:
Merci, monsieur McCauley.
Comme nous avons le quorum, nous commencerons sans plus tarder.
Chers collègues, nous poursuivons notre étude sur la Stratégie pour un gouvernement vert. Nous recevons quelques témoins par vidéoconférence. Je vous les présenterai brièvement.
Nous accueillons Mme Nancy Sutley, dirigeante principale de la durabilité au Los Angeles Department of Water and Power. Elle comparaît depuis Los Angeles, en Californie. Nous recevons également Elise Calais, sous-directrice au ministère de la Transition écologique et solidaire, Commissariat général au développement durable, Service de l'économie du gouvernement de la République française, ainsi que Corinne Fritsch, chef par intérim du Bureau de l'exemplarité du service public, ministère de la Transition écologique et solidaire. Enfin, nous accueillons Jean-Baptiste Trocmé, chef du Bureau de l'intégration du développement durable dans les fonctions support.
Je souhaite la bienvenue à tous nos participants par vidéoconférence. Je vous remercie d'être là.
Vous connaissez probablement la procédure. Nous demanderons à ceux et celles d'entre vous qui présenteront des exposés d'être brefs. Une fois les déclarations terminées, nous passerons directement aux questions des membres du Comité.
Madame Sutley, auriez-vous l'obligeance de nous dire quelques mots pour que nous soyons certains de bien vous entendre?
:
Je vous remercie de me permettre de comparaître devant vous.
Je m'appelle Nancy Sutley. Je suis actuellement dirigeante principale de la durabilité au Los Angeles Department of Water and Power. Il s'agit du plus grand service municipal des États-Unis, et il relève de la ville de Los Angeles en Californie. Ce réseau approvisionne quatre millions de personnes en eau et en électricité à Los Angeles.
De 2009 à 2014, j'ai travaillé au sein de l'administration du président Obama à titre de présidente du Conseil de la Maison-Blanche sur la qualité de l'environnement, le CEQ. Le CEQ a été établi en 1970 en vertu de la National Environmental Policy Act afin de prodiguer des conseils au président des États-Unis sur les priorités environnementales de la nation. Depuis le début des années 1990, le CEQ a également assuré la coordination des efforts de développement durable et d'écologisation du gouvernement des États-Unis. Le Bureau du développement durable du gouvernement fédéral, soit l'Office of Federal Sustainability, a d'ailleurs ses bureaux au CEQ, mais son budget et ses employés proviennent pour leur part de l'Agence américaine de protection de l'environnement.
Le Bureau de la gestion et du budget de la Maison-Blanche, soit l'Office of Management and Budget, évalue divers indicateurs de rendement en matière de durabilité. D'autres organismes fédéraux lui fournissent aussi une expertise et des conseils sur tout ce qui touche la durabilité et qui relève de la compétence fédérale. Je pense notamment à l'Agence américaine de protection de l'environnement, l'Environment Protection Agency, au département américain de l'Énergie, au département américain de l'Agriculture et à l'Administration des services généraux, la General Services Administration.
Les divers présidents qui se sont succédé depuis les années 1990 ont pris toute une série de décrets présidentiels pour établir les objectifs de durabilité et d'écologisation du gouvernement américain. Pendant longtemps, le gouvernement américain a été un chef de file en matière de durabilité et a su adopter des pratiques durables dont des techniques de construction durables qui sont devenues monnaie courante dans l'économie américaine en général. Chacun de ces décrets se fondait généralement sur les précédents pour aller plus loin, sauf le plus récent, le décret 13834 pris par le président Trump en mai 2018, qui représente un pas en arrière, particulièrement en ce qui concerne les changements climatiques.
Le Congrès des États-Unis a adopté divers objectifs et programmes d'écologisation du gouvernement américain dans la foulée de l'Energy Policy Act de 1992, de l'Energy Policy Act de 2005 et de l'Energy Independence and Security Act de 2007, entre autres. Cependant, les décrets présidentiels ont beaucoup contribué à élargir ces objectifs et programmes, de telle sorte qu'on dépend des pouvoirs du président pour gérer le gouvernement des États-Unis. En effet, les décrets sont des directives émises par le président pour gérer les activités du gouvernement américain et ils ont force de loi.
