OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 9 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, merci.
À ceux qui se joignent à notre Comité, comme M. Breton, bienvenue dans les nouvelles salles du Comité, au 180, rue Wellington.
Je souhaite la bienvenue à nos invités, M. Bégin et Mme Ferlatte.
Je crois comprendre que vous avec un exposé, monsieur Bégin.
Bonjour. Je m'appelle Luc Bégin et je vous parlerai au nom de Santé Canada à titre d'agent supérieur de l'intégrité de cet organisme.
Pour vous donner un peu de contexte, le Bureau de l'ombudsman, de l'intégrité et de la résolution de Santé Canada, au sein duquel je suis ombudsman et directeur exécutif, a été créé il y a près d'un an à titre de service partagé afin d'offrir des services aux employés de Santé Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada signalant des problèmes en milieu de travail. Avant février 2016, c'est le dirigeant principal de la vérification qui jouait le rôle d'agent supérieur de l'intégrité.
Le lancement de ce bureau découlait d'une décision novatrice prise par les cadres supérieurs afin de mettre en oeuvre des pratiques exemplaires et de centraliser quatre services, soit ceux de l'ombudsman, de la gestion informelle des conflits, des valeurs et de l'éthique, et de la divulgation interne. Ces services proposent aux employés de tous les niveaux de Santé Canada des services d'intégrité dans un bureau mutuel et confidentiel dirigé par un ombudsman indépendant dans le cadre d'une prestation homogène de services offerts par l'entremise d'un guichet unique.
Sous ma houlette, les services de divulgation interne sont responsables de la divulgation interne et offrent un mécanisme sûr, confidentiel et indépendant permettant aux employés de divulguer les actes répréhensibles posés en milieu de travail et d'obtenir des conseils pour savoir si un comportement requiert une intervention. Les services de divulgation interne fournissent en outre des conseils et des renseignements aux employés sur la Loi et les processus de divulgation.
De plus, ces services reçoivent et examinent les divulgations d'actes répréhensibles allégés et mènent des enquêtes au besoin. Quand la divulgation d'actes répréhensibles s'avère fondée, nous faisons rapport à la haute direction pour lui faire part de nos conclusions, lui signaler des problèmes systémiques pouvant être à l'origine d'actes répréhensibles et lui recommander des mesures appropriées. Les rapports dans lesquels nous concluons que l'allégation d'actes répréhensibles est fondée sont également publiés sur le site Web de Santé Canada. Quand l'allégation n'est pas fondée, elle peut permettre de mettre en lumière des domaines ou des problèmes auxquels nous pouvons nous attaquer de manière proactive afin de prévenir une aggravation de la situation.
Dans mon double rôle d'ombudsman et d'agent supérieur de l'intégrité, je gère ces situations avec objectivité et équité tout en respectant la confidentialité, conformément à la Loi. Je me ferai un plaisir d'expliquer au Comité comment nous appliquons la Loi en lui décrivant les mesures internes actuellement en place aux fins de divulgation d'actes répréhensibles, ainsi que les processus et les procédures que nous suivons pour y réagir.
Santé Canada, mon bureau et la haute direction prennent avec le plus grand sérieux l'application et la gestion de la Loi. Nous travaillons activement pour veiller à ce que les employés disposent d'un mécanisme sûr et confidentiel aux fins de divulgation, un mécanisme cadrant avec les valeurs et l'éthique du secteur public.
À l'interne, la politique relative à la divulgation interne des fonctionnaires de Santé Canada actuellement en place définit le processus à suivre pour formuler des allégations d'actes répréhensibles. Elle indique notamment que l'employé peut présenter des plaintes d'actes répréhensibles à son superviseur direct, à l'agent supérieur de l'intégrité ou directement au commissaire à l'intégrité du secteur public. Elle précise en outre les rôles de l'administrateur général, de l'agent supérieur de l'intégrité, des gestionnaires et des employés.
Dans l'ensemble, cette politique traite des obligations de Santé Canada et témoigne de l'engagement du ministère à mettre en oeuvre les exigences de la Loi. Elle énonce les attentes à l'égard des employés de Santé Canada sur le plan de l'application de la Loi et présente les grands éléments des processus ministériels qui appuient cette application. L'employé qui communique avec mon bureau pour poser des questions ou dans l'intention de formuler des allégations d'actes répréhensibles obtiendra des détails et des renseignements supplémentaires sur la manière de procéder pour présenter ses allégations, les documents qu'il doit fournir, la manière dont les allégations sont traitées et ce à quoi il peut s'attendre.
L'employé qui s'engage dans ce processus s'aventure en terre inconnue, et la crainte de représailles est un élément dont il faut tenir compte. Mon bureau fournit aux employés de l'information sur toutes les facettes de la protection contre les représailles, ainsi que tous les renseignements pertinents pour dissiper les idées fausses et les présomptions et gérer les attentes.
Pour assurer la confidentialité, tous ceux qui participent au processus de divulgation se font rappeler de protéger les renseignements relatifs aux affaires ou aux enquêtes. Mon bureau prend bien soin d'assurer la confidentialité des renseignements en maintenant un système de classement distinct, à la fois physique et électronique, et en fournissant une adresse de courrier électronique et un numéro de téléphone protégés, séparés des autres services que nous offrons. Ces coordonnées ne sont accessibles qu'aux employés concernés par les divulgations ou les enquêtes dont mon bureau s'occupe.
En ce qui concerne les activités d'information et de sensibilisation, mon bureau continue de faire connaître ses services en offrant une séance mensuelle de sensibilisation à tous les employés. Il est également question des services de divulgation interne lors de chaque séance d'orientation des nouveaux employés et de chaque séance sur les valeurs et l'éthique, que tous les gestionnaires et employés de Santé Canada doivent obligatoirement suivre. Qui plus est, tous les employés, au moment de leur nomination, doivent attester qu'ils ont lu et compris le code de conduite quand ils signent leur lettre d'emploi.
Mon bureau prend part aux activités et aux forums annuels auxquels participent de grands nombres d'employés afin de faire de la sensibilisation et de traiter du processus. De plus, il met continuellement à jour le contenu de son site intranet pour fournir de l'information pertinente aux employés de Santé Canada.
Ces pages intranet comprennent des renseignements sur les rôles et les responsabilités relatifs à la manière de recevoir et de faire une divulgation, et de mener une enquête. Elles proposent en outre des ressources que l'on peut télécharger, comme des brochures sur la Loi et un formulaire pour faire des divulgations internes. Elles contiennent aussi des liens vers des rapports annuels et des sites Internet fournissant d'autres informations pertinentes, comme celles publiées sur le site Web du commissaire à l'intégrité du secteur public. On y trouve également des liens pour joindre mon bureau par l'entremise d'une boîte de courrier électronique distincte et d'un numéro de téléphone confidentiel sans frais.
Souvent, il n'est pas nécessaire de mener une enquête officielle sur les problèmes soulevés auprès des services de divulgation interne aux termes de la Loi. Même si le sujet est pertinent, la question est traitée et renvoyée de manière informelle.
Mon bureau collabore étroitement avec des partenaires internes, comme les gestionnaires et les représentants d'autres mécanismes de recours des employés. Quand les allégations n'atteignent pas le seuil nécessaire pour justifier le lancement d'une enquête ou quand la divulgation interne ne constitue pas le moyen approprié de résolution, il est considéré avantageux de disposer d'un éventail de recours ou d'options. Les employés peuvent ainsi avoir accès à une panoplie de ressources qui peuvent les aider, peu importe la nature de leurs difficultés.
Mon bureau collabore également aux enquêtes du commissaire à l'intégrité du secteur public en jouant un rôle de liaison et en veillant notamment à ce que tous les partenaires connaissent et respectent les obligations strictes qu'ils ont d'assurer la confidentialité des renseignements.
Selon les résultats du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2014, la crainte de représailles hante encore les employés qui ont fait des allégations d'actes répréhensibles ou qui envisagent de le faire. Santé Canada, que cet état de fait préoccupe grandement, est déterminé à corriger la situation et à établir un environnement où les employés se sentent à l'aise de se manifester.
Mon bureau et ses services s'efforcent constamment d'incarner les valeurs d'intégrité, de neutralité et d'indépendance lorsqu'ils traitent des allégations d'actes répréhensibles. Je suis convaincu que cela appuie et accentue la transparence et la responsabilisation.
Santé Canada a à coeur de promouvoir une culture de valeurs et d'étique solides, une culture au sein de laquelle les problèmes et les préoccupations peuvent être communiqués ouvertement et discutés et traités en passant par les mécanismes de recours appropriés, notamment la divulgation d'actes répréhensibles, le tout sans crainte de représailles afin de favoriser une culture organisationnelle éthique.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vous remercie de votre attention.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Bégin, de témoigner. Je remercie également Mme Ferlatte.
Je ne sais par où commencer. Il y a beaucoup d'information à digérer. Je vous suis reconnaissant de comparaître, bien entendu.
Dans votre ministère, combien d'employés seraient assujettis à la loi?
Le dossier qui s'est rendu le plus loin a été jusqu'en cour, n'est-ce pas? Un cas a été résolu par le tribunal.
Aucune des huit divulgations n'a fait l'objet d'une enquête.
Le dossier entendu par le tribunal auquel vous faites allusion concernait une plainte pour représailles soumise au commissaire à l'intégrité du secteur public.
D'accord. Merci d'avoir éclairci ce point.
Expliquez-moi un peu le processus. Si des employés sont témoins de ce qu'ils considèrent comme des actes répréhensibles en vertu de la Loi, que feraient-ils ensuite? Je sais qu'ils peuvent probablement entreprendre trois ou quatre démarches, mais sait-on quelle mesure est la plus fréquente, à moins que ces démarches ne soient diversifiées?
Tout d'abord, Santé Canada incite vraiment les employés à communiquer l'information à leurs superviseurs. C'est ce que nous encourageons. Les employés ont aussi la possibilité de venir à mon bureau.
Sachez que selon un principe directeur du Bureau de l'ombudsman, de l'intégrité et de la résolution, ce processus est confidentiel, informel, neutre et indépendant. Les employés ont l'occasion de soulever des problèmes auprès de mon bureau et d'en discuter. S'ils le font, nous étudierons les diverses possibilités qui s'offrent à eux et les options aux fins de résolution. Il peut s'avérer nécessaire de déposer une plainte pour actes répréhensibles.
Le processus relatif aux actes répréhensibles n'est pas différent. À une étape, nous avons un ombudsman qui entend un grand nombre de problèmes en milieu de travail.
C'est au rôle de cet ombudsman que j'essaie d'en arriver. Ce processus est distinct de la loi sur les fonctionnaires divulgateurs que nous étudions aujourd'hui.
Ces pouvoirs sont-ils conférés à ce bureau par la loi sur les divulgations que nous examinons aujourd'hui ou par une autre loi?
Non. En vertu de la Loi, le sous-ministre doit nommer un haut fonctionnaire. L'ombudsman devient l'agent supérieur de l'intégrité.
D'accord. Je voulais m'assurer que c'était clair.
Vous avez fait référence à une étude indiquant que la crainte de représailles était encore relativement forte. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette étude?
Il s'agit du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2014, qui révélait qu'à peine 38 % des employés de Santé Canada — il me semble — déposeraient une plainte ou un grief sans crainte de représailles. Mais ne me citez pas exactement.
Je trouve ce chiffre troublant. Il me semble qu'au moins un des objectifs de la loi consistait à établir un environnement où les employés n'éprouveraient pas cette crainte.Quelle conclusion pouvons-nous tirer de ce résultat? Cela signifie-t-il que la Loi ne fonctionne pas ou doit être modifiée?
Je peux vous dire que mon personnel a pris des mesures très proactives pour signifier que ce bureau, y compris les services de divulgation interne, est un endroit de confiance où les employés peuvent soumettre des problèmes et en discuter. En vertu d'une stratégie de sensibilisation efficace, nous combinons des outils et des documents de promotion pour le faire comprendre aux employés et pour leur conférer des connaissances de base à ce sujet. Les employés constatent qu'ils ont une occasion de rencontrer quelqu'un pour discuter de la divulgation, et considèrent ainsi le régime ou le processus relatif aux actes répréhensibles avec plus d'aisance et de confiance.
Si vous pouviez l'envoyer au greffier pour qu'il nous la transmette, je vous en serais reconnaissant.
Excellent. Merci, monsieur le président.
Il y a cette étude, et peut-être que nous n'en discuterons pas parce que vous nous la communiquerez et que nous aurons l'occasion de l'examiner, ce qui pourrait permettre de répondre à mes questions.
Je veux me pencher sur les données que nous avons sur les affaires et les demandes de renseignements. Le problème, c'est que les données indiquent qu'il n'y a eu aucune démarche prise dans les diverses affaires ou qu'il n'y a eu aucune demande de renseignement; cela pourrait signifier que la Loi est un échec, mais peut-être aussi une réussite. Les chiffres ne sont pas vraiment révélateurs. Cela pourrait vouloir dire que tout le monde a trop peur pour se manifester, auquel cas la Loi serait un échec; mais cela peut aussi indiquer que tout le monde a modifié son comportement et qu'il n'y a plus d'actes répréhensibles parce que la Loi est une réussite éclatante.
C'est ce que je dis. Les chiffres eux-mêmes ne nous disent pas nécessairement ce qu'il en est. Nous devons examiner les attitudes des employés et déterminer ce qui les empêche de se manifester. C'est là une simple hypothèse de ma part, mais s'ils n'agissent pas, c'est peut-être parce qu'ils ont l'impression que leurs plaintes ne sont pas prises au sérieux ou ne donnent jamais lieu à des mesures de toute façon. Pourquoi alors signaleraient-ils un problème s'ils s'exposent ainsi à des représailles potentielles? Voilà où je veux en venir.
