OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 mars 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, comme il est 8 h 45, nous allons commencer la séance. Bienvenue à tous.
Deux de nos invités d'aujourd'hui témoigneront par vidéoconférence. Je vous présente d'abord M. John Devitt, administrateur général de Transparency International Ireland, qui se joint à nous par vidéoconférence depuis Dublin. Nous entendrons également M. Tom Devine plus tard ce matin. Il nous a informés qu'il serait en retard de quelques minutes, mais dès qu'il sera là, nous obtiendrons son témoignage aussi. Enfin, nous recevons en personne Mme Joanna Gualtieri, qui représente l'organisme The Integrity Principle.
Chers collègues, nous avons prévu une heure pour ces trois témoins. Je crois comprendre qu'ils feront chacun une brève déclaration préliminaire d'environ 10 minutes. Cela laissera environ 30 minutes pour la période des questions et réponses, ce qui signifie que les membres du Comité auront droit à des interventions de sept minutes, après quoi nous passerons à notre deuxième groupe de témoins.
Monsieur Devitt, nous allons commencer par entendre votre déclaration préliminaire.
Merci, monsieur le président. Je suis très heureux et très honoré de témoigner devant le Comité. Je me ferai un plaisir d'aider le Comité dans ses délibérations sur la réforme du régime canadien de protection des dénonciateurs. Je vous expliquerai brièvement comment l'Irlande en est venue à adopter la Protected Disclosures Act, puis je vous présenterai les principales dispositions de la loi et certaines de nos observations sur les répercussions éventuelles de cette mesure législative ici, en Irlande.
En guise d'introduction, je suis l'administrateur général de Transparency International en Irlande. Nous travaillons sur le dossier de la protection des dénonciateurs depuis maintenant près de 10 ans. En 2011, nous avons lancé le tout premier service d'écoute téléphonique gratuit pour les lanceurs d'alerte en Irlande, et nous avons aidé environ 900 personnes jusqu'ici. Nous avons également aidé le gouvernement irlandais à rédiger, en 2014, la Protected Disclosures Act. Nous donnons des avis au Conseil de l'Europe, à l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime et à d'autres organismes, et nous offrons de l'aide à d'autres gouvernements dans le cadre de leurs délibérations sur la protection des dénonciateurs.
Nous avons commencé à étudier cette question en profondeur en 2009, puis nous avons publié une évaluation de la législation en Irlande. Jusqu'en 2014, environ 18 mesures législatives régissaient la façon dont les gens devaient signaler un problème et les types de protection dont ils bénéficieraient s'ils devaient faire une dénonciation. Nous avons constaté que les lanceurs d'alerte jouissaient de divers degrés de protection, selon leur domaine et le type d'actes répréhensibles signalés. Ainsi, on pouvait signaler une infraction à la Pensions Act, à la Chemicals Act ou à la Communications Regulation Act, mais jusqu'en 2013, si une personne travaillait dans une banque, elle n'avait pas la possibilité de faire une dénonciation ou de signaler une inconduite, sachant que si elle subissait des représailles, de façon officielle ou non, elle n'aurait pas le droit de demander réparation.
Ce n'est pas avant l'effondrement du secteur bancaire irlandais en 2008 que le gouvernement irlandais a pris au sérieux le dossier de la protection des dénonciateurs. Transparency International faisait campagne depuis un certain temps. En 2010, nous avons publié un rapport, qui a permis de dégager un certain consensus entre les partis sur la nécessité d'une protection plus solide des dénonciateurs. Nous réclamions l'adoption d'une mesure législative semblable à celle adoptée par le Royaume-Uni depuis 1999, c'est-à-dire une loi qui accorderait une protection aux dénonciateurs, peu importe l'acte répréhensible signalé ou le secteur d'activité. Nos efforts ont donné lieu à la Protected Disclosures Act en 2014.
La loi repose sur des pratiques exemplaires au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et ailleurs. Elle met l'accent sur la dénonciation en milieu de travail. Elle s'applique à tous les secteurs de l'économie. Elle protège toute personne qui a des raisons de croire que ce qu'elle signale est vrai. Les divulgations de faux renseignements ne sont pas protégées ou, devrais-je dire, s'il est établi que la personne savait que les allégations étaient fausses, sa divulgation ne sera pas protégée. Toute personne peut se prévaloir des mesures de protection, à condition de prouver qu'elle a des raisons de croire que ce qu'elle dénonce est vrai, même s'il appert que les renseignements communiqués sont faux ou trompeurs.
Les divulgations antérieures sont également protégées; autrement dit, toute divulgation de renseignements liés à un acte répréhensible commis avant 2014 bénéficie d'une protection. Une des particularités de la loi, c'est qu'il s'agit de la première loi à supprimer l'exigence de faire preuve de bonne foi; donc, la motivation du dénonciateur ne compte pas.
De plus, il n'y a pas de critères d'intérêt public dans la loi. Il suffit de montrer qu'on avait des raisons de croire que les actes répréhensibles visés par la loi étaient commis ou susceptibles d'être commis.
Tous les travailleurs sont protégés, à l'exception des bénévoles, mais nous aimerions que cet aspect soit abordé dans un examen futur de la loi. Sont également protégés les entrepreneurs, les travailleurs d'organismes, les apprentis et les stagiaires hospitaliers. Il suffit d'établir que l'information communiquée est pertinente. La loi définit clairement ce qu'on entend par information pertinente, en fonction du type d'actes répréhensibles décrits dans la loi.
De plus, l'information doit être liée au travail du dénonciateur ou du travailleur. Là encore, tant que la personne a des raisons de croire que cette information est vraie, elle sera protégée.
Les types d'actes répréhensibles visés correspondent à ce qu'on trouve dans la Public Interest Disclosure Act du Royaume-Uni. Cela comprend les infractions, les manquements à une obligation légale, l'erreur judiciaire, les problèmes de santé et de sécurité, les dommages à l'environnement, l'utilisation illégale ou inappropriée de fonds publics, l'oppression, la discrimination ou la négligence grave par un organisme public et la dissimulation d'information concernant tout acte répréhensible que je viens de mentionner.
Comme autre mesure de protection, les travailleurs ne peuvent pas être congédiés ou pénalisés injustement. Cela pourrait inclure l'intimidation, de même que la mutation, les sanctions officieuses et l'ostracisme au travail. L'employeur a le fardeau de veiller à ce que le travailleur ne soit pas intimidé ou qu'il ne subisse aucun tort ou préjudice à la suite d'une divulgation protégée.
Autre particularité unique: la loi irlandaise prévoit le droit d'action en matière de responsabilité délictuelle, de sorte qu'une personne puisse demander réparation devant les tribunaux lorsqu'elle estime avoir subi un tort après avoir fait une divulgation protégée. En outre, une personne a le droit de prendre des mesures contre quiconque lui cause du tort lorsqu'une divulgation, protégée ou non, a été faite par quelqu'un d'autre, comme un membre de la famille ou un collègue, et que la personne a elle-même subi des répercussions à la suite de cette divulgation. Par exemple, un individu pourrait être soupçonné d'avoir fait une divulgation protégée, mais il en subit les conséquences même s'il n'était pas le dénonciateur. Les lanceurs d'alerte se voient accorder une immunité civile et pénale pour avoir fait une divulgation protégée, et leur identité ne peut être communiquée sans motif valable.
Qui plus est, la loi accorde un redressement provisoire aux dénonciateurs. Dans les 21 jours suivant la réception d'un avis de congédiement possible et s'ils croient que leur congédiement est une conséquence directe d'une divulgation protégée, ils peuvent demander réparation devant les tribunaux inférieurs. Les instances inférieures peuvent empêcher que leur employeur les congédie et elles peuvent ordonner à l'employeur de les réembaucher et de les garder sur la liste de paye jusqu'à ce que leur cas soit porté devant les tribunaux du travail, en l'occurrence la commission des droits en milieu de travail.
Les employeurs doivent s'abstenir de congédier ou de pénaliser les personnes qui font des divulgations protégées, de leur causer du tort ou de permettre à d'autres de le faire. Encore une fois, ils ont l'obligation de protéger l'identité des dénonciateurs. Ils ne peuvent pas non plus se dégager de leurs obligations par voie contractuelle; autrement dit, ils ne peuvent pas inclure des dispositions d'encadrement dans les contrats ou des ententes sur les engagements postérieurs à l'emploi dans les accords de règlement. Les employeurs du secteur public doivent mettre en place des mesures de protection et des procédures. Chaque organisme public doit disposer de politiques et de procédures, en plus d'indiquer au ministère pertinent le nombre de cas portés à son attention et les mesures prises.
Par ailleurs, un dénonciateur peut signaler une situation à son employeur, au ministère pertinent, s'il travaille au sein d'un organisme public, ou à un conseiller juridique. Dans pareils cas, il suffit de montrer qu'on a des raisons de croire que des actes répréhensibles ont été commis. Si les dénonciateurs sont convaincus que leur employeur prend ou prendra leurs inquiétudes au sérieux ou s'ils ont des motifs de croire que l'information qu'ils vont divulguer est vraie en substance et que leurs allégations sont fondées, ils peuvent communiquer avec l'organisme désigné, qui est généralement un organisme de réglementation chargé d'un organisme particulier.
Dans l'éventualité où ils ne font pas confiance à leur employé ou à l'organisme désigné, s'ils estiment que leur préoccupation pourrait entraîner des représailles, s'ils peuvent prouver qu'ils ne profitent pas personnellement de la divulgation, sous réserve d'autres circonstances ou conditions en fonction des préoccupations soulevées, et s'il y a lieu de croire que ces inquiétudes sont raisonnables dans tous les cas, ils peuvent en faire part à un journaliste ou à un député.
Monsieur Devitt, malheureusement, je vais devoir vous interrompre. Nous avons dépassé de beaucoup les 10 minutes allouées aux déclarations préliminaires, et nous voulons nous assurer que nos collègues auront l'occasion de poser des questions. Si vous n'avez pas pu communiquer certains renseignements, je suis sûr que vous aurez l'occasion d'y revenir en grande partie durant la période des questions et réponses. Je m'excuse de l'interruption.
Monsieur Devine, je crois comprendre que vous vous êtes joint à nous depuis Washington?
Nous allons passer tout de suite à votre témoignage. Nous vous demandons de faire une déclaration préliminaire de 10 minutes ou moins. Ce sera suivi d'un autre exposé ici, à Ottawa, après quoi les membres du Comité poseront leurs questions.
Si vous êtes prêt à faire votre déclaration préliminaire, je vous cède la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est pour moi un honneur de participer à la séance d'aujourd'hui. La protection des divulgateurs s'inscrit véritablement dans la foulée d'une révolution juridique qui s'opère à l'échelle mondiale. Trente-cinq pays et six organisations intergouvernementales, dont les Nations unies, l'Organisation des États américains et la Banque mondiale, disposent maintenant de politiques en matière de protection des divulgateurs. En 1989, les États-Unis étaient le seul pays à avoir adopté une telle politique. Notre groupe, le Government Accountability Project, a rédigé ou édicté 33 politiques ou lois américaines ou internationales en la matière, ce qui a permis d'aider 8 000 divulgateurs depuis 1977. Nous parlons donc en connaissance de cause.
Voici la principale leçon que nous avons tirée: des droits faibles sont contre-productifs. Lorsque les droits sur papier ne correspondent pas à la réalité, ils augmentent l'effet dissuasif et le culte du secret. Par conséquent, des organisations comme le Conseil de l'Europe, l'Organisation de coopération et de développement économiques et des groupes comme le nôtre ont élaboré des pratiques exemplaires qui permettent de faire la distinction entre des lois efficaces sur la protection des divulgateurs, que l'on surnomme des « boucliers en métal », et des lois inefficaces, soit des « boucliers en carton ». Si vous allez au combat, munis d'un bouclier en métal, c'est dangereux, mais vous avez au moins une chance de survivre. Par contre, si vous utilisez un bouclier en carton, vous ne vous en sortirez pas vivants.
Malheureusement, la loi canadienne est un bouclier en papier, car elle représente le plus petit dénominateur commun sur la scène mondiale. Les droits qui y sont prévus ne sont même pas à la hauteur de ceux en vigueur dans des pays africains, comme la Zambie ou le Ghana, ou dans d'anciens pays communistes comme la Serbie. Si on utilise les 20 critères d'évaluation qui font consensus, la loi ne remplit qu'un critère et demi, ce qui lui donne une note d'environ 15 %. Examinons pourquoi il en est ainsi.
Le premier critère est le contexte des droits de liberté d'expression, dépourvus d'échappatoires. Les échappatoires arbitraires qui sont fondées sur la formalité, le contexte, les délais ou l'auditoire diluent le potentiel de la loi au chapitre de la responsabilisation. Elles empêchent la libre circulation de l'information nécessaire à la reddition de comptes. Elles créent aussi de la confusion et de l'incertitude lorsqu'une dénonciation est sans danger, ce qui cause un effet dissuasif. Cette loi ne protège pas les dénonciations faites à des collègues, alors qu'elles sont nécessaires au devoir de faire des divulgations responsables aux forces de l'ordre, au Parlement, au public ou aux médias, sauf dans des circonstances symboliques.
Le deuxième critère dont je tiens compte — et je vais en examiner une dizaine parmi les 20 critères les plus fondamentaux —, c'est le sujet visé par les droits de liberté d'expression, dépourvus d'échappatoires. Il va sans dire qu'une telle loi doit protéger la divulgation de toute inconduite qui trahit la confiance du public. La loi ne couvre pas la catégorie fourre-tout applicable aux lois sur la protection des divulgateurs ou à toute loi anticorruption ou, encore, l'abus de pouvoir qui trahit la confiance du public, même si cela pourrait s'avérer techniquement illégal. Elle ne couvre même pas les règlements du Conseil du Trésor, qui sont importants pour l'approvisionnement.