La supervision et la gestion des efforts d'écologisation du gouvernement américain ont évolué depuis les années 1990. Le gouvernement des États-Unis est le plus grand consommateur d'énergie de l'économie américaine. Il possède plus de 350 000 bâtiments, 600 000 véhicules et emploie presque 2 millions de civils. Chaque année, il dépense 500 milliards de dollars en biens et services et 16 milliards de dollars en énergie.
Selon les données du Bureau du développement durable du gouvernement fédéral sur les réalisations récentes des États-Unis, la consommation d'énergie dans les bâtiments a diminué de plus de 7 % par pied carré de 2015 à 2017; la consommation d'eau potable a diminué de 25 % depuis 2007; plus de 10 % de l'énergie consommée dans ces infrastructures provient de sources d'énergie renouvelable, et l'utilisation de carburant de remplacement a doublé depuis 2005.
Les directives fédérales en matière de durabilité et d'écologisation sont de plus en plus étoffées et ambitieuses depuis 25 ans, mais c'était jusqu'à ce que le président Trump tienne à les limiter aux obligations législatives et à des mesures rentables.
Son décret exécutif contient des objectifs qualitatifs sur la consommation d'énergie dans les bâtiments, l'écoefficacité, l'utilisation d'énergie renouvelable, la consommation d'eau, la prévention du gaspillage, le recyclage et l'approvisionnement. Le président a conservé la structure du comité de direction interorganisationnel sur la durabilité, présidé par le Bureau du développement durable et le Bureau de la gestion et du budget de la Maison-Blanche, ainsi que les postes de dirigeant principaux de la durabilité au sein de chaque organisme fédéral, en plus d'avoir conservé les tableaux des résultats des mesures de durabilité prises par les divers organismes fédéraux. Le CEQ n'a toutefois pas encore publié ses instructions de mise en oeuvre à l'intention des organismes fédéraux, puisqu'elle ne faisait pas partie de sa dernière directive.
Cependant, on ne trouve aucune mention des changements climatiques dans son décret exécutif, ni de certaines exigences de rendement quantitatives et prescriptives des décrets présidentiels de l'ère Obama, notamment celles que les organismes fédéraux rendent compte de leurs émissions de gaz à effet de serre, les réduisent et se préparent aux effets des changements climatiques en plus de se doter de plans stratégiques internes de rendement en matière de durabilité.
Le décret exécutif 13693, pris par le président Obama en 2015 était encore plus ambitieux que le décret exécutif précédent, pris en 2009, et mettait l'accent sur l'atténuation des effets des changements climatiques. Obama soulignait que les mesures prescrites par ce décret pourraient faire réduire les émissions de gaz à effet de serre des activités gouvernementales américaines de 40 % d'ici 2025.
Le décret exécutif 13693 obligeait les organismes fédéraux à se fixer des objectifs de réduction de gaz à effet de serre de niveaux un, deux et trois d'ici 2025, par rapport aux niveaux de 2008. Il établissait de plus un certain nombre d'obligations de rendement dans des domaines comme la conservation de l'énergie des bâtiments, l'utilisation d'énergie renouvelable, la réduction de la consommation d'eau, les flottes, les immeubles à consommation énergétique nette zéro, l'approvisionnement durable, le recyclage et la gestion des déchets ainsi que l'intendance des produits et composants électroniques. Pour la première fois, le gouvernement américain était tenu de gérer les émissions de gaz à effet de serre tout le long de la chaîne d'approvisionnement. En vertu d'un autre décret exécutif révoqué depuis par l'administration Trump, les organismes fédéraux devaient gérer les effets des changements climatiques sur leurs activités grâce à des plans d'adaptation sur mesure.
Le succès de toutes ces mesures était étroitement lié à la surveillance exercée par la Maison-Blanche, par le CEQ et l'OMB. Non seulement est-il important que le gouvernement fédéral prêche par l'exemple, mais le bien-fondé de ces mesures doit être démontré, sur le plan budgétaire ou pour répondre à un autre besoin opérationnel de l'organisme. Par exemple, le gouvernement américain a été l'un des premiers à adopter et à favoriser la construction écologique générant des économies budgétaires à long terme. De même, ces décrets exécutifs encourageaient les organismes fédéraux à signer des contrats de rendement en matière d'économies d'énergie, tel que les y autorise la loi fédérale. Ce genre de contrat permet aux organismes fédéraux de conclure des ententes à long terme sans incidence sur les budgets avec des tierces parties pour se garantir des économies d'énergie sans coûts initiaux qui seraient ensuite compensés par les économies d'énergie.