Merci de votre aide. Espérons que cette étude nous permettra d'en savoir davantage à ce sujet.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je remercie également M. Bégin et Mme Ferlatte d'être avec nous ce matin.
J'aimerais d'abord comprendre le lien, s'il y a lieu, qui vous unit au Secrétariat du Conseil du Trésor. M. Trottier, qui s'occupe du Secteur de la gouvernance, de la planification et des politiques, était ici mardi matin. Quel rapport entretenez-vous avec lui?
M. Trottier travaille au Secrétariat du Conseil du Trésor. Cette entité offre aux ministères du soutien à la mise en oeuvre de la Loi.
Il y a une communauté interministérielle, dont font partie les agents supérieurs, le Conseil du Trésor ainsi qu'un représentant du commissaire, qui tient des discussions notamment sur les enjeux et la procédure en place. Il s’agit en fait d’un groupe de travail qui étudie les façons de nous doter des outils nécessaires pour gérer les divulgations.
Permettez-moi d'ajouter une précision. Nous disposons également d'une autre ressource. Une avocate du Conseil du Trésor fournit en effet des conseils précis dans des cas où il y a des zones grises.
À quel point vos bureaux sont-ils interreliés? Relevez-vous directement du Secrétariat ou en êtes-vous indépendants?
Généralement, vous rôle est celui d'ombudsman du ministère de la Santé, mais votre bureau s'occupe également des plaintes relatives à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles. Pouvez-vous quantifier, en pourcentage, le temps que vous accordez aux questions liées aux divulgations? Combien de temps devez-vous consacrer à l'ensemble du travail relatif à la Loi?
Je précise que, depuis mon arrivée en février 2016, Mme Ferlatte s'est jointe à mon bureau à titre de gestionnaire. Pour ma part, compte tenu de tous les autres enjeux, j'y consacre de 10 à 15 % de mon temps.
D'accord.
Pour accomplir le travail strictement relatif à la Loi, de combien d'employés disposez-vous?
D'accord. Je comprends.
Quel est le budget total de votre bureau et quelle partie, grosso modo, est consacrée au travail relatif à la Loi?
Le Bureau de l'ombudsman, de l'intégrité et de la résolution compte 20 personnes, qui appuient divers services offerts par le Bureau, notamment ceux touchant les valeurs et l'éthique ainsi que la gestion informelle des conflits. Il s'agit donc de praticiens en médiation et en conciliation. Mme Ferlatte, quant à elle, gère les services liés aux divulgations internes. Étant donné la taille de mon bureau, le budget alloue 1,7 million de dollars aux salaires et près de 120 000 $ aux opérations.
Mardi dernier, j'ai pris connaissance d'un tableau qui faisait état d'environ 300 à 400 cas signalés, avérés ou non, par année. Sur ce nombre, combien en examinez-vous? Je crois comprendre qu'il y a eu huit ou neuf cas, est-ce bien cela?
Si nous tenons compte des rapports relatifs à certains cas particuliers, il y en a eu huit dans la dernière année, ou les deux dernières années. Cette année, aucun cas ne nous a été signalé. Aucun cas formel de divulgation n'a donc été présenté pour l'exercice financier de 2016-2017.
La Loi existe depuis 2011, si je ne me trompe pas. Produisez-vous un rapport interne annuel? Y a-t-il un historique institutionnel d'une année à l'autre?
Vous êtes arrivé à ce poste il y a un an. Votre prédécesseur vous a-t-il rencontré? Bien entendu, j'imagine que vous avez eu un entretien, mais vous a-t-on entretenu au sujet des activités du Bureau liées à la Loi?
Quelles sont, globalement, les activités de votre bureau qui se rattachent à cette loi d'année en année?
Chaque année, l'agent de l'intégrité fournit au sous-ministre un rapport sur les activités, le volume de cas et les priorités. Cette année, ou l'année dernière, j'ai rédigé un rapport qui englobait les activités du Bureau à proprement parler, y compris celles qui concernaient les divulgations internes. Ce rapport annuel traite donc essentiellement du volume de cas et des activités. Je formule également des observations dans la partie qui concerne mes fonctions d'ombudsman et j'établis des priorités pour l'année qui suit.
Le rapport fait état du volume de cas, des statistiques, de mes observations en tant qu'ombudsman, de la relation qui existe entre employés et employeurs, des activités visant à sensibiliser les employés au fait qu'ils devraient recourir aux services de notre bureau de façon préventive et non comme dernier recours.
Y retrouve-t-on diverses recommandations sur la façon d'améliorer le processus, ou la Loi, en fait? Proposeriez-vous des modifications à la Loi à certains égards?
Dans le rapport, je fais des commentaires fondés sur mes constatations. Ceux-ci peuvent prendre la forme de suggestions, mais je ne formule pas de recommandations précises concernant la Loi.
[Traduction]
Merci beaucoup de comparaître devant le Comité.
Lorsque vous répondiez à M. Clarke, vous avez indiqué que vous consacrez environ 10 ou 15 % de votre temps au travail relatif à la Loi. Je voulais savoir quelle part de son travail Mme Ferlatte consacre à cette loi.
À titre de gestionnaire du Bureau de l'ombudsman, de l'intégrité et de la résolution, elle y consacre tout son temps.
D'accord. Vous avez des employés qui s'occupent exclusivement de la question, et vous consacrez une petite partie de votre travail à la Loi.
Merci de cet éclaircissement.
De toute évidence, c'est un travail très spécialisé que de réaliser des enquêtes judiciaires quand quelqu'un pense faire l'objet de représailles pour avoir signalé des actes répréhensibles. Lors de votre entrée en fonction, quelle expérience ou quelle formation possédiez-vous pour accomplir ce travail?
Tout d'abord, ce n'est pas mon bureau qui réalise l'enquête. Si la divulgation est faite à mon bureau, nous confions l'enquête relative aux actes répréhensibles à une entreprise aux termes d'un contrat.
Pour ce qui est de mon expérience, j'ai travaillé dans le domaine des relations de travail et des ressources humaines pendant 24 ans au sein de la fonction publique, et je suis ombudsman depuis environ cinq ans.
Dans quelles circonstances recommanderiez-vous à quelqu'un de s'adresser au commissaire à l'intégrité du secteur public?
Lorsque nous discutons avec les employés, nous leur proposons un éventail d'options. Comme vous le savez, ils peuvent s'adresser à leur superviseur, à moi ou au commissaire à l'intégrité du secteur public. Nous ne dirigeons pas les gens vers ce dernier. C'est l'employé qui choisit de faire appel directement à lui.
C'est l'employé qui décide dans quelles circonstances...
Toujours en répondant à M. Clarke, vous avez évoqué un comité composé de gens qui accomplissent un travail similaire dans divers ministères et organismes. Je me demande à quelle fréquence ce comité se réunit.
Je peux vous répondre, car j'ai assisté à ces réunions. Il s'agit en fait du groupe de travail interministériel sur la divulgation, qui se réunit chaque mois. Nous tenons des réunions spéciales. Les agents supérieurs de l'intégrité viennent juste de tenir une réunion, à laquelle les gestionnaires et les agents d'intégrité étaient conviés. Lors de ces réunions, s'il y a intérêt à le faire, nous discutons des pratiques exemplaires, puisque la Loi aura 10 ans le 1er avril 2017. Essentiellement, il s'agit d'un groupe de soutien qui échange des renseignements.
Voilà une initiative sensée qui semble porter fruit.
Ce groupe possède-t-il un pouvoir de prise de décision ou est-il en mesure, selon vous, d'influer sur les décisions du Conseil du Trésor?
Les présidents sont deux agents supérieurs, comme M. Bégin, mais le groupe n'a pas pour mandat d'influencer la prise de décision. Je sais que le président fait partie du comité consultatif du commissaire à l'intégrité du secteur public; on pourrait donc dire que... Mais il s'agit principalement d'un groupe de discussion ou de soutien, qui cherche surtout à échanger des pratiques.
Si votre bureau ou une des enquêtes que vous confiez à l'externe mettait au jour des actes vraiment répréhensibles au sein du ministère, pensez-vous qu'on considérerait que vous accomplissez bien votre travail, ou que vous pourriez faire l'objet d'un traitement difficile et que cette découverte pourrait être mal accueillie par la haute direction du ministère?
Imaginons que vous avez contribué à mettre au jour des actes répréhensibles très graves. Pensez-vous qu'on vous féliciterait pour avoir bien accompli votre travail ou que vous seriez en butte à la réprobation ou aux sentiments négatifs d'autres hauts gestionnaires de Santé Canada?
Les sentiments de ces gestionnaires sont sans importance. Mon travail vise à gérer et à signaler certains problèmes, que ce soit dans le cadre d'une divulgation interne ou à titre d'ombudsman. Ce rôle consiste essentiellement à mettre en lumière les problèmes systémiques ou organisationnels.
Le système ne semble pas fonctionner aussi bien qu'il le devrait. M. Peterson a fait remarquer que la majorité des employés de Santé Canada considèrent qu'ils s'exposeraient à des représailles s'ils se manifestent. Il semble que bien peu se manifestent. Vous avez indiqué, je pense, qu'aucun cas officiel n'a été signalé au cours du dernier exercice. Je me demande si vous pourriez nous indiquer si le système fonctionne bien, et si ce n'est pas le cas, expliquer ce que nous pourrions faire pour le rendre plus ouvert et plus accessible aux fonctionnaires fédéraux.
Le fait qu'il y ait ou non des divulgations... Je reviens à la création d'un bureau où les employés viennent nous voir à titre préventif afin d'étudier toutes les options qui s'offrent à eux pour résoudre un problème. Les actes répréhensibles ne nécessitent pas tous une enquête, mais il faut y réagir. Il existe au ministère une multitude de mécanismes pour résoudre la situation sans qu'il soit nécessaire de faire une divulgation interne officielle, comme les relations de travail ou la gestion informelle des conflits.
Santé Canada adhère à la stratégie de santé mentale en milieu de travail. Nous disposons d'une myriade de possibilités pour examiner et résoudre les problèmes que les employés nous soumettent. Nous espérons qu'en faisant connaître ce bureau, nous inciterons les employés à venir nous signaler les actes répréhensibles potentiels, et nous profiterons de l'occasion pour en aviser la haute direction et les autorités.
Merci, monsieur Bégin. Le temps est malheureusement écoulé.
Madame Shanahan, vous disposez de sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les témoins.
Le processus semble très bien établi et institutionnalisé. J'emploie ce mot sans connotation péjorative. Vous voulez avoir un système en place pour recevoir les divulgations d'actes répréhensibles.
Quelque chose de préoccupant a attiré mon attention l'autre jour: il s'agit de l'adhésion des nouveaux employés à une nouvelle culture. Bien entendu, nous recrutons de jeunes employés, qui font leurs premiers pas sur le marché du travail. Tout est très nouveau, et il y a beaucoup d'informations à absorber à propos des actes répréhensibles possibles et de la décision de les divulguer. J'ai trouvé intéressant l'outil de prise de décision dont il est question dans vos notes d'allocution et qui est mis à la disposition des employés. Il s'agit d'un document intitulé Cinq questions à vous poser avant de faire une divulgation protégée d'actes répréhensibles.
[Français]
Nous pourrions vérifier la version française aussi.
[Traduction]
Vous conviendrez déjà avec moi que les mots laissent perplexe. Or, le document vise à aider l'employé:
Vous pensez que quelque chose ne va pas?
Vérifiez les faits.
Avant de faire une divulgation, posez-vous les questions suivantes:
Quels sont les faits ou les documents qui viennent appuyer la divulgation [...]?
L'acte en question constitue-t-il une contravention à un code, à une politique ou à des règles relevant du gouvernement fédéral, provincial ou d'un organisme?
Le fardeau repose sur les épaules de l'employé, qui est incertain de ce qu'il faut faire. D'après mon expérience en milieu professionnel, il me semble que c'est habituellement les nouveaux employés qui remarqueront quelque chose et qui s'interrogeront. J'aimerais avoir votre opinion. Votre ministère compte 12 000 employés. Expliquez-nous quel travail ils effectuent.
Comment pouvez-vous être certain que le processus fonctionne? Le mécanisme est là. Je ne m'attends pas à ce que vous receviez des dizaines de milliers de cas, mais il me semble que quand on tente d'obtenir quelque chose de précis, on doit prévoir un mécanisme d'envergure. Vous voulez que les gens se sentent à l'aise de parler de tout ce qu'ils voient. C'est en fait une bonne chose quand on peut prendre des mesures correctives. Ce ne sont pas des actes graves, comme ceux dont il est question dans la Loi, mais il vaut la peine de les signaler afin de les examiner et d'en parler.
Expliquez-nous ce qu'il en est.
Je reviendrai à la création et à l'existence du bureau. C'est novateur quand on veut réunir tous les programmes d'intégrité et offrir aux employés un havre sécuritaire où ils peuvent venir discuter confidentiellement de certains problèmes et avoir la possibilité de voir quelles sont leurs options, d'apprivoiser le système et de choisir la meilleure manière de résoudre le problème. Voilà pour ce point.
Il y a aussi mon obligation. Si je vois des informations pertinentes, je dois avertir les autorités. Je dois aviser la haute direction de la situation pour qu'elle prenne des mesures préventives afin de réduire le nombre d'actes répréhensibles potentiels dans l'avenir.
Ici encore, la Loi porte sur les actes graves. On peut réagir aux actes répréhensibles en déposant des griefs ou des plaintes de harcèlement, ou en s'adressant à son gestionnaire. On peut accroître la surveillance en milieu de travail parce qu'un employé a soulevé des préoccupations.
Mais initialement, un employé peut simplement se demander ce qu'il se passe et vers quel endroit sûr il peut se tourner. L'outil de prise de décision propose à l'employé de se demander si sa famille et ses amis seront touchés. Voilà qui pourrait l'inciter à garder le silence.
Madame Ferlatte, recevez-vous des gens dans votre bureau à ce sujet?