Le troisième critère porte sur la protection contre les représailles. Il faut tout un village — témoins d'appui, deuxième avis d'expert, examen par les pairs — pour assurer une dénonciation efficace et responsable. Cette loi ne protège pas ceux qui aident les divulgateurs ou ceux qui sont pris à tort pour des divulgateurs.
Passons maintenant à certains critères qui sont très importants pour l'infrastructure. L'un d'entre eux concerne la protection des divulgateurs contre les ordonnances imposant le secret. Pour qu'une loi soit efficace, elle doit primer sur, ou annuler, toute règle préalable ou future qui contredit les droits de liberté d'expression ou qui a préséance sur eux. Ces droits ne peuvent être modifiés qu'en apportant des modifications à la loi elle-même. Or, la loi dont nous sommes saisis offre une protection uniquement contre les restrictions parlementaires. Les ordonnances imposant le secret, délivrées par des organismes, peuvent annuler les lois nationales au moyen de contrôles internes. Dans le contexte des règlements, de telles ordonnances peuvent dissimuler l'illégalité de menaces à la santé ou à la sécurité publiques, ce qui est inacceptable dans une loi sur la transparence.
Allons au coeur de cette loi et examinons les services de soutien essentiels pour les droits sur papier, qui consistent à prévoir une réparation au moyen d'enquêtes informelles, en l'occurrence, par l'entremise d'ISPC. Il est très important d'assurer un moyen légitime de régler une affaire comme solution de rechange aux procédures régulières que de nombreux divulgateurs sans emploi ne peuvent pas se permettre.
Mais avec cette loi, avec ce Commissariat à l’intégrité du secteur public, l'ISPC, et son commissaire, les divulgateurs ont un organisme d'enquête inoffensif qui ne peut même pas demander de preuve de représailles, un organisme qui se fait donner un chèque en blanc pour ne pas se pencher sur les cas des plaignants ou sur leurs droits, qui jouit d'une immunité pour les gestes qu'il pose et qui travaille dans un secret complet. Tout cela pour renforcer une loi sur la transparence.
Passons au critère suivant, c'est-à-dire le droit de se faire entendre par un tribunal. C'est la fondation de tout droit crédible: le droit à une application régulière de la loi en ce qui concerne la présentation des preuves et la confrontation des accusateurs devant des tribunaux réservés aux questions les plus lourdes de conséquences de la société. Il s'agit ici d'une loi sur les divulgateurs et elle ne leur donne même pas la garantie qu'ils pourront se faire entendre. Le commissaire d'ISPC doit porter plainte pour les commissaires et il n'a pas défendu un seul cas en cour depuis plus de 10 ans.
Il ne devrait pas y avoir de confusion. L'absence de dispositions pour garantir une application régulière de la loi est la raison principale pour laquelle cette loi n'est pas légitime. Les droits évoqués dans la loi ne seront crédibles que lorsque les divulgateurs auront droit à une application régulière de la loi, qu'ils auront la possibilité de défendre leur cause. En fait, la loi fait table rase des recours aux tribunaux existants et se présente comme seul recours possible.
Le dernier critère pour une infrastructure efficace, c'est le fait de pouvoir utiliser des normes juridiques réalistes pour prouver la violation des droits. Ce sont les caractéristiques les plus importantes de la loi. Elles fixent les règles du jeu sur le bien-fondé de la cause. Ce sont elles qui indiquent l'ampleur de la preuve qu'il faut présenter pour recevoir une protection, ainsi que l'ampleur de la preuve que chaque partie devra produire pour gagner.
En ce qui concerne le bien-fondé de la protection, le processus généralement reconnu est l'analyse de la « croyance raisonnable ». Il s'agit d'établir de manière objective si l'information est crédible pour quelqu'un d'autre qui aurait des connaissances semblables ou une expérience semblable. Manifestement, un divulgateur peut se tromper, même si aucune loi n'empêche de divulguer sciemment de faux renseignements.
En revanche, la loi se sert d'une norme dépassée, celle de la « bonne foi ». Cette norme a été rejetée, d'abord parce qu'elle est subjective, ce qui peut avoir un effet dissuasif, et ensuite parce que, dans bien des cas, on se retrouve à faire le procès des motifs des divulgateurs bien plus que des actes répréhensibles qu'ils cherchent à dénoncer. Bien que les motifs sont importants pour établir la crédibilité de la preuve, ils sont absolument inutiles pour décider si la divulgation de renseignements devrait être protégée. L'objectif des lois sur les divulgateurs est de maximiser la libre circulation des renseignements que pourraient fournir l'ensemble des témoins susceptibles d'aider le public et non de porter des jugements moraux au sujet de ce qui pousse quelqu'un à dénoncer des actes répréhensibles.
L'autre partie des normes juridiques est la charge de la preuve. Dans presque toutes les lois modernes sur les divulgateurs, il y a un renversement de la charge de la preuve en deux parties. Pour le divulgateur, la charge de la preuve consiste à montrer qu'il y a un lien entre l'activité protégée et le préjudice, que le geste a été posé, à tout le moins, pour des raisons illégales. Lorsque cela se produit, la charge de la preuve est renversée et c'est alors à l'employeur de prouver qu'il a agi pour des raisons légales indépendantes de la liberté d'expression. Cette charge de la preuve réversible en deux parties est la norme dans presque toutes les lois modernes sur les divulgateurs.
La loi du Canada ne dit rien sur le fardeau de la preuve. Ce que j'ai retenu de mes échanges avec les ONG ici présents, c'est que, dans les faits, le fardeau de la preuve ne s'applique qu'au divulgateur, ce qui rend l'exercice de dénonciation encore plus ardu.
Outre la question de l'infrastructure, il faut un échéancier raisonnable pour permettre aux personnes concernées de procéder correctement. Il faut parfois énormément de temps pour trouver un bon avocat et pour préparer la preuve qui permettra d'intenter un procès gagnant. Du reste, avec un délai de prescription court, il se peut que les employés ne s'aperçoivent qu'ils ont des droits que lorsqu'il sera trop tard pour s'en prévaloir. Le délai minimum est de six mois. Cette loi donne 60 jours.
Quelle que soit la loi sur les divulgateurs, quel est le but recherché ultimement? C'est un soulagement pour celui qui gagne, mais, à moins que la loi ne s'engage à « remettre la partie lésée dans sa position antérieure » afin d'indemniser le divulgateur pour tous les dommages directs et indirects découlant des représailles, la personne se retrouvera perdante même si elle gagne, et la loi ne fera qu'ajouter à la douche froide. Cela doit aussi comprendre les frais judiciaires, comme le coût de l'avocat qu'il vous faudra embaucher pour avoir la chance de vous défendre. Cette loi ne dit rien sur le principe qui consiste à « remettre la partie lésée dans la position antérieure », et ses seules dispositions sur les frais d'avocat sont symboliques et dérisoires.
Maintenant, penchons-nous sur les dispositions pour prévenir les représailles et sur la responsabilité personnelle en la matière. Sans de telles dispositions, par l'intermédiaire de la responsabilisation...
Monsieur Devine, je m'excuse de vous interrompre. Vous avez déjà pris plus de temps que celui qui vous avait été donné, alors je vais vous demander de conclure très rapidement.
Merci, monsieur le président.
Sans responsabilisation sur le plan disciplinaire, cette loi n'a aucune valeur de dissuasion. En 10 ans, cette loi n'a jamais donné lieu à une seule mesure disciplinaire ou à une seule mesure corrective crédible, et c'est ce qui explique — encore plus que la crainte de représailles — pourquoi les gens hésitent à s'en prévaloir. Aucune mesure corrective importante n'a été prise en vertu de cette loi depuis son entrée en vigueur, il y a une décennie.
Mesdames et messieurs, merci de m'avoir invité à comparaître. Le Government Accountability Project vous salue pour le travail important auquel vous vous attelez. Sachez que vous pouvez compter sur notre savoir-faire et notre expérience pour vous aider à accomplir la tâche que vous vous êtes donnée.
Merci beaucoup, monsieur. Nous vous remercions de l'aide offerte.
Pour terminer, ici à Ottawa, nous allons écouter le témoignage de Mme Gualtieri. Madame Gualtieri, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité.
C'est un grand privilège de participer à ce que j'estime être un exercice névralgique et essentiel, soit celui de rétablir la confiance au sein de notre fonction publique en établissant les droits légitimes des divulgateurs en matière de protection.
Je suis avocate et je travaille dans ce domaine depuis 25 ans. En 1998, j'ai fondé l'organisme Federal Accountability Initiative for Reform, ou FAIR. J'ai aussi été présidente du conseil d'administration de Government Accountability Project, l'organisme de Tom, qui est basé à Washington (D.C.). J'ai rédigé deux projets de loi d'initiative parlementaire sur les divulgateurs, et je les ai soumis à la Chambre des communes — le premier, en 2002, et le deuxième, en 2004 — et j'ai comparu devant cinq différents comités de la Chambre et du Sénat. Je crois qu'il est juste de dire que l'essentiel de mon travail des deux dernières décennies a été consacré à promouvoir le besoin de protéger les divulgateurs ainsi qu'à faire comprendre au public canadien le rôle indispensable que les divulgateurs jouent pour améliorer la responsabilisation de l'État.
J'ai pris clairement conscience du rôle énorme que peuvent jouer les divulgateurs pour exposer la corruption et exiger des comptes des grandes institutions lorsque je me suis moi-même posée en divulgatrice. En 1992, j'ai commencé à travailler pour le ministère des Affaires extérieures et au bout de cinq mois, ma vie a changé pour toujours. J'aimerais bien vous faire part des actes répréhensibles — autant d'abus de confiance à l'égard du public — que j'ai découverts et endurés, et des efforts que j'ai déployés pendant 6 ans pour corriger la situation à l'interne, jusqu'à l'échelon du ministre, et pendant 13 ans, à l'externe, par l'intermédiaire de procédures juridiques, mais je n'en ai pas le droit, parce que je suis bâillonnée. Vous devez abolir cette manoeuvre.
Comme je n'ai pas le droit de parler librement, je vais vous lire des passages d'un article de journal du journaliste Greg Weston, intitulé « Ennemie de l'État ». Voilà:
Joanna Gualtieri venait d’arriver au ministère des Affaires étrangères à titre de gestionnaire immobilière lorsqu’elle a eu pour la première fois un aperçu de l’enfer dans lequel se trouvaient les contribuables; en effet, un délégué commercial canadien à Tokyo habitait dans une demeure dont le loyer s’élevait à plus de 350 000 $ par année.
Il semble que le délégué n’aimait pas le manoir de 18 millions de dollars appartenant au gouvernement canadien qui se trouvait dans la même ville et qui n’a donc pas été habité pendant près de quatre ans.
Malheureusement, l’opulence dans laquelle baignait cette mission du Canada au Japon n’était pas le seul gouffre financier diplomatique existant; d’autres missions utilisaient également l’argent des contribuables pour vivre dans le grand luxe.
Presque partout où elle est allée, Mme Gualtieri a découvert que les représentants officiels du Canada à l’étranger se moquaient complètement des fonds publics.
Tout naturellement, elle a décrié haut et fort la situation à ses patrons [...]
Dans son esprit, elle ne faisait que son travail.
En termes simples, disons que les divulgateurs sont des employés qui exercent leur droit à la liberté d'expression pour dénoncer les abus de pouvoir ou les actes illégaux néfastes pour le public ou déloyaux à son endroit. Les divulgateurs incarnent les idéaux les plus élevés de la fonction publique: loyauté, honnêteté et dévouement. Jetons un coup d'oeil à leurs contributions.
Les lanceurs d'alerte sauvent des vies. Ils ont réussi à faire fermer des centrales nucléaires terminées à 97 % en décriant la piètre qualité des matériaux de construction utilisés. Ils ont forcé des compagnies pharmaceutiques à suspendre la vente de médicaments qui se sont avérés dangereux, voire létaux. Au Canada, Nancy Olivieri, vraisemblablement la divulgatrice la plus connue au Canada, a passé 20 ans à se défendre devant les tribunaux parce qu'elle ne voulait pas rester silencieuse au sujet d'un médicament dont elle avait découvert la nocivité. Frances Kelsey, une héroïne canadienne, a averti la Food and Drug Administration américaine au sujet des dangers de la thalidomide. Aux États-Unis, ils ne l'ont pas homologué, mais le Canada, lui, est allé de l'avant, avec les conséquences que nous savons.
Les divulgateurs protègent notre sécurité nationale. Le pionnier Daniel Ellsberg a tout risqué lorsqu'il a divulgué des dossiers secrets — les « Pentagon papers » — au sujet des mensonges et des tromperies que le gouvernement américain colportait sur la guerre du Vietnam. Cette divulgation aux médias est vastement reconnue comme étant ce qui a précipité la fin de cette guerre.
S'il subsiste des doutes dans votre esprit quant au bien-fondé du droit de lancer des alertes à l'intention des médias, écoutez ce qu'en a dit le juge Hugo Black, écrivant pour la Cour suprême des États-Unis:
Seule une presse libre et sans restrictions peut effectivement exposer les tromperies de l'État, et la responsabilité primordiale d'une presse libre est le devoir d'empêcher toute partie de l'État de tromper le peuple et de l'envoyer mourir dans des pays lointains. À mon avis, loin de mériter la condamnation pour leur rapport courageux, le New York Times, le Washington Post devraient être félicités d'avoir servi l'objectif que les Pères fondateurs ont vu si clairement. En révélant les manoeuvres du gouvernement qui ont mené à la guerre, ces journaux ont agi noblement, conformément à ce que les Pères fondateurs auraient voulu et souhaité.
J'ai eu le privilège de parler à Frank Serpico, qui a lancé l'alerte au sujet de la corruption au sein de la police municipale de New York, la NYPD. Je me demandais pourquoi on l'avait si peu vu, jusqu'à ce que j'apprenne que le traumatisme qu'il avait vécu l'avait forcé à chercher refuge en Europe.