Il y a aussi les bases militaires qui ont établi des collaborations avec des tierces parties pour mener à bien des projets d'énergie renouvelable visant à s'alimenter en électricité. Outre les avantages environnementaux qu'ils procurent, ces projets augmentent la résilience de la base et enrichissent son infrastructure essentielle en cas de panne du réseau d'électricité. Le département de la Défense et les services militaires sont ceux qui consomment le plus d'énergie au sein du gouvernement des États-Unis.
Pour conclure, malgré le recul attribuable à l'administration Trump, le gouvernement des États-Unis continue d'avancer vers l'atteinte de ses objectifs d'écologisation. Chaque progrès vers la durabilité, de la part du gouvernement américain, aidera les États-Unis à atteindre leurs objectifs généraux. Ces mesures ont des avantages budgétaires et opérationnels pour les organismes fédéraux. Elles permettent par ailleurs que le gouvernement américain continue de prêcher par l'exemple comme il le fait depuis des décennies.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous faire part de ces quelques réflexions.
Chers collègues, j'aurais quelques questions d'ordre administratif à régler avant d'aller plus loin.
Premièrement, il y a un témoin supplémentaire qui comparaîtra devant nous aujourd'hui, mais dont le nom ne figure pas à l'ordre du jour que vous avez reçu. Nous accueillons Mme Hannele Pokka, qui représente le gouvernement de la Finlande. J'espère que la seule raison pour laquelle le nom de Mme Pokka ne figure pas à l'ordre du jour, c'est que nous n'avons été informés de sa disponibilité qu'à 7 h 15 ce matin, ce qui nous laissait tout juste le temps d'établir avec elle une connexion par vidéoconférence.
Je vous souhaite la bienvenue parmi nous.
Je m'excuse à tous les membres du Comité du fait qu'elle ne figure pas à l'ordre du jour.
Enfin, j'aurais dû soulever la dernière question administrative que je souhaite régler dès le début de la séance. Nous devons organiser un peu les travaux du Comité aujourd'hui, donc vers 10 h 15, soit 30 minutes avant la fin de la réunion, je vous demanderais que nous mettions un terme à cette partie de la séance pour pouvoir discuter des travaux du Comité. Nous avons quelques détails à régler et décisions à prendre.
Sur ce, je donne la parole à Mme Pokka, qui comparaît depuis la Finlande. Elle est secrétaire permanente au ministère de l'Environnement.
Madame Pokka, la parole est à vous.
:
Merci. Je suis ravie de comparaître devant vous.
Allô, Canada. C'est pour moi un grand plaisir de vous voir tous et toutes de l'autre côté de l'écran. C'est une période très intéressante pour vous présenter un exposé de la Finlande, parce qu'il y a quelques semaines à peine, notre premier ministre et notre gouvernement ont démissionné, et il y aura chez nous des élections parlementaires le 14 avril. J'écoute ce que les partis et les candidats ont à dire en vue des prochaines élections, et c'est incroyable de constater à quel point le sentiment est universel, en Finlande: il faut passer résolument à l'action pour freiner les changements climatiques.
En fait, la plupart des stratégies et des pratiques exemplaires dont je m'apprête à vous parler ont déjà été adoptées par le Parlement, donc elles reçoivent un très vaste appui.
Premièrement, je dois dire que pour combattre les changements climatiques et favoriser la bioéconomie circulaire, la Finlande a pour objectif à long terme de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 80 % d'ici 2050 comparativement aux niveaux de 1990. Le gouvernement finnois s'est également donné pour objectif que la Finlande atteigne le statut carboneutre d'ici 2045. Des mesures importantes sont déjà en oeuvre. Par exemple, le Parlement finnois vient tout juste d'adopter une loi selon laquelle il sera interdit d'utiliser du charbon pour produire de l'énergie à compter de juin 2029.
