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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 septembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour. Aujourd'hui, nous recevons les témoins par vidéoconférence et en personne. Comme vous le savez, nous étudions l'accès des communautés locales aux histoires et expériences canadiennes dans l'ensemble du pays, sur le plan des nouvelles et autres types d'information... Le contenu canadien, pour ainsi dire.
    Qu'arrive-t-il lorsque les médias sont regroupés? Quelles sont les conséquences? Sont-elles positives? Sont-elles négatives? Nous examinons toutes les plateformes, y compris les plateformes numériques. Nous cherchons des solutions et des façons d'accroître le contenu canadien — y compris les nouvelles —, et d'accroître l'accès à ce contenu.
    Nous recevons ce matin les représentants de Télé Inter-Rives Ltée: les directeurs, M. Harvey et M. Nadeau, et la vice-présidente, Mme Simard. Nous recevons également les représentantes de The Tyee: la cofondatrice Michelle Hoar et la rédactrice en chef Robyn Smith, qui se joignent à nous depuis la belle ville de Vancouver.
    Voici comment nous allons procéder: chaque groupe disposera de 10 minutes pour présenter son exposé. Ensuite, les membres du comité pourront vous poser des questions.
    Vous pouvez décider qui d'entre M. Harvey, M. Nadeau ou Mme Simard prendra la parole ou encore vous partager les 10 minutes qui vous sont accordées.
    Madame Smith et Mme Hoar, vous pourrez procéder de la même façon.
    Allez-y.

[Français]

    Bonjour, tout le monde.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés et membres du Comité, je m'appelle Cindy Simard et je suis vice-présidente, Information, des quatre stations de télévision locales de Télé Inter-Rives ltée, une propriété de la famille Simard. J'ai maintenant 40 ans et j'ai moi-même été journaliste. Maintenant, je suis la lectrice principale du bulletin de nouvelles locales de notre station CIMT, affiliée à TVA, à Rivière-du-Loup.
    J'ai à mes côtés Pierre Harvey, directeur général de la station CHAU-TV, affiliée à TVA, à Carleton-sur-Mer. Cela fait 40 ans que Pierre y travaille.
    Je vous présente également Jean-Philippe Nadeau, qui est directeur de l'information pour nos stations CIMT-TVA et CKRT-TV, affiliée à Radio-Canada.
    Madame la présidente, j'aurais aimé vous dire quelques mots en anglais, mais malheureusement mon anglais n'est pas assez bon et ce serait trop long. Pourtant, ma mère est anglophone et, par un drôle de hasard, je suis née en Ontario, mais cela s'arrête là pour mon anglais.
    Notre famille oeuvre en radiodiffusion depuis plus d'un demi-siècle. Mon grand-père, Luc Simard, a fondé la première station de télévision à Rivière-du-Loup affiliée à Radio-Canada. L'ouverture de cette première station de télévision a eu lieu au début des années 1960, alors que le gouvernement du Canada, par l'entremise de la Société Radio-Canada, avait besoin de petits entrepreneurs privés dans les régions pour donner le premier service de télévision aux Canadiens. En 1978 et en 1986, mon père, Marc Simard, a répondu à l'appel du CRTC et a ainsi fondé notre affiliation à TVA et, par la suite, à TQS, qui aujourd'hui se nomme Vtélé.
    Nos stations de télévision desservent aujourd'hui tout l'Est du Québec, incluant la Gaspésie et la Côte-Nord, ainsi que la province du Nouveau-Brunswick, qui compte 235 000 francophones, majoritairement des Acadiens. L'ensemble de notre marché desservi par nos stations représente environ 650 000 personnes.
    Comme ils l'ont fait au cours des audiences de Parlons télé, les Canadiens ayant participé au forum en ligne ont mentionné sans équivoque qu'ils accordaient une grande importance aux nouvelles locales et qu'ils les considéraient comme leur source principale de nouvelles et d'information. Dans un sondage, 81 % des Canadiens ont affirmé que les nouvelles locales à la télévision étaient importantes pour eux.
    Dans les forums de discussion de Parlons télé, de nombreux Canadiens se sont clairement exprimés sur l'importance des nouvelles locales, et la plupart des participants ont noté qu'ils se fiaient d'abord et surtout aux nouvelles télévisées pour demeurer informés sur les questions d'intérêt public et qu'ils n'utilisaient les journaux et Internet que comme un complément aux nouvelles à la télévision.
    Chaque année, nos quatre stations de télévision locales dépensent près de 3,5 millions de dollars uniquement pour notre service de nouvelles locales, ce qui représente évidemment la dépense la plus importante de toutes nos stations de télévision. Depuis près de 60 ans, soit depuis l'arrivée de la télévision au Canada, les stations de télévision locales dans toutes les régions du pays, à l'exception des grands réseaux de télévision, n'ont qu'une seule source de revenus, soit la vente de publicités.
    Contrairement aux canaux spécialisés, les grandes entreprises de distribution en radiodiffusion, les EDR, soit les câblodistributeurs et les distributeurs par satellite, captent nos signaux de télévision locaux et ne nous versent aucune somme d'argent pour les distribuer et les revendre ensuite à leurs abonnés. Pendant ce temps, les canaux spécialisés ont bénéficié, en plus des revenus d'abonnement payés par les consommateurs, de revenus supplémentaires tirés de la publicité, et cela, sans aucune obligation de produire de la programmation locale et des nouvelles locales dans les régions du Canada. Voilà l'une des raisons pour lesquelles la télévision conventionnelle est dans une situation précaire, en plus de l'arrivée d'Internet.
    Les nouveaux médias sont aujourd'hui un complément essentiel à nos stations de télévision. Nous considérons les nouveaux médias comme une fenêtre supplémentaire pour diffuser nos nouvelles locales. Cependant, nos sites Internet ne génèrent pratiquement aucun revenu. Ce sont nos recettes publicitaires de la télévision qui soutiennent les coûts de nos sites Internet.
    En Amérique du Nord, les sites majoritairement consultés sont exploités par les grands télédiffuseurs comme CNN, ABC et NBC. Au Canada, on pense notamment à Radio-Canada, à TVA, à CTV. Évidemment, c'est attribuable à leur capacité de livrer de l'information produite par des professionnels, par des journalistes. C'est exactement la même chose dans nos régions, où les sites de nouvelles locales de nos stations sont également les plus consultés, en raison de la justesse et de la fiabilité de leur contenu et de la notoriété de nos stations auxquelles les gens font confiance.
(1105)
     Dans tous les cas, que ce soit dans les grands centres ou en région, tout l'argent nécessaire pour alimenter et exploiter les sites Internet provient des revenus publicitaires de la télévision ou des canaux spécialisés de nouvelles. Il est évidemment inutile de vous dire qu'exploiter des sites Internet de nouvelles coûte extrêmement cher.
    Aux États-Unis, l'équivalent de notre CRTC, la FCC, a pratiquement obligé les câblodistributeurs et les distributeurs par satellite à payer les stations de télévision locales pour obtenir le droit de distribuer leurs signaux, tout comme ils le font avec les canaux spécialisés.
    Au Canada, malheureusement, et malgré le désir du CRTC de mettre en avant une telle pratique, certains grands câblodistributeurs et entreprises par satellite se sont objectés à ce projet. Il y a quelques années, la Cour suprême du Canada, dans un jugement favorable de trois contre deux, a jugé que ce projet était inapplicable, en raison de certaines dispositions de la Loi sur le droit d'auteur.
    À notre avis, il aurait été plus logique pour les stations de télévision conventionnelles d'obtenir des revenus d'abonnement pour leurs signaux, ce qui aurait amélioré la situation financière de l'ensemble de notre industrie.
    Une des solutions serait que le gouvernement du Canada apporte les modifications requises à la Loi sur le droit d'auteur afin de permettre aux stations de télévision conventionnelles d'obtenir des revenus d'abonnement.
    Face aux difficultés financières des stations de télévision conventionnelles et locales, le CRTC, dans les circonstances, a pris la meilleure décision en annonçant, le 15 juin dernier, le Fonds pour les nouvelles locales indépendantes, le FNLI, en utilisant les mêmes ressources financières disponibles à l'intérieur du système de radiodiffusion.
    Nous approuvons et appuyons ce fonds. Nous remercions également le CRTC de l'avoir instauré afin que les Canadiens puissent continuer, comme ils le désirent, à bénéficier de nouvelles locales de très haute qualité.
    Cependant, il se pourrait que cette somme soit insuffisante pour combler tous les besoins dans l'avenir. Rappelons que la Loi sur la radiodiffusion oblige les distributeurs à remettre 5 % de leurs revenus à la production d'émissions canadiennes. Nous croyons que cette somme pourrait être augmentée par le CRTC, si les besoins pour maintenir les nouvelles locales l'exigent.
    En terminant, nous voulons vous souligner qu'il est absolument fondamental pour nos quatre stations de télévision locales de maintenir leur affiliation aux trois grands réseaux francophones de télévision, soit TVA, Radio-Canada et V.
    De fait, 95 % de nos émissions proviennent de ces trois grands réseaux et 70 % de nos revenus proviennent des ventes publicitaires réseaux. Sans une affiliation réseau, il serait tout à fait impossible d'exploiter une station de télévision locale dans les régions.
    Dans une décision rendue en 2007 touchant des aspects réglementaires de la télévision en direct, le CRTC mentionnait ceci:
Le Conseil estime que les télédiffuseurs indépendants jouent un rôle important en offrant des émissions locales à l'extérieur des grands marchés. Pour être en mesure d'offrir des émissions locales de haute qualité, ils doivent obtenir les ressources financières provenant d'ententes d'affiliation et de soutiens financiers raisonnables.
    Après plus de 50 ans d'expérience en radiodiffusion, nous demandons au gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère du Patrimoine canadien, de maintenir et de renforcer tous les pouvoirs du CRTC, et ce, dans l'intérêt de tous les Canadiens afin qu'ils aient accès à des nouvelles locales de grande qualité. Soulignons-le, cet organisme public est le seul gardien du système de radiodiffusion au Canada.
    Finalement, nous croyons encore profondément à la télévision locale et à ce qu'elle demeure la première source d'information des Canadiens.
    Nous remercions le Comité permanent du patrimoine canadien de son invitation à comparaître aujourd'hui et de son intérêt manifesté envers les activités de nos stations de télévision locales. Nous sommes disposés à répondre à vos questions.
    Merci.
(1110)

[Traduction]

