportion de notre population ne sait toujours rien des pensionnats indiens et des changements apportés aux lois touchant les réserves pendant les années 1800 et 1900. Ce sont des réalités qui échappent à la plupart des gens, tout comme le mode de financement des réserves et la situation des établissements métis en Alberta. La reconnaissance des choses merveilleuses qu'ont réalisées les Autochtones au Canada en même temps que des tragédies qui se sont produites s'inscrit dans un vaste processus d'apprentissage qui nous permettra d'aller de l'avant. Il faut savoir d'où l'on vient pour pouvoir poursuivre notre chemin.
    Merci.
    Je cède la parole à M. Yurdiga.
    Je remercie grandement nos témoins de leur participation à notre séance d'aujourd'hui.
    J'ai eu la chance de parler à un grand nombre d'Autochtones dans ma circonscription, et la question des coûts est ressortie. Il y a toutes sortes d'estimations qui commencent à compter de 400 millions de dollars en sachant que ce projet de loi traite principalement de ce qui va se passer avec les fonctionnaires fédéraux.
    J'ai noté un commentaire que m'a fait une aînée. Tout le monde est en faveur de ce jour férié. Nous devons reconnaître la contribution des premiers habitants du Canada et souligner les sacrifices qui ont été faits.
    C'est justement la notion de sacrifice qui a inspiré cette aînée qui croit que les fonctionnaires fédéraux ne devraient pas être rémunérés pour ce jour férié. L'argent devrait plutôt être investi dans les infrastructures, car ce jour de reconnaissance devrait servir à rendre la pareille aux Premières Nations qui ont eu la bienveillance de partager leur territoire avec nous.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur Wudrick.
    C'est très intéressant. Selon nous, il n'y aurait pas de coût additionnel pour le contribuable. C'est un simple transfert de fonds pour les utiliser à d'autres fins. Du point de vue fiscal, cela ne semble poser aucun problème.
    C'est une proposition que je trouve vraiment très intéressante. Je pense qu'il faudrait tenir compte du fait que certains fonctionnaires fédéraux n'ont pas une rémunération très élevée, mais reste quand même qu'il s'agit d'un jour de congé et que ces fonds additionnels pour l'éducation et l'aide aux enfants autochtones seraient extrêmement bénéfiques.
    Merci.
    Monsieur Blaney, vous aviez une question?
    Je vous prie d'excuser mon retard.
    Je vois une note de mon collègue, et je sais que vous avez discuté des dates possibles. En ma qualité d'ancien ministre des Affaires des Anciens Combattants, je me souviens que nous soulignions le sacrifice de nos vétérans le 21 juin. Comme je suis du Québec, nous avons aussi notre fête nationale le 24 juin. Je crois que ce serait pratique.
    Est-ce que vous avez déjà fait part de vos réflexions, auquel cas vous pourriez me faire un résumé, quant à la date la plus appropriée pour célébrer les Premières Nations tout en commémorant les tragédies du passé?
    Qu'en pensez-vous, madame Sanregret?
(1210)
    Vous avez une minute.
    C'est amplement suffisant.
    Pour ce qui est du 21 juin, disons que la tradition autochtone prévoit la célébration des équinoxes et des solstices. Pour notre organisation, cela pose donc certains problèmes, mais je n'ai vraiment aucune idée de la date qui devrait être retenue.
    Nous avons un jour férié au mois d'août. Mes enfants me demandent toujours ce que l'on célèbre exactement, et je n'ai jamais su quoi leur répondre. Il faut simplement évaluer toutes les options.
    Merci.

[Français]

    Nous continuons avec M. Nantel pour cinq minutes.
    D'abord, j'aimerais remercier tous les témoins.
    Je suis vraiment ravi de voir à quel point les témoignages que nous recevons nous font constamment voir que ce projet de loi était non seulement nécessaire, mais aussi urgent. Tous ces témoignages soulignent qu'il était grand temps de régler cela, que l'on donne le temps nécessaire à nos citoyens pour réfléchir à ce qui s'est produit et reconnaître les réussites des Premières Nations. À cet effet, la journée du 21 juin fait son chemin, par opposition à la Journée du chandail orange.
    En écoutant le débat, je pense particulièrement à la question des enfants qui ne sont pas à l'école en raison d'un congé, par exemple. Il y a toute la notion de médiation, qui a pour but de faire connaître les Premières Nations et de permettre des échanges entre les Blancs et les communautés des Premières Nations. Dans cette optique, je ne peux m'empêcher de revenir sur la manière dont est célébrée la journée du 1er juillet. On ne fait pas grand chose en guise d'activités de médiation à l'occasion de la fête de Victoria. En passant, il y a des gens qui sont bien contents de cela — pour ma part, je le suis.
    Il y a toutefois du financement accordé aux célébrations de la journée du 1er juillet. Des fonds sont aussi alloués aux festivités et aux activités de médiation liées à la Fête nationale du Québec. Je pense que c'est de l'ordre de moins de 50 cents par personne.
    Ne croyez-vous pas que nous devrions tout d'abord nous assurer de disposer des fonds nécessaires au financement des festivités et des activités de médiation, de reconnaissance et de réconciliation?
    S'il n'y a aucune activité de médiation, s'il n'y a pas de moment prévu pour organiser des célébrations, alors que le 21 juin s'y prêterait parfaitement, ce serait un peu comme un coup d'épée dans l'eau. Tout le monde serait en congé et resterait chez soi pour regarder un film.
    Je pose la question à tous, mais il faudrait peut-être commencer par Mme Edgar-Webkamigad, qui est avec nous par vidéoconférence.