La Finlande participe au Système d'échange d'émissions de l'UE et s'est dotée de cibles ambitieuses en vue de 2030. Elle compte ainsi réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans ce qu'on appelle le secteur du partage des efforts de 39 % par rapport aux niveaux de 2005. Le « secteur du partage des efforts » englobe les transports, la construction, l'immobilier et l'agriculture.
La Finlande espère également être en tête de peloton de l'économie circulaire d'ici 2025. C'est un principe directeur du plan de la Finlande vers l'économie circulaire, qui a été préparé conjointement par les ministères compétents et d'autres parties prenantes pour saisir les occasions que présente l'économie circulaire.
Nous avons déjà amorcé la transition vers une économie plus circulaire. De nouvelles entreprises bouclent la boucle dans le cycle de vie des produits. Par exemple, l'enfouissement a beaucoup diminué, alors que le recyclage et la réutilisation gagnent du terrain. De même, comme vous le savez, la Finlande jouit d'un couvert forestier important. Nous avons aussi beaucoup d'usines de pâtes et papiers. Aujourd'hui, ces usines se qualifient elles-mêmes de centres de bioéconomie, parce que rien ne s'y perd: tous les produits dérivés sont utilisés et transformés en nouveaux produits comme du biocarburant. C'est donc cela aussi, l'économie circulaire.
Je vous toucherai quelques mots des objectifs de développement durable, les ODD, pour 2030. La Finlande participe, par divers objectifs internationaux de développement durable, à différentes stratégies, et nous avons depuis déjà longtemps une commission nationale du développement durable présidée par notre premier ministre. Mais plutôt que de se doter d'un document stratégique classique, la commission nationale du développement durable a décidé de présenter un engagement social envers le développement durable. Il s'intitule La Finlande que nous voulons d'ici 2050. Selon cet engagement, le secteur public et les autres acteurs promettent de favoriser le développement durable dans toutes leurs activités. Ainsi, différents acteurs et organisations du secteur public ont déjà pris presque 2 000 engagements personnels, afin de chercher à atteindre les objectifs de développement durable dans le cadre de leurs fonctions ou de leurs pouvoirs.
De même, dans le budget annuel que le gouvernement dépose au Parlement, il présente un sommaire de ce qui a été fait, concrètement, pour atteindre les ODD au cours de l'année et de ce qu'il compte faire au cours de la suivante.
J'ai deux exemples à vous donner de moyens que le gouvernement prend pour rendre ses activités plus vertes. L'un émane de mon ministère, le ministère de l'Environnement. Nous avons aussi des partenaires — pas tous les ministères, mais beaucoup — qui ont des bureaux certifiés par le World Wildlife Fund, le WWF. La certification bureau vert aide les bureaux à réduire leur empreinte carbone, à utiliser les ressources naturelles judicieusement et à protéger la biodiversité.
Dans mon bureau, nous pouvons faire le suivi de toutes les mesures déjà prises, comme les économies de papier, les mesures pour accroître notre efficacité énergétique et peut-être la réduction des déplacements en avion. L'écologisation du gouvernement passe aussi par l'approvisionnement public, probablement comme au Canada, d'ailleurs. En Finlande, la valeur de l'approvisionnement public est de plus de 30 milliards d'euros par année, ce qui correspond à environ 16 % de notre PIB.
Le gouvernement a pris une décision de principe et s'est doté d'objectifs en matière d'approvisionnement public. Ce sont de bons objectifs, mais l'outil tangible qui nous sert le plus est celui établi entre les ministères compétents. C'est un genre de centre d'excellence en réseau, dont le but est d'élever l'ambition et l'expertise des différents acteurs, puis d'influencer l'approvisionnement en favorisant la durabilité et la circularité. Ce travail n'est pas exclusif au gouvernement d'État ni à ses ministères, puisque les municipalités et les entreprises locales prennent aussi de grandes décisions en matière d'approvisionnement public.
Pour terminer, je mentionne que nous présiderons le conseil de l'Union européenne du début juillet jusqu'à la fin de l'année. Nous nous préparons en conséquence. L'un des problèmes qui nous préoccupent, toutefois, c'est que nous savons que pendant que nous en assumerons la présidence, le nombre de déplacements aériens des politiciens et des membres des services secrets de l'Europe augmenteront entre Bruxelles et Helsinki. Ainsi, en vue de sa présidence, le gouvernement prévoit compenser les émissions de CO2 associées à ces voyages en avion. Par ailleurs, nous prévoyons conserver ce système compensateur au-delà de notre présidence.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames et messieurs les parlementaires.
