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Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte.
Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires tient sa 26e séance et entreprend son étude sur Postes Canada.
Chers collègues, si je pouvais avoir votre attention avant que nous ne commencions la séance comme telle, nous devons nous occuper d'une affaire du Comité. J'ai parlé en particulier avec certains d'entre vous. Cela concerne la tournée du Canada que nous entreprendrons prochainement pour sonder l'avis et les attentes de la population canadienne à l'égard de Postes Canada.
Nous tenons une séance demain après-midi à 15 h 30. Si vous êtes disponibles, j'ai demandé au logisticien qui s'est occupé de tous les détails de cette tournée de nous rencontrer à 15 heures ici même, juste avant le début de notre séance de 15 h 30.
L'itinéraire de cette tournée, qui débutera dimanche — du moins, les vols commencent dimanche — vous sera envoyé par voie électronique, probablement demain matin. Vous aurez ainsi tous l'occasion d'y jeter un coup d'oeil.
La rencontre de 15 heures vise à répondre aux questions précises que vous pourriez avoir. En ce qui concerne les transports terrestres, si vous arrivez à l'aéroport à 15 heures, est-ce que quelqu'un vous y attendra ou devez-vous vous rendre par vous-même à l'hôtel? Où se trouvent les hôtels? Comment les séances se dérouleront-elles? Vous aurez l'occasion de poser toutes ces questions demain à 15 heures. Nous enverrons également un avis à ce sujet. Si vous êtes disponibles, nous tiendrons la réunion à 15 heures dans cette pièce pour parler de la logistique entourant notre tournée pancanadienne.
Sur ce, nous commencerons la séance.
Comme vous le savez, nous amorçons une étude sur l'avenir de Postes Canada. La ministre responsable, l', souhaitait procéder à des consultations exhaustives. Dans le cadre de ces consultations, elle a mis sur pied un groupe de travail, dont les membres sont ici aujourd'hui afin de parler des conclusions de leur rapport. Ce dernier traite notamment de la viabilité financière de Postes Canada dans l'avenir. Bien entendu, nous parcourrons le pays pour parler avec les Canadiens de leurs attentes à propos de l'avenir de Postes Canada.
Le Comité rédigera ensuite un rapport fondé sur les conclusions du groupe de travail et les observations qu'il aura recueillies auprès des Canadiens de toutes les régions du pays. Il déposera ce rapport à la Chambre des communes avant la fin de la présente année. Le gouvernement prendra ensuite une décision en temps opportun.
Nous sommes ici pour entendre le groupe de travail.
Madame Bertrand, je crois comprendre que vous avez un exposé de 10 minutes. Peut-être pourriez-vous auparavant nous présenter vos collègues du groupe de travail, puis commencer votre exposé. Les membres du Comité vous poseront ensuite des questions.
Madame Bertrand, vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
Nous sommes enchantés de témoigner après quatre mois de travail intensif.
J'aimerais vous présenter les trois autres membres du groupe de travail. Je commencerai par Krystyna Hoeg, de Toronto. Elle vit parfois à St. Andrews, où elle possède une maison également. Elle dit être quelque peu bipolaire.
Je vous présente aussi Marena McLaughlin, originaire du Nouveau-Brunswick. Elle a travaillé comme fonctionnaire pendant de nombreuses années. Si vous aimez le football, vous connaîtrez Jim Hopson, de la Saskatchewan. Voilà les quatre larrons, qui tous ont des origines et des expériences différentes.
Nous sommes également accompagnés d'employés du ministère qui nous ont prêté main-forte dans le cadre de notre travail et que je tiens à saluer, car notre rapport, avec lequel vous prendrez bientôt la route, est le fruit des efforts de bien des gens.
Nous avons dû évaluer la situation financière actuelle et les projections de Postes Canada; il ne s'agissait pas d'une vérification, mais d'un examen de la situation présente. Nous avons également dû analyser les besoins des Canadiens. Nous avons ouvert un site Web et reçu beaucoup de lettres; 22 000 Canadiens nous ont ainsi fait part de leurs opinions. Nous avons aussi réalisé des sondages scientifiques, interrogeant plus de 1 200 Canadiens afin de comprendre leurs besoins et leurs comportements. Vous observerez parfois certaines disparités. Nous avons également sondé quelques entreprises, considérant que ces dernières ont souvent des besoins différents des particuliers.
Après avoir évalué la situation financière de la société et pris connaissance des besoins, nous devions voir si nous pouvions trouver différentes idées pour combler les lacunes. À cette fin, nous avons travaillé avec des entreprises possédant de l'expérience à l'échelle internationale pour connaître les pratiques exemplaires des services postaux de par le monde.