    Merci beaucoup. Vous avez bien géré votre temps.
    Madame Smith et madame Hoar, vous disposez de 10 minutes. Nous passerons ensuite aux questions.
    Bonjour. Je vous remercie de nous inviter à témoigner devant vous aujourd'hui.
    Je suis accompagnée de Michelle Hoar, qui a cofondé The Tyee et a dirigé les activités opérationnelles de l'entreprise pendant 13 ans. Elle pourra m'aider à répondre à vos questions à la suite de mon exposé.
    Vous étudiez aujourd'hui la situation de l'industrie des médias du Canada, l'incidence des nouveaux médias et les perspectives d'avenir. J'espère que mon expérience avec The Tyee pourra vous éclairer.
    Je me sens privilégiée de travailler en journalisme. J'ai obtenu mon diplôme en 2011, alors que les médias traditionnels étaient déjà confrontés à une révolution numérique. Mes collègues étaient inquiets, mais puisque nombre de nos héros travaillaient toujours pour les grands journaux, nous espérions qu'un plan B s'opérerait.
    Or, les choses n'ont fait qu'empirer. Les recettes publicitaires n'ont cessé de diminuer et ont entraîné des vagues de mises à pied dans les grandes chaînes. Les traditions, l'expertise et l'âme du journalisme ont disparu alors que le personnel réduit des salles de nouvelles tentait de suivre le rythme du cycle de nouvelles numériques en continu. Facebook et Google ont fait fondre les recettes publicitaires qui aidaient à la production de nouvelles. Les salles de nouvelles ont réagi en créant un flou entre les vrais reportages et les articles publicitaires.
    Pendant ce temps, CBC/Radio-Canada a dû procéder à des réductions draconiennes. Nous avons vu des journalistes que nous admirions accepter des indemnités anticipées ou quitter l'industrie.
    Quelques-uns de mes amis ont trouvé un bon emploi, mais nombre d'entre eux ont abandonné. Ils ne pouvaient pas vivre du peu de travail qui était offert ou ne pouvaient pas supporter les tendances de l'industrie à chercher les clics à tout prix ou à écrire du contenu commandité fade pour servir les annonceurs. Selon ce qu'on me dit, les journalistes indépendants d'il y a 20 ans étaient payés trois à cinq fois plus cher le mot que ceux d'aujourd'hui. Dans quelle autre industrie l'échelle salariale est-elle inversée de façon aussi drastique?
    Je dis cela pour établir clairement que les difficultés qu'ont connues les médias traditionnels n'ont pas seulement nui au journalisme d'intérêt public. Le Canada compte beaucoup de personnes intelligentes qui veulent faire ce travail, qui usent de toutes leurs capacités et de toute leur passion pour alimenter une conversation démocratique essentielle, mais il y a maintenant moins de place pour eux et moins de mentors qui ont le temps de leur enseigner.
    Par conséquent, nous n'arrivons pas à nourrir la prochaine génération de journalistes, ceux qui nous aident à concrétiser les changements réels et nécessaires dans le monde, et c'est une grande perte.
    J'ai eu la chance d'atterrir chez The Tyee qui, au cours des 13  dernières années, a su bâtir un lectorat régional sain et accroître son lectorat national parce qu'il donne au public ce que les médias regroupés n'offrent pas. Or, malgré toute notre fierté, nous nous inquiétons pour notre industrie. Je ne veux pas que les journalistes qui travaillent dans l'intérêt du public — peu importe où ils travaillent — perdent leur emploi.
    Personne au Canada n'a encore réussi à mettre en oeuvre un modèle opérationnel exclusivement numérique qui puisse soutenir un grand bassin de journalistes professionnels payés à temps plein. Aucun des médias numériques locaux n'a la taille ni l'échelle des médias traditionnels de l'époque. Nous craignons qu'un dangereux fossé se soit creusé avec la chute des médias traditionnels, et que les médias numériques n'arrivent pas à faire le pont et à rattraper ce que nous avons perdu.
    Personnellement, je ne crois pas que le renflouement des grands médias soit la solution. Je préfère un avenir où les entreprises médiatiques monolithiques du Canada sont fractionnées et où les bureaux de presse et les services d'information sont achetés par de petites entités régionales qui se soucient de leur communauté et entretiennent d'importantes relations avec les institutions locales qui les appuient.
    Cela étant dit, je crois qu'avec de l'imagination et un désir de changement, le gouvernement peut en faire beaucoup pour raviver l'industrie.
    Supposons que le Canada soit doté d'un secteur reconnu, valorisé et bien soutenu pour les médias numériques comme le nôtre. Imaginons une profusion de Tyees, de tous les horizons, qui ont diverses missions et divers modèles opérationnels; une association d'organismes de bienfaisance, d'organismes à but lucratif, de coopératives et de structures hybrides. Il faudrait certains investissements, mais il seraient modestes. L'argent n'a même pas à provenir directement du gouvernement, mais le gouvernement peut nous aider à y arriver.
    J'ai récemment demandé à notre fondateur et rédacteur en chef, David Beers, combien avait coûté le démarrage du magazine The Tyee en 2003. C'était 190 000 $. À l'époque, il n'y avait pas beaucoup de modèles comme le nôtre. David et notre investisseur s'étaient dit: « Tout ce qu'il faut au Canada, c'est un modèle, et tout ce dont nous avons besoin, c'est de 190 000 $. Si l'entreprise porte des fruits au cours de la première année, alors nous investirons plus. Sinon, nous nous retirerons. » C'est ainsi que The Tyee est né.
    Aujourd'hui, 190 000 $ représentent moins du cinquième du coût d'une maison bonne à démolir dans la ville de Vancouver. C'est aussi, d'après ce que j'ai entendu, un peu moins que le coût du déménagement de deux assistants du premier ministre de Toronto à Ottawa.
    Ces 190 000 $ ont permis de démarrer l'entreprise. On a fait d'autres investissements similaires par la suite, puisque The Tyee sortait la nouvelle, attirait de plus en plus de lecteurs et taillait sa place. Ces 190 000 $ ont permis d'établir plusieurs autres sources de revenus qui appuient maintenant nos opérations, notamment des recettes publicitaires et même des commanditaires pour les ateliers de maître Tyee, et de plus en plus de soutien direct de la part de nos lecteurs.
    Les engagements d'investisseurs patients et les sources de revenus diversifiées ont permis à The Tyee de rester en vie et de devenir une plateforme respectée et primée dans le domaine du journalisme d'intérêt public. Il est vrai qu'il faudrait aujourd'hui plus que les 190 000 $ qui ont permis le démarrage de The Tyee en 2003. Disons qu'il faudrait aujourd'hui 350 000 $. Le lancement de 20 médias comme The Tyee au Canada coûterait donc 7 millions de dollars. C'est le prix de sept maisons à Vancouver.
(1115)
    C'est cette vision que je vous présente ici aujourd'hui. Le Canada a besoin d'une association d'innovation politique et de priorisation volontaire pour que les 190 000 $ qui ont permis le lancement de The Tyee puissent servir encore et encore au journalisme indépendant de partout au Canada.
    Il faut établir des mesures incitatives comme des crédits d'impôt, des subventions de contrepartie et une levée des restrictions associées à la philanthropie pour encourager les intervenants de nos collectivités à financer les médias indépendants. Nous avons besoin d'infrastructures pour aider les médias indépendants comme The Tyee à se faire une place dans le réseau, à former un regroupement reconnu de médias indépendants qui partageraient les coûts de base, les sources de revenus, les projets de reportages, les avancées technologiques et les auditoires.
    Le gouvernement peut jouer un rôle à cet égard, sans financer directement le contenu. Sauf votre respect, The Tyee ne voudrait pas être financé par le gouvernement parce que nous commentons vos activités. Toutefois, il reste beaucoup à faire pour accroître le potentiel éprouvé — mais mal nourri — du secteur des médias indépendants à titre de complément aux grands médias et à CBC/Radio-Canada.
    J'aimerais revenir rapidement au commentaire que j'ai fait sur le changement des lois en matière de philanthropie. Au fil des ans, The Tyee a profité des contributions d'institutions philanthropes avant-gardistes par l'entremise de son organisation soeur à but non lucratif, Tyee Solutions Society. C'est la preuve qu'il est possible de réaliser de grandes choses, mais nous avons aussi appris que les politiques fédérales rendaient la collaboration entre les philanthropes et les journalistes difficile.
    Lorsque Tyee Solutions Society a accès à l'investissement philanthrope, elle fait un travail de journalisme axé sur les solutions. Le journalisme axé sur les solutions a recours à des techniques de reportage d'enquête, mais ne vise pas à nuire aux politiciens. Il vise à régler des problèmes épineux, et fonctionne bien. Au cours des sept dernières années, nos activités dans ce domaine ont atteint une valeur de près d'un million de dollars. Nous avons abordé des sujets critiques comme la salubrité alimentaire, l'éducation des Autochtones, le logement abordable et le futur énergétique du Canada, et nous l'avons fait malgré les règles très restrictives du Canada en matière de philanthropie. C'est le genre de journalisme qui intéresse ma génération.
    En résumé, nous ne vous demandons pas de financer notre contenu. Nous vous demandons de trouver des façons de dégager les fonds. Nous vous demandons de songer à un fonds de démarrage pour les nouvelles entreprises médiatiques comme la nôtre. Nous vous demandons de nous aider à attirer plus d'investissements de base et à établir un meilleur climat d'investissement pour les médias de l'ensemble du Canada, qu'il s'agisse de fiducies des collectivités ou de crédits d'impôt. Enfin, nous vous demandons de faciliter la philanthropie individuelle et institutionnelle, pour favoriser le journalisme axé sur les solutions.
    Je suis chanceuse d'avoir pu entreprendre ma carrière à The Tyee et je vous demande de favoriser la création et le soutien d'autres endroits pour les gens comme moi. Merci.
(1120)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à la période de questions. Vous disposerez de sept minutes, ce qui comprend le temps nécessaire pour poser la question et pour y répondre.
    Nous allons commencer par les libéraux. Monsieur Breton, vous avez la parole.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages éclairants.
    Mes premières questions s'adressent aux représentants de Télé Inter-Rives ltée.
    Je ne peux pas être en désaccord sur ce que vous avez dit. Effectivement, les diffuseurs indépendants jouent un rôle essentiel dans l'offre de marché local et de nouvelles locales.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné que, le 15 juin dernier, le CRTC a créé le nouveau Fonds pour les nouvelles locales indépendantes. J'ai quelques questions par rapport à cela. Dans votre cas, qu'est-ce que cela a donné? Je sais que vous avez profité de ce fonds.
    Pas encore.
    Pas encore?
    Non. Ce fonds sera instauré le 1er septembre 2017.
    Vous n'avez pas encore accès à ce fonds, mais vous avez vu ses différentes modalités. Avez-vous des détails? On parle d'un montant de 23 millions de dollars. Évidemment, le but de ce fonds est d'aider les diffuseurs locaux. En êtes-vous satisfait?
     En fait, le fonds global pour les indépendants représente environ 13 millions de dollars. Il y aura donc une vingtaine d'indépendants de partout au Canada qui vont en bénéficier à partir du 1er septembre 2017.
    Comme nous l'avons mentionné dans notre exposé, nous sommes satisfaits de ce geste du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Ce fonds va, dans un premier temps, maintenir les niveaux d'information locale produite dans les différentes stations. Dans un deuxième temps, lorsque les stations de télévision indépendantes vont renouveler leur licence devant le CRTC, ce dernier va examiner avec elles si le niveau d'information locale présentée doit être maintenu ou augmenté selon les circonstances qui vont se présenter pour chaque station.
    Il importe de comparer ce fonds avec d'autres fonds que nous avons déjà reçus. Auparavant, il y avait un petit fonds destiné aux indépendants pour pallier la non-distribution de leur signaux sur les satellites. C'est ce qu'on appelait le Fonds pour la programmation locale dans les petits marchés, le FPLPM. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a éliminé ce petit fonds afin de créer le nouveau fonds. Donc, il y avait déjà des sommes provenant de ce fonds et nous en avons bénéficié au cours des dernières années. Par ailleurs, de 2009 à 2012, nous avons bénéficié du FAPL, soit le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale.
    Selon les estimations que nous avons faites au cours des dernières semaines, ces deux fonds étaient plus importants que ce que nous allons recevoir par l'entremise du nouveau fonds créé par le CRTC. Cela nous fait dire que le nouveau fonds pour les nouvelles locales va surtout aider à maintenir les niveaux de production locale que nous avions, mais il ne nous aidera pas à faire d'autres genres d'émissions locales qui sont très appréciées de nos auditoires.
    Nous, à Télé Inter-Rives, nous avons souvent été cités en exemple par le CRTC pour l'utilisation des fonds qui nous ont été remis au cours des dernières années pour faire de la nouvelle programmation locale. Vous comprendrez que nous sommes un peu déçus de ce nouveau fonds.
(1125)
    J'ai une autre question.
    Évidemment, vous êtes affiliés à TVA.
    Également à V et à Radio-Canada.
    Vous avez fait face à beaucoup de défis financiers au cours des dernières années, et il y en a encore énormément à venir. Parlez-nous de l'importance de votre affiliation à ces diffuseurs réseaux.
    En fait, 95 % de nos émissions proviennent de ces grands réseaux, que ce soit TVA, Radio-Canada ou V. Évidemment, si nous ne produisions que des nouvelles locales, nous ne serions en ondes que 25 heures chaque semaine et notre station aurait des chances de tomber dans l'oubli dans l'ensemble de l'offre visuelle qui est présentée dans chacune des régions. Alors, pour avoir de bonnes cotes d'écoute, pour avoir un large auditoire, il est important d'être affilié à des réseaux, comme le sont les télévisions conventionnelles locales partout au Canada.
    Nous entretenons de très bonnes relations d'affaires avec les deux réseaux privés V et TVA. Par contre, nous avons eu un peu plus de difficulté au cours des derniers mois avec la Société Radio-Canada. Nous venons d'ailleurs de renouveler notre contrat d'affiliation qui couvre les cinq prochaines années à compter du 1er septembre dernier. Je dois vous dire que la Société Radio-Canada a presque entièrement coupé nos revenus publicitaires réseaux et nationaux sélectifs pour la durée du contrat. Cela représente des sommes considérables. Pour vous donner une idée, le nouveau fonds que nous aurons du CRTC pour aider à produire des nouvelles locales à la station CKRT va venir combler la perte que nous a occasionnée cette décision de la Société Radio-Canada. C'est vraiment à contrecoeur que nous avons accepté le nouveau contrat d'affiliation. Que voulez-vous, nous avons été obligés d'accepter ce nouveau contrat.
    Selon la Loi sur le conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, les réseaux ne peuvent plus se désaffilier des stations. Nous demandons que le CRTC ait plus de pouvoir, parce qu'il n'a aucun rôle ou pouvoir de décision relativement aux ententes commerciales entre les stations et les réseaux. Le CRTC ne se mêle pas des ententes commerciales.
     Je ne pense pas avoir le temps de poser une autre question, madame la présidente.

[Traduction]

    Non, il vous reste cinq secondes.

[Français]

    Il serait intéressant de pouvoir revenir sur les difficultés que vous avez eues avec Radio-Canada. J'espère avoir l'occasion de vous interroger à ce sujet.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Waugh, pour les conservateurs. Vous avez sept minutes, monsieur.
    Je vois trois stations locales et une station de propriété familiale. Les stations de télévision de propriété familiale se meurent au pays. C'est 3,5 millions de dollars par année que vous dépensez pour les quatre stations de télévision; ce n'est pas beaucoup. Dites-moi à quoi sert l'argent.
    Vous avez dit que vous diffusiez 25 heures de programmation par semaine. Est-ce que c'est pour les quatre stations? Est-ce que c'est 100 heures pour vos quatre stations ou 25 heures de nouvelles locales par station? Pouvez-vous expliquer ce que vous faites? Est-ce qu'il s'agit d'un journal télévisé d'une heure? Présentez-vous des documentaires? Comment fonctionne la programmation locale de vos quatre stations?

