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Merci beaucoup. Bonjour.
[Français]
Bonjour, monsieur le président, messieurs et mesdames membres du Comité.
L'organisme « PolySeSouvient » est un groupe informel qui réunit des étudiants et des diplômés de l'École Polytechnique, de même que des survivants et des familles de victimes associés au massacre de 1989 à Polytechnique. Nous travaillons aussi avec des familles de victimes d'autres tueries par armes à feu.
J'aimerais signaler la présence de Nathalie Provost, survivante de la tuerie de Polytechnique, et de Serge St-Arneault, le frère d'Annie, qui est décédée lors de cette tuerie. Il y a aussi des représentants d'associations étudiantes, dont Wendy Vasquez, présidente de la Confédération pour le rayonnement étudiant en ingénierie au Québec, Jade Karim, coordonnateur à la mobilisation de l'Union étudiante du Québec, Manuel Klaassen, président de l'Association des étudiants de Polytechnique, ainsi que plusieurs étudiants et diplômés qui les accompagnent.
Notre mission est simple: réduire le nombre de décès, de blessures et de crimes commis à l'aide d'armes à feu. Ayant été témoins de la souffrance humaine qu'une seule arme à feu entre de mauvaises mains peut causer, nous estimons qu'il est de notre devoir de prendre la parole dans le débat public sur le contrôle des armes à feu afin de défendre le droit de tous à la vie et à la sécurité.
[Traduction]
Malgré nos vives critiques à l'égard de la portée et de la force du projet de loi C-71, nous l'appuyons. Les mesures qu'il contient permettront au Canada de rétablir certaines choses qui ont été perdues sous le règne du gouvernement précédent, notamment l'obligation de vérifier la validité du permis d'un acheteur potentiel et de tenir un registre des ventes aux points de vente commerciaux, des dispositions qui s'appliquent dans les deux cas aux armes à feu sans restriction.
Malheureusement, le projet de loi C-71 manque d'audace. Il permet à peine de respecter les promesses électorales des libéraux et ne corrige en rien bien des lacunes de la loi actuelle. Par exemple, les libéraux avaient promis d'annuler « les changements apportés par le projet de loi C-42 qui autorisent le transport d'armes prohibées ou à autorisation restreinte sans permis ». Cependant, avant l'adoption du projet de loi C-42, les autorisations de transport permettaient de transporter des armes à autorisation restreinte selon un trajet bien défini seulement et même, au moment prescrit seulement, entre la résidence d'un propriétaire et le club de tir dont il fait partie, par exemple. Le projet de loi C-71 ne vient pas rétablir ces dispositions. En fait, il maintient le pouvoir d'un propriétaire d'arme de poing de la transporter entre sa résidence et n'importe quel club de tir approuvé de la province, même si la personne n'en est pas membre et que l'arme n'aurait pas de raison de s'y trouver.
Le projet de loi C-71 établit par ailleurs des contrôles minimaux des ventes. S'il a bel et bien pour objectif d'appuyer efficacement le travail des policiers et d'empêcher les ventes illégales, cette obligation devrait s'appliquer aux ventes privées, comme le recommandait la B.C. Task Force on Illegal Firearms. Comme il ne s'applique pas aux ventes privées, les détournements vers le marché illégal demeurent possibles. Par exemple, il ne sera pas possible de retracer la vente des sept ou huit millions d'armes à feu sans restriction de propriété privée au Canada. Ne serait-ce qu'au Québec, plus du tiers des transferts d'armes sans restriction se font chaque année entre particuliers — le tiers.
Enfin, il n'y a absolument rien dans le projet de loi sur l'accès légitime aux armes d'assaut, malgré les avertissements répétés de la GRC quant aux risques qu'elles présentent pour la sécurité publique.
L'intention des lois de 1991 et de 1995 était d'interdire les versions civiles d'armes militaires et les chargeurs de grande capacité, mais à cause de la nature arbitraire de certains critères prescrits par les lois, parce que les règlements destinés à interdire diverses armes prohibées et à corriger des échappatoires n'ont pas été révisés et en raison de l'adaptation imprévue du marché des chargeurs de grande capacité, il est aujourd'hui légal au Canada de posséder des armes d'assaut à des fins récréatives et facile de les munir de chargeurs excédant la limite permise.
Nous espérons que ce comité jugera pertinent de renforcer le projet de loi, et nous espérons que le gouvernement libéral s'engagera à apporter d'autres améliorations au-delà de ce projet de loi.
Merci.
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Je m'appelle Michel LeRoux et je suis le père de Thierry, qui est décédé par balle le 13 février 2016, six mois à peine après avoir rejoint les rangs de la police de Lac-Simon. Thierry se trouvait face à un homme intoxiqué et armé qui avait des antécédents suicidaires et à qui on avait d'abord retiré ses armes à feu, mais à qui Thierry lui-même avait remis ces armes afin de se conformer aux ordres de son supérieur.
Comment se fait-il qu'un individu ayant de tels antécédents ait pu conserver son permis de port d'arme, se faire redonner ses armes alors qu'elles avaient été saisies par les policiers, et, ce qui est pire, qu'il ait pu se procurer deux autres armes, dont une arme d'assaut?
