:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à remercier le Comité de m’avoir donné l’occasion de venir témoigner.
[Français]
Je suis ravie de comparaître devant ce comité aujourd'hui.
Permettez-moi d'abord de féliciter les membres du Comité d'avoir entrepris une étude sur les femmes et les filles dans le sport. À titre d'athlète paralympique, d'administratrice ayant une vaste expérience dans le système sportif canadien et de mère de deux jeunes filles, je crois que ce sujet est tout à fait digne d'être étudié et qu'il mérite toute l'attention de notre gouvernement.
Comme j'ai eu l'occasion de travailler pour l'ancien député Dennis Mills à l'époque où il a rédigé son rapport sur le sport, il y a de cela 20 ans, je peux vous dire à quel point les choses ont changé. Beaucoup de progrès ont été réalisés au cours des 20 dernières années. Je les ai vécus.
J'aimerais vous exposer mon point de vue sur les progrès que nous avons réalisés. J'aimerais aussi vous présenter ce que j'ai constaté au sujet des inégalités qui persistent entre les sexes et qui empêchent les femmes et les filles de réussir.
Plus que jamais, les femmes et les filles canadiennes excellent dans le sport de haut niveau. Les athlètes qui connaissent du succès, comme Penny Oleksiak, Brooke Henderson et Aurélie Rivard, sont une source de fierté pour tous les Canadiens.
Plus encore, ces athlètes nous montrent ce que les femmes sont capables de réaliser. Grâce à elles, des jeunes femmes et des filles, partout au pays, peuvent envisager une brillante carrière dans le sport. Ces athlètes sont peut-être justement la source d'inspiration dont plusieurs femmes ont besoin pour tenter leur chance et faire du sport.
Cet été, aux Jeux olympiques de Rio, 16 des 22 médailles récoltées par le Canada ont été remportées par des femmes. Aux Jeux paralympiques, les femmes ont remporté 11 des 29 médailles canadiennes.
[Traduction]
Cet exploit, devant le monde entier, aura des effets considérables non seulement dans le milieu du sport, mais aussi dans d’autres milieux. Lorsque les femmes connaissent du succès dans un secteur d’activité où elles sont sous-représentées, peu importe lequel, des barrières tombent pour toutes les autres.
Cette réalité est aussi présente dans les rangs des dirigeants du secteur canadien du sport, où de plus en plus de femmes prennent des décisions. Mentionnons, notamment, Tricia Smith, présidente du Comité olympique canadien, ainsi que les présidentes et directrices générales du Comité paralympique canadien; de l’Association canadienne des entraîneurs; de l’Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique; de Canada Basketball; et de Tennis Canada. Je crois que vous avez déjà rencontré certaines d’entre elles dans le cadre de la présente étude.
Les succès de nos athlètes féminines et les réalisations de nos dirigeantes dans le domaine du sport témoignent des progrès accomplis. Il y a quelques décennies, le défi était d'accéder au milieu: de simplement franchir le seuil. Aujourd’hui, il s’agit d’atteindre notre plein potentiel et de contribuer à l’amélioration du milieu sportif et de la société. Ces progrès nous ont amenés à mettre à jour nos politiques sur les femmes et les filles dans le sport, afin de favoriser les milieux sportifs qui encouragent et soutiennent la participation des femmes et des filles en tant qu’athlètes, entraîneuses, responsables techniques, officielles et gestionnaires, parce qu’un système sportif inclusif est le reflet d’une société inclusive, et une société qui favorise la pleine participation de toutes les femmes et filles favorise aussi la participation des personnes handicapées, des membres des minorités visibles et des Autochtones.
En dépit des importants progrès réalisés au cours des dernières années, l’inégalité des sexes subsiste encore. Des groupes qui étaient sous-représentés dans le passé le sont encore aujourd'hui. Les femmes et les filles canadiennes de tous les horizons sont moins nombreuses à participer à des activités sportives que les hommes et les garçons. Et s’il est vrai que bien des jeunes délaissent le sport à l’adolescence, le pourcentage est particulièrement inquiétant en ce qui concerne les filles. On sait que les messages qui circulent dans les médias au sujet des femmes, de la féminité et du sport nuisent aux efforts déployés pour retenir les filles dans le milieu du sport. Nous devons réfléchir à des solutions.