L'évaluation financière proprement dite a été effectuée par Ernst & Young, alors que les sondages ont été menés par EKOS, Patterson Langlois et Environics.
Permettez-moi de commencer en disant que le volume des lettres envoyées par la poste a diminué de 20 % au cours des cinq dernières années et constitue maintenant moins de la moitié, c'est-à-dire 42 %, du volume traité par Postes Canada. Le courrier publicitaire représente maintenant plus de la moitié du courrier que livre la société; il ne s'agit pas uniquement de circulaires, mais aussi de publicités adressées à des destinataires. Par contre, le commerce électronique a fait augmenter le volume de colis. Postes Canada, d'une société s'occupant principalement du courrier, est maintenant un organisme qui livre principalement des colis.
Malheureusement, on s'attend à ce que les volumes de lettres continuent de diminuer. Je dis « malheureusement », car c'est cette activité qui génère la majorité des revenus. L'avenir du courrier publicitaire lui-même est douteux, compte tenu des préférences des destinataires et des initiatives d'écologisation. Le marché du colis est fort concurrentiel et le devient de plus en plus. Les entreprises de livraison de colis doivent donc composer avec la réalité du marché. On ne peut pas déclarer qu'on souhaiterait avoir une augmentation. On peut en demander une, mais on ne détient pas le monopole, comme c'est le cas pour le courrier.
L'un des principaux problèmes auxquels Postes Canada est confrontée, c'est le fait que ses coûts sont en grande partie fixes. Il lui est difficile de les réduire pour réagir à la diminution de ses volumes d'affaires. Elle possède une vaste infrastructure d'installations de traitement, de dépôts et de bureaux de poste pour traiter le courrier. Les services postaux exigent un effectif imposant; les coûts de la main-d'oeuvre constituent ainsi environ 70 % des coûts totaux de la société.
Postes Canada a aussi un régime de retraite affichant un déficit de solvabilité actuellement évalué à 8,1 milliards de dollars. Grâce aux mesures d'assouplissement temporaires accordées par le gouvernement, elle a pu différer des versements de quelque 1,4 milliard de dollars en 2015. Mais à moins que les taux d'intérêt ne s'améliorent substantiellement, ce que nous souhaitons tous, Postes Canada n'aura pas les liquidités suffisantes en main pour financer ses activités quand elle reprendra ses paiements de solvabilité.
Postes Canada est également confrontée à d'autres difficultés découlant des obligations prévues dans le Protocole du service postal canadien, lesquelles exigent que le courrier soit livré cinq jours par semaine. Voilà qui entre en contradiction avec les opinions des Canadiens interrogés, dont 73 % étaient ouverts à l'idée de recevoir le courrier un jour sur deux. Le protocole maintient aussi le moratoire de 1994 sur la fermeture des bureaux de poste en régions rurales, qui empêche Postes Canada de fermer ou de transformer en franchise près de 3 600 bureaux de poste. En raison de la croissance de la population, des régions qui étaient autrefois rurales sont maintenant des banlieues de grandes villes. Je vous donnerai ici les exemples de Halifax, Moncton et Saskatoon, qui sont maintenant des villes. Nous le savons tous.
Quand nous avons examiné les faits, nous avons découvert que même dans la situation actuelle, Postes Canada a engrangé un modeste profit de 99 millions de dollars l'an dernier. Pour nous, c'est un petit profit; pas pour notre portefeuille, mais pour celui de Postes Canada. Quand on fait les projections, on constate que dans 10 ans d'ici, la société accusera des pertes de 700 millions de dollars. Nous avons donc jugé que nous devions vraiment chercher, comme la ministre nous l'a demandé, ce qu'il pourrait être fait pour aider Postes Canada à demeurer telle que les Canadiens nous ont dit qu'ils l'aimaient.
Voici ce que la majorité d'entre eux — c'est-à-dire de plus de 80 % à 90 % — nous ont indiqué qu'ils aimaient de Postes Canada: ils aiment son service, ils y sont attachés et ils souhaitent que le service postal demeure un service public. Dans les faits, toutefois, ils n'utilisent plus ses services autant qu'avant. Quatre-vingt-onze pour cent des Canadiens sont connectés à Internet et 69 % d'entre eux reçoivent et paient leurs factures en ligne. C'est, bien entendu, pour ces raisons qu'ils n'utilisent plus autant le service postal qu'avant.
Nous avons donc, avec Oliver Wyman, examiné diverses possibilités qui permettraient de réaliser des économies ou de générer de nouveaux revenus, et fait le tri des solutions glanées auprès de divers services postaux du monde en employant trois critères. Nous voulions premièrement déterminer si elles cadraient avec les capacités et les compétences existantes de Postes Canada. Nous voulions aussi vérifier s'il y avait de la place sur le marché. Nous souhaitions enfin nous assurer que la société disposait des moyens nécessaires. Devrait-elle effectuer des investissements substantiels, compte tenu de sa très faible marge de manoeuvre financière? Pouvait-elle concrétiser l'idée sans faire d'investissement d'envergure?