Il est inacceptable, dans un pays comme le nôtre, où la possession d'armes n'est pas un droit mais un privilège et où la sécurité publique est censée être la priorité, que des situations semblables soient possibles. Cette journée tragique a changé nos vies à jamais. La souffrance, la douleur et les larmes font maintenant partie de notre quotidien. Ma conjointe Christine ne peut s'en remettre. Mon autre fils, Steffan, a perdu son frère et son meilleur ami. Mon petit-fils Charles-Antoine a perdu son oncle bien-aimé. Pour nous tous, la vie ne sera plus jamais la même. Les proches de la famille ainsi que moi-même comptons sur les gouvernements pour examiner les circonstances ayant mené à un décès évitable comme celui-là et pour faire les modifications nécessaires afin d'éviter que cela arrive à d'autres. Le fait d'empêcher qu'il y ait d'autres victimes constitue l'une des rares consolations qui aident à alléger la souffrance de familles comme la mienne. Les personnes présentes dans la salle vous permettent de constater que ma famille et moi ne sommes pas les seuls à avoir connu cette situation.
Messieurs et mesdames les membres du Comité, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne change absolument rien à la situation qui a donné lieu à la mort de Thierry. Je comprends que la loi doive prévoir un certain degré de discrétion. Par contre, lorsque les facteurs de risque sont aussi sérieux et clairs — par exemple des antécédents de comportements violents combinés à des tendances suicidaires, comme dans le cas du tueur de mon fils —, l'interdiction de posséder une arme devrait être automatique. C'est d'ailleurs appliqué dans certains États américains.
Le cas de Thierry n'est pas le seul. Des événements similaires se sont produits en raison du laxisme de la loi. Il y a de nombreuses options de renforcement, qu'il s'agisse de critères liés à une interdiction automatique ou de l'établissement d'une liste des critères pouvant mener à une interdiction. En ce qui concerne le cas de mon fils, je demande que les antécédents documentés de violence et de suicide soient considérés comme des comportements dangereux et qu'ils mènent au retrait obligatoire du permis et des armes à feu. Les policières et policiers comme Thierry risquent leur vie tous les jours. Sur l'ensemble des policiers qui meurent dans le cadre de leurs fonctions, environ 9 sur 10 sont tués par balle. Comme l'ensemble des citoyens et des citoyennes, ils méritent d'être protégés contre la violence armée. Je vous implore donc d'amender le projet de loi de manière à ce que mon fils Thierry ne soit pas mort en vain.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, merci de nous recevoir parmi vous aujourd'hui. Je suis le président du Centre culturel islamique, qui existe depuis 1985. Il y a 50 ans que je suis au Canada. J'ai grandi dans ce pays de paix où règne la concorde, mais au cours des dernières années, nous avons connu un virage très dangereux pour la société, et j'en suis témoin.
Je suis venu ici avec des frères, dont l'un qui a été touché par des balles qui ont traversé son abdomen et ont atteint ses reins, et un autre dont un genou et un orteil ont été fracassés par une balle. Il y a autre chose de pire: nous avons eu six morts et cinq blessés et nous avons maintenant 17 orphelins. Nous avons beaucoup de choses à dire.
S'il y a une chose que je veux vous demander aujourd'hui — une seule —, c'est d'interdire que les civils possèdent des armes d'assaut. Ce sont des armes de guerre conçues pour tuer des gens et non pour s'entraîner ou s'amuser à tirer sur des arbres dans la forêt. En fait, nous devrions même respecter les arbres et ne pas tirer dessus. Nous permettons à des gens qui ont perdu la tête d'avoir entre les mains des armes faites pour tuer, des armes de guerre, que seuls les militaires devraient utiliser, dans les règles de l'art.
Si cet homme était entré dans le centre commercial, comme il l'avait annoncé, et qu'il avait sorti son arme, il aurait fait bien plus de victimes. Si son arme ne s'était pas enrayée quand il a voulu tuer les deux premiers Guinéens et qu'il avait réussi à le faire, il aurait tué les 80 personnes qui étaient présentes et serait monté à un autre étage pour en tuer d'autres. S'il vous plaît, aidez-nous et aidez la société en faisant en sorte que ces armes d'assaut et de guerre ne soient plus permises dans ce pays. C'est pour le bien de toute la société.
Merci.
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Je me présente brièvement. Je me nomme Alexandra Laberge, je suis enseignante au primaire et au secondaire. Je suis membre bénévole et militante de la Fédération des femmes du québec, ou FFQ, et coresponsable du Comité de travail Féminisme, corps, sexualité, image, genre et violences.
Je profite aujourd'hui de ce privilège qui m'est donné de représenter officiellement la FFQ ainsi que les voix des femmes et des filles du Québec — et j'ose espérer qu'il s'agit des voix des femmes et des filles du Canada — pour rappeler au gouvernement que les enjeux touchant les armes à feu sont des enjeux féminins.
La lutte des femmes contre les armes à feu est historique, mondiale et légitime, puisque ce sont majoritairement des hommes qui possèdent des armes à feu qui rendent les femmes vulnérables et victimes en raison de ce qu'ils peuvent en faire. Nous avons lutté bien avant 2012, année où le projet de loi a été adopté par le gouvernement précédent.
Durant les années qui ont suivi, nous avons subi un nouvel affront avec le projet de loi , en 2015. Les femmes se sont mobilisées et les prises de parole, les mémoires rédigés, les actions accomplies ainsi que les cris du coeur de ces femmes qui ont subi les répercussions liées à ces lois ont finalement été entendus par un gouvernement libéral qui a promis aux femmes de ce pays une réforme. Nous avions confiance d'être entendues par ce gouvernement, étant donné que nous représentons la moitié du peuple canadien et que c'est nous qui subissons les conséquences de ces balles tirées par majoritairement des hommes.