Bien sûr, les filles se privent de belles possibilités lorsqu’elles laissent tomber le sport. Mais en réalité, c’est toute la société qui en souffre. Nous devons arrêter de voir cette question comme un problème touchant les filles ou le sport. En réalité, ce n’est qu’un reflet des inégalités qui existent plus largement dans notre société. Voilà pourquoi nous devons nous pencher sur la question ensemble, en tant que société.
Considérons ce que nous savons.
On prête une attention assez grande aux athlètes canadiennes qui remportent des médailles aux Jeux olympiques et paralympiques. Mais le reste du temps, on ne parle pas beaucoup des femmes et des filles dans le sport.
[Français]
Par exemple, en 2014, seulement 4 % des émissions diffusées par les chaînes sportives canadiennes étaient consacrées à des rencontres sportives féminines.
De plus, dans le cadre de la couverture des Jeux olympiques de Rio en 2016, nous avons vu des exemples de médias sportifs qui parlaient des athlètes féminines en renforçant les stéréotypes et les notions dépassées du rôle social lié au sexe, au lieu de mettre l'accent sur leurs performances sportives. Ce n'est qu'un exemple des préjugés sexistes et des inégalités entre les sexes qui existent encore dans les sports organisés.
C'est le reflet d'attitudes qui persistent dans notre société. C'est une société où, encore aujourd'hui, un écart salarial de près de 20 % existe entre les hommes et les femmes. C'est une société où les femmes continuent d'assumer l'essentiel des tâches domestiques non rémunérées. Cette situation fait en sorte qu'il est plus difficile pour les femmes d'assumer des fonctions bénévoles importantes et d'occuper des postes de direction de premier plan.
Nous le voyons clairement au sein des fédérations sportives internationales. Les femmes occupent respectivement moins de 6 %, 12 % et 13 % des postes de présidents, de vice-présidents et de membres des comités exécutifs au sein des fédérations internationales.
Bref, des obstacles freinent encore aujourd'hui la participation et la représentation pleine et entière des femmes et des filles au sein du système sportif canadien, et ce, à tous les échelons et à quel que titre que ce soit. Cela doit changer.
[Traduction]
Par l’entremise de Sport Canada, le gouvernement du Canada prend des mesures pour régler ces questions, de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Seuls les organismes nationaux qui prouvent que leurs programmes bénéficient à la fois aux hommes et aux femmes sont admissibles à du financement fédéral. Et la moitié de tous les athlètes canadiens qui bénéficient d’un appui dans le cadre du Programme d’aide aux athlètes sont des femmes. L’un des principaux objectifs des ententes bilatérales sur la participation sportive que nous avons conclues avec les provinces et les territoires est d’offrir l’occasion aux groupes sous-représentés et aux populations marginalisées de participer à des activités sportives en tant qu’athlètes, entraîneuses, officielles et dirigeantes bénévoles.
Nous sommes toutefois conscients qu’il nous reste beaucoup de travail à accomplir, et que nous devons le faire. Tous ensemble: femmes, hommes, organismes sportifs, gouvernements. La promotion de l’égalité des sexes et de l’inclusion dans le sport sera bénéfique pour un très grand nombre de femmes et de filles, peu importe leurs origines ou leurs capacités, et l’ensemble de la société en profitera. Le sport contribue à la cohésion sociale et à la création de collectivités plus inclusives.
Pour en tirer profit, nous devons encourager les membres des groupes traditionnellement sous-représentés à faire du sport et à devenir entraîneurs ou gestionnaires dans le domaine du sport. Cela inclut les femmes et les filles, ainsi que les personnes handicapées et les Autochtones.
À titre de ministre des Sports et des Personnes handicapées, je veux faire en sorte que tous les Canadiens tirent des avantages du sport. Je veux combler l’écart entre les sexes en ce qui concerne la participation au sport et l’accès à des postes de direction dans le sport, pour les femmes et les filles de tous les milieux et de toutes les capacités. J’ai hâte de connaître vos recommandations dans le cadre de cette étude afin de stimuler encore plus la participation des femmes et des filles dans le sport et au sein du système sportif canadien.
Si vous avez des questions, je serai heureuse d’y répondre.
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C’est très intéressant comme question. C’est une option que nous examinons à tous les niveaux, soit dans quelle mesure le gouvernement peut-il associer les investissements en infrastructures à la programmation. Sincèrement, j’ignore si une décision a été prise à cet égard.