[Français]

    Dans notre mémoire, nous mentionnons que nous produisons et diffusons près de 25 heures de programmation locale par semaine. Cette programmation est constituée de nouvelles à 90 %. Par exemple, à nos deux stations affiliées au réseau TVA, nous avons un bulletin du midi, qui est diffusé de 12 h 10 à 12 h 30, et un bulletin du soir, diffusé entre 18 h 10 et 18 h 30.
    Tout au long de la journée, nous présentons des manchettes de nouvelles produites au fur et à mesure des événements, afin d'offrir aux téléspectateurs différentes informations locales. Dans le cas de CIMT-TV, cela représente une programmation d'environ sept heures et demie par semaine de nouvelles locales; dans celui de CHAU-TV, d'environ six heures par semaine; dans le cas de CKRT-TV, d'environ quatre heures par semaine; et dans celui de CFTF-TV, d'environ cinq heures trente par semaine.
    En ce qui concerne l'émission de notre permis de radiodiffusion, le CRTC avait demandé que nous nous engagions à offrir 11 heures 50 minutes de programmation locale. Actuellement, nous en offrons pratiquement plus du double.
(1130)

[Traduction]

    Monsieur Nadeau, vous êtes directeur de l'information. À mon avis, le journalisme a perdu des plumes au pays. Tout d'abord, il y a trop d'écoles de journalisme pour notre marché.
    Du côté francophone, comment gérez-vous les jeunes journalistes qui sortent de l'école et arrivent à votre station?

[Français]

    Nos stations à Rivière-du-Loup, CIMT et CKRT, couvrent un territoire qui est quand même très grand. Nous diffusons dans le secteur de Rivière-du-Loup, dans Charlevoix et au Nouveau-Brunswick. Nous avons donc des équipes en place un peu partout. Nous embauchons de jeunes journalistes. Nous sommes une école de formation en région, puisque plusieurs journalistes qui sont maintenant ici, à Ottawa, sont passés par Rivière-du-Loup, de même que d'autres ailleurs au pays. Nous avons toujours embauché des gens passionnés.
    En fait, les gens qui vivent en région ont autant besoin d'information de qualité, produite avec la rigueur journalistique nécessaire. Étant donné que nous sommes affiliés également à des réseaux comme TVA et Radio-Canada, les normes journalistiques sont les mêmes, que l'on serve un petit marché ou un grand. Cela n'est pas différent dans le cas de Rivière-du-Loup. La particularité est que nous couvrons de grands territoires, avec des équipes d'information parfois réduites.
    Par ailleurs, au cours des dernières années, nous avons continué à embaucher du personnel, malgré un contexte économique difficile pour les médias. Nous avons toujours eu le souci de maintenir la qualité de l'information, parce les gens ont besoin d'être informés sur les plans local et régional. En fait, l'information locale est le fondement de la démocratie. Les gens veulent savoir ce qui se passe au sein de leur municipalité, de leur commission scolaire, des hôpitaux. Les prises de décision les concernent au quotidien.
    En l'absence de médias locaux comme les nôtres, les gens écouteraient des informations nationales. Le centre d'intérêt se situerait donc beaucoup plus loin. C'est ainsi que nous, en région, réussissons à atteindre les gens. D'ailleurs, ceux-ci nous le disent quotidiennement. Quand nous croisons des gens sur le terrain, ils nous remercient de leur parler de leur coin de pays, parce qu'ils veulent savoir ce qui se passe près de chez eux. C'est pour cela qu'il est important de pouvoir aider davantage les stations régionales comme les nôtres à maintenir cette qualité de l'information.
    Il y a eu beaucoup de changements technologiques ces dernières années, de sorte qu'il a fallu investir sur le plan de la haute définition. Notre station a été l'une des premières au Québec, après Montréal, à effectuer ce virage. Je répète que les gens en région veulent avoir un produit de qualité égale en ce qui a trait à l'image et à l'information. Il y a aussi tout le virage numérique, avec Internet. Les gens veulent être informés rapidement et, de notre côté, nous devons maintenir, avec le même nombre de journalistes, non seulement notre programmation locale, mais nos sites Internet. Nous alimentons nos sites continuellement, 24 heures sur 24. Il faut donc davantage de moyens, mais nous n'avons pas plus d'effectifs pour autant.

[Traduction]

    J'aimerais parler du magazine The Tyee.
    Robyn, je veux parler de journalisme avec vous. Il ne me reste qu'une minute.
    Il vous reste une minute et demie.
    Lorsque vous étudiez en journalisme, vous ne pensiez probablement pas travailler pour un magazine, comme vous le faites en Colombie-Britannique. J'aimerais donc aborder ce volet du journalisme. Je dirais que la moitié des étudiants de votre classe ne travaillent plus en journalisme aujourd'hui. Vous faites partie des quelques chanceux.
(1135)
    Je crois que c'est vrai. Je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J'ai eu l'occasion de travailler dans quelques salles de nouvelles pendant mes études, à titre de stagiaire, et l'expérience a été très décourageante.
    Bien sûr, c'était une merveilleuse occasion pour une jeune journaliste comme moi, mais j'ai eu l'impression que les choses étaient beaucoup plus chaotiques qu'elles ne l'avaient été par le passé. Le moral des journalistes était faible et rapidement, tous les étudiants du programme se sont demandé ce que leur réservait l'avenir puisque les emplois dans ce qu'on qualifiait de journalisme traditionnel se faisaient de plus en plus rares.
    Il n'y avait pas beaucoup d'autres choix. Certains étudiants de ma classe travaillent pour des entreprises comme VICE Canada. Bien sûr, The Tyee en a embauché quelques-uns, mais il y avait moins de possibilités que ce que je pensais lorsque j'ai commencé mes études.
    Est-ce que les écoles de journalisme vous disent rapidement qu'il n'y a pas beaucoup d'emplois dans le domaine?
    Monsieur Waugh, je suis désolée, mais je vous ai laissé dépasser votre temps.
    Je connais la réponse. Merci.
    La parole est maintenant à M. Nantel. Vous avez sept minutes, monsieur.

[Français]

     Je vous remercie d'être parmi nous.
    Messieurs et madame qui représentez Télé Inter-Rives ltée, comme le disait mon collègue M. Waugh, le fait que votre station de télé soit de propriété familiale est tout à fait intéressant. Ce modèle est représentatif de bon nombre de réalités médiatiques, notamment la retransmission.
    Vous avez évoqué des enjeux relatifs à Radio-Canada, qui a changé un peu sa manière de répartir ses revenus publicitaires. Ici, quand nous écoutons TVA — qui appartient ici à Radio Nord Communications inc., si je ne m'abuse —, il y a souvent en bloc des messages publicitaires locaux. Parfois, c'est le réseau qui prend le relais.
    Comment les choses fonctionnent-elles, chez vous?
    Sauf erreur, TVA, en vous octroyant 20 minutes par bulletin de nouvelles, vous permet de pénétrer davantage le marché local et d'augmenter le sentiment d'appartenance.
    Est-ce que Radio-Canada est plus restrictif quant à l'ampleur de votre production originale?
    Cela s'équivaut du côté des deux réseaux. J'ai oublié de préciser plus tôt, au sujet des revenus que nous a retirés Radio-Canada, que ce sont des revenus publicitaires. C'est très important.
    C'est le nerf de la guerre.
    Exactement.
    Ce ne sont pas des revenus qui proviennent de la subvention accordée par le gouvernement du Canada à la Société Radio-Canada. Il faut que ce soit très clair. Il s'agit de revenus publicitaires générés par la présence de notre station dans le marché et par des messages publicitaires diffusés par notre station à l'échelle du réseau ou, de façon sélective, à l'échelle nationale. Ces revenus devraient nous revenir, en principe. Ce sont ces revenus que nous a enlevés la Société Radio-Canada.
    Évidemment, nous n'avons pas ce problème dans le cas des autres réseaux. Nous avons nos recettes réseau qui sont distribuées selon les parts de marché d'écoute que nous possédons dans chaque marché que nous desservons. Cette situation sera plus difficile pour nous au cours des cinq prochaines années.
    Nous pouvons tout à fait concevoir cela. Je crois que tous les membres de ce comité ont bien compris à quel point les recettes publicitaires étaient la base même du système, nonobstant le soutien public qui vous est octroyé en tant qu'entrepreneur ou que réseau public.
    Exactement.
    Comme nous le mentionnons dans le texte, cela représente 70 % de nos revenus. En outre, c'est un revenu sur lequel nous n'avons pas de contrôle. En effet, ce n'est pas nous qui nous chargeons de nos ventes réseau.
    Au sujet de vos revenus, j'aimerais revenir sur un point que vous avez soulevé, à savoir que les généralistes, aux États-Unis, reçoivent une redevance. Vous avez mentionné que le CRTC voulait faire de même. Vous vous êtes référé à la Loi sur le droit d'auteur, ce qui nous indique à quel point il serait important de recevoir Jean-Pierre Blais dans le cadre de cette étude. C'est d'une évidence criante. Très clairement, ce sont des décisions qui relèvent entièrement du CRTC. Nous devons absolument entendre son point de vue à ce sujet.
    Pourquoi vous référez-vous à la Loi sur le droit d'auteur?
(1140)
     Nous ne sommes pas des avocats. Cependant, d'après ce que nous avons lu, et selon les informations qui ont circulé à ce sujet, la contestation provenait des grands câblodistributeurs du pays et des diffuseurs par satellite. La Cour suprême a pris sa décision en s'appuyant sur un article de la Loi sur le droit d'auteur du Canada. Cependant, je ne sais pas précisément de quel article il s'agit.
    D'accord. Nous allons fouiller pour trouver quel est l'article en question.
    C'est intéressant, parce que, de toute façon, cette loi doit être revue tous les cinq ans, comme il est bien inscrit dans le mandat.
    Par ailleurs, pourquoi les stations conventionnelles au Canada, qui produisent 60 % des émissions originales canadiennes, ne touchent-elles aucune redevance de câblodistribution? C'est quand même étonnant.
    Rappelons-nous que les chaînes généralistes américaines se demandent actuellement si elles ne vont pas presser le bouton d'éjection de la distribution de leur signal au Canada, pour lequel elles ne reçoivent pas de redevances. C'est quand même incroyable.
    J'aimerais poser une question à Mme Smith et à Mme Hoar, du magazine en ligne The Tyee de Vancouver.
    Tout d'abord, j'aimerais vous dire, madame Smith, que j'ai beaucoup aimé votre allocution. Je crois que nous devons constamment nous faire à l'idée que le système que nous avions, et qui fonctionnait, ne fonctionne plus ou qu'il fonctionne moins bien, et qu'il est certainement très en danger. Il ne faut pas non plus être alarmiste. Ça va bien, tout le monde gagne sa vie, mais c'est de plus en plus difficile.
    Par contre, on vous a laissé tomber comme étudiante en vous disant que le métier de journaliste était plaisant. Il est bien entendu qu'une faculté de journalisme n'ira pas dire à tous ses étudiants qu'ils auront besoin de bien de la chance pour trouver un emploi. Évidemment, on ne leur dira pas cela, puisque ce serait trop décourageant, mais c'est quand même une réalité.
    Vous avez mis en ligne la présentation que vous avez faite ce matin. L'un de vos abonnés a souligné que si vos écrits sont toujours liés au financement, s'ils s'adressent toujours à un groupe de gens qui veulent lire des articles portant sur certains sujets, il y a peut-être un risque que vos enquêtes portent toujours sur les sujets que demande cette clientèle.
    J'en viens à ma question. Avez-vous été consultée par la ministre Joly? Elle était à Vancouver hier, relativement à des questions de modernisation. Avez-vous été invitée à la consultation de la ministre Joly?