Malheureusement, nous ne pensons pas que le projet de loi protégera convenablement les citoyennes canadiennes. Nous pensons que ce projet n'est pas à la hauteur de que pourrait faire notre gouvernement pour améliorer la sécurité des femmes et des filles de ce pays. Nous pensons que nous pouvons aujourd'hui prendre ce moment pour vous rappeler le fruit des réflexions de celles-ci et de ce qui a été démontré par différentes instances et groupes de femmes. Nous aimerions vous transmettre des recommandations qui sont le fruit des réflexions de ces femmes, qui nous semblent légitimes et réalisables pour aider à préserver la sécurité des femmes et filles de ce pays.
De manière bénévole, et parallèlement à mon emploi d'enseignante, j'ai eu l'occasion d'étudier plus d'une douzaine de mémoires, de rapports et de revendications écrites par des femmes et j'ai dû me contenter d'utiliser ce qui a été produit depuis 2012 et seulement en français. Appuyées par des sources sérieuses et des instances reconnues telles que Statistique Canada et la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, ces femmes ont effectué un travail exceptionnel dans le but de se faire encore reconnaître dans les décisions prises par le gouvernement au sujet des armes à feu. J'ose espérer que ces documents, rendus publics par les médias et qui sont facilement accessibles, ont pu être lus et étudiés, mais je n'ai pas eu la chance de regarder l'ensemble de ce qui a pu être fait ailleurs au Canada. Nous pourrions nous appuyer sur les chiffres de Statistique Canada, qui sont assez éloquents, ou sur d'autres plateformes gouvernementales, mais les femmes doivent toujours prendre une charge supplémentaire pour faire valoir leurs droits et, aujourd'hui, leur sécurité. C'est pourquoi la Fédération des femmes du Québec tient à faire honneur à ce travail en soulevant les grands points que ces femmes ont pris le temps de relever et que nous appuyons officiellement.
Dans l'ensemble des mémoires écrits, on rapporte que les armes à feu sont un enjeu féminin. Rappelons-nous du fait que ce sont majoritairement des hommes qui possèdent des armes et que, bien que ceux-ci constituent aussi, sur le plan statistique, la majorité des victimes d'homicides, les femmes ne devraient pas subir les conséquences des armes à feu ni des lois qui permettent plus facilement à des hommes de leur faire du mal.
Par exemple, la Coalition pour le contrôle des armes rapporte que, malgré le fait que, selon la tendance, les hommes sont plus souvent victimes d'homicides, les femmes demeurent environ trois fois plus susceptibles d'être victimes d'un homicide commis par leur conjoint.
Reportons-nous aux réflexions de 2015 au sujet du projet de loi . Plus de 30 groupes de femmes du Canada ont uni leurs voix afin de parler de l'incidence du projet de loi sur la sécurité des femmes. Quatre-vingt-huit pour cent des femmes canadiennes tuées par balle l'ont été par des fusils ou des carabines possédés légalement, ces mêmes armes que certains considèrent comme n'étant pas la cause de violences par armes à feu.
L'accès à une arme à feu se classe au 5e rang des principaux facteurs de risque sur 18 quant aux homicides conjugaux.
Les enquêtes sur la violence familiale, par exemple dans le cas des enfants Kasonde et d'Arlene May, et le massacre de Vernon ont révélé des failles dans l'ancienne loi. Il a été recommandé qu'on apporte des modifications à la loi actuelle. Il faudrait qu'il y ait une meilleure détection des risques relativement au demandeur de permis au moyen de questionnaires détaillés et que ce demandeur fournisse deux références, et qu'il y ait une notification du conjoint. Il faudrait aussi mettre en place un registre des armes à feu, car d'importantes informations ne figurent pas dans les bases de données de la police.
Cinquante pour cent des homicides familiaux se terminent par le suicide du meurtrier, ce qui indique que la clé, pour protéger les femmes et les enfants, réside dans un examen approfondi des permis et des renouvellements de permis des propriétaires d'armes à feu. Quatre-vingt pour cent des décès par arme à feu au Canada sont des suicides ayant été commis, pour la plupart, avec une carabine ou un fusil de chasse facilement accessible.
Dans les communautés rurales de l'Ouest canadien, notamment, les gens sont moins favorables au contrôle des armes à feu et le pourcentage de personnes ayant des permis de possession d'armes à feu y est plus élevé.
Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables lorsqu'il y a une arme au domicile. En Ontario, 55 % des auteurs de violence familiale avaient accès à une arme à feu. Dans le récent rapport de 2013 de Small Arms Survey, on a étudié la relation entre les armes et la violence conjugale. On y affirme, entre autres, que si la majorité des victimes et des auteurs d'homicides commis au moyen d'armes à feu sont des hommes, le nombre de femmes tuées, blessées et intimidées à l'aide d'armes à feu dans un contexte de violence conjugale est nettement plus élevé. Selon l'annexe D du rapport de la GRC, on pourrait prévenir certaines de ces morts en adoptant des lois strictes pour interdire le port d'armes à feu aux personnes reconnues coupables de violence conjugale. D'ailleurs, le rapport « L'homicide au Canada, 2011 » montre que des lois plus strictes sur les armes ont permis de protéger les femmes et les enfants.