Ce que nous avons fait dans le cadre de notre budget de cette année, c’est de créer un fonds de 150 millions de dollars destiné aux infrastructures sportives et récréatives, au réinvestissement et à la modernisation. Selon la Fédération canadienne des municipalités, les infrastructures les plus délabrées au pays sont les infrastructures sportives et récréatives. Elle estime également qu’il en coûterait 9 milliards de dollars pour remédier à la situation, une somme incroyable. Il y a une raison pour laquelle les noms de nos centres récréatifs et arénas incluent le mot « centenaire »; beaucoup ont été construits il y a cent ans et n’ont pas été modernisés depuis.
Nous voulons nous assurer que les installations récréatives et sportives reçoivent l’attention qu’elles méritent. Selon moi, c’est un « point tournant TSN », pour emprunter une expression du milieu sportif, dans la façon dont nous considérons les infrastructures sportives et récréatives.
Concernant la possibilité que les investissements en infrastructures soient conditionnels à la programmation, honnêtement, aucune décision n’a été prise à cet égard. Je suis impatiente de prendre connaissance de vos recommandations dans votre rapport, car elles nous aideront dans notre processus décisionnel.
J’ignore si Marie-Geneviève ou quelqu’un d’autre… Je suis désolée. J’ai omis de vous présenter les membres de mon équipe. Je vous présente Marie-Geneviève Mourier, Alan Zimmerman et Sean O’Donnell, de Patrimoine Canada et de Sport Canada. Ce sont mes représentants.
À Rio, j'ai eu l'occasion de passer du temps avec M. Lacroix et avec M. Greg Stremlaw, de CBC Sports. Une des informations que j'ai obtenues portait justement sur cet aspect, les nouvelles plateformes utilisées pour mettre en valeur le sport, les femmes dans le sport, les sports paralympiques et tout autre sport qui peut ne pas être diffusé à la télévision. J'ai trouvé très intrigante l'idée selon laquelle la télévision n'est plus la fin des fins comme elle l'était auparavant. En fait, la plupart des jeunes regardent des émissions de sport sur des plateformes très diversifiées, notamment sur un ordinateur, un téléphone, d'autres médias sociaux et des plateformes Internet.
Ce qui me fascinait, c'était l'occasion que cela représente, parce qu'à certains égards, la seule limite de ces plateformes est liée au contenu, comparativement aux heures ou aux minutes, dans le cas de la télévision. À cela s'ajoute l'idée selon laquelle ces groupes sont bien représentés tant que le contenu est disponible.
Avant de quitter Rio, je me suis engagée à organiser une sorte de table ronde ou une réunion des intervenants des médias, comme la CBC et d'autres, pour discuter des façons d'assurer la présence des groupes habituellement sous-représentés sur ces plateformes externes, car je pense que c'est une occasion de sensibilisation formidable.
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Oui, tout à fait. Avec plaisir.
Il faut reconnaître que dans le sport — et je dirais en général —, les hommes et les femmes sont différents. Pour que les gens se réalisent pleinement, il faut reconnaître leurs différences.
Je crois que dès le départ, il faut créer des politiques et programmes inclusifs qui tiennent compte de la diversité plutôt que de faire quelque chose de générique pour ensuite se rendre compte que cela ne fonctionne pas pour les filles et essayer de corriger la situation. Il faut penser à tout le monde dès le départ.
Je crois qu'on parle ici d'un changement de culture, et cela représente un défi. C'est un changement sociétal, n'est-ce pas? J'ai deux filles, qui ont 6 et 16 ans. Ma fille de 6 ans joue au soccer. On lui dit qu'elle est bonne, qu'elle est l'égal des garçons, et c'est très bien, mais lorsqu'elle aura 14 ou 15 ans, elle entendra des commentaires du genre « tu cours comme une fille », comme si c'était une mauvaise chose. Je connais des filles qui courent très vite.
C'est cette idée qu'en l'espace de 10 ans, l'enfant passe d'une situation où l'on favorise la confiance en soi et le positivisme à une situation où il est acceptable d'insulter un garçon en lui disant qu'il court comme une fille. À mon avis, notre société est confrontée à un important défi. Lorsqu'il s'agira d'un compliment plutôt que d'une insulte, alors nous saurons que nous avons réussi à changer les choses.
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Ces questions sont très pertinentes; merci.