Les lanceurs d'alerte protègent le trésor public et les investisseurs innocents. L'usage répréhensible des deniers publics n'a rien de neuf, ni le fait de trafiquer les chiffres. Les scandales financiers se succèdent sans fin — Enron, Nortel, le registre des armes d'épaule, Développement des ressources humaines Canada, le scandale des commandites, le Sénat. Ce sont autant d'exemples où des lanceurs d'alerte auraient pu agir à titre préventif afin de mettre un terme aux actes répréhensibles. Alors, dans cette optique, pourquoi faisons-nous si peu pour les protéger?
Encore une fois, la réponse est simple: les institutions puissantes n'aiment pas être surveillées. Lorsqu'un problème fait surface, l'instinct est d'anéantir ce problème sans jamais chercher à en examiner la teneur. Dans ce cas, que devons-nous faire?
D'abord et avant tout, nous devons reconnaître que le leadership est la pierre d'assise fondamentale du changement. Au Canada, aucun gouvernement, aucun élu n'a jamais montré quelque engagement soutenu et ardent quant à la défense des droits des divulgateurs consciencieux et à leur protection. Votre contribution à la vie publique et à la santé de notre pays sera mesurée à l'aune de votre engagement à l'égard de cette entreprise, et les gens se souviendront de vous pour cela. Tout le reste découle de ces principes: la liberté d'expression est un droit, la confiance dans nos institutions publiques est d'une importance capitale, et les élus ont un devoir de diligence envers les habitants de leur circonscription.
La majeure partie des témoignages que vous avez entendus au sujet de la loi concernent des réglages de précision. Certains présentateurs ont parlé en mal du commissaire à l'intégrité du secteur public et l'ont même attaqué personnellement. Avec mes 25 ans d'expérience en la matière, je peux voir que cette approche est en train de manquer la cible. C'est un peu comme si l'on construisait une caserne de pompiers, mais qu'il n'y avait pas de camion. Sans les processus prérequis pour la faire avancer et sans la révolution culturelle nécessaire pour renseigner le public au sujet de son existence et de ses avantages, une loi comme celle-là a bien peu de pertinence.
La première chose à faire est d'amorcer une initiative éducative vaste et riche à l'échelon le plus bas, pas avec des universitaires et des experts-conseils, mais avec de vrais lanceurs d'alerte. Les lanceurs d'alerte doivent être entendus. En deuxième lieu et en parallèle, nous avons besoin de vraies lois pour protéger les divulgateurs et pas seulement de boucliers en papier, comme le disait Tom. Sans une protection concrète, il serait présomptueux et immoral de demander aux divulgateurs de se manifester.
Martin Luther King Jr a dit:
La morale ne peut être légiférée, mais le comportement peut être réglementé. Les décrets judiciaires ne peuvent pas changer le coeur, mais ils peuvent contenir les sans-coeur.
Voici les cinq éléments clés de toute loi crédible sur la protection des divulgateurs.
Le premier concerne la reconnaissance intégrale du droit à la liberté d'expression. Tom en a déjà parlé. Ne l'oubliez pas: la liberté d'expression est garantie par la Constitution et cela signifie qu'un lanceur d'alerte devrait être en mesure de décider lui-même de la façon dont il entend lancer l'alerte. En théorie, le Commissariat à l'intégrité du secteur public est une bonne idée, mais deux choses doivent être soulignées. Tout d'abord, il est naïf de croire qu'une entité comme l'ISPC a le pouvoir, l'indépendance et les ressources pour s'occuper de dossiers susceptibles d'avoir des conséquences monumentales pour le gouvernement et de plonger celui-ci dans l'embarras. Par définition, ce n'est pas une faiblesse du commissaire, mais bien une faiblesse du Commissariat proprement dit. Malgré un budget de 60 millions de dollars, le juge Gomery n'a pas pu aller jusqu'au fond du scandale des commandites.
Pour mettre en évidence l'absurdité d'une loi qui impose un domaine exclusif à ISPC, pensez à ce qui suit. Au Canada, un fonctionnaire du ministère de la Justice sous un gouvernement Trump qui aurait de l'information à donner sur l'intervention des Russes serait forcé de passer par l'ISPC pour divulguer cette information. Or, sans vouloir porter de jugement sur quelque commissaire que ce soit, il est absurde de croire que cela pourrait donner des résultats. Le budget n'est pas octroyé de façon indépendante. Au contraire, il est complètement dépendant du gouvernement et, plus particulièrement, du Conseil du Trésor. Il est donc facile de voir comment le gouvernement pourrait neutraliser le Commissariat en coupant son budget. Comme Tom l'a dit, toute divulgation doit être protégée.
En ce qui concerne les endroits où ils pourront s'exprimer, il est absolument essentiel que les divulgateurs aient accès à nos cours de justice. Le taux de représailles est évalué à environ 85 %. Les divulgateurs méritent l'accès à nos tribunaux et non à un processus secondaire.
Puis, il y a les recours. Tom en a souligné l'importance à gros traits. Les lanceurs d'alerte qui subissent des représailles doivent être remis dans leur position antérieure.
Les mesures correctives et la responsabilité publique sont aussi des sujets dont Tom a parlé. Tant que le gouvernement n'envisagera pas sérieusement de prendre des mesures correctives et de mener par l'exemple, rien ne changera.
En conclusion, la tâche qui incombe au Comité n'est pas facile, mais elle est claire. Souscrivez sérieusement à la liberté d'expression et engagez-vous à rédiger des lois qui respectent le droit à cette liberté. La preuve est écrasante: la loi actuelle comporte de graves lacunes. Vous devez agir.
Souvenez-vous qu’il y a deux principes fondamentaux: le premier consiste à enquêter sur les méfaits et à ordonner la prise de mesures correctives, et le deuxième consiste à faire en sorte que le dénonciateur obtienne réparation. La loi actuelle met presque entièrement l’accent sur un régime qui dicte et contrôle de façon très stricte la façon dont les fonctionnaires sonnent l’alarme. La protection des fonctionnaires est pratiquement une considération secondaire.
Je termine avec les paroles suivantes. Cette année, le Canada célèbre 150 années de riche histoire dont nous pouvons nous enorgueillir. Votre comité a une occasion unique de contribuer à cet événement marquant. Je vous demande de prendre les mesures nécessaires pour accorder enfin aux dénonciateurs de notre fonction publique des droits significatifs et légitimes, et pour protéger le principe inaliénable du droit du public à l’information.
Je vous remercie beaucoup de l’occasion que vous m’avez donnée de témoigner devant vous.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
Chers collègues, comme je l’ai mentionné auparavant, nous aurons une série de questions de sept minutes, et nous commencerons par M. Whalen.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, Joanna, merci, Tom, et merci, John, des témoignages passionnés que vous avez fournis ce matin.
À mesure que nos audiences se déroulent, je suis amené à croire que ce dont nous sommes saisis n’est pas une loi sur la protection contre les divulgations ou une mesure législative qui protégera les dénonciateurs. Cela ressemble presque à une loi visant à protéger davantage les malfaiteurs.
Tom, vous avez préparé quelques observations qui semblent analyser la loi canadienne dans le contexte de vos pratiques exemplaires internationales. Je me demande si tous les témoins pourraient nous fournir une copie des observations écrites qu’ils ont préparées afin que le Comité y ait accès pendant ses délibérations. Serait-ce possible?
D’accord.
Avez-vous eu le temps d’aborder la totalité des 10 points qui figuraient dans vos observations, ou souhaitiez-vous ajouter quoi que ce soit avant de mettre un terme à votre déclaration?
J’ai été en mesure d’aborder tous les éléments des pratiques exemplaires qui me semblaient particulièrement importants.
Toutefois, la loi comporte une autre faille, en ce sens qu’elle ne protège pas tous les dénonciateurs qui ont des faits importants à divulguer. La loi ne s’applique pas aux organismes du renseignement ni aux militaires. Cela ne cadre pas avec les pratiques exemplaires internationales.
L’autre argument que je n’ai pas eu la chance de faire valoir et que j’aimerais emprunter à Mme Gualtieri afin de l’appuyer — avec un point d’exclamation —, c’est la nécessité d’établir un processus légitime comme fondement de la modernisation et de la transformation de la loi. Une loi sur la protection des dénonciateurs qui est simplement imposée par les experts n’aura pas la légitimité requise pour influer sur les droits. En l’absence d’une acceptation culturelle et d’une révolution culturelle, la révolution juridique sera, en pratique, dépourvue de pertinence.
Je pense que certains pays d’Europe qui ont adopté des lois sur la protection des dénonciateurs offrent un intéressant contraste. La Roumanie possède une magnifique loi sur la protection des dénonciateurs, mais elle a été dictée et imposée à son parlement, et, en pratique, elle n'a aucune valeur.
La Serbie a organisé une série d’assemblées publiques partout au pays pour obtenir les commentaires de ses citoyens. Des sommets, où tous les intervenants — les médias, les syndicats, les chambres de commerce pour les sociétés, les procureurs, les organismes de réglementation, le parlement et les organismes d’application de la loi — étaient représentés, ont eu lieu pendant plus d’un an jusqu’à ce qu’il y ait consensus sur la façon de structurer les droits efficacement afin qu’ils soient les plus compatibles possible et qu’ils aient la plus grande incidence qui soit sur la culture et la société serbe. J’espère que cette audience sera le début d’un processus de ce genre au Canada, un processus lancé à partir de la base.
Merci beaucoup.
C’est une façon intéressante d’envisager la question. En ce moment, nous sommes assujettis au régime qui est actuellement en place.
J’adresse ma prochaine question à vous trois. Vous avez parlé de la nécessité de permettre aux dénonciateurs de choisir leur tribune de divulgation, alors que notre loi offre en quelque sorte un guichet unique. Les gens sont forcés d’avoir recours au processus prévu par la loi. Dans les pays que vous avez étudiés, l’existence d’un régime plus ouvert, où les dénonciateurs sont protégés s’ils parlent aux médias ou aux forces de l’ordre, a-t-il entraîné une augmentation spectaculaire ou marquée du nombre de dénonciations ou la découverte d'un plus grand nombre de méfaits?
Merci.
Oui. Le nombre de dénonciations est beaucoup plus élevé lorsque ces restrictions arbitraires n’existent pas. Au cours des dernières années, les dénonciateurs ont probablement été la force politique la plus dynamique des États-Unis, du moins sur le plan des enjeux individuels, sinon des élections. L’une des prémisses de notre loi est que la liberté d’expression du public doit être protégée en général plutôt qu’à titre exceptionnel parce que, pour assurer la surveillance des forces de l’ordre, le gouvernement dépend énormément des comptes-rendus publics. C’est l’une des prémisses de nos droits depuis 1980, et elle a été récemment confirmée par notre cour suprême dans une décision rendue par 7 juges contre 2 dans le cadre d’une affaire où la liberté d’expression d’un agent fédéral de sûreté à bord a peut-être contribué à prévenir une répétition plus ambitieuse des événements du 11 septembre, alors que le gouvernement dormait aux commandes. Cette prémisse est un élément essentiel.
Une hausse de 150 à 200 % a été observée en ce qui a trait au nombre d’appels destinés à la ligne d’aide, une ligne d'aide qui permet aux dénonciateurs d’avoir accès à des conseils juridiques depuis que la mesure législative a été mise en œuvre ici. Je suppose que la plus importante caractéristique ou conséquence de la mesure législative, dont je n’ai pas parlé pendant mon exposé, est l’effet d’isolement qu’elle a à la fois sur les employeurs et les employés. Comme je l’ai expliqué, jusqu’à 2014, il y avait environ 18 mesures législatives en vigueur. Cet ensemble disparate de mesures législatives, qui offraient aux travailleurs du secteur privé une protection différente de celle des travailleurs du secteur public, créait une énorme confusion et une grande incertitude parmi les dénonciateurs. La Protected Disclosures Act a entraîné la création d’une norme que tous les employeurs doivent respecter, et elle a indiqué clairement aux employés que des choix s’offrent à eux en matière de divulgation.
Toutefois, la distinction que nous ferions peut-être et, compte tenu de la demande de possibilités illimitées…
Merci. Malheureusement, je vais devoir vous interrompre afin de permettre à Mme Gualtieri de répondre brièvement.
Madame Gualtieri.
Bref, j’estime fondamentalement qu’il est tout simplement inacceptable d’imposer un régime à des gens qui servent l'intérêt public. Voilà ce que je dirais. Au cours des 20 dernières années, c’est-à-dire depuis que j’ai commencé à signaler des irrégularités à Affaires étrangères, on a pu constater que l’énergie que suscitait la dénonciation au Canada s’était dissipée. Nous commencions à nous sentir informés, et je dois vous dire que le soutien que j’ai obtenu de Tom Devine — il a été la première personne externe avec laquelle j’ai communiqué en septembre 1998 — a été crucial. Depuis, nous avons régressé. Par conséquent, nous devons renouveler le débat public.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
Je vous remercie beaucoup, tous les trois, de votre participation à notre séance d'aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à vous, monsieur Devine.
Dans les documents d'information du Comité, je lis que vous avez défendu au-delà de 5 000 divulgateurs. C'est quand même impressionnant. J'imagine que vous l'avez fait avec le soutien des employés de votre bureau.
J'aimerais savoir si vous pourriez nous mentionner des traits communs que vous auriez pu cerner chez les divulgateurs, c'est-à-dire des causes communes qui les auraient amenés à dévoiler certaines informations, s'il y a lieu. J'aimerais aussi savoir quelle a été la conclusion de leur démarche.
[Traduction]
D’accord, je peux parler en anglais.
Permettez-moi simplement d’obtenir des éclaircissements....
Messieurs Devine et Devitt, êtes-vous en mesure d’entendre la traduction?
D’accord, monsieur Devine, je vais me contenter de parler en anglais. Ça ne pose pas de problème.
J’ai lu dans les notes d’information de notre comité que vous et votre bureau avez défendu jusqu’à 5 000 dénonciateurs, ce qui est tout à fait exceptionnel. Je souhaitais simplement savoir si vous avez décelé des caractéristiques que toutes ces causes ont en commun.