Nous avons accepté d'être présentes aujourd'hui parce que nous pensons que le gouvernement actuel, par ses actions et ses décisions, qui tendent vers des politiques féministes, considérera enfin la sécurité des femmes comme un enjeu de première importance. Nous avons choisi de prendre cette charge parce que nous croyons que ce que nous proposons sera analysé par des personnes compétentes et adopté pour assurer la sécurité des femmes de ce pays.
Nous proposons deux recommandations, conjointement avec l'organisme PolySeSouvient.
La première vise à interdire le droit de porter une arme à feu à toute personne qui fait l'objet d'une ordonnance de protection.
La deuxième propose que toute personne reconnue coupable de violence conjugale, de viol ou d'une autre agression à caractère sexuel se voie clairement interdire le droit de porter une arme.
Ces recommandations ne permettraient pas d'éliminer la violence armée contre les femmes, mais nous visons un objectif plus réaliste en demandant l'aide du gouvernement pour faire diminuer, par une réglementation plus stricte, le nombre de femmes tuées.
Le port d'armes n'est pas un droit; c'est un privilège. Il est logique et légitime de perdre ce privilège lorsqu'on est reconnu coupable d'un crime, notamment de crimes visant des femmes.
Nous désirons que le gouvernement se positionne clairement sur ces deux points et qu'il démontre son appui à la sécurité des femmes de son territoire en adoptant ces deux recommandations réalistes et nécessaires.
Pour finir, nous tenons à mentionner les femmes et les filles oubliées qui subissent les conséquences du droit de port d'arme à feu, dont on ne parle pas assez souvent ou à qui on ne donne jamais la parole. Selon Statistique Canada, les femmes et les filles autochtones trop longtemps oubliées subissent les conséquences des armes à feu davantage que les non-Autochtones des deux sexes mis ensemble.
Dans le rapport « La violence familiale au Canada: un profil statistique », on fait la preuve que les femmes âgées sont aussi des victimes d'armes à feu et qu'elles sont plus susceptibles que les hommes âgés d'être tuées par un membre de leur famille.
Finalement, n'oublions pas les femmes transgenres, au sujet desquelles aucune statistique n'est disponible à ce jour.
En conclusion, je vais faire un bref lien avec ce qui se passe aux États-Unis quant aux femmes. Depuis le début de l'année, il y a eu 22 tueries dans des écoles américaines. Au Canada, nous avons aussi eu notre part de tragédies dans des établissements scolaires qui visaient particulièrement des femmes. L'enseignement, comme métier traditionnellement et majoritairement féminin jusqu'à ce jour, propose une réflexion intéressante sur les femmes et les hommes qui dépasse le cadre intime, la famille, le lieu public ou le milieu de travail. Les femmes ne sont pas en sécurité, étant donné que des lois permettent la possession d'armes à feu.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui. Il est déjà difficile de militer pour une cause, et le fait de revivre d'horribles tragédies comme les vôtres demande encore plus de courage. Je vous remercie donc sincèrement d'être parmi nous.
La semaine dernière, à la suite du témoignage du ministre sur son projet de loi, je l'ai questionné au sujet d'un enjeu qui, je crois, est important pour vous aujourd'hui, c'est-à-dire les définitions qui mènent à la classification par la GRC. Je pense que, dans le débat entourant cette question, on a sauté une étape. Comme vous, je suis favorable à l'idée de redonner le pouvoir à la GRC et de retirer au Conseil des ministres son droit de veto — si on peut appeler cela ainsi —, et ce, simplement parce que de telles décisions ne devraient pas être prises par les politiciens d'un parti ou de l'autre.
Cela étant dit, j'aimerais connaître votre opinion sur la question des définitions. J'aimerais savoir si, de façon générale, vous êtes favorables à une révision de ces définitions. C'est ce qui permettrait d'assurer la sécurité publique, ce que vous souhaitez.
J'aimerais aussi savoir depuis combien de temps ces définitions concernant les armes à feu, qui sont prévues dans la loi, ont été mises à jour.
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En réponse à cette question, si elle est posée aux musulmans de la ville de Québec qui ont subi cette situation récemment, je dirais que la classification importe à des techniciens en la matière. Vous nous questionnez là-dessus, et certains pourraient vous répondre de façon plus détaillée, mais pour ma part, j'aimerais encore une fois vous poser une question.
Les politiciens autour de cette table ont-ils à coeur la gouvernance du pays? Ont-ils à coeur de le remettre sur les rails d'un pays pacifique, reconnu mondialement comme tel? Ont-ils à coeur de protéger les individus?
Si c'est le cas, qu'est-ce qui les empêche de se concentrer uniquement sur ce que nous demandons, en tant que personnes ayant subi ces événements, et au nom de tous les citoyens canadiens? Nous avons rencontré des gens, et tous ceux que nous avons rencontrés étaient sidérés d'apprendre que cet individu possédait une arme d'assaut.
Pourriez-vous, entre politiciens, poser un geste concerté, de façon unanime, et laisser de côté vos animosités politiques pour faire en sorte que ces armes d'assaut soient bannies? Nous aurions au moins gagné quelque chose. Toute la nation canadienne vous applaudirait. Au-delà des définitions et de la classification, nous parlons d'armes de guerre qui tuent. Quelle autre classification pourrions-nous adopter?