[Traduction]

    Oui. J'ai participé avec elle et 60 autres créateurs de la Colombie-Britannique à une discussion sur le contenu canadien à l'ère numérique.
    Qu'est-ce qu'une nouvelle organisation comme la vôtre nous recommande de faire?
    Tout d'abord, notre organisation n'est pas nouvelle. Nous sommes établis depuis 13 ans.
    Vous avez neuf ans?
    Nous existons depuis 13 ans.
    C'est vrai. Depuis 2003.
    C'est difficile de faire des recommandations aussi précises que celles d'autres témoins que vous recevez ici aujourd'hui, parce qu'ils ont accès à de nombreux types de soutien, tandis que nous travaillons dans un domaine où il y a peu de soutien, de lois ou de précédents.
    Je crois qu'on pourrait prendre de nombreuses mesures pour nous aider. On a beaucoup parlé des crédits d'impôt pour la publicité. Je ne sais même pas si une entreprise médiatique comme la nôtre est admissible aux crédits d'impôt pour faire de la publicité par l'entremise d'autres types de journaux ou de médias. Je suis intéressée de savoir si l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique aux entreprises comme la nôtre.
    Je trouve étrange que les entreprises canadiennes puissent obtenir un crédit d'impôt pour faire de la publicité sur Facebook et Google. Il faut remédier à cette situation. Les organisations de ce genre ne créent aucun contenu, mais créent un terrain de jeu très inégal pour le reste d'entre nous qui produisons un contenu journalistique, qu'il s'agisse de journaux, de télédiffusion...
    Merci, madame Hoar.
    Je suis désolée, mais je dois vous interrompre.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous avons passé huit minutes sur le sujet, et je vous ai autorisée à répondre à la question. Merci.
    Quelqu'un vous laissera peut-être poursuivre.
    M. Vandal, du Parti libéral, a la parole pour sept minutes.
(1145)

[Français]

    Merci beaucoup de votre présentation.

[Traduction]

    J'adresserai ma première série de questions à The Tyee.
    J'aimerais d'abord en savoir un peu plus à propos de l'organisation. Vous avez indiqué qu'elle existe depuis environ 13 ans.
    Oui.
    Vous publiez un magazine en ligne indépendant. Produisez-vous des vidéos pour votre magazine?
    Nous en avons produites quelques-unes. Nous publions principalement des textes, mais nous produisons quelques vidéos.
    Il y a également la Tyee Solutions Society, un organisme à but non lucratif.
    Oui. Il s'agit d'une organisation distincte avec laquelle nous sommes en rapports. Elle produit une série de forums plus longs, de reportages journalistiques proposant des solutions, dont The Tyee est l'éditeur garanti, mais pas exclusif. Nous avons collaboré avec CBC Radio et NBC, ainsi qu'avec le magazine Walrus, le Record, de la région de Waterloo, et un certain nombre d'autres publications.
    Y a-t-il plusieurs propriétaires? Je présume que The Tyee appartient à des intérêts privés.
    Oui, c'est une société en commandite comptant deux investisseurs.
    L'organisme sans but lucratif a un conseil d'administration?
    Oui, en effet.
    D'accord. Il y a, à l'évidence, certains avantages, et vous avez réussi à faire fonctionner ce modèle, lequel est assez unique au Canada, je présume.
    Je dirais qu'il l'est, oui. Le secteur ne compte pas encore beaucoup d'acteurs. Notre modèle est certainement plus courant aux États-Unis et en Europe. Le Canada accuse un léger retard dans ce domaine, je dirais.
    Dans le cadre de notre étude, nous avons entendu dire à maintes reprises que le gouvernement du Canada a abandonné la publicité dans les médias traditionnels pour se tourner vers la publicité en ligne et sur Internet. Je remarque que 20 % de votre budget est tiré de la publicité. Le gouvernement du Canada publie-t-il de la publicité dans votre magazine?
    Non.
    Est-ce qu'un gouvernement quelconque publie de la publicité chez vous?
    Je peux me rappeler qu'un gouvernement provincial l'a fait il y a quelques années.
    Je ne peux pas affirmer que le gouvernement a volontairement évité de publier de la publicité chez nous, mais pendant presque 13 ans, c'est moi qui me suis occupé de tout le département de la publicité, et j'ai passé peut-être le tiers de mon temps à vendre de la publicité.
    Il est très difficile, pour une entité indépendante et autonome de Vancouver présente en ligne uniquement, d'attirer la publicité institutionnelle d'envergure. Il faut habituellement s'adresser à une agence de publicité; or, ces agences souhaitent de moins en moins traiter...
    Bien sûr.
    ... avec les petits indépendants. C'est très difficile. Je ne peux pas dire qu'il y ait une intention explicite de ne pas publier de publicité chez nous, mais la situation est difficile.
    Simplement pour me donner une idée du contexte, quel est le budget d'exploitation annuel de The Tyee par rapport à celui de l'organisation sans but lucratif Tyee?
    Le budget d'exploitation de The Tyee s'élève actuellement à 1 million de dollars environ. La Tyee Solutions Society fonctionne projet par projet avec un effectif engagé à contrat; son budget fluctue donc chaque année, dépendamment des projets pour lesquels elle a obtenu des fonds.
    Les médias traditionnels ont indiqué en grande partie qu'il faut envisager de leur accorder des crédits d'impôt et inciter le gouvernement à y publier de nouveau de la publicité.
     Certains mettent en doute la qualité et la justesse des médias en ligne; pourtant, vous semblez très bien réussir. Je ne suis pas certain que vous soyez viable, mais vous semblez connaître beaucoup de succès. J'aimerais que vous nous indiquiez comment nous devrions examiner les solutions pour assurer la réussite des médias traditionnels et des médias non traditionnels. Je détecte une contradiction potentielle à cet égard; je me demande donc si vous pourriez nous donner votre avis afin de nous aider lorsque nous en arriverons à l'étage des recommandations.
    Oui. C'est beaucoup. Il nous est difficile de faire des recommandations tant pour les médias traditionnels que pour nous. Notre façon de faire est très différente.
    Permettez-moi de formuler ma question autrement. Si nous présentions des recommandations sur les crédits d'impôt et le retour de la publicité dans les médias traditionnels, ce serait en opposition directe à votre réussite et au travail que vous avez accompli. N'êtes-vous pas un formidable exemple de l'évolution de l'industrie?
(1150)
    Je suppose que j'inciterais le Comité à examiner des solutions bénéfiques pour le journalisme d'intérêt public, peu importe le modèle d'affaires adopté. J'aimerais que les solutions profitent aux activités de journalisme d'intérêt public dans les médias traditionnels. C'est mis à part les autres mesures qu'on peut prendre dans les journaux, les stations de télévision et d'autres médias. J'ignore la forme que pourraient prendre ces mesures. Elles pourraient s'apparenter au fonds pour le journalisme télévisuel. Je n'en suis pas certaine. Il existe peut-être un fonds pour le journalisme local qui est accessible à tous les médias, qu'ils soient électroniques ou non.
    Je pense que certaines des solutions qui pourraient être bénéfiques pour les médias traditionnels pourraient également être avantageuses pour nous, mais pas nécessairement. Il faudra des solutions distinctes pour stimuler notre secteur. On pourrait offrir un fonds de démarrage auquel les nouveaux expérimentateurs pourraient accéder pour lancer leur projet. Le fonds pour les périodiques pourrait aussi jouer un rôle élargi.
    Je pense qu'il nous reste une minute et demie environ; je vais donc vous demander de...
    Il vous reste 30 secondes, en fait, mais je vais vous laisser poursuivre.
    Je vais vous céder la parole, madame Hoar, pour que vous puissiez peut-être finir de nous faire part de vos réflexions sur les solutions, puisque vous n'avez pas pu le faire plus tôt.
    En ce qui concerne les solutions, il a certainement été beaucoup question du rôle du secteur de la philanthropie dans le domaine. Je suis d'avis que les lois fiscales du Canada au chapitre des activités de bienfaisance sont extrêmement désuètes et doivent être révisées, particulièrement en ce qui concerne la définition, ou l'absence de définition, d'activité politique. Cela a, selon moi, refroidi le secteur de la philanthropie et ralenti l'innovation au pays, si on compare la situation avec ce qui se passe aux États-Unis, en Europe et ailleurs.
    Je pense qu'il faut vraiment examiner la question de près. Je vois qu'on a entamé une consultation relativement à la loi sur les organismes de bienfaisance concernant la question qui nous occupe, laquelle est distincte de celle du journalisme. Voilà qui a du bon. Nous devons chercher tous les moyens possibles pour inciter le secteur de la philanthropie à investir, que ce soit dans le cadre d'activités de bienfaisance ou de mécanismes de financement social, dans le genre de travail que nous faisons. Ces solutions pourraient même aider les médias traditionnels.
    Merci beaucoup.
    Si tout le monde veut bien faire preuve d'indulgence, je pense que nous pourrions avoir le temps d'effectuer un deuxième tour de trois minutes.
    Nous commencerons par M. Maguire, du Parti conservateur.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
    J'ai une brève question pour Mme Smith et Mme Hoar.
    Madame Smith, je pense que vous avez indiqué qu'il faut fractionner ou séparer les entreprises monolithiques. Pourriez-vous préciser votre pensée?
    Oui. Ce n'est qu'un rêve, n'est-ce pas? Quand je regarde tous les actifs que possèdent les organismes de longue date qui sont en perte de vitesse, je me demande ce qu'il arriverait si tous ces journalistes travaillaient pour des entreprises de plus petite taille et mieux dotées en ressources. Je n'ai pas vraiment de plan à cet égard. Ce n'est qu'une idée jeune et idéaliste ce que je souhaiterais voir se concrétiser. Je voudrais qu'il y ait plus de ces journalistes à The Tyee...
    Pardonnez-moi. Je n'ai que peu de temps.
    Pour continuer dans la même veine, avez-vous présenté cette idée? Nous tentons de trouver un moyen d'inciter les journalistes et les médias à couvrir les régions rurales et éloignées. Considérez-vous qu'il vaudrait mieux que ces gens travaillent davantage sur place pour traiter de ces régions?
    Oui. Je pense qu'il se trouve de nombreux exemples de petits médias ruraux qui réussissent malgré leur manque criant de ressources. Ce serait, selon moi, un formidable pas en avant.
    Oui. Quand une poignée de compagnies contrôle une grande quantité d'actifs, elles investiront leurs ressources et leurs efforts aux endroits les plus rentables, et ce n'est pas dans les petits centres. Si nous pouvons rectifier la situation en assurant une propriété plus diversifiée et plus localisée, je pense que la couverture médiatique et les populations locales en bénéficieraient.
(1155)
    Merci.
    Je veux interroger brièvement les deux groupes sur le sujet suivant.
    Dans votre dernière réponse à M. Vandal, vous avez évoqué la situation internationale. Pourriez-vous tous les deux comparer les médias communautaires locaux du Canada à ceux des autres pays et parler de sa viabilité au regard de genre de règles qui s'appliquent à l'étranger?

[Français]

     Parlez-vous des médias communautaires ou de la télévision locale?

[Traduction]

    De la télévision locale.
    D'accord, de la télévision locale.

[Français]

    Comme nous l'avons mentionné plus tôt, il est clair que nous faisons face à un défi de taille. À l'instar de la plupart des médias canadiens, nos recettes publicitaires sont sous tension. En outre, les médias numériques sont aussi dans la course. Évidemment, nous croyons que ce serait désastreux si la télévision locale disparaissait du jour au lendemain dans nos régions.
    En effet, c'est par l'entremise de la télévision locale que la population prend connaissance de l'information et du reflet local qui la concerne. S'ils ont à prendre la parole, les gens le font par l'intermédiaire de la télévision locale, qui rejoint une masse de personnes en même temps, ce qui n'est pas nécessairement le cas des médias numériques.

[Traduction]

    Monsieur Harvey, je suis désolée, mais nous allons devoir laisser les deux autres intervenants poser des questions. Je vais donc devoir vous interrompre ici. Vous pourriez garder cette idée en tête. Peut-être que quelqu'un continuera d'en parler pour vous.
    C'est maintenant M. Samson qui interviendra.

[Français]

     Je vais vous permettre de conclure votre réponse à la question qui vient d'être posée, si vous le voulez.
    Je n'ai pas très bien compris, à cause de l'interprétation, le sens de la question de monsieur. Ce que je peux dire, c'est que la télé locale a effectivement un grand défi devant elle. Elle a besoin du soutien du gouvernement, du CRTC et de l'industrie pour pouvoir survivre, que ce soit à l'aide de revenus d'abonnement ou de financement. Sans cela, il est évident que la télévision locale indépendante va disparaître.
    Je peux vous dire que, pour notre comité, les nouvelles locales et la télévision locale sont très importantes. Il est essentiel de faire en sorte que nos collectivités puissent y accéder davantage.
    Par ailleurs, si vos stations de télévision diffusaient les matchs du Canadien de Montréal, je crois que vous pourriez augmenter le nombre de vos téléspectateurs.
    Cela dit, selon vous, l'investissement du gouvernement dans Radio-Canada va-t-il permettre d'améliorer la situation ou non? Vous savez que le gouvernement fédéral va investir de manière importante dans Radio-Canada.
    Améliorer la situation de qui?
    La vôtre.
    La nôtre? Non, absolument pas.
    Quand la Société Radio-Canada a pris la décision de couper nos revenus publicitaires, elle était au courant qu'elle allait recevoir 165 millions de dollars du gouvernement.
    C'était ma question. Radio-Canada était-elle au courant de cet investissement?
    Elle était au courant. Évidemment, nous avons fait remarquer aux responsables que des sommes supplémentaires allaient provenir du gouvernement fédéral, mais cela n'a pas du tout fait pencher la balance en notre faveur. Nos revenus ont été presque entièrement coupés.
    Il n'y a donc pas de stratégie pour essayer d'améliorer cette situation. En ce qui concerne Radio-Canada, l'entente est terminée.
    Au cours des prochains mois, il va y avoir des changements importants au sein de la direction de Radio-Canada. Le président actuel sera remplacé. Le vice-président du réseau français prendra bientôt sa retraite. Nous nous promettons bien de revenir à la charge auprès de la Société lorsque de nouveaux dirigeants seront en poste.
    Il vous faut donc avancer vos pions rapidement.

