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Merci beaucoup de m’avoir invitée.
Je m’excuse de ne pas avoir présenté de mémoire écrit, mais nous n’avions pas le temps de le mettre en forme et de le faire traduire. Nous sommes donc heureux de vous fournir un résumé écrit des arguments que je vais présenter aujourd’hui.
J’aimerais aborder rapidement la question des décès et des blessures causés par des armes à feu dans les collectivités rurales, la raison pour laquelle la Coalition pour le contrôle des armes à feu estime que c’est une question qu’il faut régler, et aborder certaines des données, certaines des solutions.
Vous êtes bien placés pour savoir que l'on parle beaucoup des problèmes de violence urbaine et des problèmes liés aux gangs dans les villes.
Ce qui est paradoxal, bien sûr, comme vous l’ont sans doute déjà dit des témoins précédents, c’est que les taux de crimes violents par 100 000 personnes, particulièrement ceux mettant en cause des armes à feu, sont en fait plus élevés dans les collectivités rurales. En fait, il ressort des données sur les victimes de crimes violents commis avec une arme à feu déclarée par la police par province et territoire et ventilées par région urbaine et rurale que, malgré toute l’attention portée à des endroits comme Toronto, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et ainsi de suite, ces taux dépassent de loin la moyenne canadienne. Le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta ont deux fois plus de crimes violents commis avec une arme à feu que l’Ontario.
On sait également, d’après des rapports récents de Statistique Canada, que 17 % environ des Canadiens vivent dans des collectivités rurales dotées de leurs propres services de police, et que 18 % environ des crimes contre les biens, c’est-à-dire le vol d’automobiles et ainsi de suite, sont commis dans les collectivités rurales, et donc que le taux de ce type de criminalité est à peu près proportionnel à la population et n'est pas beaucoup plus élevé que dans les centres urbains.
Or, on constate que 25 % des crimes violents sont commis dans les collectivités rurales. Ceux d’entre vous qui se sont penchés sur des questions comme la violence familiale, savent que les collectivités rurales affichent des taux de violence familiale beaucoup plus élevés que les grandes villes, y compris pour ce qui est du recours aux armes à feu. Quand on examine des aspects spécifiques, comme les meurtres de policiers, on constate que très rares sont ceux qui sont tués, surtout par des armes à feu, dans les grands centres urbains et que la plupart de ceux qui sont tués le sont dans l’exercice de leurs fonctions dans de petites collectivités, encore une fois, en partie à cause de la disponibilité des armes à feu.
C’est la même chose en ce qui concerne le suicide. Pourquoi parler de suicide dans une discussion axée sur la criminalité en milieu rural? On parle du suicide dans ce contexte, parce que dans une perspective de santé publique, la violence contre soi est considérée comme une forme de violence. Un examen des facteurs qui influent sur les taux de suicide, des causes profondes, etc., montre que le risque de suicide et le risque d’homicide, particulièrement chez les jeunes hommes, sont très semblables
Les mêmes facteurs, comme l’inégalité, l’exclusion, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie et les événements critiques du cycle de vie, peuvent entraîner le suicide ou l’homicide. Beaucoup d’entre vous connaissent le suicide par un policier et d’autres phénomènes qui montrent que c’est le cas, ou des incidents de violence familiale qui, lorsqu’il s’agit d’armes à feu, se terminent par un suicide la moitié du temps. Les liens entre le suicide et l’homicide sont particulièrement étroits dans les collectivités rurales.
C’est pourquoi lorsqu'on réfléchit à la façon de prévenir la violence dans un modèle de santé publique, on examine d’abord les causes profondes. On examine les facteurs qui poussent les gens à commettre des actes criminels ou violents. On sait que le genre est un facteur. On sait, comme je l’ai dit, que l’inégalité, le manque de possibilités, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie, etc. sont certainement des problèmes qu’il faut régler au niveau communautaire.