Je suis désolé, le son était un peu faible. Je sais que vous avez demandé si les affaires de dénonciation avaient des thèmes en commun. Est-ce là votre question?
Je pense qu’elles ont deux thèmes en commun. La motivation des dénonciateurs constitue l’un d’eux. Elle est universelle. Que l’on porte un jugement de valeur positif ou négatif à l’égard de leur motivation, les dénonciateurs ont été forcés d’exercer leur liberté de parole pour être fidèles à eux-mêmes. Pour le meilleur ou pour le pire, que leurs raisons aient été bonnes ou mauvaises, si les dénonciateurs n’avaient pas divulgué ce qu’ils savaient, cette décision les aurait hantés jusqu’à la fin de leurs jours. C’est une qualité intrinsèque des membres d’une société libre.
Le deuxième thème commun est que ces gens se sont élevés contre des abus de pouvoir qui n’auraient pas résisté à un examen indépendant. Voilà pourquoi les dénonciateurs sont si efficaces lorsqu’ils collaborent avec nous. Ils exposent une inconduite qui ne peut être maintenue que si elle demeure secrète et que les gens n’en ont pas conscience. L’incidence que la loi peut avoir sur le changement est ce qui la rend aussi puissante. À mon avis, depuis l’époque des chefs de file religieux et scientifiques, comme Jésus, Galilée et Copernic, les dénonciateurs sont ceux qui ont changé le cours de l’histoire.
Étonnamment, vous comparez notre loi, qui n’est que de l’encre sur du papier, à d’autres lois, comme celle de la Zambie ou des États-Unis. Bien entendu, comme vous le savez, la culture change tout.
Madame Gualtieri, vous avez parlé d’utiliser la culture et l’éducation pour sensibiliser davantage le public, ainsi que les gens de la base. Je suppose que vous parliez des fonctionnaires et des Canadiens en général.
Si nous tenons compte des aspects culturels, je ne suis pas certain que nous puissions comparer correctement les lois de divers pays. Par exemple, on nous a toujours dit qu’aux États-Unis, la culture de la dénonciation est répandue et qu’elle existe depuis toujours. Toutefois, ce n’est pas le cas ici. Vous avez parlé de l’importance d’avoir de bonnes procédures d’application régulière de la loi, de bénéficier d’un appui tangible ou de s’assurer que chaque dénonciateur est soutenu par une foule de gens.
J’adresse la question suivante à tous les témoins. Que proposeriez-vous que nous fassions pour communiquer aux Canadiens une certaine énergie culturelle à l’égard de la dénonciation?
Si vous me le permettez, je demanderais à chacun des trois témoins de parler pendant une minute seulement, ce dont je vous serais très reconnaissant.
Madame Gualtieri, nous allons commencer par vous.
Je parle aux étudiants des universités. En fait, je visiterai l’Université Western la semaine prochaine. Je peux vous dire que les étudiants ne comprennent simplement pas ce qui est en jeu. Une fois qu’ils ont compris, ils se sentent impliqués et ressentent un grand enthousiasme. J’ai rencontré une étudiante en journalisme il y a quelques semaines, et elle était stupéfaite. Elle m’a dit que très peu de ses collègues savaient ce que la dénonciation signifiait. Il y a des moyens d’atteindre cet objectif. Tom a parlé de la Serbie qui, en plus d’adopter une loi, a organisé des assemblées publiques partout au pays. Nous pouvons suivre son exemple. Une fois que nous aurons entrepris ce genre de sensibilisation, je peux vous affirmer que la culture changera.
Oui.
Peu importe la culture, le mot magique dans chaque société est « conséquences ». C'est la sensibilisation efficace aux conséquences tragiques qu'il serait possible de prévenir si ce n'était des secrets et aux catastrophes qu'on pourrait éviter si on avait les connaissances voulues pour agir rapidement qui a popularisé les lois sur la protection des divulgateurs d'actes répréhensibles. C'est aussi ce qui explique pourquoi elles se sont si répandues. Voilà pourquoi les dénonciateurs sont passés de parias à héros aux États-Unis pour avoir changé les choses.
Plus votre processus peut renforcer la loi, accroître les droits, et informer les gens de la façon dont elle peut transformer la société, aider les gens et prévenir des catastrophes ou des tragédies inutiles, plus vous jouirez d'un soutien politique.
S'il y a une mesure que vous pouvez prendre pour changer la culture, c'est de créer une norme unique que les employeurs et les employés doivent respecter lorsqu'ils font des divulgations. Il est préférable d'avoir une seule mesure législative solide que 20 dans le recueil des lois. C'est l'approche pour laquelle le gouvernement irlandais a opté. C'est une approche à laquelle ont souscrit les employeurs, les syndicats, les organismes publics et les organismes de réglementation.
Dans le sondage récent que nous avons mené pour connaître les attitudes concernant les divulgateurs, nous avons observé qu'entre 90 % et 95 % des employeurs ont affirmé qu'ils appuient les divulgateurs même lorsqu'ils communiquent des renseignements confidentiels. Il est important d'avoir une loi unique dans le recueil des lois et qu'elle soit solide.
Merci, monsieur le président.
Je suis un peu stupéfait que nous ayons eu sept minutes de questions conservatrices sans qu'on revienne sur le point concernant les consignes du silence dans le contexte de l'achat des Super Hornets. J'aimerais demander à tous les témoins s'ils peuvent concilier le fait de soustraire les divulgateurs des accords de non-divulgation ou des consignes du silence avec le besoin légitime de tenir compte des fonctionnaires qui participent à des achats qui impliquent des renseignements commerciaux délicats.
Bien sûr. C'est un sujet qui a fait l'objet de nombreuses analyses aux États-Unis. La Whistleblower Protection Enhancement Act de 2012, qui a été adoptée après avoir été à l'étude pendant 13 ans, contient quatre dispositions contre le bâillonnement.
Le principe est essentiel car, sans lui, les accords de confidentialité des organismes peuvent annuler les droits à la liberté d'expression garantis par les lois, ou les règlements peuvent tourner en blague la quête de justice en sacrifiant l'intérêt du public. Il faut trouver un équilibre responsable.
Aux États-Unis, les limites sont telles que si les renseignements sont classifiés pour des raisons militaires ou leur publication est interdite expressément par une disposition législative, par notre Congrès ou votre Parlement, il vous est impossible de les rendre publics. Cependant, toute autre restriction est supplantée si les renseignements sont couverts par la loi sur les divulgateurs. En cas de preuve d'illégalité, de mauvaise gestion ou de menace pour la santé ou la sécurité publique, votre droit à la liberté d'expression ne vous autorise pas à faire de divulgation générale. Néanmoins, on ne peut pas vous imposer de consigne de silence pour cette partie de l'information. Cette disposition a fait partie de chaque loi sur les divulgateurs aux États-Unis depuis 2000, car sans elle, il serait facile de contourner les lois.
Si les autres témoins ont quelque chose à ajouter là-dessus, ce serait génial. Sinon, j'ai bien d'autres questions.
Je vais parler brièvement de la consigne du silence. Il est fondamentalement tordu qu'un divulgateur qui, par définition, transmet des renseignements d'intérêt public, se voit ensuite imposer une consigne du silence et empêcher à tout jamais de parler de ce qui, en gros, représentait une partie importante de sa vie. C'est fondamentalement inacceptable.
Tom a parlé de la façon dont on peut inverser cette manoeuvre orwellienne.
L'article 23 de l'Irish Protected Disclosures Act interdit à un employeur de forcer un employé à signer une clause de non-divulgation. C'est très clair, quoi qu'il en soit. Il existe des exceptions pour les personnes qui communiquent des renseignements susceptibles d'être liés à la sécurité nationale ou d'avoir une incidence sur elle. Cependant, lorsqu'on croit qu'un contrat public est sujet à des actes répréhensibles, il n'y a aucune disposition pour empêcher un employé de communiquer l'information ou d'en faire la divulgation protégée.
Je pense que le témoignage d'aujourd'hui laisse entendre que nous avons vraiment besoin de réviser notre Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. Supposons qu'il nous est possible d'adopter une mesure législative solide, je me demande à quelle fréquence elle devrait être révisée. La loi actuelle prévoit une révision aux cinq ans. Notre comité l'examine maintenant pour la première fois en 10 ans. Je me demande si nos témoins ont une opinion sur la fréquence adéquate des révisions.
Je pense que si la loi — une loi de protection des divulgateurs d'actes répréhensibles — est légitime, vous la mettez à l'essai en voyant comme elle fonctionne. S'il est nécessaire de la réviser, vous pouvez prendre les mesures pour ce faire. Mais la première chose à faire est d'adopter la meilleure loi possible, fondée sur les pratiques exemplaires, et de lui laisser ensuite faire son travail. Je n'ai pas d'opinion bien arrêtée en ce qui concerne l'imposition d'un examen législatif dans la loi. Je pense que s'il est imposé et qu'il n'est pas nécessaire, il pourrait gaspiller beaucoup de fonds publics. Je pense qu'on met la loi à l'essai pour en évaluer le fonctionnement en se servant d'exemples concrets de divulgation.
Oui, la Protected Disclosures Act doit faire l'objet d'un examen encore cette année, trois ans après sa promulgation. Je tiens aussi à bien préciser que cette loi vise les travailleurs tant du secteur public que du secteur privé, ainsi que ceux du secteur sans but lucratif. Il ne s'agit pas seulement d'une loi de protection des divulgateurs du secteur public.
Je pense que la période de cinq ans prévue dans la loi est raisonnable si vous avez une structure d'examen officiel, mais l'examen devrait être continu. Des groupes comme le nôtre évaluent constamment les tendances et la façon dont la loi est interprétée et appliquée. Ensuite, nous faisons des exposés informels à des gens comme vous au Congrès pour qu'ils connaissent les derniers développements et les dernières tendances.
Notre congrès tient des audiences de surveillance pour mener des évaluations exhaustives de la façon dont la loi fonctionne tous les deux ans en moyenne. Il s'agit simplement d'audiences législatives comme celles que vous tenez aujourd'hui.
J'ai une question brève pour M. Devitt. L'Irlande est la référence en ce qui concerne la protection des divulgateurs, alors je vous sais gré de votre témoignage concernant le système irlandais, mais je me demande si vous avez eu la chance de jeter un coup d'oeil à la loi canadienne et si vous avez des commentaires précis à formuler à son sujet.
D'accord.
À mon sens, une des lacunes de la loi est qu'elle protège uniquement les travailleurs de la fonction publique canadienne ou des sociétés d'État, si bien que les travailleurs du secteur privé et ceux du secteur sans but lucratif ne jouissent d'aucune protection. Le fait aussi que le Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada est tenu d'approuver ou de transmettre toute plainte concernant des représailles à un organisme quasi judiciaire pourrait empêcher les affaires fondées sur des allégations valides d'être entendues. En Irlande, rien n'empêche une personne de chercher à obtenir réparation devant les tribunaux.
Merci à tous. Avec vos nombreux témoignages, vous nous avez donné matière à réflexion. Étant donné que cette loi a été rédigée en 2007, que nous l'examinons pour la première fois et qu'il n'est probablement pas possible de la réécrire entièrement, il doit y avoir des objectifs réalisables sur lesquels nous pouvons concentrer nos efforts. À titre d'exemple, M. Devine, vous avez dit que la loi canadienne est un bouclier en carton et non en métal. Comment vous y prendriez-vous pour en faire un bouclier en métal?
Nous avons entendu parler des consignes du silence. Nous avons entendu parler de la clause de « bonne foi » qui est retranchée. Quelles autres mesures prendriez-vous pour en faire un bouclier en métal?
Je pense que la première chose à faire serait d'éliminer les restrictions arbitraires concernant le moment où la protection s'applique, de façon à ce qu'elle s'applique lorsque vous ne commettez pas d'acte illégal en divulguant de l'information. Il ne devrait pas y avoir de restrictions artificielles selon lesquelles elles doivent être écrites ou orales, ou qu'elles doivent s'appliquer à une certaine personne et pas à une autre.
La deuxième chose à faire serait de donner aux divulgateurs l'accès aux tribunaux si le Commissariat à l'intégrité du secteur public ne rend pas de décision en temps opportun. Aux États-Unis, le seuil se situe entre 180 et 210 jours. Si votre règlement informel n'a pas donné de résultats à ce moment-là, vous êtes libres de passer à la prochaine étape et d'opter pour un règlement selon la procédure établie.
La troisième chose à faire pour améliorer la situation serait d'obtenir les fardeaux de la preuve modernes qui s'inscrivent dans les pratiques exemplaires de chaque récente loi intergouvernementale nationale sur les divulgateurs.
La quatrième chose à faire serait d'ajouter le principe que vous serez « entier » si vous l'emportez dans votre affaire de représailles contre un divulgateur, si bien que vous ne serez pas plus mal en point même si vous avez gagné.
Vous pouvez ajouter ces quatre principes sans démanteler les parties de la loi qui existent déjà.
Merci.
Madame Gualtieri, je suis désolée qu'on vous ait traitée d'ennemi de l'État. Un divulgateur devrait bénéficier d'une protection. Vous et, je pense, M. Devine avez qualifié le Commissariat à l’intégrité du secteur public d'organisme inoffensif. Vous mentionnez aussi les « pleins droits à la liberté d'expression ».
Qu'entendez-vous par cela? Vers qui le divulgateur devrait-il se tourner? Directement vers les médias ou d'autres organismes? Si vous répondez les « médias », cela me préoccupe un peu et je vais vous expliquer pourquoi. Il arrive que les médias aiment dramatiser le message.
Comment vous assureriez-vous que, quoi que vous disiez, ils en rapportent le contenu et non les grands titres?
Un point dont il n'a pas été question ici aujourd'hui est la façon dont les divulgateurs fonctionnent en réalité. J'en suis un exemple. La plupart des divulgateurs à qui j'ai parlé, surtout lorsqu'il est question, non pas d'actes individuels comme voler une télévision ou quelque chose du genre, mais d'actes répréhensibles systémiques qui sont omniprésents dans un ministère, comme dans mon cas, passent énormément de temps à essayer de prendre des mesures correctives et à se faire entendre au sein de l'organisme. Je l'ai fait pendant six ans et je suis allée jusqu'au cabinet du ministre.