[Traduction]

    Madame Smith, vous avez indiqué qu'il fallait faire preuve d'innovation au chapitre des politiques pour ranimer l'industrie. Parlez-moi de cette innovation de votre point de vue. Vous avez une approche intéressante sur le plan du journalisme. Pourriez-vous m'en dire davantage à ce sujet?
    Oui. Les politiques et l'innovation...
     Nous ne sommes pas des spécialistes de la politique. Nous gardons tous les jours la tête basse et essayons de poursuivre nos activités. Mes observations seront donc d'ordre général.
    Je pense que nous devons songer à différents types de financement gouvernemental et aux endroits où il est possible de l'augmenter pour aider des modèles comme le nôtre. Le fonds pour les périodiques procure un certain financement, mais il pourrait être élargi. Nous pourrions également éliminer le contrôle ministériel visant les décisions relatives aux subventions.
    Nous avons présenté une seule demande l'année où les publications diffusées en ligne seulement ont été autorisées à le faire. De hauts fonctionnaires ont recommandé de donner suite à notre demande de subvention, mais le ministre l'a torpillée. Je pense qu'il est important d'examiner ce genre de financement. La subvention n'était pas pour le contenu, mais pour un projet d'entreprise qui devait nous aider à atteindre une meilleure viabilité financière. On l'a pourtant torpillé, et nous avons dû attendre neuf mois pour l'apprendre. Beaucoup d'aspects de ces mécanismes pourraient être améliorés.
(1200)
    Merci, madame Hoar. Je suis désolée, mais je vais donner à M. Nantel la chance de poser une autre question, et nous devrons clore la discussion. Merci.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Hoar, je vais vous laisser finir votre idée.

[Traduction]

    C'est tout ce que je dirai à propos du fonds pour les périodiques. Je pense qu'il a beaucoup de potentiel. J'ajouterai que des organisations comme la nôtre tombent entre de nombreuses définitions de média, dont beaucoup sont dépassées.
    Nous avons des sources distinctes de financement et divers outils stratégiques pour les journaux, la télévision, la radiodiffusion, les magazines et les livres, mais il n'existe pas de vraie définition pour une organisation comme la nôtre. Nous ne sommes ni un magazine ni un journal. Nous n'avons pas de secteur défini, de groupe de pression, d'experts en politique ou d'avocats spéciaux.
    C'est un très nouveau domaine. Je pense que notre façon de voir et qu'une partie des politiques gouvernementales et mécanismes gouvernementaux de financement sont peut-être un peu désuets. Même les stations de télévision ne sont plus que de simples stations de télévision; elles ont également des sites Web.
    Madame Hoar, puis-je vous demander, puisque vous avez écrit que d'autres pays sont plus avancés en ce qui concerne votre type d'organisation hybride, à quel pays nous devrions nous reporter pour examiner ce nouveau modèle?
    C'est une bonne question. Je répète que je ne suis pas experte. Je n'ai pas énormément d'exemples. Juste au sud de la frontière, les États-Unis innovent beaucoup plus et investissent beaucoup plus de capitaux privés dans des projets médiatiques. On y trouve par exemple des organisations comme ProPublica, dont les activités sont semblables à ce que nous faisons à Tyee Solutions Society, mais qui va beaucoup plus loin. On y trouve également de plus petites entreprises en ligne et à but lucratif comme la Texas Tribune, qui a accès à toutes sortes d'investissements et qui change bien des choses dans son État.
    En Europe, on trouve de nouveaux modèles comme De Correspondent, qui est entièrement financé par les lecteurs, mais là-bas, l'Union européenne s'est battue bec et ongles contre Facebook et Google concernant les impôts et l'évasion fiscale. Plus précisément dans le cas de Google, les Européens ont travaillé très fort pour contraindre la société à mettre sur pied l'énorme fonds appelé la « Digital News Initiative ».
    En effet.
    Il s'agit d'un fonds de 150 millions d'euros dans lequel peuvent piger les innovateurs du domaine des médias en ligne pour assurer la croissance de leurs entreprises. Nous n'avons rien de semblable au Canada.
    Nous tardons grandement à prendre diverses mesures possibles dans le nouvel environnement dans lequel nous vivons.

[Français]

    Monsieur Harvey, j'aimerais parler de la décision récente du CRTC qui portait sur une certaine souplesse d'attribution du pourcentage de 5 % que les câblodistributeurs doivent remettre, notamment, aux stations de télévision locales et communautaires. Cela doit être une bonne nouvelle pour vous.
    Les stations de télévision communautaires dans votre région ont-elles réagi à cette décision? Y a-t-il des télévisions communautaires dans vos marchés?
     Il y en a un certain nombre, mais il n'y a pas eu de réactions récentes à ce sujet. Toutefois, CACTUS, une association qui représente les stations de télévision communautaires au Canada, a fait part de sa déception à la suite de cette décision.
    Il ne faut pas oublier une chose, en ce qui touche les stations de télévision communautaires. De 2001 à 2008, les recettes des câblodistributeurs et des entreprises par satellite ont augmenté considérablement. Cela a fait une différence de 60 ou 75 millions de dollars. Selon moi, ils ne manquent pas de financement.
(1205)
    Le but de l'étude est d'étudier l'accès qu'ont les gens en région à des nouvelles locales. Est-il raisonnable de dire que vous êtes un peu comme la section locale des journaux nationaux?

[Traduction]

    Monsieur Nantel, je suis très désolée. Tout cela est fascinant et tout le monde semble s'y intéresser, mais je pense que nous devons maintenant mettre fin à cette partie de la séance.
    Je tiens à remercier les témoins de leur présence, et je remercie tout le monde d'avoir exprimé des idées très novatrices.
    Nous allons faire une pause d'une minute avant de commencer la deuxième heure de la séance.
(1205)