[Traduction]

    Merci. Je crois que c'est une bonne question.
    J'oeuvre moi-même depuis 23 ans au service de ma communauté, notamment à titre de directrice exécutive du centre d'amitié autochtone pendant une certaine période. À l'instar de ce que compte faire ma collègue de l'Alberta qui est présente avec vous, nous voudrions tenir des célébrations le 21 juin en les rendant accessibles à l'ensemble de la collectivité de telle sorte que tous et chacun puissent vivre l'expérience d'un échantillon de notre culture autochtone. À n'en pas douter, le 21 juin est d'ores et déjà une journée de célébration.
    Pour ce qui est du 30 septembre, la désignation comme Journée du chandail orange est plus récente et exige encore des efforts de sensibilisation. Il est important de noter à ce titre que ce sont les enfants qui rapportent le message à la maison à leur retour de l'école.
    Une de mes collègues parlait l'an dernier de son enfant qui est revenu de l'école avec un calendrier indiquant que le 30 septembre était la Journée du chandail orange. Elle ne savait pas que cette journée était consacrée à la commémoration des élèves des pensionnats indiens dans leur totalité, en incluant aussi bien ceux qui y ont survécu que les autres. Elle croyait plutôt qu'il s'agissait de se préparer au mois d'octobre qui débutait le lendemain et à la célébration de l'Halloween.
     Grâce aux efforts d'information et de sensibilisation interculturelle déployés dans nos communautés, et au fait que l'on parle maintenant du 30 septembre dans les médias et sur les réseaux sociaux, ma collègue et les gens dans la même situation savent désormais mieux à quoi s'en tenir.
    Le vendredi précédent, nous avons demandé à nos différents conseils scolaires de faire le nécessaire en diffusant des messages au sujet de cette journée du 30 septembre et de sa signification. Nous avons également invité nos établissements d'enseignement postsecondaire à souligner l'événement et à organiser des activités de telle sorte que les membres de la communauté, Autochtones ou non, puissent se rassembler pour reconnaître les séquelles des pensionnats indiens, rendre hommage aux victimes et s'engager à ne jamais oublier.
    Je conviens qu'il n'est pas facile de trancher. Doit-on regrouper toutes les activités le 21 juin? Faut-il encore souligner le 30 septembre? Quelle journée doit-on choisir? C'est à vous que revient le fardeau de prendre cette décision, mais je sais que les gens vont aller de l'avant quoi qu'il arrive. Ceux parmi nous qui souhaitons vraiment cheminer vers de nouvelles relations vont s'assurer de faire le nécessaire, peu importe la décision prise.
    Si nous obtenons le soutien du gouvernement fédéral pour l'instauration d'une journée nationale, nous espérons que les Canadiens auront l'occasion d'y participer sans avoir à s'inquiéter du fait qu'ils risquent de perdre une journée de rémunération ou de devoir puiser dans leur banque de congés si la date du 21 juin est retenue, par exemple.
(1215)
    Il faut toutefois du financement pour organiser de tels événements.
    Oui, tout à fait.

[Français]

    La période des questions est terminée.

[Traduction]

    Je remercie tous nos témoins de ce premier groupe. Merci encore une fois d'avoir eu la patience de nous attendre.
    Nous allons interrompre brièvement nos travaux. Je vous demanderais de ne pas trop vous éloigner, car nous souhaiterions reprendre sans tarder avec nos prochains témoins. Merci.
(1215)

(1220)

[Français]

    Nous reprenons maintenant notre séance.
    Nous accueillons maintenant Mme Marie Wilson, ancienne commissaire à la Truth and Reconciliation Commission of Canada, ainsi que M. Clément Chartier, qui est président du Ralliement national des Métis.
    Madame Wilson, vous avez la parole.
    Bonjour à tous.

[Traduction]