On sait aussi, par la littérature sur la santé publique et la criminologie, que l’accès aux moyens joue un rôle important. Cela peut signifier l’accès aux clés d’une automobile, par exemple. Quand on ne verrouille pas sa voiture, on est plus susceptible de se faire voler que si on la verrouille, qu’il y a des dispositifs antivol ou des outils de surveillance vidéo.
Cela signifie aussi que l’accès aux armes augmente la létalité des rencontres violentes. Les armes à feu ne causent pas la violence ou la criminalité, mais leur présence accroît le risque que cela finisse par des morts.
Enfin, la troisième dimension que l'on examine est la réaction après coup, qui peut avoir une incidence sur la gravité des conséquences. On sait que dans les collectivités rurales, l’accès aux services d’intervention d’urgence, qu’il s’agisse de pompiers, de policiers ou d’ambulances, est réduit et le délai d’intervention est plus long.
On sait que dans les collectivités rurales, on a moins accès à des choses comme des refuges et d’autres types de soutien qui réduisent la probabilité, par exemple, que des femmes soient tuées.
On sait que les services de santé mentale sont beaucoup moins accessibles dans les collectivités rurales. Il y a d’énormes files d’attente, même dans les grands centres, mais la situation empire de plus en plus. Le soutien aux victimes, pour prévenir la revictimisation, est également réduit.
Il est important d’examiner toutes ces questions lorsqu'on essaie de trouver une solution.
Le dernier point, qui est un peu égoïste, mais qui mérite d’être dit, c’est qu'on sait aussi que de plus en plus d’armes à feu récupérées à la suite d’actes criminels proviennent de propriétaires d’armes à feu au Canada. Ce n’est pas seulement le cas à Toronto ou en Colombie-Britannique, selon une étude récente menée, mais aussi dans les petites collectivités. On a vu les rapports de la police. La disponibilité des armes à feu dans les petites collectivités ne fait pas qu’accroître la violence mortelle dans ces collectivités, surtout lorsqu’il n’y a pas de mesures de contrôle appropriées, elle peut aussi alimenter la violence ailleurs.
Je ne sais pas si le député Dabrusin est là ou non, mais il semble que l’arme utilisée dans la fusillade de Danforth ait été volée quelque part en Saskatchewan.
De notre point de vue, dans le contexte d’une stratégie de prévention du crime, qu’il s’agisse de collectivités urbaines ou rurales, on doit envisager de réduire l’accès aux armes à feu pour les personnes dangereuses. Il est vrai que dans de nombreuses petites collectivités on a renforcé ces mesures. Par exemple, on a la juge Marlene Graham, qui a statué que dans le cadre de l’enquête sur le décès de Corey Lewis à Okotoks, l’absence de contrôle des armes à feu était un gros problème. On a beaucoup de preuves montrant que le contrôle des armes à feu réduit la létalité.
On sait que les armes à feu ont une dimension sexospécifique. Une étude réalisée au Nouveau-Brunswick, par exemple, a montré que, sur le quart des femmes qui vivent avec des armes à feu dans cette collectivité, 66 % ont dit que le fait de savoir qu’il y avait des armes à feu les amenait à craindre davantage pour leur sécurité et leur bien-être. Que cela influait sur leur décision de dire aux autres ou de demander de l’aide pour les mauvais traitements subis. Il nous faut reconnaître qu’il y a un besoin dans les collectivités rurales, comme dans les centres urbains, de briser le code du silence concernant la violence familiale.
Je veux terminer en disant que l'on sait que les armes à feu servent des fins légitimes, particulièrement dans les collectivités rurales. On doit respecter la chasse, la lutte antiparasitaire et les droits des Autochtones, mais cela ne veut pas dire qu'on ne devrait pas avoir de contrôles rigoureux. Cela ne veut certainement pas dire que l'on ne devrait pas envisager d’interdire les armes de poing et les armes d’assaut, qui ne sont d'aucune utilité tant dans les collectivités rurales que dans les collectivités urbaines.
