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D'accord, vous serez sans doute contents d'apprendre que mon exposé risque d'être plus court que cela.
Vous avez assurément tous fait vos devoirs et lu le hansard lorsque j'ai présenté mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur le trafic des billets de spectacle, le 27 septembre 2016. En somme, j'ai déposé ce projet de loi après que de nombreux concitoyens se sont présentés à mon bureau lorsque j'étais députée provinciale de Kingston et les îles pour dénoncer que des fans du groupe The Tragically Hip n'ont pas pu acheter des billets pour le dernier concert du groupe.
Les plaintes ont fusé de partout au pays de la part de fans outrés qui en avaient tout simplement assez d'être mis à l'écart du processus d'achat de billets en raison du coût et du manque de disponibilité des billets.
Il ne fait aucun doute qu'il y avait une composante émotionnelle à leur indignation en raison du diagnostic de santé tragique qu'a reçu Gord Downie, mais si je me fie à ce que l'on m'a dit, ce tollé était le résultat de nombreuses années de frustration croissante concernant des concerts inaccessibles. Des parents m'ont fait savoir avec passion qu'ils n'avaient pas les moyens d'acheter des billets pour que leurs enfants puissent assister aux concerts de leurs groupes préférés. Pour bien des gens, les activités culturelles étaient tout simplement hors de portée.
Je savais qu'il fallait faire quelque chose.
De nombreuses autres instances sont déterminées à lutter contre la pratique malhonnête de la hausse marquée du prix des billets sur le marché secondaire de revente de billets, que ce soit à cause des robots ou des pratiques des sites de revente sur le marché secondaire.
Pour évaluer efficacement le cadre législatif entourant la réglementation de la vente de billets, il est impératif d'avoir une compréhension approfondie du marché. Il faut examiner soigneusement l'influence de tous les intervenants, et plus particulièrement des gros joueurs dans cette industrie très lucrative de plusieurs millions de dollars. Il est certainement dans leur intérêt de réduire la surveillance de leurs activités, de limiter l'application de la loi et de permettre au problème de se poursuivre.
Ce n'est pas parce que l'économie électronique est difficile que nous devrions baisser les bras et capituler devant les gros intérêts aux dépens des artistes, des athlètes et de l'essence même de la vie culturelle du public. C'est le but de ceux qui souhaitent que leurs pratiques demeurent secrètes.
Le gouvernement a manifestement un rôle à jouer, et le Canada a une occasion d'agir au nom de tous les Canadiens maintenant et à l'avenir.
Après le dépôt de mon projet de loi d'initiative parlementaire et du projet de loi émanant du gouvernement subséquent, nous avons tenu deux assemblées et tables rondes pour les fans et mené un sondage public en ligne. Le sondage a été réalisé du 1er au 17 mars 2017, et nous avons reçu 34 714 réponses, dont 22 000 ont été soumises dans les 24 premières heures du sondage. Il y avait plus de 5 000 réponses écrites dans des boîtes de texte. C'est le sondage en ligne qui a suscité le plus de réactions du public de l'histoire de l'Ontario, ce qui montre clairement que la population s'intéresse vivement à cette question et que les gens veulent ce projet de loi.
Après les tables rondes et le sondage, nous avons commandé un rapport à Michael Waterson, professeur d'économie à l'Université de Warwick, qui a rédigé un rapport pour le gouvernement du Royaume-Uni en mai 2016. Certains documents d'information que j'ai ajoutés pour vous à la fin de mon mémoire sont à titre de référence, et il y a des notes tirées de son rapport.
Nous lui avons demandé de décrire et d'analyser l'efficacité de la réglementation relative à la vente de billets dans diverses instances en dehors de l'Ontario, y compris le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Australie, l'Italie et d'autres pays européens.
En somme, le professeur Waterson a signalé que bon nombre des changements proposés en soi ne constitueraient pas une solution appropriée. Globalement, le modèle proposé a le potentiel de rendre le marché opaque de la vente de billets beaucoup plus transparent pour les consommateurs. Les éléments les plus importants du modèle proposé se rapportent aux robots et à la vente de billets à des fins spéculatives, ce que le public appréciera, mais il faudra également des mécanismes d'application de la loi.
L'adoption de la loi ne suffira pas. Il faudra également faire appliquer la loi. Après l'étape initiale, on devrait évaluer les cas de poursuites appropriés, les condamnations, le cas échéant, et les peines pour décourager les gens à se livrer à ces activités.
De plus, le projet de loi émanant du gouvernement comportait quatre principaux piliers: l'accès, l'abordabilité, la transparence et l'application.