Nous sommes trois représentants de la France, aujourd'hui. Je m'appelle Elise Calais, et je suis sous-directrice à la Sous-direction de la responsabilité environnementale des acteurs économiques.
Je suis accompagnée de Mme Corinne Fritsch, qui est chef par intérim du bureau de l'exemplarité du secteur public dans ma sous-direction. C'est le volet interministériel de la politique publique dont nous allons vous parler, c'est-à-dire que nous sommes responsables de la stratégie à l'échelle de l'ensemble du gouvernement et des ministères.
Je suis également accompagnée de M. Jean-Baptiste Trocmé, qui représente le Secrétariat général du ministère. Il s'occupe en réalité de la mise en œuvre de cette politique publique en ce qui concerne le ministère que nous représentons tous les trois, soit le ministère de la Transition écologique et solidaire.
D'abord, en quoi consiste l'administration exemplaire en France? L'article 6 de la Charte de l'environnement, qui est une partie de la Constitution française depuis mars 2005, prévoit que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »
Ce sont ces principes en matière d'administration et de commandes publiques que nous souhaitons mettre en œuvre au moyen de ces politiques. Le dispositif dont nous disposons semble en réalité très proche de ce qui peut exister dans d'autres pays, notamment de ce qui a été présenté à l'instant pour la Finlande. Cela veut dire que nous avons une série de politiques publiques qui sont décidées au niveau du gouvernement et qui sont ensuite mises en œuvre par les différents ministères.
La France dispose de 50 000 autorités adjudicatrices, c'est-à-dire les services de l'État, mais aussi les collectivités territoriales, soit les régions, les départements, les communes et les établissements de coopération intercommunaux ainsi que les établissements publics tels que les hôpitaux, les tribunaux et les universités. Elles représentent environ 15 % du produit intérieur brut de la France. Le rôle des administrations est donc majeur pour réussir la transition écologique, notamment vers une économie circulaire.
Le fondement de la politique interministérielle dont nous sommes responsables est une circulaire du premier ministre de la France du 17 février 2015 demandant à chaque ministère l'adoption d'un plan ministériel d'administration exemplaire en fixant un certain nombre de principes. Il demande également à ces ministères de faire un rapport annuel sur la base d'un certain nombre d'indicateurs.
Je vous donne des exemples. D'abord, il y a la proportion de véhicules à faibles émissions qui sont acquis dans le cadre des achats publics, c'est-à-dire le pourcentage de véhicules qui seront achetés par les administrations et qui seront électriques ou peu polluants, selon d'autres critères. Un autre indicateur est le ratio entre la quantité de papier recyclé utilisé dans les administrations et la quantité totale de papier consommé. Un autre exemple est la consommation annuelle d'eau ou encore d'énergie par les bâtiments publics.
Ces politiques sont en place depuis 2008. Il faut savoir qu'en fait, tous ces plans ministériels reposent aussi sur un certain nombre d'obligations imposées à l'ensemble des administrations. Je vous donne un exemple. Les services de l'État ont l'obligation de faire, tous les trois ans, un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, que ce soit lié à la consommation de leurs bâtiments, à la politique de transport de leurs agents ou à toute autre raison pour laquelle ils produiraient des gaz à effet de serre. En France, par exemple, les entreprises sont également soumises à ce bilan, mais tous les quatre ans.
Un autre exemple est le fait que toutes les grandes stratégies nationales sont déclinées dans ces obligations données aux administrations. Ainsi, la France a lancé par la voie de son gouvernement une feuille de route pour l'économie circulaire en mars 2018.
Une partie des engagements qui ont été pris concernent l'administration pour ce qui est, entre autres, du papier recyclé, de la réutilisation de téléphones portables et des pneus rechapés, c'est-à-dire l'utilisation de pneus usagés pour les véhicules de l'administration.
En juillet 2018, nous avons également adopté un plan en faveur de la biodiversité. De la même manière, ce plan comporte un volet pour l'administration publique.
Voici un dernier exemple. En novembre 2018, notre gouvernement, suivant une approche interministérielle, a adopté une stratégie nationale contre la déforestation importée. Encore une fois, il y a un volet d'obligation qui concerne l'administration exemplaire.