    Permettez-moi d'abord de souligner le fait que nous sommes réunis en territoire ancestral algonquin-anishinabe, et que nous sommes très reconnaissants de pouvoir être des vôtres à cette occasion. Comme vous l'avez peut-être remarqué, je porte encore le coquelicot. En tout respect pour les protocoles de la Légion canadienne, je le fais à dessein car je veux, comme vous pourrez le constater, que nous mettions l'accent sur la commémoration.
    Le travail de la Commission de vérité et réconciliation a pris fin officiellement il y a trois ans. J'en étais l'une des trois commissaires, ce qui a été le plus grand honneur de ma vie. Bien que je comparaisse devant vous aujourd'hui à titre personnel, je tiens à ce que vous sachiez que j'ai passé en revue mes réflexions en prévision de ma comparution avec mes deux collègues commissaires: notre président, l'ancien juge et désormais sénateur Murray Sinclair, et le chef Wilton Littlechild.
    J'ai également consulté Barney Williams, notre aîné qui était membre du Comité des survivants des pensionnats indiens. Je voulais m'assurer que nous étions encore tous sur la même longueur d'onde quant à notre compréhension des enjeux dont votre comité est saisi en lien avec les conclusions et les appels à l'action de notre commission. Sachez bien que nous sommes effectivement toujours au diapason. Bien que je ne parle pas aujourd'hui en leur nom, j'ai l'assurance que nous sommes encore du même avis, en commençant par un rappel que nous avons fait lors de la clôture officielle de nos activités et que chacun de nous n'a cessé de répéter depuis, à savoir que le travail à long terme de réconciliation ne fait que commencer.
    Comme en témoigne bien le projet de loi C-369 — et je tiens à remercier Mme Jolibois pour cette initiative — et le travail accompli par votre comité pour en faire un examen approfondi, vous ne manquez pas de faire le nécessaire pour donner suite à quelques-unes des recommandations adressées au gouvernement fédéral par notre commission. Dans ce contexte, et dans un esprit de réconciliation, je suis vraiment ravie d'être des vôtres aujourd'hui. J'ose espérer que mes observations contribueront à faciliter votre travail et à éclairer vos délibérations.
    Je voudrais d'abord rappeler à tous les raisons pour lesquelles nous sommes réunis dans cette salle aujourd'hui. Un événement historique est survenu au Canada au début du présent siècle. Des survivants des pensionnats indiens ont intenté une poursuite contre le gouvernement fédéral et les églises qui administraient ces pensionnats. La démarche a abouti à une convention de règlement en faveur des survivants qui prévoyait notamment la mise sur pied d'une Commission de vérité et de réconciliation, la première d'envergure nationale dans le monde occidental, et la première également à s'intéresser en priorité aux préjudices causés à nos propres enfants.
    Au bout de six années et demie de travail, nous en sommes arrivés à un rapport final en 10 volumes documentant l'histoire des pensionnats indiens en s'appuyant sur les dossiers officiels des gouvernements et des églises. Nous avons indiqué dans notre rapport que tout ce système avait été érigé sur la base de différentes croyances. On estimait ainsi que les peuples autochtones étaient inférieurs; que leur culture et leur identité devaient, pouvaient et allaient être annihilées; et que la façon la plus rapide et la moins coûteuse d'y parvenir était de placer les enfants dans des pensionnats, loin de l'influence parentale et des enseignements culturels.
    Qu'en coûte-t-il à un pays qui agit en fonction de telles croyances? Quelque 7 000 survivants des pensionnats indiens ont fait une déclaration à notre Commission de vérité et réconciliation, relatant les préjudices et les déchirements de leurs années de pensionnat: séparation d'avec leur famille, peur, humiliation et abus de toutes sortes. Plusieurs n'ont pas survécu à ces préjudices. De très nombreux intervenants nous ont dit parler au nom de ceux qui n'étaient plus en mesure de le faire, ceux qu'ils avaient vu mourir ou qu'ils savaient morts ou disparus— leurs camarades de classe, leurs amis et leurs frères et soeurs.
    Il y a quelques années, j'ai visité le cimetière de la Regina Industrial School, l'un des premiers pensionnats indiens au Canada. Il n'y a aucune épitaphe et le cimetière n'est pas entretenu. Je me souviens encore des sentiments qui m'ont alors envahie. Et si les enfants qui reposent là-bas étaient mes ancêtres? Comment est-ce que je réagirais si mes propres enfants et petits-enfants avaient été enlevés par des agents du gouvernement, des policiers ou des chefs religieux nous promettant qu'ils auraient une bonne éducation, seulement pour les voir finir leurs jours prématurément et se retrouver ainsi dans un tel lieu de sépulture laissé à l'abandon? Je veux que vous compreniez bien que c'est loin d'être le seul cimetière semblable où reposent des victimes des pensionnats indiens de notre pays.
(1225)
     Nous savons que 3 200 enfants autochtones ont péri dans les pensionnats — un nombre très disproportionné pour des enfants canadiens. Un millier d'autres ont été renvoyés chez eux au dernier stade de leur maladie, ou dans des hôpitaux « indiens », et y ont perdu la vie au cours de la première année.
    Somme toute, le nombre de morts est probablement deux fois plus élevé. C'était près de 6 000 ou plus, car l'information sur bien d'autres enfants n'a pas été enregistrée: un prénom ici, un enfant sans nom là; parfois on avait une référence à une communauté d'origine et on connaissait peut-être seulement le sexe de l'enfant. Certains étaient malades, d'autres sont morts dans un incendie survenu dans un établissement scolaire condamné, et d'autres se sont noyés ou sont morts de froid en essayant de fuir les horreurs commises dans les pensionnats. Trop souvent, on ignorait même la cause du décès. Un nombre incalculable d'enfants autochtones reposent dans les cimetières de pensionnats abandonnés depuis longtemps. Certains ont été enterrés dans des fausses communes et certains ont été enterrés avant même que leurs parents apprennent leur décès, la cause du décès ou l'emplacement de leur tombe.
    Notre commission a créé le registre national des élèves décédés dans les pensionnats, le seul effort consenti à l'échelle nationale pour enregistrer le nom de tous les élèves qui sont morts et retrouver l'endroit où ils ont été enterrés. Nous sommes bien loin de les avoir tous trouvés. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, cela prendra davantage de recherches, d'analyses et de ressources. Également, nous disons qu'à cet égard, la réconciliation doit se faire avec une éducation continue et un rappel constant que ces pertes de vie sont survenues sur notre territoire en raison de nos propres lois et politiques.
    Il y a quelques années, un agriculteur est tombé sur ce qui semblait être quatre lieux de sépulture à proximité d'un champ. Le souvenir et la réconciliation étaient présents dans ce qui s'est produit par la suite. Des chefs spirituels autochtones et l'église qui gérait un pensionnat indien à proximité ont collaboré dans une cérémonie traditionnelle de retour à la maison pour les petits êtres se trouvant dans les tombes qu'on venait de découvrir, de même que pour tant d'autres anciens élèves de ce pensionnat.
    Depuis très longtemps, nous inscrivons sur des monuments publics les noms des soldats qui sont morts à la guerre. Apprendre les noms des personnes décédées rend les choses concrètes; fait en sorte qu'on ne voit plus ces gens comme des statistiques, mais bien comme les membres de familles; et nous aide à comprendre l'ampleur de la tragédie. Ce qui a encore plus d'effets, c'est d'entendre ces noms prononcés de vive voix.