S'il vous plaît, soyez unanimes, soyez bons. Ayez à coeur que le pays se tienne debout, ne se sente pas obligé d'être à l'image de son voisin et veuille retrouver une certaine fierté lorsque, au cours de leurs voyages, les citoyens canadiens se font dire qu'ils appartiennent au pays le plus pacifiste du monde.
Pour ma part, je voyage dans diverses régions du monde. Pendant que j'étais à l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la Francophonie, j'ai traversé tous les pays francophones. Quand j'y retournerai, que vais-je dire à ces personnes, qu'on tue les gens, au Canada, au moyen d'armes d'assaut, d'armes de guerre qui circulent librement sur les marchés?
N'est-ce pas une honte pour notre nation canadienne?
Je pense que vous, les politiciens et les techniciens de la politique, vous avez la responsabilité de bannir ces armes afin qu'on puisse vraiment dire que le Canada se tient debout en dépit des allégeances politiques avec les pays voisins ou avec d'autres pays qui n'ont pas banni ces armes.
Excusez-moi d'être un peu long, mais au-delà des définitions, je voulais vous lancer cet appel, à vous tous qui êtes ici aujourd'hui.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'expliquer. Je vais taper sur le clou jusqu'à ce que je réussisse, inch Allah, donc si Dieu le veut.
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Bonjour à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous.
Je m'appelle Alison Irons. Je suis la mère de Lindsay Margaret Wilson qui, à l'âge de 26 ans, a été traquée et tuée à coup de fusil par son ex-ami de coeur à Bracebridge (Ontario). C'était le 5 avril 2013, soit deux semaines avant qu'elle termine son dernier semestre d'études à l'Université Nipissing.
Plus tôt cette semaine-là, l'assassin de ma fille était venu de Kingston pour la suivre en voiture depuis son petit campus afin de savoir où elle habitait. Le jour du meurtre, il l'a suivie encore une fois et s'est caché derrière son domicile. Avec son téléphone, il a enregistré quatre vidéos où on le voit en train de se préparer à la tuer. Il a attendu qu'elle ressorte de la maison pour la confronter dans son entrée de cour où il a tiré sur elle pendant qu'elle le suppliait de lui laisser la vie sauve. Il avait pris avec lui deux armes d'épaule pour s'assurer de ne pas rater son coup. Il s'est ensuite enlevé la vie.
Elle est restée consciente pendant un moment. Elle ne souffrait pas et elle a dit aux premiers intervenants qu'elle savait qu'elle allait mourir. Difficile d'imaginer souvenir plus horrible pour un parent. Blessée mortellement, elle ne savait pas que son assassin s'était tué à ses côtés. Elle est morte environ 20 minutes plus tard à l'hôpital de Bracebridge.
Le pathologiste a noté des lésions importantes au coeur et aux poumons de ma fille. Son assassin savait ce qu'il faisait. En ma qualité d'ancienne agente de la GRC, je peux vous dire qu'il a visé le centre du corps, là même où ses plombs et ses balles étaient le plus susceptibles de causer la mort. Son épaule droite était fracturée et cinq de ses côtes étaient réduites en miettes. Son avant-bras gauche était complètement fracturé et ne tenait qu'à un fil. Le pathologiste a parlé d'une avulsion de la plus grande partie de son avant-bras gauche, sans doute une blessure de défense.
Elle avait des blessures par balle superficielles à l'arrière de la tête, probablement en raison du premier coup de feu qui a fait basculer son corps. Le bas de son beau visage était maculé d'un pointillé noir dû à l'action des grains de poudre. Je suis d'ailleurs reconnaissante au personnel du bureau du pathologiste qui a masqué ces blessures faciales avec du maquillage afin que je puisse donner un dernier baiser à ma fille.
Je n'ai pas d'excuse à vous présenter quant à tous ces détails explicites sur les blessures de ma fille. C'est ce qui arrive lorsqu'on laisse des armes à feu entre les mains des mauvaises personnes.
Ma fille a rencontré son assassin en 2009 ou 2010. Il lui a caché son passé criminel et avait des explications plausibles à lui donner quant au fait qu'un adulte comme lui résidait encore chez ses parents et ne semblait avoir aucune véritable perspective d'emploi ni source de revenu tangible. Il était charmant, articulé et d'apparence soignée. Il chassait pour le plaisir.
Leur relation était exempte de toute violence, bien qu'il pouvait être contrôlant et manipulateur. Elle l'a laissé pour une première fois en 2011 lorsqu'elle l'a surpris à vendre de la drogue. Il a réussi à l'amadouer par la suite en lui promettant de changer. Une année plus tard, elle l'a toutefois encore surpris à vendre de la drogue.
En 2012, elle a été anéantie d'apprendre qu'il avait contracté une méningite qui lui a presque été fatale. Elle s'est crue responsable de sa maladie parce qu'elle l'avait quitté. Lorsqu'elle a su qu'il survivrait, elle a essayé, étant elle-même formée pour le soutien aux personnes handicapées, de l'aider dans sa réhabilitation. Dès le Noël suivant, elle a une nouvelle fois coupé tous les ponts, car il était plus contrôlant et manipulateur que jamais. C'est trois mois plus tard qu'il l'a traquée et assassinée.