Il nous faut vraiment lutter contre la notion très sexospécifique selon laquelle plus on a d’armes plus on est en sécurité, parce que, en fait, bien souvent le risque est plus grand dans les ménages qui ont le plus d’armes.
J’aimerais citer Barbara Frey, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme, qui a dit:
Les sociétés dominées par les hommes justifient souvent la possession d’armes en invoquant la prétendue nécessité de protéger les femmes vulnérables, alors que les femmes sont plus exposées à la violence lorsque leurs familles et leurs communautés sont armées.
Merci beaucoup.
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Merci beaucoup. Bonjour à tous.
Je m’appelle Fred Priestley-Wright. J’ai 83 ans. Je vis dans une région rurale du centre-ouest de l’Alberta. Je suis un professionnel. Je suis ingénieur aéronautique de profession. J’ai travaillé comme aérodynamicien sur l’Avro Arrow, puis, sous contrat avec l'armée de l'air américaine, j’ai effectué une analyse aérodynamique de certains de ses aéronefs. Ce contrat ayant pris fin au bout de trois ans, je suis retourné en Alberta et j’ai travaillé dans l’industrie pétrolière et gazière, puis j’ai commencé à faire de l’élevage là où j’habite actuellement.
Mon incident s’est produit le 4 novembre. Je vous le résume rapidement. J’avais fini le déjeuner. Il faisait -20 °C ce jour-là, avec un peu de neige. Après avoir travaillé au bureau toute la matinée, j’allais à ma petite scierie après le déjeuner pour scier des billes, faire du bois d'oeuvre. Je vais à mon camion, qui se trouve à 162 pieds de chez moi. Je démarre mon camion. Il fait -20 °C. Je le laisse tourner. Oui, les clés étaient sur le contact. Oui, en théorie, c'est la chose à ne pas faire. En réalité, tout le monde le fait, pour de très bonnes raisons. Je me rends compte que j’ai oublié mon téléphone cellulaire, alors je retourne à la maison, à 162 pieds. Le téléphone cellulaire est sur l’étagère juste à l’intérieur de la porte. Je le ramasse et je retourne.
Il y avait un étrange camion blanc dans ma cour. Je ne l’avais jamais vu auparavant. Mon camion quittait l’entrée et les lieux. Je regarde le camion blanc. Ce n’était pas un camion local; ça n'avait rien d'une blague. Je sors mon téléphone cellulaire et je compose le 911, et mon camion revient sur la pelouse et manque de me renverser, et s’arrête à côté du camion blanc. Le passager sort pour récupérer quelque chose qu’il avait laissé dans le camion blanc, qui s’est avéré volé. Je m'approche du côté du conducteur, j’ouvre la portière et je dis : « Qu'est-ce qu'il se passe? » Le conducteur embraye, recule — la porte restée ouverte me renverse —, puis il ferme et verrouille la porte. Alors, je vais de l’autre côté, côté passager, où l'individu enlevait ce qu’il y avait dans le camion blanc, le camion volé. Je lui pose la même question : « Qu’est-ce qu'il se passe? » Il m’attrape et l’autre gars me prend par-derrière, et ils me font tomber. En me faisant tomber, ils me disent : « On a peur. La GRC nous poursuit et la mafia nous poursuit. » Tout de suite, je me dis: « Ça, c'est une affaire de drogue. »
Ils me jettent au sol. Le conducteur remonte dans le camion. Mon chien de garde le poursuit jusqu’au camion. L’autre me coupe la gorge, me donne des coups de pied à la tête continuellement — je dirais, si je peux estimer correctement, environ six fois. Le premier coup de pied a été porté à mon oeil droit, l’endommageant gravement. Ma mâchoire a subi plusieurs coups de pied, ce qui a causé des dommages importants à ma mâchoire. Un ou deux autres m'ont touché au cou et j’ai maintenant un problème de cou. Finalement, il m’a frappé à la poitrine, me causant une douleur atroce. Pendant tout ce temps, il agitait un couteau devant moi.