Je vais ajouter quelque chose aux propos de M. Bégin. Il s'agit de situations éthiques. Ce n'est pas blanc ou noir; il y a des zones de gris.
Dans ce domaine, comme dans celui de la médecine, il ne conviendrait pas que Luc, moi ou quelqu'un d'autre affirmions que tout ira bien.
[Français]
Je vais le dire en français: il s'agit d'une obligation de moyen, non pas d'une obligation de résultat.
[Traduction]
Ce que nous faisons, et ce que je fais, c'est de la sensibilisation. Comme Luc l'a indiqué, lors des séances d'orientation offertes aux nouveaux employés, Luc prend même le temps de faire un exposé, malgré son horaire chargé. Une partie de la séance porte donc sur la question, mais cela fait partie de la sensibilisation.
Pour en revenir à votre question, je connais tous les outils qui existent à ce sujet. Je considère ce document très bien conçu et nous l'utilisons. Il fait partie de l'éventail d'outils. Il ne s'agit pas seulement d'offrir ces outils aux employés, mais aussi de tenir des discussions. Notre rôle ne consiste certainement pas à prodiguer des conseils sur ce que les gens devraient faire ou non. Mon rôle, celui de Luc et celui des autres intervenants consiste à fournir tous les renseignements nécessaires, puis à laisser les gens prendre une décision. Nous ne pouvons assumer la responsabilité de cette décision. Il en va de même quand quelqu'un envisage de porter plainte.
Bref, nous fournissons tous les renseignements nécessaires, et les questions sont vraiment bonnes, à mon avis, car elles permettent aux gens de réfléchir. Tout n'est pas blanc ou noir, et les choses ne se déroulent pas d'une manière donnée. Personne ne peut prédire l'issue de l'affaire. Les gens pensent peut-être que leur dossier est très solide, mais c'est l'application des critères d'évaluation qui déterminera si c'est le cas ou non. Mais cela, nous ne pouvons pas le savoir. Nous n'avons pas encore vu les preuves que les gens présenteront; nous pouvons donc difficilement prédire le résultat. Compte tenu de la nature des dossiers, nous ne pouvons pas dire avec certitude ce qu'il se passera, car chaque cas est différent.
Merci de témoigner.
Madame Shanahan, vous avez formulé d'excellentes observations.
Je vais faire dévier la discussion, j'en ai peur, pour traiter de la motion dont j'ai donné avis mardi. J'aimerais la proposer maintenant pour que nous puissions l'examiner.
Je ne sais pas si vous souhaitez laisser les témoins partir ou...
Eh bien, monsieur McCauley, je ne sais pas exactement combien de temps vous comptez prendre. Notre prochain groupe de témoins doit comparaître dans 20 minutes.
D'accord. Je commencerai immédiatement alors.
Cette motion, dont j'ai parlé mardi, propose de tenir une réunion d'urgence sur les chasseurs Super Hornet.
Sachez d'abord que je suis conscient que nous devons examiner la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles aujourd'hui. Si je propose cette motion au Comité, c'est que nous avons sur Boeing et les chasseurs Super Hornet de nouveaux renseignements qui, selon nous, changent substantiellement les conditions dans lesquelles le ministre de la Défense nationale a proposé de confier à un fournisseur unique la commande de flotte intérimaire de 18 chasseurs.
Comme ce dossier concerne en partie le sujet des divulgations au sein de la fonction publique, la motion est donc pertinente dans le cadre de la présente discussion.
Depuis que le Comité s'est entendu sur les études qu'il se propose d'entreprendre, de nombreux problèmes de taille ont fait surface dans trois grands projets d'acquisition: Phénix, dont il a encore été question dans les nouvelles d'aujourd'hui; la construction navale; et maintenant, l'acquisition des chasseurs Super Hornet, que le Comité a l'obligation d'étudier. Chacune de ces acquisitions a des répercussions considérables sur notre pays, notre économie et les contribuables.
Nous considérons que la Chambre n'a pas adéquatement débattu de ces questions et que nous n'avons pas repris l'étude des situations émergentes après y avoir consacré une ou deux séances initiales.
Voilà pourquoi je propose aujourd'hui d'examiner plus en profondeur les détails de la décision que le gouvernement a prise de confier à un fournisseur unique l'acquisition des 18 chasseurs Super Hornet, étant donné que les effets de cette décision pourraient se faire sentir sur l'industrie canadienne, les hommes et les femmes qui servent notre pays et notre capacité de défense pour les prochaines décennies ou peut-être les 12 prochaines années, comme le ministre l'a écrit récemment en réponse à une question inscrite au Feuilleton.
Les échanges s'étant avérés obscurs et apparemment laconiques, nous ne connaissons pas toute la réponse à la question. Le fait est que nous ne devrions pas devoir recourir à...
Pardonnez-moi, je pense que je vais intervenir ici, puisqu'il semble que vous allez continuer jusqu'à l'heure de comparution des prochains témoins.
Je ne veux pas trop accaparer le temps précieux des témoins que nous recevons. Je suspendrai donc la séance un instant pour permettre à nos témoins de partir.
Monsieur Bégin, madame Ferlatte, merci beaucoup. Vous pouvez partir.
[Difficultés techniques] pour discuter de ces questions.
Il devrait être naturel d'en discuter, comme le gouvernement le faisait régulièrement à propos des F-35.
Même s'il était vif par moment, le débat était toujours ouvert; les comités se réunissaient régulièrement, on convenait unanimement d'entreprendre des études d'urgence au sein de divers comités et on débattait régulièrement de la question à la Chambre. Plutôt que d'entreprendre un examen législatif de la loi comme l'a réclamé le ministre Brison, un examen que nous pourrons effectuer n'importe quand au cours de la prochaine session, nous devions nous concentrer sur les sources de préoccupation immédiate.
Si je propose cette motion aujourd'hui, c'est en raison de quatre préoccupations concrètes. J'espère recevoir l'appui de tous les membres du Comité à cet égard.
Le premier problème, c'est le contrat à fournisseur unique. Nous faisons tous partie du comité OGGO — par choix, espérons-le — parce que nous considérons qu'il est de notre devoir de surveiller l'utilisation des fonds publics, de veiller à ce que l'argent des contribuables soit affecté de manière équitable et responsable, et de nous assurer que les projets d'acquisition font l'objet d'une supervision adéquate pour le bien des fonctionnaires, de l'industrie canadienne et, dans notre cas, des Forces canadiennes.
On peut difficilement qualifier de financièrement responsable l'octroi d'un contrat de plusieurs milliards de dollars à un fournisseur unique. En réponse à une question inscrite au Feuilleton dans laquelle nous remettions en question les raisons justifiant l'octroi de ce contrat à un fournisseur unique, la ministre des Travaux publics a indiqué qu'en attendant d'acquérir de nouveaux avions dans le cadre d'un long appel d'offres, le gouvernement examine une solution temporaire pour combler le manque de capacité des Forces armées canadiennes au chapitre du matériel ou des services de défense.
À cet égard, la nouvelle lettre de mandat de la ministre Foote indique que: « Je demanderai aux comités du Cabinet et à chaque ministre d’assurer un suivi et de communiquer les progrès réalisés entourant nos engagements ». Cette lettre continue en disant ce qui suit:
Nous nous sommes également engagés à relever la barre en matière d’ouverture et de transparence au sein du gouvernement. Il est temps de sortir le gouvernement de l’ombre pour que celui-ci soit réellement au service de la population. Le gouvernement et les renseignements du gouvernement devraient être ouverts par défaut. Si nous voulons que les Canadiens et les Canadiennes aient confiance en leur gouvernement, nous avons besoin d’un gouvernement qui fait confiance aux Canadiens.
Notre plateforme guidera notre gouvernement. Au cours de notre mandat de quatre ans, nous devrons réaliser tous nos engagements.
Un des engagements consiste à « Travailler avec le ministre de la Défense nationale et le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique au lancement d’un appel d’offres ouvert et transparent pour remplacer les avions de chasse CF-18 en se concentrant sur les options correspondant aux besoins du Canada en matière de défense. »
Nous réclamions de toute évidence un appel d'offres ouvert et transparent, et le gouvernement a répondu qu'il en lancerait un dans cinq ans, ce qui est contraire à la propre lettre de mandat de la ministre, qui dit: « Au cours de notre mandat de quatre ans ».
Cette lettre de mandat exige de l'ouverture et de la transparence, et indique qu'au cours d'un mandat de quatre ans, dont il ne reste que deux ans et demi, le gouvernement s'attend à honorer ses engagements, dont l'un consiste à lancer un appel d'offres ouvert et transparent. Or, cela ne se concrétisera que dans cinq ans. Ainsi, cette lettre de mandat, qui a été publiée il y a à peine deux semaines, je pense, entre déjà en contradiction avec les politiques et les actions du gouvernement.
Pour poursuivre sur la question du manque de capacité, que nous qualifions de manque de crédibilité, la justification que le gouvernement a présentée pour expliquer l'octroi d'un contrat de plusieurs milliards de dollars à un fournisseur unique a été remise en question par des membres de l'armée, par les médias, et par des experts militaires et des spécialistes des acquisitions de l'intérieur et de l'extérieur du gouvernement.
Lorsqu'il était leader parlementaire du Parti libéral, Dominic LeBlanc a indiqué ce qui suit en 2010 en réaction à un achat précédent de chasseurs: « Nous voulons garantir que les hommes et les femmes de l'armée de l'air disposent des aéronefs dont ils ont besoin afin de remplir les missions que le Parlement et le gouvernement leur confient, au lieu de s'entêter à vouloir acheter un certain type d'avion purement pour des raisons idéologiques. »
Ici encore, le gouvernement fait le contraire de ce que son propre leader parlementaire a déclaré en 2010.
Je peux aller plus loin en citant le ministre Garneau, qui a affirmé ce qui suit alors qu'il était porte-parole libéral en matière de défense:
Une fois qu'on a évalué les soumissions, tant pour ce qui est des exigences de rendement que des contreparties offertes, on est en mesure de choisir l'appareil qui répond le mieux aux besoins du Canada.
Pourquoi s'agit-il des meilleurs appareils? Pourquoi est-ce la meilleure façon de procéder? En un mot, parce qu'il s'agit d'un processus concurrentiel. Par définition, c'est quand la concurrence joue qu'on obtient le meilleur marché. Tout le monde le sait.
J'ai une ou deux autres citations. Celle-ci, qui date de mars 2012, est aussi du ministre Garneau:
... le gouvernement a cafouillé depuis le début dans le dossier du remplacement des CF-18. Va-t-il maintenant se racheter en établissant d'abord un énoncé des besoins fondé sur nos objectifs relatifs à la défense et à la politique étrangère, en lançant ensuite un appel d'offres ouvert et transparent, et enfin, en choisissant le meilleur avion sur le plan du rendement, des coûts, des avantages offerts par l'industrie, sans oublier la disponibilité? En d'autres mots, le gouvernement fera-t-il ce que les libéraux ont fait, il y a 30 ans, lorsqu'ils ont choisi les CF-18?
J'ai ici une citation de Kevin Lamoureux, qui remonte à mai 2012 — je sais que c'est étrange puisqu'il prend rarement la parole devant la Chambre. Voici ce qu'il a dit:
Monsieur le Président, je pourrais parler de nombreux éléments du budget et je pourrais en dire long aussi sur les quelque 70 lois...
Il y a un problème qui turlupine bien des Canadiens, et c'est celui de la crédibilité. Le premier ministre et le ministre de la Défense nationale ont beaucoup parlé de la nécessité de remplacer les F-18, et le Parti libéral est d'accord avec eux. Les F-18 doivent être remplacés. Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est sur la façon de procéder.
Le gouvernement a trompé énormément les Canadiens. À un moment donné, il a dit que le remplacement des appareils allait coûter 9 milliards de dollars, et nous découvrons maintenant qu'il va en coûter plus du double.
Au moins, le gouvernement précédent parlait des coûts plutôt que de les camoufler, comme nous l'avons constaté dans le cas des Super Hornet.
M. Lamoureux dit ensuite:
Je pose la question suivante au député. Comment les Canadiens peuvent-ils croire les chiffres que le gouvernement avance lorsqu'il parle de questions comme le déficit après un tel gâchis et devant les preuves qu'il a induit les Canadiens en erreur sur le prix du contrat pour les F-35? Pour quelle raison les Canadiens devraient-ils croire que le document budgétaire est valable...?
Voilà qui nous ramène à nos craintes sur le fait que le prix des Super Hornet n'a pas été établi, et que nous avons choisi un aéronef avant même d'en avoir négocié le prix.
Voici une dernière citation qui remonte à mai 2012, cette fois-ci de l'honorable John McCallum qui a récemment pris sa retraite:
Le gouvernement aurait pu lancer un appel d'offres pour les F-35. Dans un livre qui sort aujourd'hui, Alan Williams, l'ancien sous-ministre adjoint responsable des matériels, montre de façon très convaincante que le dossier des F-35 a été mal géré depuis le début. Il affirme aussi que le lancement d'un appel d'offres ferait économiser des milliards de dollars aux contribuables.
Je vais maintenant parler des Super Hornet. Nous savons bien que ce n'est pas une transaction modeste. Il s'agit de 18 avions de combat qui seront pilotés par nos forces, mais nous ne devons pas en minimiser l'importance en disant que nous aurons seulement ces appareils jusqu'à ce que nous trouvions mieux. Nous devons aux Canadiens d'examiner à fond et avec transparence la raison pour laquelle le gouvernement actuel ne tient pas compte de la disposition déterminante en matière d'équité du Règlement sur les marchés publics de l'État.