L'idée de m'adresser aux médias ne me plaisait guère. Je ne l'avais jamais fait, mais quelles étaient mes options? C'était mon dernier recours. Il faut montrer qu'il existe un organisme ou un processus qui permette vraiment au divulgateur d'être entendu, de participer au processus d'enquête et de ne pas être privé de ses droits. Il doit participer à toute l'affaire qui est mise au jour et qui fait l'objet d'une enquête.
Les divulgateurs ne se précipitent pas vers les médias. Je crois que Tom serait pleinement d'accord sur ce point. De plus, je pense qu'il ne nous faut pas oublier que, traditionnellement, les médias ont servi à informer le public et les politiciens des actes répréhensibles systémiques.
Merci beaucoup.
Nous avons entendu de nombreux témoins. Certains d'entre eux ont dit: « Vous avez besoin de renforcer vos processus internes ». Vous avez été assujettis aux processus internes que vous avez utilisés. Ils ont aussi dit de faire en sorte que le Commissariat à l’intégrité du secteur public soit plus proactif que réactif.
Que répondriez-vous à cela? J'aimerais aussi que les deux autres témoins se prononcent sur ce point.
Je ne suis pas certaine de ce que vous entendez par proactif. Je vais présumer que vous voulez dire que les employés du Commissariat devraient lancer les enquêtes d'eux-mêmes.
Je ne pense pas que le Commissariat ait les ressources pour ce faire. Bien des fonctionnaires qui font confiance au système et qui y croient transmettront de l'information. Cela tiendra le personnel du Commissariat très occupé.
Encore une fois, Thomas a souligné qu'il y avait vraiment deux questions. La première est le besoin d'examiner les actes répréhensibles. En gros, c'est ce que la présente loi essaie de faire, d'obtenir de l'information. N'oublions pas qu'il s'agit de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles; c'est important.
Nous devons enquêter sur les actes répréhensibles, mais nous avons aussi besoin d'un organisme — qui ne compte pas aussi de tribunal comme à l'heure actuelle — capable de prendre des mesures très rapides et efficaces pour protéger et, au besoin, offrir une réparation au divulgateur.
Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions. Je m'excuse encore une fois auprès de tous nos témoins. Je pense que si nous avions suffisamment de temps, nous serions probablement ici pendant plusieurs heures. Vos témoignages ont été extrêmement instructifs, et je peux vous assurer, au nom du Comité, qu'ils nous ont été extrêmement utiles dans le cadre de nos délibérations.
Si vous avez des renseignements supplémentaires qui, selon vous, profiteraient au Comité, je vous demanderais de les présenter au greffier pour que nous puissions ajouter vos autres témoignages à nos délibérations. Merci encore à tous d'être venus.
Chers collègues, nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant quelques minutes le temps que nos prochains témoins prennent place à la table.
Chers collègues, je pense que nous allons commencer aussi rapidement que possible. Nous avons un peu dépassé le temps qui nous est alloué. Nous voulons donner suffisamment de temps à tous nos témoins pour livrer leur témoignage tout en permettant aux collègues autour de la table de poser des questions.
Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins. Je sais que vous avez écouté les témoignages pendant la première heure. Je vous demanderais, si vous le pouvez, d'être aussi brefs que vous pouvez dans vos commentaires pour nous permettre de poser le plus de questions possible durant le peu de temps dont nous disposons.
Monsieur Conacher, bienvenue encore une fois. Je ne vous ai pas vu depuis un moment, depuis que je siégeais au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Merci d'être venu.
Madame Myers et monsieur Garrett, merci aussi à vous.
Le premier témoin sur ma liste est M. Conacher. Merci de prononcer vos remarques liminaires, monsieur.
Merci beaucoup au Comité de me donner la chance de témoigner aujourd’hui.
Je m’appelle Duff Conacher. Je suis cofondateur de Démocratie en surveillance, qui a vu le jour en 1993. Nous avons maintenant 45 000 sympathisants à la grandeur du pays, et 100 000 autres personnes ont signé des pétitions à l’appui de l’une ou l’autre de nos campagnes, y compris celle que nous avons lancée pour protéger les divulgateurs qui protègent les Canadiens.
Plus de 21 000 personnes ont signé une pétition, que les chefs de chaque parti fédéral auront reçue, et ce, seulement au cours des dernières semaines — il s’agit d’une pétition que nous avons lancée il y deux semaines à peine sur change.org. Elle appelle le gouvernement à apporter 17 changements clés à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles non seulement pour renforcer cette mesure législative, mais aussi pour renforcer la protection des divulgateurs dans son ensemble.
Ce ne sont pas que les travailleurs du secteur public qui ont besoin de ce type de protection. Je sais que le système est actuellement ouvert à quiconque souhaite déposer plainte auprès du commissaire à l’intégrité; cependant, à l'heure actuelle, celui-ci aurait de la difficulté à protéger des représailles les gens de l’extérieur du secteur public. En outre, les travailleurs du secteur privé dans les institutions sous réglementation fédérale ne sont pas protégés par la loi, et le système général qui vise les travailleurs du secteur privé est très inadéquat. Il existe des protections au titre du droit sur la concurrence, du droit du travail et du droit environnemental, mais les gens sont mal informés des démarches à suivre pour les invoquer et le système de protection dans son ensemble est beaucoup trop faible, comme il l'est pour les travailleurs du secteur public.
La pétition demande que soient apportés 17 changements au système du gouvernement fédéral pour veiller à ce que chaque personne qui divulgue des actes répréhensibles au sein d’une entreprise ou du gouvernement dans le secteur fédéral jouisse d'une protection exhaustive et efficace. Comme le montrent les scandales actuels des services bancaires, pareille protection est nécessaire non seulement pour les travailleurs du secteur public, mais aussi pour toutes les personnes qui travaillent dans des entreprises sous réglementation fédérale.
Je ne vais pas examiner un à un les 17 changements clés, mais je serai ravi de vous donner des détails. Ils figurent dans le mémoire que j’ai présenté au Comité. Ils sont énoncés dans la pétition.
Notre premier changement est de veiller à ce que tout le monde soit couvert par la loi sur la protection des divulgateurs et le système connexe, y compris le personnel politique, les employés du SCRS, les agents de la GRC et les militaires, qui ne sont actuellement couverts par aucun système.
Un autre changement est de permettre à tout le monde de déposer leur plainte directement et de façon anonyme auprès du commissaire à la protection. Celui-ci ne devrait pas seulement être le commissaire à l’intégrité du secteur public; à l’échelon fédéral, nous proposons qu’on mette en place un bureau central du secteur privé pour couvrir tout employé du secteur privé sous réglementation fédérale. Il s’agirait d’un centre de renseignements, d’un bureau semblable à celui d’un ombudsman, qui les aiderait à déterminer à quel organisme d’application de la loi s’adresser, tout en les protégeant dès qu’ils déposent plainte.
Ensuite, il faut s’assurer que le commissaire à la protection des divulgateurs soit nommé de façon indépendante et qu'il soit pleinement habilité à imposer des sanctions. Premièrement, pour ce qui est des nominations, l’Ontario compte le meilleur système de nomination. Malheureusement, il n’est appliqué qu’aux nominations des juges provinciaux. Une commission indépendante mène une recherche publique fondée sur le mérite, présélectionne des candidats et en remet la liste au ministre, qui doit choisir parmi ces candidats pour pourvoir tout poste vacant à la Cour provinciale de l’Ontario.
On devrait utiliser ce système pour toutes les nominations du cabinet, surtout de toute personne dans le secteur de l’application de la loi. À l’heure actuelle, le parti au pouvoir choisit le commissaire à l’intégrité ou tous les autres agents du Parlement. Les partis d’opposition sont consultés, mais ils n’ont par le moindre pouvoir. Au lieu de cela, une commission indépendante devrait être mise en place, comme ce fut le cas en Ontario. C’est la pratique la plus exemplaire au monde.
Ensuite, il faut exiger du commissaire à la protection des divulgateurs ou de l’organisme responsable qu’il procède à des vérifications, qu’il rende des décisions publiques sur toutes les plaintes, en temps opportun, et qu’il divulgue l’identité de tous les auteurs d’actes répréhensibles.
À l’heure actuelle, le commissaire à l’intégrité utilise une mesure discrétionnaire au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels afin de garder secrète l’identité des employés du secteur public qui ont commis des actes répréhensibles. C’est une mauvaise idée. Ces personnes peuvent partir et être embauchées par un employeur qui pourrait ne jamais savoir qu’elles ont commis ces actes. Elles pourraient aller travailler ailleurs au gouvernement sans que les employés de cette autre direction gouvernementale sachent ce qu’elles ont fait.
Il s’agit d’une mesure discrétionnaire prévue dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il n’y a aucune raison de garder confidentiel le nom de l’auteur d’un acte répréhensible. Malheureusement, le commissaire à l’intégrité abuse actuellement de ce pouvoir discrétionnaire, si bien qu’on devrait le lui enlever.
Le commissaire devrait aussi avoir le pouvoir d’imposer des sanctions, des sanctions administratives pécuniaires, à titre d’agent d’application de la loi de première ligne pour nous éviter de devoir suivre le processus complet du tribunal dans chaque cas.
Ensuite, les divulgateurs doivent obtenir des fonds pour payer les avis juridiques complets dont ils ont besoin et ils devraient être récompensés de façon adéquate s’ils signalent des actes répréhensibles qui sont prouvés. C’est parce que les divulgateurs prennent des risques et doivent souvent quitter leur emploi ou changer d’emploi. Aux États-Unis, on suit une règle de 10 %, en gros, pour les dénonciateurs tant du secteur public que privé. Ils obtiennent 10 % de ce qu’ils ont permis au gouvernement d’épargner ou des sanctions pécuniaires imposées au titre du droit des valeurs mobilières. Nous n’avons pas nécessairement à aller si haut, mais je pense qu’on devrait verser un salaire d’un an à un divulgateur et le transférer ailleurs au gouvernement en priorité si ses allégations sont prouvées.
En terminant, j’ai quelques points en bref. Premièrement, assurez-vous que le divulgateur puisse appeler de la décision du commissaire à la protection auprès d’un tribunal.
Une mesure très importante aux États-Unis a été qu’il faut transférer le fardeau pour que l’employeur ait toujours à prouver qu’aucune mesure de représailles n’a été prise à l’endroit du divulgateur. Si vous laissez toujours au divulgateur le soin de prouver ses allégations, dans les 2 000 premières affaires qui ont été entendues aux États-Unis, le divulgateur a perdu dans tous les cas. Il est souvent très difficile de prouver que des mesures de représailles ont été prises à l’encontre de quelqu’un.
Enfin, il faut veiller à ce qu’on procède à l’examen indépendant du système de protection au moins une fois tous les trois ans.
Les libéraux fédéraux ont promis un gouvernement ouvert et une ouverture par défaut. S’ils ne renforcent pas la Loi de protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, ils ne seront pas en mesure de tenir cette promesse. Il est impossible d’avoir un gouvernement ouvert si les divulgateurs ne sont pas protégés pleinement et efficacement.
Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
[Français]
C'est un très grand honneur d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
C'est aussi un honneur d'être au Canada. Avocate de formation et membre du Barreau du l'Ontario, je suis également avocate au sein de la Law Society of England and Wales du Royaume-Uni et c'est en Europe et au Royaume-Uni que je me suis occupée de la question de la divulgation.
Je tiens à dire qu'au Canada, j'ai entamé ce travail parce qu'il semblait que c'était une question canadienne, qui concerne une démarche adéquate et honnête à prendre quand on est témoin d'un acte répréhensible. Au Royaume-Uni, on aborde principalement la question du point de vue de la saine gouvernance, de l'amélioration de la réglementation et du gouvernement honnête.
Je pense que vous devez garder à l'oeil le fait que la plupart des lois élaborées au sujet de la divulgation dans l'intérêt public concernent la protection des divulgateurs, mais aussi en bonne partie le droit et l'accès à l'information. La population a le droit de savoir, au bout du compte, si elle est exposée à un risque et si on fait mauvais usage de la vie et de l'argent des contribuables.
J'ai aussi beaucoup travaillé à l'étranger, puisque peu d'organisations travaillent dans ce domaine, comme c'est le cas pour Tom Devine, du Government Accountability Project. Quand nous étions au Royaume-Uni, où j'ai occupé le poste de directrice adjointe pendant près de neuf ans, nous avons participé à l'élaboration d'une loi qui a été adoptée. Des organisations, des gouvernements, des avocats, des juristes et des parlementaires se sont adressés à nous au fil des ans, et j'ai fini par fonder le Whistleblowing International Network avec des organisations de la société civile et un grand nombre d'avocats défendant l'intérêt public pour discuter des outils et de la raison pour laquelle la question est si importante à l'échelle internationale et nationale.
Je considère que le travail que vous accomplissez est extrêmement important pour la démocratie canadienne. Je crois que vous avez entendu dire que l'objet de la loi semble déjà très limité, si vous en lisez le préambule. Je me souviens que lorsque la loi a atterri sur mon bureau en 2005, puisque je m'intéressais de loin à la question, j'ai eu l'impression qu'on accomplissait là un tout petit pas dans la bonne direction. Quand je regarde la situation actuellement, l'objet de la loi me semble très limité.
À l'échelle internationale, le monde a beaucoup progressé. Je pense aussi que la loi n'aborde pas la question du point de vue du traitement adéquat de l'information publique — de toute information divulguant des questions d'intérêt public — ou de la protection des fonctionnaires et des autres personnes qui signalent les problèmes. Elle est aussi trop restrictive, puisqu'il faut s'astreindre à un processus quand on soulève des problèmes.