Je vais répondre à la deuxième, rapidement.
Non, ma fille de 16 ans ne fait pas de sport. Elle en faisait, mais elle est passée à autre chose. C'est une artiste. Elle joue dans un orchestre, elle fait des arts dramatiques, elle aime le théâtre, etc. Elle a trouvé sa place dans les arts. Elle ne l'a pas trouvée dans le sport, et c'est un grave problème.
Lorsque j'avais son âge, j'ai eu la chance de trouver ma place dans le sport paralympique. Si j'avais continué à pratiquer des sports conventionnels, j'aurais probablement abandonné, mais comme j'ai découvert le sport paralympique, qui répondait à mes besoins uniques, j'ai persévéré et je me suis épanouie.
Je ne sais pas si j'aurais persévéré dans les sports conventionnels. J'ose espérer que oui. Je suis plutôt active et sportive; j'aime la compétition alors j'aurais peut-être continué malgré le système, et non grâce au système.
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Tout d'abord, je tiens à vous remercier de me donner cette occasion de comparaître devant le Comité. Je suis très heureuse d'être ici et de pouvoir vous parler de mon expérience.
Je fais partie de l'équipe de boxe nationale du Canada depuis 12 ans. J'ai participé à des compétitions à l'échelle provinciale, nationale et internationale, ainsi qu'à quatre jeux importants. Mon expérience est probablement différente de la plupart des autres athlètes olympiques. J'ai commencé à pratiquer la boxe assez tard. Je n'avais pas une famille très sportive, mais mes parents avaient tout de même le désir de nous voir faire du sport.
Lorsque j'étais jeune, mes parents m'ont inscrite à des cours de majorette et de gymnastique rythmique. Étant donné que je n'aimais pas vraiment ces disciplines et que je n'étais pas très douée, j'ai présumé que je n'étais pas une athlète.
Ce n'est que plus tard, lorsque j'ai suivi mon frère à son club de boxe, que je suis tombée en amour avec ce sport. Même à l'école secondaire, après la 10e année, lorsque les cours d'éducation physique n'étaient plus obligatoires, je ne faisais plus de sport.
C'est réellement la boxe qui m'a fait renouer avec le sport. Au début, c'était seulement pour me tenir en forme. J'ai eu la chance d'être entourée des meilleurs mentors et entraîneurs. Ils m'ont aidée à parfaire ma technique et à me sentir en confiance. J'ai ensuite pris la décision de faire de la compétition; c'était ma décision. J'avais envie de passer à un autre niveau.
Depuis, évidemment, j'ai été très active dans le sport. Je suis devenue entraîneuse. J'ai également été arbitre et juge, et j'ai siégé au sein de divers groupes et comités qui représentent les femmes dans le sport.
J'adore le sport. Si je peux encourager les jeunes à pratiquer un sport, quel qu'il soit, je le ferai. Je m'implique également auprès d'autres organisations, notamment Sport pur et Fast and Female, dont vous avez probablement entendu parler. Je saisis toutes les occasions possibles de me rendre dans des écoles et de faire des présentations pour amener la population à être plus active.
Je crois que c'est très important. Le Canada a fait de grands progrès à ce chapitre depuis mes débuts, mais je crois qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire pour éveiller l'intérêt des jeunes filles et des femmes dans le sport, l'entraînement, etc.
Je serai ravie de répondre à vos questions.
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Je m'appelle Lanni Marchant. J'ai disputé le marathon féminin ainsi que l'épreuve du 10 000 mètres aux derniers Jeux olympiques de 2016. Je suis la détentrice actuelle des records canadiens au marathon et au demi-marathon. Je suis diplômée de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa et du collège de droit de l'Université de l'État du Michigan. Je travaille comme avocate dans le Tennessee et je suis inscrite au barreau de l'État ainsi qu'au barreau fédéral.
Je suis ici pour vous parler de mon expérience à titre d'athlète canadienne — je dirais plutôt d'athlète féminine canadienne. Comme nous l'avons entendu plus tôt ce matin, on a presque atteint une représentation égale de femmes et d'hommes à tous les échelons du sport. Lorsque j'ai parlé aux gens d'Athlétisme Canada, on m'a dit qu'il y avait presque autant de garçons que de filles, et d'hommes que de femmes, qui s'inscrivent auprès de l'association. Nous favorisons l'égalité des sexes au sein de l'équipe nationale de cross-country. Par conséquent, les hommes et les femmes vont se mesurer sur les mêmes distances. Comme nous l'avons vu cet été, il ne faut pas sous-estimer la force des équipes féminines.