Le deuxième enjeu se rapporte à la responsabilité ministérielle. Nous avons discuté plus tôt de la lettre de mandat de la ministre. Si nous, les députés, envoyons des lettres aux ministres et proposons des motions pour demander des réunions d'urgence sur des sujets particuliers, c'est notamment parce que nous avons besoin de réponses que seuls les ministres peuvent nous apporter. Ils sont les représentants élus des ministères qu'ils dirigent et doivent rendre des comptes, et ce sont eux qui donnent leur approbation finale à l'ensemble des projets et des décisions. Par exemple, il y a eu six conférences de presse sur le fiasco lié au système de paye Phénix, dont la plus récente était il y a quelques jours seulement. Or, la ministre Foote n'a participé à aucune d'entre elles. Elle a comparu à deux reprises devant notre comité, et une fois seulement avant une réunion habituelle. Et même là, nous ne pouvons pas nous engager à prendre quelque décision que ce soit puisqu'elle a confié les dossiers à son sous-ministre.
À ce jour, nous n'avons eu aucune nouvelle de la ministre Foote sur la question du contrat à fournisseur unique. Lorsque le gouvernement précédent s'efforçait de réaliser le programme des F-35, notre chef actuelle était ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, et elle comparaissait régulièrement devant divers comités, y compris le nôtre, pour discuter du programme.
Ces avions de combat vont coûter des milliards de dollars, et leur acquisition prendra des années. Il s'agit d'un système extrêmement complexe dans lequel des millions de décisions doivent être prises par deux des plus grands ministères de la fonction publique canadienne. Si quoi que ce soit paralyse les discussions, il incombe à cette même ministre qui a gardé le silence à propos de la construction navale, de Phénix et maintenant des Super Hornet, d'assumer la responsabilité et d'expliquer ce qui a mal tourné. Nous nous demandons comment nous pourrons empêcher ces grains de sable de devenir des montagnes si nous ne sommes pas prêts à superviser les activités et à étudier la question adéquatement.
Le troisième problème est le manque d'expérience militaire associé au manque de capacité sur le plan manufacturier. Nos collègues du portefeuille de la Défense nationale ont demandé à maintes reprises à savoir qui détermine les besoins de capacités au sein de l'armée. Est-ce le personnel de la Défense ou le Cabinet du premier ministre? Ils n'ont obtenu aucune réponse. Ensuite, un article publié en novembre 2016 dans le National Post nous apprend que le gouvernement aurait ordonné à 235 membres du personnel militaire et fonctionnaires de ne jamais divulguer les détails du programme de remplacement des chasseurs. En fait, 39 fonctionnaires de Travaux publics sont contraints de signer cette entente, qui les astreindra au secret à perpétuité à propos du projet de capacité des avions de chasse.
Alan Williams, l'ancien sous-ministre adjoint responsable des matériels — le même homme sur lequel les libéraux ont beaucoup misé lors des appels d'offres pour les F-35 —, dit ne jamais avoir entendu parler d'ententes semblables. Il n'a jamais entendu parler de ce genre de chose auparavant, et n'a jamais rien exigé de tel à son personnel. S'il l'avait fait, les gens auraient probablement ri aux éclats avant de le sortir de l'immeuble.
L'article indique ensuite que le manque de capacité — que le ministre de la Défense attribue au gouvernement précédent — est remis en question par un grand nombre de sources au sein de la Défense. En fait, il semble que le lieutenant-général Mike Hood, commandant de l'Aviation royale canadienne, ou ARC, a déclaré plus tôt cette année que les CF-18 pourraient voler jusqu'en 2025, et possiblement plus. L'article souligne aussi que M. Hood n'a rien dit à propos d'un manque de capacité lors de sa comparution devant le Comité de la défense de la Chambre des communes.
Lors de leurs déclarations antérieures, le chef d'état-major de la Défense Vance ainsi que le chef d'état-major de la Force aérienne ont confirmé que l'ARC a suffisamment de ressources pour s'acquitter de ses obligations nationales et internationales jusqu'en 2025. C'est attribuable aux investissements du gouvernement précédent dans le programme de prolongation de la durée de vie des CF-18.
Étant donné que le gouvernement actuel a jugé convenable de se soustraire au Règlement sur les marchés de l'État en raison d'un manque de capacité discutable, il serait irresponsable que le Comité le croie sur parole, d'autant plus que cela créerait un précédent. Nous avons le devoir de veiller à ce que les fonds publics soient dépensés convenablement, efficacement, et dans l'intérêt des Canadiens. On peut difficilement vérifier si c'est la meilleure affaire pour les Canadiens lorsque le principe fondamental de l'accord est mis en doute, et lorsque des fonctionnaires se font interdire à vie d'en parler.
Nous avons également découvert qu'une note de service a été affichée en 2014 sur le site Web du ministère de la Défense nationale, ou MDN, où elle est restée plus d'un an. Elle portait sur les frais excédentaires qui découlent de la gestion de deux flottes, et indiquait que le manque de capacité n'existe pas. Après avoir reçu l'ordre de retirer la note de service de son site Web, le MDN a confirmé que les représentants du gouvernement avaient décidé de le garder secret. J'ignore comment on pourrait possiblement croire que ce n'est pas une tentative délibérée de cacher les faits qui contredisent les dires du gouvernement.
Lorsque le gouvernement s'est retrouvé devant ces faits, plutôt que de répondre ouvertement aux préoccupations de la population et de l'opposition, il a tout bonnement décidé de rendre la note de service secrète et de la retirer du site Web du MDN, ce qu'aucun gouvernement conservateur ou libéral n'a jamais fait.
Le quatrième élément se rapporte au coût pour les contribuables. Bien des gens considèrent que le fait que l'ARC aura déjà 18 Super Hornet conférera un avantage concurrentiel à Boeing dans tout appel d'offres à venir. L'ARC sera déjà prête à former ses pilotes pour qu'ils conduisent le Super Hornet, et sa chaîne d'approvisionnement pourra répondre à ses besoins opérationnels. Le fait de posséder une flotte mixte entraîne une multitude de coûts inutiles, ce qui sera un facteur déterminant pour les responsables lors des appels d'offres à venir.
Le gouvernement dit souvent...
Je vous signale qu'il nous reste environ cinq minutes avant les prochains témoins. La parole est évidemment à vous, et vous pouvez parler aussi longtemps que vous le souhaitez, mais s'il y a d'autres intervenants, ils auront bel et bien la chance de s'exprimer aussi.
Je voulais simplement vous rappeler où nous en sommes par rapport à l'horaire, si jamais les membres du Comité veulent entendre les témoins suivants.
C'est encore à vous, monsieur.
Le gouvernement prétend souvent que le prix inférieur immédiat du Super Hornet est une des principales raisons pour lesquelles il devrait provenir d'un fournisseur unique et être privilégié. Cependant, comme pour la plupart des éléments du dossier, le gouvernement n'a pas dit clairement le prix que les Canadiens peuvent s'attendre de payer pour remplir la promesse électorale des libéraux. Boeing se plaît à donner l'ancien coût de 57 millions de dollars américains pour l'achat d'un Super Hornet, mais l'Australie a récemment versé 120 millions de dollars par appareil. La plus récente analyse du Danemark montre que pour acheter des avions de chasse totalement opérationnels, il faut débourser 87 millions de dollars dans le cas du F-35, comparativement à 124 millions de dollars pour un F-18. Or, nous avons récemment acheté 40 Super Hornet pour un total de 10 milliards de dollars, ce qui représente 252 millions de dollars par appareil, un prix plus de trois fois supérieur à celui d'un F-35 à l'heure actuelle.
Boeing a fait des démarches auprès du gouvernement américain pour imposer une taxe de 20 % en plus de la taxe de vente militaire, ce qui augmenterait considérablement le coût de ces avions de combat intérimaires. Si nous voulons sérieusement faire de bonnes affaires pour les Canadiens, nous devons nous demander pourquoi nous sommes prêts à acheter un avion dont la taxe est doublée et, encore une fois, pourquoi nous nous engagerions à acheter un avion avant même d'avoir commencé à en négocier le prix ou d'avoir demandé le prix à la concurrence.
Je voudrais poser une question, étant donné que le Super Hornet arrive aussi à la fin de son cycle de vie et que l'appareil est essentiellement désuet à ce stade-ci. Comment se fait-il que l'évolution des réalités financières ne remet pas en question le bien-fondé de cette transaction pour le Canada?
Je vais citer un député à la retraite dont les propos résument bien ma pensée:
Bien sûr, cela coûte cher à nous tous, aux citoyens canadiens, aux contribuables.
C’est à cela que sert la concurrence. C’est pour obtenir le meilleur prix, pour veiller à ce que le contribuable canadien en obtienne pour son argent. C’est ce que notre parti a fait valoir au sujet de ce contrat depuis le début. C’est une responsabilité que le gouvernement a décidé de ne pas assumer.
Il poursuit ainsi:
La mise en concurrence nous permet aussi d'obtenir le meilleur matériel possible. Et c'est d'une importance sans égale quand on parle d'achat de matériel militaire pour les hommes et les femmes de l'Armée de l'air. Nous devons nous assurer de leur fournir les meilleurs outils possibles. Mais encore une fois, sans une concurrence active, ouverte, transparente et équitable, nous ne pouvons pas en avoir la certitude.
Plus loin, il dit:
Il incombe à tous les parlementaires de veiller à ce que nous en ayons pour notre argent. Il incombe à tous les parlementaires de veiller à ce que le processus établi dans les directives du Conseil du Trésor soit respecté. Sinon, nous ne pouvons pas être certains d'obtenir le meilleur prix pour le contribuable canadien, et nous n'en sommes manifestement pas sûrs.
En fait, cet ancien député n'était nul autre que le porte-parole libéral en matière de défense, l'honorable Bryon Wilfert, à l'occasion d'un débat sur le contrat à fournisseur unique en 2010.
Jusqu'à présent, les contribuables ont été tenus dans l'ignorance quant au coût réel du Super Hornet, au besoin de confier un contrat de plusieurs milliards de dollars à fournisseur unique, et aux répercussions à long terme du programme sur l'industrie canadienne et l'armée. Il incombe au Comité d'assurer le respect des règles en matière de transparence, de reddition de comptes et de responsabilité financière.
J'espère que vous appuierez cette étude essentielle. Par souci de transparence, j'espère que mes collègues d'en face voteront en faveur de l'étude sans camoufler la discussion derrière des portes closes, encore une fois loin des yeux du public.
Je vous remercie.
Merci, monsieur McCauley.
Sur le plan de la procédure, chers collègues, je vais maintenant demander qui veut intervenir, et le débat sera sans limite. M. Whalen a déjà indiqué son souhait de prendre la parole. Vous aussi, monsieur Weir.
Encore une fois, je vous rappelle qu'il nous reste deux ou trois minutes environ avant la comparution des prochains témoins.
Monsieur Whalen, la parole est à vous.
La motion est recevable, chers collègues. Une motion d'ajournement est non sujette à débat. Nous allons donc immédiatement passer au vote.
J'ai une question à poser au greffier. Est-ce que M. Tabbara est remplacé?
Une voix: Oui.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Nous allons suspendre la séance quelques instants pendant que nous demandons au prochain groupe de témoins de prendre place à la table.
Chers collègues, reprenons.
Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux témoins: M. Cutler, M. Hutton et M. Yazbeck. Messieurs, je crois savoir que vous avez tous préparé une déclaration liminaire de 10 minutes ou moins.
Je vais commencer par M. Cutler. Vous avez 10 minutes. Allez-y, s'il vous plaît; la parole est à vous.
Merci, monsieur le président.
Honorables députés, je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter mon expérience entourant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles.
Je crois savoir que cette loi a été adoptée il y a 11 ans et que nous en amorçons enfin l’examen quinquennal. Le fait qu’on ait mis autant de temps à procéder à cet examen et que le délai pour ce faire soit si court en dit long, à mes yeux, sur le peu d’intérêt qu'on porte à la protection des fonctionnaires qui sont témoins d’actes répréhensibles.
Il faut faire quelque chose. Je m'occupe continuellement des personnes qui subissent des préjudices, puisque personne d'autre ne le fera. Je suis l'ancien président de Canadians for Accountability. Nous sommes actuellement le seul organisme au Canada qui tente de protéger les divulgateurs. Nous n'avons aucun pouvoir. Tout ce que nous avons, c'est la connaissance, la sympathie et l'empathie.
En un mot, la Loi ne protège vraiment pas ceux qu'elle est censée protéger ou qu'elle prétend protéger. En fait, elle est conçue pour protéger les cadres supérieurs plutôt que les simples fonctionnaires. Je vais illustrer les lacunes de la Loi, mais il convient d’abord d'en résumer l’historique puisque vous ne connaissez pas tous le contexte des incidents qui sont survenus au cours de ces 11 années.
La Loi est entrée en vigueur le 15 avril 2007.
En passant, ces messieurs peuvent me corriger si je me trompe. Je ne suis pas un spécialiste technique. Je m'occupe plutôt des gens.
Le Parti conservateur avait promis de déposer une loi qui permettrait aux fonctionnaires divulgateurs de se manifester sans crainte de représailles. Dans sa version actuelle, la Loi ne ressemble toutefois pas à ce qui était promis. Si vous guidez des fonctionnaires pour qu'ils rédigent une loi visant à protéger ceux qui dénoncent les actes répréhensibles commis par des fonctionnaires, ceux-ci vont faire en sorte de ne pas subir de représailles et d'être protégés. Or, le libellé de la Loi comportait des lacunes d'emblée.
Il convient également de souligner que cela faisait partie de la Loi fédérale sur la responsabilité. Cette loi désigne les sous-ministres des ministères à titre d’administrateurs des comptes. Ces administrateurs doivent veiller à ce que les mesures pour réaliser les programmes soient conformes aux politiques et aux procédures, et à ce que des mécanismes de contrôle interne efficaces soient mis en place. Il y a toutefois une lacune fondamentale entourant cette exigence légale et cette loi, à savoir que son non-respect n’entraîne aucune conséquence. Que s'est-il passé ensuite? Bien des gens ont fait fi de la Loi puisqu'ils n'avaient aucune raison de la respecter.