Après avoir étudié plus de 30 possibilités — il y en avait 38, en fait —, nous avons finalement décidé, en tenant compte des critères, de vous en présenter huit, dont la plupart se traduiraient par des économies.
Vous reconnaîtrez celle de la conversion aux boîtes postales communautaires. Compte tenu de ce que nous avons entendu de la part de la population canadienne, nous avons pensé qu'il serait important... Lors de la rencontre que nous avons tenue avec les parties prenantes, on nous a dit qu'il ne faudrait pas envisager l'installation de telles boîtes dans les centres-villes, où la circulation est intense et où l'espace se fait rare. La majorité des Canadiens — plus de 90 %, je dirais — nous ont indiqué que les personnes ayant des problèmes de mobilité devraient recevoir leur courrier à la porte. Si on exclut ces personnes, il y a quelque 800 000 adresses où les Canadiens étaient prêts à se rendre à une boîte postale communautaire après avoir compris la situation financière.
Il serait aussi possible de convertir environ 800 des bureaux de poste dont les volumes sont les plus élevés, comme ceux de Halifax, de Moncton et de Saskatoon, par exemple. Dans toutes les régions du pays, des agglomérations qui étaient rurales dans les années 1990 sont devenues des banlieues ou des zones urbaines.
La livraison du courrier un jour sur deux est une autre possibilité très intéressante que vous pourriez examiner. À l'heure actuelle, vous comprenez, les colis sont livrés à la maison par la même personne qui apporte le courrier. Les Canadiens nous ont signifié qu'ils tiennent à recevoir les colis le jour même, mais qu'une livraison une, deux ou, au plus, trois fois par semaine suffit pour le courrier. Quand leur courrier est livré dans une boîte postale communautaire, ils nous ont indiqué qu'ils vont le chercher une seule fois par semaine en raison de la réduction de volume.
Nous vous proposons aussi la possibilité de rationaliser les opérations de traitement. Bien entendu, comme c'est le cas pour toutes les entreprises, on peut toujours rationaliser. Nous pensons que les économies pourraient être évaluées à 66 millions de dollars.
Vous savez tous que Purolator appartient à Postes Canada. Il existe déjà des synergies entre les deux. Nous pensons qu'on peut les accroître afin de réaliser des économies pouvant atteindre 60 millions de dollars.
Nous avons quelques idées pour augmenter les revenus, mais il ne s'agit pas de montants considérables. On pourrait notamment vendre de la publicité dans les bureaux de poste et sur la flotte. Comme cette dernière est importante, cette solution pourrait s'avérer intéressante. Nous avons estimé les revenus de 15 à 20 millions de dollars, et avons indiqué 19 millions de dollars.
Enfin, en ce qui concerne l'obligation qu'a Postes Canada de rejoindre tous les Canadiens, peu importe où ils résident au pays, nous considérons que la société pourrait générer des revenus de quelque 10 millions de dollars si elle pouvait trouver d'autres partenaires pour effectuer la livraison. Voilà les possibilités s'inscrivant dans les possibilités de types budgétaires que nous vous présentons.
Au regard de la situation, de sa gravité et du fait que nous vivons dans un monde numérique qui continuera de prendre de l'expansion, et étant donné que nous avons particulièrement interrogé les jeunes — et je vous regarde, monsieur Drouin —, nous avons jugé, compte tenu de ce que nous avons découvert, qu'il faut non seulement se tourner vers Internet, mais aussi vers la mobilité. La vitesse ne fera que croître avec le temps. Il faut donc comprendre que nous nous trouvons à la croisée des chemins et que si nous pouvons prendre quelques mesures pour corriger le budget à court et à moyen terme, il faudra toutefois regarder à long terme, ce qui exigera des types de possibilités plus structurelles.
Nous vous avons proposé quelques solutions pour que vous les étudiiez. De notre point de vue, elles concernent les services qui pourraient continuer d'être offerts dans les bureaux de poste après un examen de ce qui est réellement rural selon les municipalités, les gouvernements provinciaux, les autres services du gouvernement fédéral et même le secteur privé, comme les banques. Nous savons que les banques ont quitté certaines communautés. Souhaiteraient-elles y offrir des services en partenariat avec Postes Canada?
L'autre solution qui semble intéressante consisterait à modifier la gouvernance. Comme il s'agit d'une institution fort complexe, aurait-on intérêt à changer la donne pour s'assurer que toutes les parties prenantes apportent leur contribution aux changements qu'il faudra effectuer?