Je suppose que la douleur extrême du coup de pied à la poitrine m'a plus ou moins fait perdre conscience, et je me souviens vaguement qu’il m’a poussé du pied comme un chasseur le ferait avec un chevreuil pour voir s’il était mort ou non. Puis, il est remonté dans le camion. En prenant son temps, et ma femme qui était sortie parce qu’elle avait entendu du raffut, a dit, du coin du garage : « Qu’est-ce qui se passe? » Alors ils se sont dépêchés et ont quitté le secteur.
Elle a téléphoné au 911, et la GRC s’est présentée et a appelé une ambulance et tout le reste. Qu’est-ce qui m’est arrivé? Je vais simplement lire certaines des déclarations que j’ai faites devant le tribunal.
Pour ce qui est du traumatisme physique, la coupure au cou était nette et saignait beaucoup. Mon oeil droit est abîmé. Ma vue est gravement déformée. Je ne peux pas lire un livre sans frustration en raison de la double vision horizontale. Je dois lire avec un oeil fermé, ce qui est difficile pour un homme de 83 ans qui a utilisé ses deux yeux pendant la plus grande partie de sa vie. J’ai de graves fractures de la mâchoire et je n’ai aucune sensation dans ma lèvre inférieure et du côté droit de mon visage en raison de dommages importants aux nerfs. Je ne peux pas mâcher correctement; la nourriture me tombe de la bouche quand je mange à cause de l’engourdissement de mes lèvres et de mon visage. Pendant le processus de guérison, on m'a cousu les mâchoires avec des agrafes métalliques et je n'ai pu les desserrer pendant quatre semaines. J’ai eu besoin de beaucoup de soins dentaires. On a dû m'arracher des dents et ainsi de suite. La douleur au cou ne disparaîtra jamais.
J'ai frôlé la mort, je suppose. Cela s’est produit le 4 novembre. Le 31 octobre, j’avais terminé 18 ou 20 ans comme conseiller municipal dans la quatrième plus grande municipalité rurale de l’Alberta. J’étais euphorique. Je n’avais plus de responsabilités. J’avais le temps de travailler aux projets que j'avais en tête. Le 4 novembre, survient cet accident ou cette intrusion, appelez-le comme vous voulez. Enterrés, tous mes projets!
Au moment où je vous parle, aujourd’hui, l'entaille à la gorge a bien cicatrisé, mais mon oeil droit est endommagé de façon permanente. Je dois fermer l’oeil droit pour pouvoir lire. Je suis un avide lecteur, mais je ne peux plus lire. Les fractures de la mâchoire ont plus ou moins bien guéri. Le côté droit de mon visage est partiellement déformé et c’est évident, surtout pour moi chaque fois que je regarde dans le miroir. Il a fallu quatre plaques de titane pour reconstruire ma mâchoire: une de chaque côté, une ici... J’avais deux fractures de la mâchoire.
Les dommages au réseau nerveux du côté droit de mon visage n’ont pas été réparés. Je me les coltinerai jusqu'à la fin de mes jours, et manger m'est devenu terriblement difficile. Je suis très réticent à manger en public parce que les aliments me tombent sur le visage et que je ne peux pas les sentir. Je ne peux pas mâcher correctement, alors nous ne sortons plus dîner.
La gauche...
Je ne demandais pas une réponse précise contenant des chiffres. Je voulais vraiment une réponse relative à votre expérience, et vous avez très bien répondu à ma question. C'était suffisant.
En ce qui a trait au contrôle des armes à feu, j'ai une question à vous poser, madame Cukier.
Vous avez mentionné notamment que, dans les régions rurales, davantage de policiers sont tués en service. Est-ce que cela peut s'expliquer par le type d'armes à feu utilisées?