Il faut observer ce que le régime du Royaume-Uni a fait. Ce pays considérait que la protection constitue un moyen de faciliter la libre communication de l'information. Les organismes de réglementation n'avaient aucune attribution, puisqu'on considérait que dans le régime, les divers organes avaient différents pouvoirs de réglementation. S'ils étaient informés de quoi que ce soit, il était de leur mandat d'intervenir. Les divulgateurs s'étant adressés à eux seraient protégés. Je pense que cette approche s'appuyait fortement sur ce qui est déjà un régime britannique.
Dans le cas de certains organismes de réglementation, toutefois, étant donné qu'il y a eu une période de déréglementation et d'assouplissement de la réglementation, on insiste beaucoup plus pour qu'ils accomplissent leur travail. De par le monde, les institutions ont de plus en plus la responsabilité de mener des enquêtes et de résoudre les problèmes. On s'intéresse notamment à la responsabilité. Au lieu de s'interroger sur la manière dont les divulgateurs vont signaler les problèmes, on cherche à déterminer qui est responsable si des torts ont été commis. Qui doit rendre des comptes?
Il ne s'agit pas ici de trouver un bouc émissaire, mais de demander au responsable d'expliquer sa conduite. Les régimes fermés de traitement de l'information et de protection des personnes doivent toujours s'exposer à la possibilité de devoir s'expliquer devant un organe de supervision ou d'autres systèmes.
Quand j'étudie le régime canadien actuel, je considère que même s'il accorde une certaine indépendance, il s'apparente à un système fermé prévu pour que la fonction publique puisse résoudre les problèmes et, même dans le préambule, maintenir la confiance à l'égard des institutions du gouvernement. C'est le résultat et non l'objectif du traitement de l'information d'intérêt public. Si on juge avec raison que la confiance n'est pas assez élevée et qu'il faut apporter des changements pour la rétablir, il faut être au courant de la situation.
Voilà où je considère qu'au chapitre de l'intention de la loi et de la manière dont elle a été conçue, la loi ne permet pas vraiment de traiter l'information qui pourrait être dommageable et exposer certaines personnes à un risque.
Vous avez beaucoup entendu parler de la séparation des secteurs public et privé. Le régime du Royaume-Uni n'a jamais compris de telle séparation. Cela figurait dans le système de protection de l'emploi qui s'appliquait à l'ensemble des travailleurs. En fait, les législateurs ont élargi la loi pour que les définitions incluent, outre les employés, les entrepreneurs, les stagiaires et un éventail de personnes pouvant être témoins d'actes répréhensibles.
Si on considère qu'il s'agit d'une méthode de prévention précoce pour résoudre les problèmes, on souhaite que ceux qui sont témoins d'actes répréhensibles se manifestent sans tarder. Ici encore, c'est là que je pense que les définitions et la portée de l'information que comprend votre loi sont trop strictes pour assurer la protection précoce. Quand les gens s'exposent à des représailles ou à des démarches visant à les bâillonner de la part d'un système qui ne veut pas être remis en question, ils souffrent de discrédit pendant longtemps. Il faut donc prévoir des mesures de protection plus tôt, plus près des problèmes, et veiller à ce qu'il existe des voies extérieures pour que les responsables aient à s'expliquer plus tôt. Les gens disposent ainsi de solutions de rechange sécuritaires au silence.
Je pense que vous avez entendu parler de l'accès direct aux recours. Je me ferais un plaisir de vous en parler davantage, mais il s'agit d'une question de justice naturelle. Il n'est guère logique de ne pas avoir de tel accès.
Je considère en outre qu'il existe une confusion fondamentale à propos de la portée de l'intérêt public, car on pense que cela concerne la conduite des gens. Dans l'élément relatif aux représailles, il est vraiment important de penser que le principe de détriment ne veut pas dire qu'il faille porter des accusations et nécessairement trouver un fautif pour lui faire subir des représailles. Vous avez peut-être entendu dire que le régime du Royaume-Uni concerne le détriment subi, comme le fait de ne pas recevoir de bonnes évaluations ou de promotion. Or, un grand nombre de gens participent à ces décisions. Il se peut qu'on ne trouve pas de responsable par suite de la divulgation, mais un système qui commence à discréditer la personne concernée et qui continue d'utiliser les mêmes pratiques sans se poser de question.
D'après les statistiques que j'ai entendues, environ la moitié des fonctionnaires fédéraux du Canada — c'est un chiffre encore plus élevé, ce que je trouve choquant — pourraient considérer qu'ils ne peuvent divulguer quelque acte répréhensible ou inconduite éthique que ce soit, ou ont l'impression qu'ils ne seraient pas protégés à titre de membres de la fonction publique. La portée pose un certain nombre de problèmes, en ce qui concerne notamment les attributions et les responsabilités pour réagir aux divulgations. Il faut en outre veiller à ce que la loi ait une large portée pour atteindre son objectif, et tenir compte du vaste éventail de personnes ayant des renseignements pertinents. Il faut aussi chercher à voir qui est responsable de l'acte répréhensible plutôt que de tenir les gens responsables de la manière dont ils parlent de cet acte. Il faut enfin s'intéresser à l'accès direct aux recours et à l'accès à l'information.
Nous avons parlé des ordonnances imposant le secret, mais on envisage que même l'information que le Commissariat à l'intégrité du secteur public reçoit ne soit jamais du domaine public. Je ne suis pas certaine d'avoir compris quelles sont les règles relatives à l'accès à l'information recueillie au fil des ans dans le cadre du travail du Commissariat et si cela ne peut pas un jour être compris par la population. Il s'agit là de questions très sérieuses si on considère que cette loi concerne la transparence et la responsabilité.
Merci de me donner l'occasion et le privilège de comparaître aujourd'hui.
J'ai grandi sur une ferme et j'ai commencé à travailler comme apprenti charpentier et comme abatteur dans l'industrie de l'exploitation forestière. En 1982, je suis devenu entrepreneur cautionné à l'âge de 27 ans, ce qui m'a permis de soumissionner des projets du secteur public, jusqu'à ce que le gouvernement fédéral ne m'accule à la faillite.
En octobre 2008, j'ai été invité à soumissionner un projet à la prison de Kent afin de remplacer les éviers et les toilettes en porcelaine de 160 cellules par des appareils sanitaires en acier inoxydable. Étant le plus bas soumissionnaire, j'ai obtenu le contrat. C'est là que les problèmes ont débuté.
Le premier jour où nous nous sommes présentés sur place, après avoir déchargé les matériaux, je me suis fait dire que nous ne pouvions pas entamer les travaux en raison d'un problème. Je n'ai reçu aucune explication, mais j'ai fini par savoir qu'il s'agissait d'un problème d'amiante. J'ai appris ultérieurement que la prison de Kent venait d'être sérieusement contaminée à l'amiante parce qu'on avant laissé un entrepreneur réduire en poudre des tuiles de plancher contenant ce produit, alors qu'aucune disposition d'atténuation n'avait été mise en place. Les gardes ont détecté le problème et, après qu'ils eurent été gravement exposés à l'amiante avec les détenus et les travailleurs de l'entrepreneur, ils ont apparemment pris des mesures.
Nous n'avons pu installer que les éviers. Travaux publics a ensuite suspendu l'installation des toilettes pendant cinq semaines. Pour procéder à cette installation, il faut réparer les vannes qui fuient; or, moi et mon équipe ignorions que ces vannes contenaient des concentrations très élevées d'amiante. Personne ne m'en avait informé. Je l'ai découvert par moi-même. À ce moment-là, moi, mon équipe et bien d'autres personnes avaient déjà été exposées à l'amiante dans l'établissement.
Quand j'ai signalé ce grave problème, on m'a traité comme si j'étais le problème au lieu d'admettre les faits. Il semble que l'on ait tout fait pour nier ce qu'il se passait et pour me punir. J'ai signalé le problème à la direction de la supervision de Travaux publics, qui relevait de Barbara Glover. La direction a mené une enquête, dans le cadre de laquelle Margherita Finn, de la section des enquêtes spéciales, est venue m'interroger en Colombie-Britannique. Une lueur d'espoir brillait alors. Mais à mon étonnement, la direction a conclu à l'absence d'acte répréhensible.
Comme je m'étais adressé en vain à d'autres organismes, j'ai fait appel à ISPC, lui présentant une divulgation d'acte répréhensible. L'affaire a toutefois tourné au cauchemar. Par exemple, l'ISPC a, à l'évidence, considéré que mon dossier était très peu prioritaire. Il lui a fallu 24 mois pour effectuer son enquête. À un moment donné, il a indiqué qu'il ne pouvait me parler parce que je travaillais dans le secteur privé, même si j'étais le divulgateur.
Au cours des deux années durant lesquelles j'ai tenté de communiquer avec l'ISPC, je lui ai parlé probablement moins de deux heures. Il m'a gardé dans l'ignorance presque tout le temps au sujet de l'état de mon dossier. L'affaire a fini par être confiée à une enquêteuse contractuelle, qui semblait très compétente et capable d'aller au fond des choses. Elle m'a indiqué que d'après les preuves, on était en présence d'un acte répréhensible grave. Elle comptait venir en Colombie-Britannique pour m'interroger et a dressé une liste de 29 questions qui exigeaient, selon elle, une réponse avant de procéder à cet entretien.
Je n'en ai plus de nouvelles. J'ai découvert plusieurs mois plus tard qu'on avait laissé son contrat échoir plutôt que de mener l'enquête à son terme.
Un nouvel enquêteur, employé d'ISPC, a été affecté au dossier et a bouclé l'enquête en l'espace de quelques jours. Il n'a jamais parlé aux témoins clés ou à moi, ou tenté de répondre aux 29 questions. Le commissaire à l'intégrité, Mario Dion, a conclu à l'absence d'acte répréhensible, se fiant aux déclarations des deux ministères visés par les allégations d'acte répréhensible: TPSGC et RHDSC.
Sa lettre faisait référence à un sondage sur les matériaux contenant de l'amiante, ou « MCA », effectué à la prison de Kent en 2004. Avant de recevoir la décision d'ISPC, j'ignorais l'existence de ce rapport sur la prison de Kent, même si l'ISPC était au courant. C'était du nouveau pour moi. Pendant cinq ans, j'ai réclamé des renseignements sur la présence d'amiante dans la prison de Kent. Finalement, après avoir présenté une demande d'accès à l'information, j'ai reçu le rapport sur les MCA, que j'ai ici.
En page 3 de ce rapport, on peut lire que la principale personne-ressource était Mike Cuccione. Il s'agit de la personne qui m'avait invité à soumissionner le projet et qui agissait à titre d'agent de projet dans le cadre de mon contrat. Travaux publics et l'ISPC m'avaient tous deux caché ce document. Or, si on me l'avait montré dès le départ, il aurait permis d'éviter que moi, mon équipe et d'autres personnes soyons exposés au produit mortel qu'est l'amiante. En fait, je n'avais pas besoin de voir le document entier, seulement les deux phrases suivantes:
... il est très probable que d’autres joints d’étanchéité identiques soient installés sur tous les équipements mécaniques (c.-à-d. les systèmes d’eau domestique... ) de l’ensemble de l’établissement. Toutefois, lorsque ces matériaux sont installés, ils ne sont plus visibles, et il est impossible d’en vérifier la présence sans démanteler le système. Par conséquent, il faut appliquer des procédures de désamiantage en cas de déplacement ou d’enlèvement de ces matériaux pendant les travaux de maintenance.
Cette citation est directement tirée du rapport.
Je le répète: il s'agit d'un document que Travaux publics et l'ISPC nous ont caché, à moi et aux autres témoins, lorsqu'ils sont arrivés à la conclusion qu'il n'y avait pas eu d'acte répréhensible. Si j'avais vu ce document, pensez-vous que je me serais exposé avec mon équipe à l'amiante? Si je l'avais fait, WorkSafeBC m'aurait imposé des amendes substantielles et j'aurais probablement été poursuivi en justice.
Dans toute cette confusion, j'ai bénéficié du soutien d'Allan Cutler et de David Hutton. Ce dernier a proposé d'examiner les documents que j'avais réunis et a rédigé un rapport de 17 pages, qui a été présenté au Comité à titre de preuve. Ce rapport explique comment l'ISPC m'a caché une preuve qui était cruciale pour moi et a bâclé son enquête.
Aujourd'hui, ma situation a incroyablement changé. J'ai perdu mon cautionnement et mon entreprise a fait faillite. Ma santé est peut-être menacée. Je ne sais jamais quand je risque de recevoir un diagnostic de maladie mortelle liée à l'amiante. J'ai maintenant perdu contact avec des associés d'affaires, des amis, et, pire encore, des membres de ma famille, qui pensent que je dois avoir fait quelque chose de mal pour provoquer tout ce gâchis.
Les clients des secteurs public et privé ont cessé de m'appeler pour me confier du travail; je figure sur une liste noire officieuse. Le différend qui m'oppose à Travaux publics a pris toute la place dans ma vie et a de lourdes conséquences. Nombreux sont ceux qui pensent que j'éprouve maintenant des problèmes de santé mentale. Ils ont d'ailleurs raison à certains égards, car le TSPT commence à avoir sur moi des effets considérables. Sachez en outre que je suis maintenant le principal soutien de notre fille adoptive, une orpheline roumaine ayant des besoins particuliers qui exige une attention constante. Il m'arrive de penser que ma santé mentale ne tient qu'à un fil.
Le gouvernement n'en a toutefois pas terminé avec moi. J'ai intenté des poursuites contre lui, mais on m'a indiqué que le ministère de la Justice disposera d'une équipe entière d'avocats qui pourrait faire monter ma facture de frais juridiques de plusieurs dizaines ou centaines de milliers de dollars supplémentaires.
Mon père et mon grand-père ont tous deux combattu à l'étranger au cours des précédentes guerres mondiales et croyaient qu'ils l'avaient fait pour préserver nos valeurs canadiennes de liberté et de décence élémentaire. C'est en leur honneur que je me bats d'une manière légèrement différente.
Vers où puis-je me tourner maintenant? Savez-vous comment je peux enfin obtenir de l'aide sans plus de confrontation?