    Ce jour-là, c'étaient des noms d'enfants. Ils ne sont pas allés à la guerre. Ils étaient dans un pensionnat.
    Au beau milieu d'une cérémonie aussi respectueuse, j'ai réfléchi au jour du Souvenir. Mon grand-père était soldat durant la Première Guerre mondiale. Plusieurs de mes oncles ont participé à la Seconde Guerre mondiale, et mon père a servi au cours de la dernière année de cette guerre au Canada. Tout cela a eu une influence sur notre culture familiale. Durant mon enfance, j'ai passé de nombreux jours près de cénotaphes à en apprendre sur le jour du Souvenir à l'école. Mon mari et moi avons appris à nos enfants et à nos petits-enfants à faire de même: à en apprendre sur ces guerres et sur les autres qui ont éclaté depuis; à rendre hommage aux gens qui sont morts à la guerre; et à ne jamais oublier.
    À mon avis, les comparaisons sautent aux yeux. La devise de la Commission de vérité et de réconciliation était « Pour l'enfant déraciné, pour le parent oublié ». Notre pays comprend pleinement le chagrin d'une mère qui perd son fils ou sa fille à la guerre. Nous déployons de grands efforts pour ramener au pays dans la dignité et avec la tenue d'une cérémonie les gens qui ont péri et pour rendre hommage aux parents oubliés. Chaque année, comme nous l'avons fait récemment, nous choisissons une Mère nationale de la Croix d'argent, qui représente tous les parents endeuillés. Partout au pays, nous soulignons le jour du Souvenir dans toutes nos écoles et autour de monuments dans une cérémonie nationale en l'honneur de tous les anciens combattants, vivants ou morts. Tous ensemble, nous rendons hommage à ceux qui n'ont jamais été retrouvés, avec la Tombe du Soldat inconnu.
(1230)
     Avons-nous déjà fait preuve d'autant de respect à l'égard des enfants qui ont été placés dans les pensionnats, qu'on a aussi perdus dans un contexte approuvé par l'État et où la preuve a été faite que des dommages ont été causés? Nous n'avons pas su en conserver une trace, et encore bien moins les ramener à la maison dans le cadre d'une cérémonie. Nous avons fait preuve d'indifférence à l'égard des parents oubliés. Pendant combien de jours nous sommes-nous réunis à l'échelle nationale pour nous souvenir de milliers d'enfants qui sont morts en sol canadien? Où est notre monument national érigé à la mémoire des enfants inconnus qui sont disparus dans des circonstances qu'on ne connaît pas encore?
    Comme je l'ai dit dans d'autres contextes, notre pays est encore en train d'apprendre à se souvenir. D'ailleurs, notre pays en a encore beaucoup à apprendre sur bien des choses, surtout sur lui-même. Les 94 appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation portent là-dessus, et certains portent précisément sur les enfants disparus.
    Dans les discussions que votre comité a tenues jusqu'à maintenant, on a parlé précisément de l'appel à l'action 80:
Nous demandons au gouvernement fédéral d'établir comme jour férié, en collaboration avec les peuples autochtones, une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leurs familles et leurs collectivités et s’assurer que la commémoration de l'histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.
    Nous demandons la création d'une journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
    Madame Wilson, je vous ai déjà laissé continuer un peu plus longtemps. J'allais vous demander si vous pouviez...
    J'en arrive à ma conclusion. Merci, madame la présidente.
    Je constate que dans le projet de loi que vous êtes en train d'examiner, le projet de loi  C-369, on parle de Journée nationale des peuples autochtones. Je veux seulement prendre les minutes qu'il me reste pour expliquer les intentions de notre commission concernant cet appel à l'action.
    Nos 94 appels à l'action suivent une logique, et l'appel à l'action 80 s'inscrit dans le contexte des autres, ceux qui portent sur le repérage, la documentation, la consécration, la protection et la commémoration. Plus précisément, certains portent sur les enfants disparus et les renseignements sur l'inhumation et la commémoration par la construction de monuments nationaux, provinciaux et territoriaux et la tenue d'événements commémoratifs et la désignation d'une journée annuelle de commémoration.
    De toutes les journées que les Canadiens connaissent déjà, c'est avec le jour du Souvenir que la journée nationale de la vérité et de la réconciliation imaginée par la Commission aurait le plus en commun. Il s'agirait pour tous les Canadiens d'une journée consacrée au souvenir des 150 000 enfants qui sont allés dans des établissements financés par l'État et y ont souffert et des milliers qui y ont péri. Comme nous l'avons dit, il faut s’assurer que la commémoration de l'histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.
    Pour terminer, laissez-moi expliquer certaines différences entre le but de l'établissement d'une journée nationale de la vérité et de la réconciliation, comme nous la proposons, et la Journée nationale des peuples autochtones.
(1235)
    Madame Wilson, vous pouvez peut-être en parler pendant les questions. Je vous ai laissé parler plusieurs minutes supplémentaires. Je veux permettre aux gens de poser des questions également.
    Cela me va. Merci.
     Je pense qu'on vous posera des questions qui vous permettront de soulever vos points.
    Pouvons-nous passer à M. Clément Chartier, s'il vous plaît?
     Elle peut prendre trois minutes de mon temps.
    Excellent. Elle l'a déjà fait en quelque sorte, mais si vous voulez prendre une ou deux minutes de plus...
    Une voix: D'accord?
    Une voix: Oui.
    Merci.
    Je tiens à préciser que la proposition de notre commission d'établir la nouvelle journée, dans l'appel à l'action 80, ne visait absolument pas à remplacer ou à redéfinir une journée qui existe déjà. Nous n'avons pas parlé précisément de la Journée nationale des peuples autochtones. Toutefois, tout au long de notre rapport, il est question d'une relation de nation à nation. Une journée rendant hommage aux Premières Nations du Canada et à leur statut de membres fondateurs dans ce pays se rapporte davantage à la journée que nous connaissons en tant que fête du Canada.
    Comme nous le savons tous, l'esprit, le ton et les activités entourant la fête du Canada sont bien différents de ceux entourant le jour du Souvenir. De même, ceux associés à la Journée nationale des peuples autochtones, comme nous le savons déjà, sont bien différents par rapport à ceux associés à une journée nationale de la vérité et de la réconciliation, telle que nous la demandons. L'une parle de reconnaissance et de célébration et l'autre, du sacrifice, de la perte, du courage, de la commémoration et du souvenir.
    Je pourrais vous dire certaines choses sur l'expérience entourant la Journée nationale des peuples autochtones, car je viens des Territoires du Nord-Ouest, où il s'agit d'un jour férié, mais je vais passer à un autre sujet. Je veux terminer en donnant la parole aux survivants.
    Cela me frappe que le caractère poignant de septembre en fasse le mois idéal pour une journée nationale de la vérité et de la réconciliation, et c'est ce que pense l'aîné de notre commission. Pour des milliers d'enfants autochtones et leurs parents, le retour aux pensionnats n'était pas un événement heureux. Comme bien des gens nous l'ont répété, souvent en larmes, certains sont toujours hantés par les souvenirs.
    L'une des personnes survivantes de différentes générations qui m'ont parlé l'a si bien exprimé dans un anglais qu'on lui avait imposé. Elle a dit « septembre... mois des pleurs... arrière d'un camion... tous les enfants partis... tout le monde pleure ». Une autre personne a dit qu'en septembre, après le départ des enfants, les communautés se sentaient tellement seules et vides que tout le monde pleurait, même les chiens.