J'imagine que, quand les policiers des milieux urbains font face à des tirs, ce sont souvent des armes de poing qui sont utilisées. Cependant, lorsqu'il y a des tirs dans les régions rurales, on parle souvent de gros calibres, comme des 300 Winchester Magnum, des carabines 30-06 ou des 308 Magnum.
J'imagine qu'il y a une limite à la protection des gilets pare-balles. Ainsi, lorsque des armes à feu sont utilisées dans les régions rurales, les risques de mort sont plus élevés, parce qu'il s'agit souvent de gros calibres de plus grande portée.
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Je trouve l'explication intéressante, mais elle ne me semble pas cadrer avec les faits. Si c’était là l’explication, on verrait beaucoup de policiers se faire tirer dessus dans les centres urbains, sans être tués, plutôt que des policiers qui se font tuer dans les régions rurales. Rien ne me semble l'étayer.
Le dernier policier qui a été tué par balle à Toronto, par exemple, était Todd Baylis en 1994. Depuis, trois policiers ont été tués dans la grande région de Montréal. Mais les 20 ou 30 autres personnes qui ont été tuées, venaient de Lac-Simon, Edmonton, de la GRC, la GRC, la GRC, de Kativik, de la Police provinciale de l’Ontario, de la GRC, la Saskatchewan, la GRC, la Saskatchewan, Windsor, Laval — je le compterais dans la grande région de Montréal — la GRC, la GRC, la GRC, la GRC.
Au vu de la répartition géographique, l’explication, franchement, c’est que souvent les agents de police interviennent sur appels, et dans ces collectivités, ils sont plus susceptibles de se rendre dans un foyer possédant une arme à feu. Quand un policier est abattu, en général, ce n’est pas dans une fusillade avec un gang dans un centre urbain. Le plus souvent, on a affaire à quelqu’un de perturbé au milieu d’un incident de violence familiale, ou quelqu’un de suicidaire, ou parfois, par exemple dans le cas de Mayerthorpe, quelqu’un qui a une dent contre la police. On l’a vu aussi à Moncton.
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Si l’armement pour l’auto-protection fonctionnait, les États-Unis seraient le pays le plus sûr du monde. L’an dernier, il y a eu plus de 10 000 meurtres commis avec une arme à feu, largement plus que chez nous.
Les données montrent, je le répète, que les crimes contre les biens en milieu urbain et rural sont du même ordre. Avec les crimes violents, c'est différent. Selon moi, la disponibilité des armes à feu dans les régions rurales fait partie du problème et non de la solution.
Si on compare le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis et l’Australie, on constate que le taux par 100 000 meurtres sans arme à feu est à peu près le même, mais quand on introduit les armes à feu dans l'équation, on constate d’énormes différences. L’an dernier, le Royaume-Uni, qui compte 60 millions d’habitants, a été le théâtre de 27 meurtres par arme à feu. Il y a eu autant de coups de couteau, de coups de feu et de strangulations que chez nous, par habitant, mais il y a eu 27 meurtres commis avec une arme à feu.
Les gens qui réclament des armes pour se protéger y croient sans doute. Ils adhèrent peut-être à la rhétorique à l’américaine, mais il n’y a absolument aucune preuve — je dis bien aucune preuve — crédible dans la littérature sur la santé publique ou la criminologie donnant à penser que notre sécurité y gagnerait.
Je reviens à ce que les Nations unies ont dit au sujet de l’impact sur la sécurité des femmes. Plus il y a d’armes à feu, plus il y a de femmes tuées, de suicides et de violence interpersonnelle avec usage des armes à feu. C'est un fait clairement établi.