Le vérificateur général a réalisé deux enquêtes sur le bureau. À l’issue de la première, qui a été menée en octobre 2010, Christiane Ouimet a démissionné pour avoir apparemment intimidé des employés et pris des mesures de représailles à leur endroit.
Un divulgateur à l’interne a donc dénoncé le Bureau de l'intégrité lui-même. Mme Ouimet a reçu environ 500 000 $ pour quitter son poste — ce qui n'est pas trop mal. M. Friday, le commissaire actuel qui était à l’époque conseiller juridique, a déclaré à notre comité qu’il n’avait été témoin d'aucun geste répréhensible de la part de Mme Ouimet au bureau.
La deuxième enquête a été menée en 2014 à la suite de deux plaintes de divulgateurs externes concernant la manière dont ils avaient été traités par le Bureau de l'intégrité. M. Mario Dion était le commissaire à l'époque, et M. Friday était devenu sous-commissaire.
Je cite ici le paragraphe 54 du rapport du vérificateur général de 2014:
À la lumière des informations recueillies au cours de cette enquête, nous avons conclu que le sous-commissaire a commis un acte répréhensible, au sens de l’alinéa 8c) de la LPFDAR, représentant un cas grave de mauvaise gestion liée à la supervision du dossier d’enquête.
Le rapport indique aussi ce qui suit, d'après les renseignements recueillis durant l'enquête:
Nous avons constaté que les actes et les omissions des cadres supérieurs du CISP (le commissaire et le sous-commissaire) relativement à ce dossier constituaient un cas grave de mauvaise gestion.
M. Dion a accepté les conclusions du rapport, lequel a été déposé le 15 avril 2014.
Ce faisant, le commissaire a reconnu soit qu'il est tout à fait incompétent, ou que la Loi est extrêmement déficiente. Ce ne peut pas être les deux, et je ne pense pas que M. Dion était incompétent. Je crois qu'il a dû fonctionner avec une loi qui l'a fait paraître incompétent. Par la suite, il a démissionné prématurément et a été nommé président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada pour un mandat de cinq ans.
Le troisième commissaire, qui est en poste à l'heure actuelle, est M. Friday. Il est au mieux confronté au même problème que M. Dion: soit la Loi est extrêmement déficiente, ou il s'est rendu coupable de mauvaise gestion grave comme l'indique le rapport du vérificateur général qui a été accepté par le commissaire à l'intégrité en poste à ce moment-là.
Maintenant que je vous ai donné une brève vue d'ensemble — j'aurais pu vous en dire beaucoup plus sur ce qui s'est produit avec le Commissariat et au sein du Commissariat —, je veux vous parler de cas réels mettant en cause l'ISPC. Pour certains cas, je pourrai citer des noms, mais pour d'autres, je ne peux pas le faire pour des raisons de confidentialité.
Le premier cas dont je vais vous parler très brièvement est celui d'un couple qui travaillait pour Santé Canada, la Dre Imme Gerke et le Dr Jacques Drolet. Ils ont été recrutés par Santé Canada et ont contribué à l’élaboration de stratégies de réglementation d’envergure internationale. Ils ont constaté qu'ils ne pouvaient pas faire leur travail et ont été confrontés à de la résistance lorsqu’ils ont cherché à mettre en oeuvre les changements nécessaires.
Ils ont tenté à au moins deux reprises de faire appel à l'ISPC, sans succès. La fin de l'histoire? Ils ont quitté leur emploi à Santé Canada, ils ont vendu leur maison et ils ont déménagé en Allemagne, où ils vivent très heureux, gagnent bien leur vie et sont perçus comme étant des professionnels.
Le cas suivant est celui de Don Garrett, un entrepreneur de Colombie-Britannique. Il a signalé des actes répréhensibles commis par l'ISPC en 2011. Ce qui devrait être inquiétant, c'est que la plainte avait trait à la présence d’amiante. M. Garrett a mis des années à trouver, sans aide aucune, que le rapport sur l’amiante existait, même si le gouvernement en niait l’existence, et l'ISPC ne lui a offert aucun soutien.
Un autre employé ayant signalé un acte répréhensible a été licencié en guise de représailles et s'est adressé à l'ISPC pour obtenir de l'aide. On lui a dit qu’il n’était plus un employé du gouvernement. La Loi précise que les représailles peuvent prendre la forme du licenciement de la personne. Cependant, à l'ISPC, on lui a dit qu'on ne pouvait pas l'aider parce qu'il n'était plus un fonctionnaire. Le Commissariat a rejeté la demande.
Il y a aussi le cas de Sylvie Therrien, dont vous entendrez encore le nom — j'en suis sûr. Elle essaie depuis quatre ans de faire examiner son cas. Pourquoi quatre ans? Parce qu'elle se bute depuis quatre ans au Commissariat à l'intégrité. Le service qui devrait l'aider est celui qui abuse d'elle et qui lui fait obstacle, et elle a dû faire appel à un avocat. Le 17 janvier, la Cour d'appel a déclaré que le commissaire avait violé ses droits, notamment ses droits en matière d'équité. Je vais laisser David Yazbeck vous donner plus de précisions à ce sujet.
Si une personne qui veut divulguer des actes répréhensibles risque des représailles et doit lutter contre les personnes qui sont censées l'aider, pourquoi le ferait-elle?
J'ai quelques autres cas. J'ai noté pourquoi... Je vais terminer, car on me signale qu'il me reste une minute. C'est bien.
Je vais terminer en citant un divulgateur qui a eu affaire à l'ISPC. C'est une phrase qu'il m'a écrite par courriel. Ce qu'il a dit, c'est que chaque fois qu'un employé a dénoncé des actes répréhensibles commis au sein du gouvernement, on lui est tombé dessus à bras raccourcis, son employeur l'a très mal traité et, dans la plupart des cas, il a été incapable de bien réintégrer son poste.
C'est l'expérience que vivent les dénonciateurs. Rien n'a changé avec la nouvelle loi. Rien n'a changé avec la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles. La situation est aussi mauvaise qu'avant, et c'est moi qui reçois les appels téléphoniques et qui dois traiter avec eux une fois qu'ils ont essuyé le refus du ISPC.
Je vais dire une dernière chose à ce sujet. Le pire aspect de la Loi, c'est que le fardeau de la preuve repose sur les épaules du dénonciateur. Si je vous signale des actes répréhensibles, ce sont les membres de ma direction qui possèdent tous les documents et qui sont en mesure de les vérifier et d'y faire le ménage avant que vous me parliez, parce que la Loi permet au ISPC de communiquer avec eux et de leur dire: « Dans 48 heures, ou dans un délai raisonnable, nous voulons aller dans vos bureaux et regarder les documents. » Pensez-vous vraiment qu'ils ne vont pas faire le ménage dans ces documents?
Sur ce, je vous remercie et je cède la parole à mes collègues.
Merci beaucoup.
Avant d'inviter M. Hutton à parler, je vais dire à nos deux témoins restants que je sais que vous avez probablement beaucoup plus d'information à transmettre au Comité que ce que les 10 minutes permettent; cependant, d'après notre expérience, une grande partie de l'information que vous possédez ressortira probablement pendant la période des questions. Je vais vous demander de vous en tenir à vos 10 minutes, pour que tous les membres du Comité aient le temps, pendant le reste de l'heure, de vous poser des questions.
Monsieur Hutton, vous avez 10 minutes.
Je vais commencer par remercier le Comité de me donner l'occasion de témoigner. Les gens comme moi, nous essayons depuis plus de 10 ans de nous adresser au Parlement et d'avoir l'occasion d'expliquer ce qui se passe réellement avec la Loi et avec le Commissariat, mais nous avons été totalement exclus.
La dernière fois où j'ai pu m'adresser aux parlementaires au sujet de la Loi remonte à mai 2006, avant l'entrée en vigueur de la Loi, à l'époque où des représentants de diverses ONG — des gens comme Allan et moi — sont venus affirmer que la Loi était mal rédigée et qu'elle allait échouer. Par suite de nos témoignages, le Sénat a adopté 15 modifications substantielles destinées à améliorer la Loi — entre autres, concernant le fardeau de la preuve dont on a tant parlé —, mais elles ont malheureusement toutes été rejetées. Nous sommes tous heureux de voir que cet examen a enfin lieu, quoiqu'avec cinq ans de retard.
J'aimerais aujourd'hui aider le Comité à comprendre pourquoi ce système est déficient et ce qui peut être fait pour y remédier. J'examinerai la Loi comme telle, puis j'aborderai la façon dont elle a été appliquée par les commissaires à l'intégrité qui se sont succédé.
Commençons par la Loi. C'est une loi très complexe et il y a beaucoup à faire. Je vais concentrer mon attention sur un très petit sentier qui sillonne la Loi, soit la trajectoire du dénonciateur qui sollicite de l’aide auprès de l'ISPC. Nous allons suivre cette trajectoire.
Dès lors qu'un dénonciateur s'adresse à l'ISPC pour divulguer un acte répréhensible, les choses vont vraisemblablement commencer à se gâter pour lui, car la toute première chose que le commissaire fait, s'il décide de faire quelque chose, c'est de mettre le chef du ministère au courant des allégations. Vous comprendrez que c'est très préoccupant pour le dénonciateur.
La Loi précise qu'une façon de protéger le dénonciateur est de préserver son anonymat, mais dans de nombreux cas, il s'agit d'une mesure bidon. Bien souvent, un nombre très restreint de personnes possèdent l'information qui sous-tend les allégations. Le dénonciateur peut être la seule personne à avoir posé des questions quant à la légalité de l'acte répréhensible qui a été commis. Même si ce n'est pas le cas, un ministère ne ménagera aucun effort pour retrouver le traître, celui qui est à l'origine de la fuite. C'est l'attitude des ministères. Le dénonciateur s'expose à des représailles car il sera très vraisemblablement démasqué, et ce, très rapidement. C'est la première chose.
Si, après cette expérience, le dénonciateur fait encore confiance à l'ISPC — peut-être pas —, il peut y retourner, cette fois avec une plainte de représailles. Qu'arrive-t-il alors? Imaginez cette personne qui supplie les membres du personnel du Commissariat de mettre fin à ces représailles et qui leur dit que sa vie au travail est devenue un enfer; il est isolé, on le harcèle, on ne lui donne pas le travail qu'il est censé faire, il va manifestement être congédié et il ne sait pas encore combien de temps il peut endurer cela. Ce qu'il dit c'est: « Vous m'avez dit que j'étais protégé. Pouvez-vous mettre un frein à cela? » Ce qu'il découvre, à ce moment-là, c'est que rien ne sera fait pour prévenir les représailles. La direction peut faire en gros ce qu'elle veut à cette personne. Et celle-ci n'a qu'à endurer.
Où est la protection? Eh bien, voici. On va amorcer un processus qui va vraisemblablement prendre beaucoup de temps et qui offre une dernière chance d'obtenir qu'un tribunal ordonne, à un moment donné, des mesures de réparation. Il s'agira d'une forme d'indemnisation pour tous les dommages qui auront été causés au dénonciateur. C'est ça, la protection, mais si le dénonciateur pose des questions, il va découvrir que personne n'a jamais obtenu réparation en s'adressant au tribunal. Il réalisera alors que la promesse qui lui a été faite — cette promesse de protection — était fausse, et que la vie qu'il connaissait avant ne lui reviendra pas.
Vous pouvez voir, déjà, qu'il y a de sérieux problèmes, mais permettez-moi de vous faire franchir certaines des autres étapes pour que vous compreniez bien toute l'ampleur de la situation.
Premièrement, rien ne se produit très rapidement. Même si le commissaire doit décider rapidement s'il faut lancer une enquête sur les représailles, les enquêtes prennent immensément de temps. Elles s'arrêtent et reprennent, et sont bâclées, d'après moi. Nous sommes au courant d'un cas pour lequel il a fallu deux ans pour décider de conclure une simple enquête sur des représailles.
Le commissaire à l'intégrité n'a pas le pouvoir d'enquêter sur les cas d'actes répréhensibles. Il dispose de tous les pouvoirs que lui confère la Loi sur les enquêtes pour obliger des témoins à comparaître, entendre des témoignages et recevoir des documents. Pour les enquêtes sur les représailles, il ne dispose d'aucun pouvoir particulier. Il doit donc compter sur la coopération volontaire des personnes accusées de représailles. On peut voir que l'enquête comme telle sera vraisemblablement superficielle et qu'elle prendra beaucoup de temps.
Il aura peut-être fallu de six à neuf mois pour terminer l'enquête, mais pendant ce temps, la vie du dénonciateur aura dramatiquement changé, simplement à cause du temps qui se sera écoulé. Il est psychologiquement anéanti par le harcèlement au travail. Il montre probablement des symptômes typiques de l'ESPT. Il a été congédié sous de fausses accusations, peut-être après avoir été accusé des actes répréhensibles qu'il essayait de mettre au jour. Après 20 ans de services exemplaires, il est maintenant accusé d'incompétence. Il figure sur la liste noire de la profession qu'il a choisie et ne peut plus trouver d'emploi.
Comme vous pouvez l'imaginer, il connaît de graves difficultés financières et risque de perdre la maison familiale. Le stress qu'il vit est incroyable, et les êtres qui lui sont chers en subissent les effets, parce qu'ils sont désespérément inquiets de leur avenir. Ils ne comprennent rien à ce qui se passe. Ils ne savent pas pourquoi ils doivent vivre tous ces tourments, et il y a toujours un soupçon. On leur dit que l'être aimé est une mauvaise personne et qu'il ment; il doit donc avoir fait quelque chose de mal pour être traité si horriblement. C'est ce qu'ils vivent.