L'accès vise à s'assurer que tout le monde a les mêmes chances d'acheter des billets pour des spectacles prisés. Ce faisant, il faut interdire l'utilisation et la vente de logiciels d'achat automatisé de billets et la vente ou la facilitation de la vente de billets obtenus au moyen de logiciels d'achat automatisé de billets. Il faut interdire la vente de billets à des fins spéculatives. Ce sont les billets qui n'ont pas de siège, de rangée ou de section.
L'abordabilité vise à régler les préoccupations des consommateurs concernant les prix de revente et les frais de service. Il faut plafonner le prix de revente des billets sur le marché secondaire à pas plus de 50 % au-delà de la valeur nominale du prix initial sur le marché de vente primaire. Les frais et autres frais de service doivent être plafonnés.
La transparence vise à fournir plus de renseignements aux consommateurs lorsqu'ils achètent des billets. Il faut imposer des exigences aux vendeurs et aux plateformes de revente de billets. Ils devraient notamment signaler les activités suspectes liées aux logiciels d'achat automatisé de billets, l'emplacement du siège du billet, la valeur nominale du billet, la devise, la disponibilité des préventes, le nombre de billets disponibles à la vente générale et l'identité du revendeur commercial.
L'application vise à assurer le respect des lois. Il faut fournir des mécanismes d'application de la loi améliorés pour le gouvernement, la police, l'industrie et les consommateurs, y compris un ensemble de droits privés d'action pour l'industrie et les consommateurs, des infractions provinciales, des ordonnances de conformité et des sanctions administratives pécuniaires.
D'autres mesures à considérer seraient de plafonner les frais et autres frais de service, de limiter le pourcentage de billets retenus du public, de restreindre le nombre de billets offerts pour la revente et de créer un registre provincial de vendeurs de billets et de plateformes de revente.
En conclusion, il y a une vérité fondamentale que nous n'arrivons souvent pas à comprendre lorsque nous parlons d'occasions culturelles, de vente de billets à des fins spéculatives et de logiciels d'achat automatisé de billets — notamment, le fait que le consommateur qui rage contre les frais excessifs participe également à l'épineux problème des billets inaccessibles. Si les membres du public sont au courant, et je suis certain que la majorité le sont, des marges de profit exorbitantes qui ont été clairement démontrées par les billets imprimés avec leur valeur nominale initiale, ils risquent d'être moins enclins à participer à la transaction. Ils seront certainement enclins à poser des questions à la personne de qui ils achètent le billet, que ce soit en ligne ou en personne. Comme gouvernement, lorsque nous créons une loi, nous tentons de changer un comportement. La loi qui interdit ou limite les marges bénéficiaires sur la revente de billets a l'incidence d'informer le public, ce qui, il est à espérer, limitera le problème. La persuasion morale et la conformité à un code moral d'éthique peuvent entraîner des changements. Si les acheteurs savent qu'ils se font arnaquer, et qu'ils connaissent les montants en cause, cela les incitera peut-être à la méfiance.
Merci.
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De façon générale, je pense que si nous voulons obtenir du succès avec la loi fédérale, nous devons travailler avec tous les intervenants, ce qui inclut évidemment les provinces.
Je pense qu'il doit absolument y avoir une compréhension générale de la question à l'étude, et c'est très complexe. Dès que vous commencez à vous pencher là-dessus, c'est comme l'exemple classique de l'épluchage d'un oignon. Il y a de nombreuses couches. Il y a l'artiste, le gérant, l'agent, le promoteur, la salle de concert — et le lieu est très important.
Le rapport Waterson n'a pas mis beaucoup l'accent sur la salle de concert, mais si vous pensez à ce qui arrive lorsqu'un gros concert est présenté à ce lieu, si vous insistez pour mettre en place des mesures pour surveiller l'identité des détenteurs de billets, de manière à ce que les gens doivent présenter un permis de conduire ou une pièce d'identité, comment la salle de concert peut-elle gérer ces mesures? Il faudrait des technologies sophistiquées sur place. Pour soutenir cette technologie, il est parfois approprié de demander aux artistes de contribuer. On peut également demander aux agents de billetterie de contribuer.
Vous ne pouvez pas dire que l'idée, c'est que chaque personne doit présenter un billet et une pièce d'identité, et que la salle de concert doit déterminer comment procéder, car ce sera un véritable cauchemar.
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Merci, madame la présidente.
De toute évidence, madame Kiwala, vous êtes l'exception à la règle avec votre intervention pertinente et des plus musclées. Le spectacle du groupe The Tragically Hip est un événement qui fait désormais partie du patrimoine canadien. C'était un spectacle déterminant dans l'histoire de la culture du Canada. Je vous en félicite. Toutefois, je demeure sceptique quant à l'étude de notre comité sur cette question. Dans le communiqué accompagnant la publication de votre projet de loi, on constate que vous aviez obtenu le soutien de Mme Tracy MacCharles, ministre des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs du gouvernement ontarien de l'époque. C'est la raison pour laquelle je vous dis que vous êtes l'exception à la règle.