    Enfin, concernant les excuses qui ont été présentées à la Chambre des communes, où tous les partis nationaux ont présenté des excuses, je veux rappeler que cela a montré l'importance de faire de la réconciliation une question non partisane. Je veux seulement dire que j'espère que c'est dans cet esprit que vous poursuivrez vos importantes délibérations. Les travaux de votre comité et le dialogue qui en découle sont très importants. Vos conclusions sur la création d'une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pourraient vraiment contribuer au travail en cours.
    Je vais terminer là-dessus. Je vous remercie de votre indulgence.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Clément Chartier. Allez-y, s'il vous plaît.
     Merci beaucoup. Bonjour.
    J'appuie sans réserve la recommandation de l'ancienne commissaire Wilson, mais j'ajouterais quelques brèves observations. J'ignorais que nous allions comparaître en même temps, ce qui est plutôt ironique.
    Avant de commencer mon exposé, je dirais que septembre est assurément un mois très important. Onze années de suite — en fait, douze —, on m'a retiré de ma communauté durant ce mois. Pendant 10 ans, je suis allé au pensionnat métis à l'Île-à-la-Crosse, situé à 30 milles en amont ou en aval — je n'en suis pas sûr — du pensionnat de Beauval, et à deux reprises à The Pas, au Manitoba, à la Charlebois Residence.
    La seule différence importante, c'est qu'on ne s'est pas encore occupé de la question des pensionnats pour Métis. Nous sommes exclus de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens parce qu'il a été dit qu'il s'agissait d'une institution religieuse et que le gouvernement fédéral ne lui avait pas versé d'argent, alors qu'il a donné au même ordre religieux de l'argent pour les enfants indiens visés par un traité. Les excuses du premier ministre, les excuses du Canada, ne s'adressaient pas à nous, bien que j'étais à la Chambre des communes pour les accepter au nom de quelque deux ou trois cents Métis qui ont eu la chance de fréquenter les pensionnats indiens — et, bien entendu, nous ne sommes pas inclus dans le mandat de la Commission de vérité et réconciliation, et nous ne sommes pas non plus des bénéficiaires, bien qu'en général, nous pourrions l'être. Or, nous ne sommes pas bénéficiaires des recommandations, des 94 appels à l'action, ceci en étant une. Je ne le savais pas. Je ne les ai pas lues, car je n'ai aucune raison de les lire, puisque je ne suis pas couvert par la Commission. En fait, je n'ai même pas été invité à la dernière séance, lorsque le rapport a été publié. J'ai regardé tout cela à deux coins de rue, dans mon appartement, en direct, pendant que le tout se déroulait à l'hôtel Delta.
    Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une exclusion complète. On parle d'une exclusion d'un règlement concernant les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Les anciens combattants de la nation métisse sont les seuls anciens combattants du pays pour lesquels rien n'a encore été réglé. De plus, il y a eu la rafle des années 1960; nous en sommes exclus également. Toutefois, nous collaborons avec le gouvernement actuel pour corriger ces problèmes.
    Je soulève ce point pour dire que je n'ai jamais considéré le 21 juin comme un jour de célébration, car nous n'avions vraiment rien à célébrer. À l'époque, ma position, c'était qu'une fois qu'on nous aura redonné notre terre, qu'on aura reconnu nos gouvernements et qu'on aura réparé les torts causés à notre nation, nous pourrions célébrer. Toutefois, de nombreux membres de nos peuples fêtent le 21 juin, comme vous l'avez entendu, de sorte que c'est devenu un jour de célébration. Je ne voudrais empêcher personne de le faire. Nos peuples acceptent cela.
    Je ne voudrais pas que le 21 juin soit considéré comme une réponse au 80e appel à l'action, comme l'a mentionné l'ancienne commissaire, car on prend quelque chose qui a été accueilli favorablement par tous les peuples autochtones pour le transformer en quelque chose de plus restreint — la réconciliation fondée sur la recommandation de la Commission, ce qui est, pour moi, beaucoup plus restreint.
    La réconciliation doit être plus large, mais encore là, je ne crois pas qu'il soit très bon d'établir un lien entre la réconciliation et cette journée précise. J'appuie l'idée de choisir une journée en septembre. Je ne sais pas s'il devrait s'agir du 30 septembre, mais il faut opter pour une autre journée, à mon avis. En fait, l'ancienne ministre du Patrimoine canadien m'a consulté, et j'ai dit exactement la même chose: ne choisissez pas le 21 juin. Choisissez une autre date, car bien que je n'y souscris pas, bon nombre de nos membres — en fait, la majorité —, y souscrivent, et nous ne voulons pas la changer en une chose différente dont nous nous sentirions exclus. Alors, il nous faudrait cesser de la célébrer.
    Pour l'essentiel, j'appuie le 80e appel à l'action pour les gens qu'il est censé couvrir. À un moment donné, nous participerons probablement, car je ne peux pas croire que le Canada — que ce soit dans 20, 50 ou 100 ans — ne finira pas par régler la question des pensionnats métis. Il devra bien le faire un jour, même s'il n'a pas mis d'argent dans la répression dont nous avons été victimes. Je crois que nous avons encore plus souffert que les enfants à Beauval, parce qu'au moins, le gouvernement fédéral leur a donné de l'argent de sorte qu'ils puissent manger et se vêtir convenablement. Ils avaient également des espaces ouverts.
(1240)
    Où j'étais, nous avions une cour entourée d'une clôture barbelée. Lorsque ce n'était pas les heures de cours ou de repas, nous étions dans un espace clos comme du bétail. Nous avons souffert du même genre de violence physique, sexuelle et psychologique, et de l'absence de nos familles.
    Encore une fois, je veux juste répéter que cela ne devrait pas avoir lieu le 21 juin. N'importe quelle autre journée en septembre serait bien, car c'est très symbolique. Je ne l'avais pas entendu avant, mais c'est parfaitement logique, car au mois de septembre, nous étions séparés de nos familles et exilés.
    C'est ma contribution.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions et aux réponses, en commençant par Dan Vandal.
    Bienvenue à notre comité.
    Merci beaucoup de vos exposés percutants. Merci, Clément Chartier, de votre présence à Saint-Boniface vendredi matin pour commémorer l'exécution de Riel.
    Je n'ai que cinq minutes, et je vais donc poser quelques importantes questions, en passant d'un témoin à l'autre.
    Tout d'abord, c'est un projet de loi d'initiative parlementaire qui nomme le jour férié Journée nationale des peuples autochtones.
    Proposez-vous plutôt, Marie, de le nommer « la journée nationale de la vérité et de la réconciliation »?
(1245)
    Oui, car je pense qu'il faut l'insérer quelque part dans le nom que nous avons déjà, que nous serions autrement à côté de la plaque.
    Bien. C'était manifestement le but de la Commission de vérité et de réconciliation.
    Vous avez aussi clairement indiqué que vous préféreriez une journée de commémoration en septembre.
    Oui, mais je tiens à souligner que je ne dis pas « à la place de »; je dis « en plus de ».
    Oui, c'est clair. Très bien.
    Clément Chartier, seriez-vous favorable à une journée de la vérité et de la réconciliation en septembre?
    Oui.
    Vous êtes également d'accord pour qu'elle s'appelle « la journée nationale de la vérité et de la réconciliation ».
    Eh bien, c'est un terme très général. Tant que ce n'est pas lié aux 94 appels à l'action, si c'est une affirmation générale...