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Garrett.
Merci à tous de vos témoignages.
Nous commencerons en faisant nos interventions habituelles de sept minutes.
[Français]
Monsieur Drouin, vous avez la parole pour sept minutes.
[Traduction]
Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins de comparaître aujourd'hui.
J'aborderai quelques points que M. Conacher a soulevés, mais je veux parler — peut-être à vous, madame Meyers, si vous possédez de l'expérience à l'échelle internationale — de l'importance que vous accordez à la culture. Je sais que nous avons une loi au pays, mais elle s'applique en aval. C'est en pareil cas que le pire se produit.
Dans quelle mesure mettez-vous l'accent sur la culture au sein du gouvernement pour qu'en cas de problème, il règne au sein de la bureaucratie un degré de confiance permettant aux gens de se sentir à l'aise de divulguer des actes répréhensibles? Quelle importance accordez-vous à la culture?
Le fait de mettre l’accent sur la culture sans proposer de mécanismes clairs et rationnels pour permettre aux gens de dénoncer des actes répréhensibles envoie un message ambigu. Les gens sont incroyablement intelligents et rationnels. Ils auront compris que quelqu’un a tenté quelque chose et que cela n’a pas fonctionné. Sur le plan culturel, un tel message se transmet beaucoup plus rapidement qu’un message sur ce qui fonctionne. Il est très important d’être proactif et de s’assurer que si l’on se dote d’un système, on doit s’y fier, en parler aux gens et bien communiquer. C’est ainsi que l’on amorce un changement de culture pour que les gens aient confiance envers le système et qu’ils sentent qu’ils peuvent dénoncer ces actes.
À mon avis, sur le plan culturel, les Canadiens n’auront pas beaucoup de difficulté à dire que c’est leur responsabilité et leur devoir — pas devoir au sens de la loi, mais en tant que personne offrant un service public. Même certaines entreprises privées offrent des services.
La protection du consommateur est l’un des aspects que Public Concern at Work a évalué. La plupart du temps, il était question de désastres dans le secteur privé — un traversier qui sombre, l’explosion d’une installation de forage pétrolier, la faillite d’une banque avant la crise financière. Sur le plan culturel, vous rencontrerez peu de résistance si vous expliquez aux gens pourquoi ce que vous faites est dans l’intérêt public, si vous faites appel à leurs valeurs et à leur sentiment de vouloir faire du bon travail, si vous leur donnez des moyens de s’assurer que les personnes responsables et qui doivent rendre des comptes pour avoir posé des actes répréhensibles sont au courant et des moyens d’agir. La plupart du temps, le choc vient du fait que cela n’arrive pas.
Dès le début, j’ai réalisé que dans différentes régions du monde, des organismes gouvernementaux ont adopté un code de conduite et d’éthique pour les fonctionnaires. À mon avis, c’est à cet égard que la loi est ambiguë, car elle propose un code de conduite et d’éthique, mais touche également aux actes répréhensibles, à la divulgation des actes et aux représailles ou préjudices possibles. Elle touche à beaucoup de choses, mais elle n’est pas très claire, ce qui sème la confusion et soulève des questions. À bien y penser, elle pousse au silence.
Monsieur Conacher, je reviendrai à vous dans un instant.
J’aimerais vous poser une question au sujet de votre quatrième recommandation. Selon votre expérience à tous les deux à l’étranger, est-ce que d’autres pays ont recours au transfert prioritaire pour permettre aux divulgateurs d’actes répréhensibles d’être mutés au même niveau dans une autre organisation?
Selon votre expérience à l’étranger, est-ce que des fonctionnaires divulgateurs sont restés au sein de la même organisation et est-ce réaliste de penser que leur identité ou leur confidentialité est protégée au sein de l’organisation concernée? Est-ce réaliste?
D’autres pays permettent ces transferts prioritaires.
Est-ce réaliste? En fait, tout dépend de la taille de l’organisation et de l’acte répréhensible en question. Si seulement quelques personnes sont au courant de l’acte, il devient très difficile de protéger l’identité du divulgateur, car c’est nécessairement l’une de ces personnes qui a signalé l’acte et, habituellement, les autres tentent de savoir c'est qui. Dans une grande organisation où plusieurs personnes sont au courant de l’acte et que quelqu’un dénonce l’acte de façon anonyme même le commissaire qui mène l’enquête ignore qui a dénoncé l’acte, mais il dispose de suffisamment de preuves écrites et d’autres preuves pour prouver qu’il y a eu acte répréhensible , alors il est plus facile de dénoncer de façon anonyme. Toutefois, cela demeure un geste difficile à poser. C’est la raison pour laquelle ceux qui choisissent de divulguer publiquement un acte répréhensible et qui sont victimes de représailles devraient avoir droit à une compensation monétaire ou à un transfert.
Une chose que je n’ai pas mentionnée dans mon exposé, mais que vous savez tous, j’en suis convaincu, c’est qu’en juillet dernier, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a commencé à offrir une récompense pouvant aller jusqu’à 5 millions de dollars à toute personne qui dénonce une violation de la Loi sur les valeurs mobilières en Ontario. Donc, nous avons maintenant un exemple à suivre au pays. On pourrait débattre du montant, mais la province reconnaît que les divulgateurs prennent un risque et qu’une compensation financière n’est pas vraiment une récompense; c’est un coussin qui leur permet de prendre ce risque sans tout perdre.
Oui. Il y a toute une gamme d’outils pour aider les gens à conserver leur intégrité, soit pendant l’enquête ou en cas de représailles.
Le transfert est l’une des options qui doivent être offertes. J’ai vu des cas où le divulgateur est transféré ailleurs simplement pour s’en débarrasser. Tout le monde est heureux, sauf le divulgateur qui aimait son emploi, qui croyait faire son travail, même qui croyait faire un très bon travail, et que c’était effectivement le cas. Dans un tel cas, un transfert peut s’avérer une punition.
Il faut disposer de plusieurs options. Je continue de réfléchir à la question. Beaucoup de personnes avec qui j’ai travaillé dans le secteur privé dans le domaine de la sécurité ont commencé leur carrière comme policiers. Ils comprennent qu’il y a toutes sortes de témoins et que différentes personnes fournissent des éléments d’information. Ils ne s’attendent pas à ce que ces gens fournissent des preuves. Ils font leur travail et font enquête sans mettre les divulgateurs en danger. Je ne parle pas nécessairement d’un comportement criminel, quoique c’est possible.
À mon avis, c’est le problème dans la fonction publique. Il faut traiter ces cas de façon raisonnable, et ce, dès le début. Les gens sont intelligents. Il faut les former correctement sur les questions à poser à ceux qui viennent les voir pour divulguer un acte répréhensible. Parfois, c’est la seule protection dont les divulgateurs ont besoin.
Bonjour et bienvenue.
J’aimerais d’abord vous remercier pour vos propos et votre plaidoyer.
Monsieur Conacher, je vais m’adresser à vous en premier. Vous avez parlé de protections dans le secteur privé, mais uniquement en ce qui concerne les secteurs à réglementation fédérale. L’intention est-elle de commencer avec ces secteurs seulement? Est-ce réaliste, possible ou trop difficile d’inclure tout le secteur privé?
Je fais uniquement référence à ce qui est de compétence fédérale. Il faudrait que les gouvernements provinciaux renforcent leurs systèmes pour les travailleurs et institutions sous leur réglementation.
M. Garrett nous a raconté une véritable histoire d’horreur, et Mme Myers également. Pour revenir à l’histoire de M. Garrett, que peut-on faire pour protéger les entrepreneurs qui travaillent pour le gouvernement afin qu’ils puissent divulguer des actes répréhensibles sans ruiner leur vie ou, surtout, sans que leur entreprise soit mise sur la liste noire?
Pourriez-vous nous dire, si vous le savez, comment d’autres pays s’y prennent?
Essentiellement, tout le monde doit être protégé, y compris les fournisseurs du gouvernement. Les mesures d’application doivent inclure des vérifications de suivi pour s’assurer que ces entreprises ne se font pas refuser des contrats simplement parce qu’elles ont divulgué des actes répréhensibles. C’est une situation qui pourrait être très difficile pour quelqu’un comme M. Garrett.
D’ailleurs, j’aimerais prendre un instant pour lui souhaiter la meilleure des chances et souligner le courage dont il fait preuve pour raconter publiquement son histoire, une véritable histoire d’horreur.
Comme tout le monde, les fournisseurs se trouvent dans une position vulnérable. À mon avis, le commissaire doit effectuer des vérifications continues dans le cadre de ses pratiques régulières, et dans des cas comme celui-ci, des vérifications de suivi, pour maintenir ouverts les dossiers afin que les fournisseurs puissent continuer à être protégés contre toutes représailles. Il doit vérifier que le processus de soumission pour des contrats est juste et que les entrepreneurs concernés n’ont pas été subtilement retirés de la liste, car c’est très facile à faire.
Une des solutions est de passer par l’entremise d’un service d’approvisionnement public, les agences et organismes fédéraux responsables des approvisionnements publics. Il est possible d’inclure comme condition à l’octroi d’un contrat que l’organisation ait pris des mesures en matière de divulgation de façon à ce que le personnel travaillant au projet puisse communiquer directement avec le ministère contractant pour divulguer des actes répréhensibles et pour que le ministère concerné prenne des mesures contre toute organisation du secteur privé qui use de représailles à l’endroit d’une personne qui aurait divulgué des actes répréhensibles.
Il existe des solutions autres que la mise en place d’un système de protection juridique qui permettent aux autorités de refuser de traiter avec certaines entreprises qui taisent ces informations ou qui n’ont pas adopté de mesures adéquates.
Ce qui m’inquiète, ce n’est pas que les entreprises hésitent à divulguer des actes répréhensibles, mais bien qu’elles soient mises sur une liste noire pour avoir dénoncé du gaspillage ou de la mauvaise gestion, par exemple,…
C’est un peu la même chose. Si vous signalez une situation dont le gouvernement doit tenir compte, cela ne devrait pas vous empêcher de présenter une nouvelle…
M. Garrett nous a raconté qu’il a dû se frotter à une armée d’avocats… Mme Gualtieri a dit également que le gouvernement s’en est pris à elle et que ses frais d’avocat se sont élevés à plusieurs centaines de milliers de dollars. Est-ce une chose que nous devons inclure dans nos lois pour protéger les fournisseurs ou empêcher le gouvernement de les…
Je crois que cela est attribuable, en partie, à la faiblesse du système de protection, car si leurs droits sont protégés, ce serait un geste illogique de la part du gouvernement, tant sur le plan de la rentabilité que de l’image publique.
Selon vous, madame Myers et monsieur Conacher, quels sont les pays les plus efficaces à ce chapitre? L’Australie, l’Irlande et les États-Unis ont été mentionnés.
Doit-on réunir les meilleurs éléments des lois existantes ou en choisir une comme modèle?
Je dirais qu’actuellement, la loi du Royaume-Uni offre encore une bonne base solide. On fait référence à la loi irlandaise comme étant la « Loi sur les intérêts publics qui justifient la divulgation à la puissance 10 »… La loi irlandaise est semblable à la loi du Royaume-Uni, mais à la puissance 10. Elle a permis d’apporter des changements fondamentaux et importants.
La loi serbe est un bon exemple d’un système ne présentant aucun problème en matière d’anonymat, tant sur le plan culturel que sur le plan juridique. C’est une bonne loi. Je crois que vous avez déjà parlé au professeur A. J. Brown au sujet de la loi australienne. Ils l’ont élaborée et surveillée. La Suède a pris des mesures qui pourraient…
La loi irlandaise semble être la seule à avoir des dispositions offrant aux divulgateurs des recours devant les tribunaux si quelqu’un…
Oui. C’est l’une des premières à avoir de telles dispositions, quoique les ébauches de lois proposées, mais rejetées, contenaient de telles dispositions…
Je ne suis pas avocat, mais lorsque je regarde comment les gens comme M. Garrett et Mme Gualtieri, ailleurs, sont protégés…
Mme Anna Myers: Exactement.
M. Kelly McCauley: … sans être punis… le message est clair: si vous usez de représailles, vous risquez de perdre votre emploi, d’être congédié et de perdre votre maison, par exemple.
J’ai dit plus tôt qu’il fallait inverser la responsabilité de façon à ce que l’employeur soit tenu de prouver qu’il n’a pas usé de représailles. À mon avis, c’est un point important. Il est aussi important de donner au commissaire le pouvoir d’imposer des sanctions administratives pécuniaires pour que les administrateurs généraux et chefs d’organisations publiques et privées sachent qu’ils sont passibles de sanctions personnelles, pas à la suite d’un processus judiciaire qui pourrait s’étendre sur plusieurs années, mais parce que le commissionnaire juge qu’ils ont mal agi et qu’ils méritent une sanction. Si les sanctions sont suffisamment…
Il a aussi été question, plus tôt, de formation. Dans le cadre de mes études de doctorat en droit, j’examine la façon dont les citoyens respectent les bonnes lois. Les psychologues du comportement soulignent plusieurs aspects à inclure dans la formation. L’un des plus importants…
Je crois que mon temps est écoulé. Je voulais entendre la réponse de Mme Myers. Elle avait la main levée.
Peut-être dans le cadre de la prochaine intervention.
Monsieur Weir, vous avez la parole pour sept minutes.
Madame Myers, si vous voulez prendre une minute pour répondre à la question de M. McCauley, ce serait très bien.
J’allais simplement dire que cette loi, la loi irlandaise, est certainement… Concernant la Suède, nous avons souligné qu’il est possible d’offrir aux gens différents niveaux de divulgation. C’est donc une autre façon de procéder. De plus, les lois serbe et irlandaise comprennent toutes les deux une mesure injonctive qui empêche les débordements.
Le groupe de témoins précédent a souligné, entre autres, que, dans d’autres pays, la protection des divulgateurs inclut souvent le secteur privé. Je suis donc heureux que M. Garrett soit ici pour nous donner le point de vue canadien du secteur privé.