Pour en revenir au spectacle du groupe The Tragically Hip, des opportunistes ont décidé de profiter des ventes de billets pour un spectacle qui suscitait de l'émotion chez toute une nation. Leur geste et les 100 % de profit qu'ils ont réalisés sur la revente des billets, tout cela est un sacrilège. C'est dégueulasse et immoral.
[Traduction]
J'aimerais savoir ce que vous penseriez si un groupe de jeunes décidaient d'acheter toutes les tomates dans les épiceries de la région du Grand Toronto, et qu'une entreprise américaine disait qu'elle allait lancer une initiative pour revendre toutes ces tomates par l'entremise d'une personne qui vendrait toutes ces tomates individuellement. Pensez-vous que Doug Ford dirait que c'est acceptable, que c'est une bonne chose?
C'est la même situation. De toute évidence, peu importe le sujet ou le produit, cette systématisation d'une occasion est très problématique. C'est comme si je vous offre de vous conduire à la station de train et, tout à coup, cela devient un service de Uber gratuit et sans taxe.
À mon sens, votre comparution au Comité est une bonne chose car vous soulevez l'exception importante. Le plus grand groupe de musiciens du patrimoine canadien et de la musique populaire canadienne était certainement The Tragically Hip, d'un bout à l'autre du pays. Il est important de faire preuve de courage. Vous vous êtes heurtée à une forte résistance, et vous avait fait ce qu'il fallait. Je m'excuse de citer un autre conservateur, mais je reconnais que c'était la chose sensée à faire.
Dans le milieu de la culture, nous devons orienter et conseiller le gouvernement.
[Français]
Je suis tellement content d'avoir trouvé sur Internet un communiqué de Téléfilm Canada qui relie trois personnes ici présentes: « Téléfilm Canada et le groupe de Fonds Rogers », dont une représentante se surveille avec beaucoup de sérieux depuis plusieurs semaines, « célèbrent 10 ans de partenariat en annonçant leur appui à 18 productions documentaires ». L'un de ces documentaires portait justement sur le groupe The Tragically Hip, qui était tellement fantastique.
J'établis un lien peut-être un peu fantaisiste, mais je tiens à vous dire que si nous devons discuter de ma motion tout à l'heure et la soumettre au vote, j'espère que vous n'irez pas en enlever ce qu'elle a d'audacieux. Téléfilm Canada démontre une incompréhension de la façon dont on travaille dans le milieu du cinéma. Les récentes mises à pied violentes doivent donc demeurer au coeur de cette motion.
Madame Kiwala, je vous remercie beaucoup de votre intervention en rapport avec le concert du groupe The Tragically Hip. Selon moi, cet exemple illustre de façon précise le risque que courent au Canada certains de nos artistes canadiens et québécois. Nous avons entendu des points de vue variés à cet égard, certains producteurs allant même jusqu'à nous dire que cela leur convenait très bien de vendre leurs billets par caisses de 100 plutôt qu'à l'unité puisque la mise en marché leur en revenait pas mal moins cher.
Avez-vous eu des réactions négatives directes de la part du milieu du spectacle après le dépôt de votre projet de loi?
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Merci, madame la présidente.
Je suis heureux que vous nous ayez aidés à suivre l'argent. Je pense qu'il y a beaucoup plus de travail à faire dans le suivi de l'argent. Ça représente des milliards de dollars.
Voici une réponse amicale à mon collègue Shields.
Je vais à beaucoup de ventes-débarras et je pense que je pourrais me débarrasser de ce qui encombre mon sous-sol par ce moyen. Peut-être que je m'enrichirais un peu. Mais il y a une différence entre l'abondance et la rareté, et notre sujet a exclusivement porté sur un marché d'objets rares.
Je convoite un trophée que vous vendez chez vous 1 $, mais un groupe se présente et place devant moi 10 autres groupes, puis majore le prix du trophée à 100 $, ce qui fait que je ne vois même pas le prix de 1 $. L'enjeu, la protection du consommateur, se situe là. Je peux toujours acheter le trophée pour 100 $, mais je n'ai jamais vu qu'il se vendait 1 $. Les acheteurs au milieu de la file, les nouveaux arrivants sur le marché, ne sont même pas là en personne — ils sont ailleurs, ils arrivent sous forme de robots — et ils peuvent appuyer sur le bouton, faire arriver ces agents, et je ne parviens même pas à contempler votre précieux trésor à 1 $. Il sera seulement toujours à 100 $. Ici, on peut tirer une leçon du marché de la rareté et de l'abondance. Un règlement qui permet de suivre l'argent à la trace, voilà qui pourrait à la fois protéger le consommateur et... Je suis d'accord avec vous. Nous ne pouvons pas aller trop loin, parce que les gens ont le droit de choisir la façon de dépenser leur argent.