Ayant été enquêteuse tout au long de ma carrière, j'ai voulu connaître le passé de cet homme. Il avait caché à ma fille qu'il avait été arrêté par la police en 2000 pour trafic de stupéfiants. Sept jours plus tard, il a enlevé avec l'aide d'un complice un homme dans une résidence à la suite d'une transaction de drogue qui a mal tourné, selon la police de Kingston. Ils ont emmené l'homme dans une voiture et roulé sur une route secondaire pendant que l'un d'eux le tabassait. La victime a pu s'échapper en ouvrant une portière pour se jeter sur la route où un passant l'a secouru et conduit à la police. S'il ne s'était pas ainsi échappé, qui sait s'il n'aurait pas été assassiné.
Le meurtrier de ma fille et l'autre ravisseur ont été accusés de plusieurs infractions dont séquestration, agression, menace et quelques autres reliées à la drogue d'après ce que j'ai appris du service de police de Kingston. Il semblerait que des négociations de plaidoyer lui ont permis de plaider coupable en 2002 aux chefs d'accusation de séquestration et d'agression seulement. Les accusations précédentes pour trafic de stupéfiants ont été abandonnées. La seule peine qui lui a été imposée a été une période de probation de deux ans.
Immédiatement après sa période de probation, en 2004, il a fait la demande d'un permis de possession et d'acquisition, qu'il a obtenu. Il s'est acheté plusieurs armes à feu, parmi lesquelles celle avec laquelle il assassinera ma fille, en 2013. Dans mon enquête, j'ai découvert qu'il avait été longuement interrogé pendant le processus de délivrance du permis par suite de sa déclaration volontaire. Son dossier avait donc allumé des clignotants dans le SCIRAF, signe d'un échec à l'étape A, mais sur lequel on a fermé arbitrairement les yeux pour accorder le permis.
Avant qu'il ne rencontre ma fille, et encore une fois à l'insu de ma fille, il a été averti par les autorités, apparemment en raison d'un incident de violence familiale, que s'il n'obtenait pas le pardon pour ses condamnations antérieures, son permis ne serait pas reconduit. Même si l'incident est enregistré dans le SCIRAF, la police ne lui a pas attribué le code qui aurait permis de hâter la révision ou la révocation de son permis. Pourtant, l'avertissement qu'il a reçu m'amène à croire qu'on n'aurait jamais dû, pour commencer, lui accorder le permis. Le SCIRAF mentionnait aussi une condamnation pour conduite avec les facultés affaiblies.
En ma qualité de mère de Lindsay, je vous demande comment quelqu'un qui a été condamné pour des infractions criminelles d'adulte, pour séquestration et agression liée au trafic de drogues et pour conduite avec les facultés affaiblies et dont le dossier, dans le SCIRAF, mentionne un incident de violence familiale a pu obtenir un permis de possession d'armes au Canada. Comment notre système de permis parvient-il à ne pas tenir compte des circonstances réelles, en leur accordant le poids qu'elles méritent, des condamnations d'un contrevenant et d'autres mentions du CIPC ou du SCIRAF pour lui accorder un permis de possession d'arme? A-t-il obtenu le permis et les armes pour la chasse, comme il l'aurait vraisemblablement prétendu dans sa demande ou les a-t-il obtenus pour protéger sa carrière de trafiquant de drogues que, apparemment il a poursuivie pendant 13 ans?
Notre système et processus d'octroi de permis de possession d'armes, particulièrement en ce qui concerne la vérification des antécédents, la définition et la validation des références et la prise en considération des infractions criminelles ainsi que le pouvoir discrétionnaire apparemment considérable, qui permet de faire fi des échecs de l'étape A ou des clignotants qui s'allument, a visiblement fait défaut dans le cas de ma fille. S'il vous plaît, n'allez pas dire que cet individu a simplement échappé aux mailles du filet.
Justin Bourque a tué trois agents de la Gendarmerie royale, au Nouveau-Brunswick, avec des armes acquises légalement. Alexandre Bissonnette a tué six personnes, dans une mosquée de Québec, avec des armes acquises légalement. Le maire Tory de Toronto a récemment demandé l'aide de la ministre parce que, en raison des mesures plus rigoureuses qu'on prend à la frontière contre l'entrée illégale d'armes au Canada, le trafic d'armes acquises légalement dans notre pays pour les vendre à des criminels et à des bandes de criminels est en augmentation.
Comme nous n'avons pas même pu protéger ma fille, nous ne pouvons pas affirmer que des projets de loi comme l'ancien projet de loi et le projet de loi protègent les Canadiens contre les actes terroristes, les tueries de masse ou les loups solitaires comme celui qui a tué le caporal Nathan Cirillo, sur la Colline du Parlement, si, en même temps, nous ne révisons pas et nous ne commençons pas à renforcer nos lois sur les armes à feu, les règlements sous leur régime, les politiques, les processus et les systèmes et si nous ne fermons pas les échappatoires.
Pour un demandeur de permis condamné pour violence contre la personne, particulièrement dans la commission d'autres crimes graves comme le trafic de drogues, la vérification des antécédents doit être plus exhaustive et tenir compte du dossier criminel du demandeur, depuis l'âge adulte ainsi que du contexte de toute violence contre la personne qu'il aurait commise. Il faut une définition plus rigoureuse des références qui conviennent aux demandes de permis, de manière à exclure les membres de la famille immédiate ou les personnes possédant un casier judiciaire. Il faudrait valider l'acceptabilité de toutes les références des personnes possédant un casier judiciaire pour violence contre la personne, la vérifier auprès du CPIC et du SCIRAF, et contacter ces personnes. Des ressources compétentes en nombre suffisant devraient assurer une vérification plus complète des antécédents et des références.