Toutefois, ce dispositif n'est pas forcément entièrement satisfaisant aujourd'hui. En effet, on s'aperçoit qu'il existe un grand nombre d'obligations dans la réglementation, mais que celles-ci ne sont malheureusement pas toujours suivies d'effets, notamment parce que nous manquons de dispositifs de sanction pour tirer les conséquences de l'absence d'application de ces dispositifs. En outre, il arrive que nous n'ayons même pas l'information nous indiquant si ces dispositifs sont suivis ou non.
La circulaire de février 2015, dont je parlais plus tôt, demandait à tous les ministères de fournir à notre service un rapport annuel sur le suivi de leur plan d'action ministériel, notamment sur les indicateurs ayant été précisés. Nous nous rendons compte qu'en pratique, un certain nombre de ministères ne nous fournissent jamais ces rapports. Au démarrage du dispositif, nous avions un dispositif financier de type bonus-malus. Nous ne nous sommes pas fait que des amis au sein des autres ministères avec ce dispositif. Aujourd'hui, il a été abandonné. Évidemment, les rapports nous étaient remis quand il y avait une pénalité financière à la clé.
Le deuxième volet de cette politique d'État exemplaire est celui du Plan national d'action pour les achats publics durables 2015-2020. Là encore, il s'agit d'un plan interministériel. Nous avons fixé un certain nombre d'objectifs pour 2020. Il faudrait, par exemple, qu'au moins 30 % des marchés publics conclus au cours de l'année comprennent au minimum une clause environnementale ou encore que — toujours pour 2020 —, dès la définition du besoin auquel on souhaite répondre, 100 % des marchés fassent l'objet d'une analyse approfondie visant à déterminer si les objectifs de développement durable peuvent être pris en compte dans le marché. C'est l'État exemplaire en action en matière d'économie d'énergie et d'électricité.
Enfin, nous avons pour 2020 un objectif voulant que 80 % des organisations effectuant des achats de papier, d'appareils d'impression, de fournitures, de mobilier, de vêtements et de matériel de bureautique prennent en compte la fin de vie de ces produits, que ce soit dans les modalités d'exécution du marché ou dans une démarche globale de gestion de la fin de vie. Cela peut inclure du recyclage, du réemploi ou du traitement des déchets. Nous en sommes vraiment à une étape de transition vers une économie totalement circulaire. Ces objectifs ont été définis pour 2020. Or 2020, c'est déjà demain. Nous avons d'ores et déjà décidé, pour la prochaine période de cinq ans, soit 2020-2025, de relancer un plan interministériel. Nous démarrons les travaux en collaboration avec un certain nombre d'acteurs.
Nous avons aussi un dispositif de remise de trophées lié aux commandes publiques sur lequel j'attire votre attention parce qu'il fonctionne très bien. Nous récompensons chaque année, dans un certain nombre de catégories, des acteurs qui ont été particulièrement exemplaires quant à la manière dont ils ont conclu des marchés publics et dont ils ont rédigé des clauses leur ayant permis d'atteindre des objectifs concernant le rejet d'émissions de CO2 ou de gaz à effet de serre, l'économie circulaire, la sobriété des pratiques, et ainsi de suite.
Nous avons aussi un répertoire des clauses touchant les marchés publics, que les acteurs peuvent échanger. Nous avons mis sur pied une organisation décentralisée d'échanges entre les acteurs, parce que nous pensons que beaucoup de choses reposent sur l'échange d'expérience. Des acheteurs convaincus peuvent faire beaucoup à leur petite échelle. Il est très intéressant de pouvoir reproduire les bonnes pratiques, qu'il s'agisse de la rédaction de clauses juridiques pour des appels d'offres dans le cadre de marchés publics ou de bonnes pratiques de volontariat. On peut penser, par exemple, au covoiturage à l'intérieur des administrations, à des pratiques visant l'économie d'eau ou d'électricité ou au verdissement des paysages.
J'ai fini la présentation du volet interministériel, donc gouvernemental, portant sur le dispositif. Je laisse maintenant la parole à mon collègue Jean-Baptiste Trocmé, qui va vous parler de l'aspect lié à notre ministère en matière d'exemplarité.