Vu de l'extérieur, on a l'impression qu'il n'y a pas de sexisme au Canada. Selon mon expérience, toutefois, je peux vous dire que ce n'est pas tout à fait vrai. Les apparences sont souvent trompeuses.
J'ai commencé à pratiquer la course assez tard dans ma vie. Je suis arrivée sur la scène en 2012, année où j'ai raté la sélection olympique. À l'époque, Athlétisme Canada ne me voyait pas comme une étoile montante. Même si je courais bien en dessous du standard olympique pour le marathon, je n'ai pas été sélectionnée pour représenter le Canada aux Jeux olympiques de Londres. Cette année-là, il n'y a eu aucune Canadienne au marathon ni à l'épreuve du 10 000 mètres chez les femmes.
Depuis 2012, je détiens les records nationaux pour le marathon et le demi-marathon, et j'ai été admise dans toutes les équipes internationales. Le problème, c'est qu'on change constamment les règles du jeu. En vue des Jeux olympiques de 2016 et des Championnats du monde d'athlétisme 2017, on a baissé considérablement nos temps de qualification pour le marathon et le 10 000 mètres, alors qu'il n'y a pas eu de telle réduction chez les athlètes masculins.
Cet été, Krista DuChene et moi étions les premières Canadiennes à participer au marathon olympique depuis 1996. Cela faisait 20 ans.
Nous savons que les athlètes de haut niveau sont censés inspirer les plus jeunes générations. Le financement que nous recevons sert à encourager la participation des jeunes, dans les écoles secondaires et aux niveaux post-collégial, soit les périodes au cours desquelles les filles se désintéressent du sport. Je me demande comment on va y parvenir si on doit encore attendre 20 ans pour voir une Canadienne courir aux Jeux olympiques.
En préparation des Jeux olympiques de cet été, je me suis retrouvée encore une fois à couteaux tirés avec Athlétisme Canada. Je n'aime pas m'attirer les foudres des gens, mais je me suis qualifiée à deux épreuves, et on a remis en question ma capacité à participer à ces deux épreuves. On m'a même menacé de m'imposer une sanction si je le faisais.
Au cours de ces six semaines, ma perspective a changé. Ce qui a commencé comme une démarche égoïste — je voulais me qualifier pour les Olympiques et aligner les deux courses — a pris un tout nouveau sens pour moi. J'ai dû livrer bataille à Athlétisme Canada pour obtenir deux places que j'avais gagnées, mais je ne me battais pas seulement pour mon droit. Les Canadiens ont pris ma défense, voulant me voir participer aux deux épreuves, non pas parce que j'étais une médaillée d'or ni parce que ce serait une bonne chose qu'Athlétisme Canada laisse une jeune fille courir, mais plutôt parce qu'ils voulaient que les femmes et les filles de leur entourage puissent voir une athlète féminine solide représenter le Canada. Dans mon esprit, je ne le faisais pas que pour moi, mais pour nous toutes.
On comprend très mal la progression d'une coureuse de fond au Canada et le fait que l'âge ne dicte pas nécessairement les résultats. Le financement des athlètes comme moi, c'est-à-dire les femmes de plus de 30 ans, repose souvent sur des critères de performance qui ne s'appliquent pas nécessairement aux jeunes athlètes ou aux athlètes masculins. Je ne serai probablement pas financée en 2017, après ma participation aux Jeux olympiques de 2016.
Le gouvernement actuel s'est engagé à atteindre la parité hommes-femmes au Parlement. Cet engagement ne s'est pas répercuté dans le sport au Canada. Les directeurs de sport de haut niveau, les entraîneurs-chefs, les directeurs et les autres postes au sein des fédérations sportives, telles que le COC et Sport Canada, sont encore dominés par les hommes. Étant donné ce que les athlètes féminines ont accompli à Rio, on s'attend maintenant à ce qu'il y ait plus de femmes représentées au sein des organismes directeurs et des agences responsables du sport d’élite au Canada.