Est-ce que j'ai encore seulement une minute?
Membres du Comité, bonjour. Je vous remercie beaucoup de votre invitation à venir vous entretenir du contrôle des armes à feu, considéré sous l'angle de la prévention du suicide.
Je suis le directeur de l'Association québécoise de prévention du suicide. L'AQPS est une organisation communautaire qui vise à faire la promotion et le développement de la prévention du suicide sur le territoire du Québec. Plus spécifiquement, nous travaillons à sensibiliser la population et à faire des représentations auprès des élus pour que des mesures soient prises et mises en avant pour soutenir la prévention du suicide. Nous voulons aussi mobiliser les citoyens et faire en sorte qu'ils prennent position et qu'ils se mobilisent en faveur de cette cause. De plus, nous offrons divers produits de formation qui sont destinés à la fois aux citoyens et aux intervenants en prévention du suicide, ainsi qu'aux professionnels de la santé.
Je vous dirai, d'entrée de jeu, que nous avons, à plusieurs reprises, fait connaître notre position favorable à un meilleur contrôle des armes à feu. Nous avons d'ailleurs dénoncé l'abolition du Registre fédéral des armes d'épaule, en 2011. De nombreuses études démontrent que l'ensemble des mesures de contrôle des armes à feu a un effet positif sur la diminution des taux de suicide. J'y reviendrai. À notre avis, le projet de loi représente un pas dans la bonne direction, mais nous croyons que certains de ses aspects doivent être renforcés.
Je dirai quelques mots sur l'état du suicide au Canada et au Québec. Aujourd'hui seulement, 11 personnes s'enlèveront la vie au Canada. Au Québec, cela représente 1 100 décès par année. Parmi ceux-ci, plus de 125 auront été commis au moyen d'une arme à feu. Il y a 4 000 suicides au Canada chaque année, dont 1 100 se produisent au Québec. C'est beaucoup. Bien que le Québec ait connu une baisse significative du nombre de suicides au début des années 2000, notre société n'a pas connu de progrès digne de mention dans ce dossier depuis près de 10 ans.
En ce qui a trait à la personne vulnérable au suicide, il faut savoir que la personne suicidaire n'est pas formellement décidée à s'enlever la vie. Non seulement sa vision des choses est troublée par sa souffrance qu'elle cherche à faire cesser, mais cette personne est ambivalente face à la mort jusqu'à la toute dernière minute. C'est la raison pour laquelle le moyen choisi par la personne suicidaire a une si grande importance car, plus le délai menant au décès est long, plus cela laisse du temps à la personne de changer d'avis et d'obtenir de l'aide. À ce titre, sachez que, pour chaque personne qui décède par suicide, on estime qu'entre 25 et 30 personnes amorcent une tentative de suicide qui ne se complétera pas. Ainsi, si les gens ne passent pas à l'acte, ce n'est pas par inaptitude à se suicider, mais parce qu'ils changent d'idée en cours de route.
Malheureusement, l'arme à feu est un moyen extrêmement létal — son taux de réussite s'élève à 96 % — qui n'offre que très rarement de deuxième chance à la personne suicidaire. L'arme à feu amplifie l'impulsivité du geste et donne peu de temps aux proches, aux intervenants ou aux policiers d'effectuer une intervention efficace qui pourrait lui sauver la vie. Ainsi, les analyses statistiques et la recherche nous indiquent que 80 % des décès par arme à feu sont des suicides. Ce sont surtout des armes sans restriction, des armes d'épaule ou des armes longues qui sont utilisées. Dans 50 % des cas de suicide, moins de 10 minutes s'écoulent entre le début de la situation de crise et le passage à l'acte suicidaire. Quand un individu vulnérable vit une situation de crise, s'il dispose d'un accès facile et immédiat à un moyen létal, le risque de suicide est nettement plus élevé.
Les risques de suicide sont cinq fois plus élevés dans les maisons où l'on trouve des armes à feu. Les armes de chasse sont le type d'arme à feu le plus répandu dans les domiciles, et une partie importante des suicides par arme à feu est commise avec une arme dont la personne n'est pas propriétaire. Il est reconnu que les décès liés aux armes à feu constituent un problème de santé publique important, et les statistiques démontrent que les pays ayant un contrôle plus serré des armes à feu présentent un taux de suicide par arme à feu inférieur à celui des pays qui n'en ont pas.
Toutefois, il est possible de prévenir le suicide, et la réduction du nombre de suicides passe obligatoirement par l'implantation d'une série de mesures qui, appliquées simultanément, permettent de créer un contexte favorable à la prévention du suicide. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, la réduction de l'accès aux moyens de s'enlever la vie, dont l'arme à feu, est considérée comme l'une des mesures les plus probantes.
Pour un contrôle efficace des armes à feu, il faut que les détenteurs d'armes à feu possèdent un permis délivré à la suite d'une enquête de sécurité. C'est actuellement le cas au Canada. Il faut aussi éduquer les propriétaires en ce qui a trait à l'entreposage sécuritaire de leurs armes et aux risques qui y sont associés. On peut aussi dire que c'est le cas au Canada. Par contre, quand on se rend compte que le tiers des suicides par arme à feu ne sont pas commis par le propriétaire de l'arme, on constate qu'il y a encore d'importantes lacunes en matière d'entreposage sécuritaire. Il faut aussi que les armes soient enregistrées. Les mesures liées à l'enregistrement sont importantes, car elles facilitent le travail des policiers et des intervenants quand on sait qu'une personne est en crise et qu'elle pense au suicide et qu'on peut la protéger d'elle-même.