Merci.
Au sein du ministère, nous avons repris ce socle et nous travaillons à une mise en oeuvre plus précise. J'aborderai le point de vue de la méthodologie.
Sur ces sujets, je rappelle qu'il y a énormément de changements à effectuer et qu'il est important et beaucoup plus simple de partager les efforts et de mettre en commun les innovations et les retours d'expériences. Le ministère insiste énormément sur ce point.
À titre d'exemple, nous travaillons avec un réseau de correspondants dans chacune de nos directions en région, au plus proche de nos territoires. Nous les réunissons régulièrement pour discuter des difficultés qu'ils ont connues ou, au contraire, des politiques qui ont eu des effets positifs. L'idée est de préparer une sorte de boîte à outils commune pour faciliter le travail de tous. Il s'agit d'un objectif d'action volontaire et d'une approche horizontale qui n'est pas dans nos habitudes, mais qui donne de bons résultats.
Pour terminer, je dirai que nous attachons une attention toute particulière à l'adhésion des agents des différents ministères — y compris le nôtre — à ces politiques. Il faut trouver le juste équilibre entre le prescriptif, c'est-à-dire les objectifs contraignants qui sont imposés, et le participatif, où les agents et les chefs de service sont eux-mêmes convaincus du bien-fondé de ce qui leur est demandé et s'empressent de le mettre en oeuvre. Nous essayons de nous compléter en alliant réglementation et éléments plus terre à terre qui reposent beaucoup plus sur la communication. Ainsi, nous expliquons pourquoi nous demandons quelque chose et quels en sont les effets attendus. Nous essayons de promouvoir de bons exemples qui ont connu du succès ailleurs: quel problème est survenu, de quelle façon a-t-il été résolu, et quels résultats cela a-t-il donnés? Si l'on rassemble tous ces résultats, on peut réussir énormément de choses.
C'est ce que je souhaitais illustrer en complément d'information.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici.
Je voudrais d'abord formuler des observations générales sur ce sujet.
[Français]
Dans un premier temps, je tiens à souligner que notre conversation de ce matin a un effet environnemental neutre. Nous avons des gens de partout dans le monde, notamment de la Californie, de la Finlande et de la France, que nous entendrons par voie de vidéoconférence ici, à Ottawa. Aucun avion n'a été nolisé et aucune consommation d'essence extrême n'a été faite pour que nous puissions participer à cette conversation. C'est une très bonne chose.
Toujours dans les commentaires généraux,
[Traduction]
Je pense que nous avons beaucoup de leçons à apprendre de la Finlande. Madame Pokka est un excellent exemple. Comme tous le savent, le Canada et la Finlande n'ont peut-être pas exactement le même climat, mais ils sont comparables. Au Canada, chacun sait que Victoria n'est pas Québec et que Niagara Falls n'est pas Whitehorse. Mais, au moins, les Canadiens, comme les Finlandais, connaissent l'hiver.
Les leçons de l'expérience de Los Angeles sont également très intéressantes. Je vous salue, madame, pour être avec nous à une heure si matinale. Là-bas, vous êtes, il est quoi, dans les environs de 6 heures? Merci beaucoup de votre participation.
Je tiens à souligner le rôle d'exemple à suivre et ainsi de suite, que chacun attribue à la Californie et, effectivement, je crois que chacun peut apprendre des autres, mais je ferai remarquer que les premières lois ont été adoptées par le président Nixon, en 1970. Nous avons certainement beaucoup parlé d'Obama et aussi d'autres présidents, mais nous devons reconnaître que le premier à avoir fait adopter des lois et des règlements sur les questions d'environnement a été Nixon. Ceux qui l'ont oublié sont tellement nombreux.
[Français]
Je salue nos amis de Paris, en France, avec qui j'aimerais commencer directement cette conversation.
D'abord, merci de parler en français, mesdames et monsieur. Nous allons converser en français, si cela ne vous dérange pas. Je présume que cela vous fait plaisir également.
Vous avez parlé tout à l'heure de l'équilibre entre ce qui doit être contraignant et ce qui doit être participatif. Qui dit contraignant dit mesures de taxation, évidemment. Quant aux mesures participatives, on récompense les efforts faits. Vous avez parlé de récompenser les acteurs exemplaires.