    Oui.
    ... comme cela devrait l'être, alors oui, je n'ai rien contre cette date.
    Je veux juste m'assurer que rien ne s'est perdu dans la traduction.
    Je veux revenir à Marie Wilson.
    Nous avons entendu dire à quelques reprises qu'en en faisant un jour férié, nous allions perdre quelque chose, qu'il est préférable que les enfants apprennent sur la réconciliation à l'école plutôt qu'ils fassent autre chose.
    Au Manitoba, le jour du Souvenir est férié, et je n'ai jamais vu cela.
    J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. C'est ce que plusieurs témoins ont affirmé au cours des dernières semaines.
    Je vais vous mentionner une chose que nous avons dit un million de fois tout au long des travaux de notre commission: il n'y a pas de solution universelle dans ce dossier, et c'est ce qui se produit pour nous dans la façon d'interpréter les choses.
    Aux Territoires du Nord-Ouest, où j'habite, c'est un jour férié. Je sais également, car j'ai des enfants et des petits-enfants, qu'on en parle à l'école pour expliquer aux élèves pourquoi ils auront congé. C'est une façon d'outiller tous les enfants dans les salles de classe.
    Je parle maintenant de la Journée nationale des peuples autochtones. Est-ce bien là-dessus que porte votre question?
    Ma question initiale portait sur le jour du Souvenir. Au Manitoba, il est férié et, comme vous l'avez dit, on explique aux élèves de quoi il s'agit le jour précédent.
    Pendant la journée proprement dite, on va dans les légions, et...
    C'est aussi un jour férié où j'habite. On en parle toutefois à l'école. On n'a pas le choix. Je peux vous dire que les cérémonies publiques sont énormes. Les gens sortent dans une ville relativement petite pour remplir le plus grand espace public de l'endroit. J'ignore s'il en serait ainsi sans jour férié. Je pense que c'est une question de temps pour les gens.
    Je veux toutefois dire une chose. Nous avons envisagé une journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Un jour férié, du moins dans le secteur public, permettrait notamment aux fonctionnaires d'accorder du temps à la question. Je le dis pour deux raisons.
    Premièrement, c'est parce que l'histoire de tout cela est étroitement liée à des questions de droit et de politique publique, à ce qui a été mis en place, défendu et piloté par des fonctionnaires. Je pense que c'est une partie de l'apprentissage dans cette profession qui est utile même aujourd'hui.
    Deuxièmement, il y a l'expérience que nous avons acquise avec la Commission de vérité et de réconciliation. Dans certaines régions du pays, où nous avons organisé des activités d'envergure nationale, des administrations — parfois des gouvernements, de grandes sociétés, des centres universitaires — ont autorisé leur personnel à prendre congé, si je puis dire. Ce n'était pas un congé proprement dit, mais plutôt une journée de perfectionnement professionnel. On avait congé, mais pour se rendre à l'activité et apprendre. On avait donc droit au temps nécessaire.
(1250)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Shields, à M. Blaney puis à M. Yurdiga, tous en cinq minutes.
    Nous serons brefs.
    Je remercie les témoins. Je me rappelle d'une marche avec un aîné à l'emplacement d'un ancien pensionnat, à côté de champs où l'on croyait que des enfants avaient été enterrés. C'était une expérience traumatisante pour les aînés qui m'ont conduit là. Ils ne voulaient pas y retourner ou trop s'en approcher. C'était très traumatisant.
    Ma question est pour M. Clément Chartier du Ralliement national des Métis. Pouvez-vous nous donner votre définition de Métis? De qui s'agit-il selon votre définition?
    Oui.
    Je pense que ce que vous avez affirmé est important.
    Bien. Je tâcherai d'être bref.
    En gros, en 2002, après des années de consultations, notre assemblée générale, qui est le gouvernement de la nation métisse, est parvenue à des critères qui se rapportent essentiellement à l'auto-identification, au lien avec une communauté métisse historique et à l'acceptation par la nation métisse. La nation métisse se trouve dans l'Ouest canadien. Elle s'étend un peu en Ontario, aux Territoires du Nord-Ouest, en Colombie-Britannique ainsi qu'au Montana et au Dakota du Nord.
    C'est un peuple distinct parlant le michif. Je ne vais pas entrer dans les détails. C'est ce que nous avons. Essentiellement, depuis l'année dernière, notre registre est devenu permanent grâce au financement fédéral du budget de 2017. Nous avons notre propre registre. Nous y inscrivons nos gens.
    C'est toutefois devenu un gros problème, car il y a maintenant presque des centaines de milliers de personnes qui se manifestent. Je devrais préciser que lorsque le terme « métis » était employé à l'époque, il désignait pour nous la nation métisse en tant que nom propre, que peuple, une politie. Depuis 1982, et plus particulièrement depuis des victoires devant les tribunaux, les gens emploient maintenant le terme « métis » comme adjectif désignant toute personne d'ascendance mixte.
    Cela comprend essentiellement tous les peuples autochtones au Canada, sauf peut-être dans le Grand Nord. On ne s'en sert plus comme nom propre pour désigner un peuple; on s'en sert plutôt comme adjectif. Il y a maintenant des centaines de milliers de personnes qui se manifestent dans les Maritimes, dans l'Est de l'Ontario et au Québec, qui affirment être métisses parce qu'elles y voient un avantage possible. C'est un grand problème pour nous. Le Canada devra s'y attaquer à un moment donné.
    Merci.
    Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus témoigner. C'est une grande leçon d'humilité.
    Madame Wilson, vous avez bien parlé, et je veux vous demander une chose. Vous avez dirigé la Commission de vérité et de réconciliation. Avez-vous observé un changement dans la société canadienne depuis?
    À quels égards aimeriez-vous que nous continuions d'avancer pour ce qui est de reconnaître, de la même façon que nous le faisons pour les anciens combattants, ce qui s'est produit dans les pensionnats?
    Je dis souvent que j'ai l'impression que nous avançons lentement. Il reste beaucoup de chemin à faire.
    Je vois.
    Je vois des signes de mouvement. Je vois des efforts concertés, des mesures qu'on met à l'essai, qui ne réussiront pas toutes. Je le sais, mais nous devons essayer.
    Je crois qu'il est important de souligner qu'une journée nationale pour la vérité et la réconciliation... et en passant, je ne tiens pas nécessairement mordicus au nom. Ce qui importe vraiment pour moi, c'est l'objet et l'intention. Il est possible qu'un cercle d'aînés autochtones ait un meilleur nom à proposer, peut-être même dans une langue autochtone. Je n'y tiens pas mordicus, et je crois que c'est la même chose pour chacun de nous. L'essentiel, c'est l'objet et l'intention.
    Ce que je veux dire, c'est qu'on aurait tort de croire que cette mesure vise principalement les Autochtones. C'est le Canada qui a encore beaucoup à apprendre. Ce sont tous les autres, et c'est pourquoi je demande une journée nationale. Ainsi, tout le monde devra y porter attention, se souvenir et faire preuve de respect, et espérons que le caractère permanent de la mesure fera en sorte, notamment pour tous nos élèves, que l'apprentissage à ce sujet le sera également. Nous ne nous contentons pas de parler de guerres; nous parlons de la paix dans la discussion sur les guerres. Dans le contexte des pensionnats, nous pouvons parler des erreurs du passé et de ce que nous tentons de faire pour nous attaquer aux problèmes à l'avenir.
(1255)
    Merci.
    Les cinq minutes sont maintenant écoulées.
    Je suis désolée, monsieur Yurdiga; cela n'a pas tout à fait fonctionné.