(1205)
    Reprenons, s'il vous plaît. Merci.
    Nous avons notre témoin pour la deuxième partie de la réunion. M. Robert Picard, qui est professeur à la Reuters Institute for Study of Journalism de l'Université d'Oxford, se joint à nous par vidéoconférence, depuis Boston, au Massachusetts.
    Je vous souhaite la bienvenue au Comité, monsieur Picard. Comme vous le savez, nous nous étudions la question de l'accès aux nouvelles locales et au contenu canadien d'un bout à l'autre du Canada, les situations et les histoires vécues et ainsi de suite, peu importe l'endroit. Quelles sont les répercussions positives et négatives du regroupement des médias à cet égard? En tenant compte de toutes les plateformes, comment allons-nous examiner ce que nous apportera le monde numérique?
    J'ai cru comprendre que vous avez écrit un excellent livre sur la question. Je vais vous demander de prendre 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et nous passerons ensuite aux questions des membres du Comité.
    Merci beaucoup.
(1210)
    Madame la présidente, chers membres du Comité, je suis heureux de pouvoir contribuer aujourd'hui à votre enquête sur des questions liées aux collectivités locales et à leurs besoins d'information.
    Je veux vous faire part d'idées provenant de quatre décennies consacrées à l'étude de questions relatives à l'économie, à la concurrence et au pluralisme des médias ainsi qu'aux besoins d'information des collectivités. J'ai présenté un mémoire — je sais que vous l'avez —, mais je tiens à souligner quelques points et quelques idées avant de répondre aux questions sur lesquelles vous souhaitez vous concentrer.
    Les défis associés à la production de nouvelles locales ne se trouvent pas qu'au Canada, mais leurs répercussions sur les administrations locales, provinciales et fédérale sont propres au Canada. De plus, la structure et l'économie des nouvelles locales au Canada présentent des défis particuliers auxquels vous devrez faire face si vous voulez essayer d'améliorer la situation actuelle.
    Au Canada, la production de nouvelles locales repose sur des journaux locaux, des quotidiens et des journaux communautaires. De toute évidence, certains services offerts par la SRC offrent également un soutien. Malheureusement, une réduction des ressources et une concentration de la propriété les ont rendus moins efficaces pour répondre aux besoins de nouvelles communautaires et d'information locales, ce qui a mené à la création d'un contenu homogène provenant de l'ensemble du pays.
    Le coût de la production et de la distribution de nouvelles traditionnelles fait en sorte qu'il est très difficile pour de nombreux médias de survivre en préservant la structure qu'ils avaient auparavant. Bien entendu, à cela s'ajoutent les progrès réalisés dans le domaine des technologies numériques et, surtout, les changements de comportement des auditoires qui rendent très difficile la diffusion de nouvelles au moyen de la méthode traditionnelle. Les médias numériques augmentent grandement la capacité de répondre aux besoins d'information locale compte tenu de leurs avantages financiers considérables qui s'expliquent par leurs moindres coûts de production et de distribution.
    Les membres du Comité devraient songer à la façon dont ils peuvent exploiter les possibilités offertes, et il faudrait que ce soit un élément important de tout effort visant à combler les lacunes dans la production de nouvelles locales.
    Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, il faudrait déployer des efforts visant précisément à soutenir les entreprises en démarrage et les jeunes entreprises du domaine des technologies numériques, car elles seront de plus en plus importantes dans les années à venir.
    Les mesures visant à soutenir les fournisseurs de nouvelles existants ne régleront toutefois pas le problème. À long terme, elles échoueront parce que les difficultés auxquelles ils font face ne concernent pas seulement leurs revenus. Ils sont désavantagés par leurs structures de coûts, ce qui est aggravé par la façon dont le public reçoit et échange maintenant l'information et les nouvelles locales.
    Cela dit, certaines mesures à court et à moyen terme pour appuyer les fournisseurs existants pourraient convenir, notamment des efforts visant à favoriser le passage des entreprises au numérique ainsi qu'à soutenir à l'échelle locale des fonctions journalistiques précises qui ne sont pas bien assumées de nos jours. Toutes les mesures visant à soutenir les médias traditionnels devraient toutefois être conçues de manière à entraîner des changements dans la façon dont ces fournisseurs mènent leurs activités ou dans leurs structures de coûts, plutôt que de se contenter de remplacer des ressources perdues. À défaut de quoi, ces mesures n'amélioreront pas à long terme les conditions dans le milieu des nouvelles locales.
    Les radiodiffuseurs doivent également faire partie de la solution, ce qui serait possible au moyen d'exigences accrues en matière de production de nouvelles locales ainsi que d'incitatifs et de mesures de soutien ayant pour but d'améliorer la production de nouvelles et d'information locales. Ces mesures ne devraient pas viser uniquement la radio communautaire ou la radio publique, mais aussi la radio commerciale.
    Les lois fiscales et les lois régissant les organismes de bienfaisance doivent également être prises en considération au Canada, surtout pour soutenir la croissance de fournisseurs de nouvelles locales à but non lucratif, qui sont de plus en plus importants dans beaucoup de pays. À l'heure actuelle, les dispositions du Canada pour appuyer le journalisme à but non lucratif comptent parmi les moins favorables du Commonwealth et du monde anglophone. Une attention particulière devrait être accordée aux possibilités existantes.
(1215)
    Il n'existe aucune solution simple aux problèmes auxquels vous faites face, car nous vivons dans une ère de transformation de la façon dont l'information est créée et diffusée. La solution devra comporter plusieurs volets et régler les problèmes associés à la production de nouvelles et d'information, et elle devra être caractérisée par le genre de sagesse et d'efforts que vous seuls pouvez lui donner.
    Merci.
    Merci beaucoup. C'était un exposé très succinct, ce qui nous donne plus de temps pour échanger.
    Commençons. La période de questions débutera par un tour pendant lequel les députés auront sept minutes pour poser des questions et échanger avec vous. Les sept minutes comprennent les questions et les réponses. Espérons que nous aurons le temps pour un deuxième tour.
    Je vais commencer par M. O'Regan, du Parti libéral.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie, monsieur Picard, de votre exposé succinct, mais également du mémoire que vous avez remis à l'avance au Comité.
    Je crois qu'il convient de noter, pour le compte rendu, que nous venons tout juste d'entendre les représentantes de Tyee, qui ont témoigné depuis la Colombie-Britannique. Leur exposé figure déjà en manchette de leur site Web, thetyee.ca. Elles ont immédiatement donné suite aux événements en cours. Je pense que cela en dit plutôt long.
    Vous avez étudié en Scandinavie et en France, non seulement à Paris, mais plus précisément dans les régions. Il est bien que vous vous joignez à nous. Dans votre exposé, vous parlez directement de la situation du Canada. J'ai toujours hâte de commencer à parler de solutions, car je crois que d'autres personnes ont assez bien décrit les problèmes. Il semble que vous pourriez très bien en parler.
    À propos des autres administrations, pourriez-vous nous parler de certaines des solutions les plus intéressantes et, surtout, les plus efficaces qui ont été prises par des gouvernements étatiques, régionaux ou nationaux pour soutenir les nouvelles locales?
    Les solutions qui semblent les plus intéressantes sont celles qui visent à aider les fournisseurs de nouvelles locales existants à passer au numérique et à comprendre comment s'y prendre pour que cela fonctionne. Il faut ensuite déployer des efforts pour soutenir dans les collectivités les entreprises en démarrage qui feront le saut, surtout lorsqu'une collectivité ne possède pas de source efficace de nouvelles locales.
    Comme le Canada comprend beaucoup de collectivités n'étant même pas desservies par des journaux hebdomadaires ou des stations de radio locales, il est très important de veiller à ce que des sources d'information soient créées par des groupes communautaires locaux, des écoles et ainsi de suite. Nous avons vu des efforts être déployés à cette fin dans beaucoup de pays. Ces efforts semblent se traduire par la création de nouveaux moyens de communication, surtout dans les petites collectivités.
    Vous avez mentionné — et, à vrai dire, Robyn Smith de Tyee en a fait autant — l'idée de démanteler les grands médias. Vous vous demandez si c'est même pertinent maintenant à l'ère numérique. Pouvez-vous en parler un peu plus?
    Je pense qu'il est trop tard pour démanteler les grands médias. Il aurait fallu le faire avant d'en arriver au point où nous en sommes aujourd'hui.
    Aujourd'hui, leur démantèlement n'aiderait pas beaucoup les nouvelles locales, car ils regroupent déjà leurs activités de diffusion de nouvelles locales; ils sont donc moins présents dans les collectivités et ont très peu d'employés sur place. Vous pouvez les démanteler, mais tous les médias procéderont de la même façon. Plutôt que de n'avoir que deux ou trois acteurs, vous en aurez quelques-uns qui feront pas mal la même chose.
    La solution, c'est de donner à de nouveaux genres d'acteurs des moyens de percer le marché. Un des problèmes auxquels on a été confrontés, plus particulièrement dans le domaine des médias d'information au Canada, c'est qu'ils ont été trop longtemps à l'abri de la concurrence; cela fait partie du problème. Ils offrent maintenant le strict minimum de nouvelles locales qui est nécessaire pour s'en tirer, et à moins d'avoir des concurrents à l'échelle locale, vous ne réglerez pas le problème.
    Le démantèlement de la propriété dans sa forme actuelle ne créera pas de la concurrence à l'échelle locale. Seuls les propriétaires commerciaux changeront.
    Dites-moi encore, peut-être de manière plus précise, ce qu'il faut faire pour accroître la concurrence.
    Je pense que la meilleure solution pour accroître la concurrence est de chercher d'autres sources de nouvelles locales et les gens qui peuvent les créer. Cela signifie qu'il faut démarrer des entreprises numériques qui peuvent mener leurs activités à très faible coût et s'associer à des organismes communautaires, à des établissements d'enseignement et ainsi de suite, pour créer d'autres sources de nouvelles locales.
    Dans certains cas, surtout lorsqu'il y a des journaux non quotidiens locaux, on est en présence de personnes qui veulent vraiment offrir un meilleur service à la collectivité et de meilleures nouvelles locales. Des mesures peuvent être prises pour les soutenir en leur donnant, comme certains pays le font maintenant, des crédits d'impôt en vue de créer et de former de nouveaux journalistes locaux ainsi que d'autres moyens de faciliter le passage aux médias numériques, sociaux et mobiles, ce qui est de plus en plus important, même à l'échelle locale.
(1220)
    Devrions-nous envisager de procéder ainsi? C'est une chose que Robyn Smith, du Tyee, a mentionnée dans l'exposé précédent...
    Vous avez deux minutes...
    ... au sujet des règles philanthropiques qui doivent être assouplies, des capitaux de financement et des fonds de démarrage.
    La présidente vient tout juste de m'informer qu'il me reste deux minutes, et je tiens à vous poser une question, qui est importante selon moi, au sujet de ce qui a été fait en Europe par rapport au fonds pour les nouvelles de Google de 150 millions de dollars et de l'utilisation de cet argent comme capitaux de lancement d'entreprises journalistiques. Ce fonds fonctionne-t-il? Quel âge a-t-il? Est-ce une chose sur laquelle nous devrions nous pencher?
    Le fonds est plutôt jeune. Il permet d'accorder du financement de démarrage depuis environ une année. Il est difficile de dire à quel point il est efficace. Des entreprises en démarrage sont financées, mais elles le sont également par beaucoup d'autres groupes et organisations, dont certains semblent jouer un rôle important à l'échelle locale.
    Il y a malgré tout d'importantes entreprises qui jouent un rôle dans le domaine du journalisme d'enquête à l'échelle nationale, mais le financement à l'échelle locale a tendance à être plus communautaire. La plupart du temps, il semble provenir de fondations et d'autres entités communautaires.
    D'autres pays, dont les Pays-Bas, ont mis sur pied un fonds d'emprunt destiné aux médias pour soutenir les entreprises en démarrage, les transformations et ainsi de suite, ce qui aide également à répondre aux besoins des collectivités locales et des communautés minoritaires.
    Merci.
    Merci.
    C'est au tour de M. Van Loan, du Parti conservateur.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    L'une des choses que je vous ai entendu dire, monsieur, c'est que nous pourrions nous tourner vers des organismes sans but lucratif pour regrouper plus de médias locaux. Bien entendu, je participe à cette étude depuis de nombreuses semaines, et ils semblent tous être sans but lucratif, ou du moins ils essaient de nous en persuader.
    Cela dit, vous avez fait référence à des règles au Canada qui n'appuient pas cette façon de faire. Quels changements faudrait-il apporter à nos règles pour pouvoir faire ce dont vous parlez?
    En vertu des lois qui régissent les organismes de bienfaisance et des lois fiscales au Canada, le journalisme est exclu à des fins de bienfaisance. Je pense que la raison est que dans le passé, c'était principalement perçu comme étant une activité commerciale. Ce n'est pas expressément mentionné et, par conséquent, n'a pas été approuvé comme ayant des fins caritatives ou éducatives en vertu de la Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance. Ces organismes qui se livrent à ce type de journalisme ne peuvent donc pas recevoir de dons et être imposés sur ces dons. Il faut régler ces questions.
    Une importante étude a été réalisée il y a un an qui compare des nations anglophones, des pays du Commonwealth, à ce sujet — les plus grands pays. Elle a relevé des lacunes dans le système canadien, mais elle souligne principalement le fait que le journalisme sans but lucratif est possible et qu'il pourrait y avoir une loi importante sur le plan culturel et éducatif en vertu des lois qui régissent les organismes de bienfaisance et l'impôt.
    Y a-t-il des exemples dignes de mention de cela ailleurs?
    Un grand nombre de pays utilisent ce système. Aux États-Unis, de nombreux organismes sont sans but lucratif. Au Royaume-Uni, il y en a un certain nombre. L'Australie s'oriente dans cette voie également. En Australie, le plus connu est The Conversation, qui a commencé là-bas et qui est maintenant disponible au Royaume-Uni. Il y a un certain nombre de médias qui font du journalisme d'enquête au Royaume-Uni.
    Aux États-Unis, il y a notamment ProPublica ou The Texas Tribune et d'autres qui essaient à l'échelle de l'État et à l'échelle plus locale de rapporter des événements, dont le San Diego Today, par exemple, et d'autres.
    Dans mon coin de pays, un grand nombre des phénomènes dont vous avez parlé sont survenus, dont des journaux locaux qui font partie de plus grandes chaînes qui couvrent le moins d'événements possible pour placer le plus de publicités possible. J'ai au moins un exemple d'une entreprise qui a démarré parce que quelqu'un a décidé de lancer lui-même l'entreprise, sans aucun financement de démarrage. Est-ce la concurrence normale qu'il devrait y avoir? Pourquoi devons-nous interférer dans ce phénomène normal?
(1225)
    On n'interfère pas forcément. En fait, ce devrait être encouragé. Il y a de nombreux mécanismes pour encourager ce genre d'entreprises en démarrage.
    Je suis certain que les autres journaux locaux envisageraient d'interférer si j'allouais une subvention à un journal, mais pas aux autres.
    J'en suis certain aussi. L'un des principaux problèmes avec les nouvelles, c'est qu'elles n'ont jamais été un produit viable sur le plan commercial. Les nouvelles ont toujours été subventionnées: par la publicité, des partis politiques ou des membres de la communauté qui, pour une raison quelconque, veulent avoir de l'influence, soit à des fins sociales ou politiques.
    Ce n'est qu'au XXe siècle que la publicité est devenue la base du financement pour le type d'activités médiatiques que nous connaissons aujourd'hui. On revient à une situation où l'on peut générer des revenus peu élevés qui peuvent appuyer quelques journalistes, un éditeur et d'autres, ce qui doit être encouragé.
    Je ne décourage pas les activités commerciales. Le problème est qu'elles ont tendance à mieux fonctionner dans des communautés de plus grande taille à l'échelle nationale, car on peut regrouper un grand nombre de personnes qui sont disposées à payer pour les nouvelles. Vous avez des groupes comme Mediapart, en France, qui sont des organisations commerciales très prospères qui font du journalisme d'enquête national, mais elles ne fonctionnent pas très bien dans une communauté d'un millier de personnes, et où seulement 100 personnes sont disposées à payer pour avoir les nouvelles locales.
    Vous avez certains problèmes financiers qui entrent en ligne de compte, mais je ne dis certainement pas qu'il ne devrait y avoir que des organisations sans but lucratif.
    Une grande partie de ce que nous avons entendu est à l'opposé de ce que vous dites, où les plus gros joueurs affirment qu'ils ne peuvent pas soutenir la concurrence s'il s'agit de nouvelles nationales ou internationales, que tout le monde accède aux nouvelles sur Facebook ou Internet, et que pour les nouvelles locales — ce qui se passe dans leur quartier —, ils doivent les obtenir par l'entremise des journaux locaux.
    Torstar, par exemple, enregistre des déficits pour sa publication phare, le Toronto Star et, soit dit en passant, ces entreprises survivent grâce à l'argent qu'elles obtiennent de leurs publications locales.
    De nombreux témoignages disent le contraire: que les journaux locaux sont les seules publications qui sont viables, à tout le moins la presse écrite.
    Dans la presse écrite à l'heure actuelle, les nouvelles locales dans les journaux quotidiens sont encore financées par la publicité, et je n'en disconviens pas. Le problème, c'est que cela fonctionne efficacement dans 100 villes canadiennes seulement. Dans d'autres villes, ils ne font que gratter les fonds de tiroirs pour essayer de survivre. Regardez les quelque 1 000 journaux non quotidiens un peu partout au Canada. La majorité d'entre eux sont extrêmement petits. Oui, ils obtiennent du soutien local et font de la publicité locale, mais les structures de coûts de l'impression les ruinent.
    Ce dont ils ont besoin, c'est de trouver des façons de faire la transition au cours des 10 prochaines années vers le numérique pour qu'ils puissent demeurer viables en tant qu'exploitation numérique lorsque les publicités imprimées sont en baisse. Les publicités sont en baisse même dans les journaux locaux, et on peut entrevoir que même dans les journaux non quotidiens, ils ne pourront pas survivre dans leurs formes actuelles dans 10 ans d'ici.
    Merci beaucoup, messieurs Van Loan et Picard.
    Nous allons maintenant entendre M. Nantel, du Nouveau Parti démocratique.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Picard.
    Comme pour Jean-Luc Picard dans Star Trek, je ne tiendrai pas pour acquis que vous parlez français simplement en raison de votre nom de famille.