Selon votre expérience en France, qu'est-ce qui est le plus efficace, les mesures contraignantes pour les entreprises ou l'administration publique ou les mesures qui, au contraire, favorisent les efforts et les récompensent?
:
Nous pouvons répondre aux deux volets.
J'aimerais clarifier un point. C'est bien notre partie qui est responsable du dispositif interministériel, et M. Trocmé est responsable du dispositif ministériel. Il pourra compléter ma réponse.
L'équilibre à trouver entre ce qui est contraignant et ce qui se fait de façon volontaire est une très bonne question, qui fait notamment partie de nos interrogations actuelles.
Pour ce qui est de l'aspect contraignant, tout dépend de la capacité de sanctionner que vous avez. C'est d'ailleurs le cas pour n'importe quel dispositif législatif ou réglementaire. Tout dépend des sanctions, si elles existent, si elles sont dissuasives et s'il y a une chance qu'elles soient appliquées.
Aujourd'hui, le dispositif français est très volontariste quant à la quantité d'engagements pris. Je vous donne un exemple. Aujourd'hui, il est théoriquement obligatoire que 50 % des véhicules achetés par l'État soient des véhicules à faibles émissions. En pratique, nous estimons que c'est 12 % en flux et 7 % en stock. On voit bien que le compte n'y est pas. Tout cela est lié au fait qu'on accorde un certain nombre de dérogations aux administrations, dont elles bénéficient au maximum. Concernant l'approche obligatoire, tout dépend de la volonté politique.
Pour ce qui est des mesures de nature volontaire, nous trouvons que c'est une très bonne idée parce qu'elles incitent les gens à ne pas penser seulement aux sanctions, mais aussi à l'intérêt de se doter d'un cercle vertueux et d'avoir des personnes agissant de façon volontaire avec nous.
Merci à tous d'avoir pris le temps d'être avec nous.
Je pourrais profiter de l'aide de la présidence pour qu'elle accorde à chaque groupe de témoins un temps égal.
Je cherche particulièrement des exemples de politiques qui favorisent les investissements publics orientés par une stratégie d'écologisation de l'État pour, par effet de levier, réduire l'empreinte carbone de nos communautés en général.
Supposons que, dans un poste de défense ou dans un groupe d'immeubles fédéraux, on cherchait à exploiter une énergie de rechange, que ce soit l'éolien ou le solaire. On pourrait y faire cavalier seul, en se bornant à ces immeubles, ou unir ses forces à celles d'une communauté locale, pour essayer de réduire, par exemple, l'empreinte carbone de sa consommation d'énergie.
Chez vous, y a-t-il des exemples de l'effet de levier par lequel vous avez pu, grâce à votre stratégie d'écologisation, étendre les effets positifs et réduire les émissions de carbone de l'ensemble de l'économie?
:
Merci, monsieur le député.
J'ai effleuré le sujet tout à l'heure en ce qui a trait à la France. Dans le cadre des marchés publics, nous avons parfois recours à un certain nombre de clauses. Il faut comprendre que nous avons la haute main sur les marchés publics de l'État, mais que beaucoup d'administrations d'hôpitaux et d'universités passent leurs propres marchés publics. Dans certains cas, il s'agit d'obligations et, dans d'autres cas, ce sont des choses que nous incitons à faire. Ainsi, nous incitons chaque acheteur public à inclure dans le marché une clause juridique précisant, par exemple, que s'il achète des tables en bois, il fera en sorte que celles-ci soient issues d'une entreprise de menuiserie dont les pratiques sont durables et qui devra le lui démontrer. Dans l'appel d'offres, pour l'attribution du marché, cela va compter pour 30 %. C'est vraiment ce que nous souhaitons mettre en place. Cela peut pondérer davantage l'aspect environnemental par rapport à celui du prix ou d'autre chose.
Pour ce qui est des bonnes politiques, nous n'avons pas aujourd'hui, au sein de l'État, de pratiques systématiques comme il peut y en avoir sur les marchés, par exemple les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ou ESG, la seconde opinion ou d'autres pratiques de ce genre. Nous n'étudions pas de façon spécifique les controverses qui touchent les entreprises, si c'était là votre question. Il est vrai que cela pourrait être envisagé.
Merci.