Actuellement, au Canada, il n'y a pas moyen de savoir combien d'armes peuvent être en possession d'une personne en détresse. De manière à assurer la sécurité des occupants d'un domicile, les policiers doivent détenir cette information. Elle permet d'identifier les propriétaires légaux, facilite la traçabilité des armes et responsabilise davantage les propriétaires.
Voici quelques données probantes sur l'efficacité d'un enregistrement pour prévenir les suicides.
Selon l'Institut national de santé publique du Québec, entre 1998 et 2011, années durant lesquelles le Registre canadien était en vigueur, le nombre de suicides par arme à feu, au Québec, est passé de 283 à 131 annuellement. C'est une baisse de 53 %. On n'a aussi noté aucune substitution vers un autre moyen, puisque le nombre de suicides par tous les moyens autres que l'arme à feu a également diminué. C'est 150 suicides de moins par arme à feu chaque année. On parle beaucoup des coûts du Registre, mais le suicide entraîne également des coûts importants pour l'ensemble de la société canadienne. Selon des études, on évalue le coût d'un suicide pour la communauté entre 600 000 $ et 1 million de dollars.
Nous croyons que le projet de loi devrait être amendé afin de: resserrer les critères d'admissibilité et de renforcer le processus de dépistage des candidats pour l'obtention, le renouvellement et le maintien des permis de possession; inclure dans les nouveaux contrôles sur la vente d'armes non restreintes le signalement aux autorités des ventes prévues; permettre l'accès facile et rapide par les policiers aux données sur les ventes d'armes sans obstacles procéduraux, tels que l'obtention d'une autorisation judiciaire; réinstaurer les permis de transport d'armes restreintes afin qu'ils précisent les lieux spécifiques où est autorisée la présence de l'arme; veiller à ce que les armes d'assaut soient interdites; et réviser les dispositions concernant les chargeurs à grande capacité, de manière à imposer une limite réelle de cinq ou dix cartouches respectivement pour les armes à autorisation non restreinte et restreinte, en éliminant les échappatoires et en interdisant celles qui sont facilement modifiables pour dépasser la limite légale. En ce sens, nous appuyons entièrement les recommandations de PolySeSouvient.
En conclusion, le suicide est une cause de décès évitable. Ce n'est pas un hasard si l'on a pu réduire de près du tiers le nombre de suicides au Québec entre 2000 et 2008. Cette importante baisse s'explique par l'effet combiné d'une multitude de mesures, dont le contrôle accru de l'accès aux armes à feu. La baisse du nombre de suicides commis par ce moyen le démontre très bien.
Des centaines de Québécois et de Canadiens qui ont pensé sérieusement au suicide sont encore en vie aujourd'hui et contents de l'être parce que, dans un moment de désespoir, ils n'ont pas eu accès à ce moyen pour commettre ce geste irréparable.
Je vous remercie.
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Ayant été fonctionnaire pendant la plus grande partie de ma vie active, je sais notamment qu'un projet de loi n'est pas plus que ça et qu'il doit s'appuyer sur des règlements, des politiques et un processus de mise en oeuvre. À mon avis, quand le seul projet de loi renvoie, par exemple, à la vérification des antécédents, il ne constitue qu'une première étape. Il reste du travail à faire sur les modalités de sa mise en oeuvre.
Je me rappelle qu'en de nombreuses occasions, pendant ma carrière de fonctionnaire, quand le gouvernement voulait faire adopter un projet de loi, nous utilisions l'expression « à balancer au suivant » pour que les fonctionnaires trouvent comment appliquer des détails pratiques. Je pense qu'il faut plus que se demander si le projet de loi permettra telle mesure ou telle autre.
Cependant, mon parti pris personnel m'amène a croire qu'il n'aurait pas dû y avoir de pouvoir discrétionnaire pour permettre au contrôleur des armes à feu de fermer les yeux sur l'échec à l'étape A, quand le demandeur possède un casier judiciaire, comme l'assassin de ma fille, à qui il le lui avait caché, quand il a commis un crime de violence grave contre la personne qui a été négocié très à la baisse, plus d'autres faits comme le trafic de drogues, surtout, avez-vous dit.
Pour autant que je le sache... et, encore une fois, à cause de la loi sur la protection des renseignements personnels en vigueur en Ontario et dans beaucoup d'autres provinces, je n'ai pas réussi à obtenir de renseignements sur les autres mesures prises pour vérifier ses antécédents, si ce n'est qu'on l'a interrogé. Je n'ai pas réussi à trouver si ses références étaient sa mère ou son meilleur ami, qui, lui, avait des antécédents de violence familiale, mais je sais bien, pour en avoir discuté avec lui, que l'agent qui l'a arrêté dans cette affaire d'enlèvement n'a jamais été contacté par le contrôleur des armes à feu et qu'il a été scandalisé par le fait que personne ne l'avait contacté pour s'informer sur le contexte de ces infractions. Je pourrais ajouter qu'il a été encore plus scandalisé d'apprendre que c'est avec cette arme qu'il a tué ma fille.
Merci.