Supposons que la cause est renvoyée au tribunal. On croirait que c'est une bonne nouvelle, mais encore là, vous vous mettez à saisir toute l'ampleur du problème, parce que devant le tribunal, les agresseurs, ceux qui font les représailles, sont représentés par une équipe d'avocats payés par le gouvernement, alors que le dénonciateur doit trouver les ressources nécessaires pour payer ses frais juridiques.
La stratégie de la défense est de faire traîner les choses par tous les moyens possibles afin d'épuiser le dénonciateur tant sur le plan financier que sur le plan émotif et de le détruire encore plus.
Ce qui est pire encore, c'est la question du fardeau de la preuve dont nous avons parlé, parce que les chances de succès du dénonciateur devant le tribunal sont pratiquement nulles. Je dois vous dire que c'est franchement gênant. Le renversement du fardeau de la preuve en pareil cas, c'est dans le cours dénonciation 101. C'était une notion de base de la dénonciation il y a 10 ou 15 ans, avant que la Loi soit rédigée. Il est clair qu'en n'incluant pas cela, on n'a jamais eu l'intention d'adopter une loi qui fonctionnerait.
Devant une telle situation, sans savoir de quoi le tribunal aura l'air, la plupart des dénonciateurs vont renoncer. Ils veulent échapper à ce processus terrifiant, sachant qu'ils ne peuvent pas gagner, et ils règlent leur cas. Aucun dénonciateur n'est venu à bout de la procédure. Aucun n'a obtenu réparation en s'adressant au tribunal. Aucun agresseur n'a subi de sanctions pour avoir ruiné la vie de quelqu'un. Je veux en dire plus à ce sujet. Peut-être que quelqu'un me posera des questions là-dessus tout à l'heure.
Ce n'est que la pointe de l'iceberg. Je ne vais pas m'étendre sur la façon dont la Loi a été appliquée, mais permettez-moi de dire ceci. J'ai longtemps géré un organisme de bienfaisance, et j'avais entre autres un service d'écoute confidentiel pour les dénonciateurs. Nous offrions aux gens une aide minimale, qui venait s'ajouter à ce que le groupe d'Allan faisait. D'après mes dossiers, j'ai été en contact avec plus de 400 dénonciateurs, et environ 50 d'entre eux se sont adressés à l'ISPC.
Les récits des rencontres avec l'ISPC m'ont souvent fait littéralement trembler de colère. J'ai été stupéfait de la malhonnêteté, du mépris et de la façon dont ils ont été traités. Comme l'a observé un précédent président du présent Comité, il y a un certain temps, cette loi ne vise pas à protéger les dénonciateurs, mais bien à assurer la protection des sous-ministres contre les dénonciateurs.
Je termine en implorant le Comité d'analyser la question en profondeur. Ne convoquez pas que des gens de la fonction publique, mais convoquez aussi des gens de l'extérieur qui peuvent vous dire ce qui se passe vraiment. Nous avons dressé une liste de témoins que nous vous suggérons, et je peux vous expliquer pourquoi il est important que vous entendiez un grand nombre d'autres personnes.
Merci encore de votre temps et de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me permettre de témoigner ce matin.
Ce sont 10 minutes en temps réel, n'est-ce pas? Pas 10 minutes en temps de travail d'un avocat?
Je vais pour commencer vous donner un peu d'information sur moi. Je suis un avocat d'Ottawa spécialisé en droit du travail et en droits de la personne. Une grande partie de mon travail est de représenter des dénonciateurs. J'ai représenté le Dr Shiv Chopra et la Dre Margaret Hayden, qui ont dénoncé des actes répréhensibles à Santé Canada; Sylvie Therrien, qui a dénoncé les quotas à l'assurance-emploi; et le caporal Robert Reid, qui a dénoncé la corruption au sein de notre mission à Hong Kong.
J'ai aussi représenté diverses autres personnes dont les cas ont fait l'objet de décisions de la Cour fédérale et du tribunal. David a mentionné le bilan du tribunal. Je vais défendre un dossier en avril — Dunn —, et il s'agira vraisemblablement de la première décision rendue par le tribunal sur le bien-fondé d'une allégation. Hier, j'étais à la Cour d'appel fédérale, pour représenter Edgar Schmidt, l'avocat du ministère de la Justice qui a exprimé des préoccupations au sujet de la façon dont le ministère étudie les projets de loi avant qu'ils aillent au Parlement. J'ai une grande expérience pratique de cette Loi.
Je vais commencer par le préambule de la Loi. Je presse le Comité d'examiner cela sérieusement dans le cadre de l'étude. Demandez-vous si les effets de la Loi correspondent aux intentions énoncées dans le préambule. Le préambule situe la Loi au coeur de notre démocratie constitutionnelle. Elle est essentielle au fonctionnement de la démocratie constitutionnelle. Elle garantit que les gouvernements fonctionnent convenablement, elle permet aux personnes de mettre au jour les actes répréhensibles et, au bout du compte, elle aide le public. Posez-vous la question. Vous avez entendu les histoires relatées par mes collègues et je vais vous en relater d'autres. Est-ce bien ce que la Loi fait? Non. Ce n'est pas le cas, et il faut la réparer.
À cause de cela, j'espère que le Comité va réaliser un examen approfondi et sérieux. Si vous avez besoin de plus d'information après la séance, je serai ravi de vous en donner. Je vous presse de suivre les suggestions de mon ami concernant d'autres témoins.
Je vais parler du renversement du fardeau de la preuve. Les représailles sont subtiles, insidieuses et, en fait, difficiles à prouver. Il est rare qu'on puisse trouver des preuves évidentes ou directes, et comme mes amis l'ont souligné, les occasions de cacher les preuves sont nombreuses, avant qu'on se rende au tribunal. Les organisations et les gestionnaires, souvent de manière intrinsèque, et parfois même inconsciemment, vont se retourner contre le dénonciateur. Sans preuve, tant pis pour vous.
Ce n'est pas quelque chose d'inhabituel. L'inversion du fardeau de la preuve existe dans presque toutes les lois sur les relations du travail au Canada, dans des cas précis. Je vous donne un exemple. Si vous mettez sur pied un syndicat pour le magasin à rayons où vous travaillez et que votre gérant vous congédie, vous pouvez déposer une plainte et alléguer que le congédiement a été causé par votre activité syndicale. Quand vous déposez la plainte, on présume que c'est vrai, et l'employeur doit réfuter l'allégation devant la Commission des normes du travail. C'est le processus qui fonctionne efficacement depuis des dizaines d'années. Ce n'est pas du tout une notion radicale. Si un employeur a un motif raisonnable et justifiable de congédier la personne, il va gagner. Sinon, c'est le plaignant, la victime des représailles, qui va gagner.
L'inversion du fardeau de la preuve comporte un avantage supplémentaire. Vous savez tous que très peu de cas sont renvoyés au tribunal. D'après moi, c'est en partie parce que la norme utilisée par le Commissariat est nettement trop élevée. Si le fardeau de la preuve est inversé, cela a pour effet d'abaisser la norme, au moment d'enquêter sur les plaintes, et ainsi d'augmenter le nombre de plaintes qui se rendent devant le tribunal.
Je veux vous parler ensuite du processus d'enquête de l'ISPC, qui comporte des lacunes. Il manque de rigueur. Je constate que l'on considère les dénonciateurs comme étant suspects. Souvent, le processus est injuste sur le plan procédural. On a tendance à trouver des façons de ne pas traiter une plainte ou de la rejeter. L'approche n'est ni contextuelle ni subtile, d'après moi. Ce qui est troublant, c'est que nous avons des décennies de jurisprudence visant le processus de la Loi canadienne sur les droits de la personne concernant les enquêtes sur les plaintes en matière de droits de la personne et le renvoi au tribunal. Cette jurisprudence a établi des normes très claires pour le processus d'enquête, mais nous sommes encore obligés de nous adresser à la Cour fédérale et à la Cour d'appel fédérale sur des questions d'équité liées au Commissariat. J'ai défendu entre 6 et 8 dossiers à ce jour, et il y en aura d'autres.
Je vais vous donner deux exemples. Le premier est l'affaire El-Helou. Charbel El-Helou a fait trois allégations de représailles. Le commissaire a déterminé qu'une allégation était justifiée et l'a soumise au tribunal. Le commissaire a rejeté les deux autres. Cette décision a fini par être écartée parce que le processus du commissaire était injuste. Il ne nous avait pas donné la chance d'influer sur sa décision. Le commissaire a entrepris une nouvelle enquête à la suite de l'ordonnance de la Cour fédérale.
Même s'il avait déjà fait la demande au tribunal, il a décidé de passer en revue une autre fois cette allégation dans le cadre de la nouvelle enquête. Malgré mes objections vigoureuses, il a examiné les trois allégations, puis a décidé qu'aucune n'était justifiée, y compris celle pour laquelle il avait déjà conclu qu'elle était justifiée. Maintenant, devant le tribunal, il affirme qu'il ne peut soutenir cette allégation. C'est ridicule. Il est inconcevable qu'il adopte une telle approche alors qu'il avait la preuve pour commencer.
L'autre chose, c'est qu'au cours de l'enquête, j'ai fait de longues observations sur les raisons pour lesquelles le tribunal devait être saisi de toutes ces allégations. À l'interne, les gens du Commissariat ont préparé une analyse cinglante de nos observations qui nous critiquait, le dénonciateur et moi. Nous ont-ils informés de cela avant de prendre leur décision? Non. Nous avons découvert cela par la suite.
Le deuxième exemple est Mme Therrien, qui manifeste publiquement ses préoccupations concernant les quotas imposés pour réaliser des économies sur le régime d'assurance-emploi. Elle est suspendue, sa cote de fiabilité est révoquée et elle est congédiée. Elle dépose un grief concernant tout cela. Elle dépose également une plainte de représailles et dit que chacun de ces actes était un acte de représailles.
Le grief n'a rien à voir avec les représailles. Nous n'alléguons pas cela. On ne demande aucune preuve à propos des représailles — rien de tout cela. Cependant, au Commissariat, ils regardent cela et arrivent à la conclusion qu'elle a un grief et que le grief est lié aux trois événements également, alors ils n'ont pas à s'en occuper. Ils refusent de s'en occuper. Ils prennent même cette décision avant que j'aie la chance de faire des observations au Commissariat.
Ce que nous disons, c'est que je suis l'avocat de Mme Therrien avant l'adjudicateur, et nous ne parlons pas du tout de représailles. Selon nous, l'adjudicateur n'a pas le pouvoir de traiter d'un cas de représailles. Que font-ils au Commissariat, à ce sujet? Ils disent qu'ils s'en fichent. C'est mentionné là, mais ils ne vont pas s'en occuper.
Cela aboutit devant la Cour fédérale d'appel. Comme M. Cutler l'a souligné, la Cour d'appel a conclu, il y a moins d'un mois, que c'est déraisonnable. Ce n'est pas parce que ces actes sont mentionnés dans la procédure qu'il est possible de tout simplement refuser de s'en occuper. Vous devez en fait les examiner. Vous devez en fait vous poser la question: est-ce qu'il s'agit de représailles, dans cette procédure?
Ils vont donc avoir à poser de nouveau la question, et je ne sais trop quelle sera la réponse, bien franchement.
Je vous signale aussi que ce ne sont que quelques-unes des nombreuses batailles qui ont fini à la Cour fédérale. La seule raison pour laquelle ces deux personnes ont pu le faire, c'est parce que leurs syndicats les ont aidées. Dans un cas, c'était l'Alliance de la Fonction publique du Canada et dans l'autre, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Ils paient la note pour corriger la loi et la façon dont elle est appliquée. Sans la représentation syndicale, ces deux personnes n'auraient probablement pas réussi à faire cela.
Cela m'amène à la question des frais juridiques. La Loi prévoit que le commissaire peut payer des frais juridiques de 1 500 $, ainsi qu'un montant supplémentaire de 1 500 $ dans des circonstances exceptionnelles, et c'est une bonne nouveauté que j'accueille favorablement. Cependant, c'est loin de suffire. Si vous passez par le processus en entier et que vous vous rendez jusqu'aux audiences relatives à des représailles, ce qui peut s'étaler sur quatre ou cinq ans, vous devrez débourser au moins 10 000 $, 15 000 $, probablement plus, surtout si vous n'avez pas accès à quelqu'un qui connaît la Loi et qui est bien renseigné.
Il faut que cela change, pour que le système soit plus efficace. Cela ne signifie pas qu'il faut payer les dépens, mais permettre que les dépens soient adjugés en cas de victoire du plaignant. C'est un mécanisme possible. Je ferais une mise en garde: je vous prie de ne pas suggérer que les dépens puissent être adjugés au défendeur. Cela refroidirait énormément les divulgateurs, car il faudrait leur dire qu'ils risquent en fait de payer.
Mes collègues qui sont ici ont un peu parlé des effets sur les dénonciateurs, et je suis d'accord avec eux. Je pense que le Comité doit savoir que si une personne s'adresse à moi et me dit qu'elle envisage de dénoncer des actes répréhensibles, il faut que je lui dise certaines choses. Je dois lui dire que les événements que M. Hutton a décrits vont se produire. On ne peut pas dire qu'ils n'ont pas été documentés. Il y a de très nombreux articles dans les journaux, y compris un article dans le British Medical Journal, sur la façon dont les dénonciateurs sont traités quand ils se manifestent.
En plus de cela, je dois lui dire qu'elle va devoir subir un processus d'enquête de très longue durée et vraisemblablement injuste et difficile. Que si nous réussissons au bout de ce processus, elle devra comparaître devant le tribunal, où l'audience sera très longue, et ainsi de suite, mais qu'elle risque quand même de ne pas gagner. Cela me ramène au préambule. Le but de la Loi est d'encourager la personne à le faire. Quand je la conseille, je dois la décourager.