[Traduction]

    Parlez-vous français?
    Un peu, mais très mal. Je suis désolé.
    C'est correct.
    Je sais à quel point vous avez travaillé partout dans le monde dans d'autres pays sur ces questions importantes auxquelles nous sommes confrontés à l'heure actuelle. Comme vous l'avez dit, les nouvelles ont toujours été commanditées, peu importe le système en place. Ce que vous dites, c'est que pour avoir des nouvelles régionales, nous devrions venir en aide aux médias existants.
    J'ai été très bouleversé par l'exposé de GoGaspe.com. L'entreprise est située dans une région du Québec que l'on appelle la Gaspésie, et elle a décidé de réunir, sur un site Web, divers médias et des offres précises liées à cette région. Pensez-vous que de telles plaques tournantes sont l'une des meilleures façons de faire?
(1230)
    Je pense qu'elles sont utiles, et elles permettent d'échanger plus de renseignements et de partager les coûts d'infrastructure en cours de route. C'est certainement une façon utile dans certaines régions où l'on a une collectivité solidaire qui coopérera.
    L'un des gros problèmes dans le secteur des nouvelles, c'est que les éditeurs plus particulièrement — et d'autres — ne s'aimaient pas tellement, pour des raisons politiques ou autres, alors ils ne voulaient pas coopérer. Ils sont maintenant obligés de le faire et, dans l'environnement numérique, le réseautage et la coopération viennent très naturellement. On voit beaucoup plus de coopération dans l'environnement électronique, car c'est utile.
    C'est le type de situation où l'on peut réunir des intervenants commerciaux et non commerciaux pour coopérer d'une façon très efficace, sans faire profiter indûment l'une des parties.
    Nous entendons de plus en plus souvent parler — surtout à la lumière de ce que M. O'Reagan a dit au sujet de la publication The Tyee — de journalisme philanthropique sans but lucratif. J'imagine que, pour un spécialiste comme vous, on peut se sentir vulnérable lorsqu'on dit que l'information est liée à la générosité. Vous avez passé votre carrière à observer cette situation. Il y a des séquences du long métrage Spotlight qui passent sans arrêt dans ma tête. Que devrions-nous faire?
    Je pense que vous devez prendre un certain nombre de mesures. Je pense qu'il faut aider les entreprises existantes, mais pas au point où il est difficile pour les nouvelles entreprises de s'établir. C'est très souvent le problème. Si on ne fait que donner de l'argent aux entreprises existantes, elles l'utilisent pour empêcher d'autres entreprises de s'établir. On a besoin de concurrence.
    L'un des problèmes essentiellement, si l'on regarde les journaux quotidiens de nos jours au Canada et aux États-Unis — et, en fait, dans la majorité des pays d'Europe également —, est que seulement 10 à 15 % des coûts des journaux sont associés aux nouvelles. Tout le reste ne l'est pas: la presse écrite, l'édifice, les camions. Toutes ces choses coûtent très cher. C'est pourquoi les éditeurs aimeraient vraiment se retirer de la presse écrite, mais ils ne veulent pas se retirer d'une entreprise qui génère des profits. Ils font encore de l'argent. C'est environ la moitié de ce qu'ils faisaient il y a 20 ans, mais c'est quand même un meilleur rendement que celui de la plupart des autres entreprises, alors ils veulent en faire partie.
    De plus, il y a la question du prestige qui entre en ligne de compte, de même que l'influence qu'ils veulent maintenir. C'est important. Ils ont également l'infrastructure existante pour recueillir l'information. Si cela peut être utilisé pour améliorer les nouvelles locales, pour veiller à ce qu'il y ait davantage de nouvelles locales, alors cela devrait en faire partie. Mais ce ne peut pas être la seule solution à ce qui se passera à l'avenir.
    Il y a aussi le monopole d'Alphabet, le propriétaire de Google. Son modèle d'affaires consiste à étouffer le marché de la publicité pour le système que nous utilisions. Avez-vous l'impression qu'il y a une réponse internationale à cela? Je pense aux coalitions de diversité culturelle. Nous ne parlons pas forcément d'un produit culturel, mais nous parlons de renseignements précis liés à la géographie. J'ai l'impression que Google a le beau jeu maintenant.
    N'importe quelle grande entreprise qui a un oligopole ou un monopole verra que, et c'est certainement le cas à l'heure actuelle, en raison des portes d'entrée et des plateformes de distribution que nous avons, il y a environ trois ou quatre principaux intervenants et ils fixent les modalités commerciales. Des efforts en vue d'établir d'autres types de portes d'entrée sont en cours, et nous pourrions voir ces changements dans le futur, ces forces existantes.
    L'important en ce qui a trait aux politiques publiques, à mon avis, c'est de veiller à ce que les portes d'entrée, les regroupements, les réseaux et autres ne se fassent pas de tort entre eux d'une façon ou d'une autre. [Note de la rédaction: inaudible]
(1235)
    C'est une neutralité qu'il faut préserver.
    C'est cette discrimination qui devient le vrai problème. Ils peuvent certainement fixer leurs prix, ils décident des prix à l'heure actuelle. Le prix est fixé à environ 30 % sur toutes les informations et à environ 70 % sur la publicité. C'est énorme.
    Il est quelque peu erroné de dire cependant que ces grands intervenants dans le milieu numérique ont retiré toutes les publicités des journaux. Ce n'est pas vrai. La majorité des publicités qui sont publiées dans le milieu numérique sont différentes de celles dans les journaux. En ayant des activités en ligne, où l'on peut maintenant afficher des annonces classées et d'autres renseignements gratuitement, on ne fait que détruire la presse écrite...
    C'est vrai. Vous avez raison.
    ... car on n'a plus besoin du produit. C'est ce qui leur a vraiment nuit. Cela a vraiment été un coup dur pour les publicités d'envergure.
    Monsieur Picard, permettez-moi d'être un peu chauvin et de vous parler de La Presse, car j'espère que vous aurez la chance de voir ce nouveau modèle, où la publicité est en fait plus intéressante que jamais dans les nouvelles.
    Je pense que j'ai terminé.
    Merci, monsieur Nantel.
    Maintenant, pour les libéraux, je vais céder la parole à Mme Dabrusin.
    Merci, monsieur Picard.
    Vous avez vu de nombreux modèles différents que vous avez examinés dans d'autres pays. Nous avons beaucoup discuté de ce que nous devrions faire. Puisque vous avez examiné ce qui se passe ailleurs, pouvez-vous nous dire quelques-uns des pièges que nous devrions éviter ou ce que nous ne devrions pas faire?
    Premièrement, n'essayez pas d'importer un modèle que vous voyez ailleurs. Chaque pays est très différent sur les plans culturel et politique et, pour être efficace, vous devez façonner votre propre modèle. Ce qui fonctionne le mieux, c'est de faciliter le démarrage d'entreprises dans le secteur des nouvelles et de faire en sorte que les entreprises existantes peuvent mieux faire la transition vers les nouvelles numériques. Ce sont deux éléments absolument essentiels qui vont de pair. Ils règlent les problèmes lorsque des monopoles existent, et ils prennent soin des gens, plus particulièrement dans les collectivités locales, puisqu'un grand nombre d'éditeurs n'ont pas les moyens de faire quelque chose.
    Si le Toronto Star veut se lancer dans une opération numérique, il peut investir des millions. Si un périodique local de petite taille, un journal communautaire, investit 10 000 $, c'est énorme pour lui. Il est vraiment important de créer des plateformes, des réseaux ou des logiciels à utiliser pour offrir les nouvelles locales de façon numérique, alors ils peuvent commencer à faire la transition et à offrir de meilleures nouvelles communautaires.
    De plus, en raison des aspects économiques de l'industrie des nouvelles à l'heure actuelle, même si les journaux quotidiens font encore de l'argent et certaines radios locales aussi, il est vraiment important de trouver des moyens de les inciter à embaucher de nouveaux journalistes locaux. Nous avons constaté que cela fonctionne dans certains pays.
    Avez-vous des modèles sur la façon dont nous pouvons encourager l'embauche de nouveaux journalistes locaux?
    Les incitatifs les plus souvent utilisés sont les crédits d'impôt. Ils ont des descriptions précises du type de travail que ces journalistes doivent effectuer. Ils ne leur permettront pas de couvrir les sports nationaux, forcément, ou de couvrir des exclusivités dans le domaine de l'alimentation ou ce genre de chose. Ils veulent que ces journalistes couvrent les services gouvernementaux ou communautaires, notamment. Lorsque vous avez ce genre de détails, vous savez que vous répondrez aux besoins en matière de nouvelles locales.
    Passons maintenant à quelque chose qui remonte au début de cette étude, lorsque je parlais de la façon dont il y a un peu de controverse entourant BuzzFeed. Il y a eu une demande pour trouver des journalistes, et plus précisément pour avoir de la diversité — pas d'hommes blancs, essentiellement.
    Je suis curieuse. Lorsque nous examinerons cette transition vers le numérique et que nous envisagerons de promouvoir les jeunes entreprises, comment assurerons-nous une diversité des voix?
(1240)
    La diversité est toujours un problème. La question de l'égalité entre les sexes ne sera pas aussi présente dans l'avenir qu'elle l'a été dans le passé, principalement à cause de la composition de la clientèle dans les écoles de journalisme aujourd'hui. Je peux dire très honnêtement que la majorité des étudiants qui fréquentent la plupart des écoles de journalisme sont des femmes, alors il y a eu un changement.
    On pourrait faire des efforts, même pour les entreprises en démarrage dans le domaine du numérique et d'autres, pour offrir des crédits d'impôt, par exemple, aux entreprises qui embauchent des personnes d'origine diverses et issues de communautés minoritaires. On pourrait leur offrir des subventions ou des crédits, et cela pourrait fonctionner. Bien sûr, dans le domaine de la radiodiffusion, il est beaucoup plus facile d'établir des exigences pour l'embauche, car elles peuvent faire partie des conditions d'obtention d'une licence de radiodiffusion.
    Est-ce que de tels crédits d'impôt existent dans d'autres pays?
    Oui, je sais que de tels crédits d'impôt existent. Il y a aussi des prêts octroyés aux entreprises en démarrage pour soutenir de telles initiatives.
    Les Pays-Bas ont fait preuve d'une très grande créativité relativement à l'utilisation de ces prêts pour favoriser cela en vue d'essayer de régler certains des problèmes de diversité et pour faciliter la tâche aux journaux ou aux radiodiffuseurs qui souhaitent se rapprocher de ces communautés.
    Nous avons passablement parlé des fonds de démarrage. Vous en avez parlé à plusieurs reprises. Vous avez mentionné qu'il faut non seulement se concentrer sur le financement des entreprises en démarrage, mais aussi veiller à ce que les médias traditionnels demeurent dynamiques.
    Quelles sont vos meilleures idées sur la façon de créer des fonds de démarrage? Avec les représentantes de The Tyee, nous avons discuté un peu du fait de mettre moins l'accent sur les plateformes et d'appuyer les entités qui diffusent l'information locale plutôt que d'autres types d'institutions. Avez-vous d'autres idées de la sorte?
    Je dirais qu'il y a différentes options en ce qui concerne les fonds de démarrage. Il faudrait notamment offrir de la formation dans les entreprises en démarrage, précisément pour les gens qui vont oeuvrer dans le domaine du journalisme local.
    On pourrait aussi mettre en place des mécanismes, offrir des technologies déjà disponibles sur le marché, que les entreprises pourraient utiliser à l'échelon local. On pourrait alors octroyer une subvention ou du financement à quiconque n'importe où au Canada, par exemple, et peut-être même à l'étranger.
    Si on opte pour le capital de risque en ce qui concerne les entreprises en démarrage, la situation est très différente, car les subventions entrent en jeu. Il faut traiter avec des organismes subventionnaires. On peut y arriver, et ce, d'une manière qui n'est pas discriminatoire. Souvent, il faut obtenir du financement par l'entremise d'un organisme dont le conseil est entièrement non partisan. C'est quelque chose qui s'est déjà fait et qui a bien fonctionné. C'est possible.
    On peut aussi le faire en faisant appel à des organisations au sein de la communauté, par exemple, en demandant à l'université ou au collège local, ou même à certaines écoles secondaires, de mettre sur pied un site de nouvelles locales, en précisant qu'on leur versera des fonds pour l'achat du logiciel nécessaire, l'achat du site et pour tout ce qu'il faut.
    Il y a plusieurs façons de s'y prendre, mais il ne faut pas nécessairement beaucoup d'argent pour démarrer une entreprise locale dans le domaine du numérique, car au départ on commence avec seulement deux à cinq employés et des gens qui travaillent à temps partiel ou qui apportent une contribution.
    Je vous remercie beaucoup.
    Ce tour est terminé, mais nous avons le temps pour un deuxième tour de cinq minutes, et c'est ce que nous espérions.
    La parole est d'abord à M. Maguire, du Parti conservateur, pour cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie, monsieur Picard, pour votre exposé.
    Vous avez abordé quelques points tout à l'heure. Premièrement, vous avez dit que nous vivons une époque de transformations. Vous avez également mentionné que nous avons été protégés de la concurrence pendant beaucoup trop longtemps et que l'information ne constitue pas un produit commercial viable.
    Tout cela n'a rien d'étonnant pour le Comité, mais pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur la tendance actuelle et sur ce qui se dessine à l'horizon? Vous avez parlé des 10 prochaines années. De nombreux témoins qui ont comparu devant nous ont déclaré que l'un des plus grands changements est que les gens ne s'abonnent plus au câble pour pouvoir s'informer.
    Pouvez-vous nous parler des autres médias et des règles régissant la philanthropie? Je ne sais pas si vous les connaissez, mais nous venons tout juste d'entendre un témoin nous dire que ces règles au Canada doivent être modifiées et assouplies. Puis-je avoir vos commentaires à ce sujet?
(1245)
    Nous entrons dans une époque où les sources d'information sont très différentes de ce qu'elles étaient. Auparavant, nous nous rendions au travail le matin puis nous revenions à la maison à la fin de la journée pour lire le journal, toutes les 34 ou les 56 pages qu'il contenait. C'est ce que je fais encore tous les matins; ma femme et moi s'arrachons les journaux. Dans la plupart des communautés, c'est ce que fait le quart de la population, et le reste écoute les bulletins d'information télévisés, mais l'époque où les gens s'assoient pour regarder le journal télévisé d'une demi-heure tire à sa fin.
    Maintenant, nous recevons des nouvelles à la pièce par l'entremise des médias sociaux et des alertes sur nos téléphones. Les informations sont affichées dans l'autobus, sur les murs des édifices. Si quelque chose nous intéresse, nous y avons accès. Si un ami nous informe qu'une nouvelle locale devrait nous intéresser, nous y avons accès grâce à nos médias sociaux.
    Au bout du compte, ce changement a une incidence sur la façon dont les nouvelles doivent être diffusées et dont les services d'information doivent être financés. Le problème est que quelqu'un doit créer la nouvelle au départ. C'est là où toute cette transformation crée un goulot d'étranglement, car il faut déterminer qui créera la nouvelle. En ce qui concerne les nouvelles nationales et internationales, cela ne pose pas problème parce qu'il y a suffisamment de sources qui s'en occupent. Le problème réside au niveau des nouvelles provinciales, et précisément locales. Les grandes villes peuvent se débrouiller seules, quoiqu'elles aimeraient obtenir du soutien, mais c'est dans les petites communautés que le soutien est vraiment nécessaire.
    Comment s'y prendre? Actuellement, nous observons que, de plus en plus dans les petites communautés dans de nombreux pays, les services des nouvelles cherchent à obtenir diverses sources de financement pour la diffusion de l'information locale. Au cours des 25 à 50 dernières années, ils ont compté essentiellement sur les recettes publicitaires, qui, en Amérique du Nord, représentaient entre 75 % et 85 % des revenus. En Europe, c'était environ 60 %. Le reste provenait des ventes liées à la diffusion.
    Nous revenons donc à l'époque où les services des nouvelles devaient disposer de diverses sources de financement. Certains organisent des activités, d'autres obtiennent des subventions, et d'autres encore se lancent dans des activités commerciales, comme offrir des services publicitaires et des services de diffusion en continu, pour essayer de multiplier leurs sources de revenu.
    Cela ressemble grandement à ce que faisaient les journaux et les médias il y a une centaine d'années, lorsque l'imprimeur local imprimait tout, des bulletins paroissiaux aux livres. C'est ainsi qu'on finançait les journaux. C'est cette tendance qui se dessine en ce qui a trait au financement des services des nouvelles locales. C'est une tendance lourde à mon avis, à savoir trouver diverses sources de revenu. Je crois que nous observerons cela de plus en plus.
    En ce qui concerne les organisations sans but lucratif, je dirais que oui, c'est un des mécanismes. Ce n'est pas le seul mécanisme, mais c'en est un qui peut fonctionner et qui peut s'ajouter aux autres. Il contribue à créer des sources d'information secondaires, de sorte que les collectivités locales ne dépendent pas d'une seule source. Nous savons que, lorsqu'il existe plus d'une source d'information au sein d'une communauté, tous les services des nouvelles dans cette collectivité s'améliorent et affectent davantage de ressources à l'information locale, car c'est ce qu'ils doivent faire. Cela signifie que l'éditeur doit remettre l'achat d'une nouvelle Cadillac à plus tard et embaucher plutôt un autre journaliste. Dans les communautés où la concurrence existe, c'est ce qu'on observe souvent.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup. Je crois que ce tour-ci est terminé.
    M.  Samson et M. Breton partageront leur cinq minutes. Ce ne sera pas facile à faire, mais nous allons essayer.
    J'ai une seule question importante.
    Vous avez fait référence aux écoles. J'ai plus de 30 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation, alors j'aimerais beaucoup connaître votre vision quant à la façon dont nous pourrions être plus efficaces au sein des écoles publiques pour favoriser cela. Comment pouvons-nous amener les élèves à participer davantage?
    Les écoles sont des institutions particulièrement intéressantes dans une communauté, car, tout d'abord, elles ont des installations et elles sont dotées également d'infrastructures numériques, deux éléments essentiels. Par exemple, si on enseigne le journalisme dans les écoles, on peut utiliser ces écoles pour commencer à assurer la couverture des nouvelles locales. Elles peuvent ensuite s'associer à d'autres institutions dans la communauté pour améliorer la diffusion de l'information et offrir un site de nouvelles utile.
    J'ai vu en Finlande un site qui est géré par une école, qui obtient du soutien de la part de la communauté, du personnel de l'école et de tous les partis politiques dans la ville, car ce site donne accès à ce qui se passe au sein de la communauté grâce à un portail que tout le monde peut utiliser. C'est très important pour susciter des discussions sur les enjeux locaux et sur ce qui se passe au sein de la collectivité. En outre, toutes les entreprises locales, les églises et les organisations qui tiennent des activités veulent l'utiliser. Cela favorise la participation au sein de la communauté en procurant un sentiment d'appartenance.
    Les écoles peuvent jouer un rôle très important en mobilisant les gens.
(1250)
    Je vous remercie pour votre réponse. Merci.
    Monsieur Breton.