Toutefois, ce n'est pas qu'une question de participation ou de représentation des femmes en tant qu'athlètes ou porte-parole. Nous nous attendons à ce que nos coéquipiers nous soutiennent. Nous n'avons pas besoin que les hommes dans le monde du sport prétendent qu'ils sont derrière nous, en tant que féministes, parce que cela les place dans une position parfaite pour faire des commentaires sur notre derrière. Nous préférons qu'ils demeurent à nos côtés.
Récemment, je courais avec un coéquipier de l'équipe olympique. Nous nous sommes fait dépasser par un cycliste qui m'a reconnue et qui m'a félicitée pour mes performances à Rio. Mon coéquipier m'a aussitôt dit que le cycliste m'avait reconnue pour mon derrière.
Je suis l'une des plus rapides coureuses de fond au Canada. Je cours à une cadence très élevée. En fait, j'étais probablement la seule femme à Toronto capable de courir à cette vitesse, mais mon coéquipier a décidé de réduire ce compliment à une partie de mon corps. Je ne prétends pas connaître la véritable intention qui se cache derrière ses mots, mais j'ai appris que ce n'est pas toujours l'intention de nos mots qui compte, mais plutôt leur effet. On ne connaît pas toujours l'intention réelle derrière les actions.
Pour ce qui est des changements à apporter dans le sport de haut niveau chez les femmes au Canada, nous avons besoin que des entités comme le COC et Sport Canada interviennent lorsqu'une politique ou un critère impose un fardeau supplémentaire aux femmes. Si votre comité ou le gouvernement veut voir les femmes continuer de s'épanouir dans le sport et adopter un mode de vie sain, il faut qu'il y ait un certain contrôle de nos fédérations. Sport Canada et le COC ne peuvent pas fermer les yeux et affirmer que le conflit ne concerne que l'athlète et sa fédération. Si nous voulons accroître la présence des femmes dans le sport, il faut agir à tous les niveaux. Les administrateurs et entités qui nous régissent doivent comprendre notre progression.
La présence des femmes dans le sport est assez récente, que ce soit au Canada ou à l'échelle internationale. Il faut qu'on nous traite d'égal à égal et qu'on cesse de devoir demander la permission. J'ai fini de demander la permission pour qu'on me traite sur un pied d'égalité sur la piste ou en dehors, et je pense que nous commençons à voir de plus en plus de femmes dans le sport le réclamer également.
Merci.
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Comme je l'ai dit, avant que Krista et moi participions, aucune Canadienne n'avait participé au marathon depuis 1996. Cela ne veut pas dire que nous n'avions pas d'athlètes féminines qui pouvaient participer selon les critères du CIO et de la FIAA; c'est seulement que le Canada ne cessait de fixer des temps plus rapides. En 2012, je n'ai pas fait partie de l'équipe, tout comme Krista. En 2013, nous étions toutes les deux membres de l'équipe du championnat mondial, et la norme avait été légèrement assouplie. Cela nous a donné l'occasion de participer à une compétition internationale. Depuis, j'ai fait partie d'autres équipes.
Nous avons vu que selon les critères olympiques de 2016, nous étions revenus au point où nous étions en 2012 pour faire partie de ces équipes. Tout le monde a célébré ce que Krista et moi avons accompli en course féminine, et je suis devenue un exemple, que je l'ai voulu ou non. J'ai inspiré plein de filles, et nous avons tellement de marathoniennes qui sont dans la fin de leur vingtaine ou au début de leur trentaine qui pourraient faire partie de ces équipes, mais Athlétisme Canada a fixé le temps à 2 h 29 min 55 s, un temps de qualification plus rapide qu'en 2012. À Rio, nous avons vraiment fait bonne figure, mais l'année 2017 s'en vient, et il semble qu'on rétablit les critères encore à un temps rapide.
L'objectif, c'est d'inspirer les autres. Si la nouvelle tendance, c'est d'inspirer les filles, d'avoir des athlètes comme moi qui serviront d'exemples, alors il faut qu'elles nous voient participer aux compétitions. Krista et moi sommes les deux seules femmes au pays qui peuvent obtenir ces temps de qualification. Nous sommes les deux seules femmes au pays qui ont pu le faire depuis 1996. Lorsque j'ai établi ce record, c'était un record de 28 ans à l'époque. Si l'on veut que des femmes participent aux compétitions et que des jeunes filles pensent qu'elles peuvent aller aux Olympiques, qu'il s'agisse de la course à pied, d'autres disciplines ou d'autres sports, il faut alors cesser d'imposer des critères qui nous éliminent et ne permettent pas aux meilleures femmes de se qualifier, et c'est ce que je voulais dire.