La dernière chose que je veux dire, mesdames et messieurs — et je me permettrai de m'exprimer avec force et émotion, même —, c'est que les divulgateurs sont des héros. Ils risquent leur famille, leur carrière et leur stabilité financière pour chercher à améliorer le fonctionnement du gouvernement, et ainsi, la vie des Canadiens.
Le système qu'on met à leur disposition depuis 11 ans s'est révélé inefficace. Il ne fonctionne pas. Il doit être réparé. Le Comité à une occasion en or de le faire. Je vous presse d'écouter d'autres personnes comme nous et de le faire. Ce n'est pas préférable que pour les divulgateurs. C'est aussi préférable pour les Canadiens.
Merci.
Merci beaucoup, Me Yazbeck.
Je remercie tous nos témoins.
Chers collègues, nous avons probablement assez de temps pour un tour de sept minutes.
Nous commençons par M. Drouin.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins d'être ici.
J'avais déjà entendu l'opinion de M. Cutler, mais j'aimerais avoir votre opinion sur le contexte avant la loi. La Loi est en vigueur depuis 11 ans. Vous avez probablement défendu bien des cas avant cela. Avez-vous remarqué des changements, quels qu'ils soient?
Pas vraiment. Il y a des changements, dans le sens qu'il existe maintenant un processus, et ce, non seulement pour enquêter sur les actes répréhensibles, mais aussi pour aider les personnes qui subissent des représailles. Étant donné que le processus est si inefficace, je me retrouve à donner les mêmes conseils aux gens: il n'y a pas de nette différence.
Je dirais que les divulgateurs au Canada sont maintenant dans une situation pire qu'il y a 10 ou 15 ans. Cela s'est produit en trois étapes. La première a été la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Elle comporte un article qui prive les fonctionnaires du droit de poursuivre leur patron si de mauvaises choses leur arrivent. Cela a été fait très discrètement et insidieusement.
La deuxième a été cette loi, et vous nous avez beaucoup entendu dire à quel point nous la trouvons mauvaise.
La troisième étape, c'est que cette loi exige des codes de conduite pour chaque ministère. Selon la logique, manifestement, si vous regardez la définition d'actes répréhensibles, c'est inatteignable. Vous pouvez commettre beaucoup d'actes répréhensibles sans enfreindre la Loi. C'est le code de conduite qui vous dit comment les actes répréhensibles sont réellement commis, alors il est sensé que la liste de la Loi renvoie au code de conduite, mais il aurait fallu un nouveau code de conduite.
Le Conseil du Trésor n'a rien fait pendant cinq ans environ, et a finalement produit un nouveau code de conduite, et chaque ministère a dû rédiger son propre code. De nombreux ministères ont récrit leur code de conduite de manière à criminaliser la divulgation et à faire des propos négatifs au sujet de son propre ministère une infraction passible de congédiement, après quoi il y aurait toutes sortes de conséquences négatives. Les médias en ont traité.
Les divulgateurs étaient mieux il y a 10 ou 15 ans.
Je suis tout à fait d'accord.
Permettez-moi simplement de dire que ce qui a été fait n'est que du vent. Il y a maintenant quelque chose qui vous permet de vous cacher. Nous avons un processus qui va les aider, alors il ne nous appartient plus de faire la bonne chose. J'ai essayé de dire à divers politiciens qu'ils portent ce que les bureaucrates haut placés font. Certains d'entre eux sont en soi des dieux. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent, mais si quelque chose va mal, cela va directement au ministre. Et alors, il faut dissimuler les choses.
Pourquoi dissimuler les choses? Vous devriez plutôt remercier le ciel d'avoir des employés qui se manifestent. Vous devriez vanter vos employés, plutôt que de dire: « Regardez ce qu'ils ont fait. » Le message que vous transmettez, c'est: « Regardez ce que les employés nous font. » Qui vous donne ce message?
Monsieur Hutton, dans votre déclaration, vous avez dit que la première étape, quand un divulgateur décide de se manifester, est d'appeler le chef du ministère. Pour moi, c'est comme si un membre d'un gang me harcèle, et que la police appelle le chef du gang pour lui demander si un de ses membres fait cela à un membre de la société. Comment changeriez-vous cela?
Je peux voir pourquoi le ministère, dès que le sous-ministre reçoit l'appel, dirait qu'il doit protéger ce qui se passe dans le ministère, mais cela crée une culture qui favorise la dissimulation, plutôt qu'une culture d'ouverture, comme M. Cutler l'a dit. Un employé sonne l'alarme, et il faut arranger cela. Comment changer cela dans la Loi?
Je pense qu'entre autres, il faut que les représailles soient un choix dangereux à faire. Nous sommes bien loin de cela. D'autres pays le font. D'autres pays permettent des injonctions très rapides, pour que le divulgateur puisse reprendre son travail et pour qu'il ne subisse plus de représailles.
L'Irlande est un bon exemple. Plusieurs pays ont d'excellentes lois, nettement supérieures à la nôtre. On y établit la responsabilité personnelle des représailles contre quelqu'un. Les personnes qui font des représailles subiraient donc toutes sortes de conséquences négatives. Bien entendu, l'inversion du fardeau de la preuve va de soi. Je pense que selon la stratégie, fondamentalement, une fois qu'on a déterminé qu'une personne est un dénonciateur qui essaie de protéger l'intérêt public, on entoure cette personne, et quiconque essaie de lui faire du tort le fait à ses risques et périls.
Me Yazbeck, vous avez un peu parlé des syndicats qui aident leurs employés, mais d'après votre expérience, comment interagissent-ils avec l'ISPC et l'employé qui est touché? Est-ce que cela fonctionne bien?
Par rapport à une plainte. Si un employé décide d'aller de l'avant et de dénoncer un ministère, le syndicat est-il bien équipé? Les représentants syndicaux sont-ils bien formés pour appuyer les dénonciateurs dans leurs démarches?
Dans certains cas, oui. Les syndicats ont le devoir de représenter leurs membres et ils ont pris l'initiative de se renseigner sur la question. J'en ai donc vu représenter efficacement des plaignants. Souvent, quand l'affaire est difficile ou devient trop compliquée, le syndicat engage quelqu'un comme moi. En gros, je représente la personne à la demande du syndicat, et nous tentons d'être aussi efficaces que possible.
Toutefois, au bout du compte, que ce soit moi ou un représentant syndical qui représente la personne, nous affrontons les mêmes difficultés liées à l'équité du processus d'enquête, à la façon dont les enquêteurs réagissent aux allégations de représailles, au poids qu'ils leur accordent et aux critères qu'ils emploient pour déterminer si l'affaire doit être portée devant le tribunal ou non. D'après moi, ces questions ne sont toujours pas réglées, et ce sont les tribunaux fédéraux qui finiront par trancher.
Merci. C'est très intéressant.
Monsieur Hutton, vous avez mentionné que d'autres pays avaient de meilleures mesures que nous. Nous n'avons pas beaucoup de temps et vous avez dit que vous nous fourniriez une liste d'autres témoins. Pourriez-vous aussi nous donner la liste des pays en question et nous dire ce que vous aimez de leurs dispositions concernant les dénonciateurs?
Non, je vais demander autre chose. Désolé, j'ai tellement de questions, mais pouvez-vous nous envoyer ces renseignements avec la liste de témoins?
J'ai une très bonne citation tirée d'une entrevue que M. Cutler a accordée à Maclean's: « S'il y a une leçon à tirer de l'histoire, c'est que les mesures de responsabilisation sont seulement attrayantes aux yeux des partis de l'opposition. » C'est très bon.
Je veux juste poser quelques questions brèves, messieurs. Nous parlions tout à l'heure de l'acquisition de Super Hornet et du bâillonnement à vie par le gouvernement de 140 personnes, une situation sans précédent. Nous ne savons toujours pas avec certitude si elles sont protégées par la loi sur les dénonciateurs. Je crois que la réponse est non, si je me fie à... J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette situation. Comment pouvons-nous protéger les contribuables, et surtout, comment pouvons-nous protéger les personnes concernées? Nous avons entendu très clairement qu'il y a presque une culture d'intimidation au sein de la fonction publique. Comment pouvons-nous protéger ces personnes et que devrions-nous faire?
Je vais répondre en premier.
Il est question ici de secret et d'information cachée. Un aspect particulièrement intéressant de la LPFDAR, c'est tout le mal qu'on se donne dans cette loi pour faire en sorte que les allégations des dénonciateurs ne puissent jamais aboutir à quoi que ce soit. L'information est enterrée pour toujours, et personne ne pourra jamais y accéder. C'est la même chose pour la criminalisation de la dénonciation. Souvent, le grand désir de la bureaucratie, c'est d'enterrer de l'information et de faire en sorte qu'elle ne soit jamais déterrée.
Les lois comme celles-là devraient être rédigées de façon à rendre cela impossible.
Avez-vous déjà rencontré des gens qui ont été tenus par la loi de garder un secret jusqu'à leur mort?
J'ai travaillé avec un employé de la Défense nationale qui était dans le processus d'exposer un vaste problème, qui existe encore, je crois. Nous avions besoin des documents et nous les avions demandés, et juste au moment où nous allions les obtenir, on a décidé soudain qu'ils avaient trait à la sécurité nationale, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Nous n'avons jamais pu poursuivre l'affaire et prouver les allégations, et puisque c'est maintenant une question de sécurité nationale, personne ne peut rien faire.
La sécurité est un facteur, ce que je comprends bien, mais cela touche aussi le prix d'achat et l'approvisionnement.
On pourrait presque dire que le gouvernement fait coup double. Les contribuables ne sont pas protégés, et les fonctionnaires le sont encore moins.
J'aimerais aussi répondre. L'Association canadienne de normalisation, qui est maintenant le Groupe CSA, a publié récemment des lignes directrices sur la dénonciation. M. Hutton et moi avons participé tous les deux au groupe de travail chargé de ce projet. Une des recommandations principales pour tous les employeurs, c'est de créer une culture qui donne aux gens la liberté de parler franchement. Quand on voit des situations comme celles dont nous parlons en ce moment... Durant les 11 dernières années, avons-nous créé ce genre de culture au sein de la fonction publique fédérale? Non, cela ne fonctionne pas.
Monsieur Cutler, dans votre entrevue avec Maclean's, vous avez parlé de cinq idées que vous aviez pour aider les dénonciateurs. Nous n'avons pas le temps de discuter des cinq...
C'était en octobre 2013. Je vais vous l'envoyer.
Nous avons parlé plus tôt de Phénix et de tous les problèmes y afférents. Nous avons travaillé beaucoup avec l'AIPRP et nous avons obtenu en janvier des documents qui montrent que le ministère était au courant. C'est écrit noir sur blanc: « éliminer l'arriéré ». Lorsque nous avons posé des questions à ce sujet, on nous a dit qu'il n'existait rien de la sorte. D'autres rapports d'AIPRP montrent que le ministère a éliminé 0 % de l'arriéré, mais il est allé de l'avant tout de même, ce qui a causé tous les problèmes que nous connaissons avec Phénix.
Monsieur Hutton, vous en parlez sur votre site Web. Qu'est-ce que nous aurions pu faire? On en avait parlé en comité. L'AFPC l'avait dit. Le sujet avait été abordé plusieurs fois. Qu'est-ce qu'on aurait pu faire de plus? Qu'est-ce qui fait que l'information est systématiquement enterrée et que nous continuons à prendre des décisions malheureuses?
C'est très simple. Phénix est un exemple classique de ce qui peut arriver quand beaucoup de gens savent qu'il y a un grave problème, mais que tout le monde a peur d'en parler.
Je crois qu'il y avait des failles importantes dans le projet pilote initial, qu'on a appelé un grand succès. Il y a des années de cela. Le système n'avait pas toutes les fonctions qu'il devait avoir...
Oui. Exactement.
Je savais en 2013 que Phénix était un désastre. Je ne vais pas donner toutes les raisons... Beaucoup le savaient. Personne n'a parlé et rien n'a été fait. Si nous avions plus de dispositions pour protéger les dénonciateurs, de nombreuses personnes auraient pris la parole, et non seulement une ou deux. Elles se seraient adressées à un organisme un peu comme le vôtre...
Permettez-moi de poursuivre. Que pouvons-nous faire? Il y aura beaucoup plus de dénonciations, mais cela ressemble à ce que M. Drouin a dit au sujet de rapporter les actions d'un membre de gang. J'ai vu le même genre de situation dans le secteur privé; au fond, la personne finit par perdre son emploi.
Devons-nous retirer complètement ce rôle au gouvernement? Nous avons parlé plus tôt à des représentants de Santé Canada; c'est comme si j'avais un problème avec Santé Canada et que je le signalais à Santé Canada. Je voudrais prendre mes distances avec le ministère et m'adresser à un organisme entièrement indépendant, à l'extérieur du gouvernement ou du ministère. Est-ce que cela aiderait ou...
D'accord.
Cela va probablement répondre aussi à votre autre question. En réalité, ce qu'il faut, c'est un organisme qui a le pouvoir, la réputation et le leadership du vérificateur général, mais qui est centré sur la dénonciation. Ainsi, quand on lui rapporterait des actes répréhensibles, il pourrait procéder à une enquête adéquate, exhaustive et objective, et en faire rapport au Parlement.
Oui, mais ce serait un système complètement séparé. Le CISP est au centre de tout cela, et le commissaire à l'intégrité est un agent du Parlement. Il est censé être complètement indépendant, mais il ne l'est pas.
En modifiant considérablement la loi et le personnel, ce serait très facile de rendre l'organisme aussi efficace que le vérificateur général...
Merci beaucoup. Malheureusement, votre temps de parole est écoulé.
Monsieur Weir, s'il vous plaît. Vous avez sept minutes.
Merci beaucoup.
Monsieur Hutton, je vous ai entendu à la radio ce matin faire le lien entre la protection des dénonciateurs et le système de paye Phénix. M. McCauley a abordé le sujet, mais j'aimerais que vous confirmiez une chose. D'après vous, est-ce qu'un meilleur système de protection des dénonciateurs nous aurait permis d'éviter le fiasco Phénix?