[Français]

     Merci.
    Je vais renchérir sur ce que M. Samson a mentionné.
    L'Association de la presse francophone a mentionné que ses membres publiaient une information vérifiée et vérifiable. En contrepartie, certains syndicats dénoncent le fait qu'il n'y ait aucun filtre en ce qui concerne l'information en ligne et sur les médias sociaux.
    Pouvez-vous faire des commentaires sur la qualité du travail journalistique sur les sites d'information en ligne et sur les médias sociaux?

[Traduction]

    Je crois qu'il faut faire une distinction entre le journalisme et l'information. Le journalisme consiste à vérifier l'information grâce à des techniques et à des pratiques pour s'assurer qu'elle est exacte et présentée de façon juste. C'est ce qu'il faut faire. Tous les jours, dans le monde du numérique, c'est ce que font précisément des journalistes.
    Dans le monde du numérique, n'importe qui peut transmettre de l'information. Toute information n'est pas une nouvelle et ne relève certainement pas du journalisme. Comme de nombreux groupes de journalistes envisagent de le faire, il faudrait adopter une sorte de marque de commerce pour certifier que les pratiques journalistiques ont été respectées afin qu'on puisse faire la distinction entre le journalisme et la simple diffusion d'informations.
    Une grande part de ce qui est diffusé dans le monde du numérique constitue uniquement des opinions, qui ne sont pas fondées sur des faits de quelque façon que ce soit, ce qui donne lieu très rapidement à la circulation d'informations erronées.

[Français]

    Merci, monsieur Picard.

[Traduction]

    Vous avez une minute, monsieur Breton.

[Français]

    J'ai terminé.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Puis-je utiliser cette minute, madame la présidente?
    Oui, monsieur Vandal.
    Est-ce que votre dernier commentaire signifie que vous remettez en question la validité et l'exactitude du journalisme en ligne?
    Je parlais du journalisme en ligne, et il est clair que le journalisme en ligne peut être tout aussi bon que le journalisme traditionnel. Cela n'a rien à voir avec la plateforme de diffusion. C'est lié aux pratiques qui ont été suivies en ce qui concerne les nouvelles qui sont diffusées en ligne. Il se fait du très bon journalisme en ligne.
    J'ai une dernière question rapide. Qu'est-ce que l'intégration verticale? Ou l'intégration horizontale?
    L'intégration horizontale est un terme économique utilisé dans le domaine de la concurrence lorsqu'une entreprise en achète d'autres du même type. Si vous êtes propriétaire d'un journal dans une ville, vous allez en acheter un autre dans une autre ville, puis un autre et encore un autre. Il s'agit là d'une intégration horizontale.
    L'intégration verticale s'effectue particulièrement dans le milieu de la radiodiffusion. Un propriétaire d'une maison de production peut posséder aussi une chaîne de télévision ainsi que le câblodistributeur. Il y a ainsi une intégration verticale de toutes les étapes qui permettent au bout du compte d'atteindre le public.
    Je vous remercie.
    Le problème au Canada, c'est qu'il y a énormément d'intégration verticale et beaucoup d'intégration horizontale.
    Monsieur Nantel.
(1255)

[Français]

     Vous avez raison de parler de notre marché comme d'un marché extrêmement concentré à plusieurs égards. Ce système a entraîné de beaux résultats, c'est-à-dire qu'au lieu de simplement avoir une culture canadienne qui se distingue de manière fragile, nous avons réussi à prendre notre place sur nos écrans, dans nos radios et dans nos médias. Nous avons réussi à créer une espèce de gestion de l'offre et de la demande sur le plan culturel, et même sur le plan de l'information.
    Effectivement, il n'y a pas beaucoup d'espace pour l'improvisation et les nouveaux joueurs à cet égard. Croyez-vous qu'il y aurait une façon de bien faire comprendre la distinction canadienne, les distinctions culturelles, à nos grands joueurs mondiaux comme Alphabet Inc.?

[Traduction]

    Vous n'êtes certainement pas le seul à vous interroger au sujet du problème de la culture.
    Il existe de nombreuses façons de régler ce problème. La concentration n'est pas nécessaire pour favoriser la promotion de la culture et des nouvelles nationales, mais c'est une façon de le faire, et ça fonctionne. Le problème, c'est qu'il y a de nombreux désavantages, parce qu'après un certain temps, si la concentration est forte, on cesse d'investir de façon importante.
    Un des problèmes est que le Canada a toujours eu peur de la culture et des médias américains, pour de bonnes raisons, et qu'au Québec, on a peur de tout ce qui est anglophone, encore une fois pour de bonnes raisons, et cela a favorisé la concentration, et nous nous sommes dit qu'au moins nous tenions les autres à l'écart. Le problème c'est qu'il aurait fallu instaurer des mécanismes pour faire en sorte d'inclure davantage d'entreprises canadiennes, plutôt que de se limiter à un petit nombre d'entreprises canadiennes. Le Canada a fait du très bon travail en ce qui concerne notamment la législation en matière de radiodiffusion. Il a très bien fait à ce chapitre.
    Le Canada n'est pas le seul pays dans cette situation. En Irlande, la situation est passablement difficile parce que ce pays est touché par les deux côtés de l'Atlantique, à savoir le Royaume-Uni, ce que l'Irlande trouve dérangeant pour diverses raisons politiques, les États-Unis et dans une moindre mesure le Canada, alors il éprouve des difficultés à faire valoir la culture irlandaise. D'autres pays sont aux prises avec ce problème, notamment l'Autriche à cause de l'Allemagne, et il est important de s'y attaquer, mais la concentration n'est pas nécessaire.
    De nombreuses politiques culturelles peuvent être utilisées et de nombreuses politiques propres aux médias peuvent aussi être utilisées pour faire en sorte qu'on diffuse suffisamment de productions culturelles au Canada.
    Diriez-vous que la situation actuelle nous a ramenés à la case départ? Dans de petites régions rurales, par exemple, où l'accès au réseau Internet est limité, les journaux papier, l'hebdomadaire local, etc., occupent une grande place. Dans ma propre circonscription, c'est à l'épicerie qu'on affiche de petites annonces pour faire savoir qu'on a perdu son chat ou que notre voiture est à vendre. Devrions-nous à certains égards revenir à cela?
    C'est ce qui se produit. L'automne dernier, je me trouvais dans un petit village en Angleterre, et j'ai demandé aux gens comment ils faisaient pour savoir ce qui se passait dans le village et comment ils communiquaient avec le maire lorsqu'ils avaient besoin de lui parler. Ils m'ont répondu qu'ils se rendaient au pub. C'est ainsi que les choses se passent.
    Un des problèmes, c'est que nous pensons souvent qu'Internet n'est qu'un réseau auquel il faut être connecté grâce à des fils et à des services à large bande, mais en fait, Internet comme source d'information est devancé par les services Internet mobiles offerts grâce aux réseaux sans fil qui sont aujourd'hui de très bonne qualité. Même dans un grand nombre de très petites collectivités rurales, les services sans fil sont très acceptables. C'est une autre solution.
    S'il existe un lieu où les gens se retrouvent normalement, notamment un centre commercial, un centre communautaire, etc., il s'agit d'un bon endroit pour obtenir de l'information, et il faut maintenir cela également.
    Dans une démocratie, il faut s'assurer qu'il y a des endroits et des personnes qui veillent à ce que les divers enjeux dont il faut débattre au niveau de l'administration locale soient diffusés. Que se passe-t-il dans les écoles, dans les commissions et au service de gestion de l'eau? Ce sont toutes des choses importantes qu'il faut savoir à l'échelon local. Il est essentiel de savoir ce que font les conseils municipaux. Quelqu'un doit veiller à ce que l'information soit diffusée. Dans les plus grandes communautés, ce sont plutôt les médias commerciaux qui s'en chargent, mais dans les petites communautés, il faut trouver d'autres moyens de diffuser l'information.
(1300)
    Mon temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup, monsieur Picard.
    Je tiens à remercier M. Picard de nous avoir consacré presque une heure de son temps.
    Nous en avons appris beaucoup. Je vous remercie.
    Monsieur Van Loan.
    Je propose que nous levions la séance.
    Une motion a été proposée pour lever la séance. Merci.
    La séance est levée.
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