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J'ai obtenu mes niveaux de certification tout au long de ma carrière. J'ai continué à enseigner à des gens en parallèle. Une bonne partie du travail que j'ai accompli... Je participe maintenant à des activités corporatives à Toronto, où j'encadre des gens dans l'industrie de la publicité et des médias dans le monde de la boxe. C'est plus ou moins le genre de travail que je fais, ou bien je vais dans les écoles et je fais tout simplement connaître le sport aux jeunes.
C'est très difficile. Beaucoup de gens me demandent si, lorsque je prendrai complètement ma retraite, je serai entraîneuse, et honnêtement, je crois que non. Je veux aider des jeunes filles et des jeunes athlètes, mais il n'existe pas d'initiatives de transition vers ce volet pour les femmes qui pratiquent un sport.
J'ai eu deux ou trois entraîneurs différents. Il y en a un en particulier qui travaillait à temps plein ailleurs. Il était entraîneur à temps partiel et il avait une famille. Je m'entraînais toujours seule et je n'avais pas vraiment l'attention dont j'avais besoin à l'époque, et cela était vraiment dur pour moi.
Si je deviens entraîneuse, je le serai à 100 %. Je serai présente pour mon athlète. Après avoir consacré toute ma vie au sport, je ne sais pas si je voudrai consacrer toute ma vie à une carrière d'entraîneuse et vivre les mêmes difficultés sur le plan financier ou tout ce que comporte être un entraîneur à temps plein. Je pense que c'est très difficile.
Je crois que nous devons y travailler, garder nos athlètes dans le programme d'une manière ou d'une autre, que ce soit en tant qu'entraîneurs ou membres d'un conseil d'administration, par exemple.
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Le plus gros problème auquel nous sommes confrontés, c'est encore le financement. Nous recevons des fonds de Sport Canada et, en tant qu'athlètes, nous cherchons des commanditaires privés. Or, sur le plan des programmes et des initiatives, il semble que l'argent du fédéral sert beaucoup aux discussions. J'ai dit un peu plus tôt que ce qui compte, ce n'est pas l'intention qui sous-tend ce qui est dit, mais plutôt les effets. Ce qui compte, ce n'est pas l'intention qui sous-tend ce que nous disons vouloir faire, mais bien les mesures prises.
Je suis très chanceuse, et je suis très heureuse d'être ici pour en parler. Or, si nous ne faisons qu'en parler, alors je ne sais pas ce que nous arriverons à accomplir.
J'ai fait des études universitaires, des études en droit. On nous dit à nous, les femmes, que nous pouvions tout faire — nous pouvons avoir une vie professionnelle, être des mères, avoir des passe-temps et faire de l'exercice. Personne ne m'a vraiment dit que c'était correct d'accomplir toutes ces choses et de devenir une athlète professionnelle.
La situation des jeunes filles et des femmes est différente de celle des garçons. Si un gars est à peu près correct au hockey, il ira jusqu'au bout et essaiera de se rendre à la LNH. J'ai constaté que dans le cas de mes coéquipiers du collège, il était parfaitement acceptable qu'ils obtiennent leur diplôme, qu'ils ne fassent pas d'études postsecondaires et soient dans des maisons de club d'étudiants tout en essayant de réussir en athlétisme.
On ne dit pas les choses à nous, les filles, de la même manière qu'on les dit aux garçons, c'est-à-dire que c'est correct de pratiquer un sport, et qu'en ce sens, une fille peut réussir tout aussi bien.
Je suis très chanceuse; je suis vraiment ravie d'avoir mes diplômes. Or, personne ne m'a dit que je n'avais pas à faire les choses de cette façon.
À mon avis, si le gouvernement fédéral voulait commencer à envoyer ce message, soit que la réussite peut passer par le sport... C'est par le sport que nous nous retrouvons avec d'excellents entraîneurs, et avec notre ministre des Sports. Elle a dit qu'elle a participé à cette initiative il y a des années, et que c'est ce qui l'a initiée à la politique. Nous avons beaucoup de femmes athlètes qui pourraient devenir de futures ministres et de futures professionnelles, mais nous ne devrions pas subir la pression de faire cela avant tout.