En outre, nous savons tous que la relation avec les syndicats est houleuse. Nous avons observé la situation dernièrement et nous avons pensé vous proposer de faire intervenir un tiers: pas un arbitre ou un médiateur, mais quelqu'un qui travaillerait à la restructuration des activités pour s'assurer qu'elles cadrent avec ce que Postes Canada est devenue.
Nous proposons également d'augmenter le prix du timbre. Cette stratégie a été employée en 2014, quand ce prix est passé de 63 à 85 ¢. On ne peut pas affirmer que c'est la raison du déclin, mais il y a lieu de s'attendre à ce que plus le prix du timbre augmente, plus la tendance s'accélère, si on ne tient pas compte de l'indexation. Chose certaine, rien n'indique, dans l'analyse que nous avons réalisée avec Ernst & Young, qu'il faille geler ce prix. Voilà une autre possibilité que vous pouvez examiner.
Enfin, vous avez vu les unes dans les divers médias du pays. Ces derniers se sont emparés de notre idée de distribution de marijuana et l'ont vraiment mal comprise. Ils n'ont pas réellement lu le rapport en entier. Ce que nous voulions dire, c'est que Postes Canada livre déjà de la marijuana à des fins médicales. Si le gouvernement juge bon de légaliser la marijuana, il pourrait peut-être envisager un rôle pour Postes Canada. Il n'est pas question ici de production ou de vente au détail, mais bien de distribution.
Ai-je oublié quelque chose, mes amis? Non?
Merci, monsieur le président.
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Votre groupe a fait un travail remarquable. J'ai quelques mots pour le qualifier. Tout d'abord, vous avez une approche constructive. Vous avez aussi une approche exhaustive. Vous avez regardé partout, vous avez fouillé la question et vous vous êtes entourés d'experts. De plus, vous avez une approche réaliste.
À la veille d'entreprendre la tournée, mon appréhension est que nous allons rencontrer beaucoup de gens qui vont nous dire qu'ils aimeraient avoir beaucoup de crémage sur le gâteau. Malheureusement, nous avons un problème, parce que le gâteau manque de levure, il est périmé et il ne lève pas. C'est ce que vous avez démontré.
J'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit quand vous avez mentionné que le sondage d'opinion avait révélé qu'une fois que les Canadiens étaient informés de certains de défis financiers que rencontre Postes Canada, la plupart d'entre eux acceptaient plus facilement les changements. Lors de séances précédentes du Comité, nous avons eu des discussions avec nos analystes quant à la façon dont nous pouvons sensibiliser les Canadiens à la situation dramatique que vit Postes Canada, qui offre un service auquel nous sommes tous attachés.
Mon premier point porte sur le fait que je viens d'une région comportant une bonne partie qui est rurale et où il n'y a pas de boîtes postales communautaires. Je me sens tiraillé, parce que je vois des boîtes postales communautaires dans certaines régions où il y a le service postal en milieu rural. On veut maintenir le service postal actuel dans quelques parties de ma circonscription, mais aussi ailleurs. Finalement, on va demander à des gens qui ont un niveau de service inférieur de maintenir ce niveau de services. Il y a un principe d'équité qui m'interpelle à cet égard.
Vous avez évoqué précédemment la question des gens ayant une mobilité réduite. Vous avez dit que dans le cas des gens qui ont un problème de mobilité, on devrait probablement maintenir le service à domicile. Dans ma circonscription, les gens qui ont un problème de mobilité n'ont pas accès à un service à domicile.
Je pense que nous devrions trouver des solutions qui s'appliquent à l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Sinon, il y a un risque que les régions se dressent contre les villes. Les gens vont se dire que parce qu'ils vivent en région, ils n'ont pas le service auquel ils doivent s'attendre et sont obligés de payer pour maintenir un service postal déficitaire.
Je parle beaucoup, mais j'ai plusieurs questions à aborder.
Je passe à mon second point. Pourriez-vous aborder la question de la gouvernance. C'est un sujet qui est intéressant et vague en même temps. Il y a aussi, évidemment, la question du moratoire?
Dans ce cas, je ne prêcherai pas pour ma paroisse. Politiquement, c'était payant de le faire. Nous disions qu'il ne fallait pas toucher aux bureaux de poste, mais dans les faits, cela coûte plus cher et le niveau de service est inférieur. Vous l'avez très bien exprimé dans votre intervention.
Ne faudrait-il pas justement oser aller plus loin dans les scénarios? Le gouvernement ne va peut-être pas accepter tout ce que vous avez proposé. Si nous n'allons pas assez loin, je me dis que le gouvernement va arriver avec des demi-mesures.
J'ai beaucoup parlé, mais je vous dis encore une fois bravo.
Je vous remercie.