Monsieur Conacher, j’aimerais que vous nous parliez un peu plus de votre proposition d’élargir la protection fédérale des divulgateurs au secteur privé.
Encore une fois, comme le scandale actuel des services bancaires le montre, le gouvernement fédéral doit légiférer afin de protéger tous les travailleurs sous réglementation fédérale, et les gouvernements provinciaux devraient faire de même tant pour les travailleurs du secteur public que ceux du secteur privé.
Il y a quelques domaines qui sont bien régis. Je pense notamment au droit de la concurrence et au Bureau de la concurrence. Il y a également la commission des relations du travail, sous le régime des lois de protection environnementale, mais je pense que nous avons besoin non seulement d'une loi générale, mais d'un endroit où aller, pour que tout le monde sache qu'en cas de problème, il y a un bureau qui peut l'aider à déterminer à quel organisme d'application de la loi il devrait s'adresser pour régler un problème donné. Il y a un autre détail que je n'ai pas mentionné, c'est que si l'on s'adresse à un organisme d'application de la loi et qu'il ne traite pas l'affaire avec diligence en raison d'un quelconque conflit d'intérêts, de problèmes ou de lacunes qu'il pourrait y avoir, cet organisme central devrait être en mesure de faire avancer le dossier, afin que la personne ne se retrouve pas dans les limbes, qu'elle fasse l'objet de représailles ou qu'elle se trouve à attendre deux ans pour que quelqu'un communique avec elle.
Il y a un scandale qui fait rage actuellement, et il y en a un autre dans l'industrie alimentaire, qui met en cause l'ACIA. On a appris récemment que l'Agence aurait courbé l'échine devant l'industrie alimentaire au sujet d'un règlement. Ce genre de scandale qui touche le secteur privé met les lacunes en lumière. Ce genre de situation aurait probablement pu être évité si les lanceurs d'alerte avaient eu un endroit où aller, où ils auraient joui d'une pleine protection.
Monsieur Garrett, qu'en pensez-vous? Est-ce que ce serait le bon genre de modèle, selon vous, où avez-vous d'autres idées sur la façon dont nous pourrions améliorer le système pour les gens du secteur privé?
Je n'ai pas vraiment de conseils à vous donner. Bien des gens me demandent ce qu'ils devraient faire. Il y a des gens qui viennent me voir, je pense notamment à des gardes de Kent, qui sont venus me demander: « Que pouvons-nous faire? » Avant mon arrivée ici, un garde m'a fait part de preuves de six incidents différents d'exposition à l'amiante dans la prison de Kent. Il y en avait avant moi, pendant que j'étais là et après. Cela n'arrête pas.
J'ai écouté bon nombre des témoignages prononcés ici, et il y a un sujet dont je n'ai pas entendu parler, que j'aimerais porter à l'attention des parlementaires. Cela n'a rien à voir avec moi. Au gouvernement, les gens se font constamment dire qu'ils devraient administrer le gouvernement comme une entreprise. Il y a une part de vérité à cela, mais il y a aussi des distinctions entre les marchés publics et les marchés privés. Il y a tellement de choses qui sont légales dans le secteur privé qui ne sont pas vraiment acceptables dans le secteur public. Il faut faire preuve d'une totale transparence et d'imputabilité. On n'exige pas la même chose du secteur privé.
Il y a un problème fondamental à croire qu'il faut administrer un gouvernement de la même façon qu'on administre une entreprise privée. Ce n'est pas totalement vrai. Quand vient le temps d'optimiser les activités et de régler des problèmes, oui, mais je ne suis pas d'accord avec la quasi-élimination de nos processus d'appel d'offres public. Ils ont presque complètement disparu. Vraiment, c'est le président de l'Association canadienne de la construction qui devrait être ici pour vous expliquer cela, pas moi. Nous faisons des demandes de propositions. Nous menons des PPP et des projets de conception-construction. Ces formules fonctionnent bien dans le secteur privé. Elles ne fonctionnent pas bien pour le gouvernement, parce qu'elles ne prévoient pas suffisamment d'imputabilité et de transparence. Il n'y en a pas.
Je suis totalement hors sujet, mais il doit y avoir un changement fondamental à ce chapitre.
J'ai ici un courriel que j'aurais dû vous transmettre. Il vient d'un haut fonctionnaire. Je l'ai vu juste avant d'arriver ici. Il vient d'un bureaucrate haut placé qui dirige d'autres bureaucrates, et le dossier cité en objet relève de moi. C'est écrit: « Les gestionnaires de projet et l'agent de négociation du contrat travaillent en étroite collaboration depuis deux ans et demi pour résoudre les problèmes dans ce dossier et méritent des félicitations pour leur ténacité. De manière générale, le personnel a communiqué avec des avocats du ministère de la Justice, le Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement, Margherita Finn, et les avocats représentant Garrett, en plus d'avoir traité des demandes d'accès à l'information sur le dossier. »
C'est foncièrement faux.
Je vous remercie de porter la chose à notre attention. Il n'est certainement pas trop tard pour soumettre le document au comité. Je vous inviterais à le faire.
Ce n'est qu'un courriel parmi de nombreux autres. C'est un système conçu pour attaquer les dénonciateurs. Je le vois. C'est un processus en trois temps: nier ce que dit le dénonciateur, retarder les choses, puis détruire le dénonciateur. Je l'ai vécu. Je le vis encore aujourd'hui.
Il y a une chose que fait l'Office of Special Counsel, aux États-Unis, qui fait partie intégrante du système américain et que le gouvernement canadien pourrait faire pour envoyer le message plus clair possible, culturellement, et gagner en efficacité. Il s'agit non seulement de donner rapidement des nouvelles à la personne qui a fait la divulgation, mais de la consulter un peu pendant l'enquête.
Ces personnes savent avec qui les enquêteurs devraient parler. Elles ne sont pas là pour s'enrichir. Elles dénoncent une situation pour pouvoir continuer de faire leur travail ou veiller à ce que les gens autour d'eux travaillent mieux. Leur contribution peut être extrêmement précieuse pour orienter l'enquête et mener à des idées très claires pour résoudre le problème. Je l'ai vu tellement de fois. Peu importe la fragilité dont peuvent faire preuve ces personnes à d'autres égards, elles savaient professionnellement ce qu'elles faisaient. Elles connaissent les problèmes. Ce sont les meilleures ressources. Elles l'étaient déjà de toute façon avant de sortir de leur structure de gestion pour signaler une situation.
Merci beaucoup, monsieur Weir. Malheureusement, nous n'avons plus de temps.
Notre dernier intervenant sera M. Ayoub.
[Français]
Monsieur Ayoub, vous avez la parole pour sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur Garrett, je vous remercie, mais je compatis aussi à votre mauvaise expérience.
Depuis quelque temps, nous nous penchons sur la question des whistle-blowers, ou divulgateurs, au Canada. Or j'ai l'impression qu'on s'en va dans toutes les directions partout au pays pour essayer de régler un problème qui, pour être réglé, nécessiterait qu'on ait un guide. J'ai l'impression que plusieurs joueurs essaient d'entrer en même temps dans le processus et de se justifier.
Madame Myers, vous disiez que le but des divulgateurs n'était pas de faire de l'argent. Cependant, j'apprends aujourd'hui que le gouvernement de l'Ontario offre 5 millions de dollars à titre de récompense. Je n'étais pas au courant de cela. J'en suis pour le moins estomaqué. Il faut se demander quel est le but d'une pratique de ce genre. En réalité, on veut que les divulgateurs qui vivent vraiment une situation de ce genre soient crédibles, mais aussi qu'ils soient protégés. Il y a en effet la question de la protection, qui est liée au fait qu'il y ait ou non une divulgation publique. Or je me rends compte que les divulgateurs portent tout sur leurs épaules.
Pourquoi un dénonciateur ne pourrait-il pas uniquement sonner l'alerte et être ensuite délesté de cette responsabilité? En effet, le cas pourrait être étudié aux niveaux fédéral, provincial ou municipal, s'il le faut. Le côté légal associé aux poursuites relèverait d'une entité qui déterminerait si ce divulgateur est crédible et si le processus doit se poursuivre.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
En français, surtout en France, on appelle les whistle-blowers des lanceurs d'alerte. C'est une expression appropriée. Le terme « whistle-blowing » est utilisé partout parce qu'il est neutre. Toutefois, il y a encore des problèmes du côté anglais, même en Angleterre.
[Traduction]
Je dirais que le système de récompenses est un système à part. J'ai certaines réserves à cet égard, mais dans un certain contexte financier (le SEC est une entité financière), il paie les lanceurs d'alerte, mais constate aussi que sans protection... Même selon l'expérience du SEC aux États-Unis — et je me suis déjà retrouvée dans la même pièce que la personne qui a créé le système américain de whistle-blowers —, la plupart des lanceurs d'alerte ne recevront jamais de récompense. Ce système est assez limité; en fait, ces gens parlent parce qu'il y a quelque chose de mal qui se passe.
Ce système a été proposé. Il vient éveiller l'envie de faire de l'argent, qui est très forte aux États-Unis. L'idée dérange beaucoup en Europe aussi, tout comme celle de l'anonymat et des déclarations anonymes. Il y a déjà eu des États fascistes qui disaient: « Ne communiquez d'information qu'à l'État, et nous vous garderons... et nous utiliserons l'information contre d'autres personnes. »
C'est une autre chose à laquelle il faut penser; il doit y avoir plus d'un canal par lequel passer: les canaux importants, les bons canaux, les organismes de réglementation qui ont le mandat de gérer le problème, les gestionnaires responsables, un ISPC qui permette que l'information soit acheminée aux bonnes personnes. Il ne faut pas créer un système cloisonné sans aucune imputabilité.
Vous avez totalement raison. Il faut transférer la responsabilité de l'enquête ailleurs, mais pas retirer toute la responsabilité de la démarche aux lanceurs d'alerte. Il ne s'agit pas de leur demander de venir nous voir, comme des enfants, et de ne plus s'en soucier ensuite.
Nous avons un commissariat, soit le Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada, mais il y a littéralement des centaines de cas qui n'ont toujours pas fait l'objet d'une enquête juste et complète du Commissariat. Le commissaire actuel est pratiquement là depuis le début, et à ce que nous sachions, il n'a jamais dénoncé les vastes actes répréhensibles du premier commissaire à l'intégrité, ni ceux du second.
Bien des gens ont essayé de protéger les Canadiens en divulguant que les gouvernements gaspillent des milliards de dollars pour approuver des produits dangereux, couvrir des scandales impliquant de grandes entreprises, les escroquer, vendre des produits dangereux et camoufler des déversements de pétrole et d'autres cas de pollution. Ces personnes se sont fait harceler, congédier, poursuivre, réduire au silence et pénaliser par les gouvernements et les grandes entreprises, mais ce n'est pas le propre du gouvernement fédéral, que cela vaut aussi pour les gouvernements provinciaux.
Tout cela est possible parce que les lois canadiennes sont faibles et qu'elles sont mises en application avec négligence. Nous avons le squelette d'un système, mais de nombreux changements doivent y être apportés, dont les 17 énumérés dans cette pétition signée par plus de 21 000 personnes, pour que le système soit vraiment efficace et que les lanceurs d'alerte soient pleinement et efficacement protégés.
Encore, on a beau débattre de l'ampleur de la récompense à offrir, mais la meilleure solution reste de créer une protection pour que la personne sache que quand elle prendra des risques, elle sera protégée si les choses tournent mal parce que la loi est appliquée négligemment par une personne qui ne fait pas bien son travail, comme c'est déjà arrivé des centaines de fois au Canada au cours des 10 dernières années, à l'échelle fédérale seulement.
[Français]
Je comprends. Je ne suis pas nécessairement contre, mais je me questionne sur la portée de la récompense. Dans certains cas, cela peut être intéressant.
Je me suis également rendu compte qu'il n'y avait pas de remise en question effectuée de façon régulière et statutaire. Vous en avez justement parlé. Le vérificateur général fait un audit, mais il ne semble pas y avoir d'actions qui suivent vraiment.
Quelle serait la manière de redonner une crédibilité à long terme à un organisme comme celui du Commissariat à l'intégrité du secteur public, qui fait les recherches?
[Traduction]
Je crois qu'il serait difficile que cela se concrétise sous le règne du commissaire actuel, à moins que le commissaire ne soit tenu de demander une vérification pleinement indépendante, non seulement sur le Commissariat, mais sur la façon dont tous les ministères assurent la protection des lanceurs d'alerte.
Il n'y a pas eu de vérification depuis celle du premier commissaire, et une nouvelle vérification s'impose depuis longtemps. Il devrait y avoir une vérification indépendante de tout système par le vérificateur général au moins tous les trois ans, et les résultats devraient en être rendus publics, bien sûr.
Merci beaucoup.
Mesdames et messieurs les témoins, vos témoignages ici aujourd'hui ont été très instructifs.
Monsieur Garrett, sur une note personnelle, je ne peux probablement pas trouver de mots pour exprimer toute mon empathie face à la situation que vous vivez depuis tant d'années à mener cette bataille. Je ne peux qu'espérer que le rapport final et les recommandations de notre comité permettront au moins un peu, ou beaucoup dans le meilleurs des cas, de corriger la situation dont vous souffrez. J'espère qu'aucun autre employé travaillant au sein du gouvernement ou pour lui ne devra revivre ce que vous avez vécu.
Je vous remercie tous et toutes de votre présence ici aujourd'hui.
Chers collègues, je crois que nous devrions prendre quelques instants à huis clos. D'après mon interprétation de tous les témoignages que nous avons entendus au cours des derniers jours, les membres du comité pourraient vouloir recommander la comparution d'autres témoins pour la poursuite de cette étude. Je sais que M. Weir en a quelques-uns à nous proposer, et je crois que vous en avez aussi quelques-uns, monsieur.
Je dirai donc au revoir à nos témoins, et nous nous interromprons quelques minutes seulement, après quoi nous prendrons environ cinq minutes pour en discuter à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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