[Français]

    Monsieur Nantel, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup à vous deux, madame Wilson et Monsieur Chartier.
    Décidément, l'étude de ce projet de loi nous amène constamment à un nouveau degré de profondeur, c'est bouleversant. Je m'attends à ce que nous ayons beaucoup de travail lorsque viendra le temps d'examiner les recommandations, puis de formuler un point de vue qui soit un tant soit peu rassembleur. De toute évidence, ce projet de loi touche un nerf très sensible, et la recommandation de la Truth and Reconciliation Commission donne lieu à des réactions très marquées de la part des parlementaires.
    Je suis très sensible à cette notion de nommer des gens. M. Romeo Saganash a maintes fois évoqué devant moi la disparition de son grand frère, qui demeure une blessure vive tant pour lui que pour tous les membres de sa famille, et particulièrement pour sa mère.
    Madame Wilson, vous avez établi un parallèle avec le jour du Souvenir, et je ne peux m'empêcher de vous dire que si, par hasard, vous avez un ancêtre qui est allé à la Première Guerre mondiale et que son prénom commence par la lettre « C », j'ai retracé le nom d'un certain C. Wilson sur un cénotaphe situé à Longueuil. Je vous invite à aller voir ma page Facebook à ce sujet. J'ai eu la chance d'aller en Normandie, en fait en Belgique, à Ypres, et j'ai pu retrouver son nom gravé sur un monument, à Ypres. Cela prend un tout autre sens quand on peut suivre la trace des disparus. À cet effet, beaucoup de gens ont fait valoir l'importance d'avoir une journée de commémoration, et les dates du 30 septembre et du 21 juin ont été mentionnées.
    Notre comité doit formuler une recommandation, mais je pense qu'aucun de ses membres ne saurait quelle date choisir. Nous avons même entendu à maintes reprises que nous devrions inclure dans notre rapport la nécessité d'avoir deux journées, un jour du Souvenir, jumelé à la Journée du chandail orange du 30 septembre, et un jour de célébration du solstice, soit une célébration positive. La différence de tonalité que vous avez évoquée entre la journée du 1er juillet et le jour du Souvenir renvoie un peu au même tandem auquel nous devons faire face.
    Selon vous, devrions-nous absolument considérer cette possibilité? Parce que si nous faisons les choses à moitié, la journée choisie risque de se révéler une journée mi-figue, mi-raisin, ou douce-amère. Personnellement, je m'interroge sur le financement de ces journées. Ne devrions-nous pas nous assurer d'avoir le financement nécessaire, qui serait lié à tout le moins aux activités proposées visant à bien connaître les enjeux en question?
    Monsieur Chartier, vous pourrez bien sûr ajouter des commentaires, si vous le voulez.
    À mon avis, il est important d'avoir deux journées distinctes, parce que l'une et l'autre n'ont pas le même but et elles ne sont pas du tout conçues dans le même esprit.
    Vous avez dit beaucoup de choses, mais je pense que, au bout du compte, il faut deux journées différentes, et chacune doit poursuivre un but tout à fait différent. J'ai toujours considéré la Journée nationale des peuples autochtones comme étant une journée de reconnaissance, tel que cela est énoncé dans la Constitution du Canada, la reconnaissance que les peuples autochtones du Canada occupent une place particulière dans ce pays. Les Autochtones y sont précisément nommés, au même titre que l'anglais et le français.
    La Journée nationale des peuples autochtones a toujours reflété cette reconnaissance, alors que notre proposition vise à reconnaître, d'abord, ce qui constitue un gros secret, une situation vécue dans notre société jusqu'à tout récemment.
    Absolument.
    Les commentaires que nous avons entendus le plus souvent tout au long des activités de notre commission sont « je n'en avais aucune idée », « je ne savais rien de tout cela » et « personne ne nous a jamais parlé de cela ».
    Il y a donc beaucoup de rattrapage à faire en ce qui concerne les connaissances que nous avons les uns des autres et, surtout, les dommages qu'on a causés les uns aux autres. C'est pourquoi je parle d'une deuxième journée expressément consacrée à cela, qui fournit