Absolument. J'en suis tout à fait convaincu. Le projet aurait été arrêté il y a des années, bien avant qu'on tente d'introduire le système. Quelques hauts fonctionnaires auraient eu honte, avec raison, mais les problèmes rendus publics auraient été si bien exposés qu'on aurait tout arrêté jusqu'à ce que tous les problèmes techniques soient réglés. Nous ne serions pas en train de parler de ce véritable désastre que les bureaucrates semblent incapables de réparer.
Merci.
Les autres témoins et vous avez beaucoup critiqué le régime actuel de protection des dénonciateurs. Je me demande si la solution est de modifier la loi, ou si c'est le processus de nomination du commissaire à l'intégrité qu'il faudrait changer.
J'allais dire les deux. Je pense que vous devez presque complètement réécrire la loi. Je crois aussi que vous devez repenser votre processus de nomination. La première commissaire a été nommée par le Conseil privé. Il l'a trouvée dans un ministère et il l'a nommée. David et moi avons parlé ensemble au deuxième commissaire, M. Mario Dion, à l'époque où il était commissaire par intérim. M. Duff Conacher était avec nous. Mario nous a dit que nous pouvions compter sur son intégrité parce qu'il n'aurait jamais la nomination permanente. Il l'a eue. De son côté, M. Friday travaille au commissariat depuis un certain temps. Il a été sélectionné par voie concurrentielle, mais les gens que je connais au Conseil privé m'ont dit qu'il allait être choisi avant la tenue du concours. Ainsi, personne n'a été surpris lorsqu'il a été nommé.
Nous avons une préoccupation. Le vérificateur général examine les dossiers d'un point de vue extérieur. Le commissaire actuel a un point de vue intérieur, tout comme les deux commissaires précédents. Ils ont des collègues et ils ne veulent pas faire de vagues parce qu'ils finiront par avoir à travailler avec eux.
Je vais ajouter à ce qu'Allan a dit.
J'ai une lettre en main de M. Keyserlingk, qui a dirigé avec brio le Bureau de l'intégrité de la fonction publique, le prédécesseur du CISP. Il a accompli du travail remarquable avec des ressources et des pouvoirs très limités. Il a mené une campagne vigoureuse pour renforcer le système, et c'est pour cette raison que le CISP a été créé.
J'ai la lettre en main. Elle est adressée à M. Pat Martin, ancien président du Comité. C'est une lettre de six pages très réfléchie qui contient trois bonnes recommandations. Elle a été écrite après la destitution de Mme Christiane Ouimet, quand on cherchait le prochain commissaire. On y trouve trois recommandations.
La première est d'engager une personne respectée et expérimentée qui vient du secteur privé, et non quelqu'un qui a fait sa carrière dans la fonction publique. La deuxième est de rendre le processus de nomination beaucoup plus ouvert et transparent. Prenez l'exemple du processus américain. On peut voir qui sont les candidats, quelles sont leurs qualifications et comment la décision est prise. La troisième concerne le mandat du commissaire: il faut qu'il soit très clair que son rôle est d'exposer les actes répréhensibles. C'est son mandat.
La dernière recommandation se trouve dans la lettre parce que Mme Christiane Ouimet s'est donné l'idée que son mandat était de faire de la prévention. Elle a décidé qu'elle n'allait pas vraiment se préoccuper des actes répréhensibles déjà commis; elle allait plutôt travailler à la sensibilisation et faire comprendre à tous que ce n'est pas bien d'accomplir des actes répréhensibles. C'est l'approche qu'elle a adoptée. C'est l'écran de fumée qu'elle a créé au lieu d'aider les dénonciateurs.
Je vais fournir la lettre au Comité.
Merci beaucoup.
Monsieur Hutton, vous avez mentionné que vous fourniriez aussi une liste de témoins au Comité. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le genre de témoins que nous devrions recevoir, selon vous, et en nommer quelques-uns?
Avec plaisir.
Je souligne au passage que je n'ai pas établi la liste moi-même; j'ai eu de nombreuses consultations avec des collègues.
À mon avis, l'important est d'obtenir divers points de vue, surtout de gens qui n'assurent pas la gestion du système. Il y a quatre catégories, et je vous suggère de convoquer au moins une personne pour chacune d'entre elles.
La première est constituée de professionnels de la lutte contre la corruption, comme les examinateurs agréés en matière de fraude, parce qu'ils composent au quotidien avec des cas d'actes répréhensibles graves. Ils ont une connaissance approfondie du sujet et leur ordre professionnel fait beaucoup de recherches. Ils ont une compréhension de l'ampleur et des répercussions de la corruption et ils savent comment elle peut être dénoncée. Ils pourront notamment vous expliquer que la recherche démontre que la dénonciation est la stratégie à privilégier pour éviter et dénoncer les actes répréhensibles. Il n'y a pas plus efficace.
Vous devez consulter d'anciens clients de l'ISPC, des dénonciateurs qui ont une expérience du système. Certains noms ont été mentionnés ici. Nous vous avons donné trois noms.
En effet. Le défi est de choisir les témoins les plus crédibles.
La troisième catégorie est formée d'autres dénonciateurs, car ce système ne couvre qu'une infime partie de la main-d'oeuvre canadienne, soit les fonctionnaires fédéraux. On voit le même genre de situation dans le secteur privé. Je pense que vous devez consulter les dénonciateurs; ils sont nombreux. Beaucoup de dénonciateurs ont essayé de dénoncer la corruption dans le secteur privé. Vous devez consulter certains d'entre eux.
Enfin — c'est un aspect extrêmement important —, d'autres pays ont des décennies d'avance sur le Canada. Nous sommes le Titanic du domaine de la protection des dénonciateurs. D'autres pays ont des décennies d'avance sur nous: ils ont d'excellents avocats et ils ont fait des recherches exhaustives. Ce comité doit convoquer des spécialistes du domaine, car ils ont une connaissance approfondie de l'application concrète des lois visant à protéger les dénonciateurs. Nous vous avons donné une liste de personnes dont le témoignage pourrait vous être extrêmement utile.
Merci beaucoup d'être venus. Merci, monsieur le président. Il est formidable d'avoir des témoignages qui présentent l'envers de la médaille, d'entendre des gens conscients des lacunes du système. Ils ne sont pas ici pour essayer de défendre un système qui, comme nous l'avons vu il y a deux jours, est fondamentalement inefficace.
Ou l'inverse.
J'ai quatre questions; j'aimerais que les réponses soient concises. À quels égards les pouvoirs accordés à la haute direction de la fonction publique en vertu de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles sont-ils trop importants?
Nous allons faire un tour de table, en commençant par vous, Me Yazbeck. À quels égards la Loi accorde-t-elle trop de pouvoirs aux hauts fonctionnaires?
Je pense que c'est partiellement lié à l'instauration d'un système. Les ministères sont tenus de nommer un cadre supérieur responsable; un mécanisme est en place. C'est, pour beaucoup de gens, la première instance à laquelle ils peuvent s'adresser. Cela signifie donc, en fin de compte, que le ministère est chargé d'établir s'il y a eu un acte répréhensible.
Il n'est pas nécessaire que les employés aient à recourir à ce mécanisme; ils pourraient très bien s'adresser directement au Commissariat, mais là encore, c'est en quelque sorte le mécanisme par défaut. Par ailleurs, en raison de la structure du système, il est très peu probable qu'une personne qui a fait l'objet de représailles puisse obtenir une aide quelconque. La haute direction dispose de divers outils; elle peut retarder le dossier et éliminer des preuves. Elle pourrait présenter au tribunal des motions sur des questions de procédure. Donc, diverses choses peuvent entraîner des retards.
Je souscris aux propos de David. Essentiellement, la haute direction a un pouvoir considérable et, dans ce système, il n'existe absolument aucun contrepoids visant à le limiter.
Il a mentionné que les gens peuvent s'adresser à un cadre supérieur. De qui relève ce cadre supérieur?
Seriez-vous prêt à risquer votre carrière pour appuyer un dénonciateur? Ces gens sont confrontés à un dilemme terrible.
J'aimerais soulever une idée avant que nous examinions certains mécanismes étrangers et leur fonctionnement. Le commissaire à l'intégrité a-t-il besoin de pouvoirs policiers et de spécialistes anticorruption? Cet organisme ne devrait-il pas être un carrefour pour l'ensemble des dénonciateurs et non seulement pour ceux de la fonction publique, de façon à ce que tous aient accès à cette expertise? Ainsi, cet organisme ne serait pas aussi redevable à la fonction publique, car son rôle serait de déceler les actes répréhensibles et de défendre les dénonciateurs plutôt que d'empêcher les actes répréhensibles et protéger les ministères.
Je vais répondre en premier. Si vous regardez du côté des pays qui ont obtenu les meilleurs résultats, vous constaterez que leurs lois sur la protection des dénonciateurs ne visent pas des secteurs particuliers. Autrement dit, les mêmes règles s'appliquent, peu importe l'endroit et l'employeur. C'est ce qu'il y a de plus efficace, mais le principal obstacle pour en arriver là est la résistance de sociétés puissantes qui agissent de façon répréhensible.
C'est une bonne idée. Si vous regardez les lois qui donnent de bons résultats dans d'autres pays, on constate qu'elles comportent des mécanismes d'examen et d'enquête rigoureux de même que des sanctions importantes, en particulier dans les cas de représailles.
Je suis d'accord avec vous là-dessus.
L'une des choses que vous ignorez peut-être, c'est que l'effectif du Bureau du commissaire à l'intégrité compte presque exclusivement des fonctionnaires. Il y a un certain roulement. Ces gens ont un intérêt direct — leur carrière — étant donné qu'ils retourneront éventuellement à leur poste.
Permettez-moi de faire une autre observation. L'un des problèmes concernant le processus d'enquête du commissaire à l'intégrité est le recours fréquent à des services externes. Nous avons eu des situations où l'enquête se déroulait très bien... C'était le cas de Don Garrett; l'enquêteuse semblait vouloir aller au fond des choses lorsque tout s'est arrêté. Nous avons fini par découvrir...
... qu'on avait laissé le contrat de l'enquêteuse arriver à échéance et elle a donc été évincée de l'enquête. Elle n'était même pas au courant. Selon moi, l'enquête a été sabotée. Ensuite, on a fait appel à quelqu'un d'autre et l'enquête a été terminée en quelques jours.
Ma dernière question est la suivante: dans quelle mesure les délais doivent-ils être serrés pour maintenir l'apparence de justice et assurer le bien-être des dénonciateurs? Je suppose que la question s'adresse davantage à Me Yazbeck, puisqu'il s'intéresse aux questions de procédure.
Faut-il mettre en place un processus particulier assorti de délais très serrés, ou pouvons-nous simplement avoir recours à un processus général comme celui des tribunaux?
Je parle tant de l'étape de l'enquête que des procédures devant le tribunal, ainsi que du processus d'appel et des diverses motions dont vous avez parlé, soit les motions dilatoires.
Il existe au Conseil des relations industrielles un vieil adage qui dit que la meilleure façon de faire échec aux relations de travail consiste à les différer, et cela vaut aussi dans le cas dont il est question. Il serait donc préférable d'avoir des délais plus serrés.
J'ai toutefois une préoccupation à cet égard. Il y a souvent des imprévus qui nécessitent plus de temps et pour lesquels un délai supplémentaire est justifié. Des délais trop serrés peuvent favoriser la tenue d'enquêtes moins exhaustives et moins efficaces. En outre, cela peut empêcher d'examiner autant de preuves qu'on le voudrait. Il convient de se rappeler que dans le cadre du processus d'enquête, le commissaire réussit parfois à obtenir des preuves qui lui seront utiles plus tard, lorsque la cause se rend devant le tribunal. Le plaignant n'a pas cette possibilité; il attend simplement que les preuves lui soient communiquées. Il pourrait donc être nuisible à long terme de ne pas avoir cette possibilité dès le début.
J'ai une question complémentaire concernant le temps que vous consacrez à ces questions dans le cadre de votre travail. Diriez-vous que l'essentiel de votre temps est lié aux actes répréhensibles ou aux représailles?
Je dirais que le rapport est probablement de 30-70, environ, soit 30 % pour les actes répréhensibles et 70 % pour les représailles.
Nous avons une loi qui, essentiellement, a l'effet inverse de ce qu'on pourrait espérer si nous souhaitons réellement lever le voile sur les cas de dénonciation plutôt que d'encourager un système qui, somme toute, favorise les représailles.
Merci beaucoup.
Messieurs, je vous remercie tous d'être venus au Comité. Le moins qu'on puisse dire, selon moi, c'est que vos témoignages devant le Comité ont été des plus instructifs. J'aimerais apporter deux ou trois précisions. Je suppose que vous seriez prêts à répondre rapidement aux questions supplémentaires que pourraient avoir les membres du Comité. De plus, si vous avez des renseignements supplémentaires sur des aspects qui auraient pu être négligés pendant votre témoignage, je vous prie de les faire parvenir au greffier pour qu'ils puissent être communiqués à tous les membres du Comité.
Enfin, messieurs, permettez-moi de dire — et mes collègues, que je connais bien, en conviendront sans doute — que cet enjeu transcende le sectarisme politique, à mon avis. La partisanerie n'a pas sa place ici. Je suis convaincu que tous les députés veulent absolument s'assurer que nos professionnels de la fonction publique sont traités de façon professionnelle et équitable. Vos témoignages semblent indiquer que cela n'a pas toujours été le cas. Je peux également vous assurer que vos témoignages seront sérieusement pris en compte dans le rapport du Comité, rapport qui sera ensuite déposé à la Chambre des communes.
Merci encore d'être venus. Vous nous avez présenté d'excellents témoignages.
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