[Traduction]

    l'apprentissage d'appoint nécessaire.

[Français]

    Bien sûr. Doit-elle être assortie d'un budget spécifique aussi?
(1300)

[Traduction]

    Un budget?
    Devrait-elle être assortie d'un budget spécifique?
    Non, je n'ai pas pensé à un budget, et nous n'avons pas fait, avec le temps que nous avions, d'analyse approfondie des coûts de nos appels à l'action, mais nous savons — et j'ai entendu d'autres intervenants le mentionner également — que l'inaction s'accompagne d'un coût énorme. Je sais que le statu quo sans cette journée a fait en sorte que nous nous connaissons très peu les uns les autres et que nous ignorons une partie de notre propre histoire.
    Je pense que la création d'un espace et d'une occasion pour permettre aux gens de mieux se connaître, de nouer des relations et de créer une plus grande communauté ouvre la porte à d'autres possibilités qui pourraient se traduire par un avantage financier net, plutôt que le déficit perpétuel que nous voyons.
    Je suis d'accord. Merci.
    Merci beaucoup.
    Je vois que M. Chartier veut intervenir. Vous avez une minute; soyez bref.
    Je pense que le 21 juin devrait rester inchangé. S'il y a une deuxième journée, je pense qu'elle devrait être en septembre. Elle devrait être une journée de réflexion, de dialogue et de cérémonies commémoratives. Je crois que les collectivités locales et notamment les écoles devraient pouvoir demander un budget modeste, pour organiser des activités et souligner ainsi la journée. Il ne faut pas que cela soit un simple jour férié où personne ne fait quoi que ce soit. Les gens qui veulent faire quelque chose devraient être en mesure de le faire.
    Merci.
    Sur ce, nous arrivons à la fin de notre séance. Je remercie encore une fois les témoins de nous avoir fait part de tout ce qu'ils ont vécu.
    Nous allons lever la séance, et nous siégerons ensuite à huis clos pour discuter du calendrier du Comité. Je demande aux gens de sortir rapidement de la salle.
    La séance est levée.
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