J’exhorte le Comité à reconnaître que nombreux sont ceux qui, mus par la peur et la frustration — et je peux comprendre les frustrations que suscite le système de justice — peuvent vouloir se faire justice eux-mêmes. La Cour suprême du Canada a dit à maintes reprises que le droit de porter des armes n’existe pas au Canada. Nos lois n’ont pas été conçues pour encourager l’armement pour l’auto-protection à l’américaine. Cela nous mènerait sur une voie de non-retour, je pense. Si l'on pense que les crimes violents sont un problème maintenant, plus d’armes à feu ne feront qu'aggraver l'insécurité.
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Bonjour. Je m'appelle Dale Larsen. Je suis sous-ministre adjoint des Services de police et de sécurité communautaire au ministère des Services correctionnels et de la Police du gouvernement de la Saskatchewan.
J'ai commencé à faire carrière au ministère en 2013. Avant cela, j'étais chef des Services de police de Moose Jaw.
Je suis accompagné de Cory Lerat, directeur général de la qualité et de l'innovation des services de police. Il est aussi responsable du programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix ainsi que des services de police des Premières Nations dans notre ministère.
Cory a d'abord été agent de la GRC. Il était inspecteur quand il a pris sa retraite, après avoir accumulé 30 années d'expérience.
En 2012, la Saskatchewan Urban Municipalities Association et la Saskatchewan Association of Rural Municipalities ont informé le ministère des Services correctionnels et des Services de police que leurs ressources policières étaient insuffisantes pour assurer adéquatement la sécurité des collectivités, particulièrement pour intervenir aux incidents à priorité élevée qui présentent un faible risque, comme l’application de la sécurité routière, les infractions dues à l’alcool et les initiatives de prévention du crime.
Les dirigeants des services de police savent depuis des années — et les résultats de recherche l'ont démontré — que la majorité des appels que reçoit la police ne sont pas de nature criminelle. Près du 80 % des interventions policières n'ont rien de criminel.
Un grand pourcentage de ces appels, bien qu'étant de priorité élevée, présentent un faible risque pour les agents de police. Il s'agit généralement de plaintes liées à la circulation et à des collisions, de violations de règlements municipaux, de vols mineurs et d'actes malveillants qui ne sont plus en cours et sur lesquels il faut faire rapport. Il s'agit aussi d'initiatives de prévention du crime qui n’exigent pas la présence d’un agent de police armé et entièrement formé.
Le programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix vise à offrir aux municipalités, aux petites collectivités rurales et aux Premières Nations une manière de soutenir et d'améliorer les services de police qu'elles ont déjà et de renforcer les initiatives de prévention du crime.
L’autre modèle d’application de la loi a été élaboré par le ministère en collaboration avec les associations des municipalités rurales et urbaines de la Saskatchewan, la SARM et la SUMA, ainsi qu'avec la GRC et avec la Saskatchewan Association of Chiefs of Police et la Saskatchewan Federation of Police Officers. Il était important non seulement de consulter les intervenants, mais de les faire participer à la conception et à la mise en œuvre de ce programme.
L’élaboration du programme d'agents de sécurité communautaire a commencé en avril 2013 par un examen, dans la documentation, des modèles de prestation de services de police à faible risque afin d’améliorer et de soutenir les services de police des villes, de la GRC et des Premières Nations. Cet examen a porté sur des modèles du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada. Nous avons notamment étudié le modèle d’agents de la paix de la province de l’Alberta. Cet examen a produit un modèle de programme provincial dans le cadre des stratégies existantes de services de police communautaires. Ce modèle renforce la sécurité des collectivités et la prévention du crime en établissant des partenariats avec les intervenants communautaires. Il met l’accent sur la prévention du crime et sur l’intervention ainsi que sur la répression à faible risque. On l’appelle maintenant le programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix.
Notre examen de la documentation nous a incités à établir une structure fondée sur quatre volets: les fonctions, la gouvernance, la formation et les compétences ainsi que l’évaluation des résultats attendus.
Pour réaliser ce concept et valider le principe des agents de sécurité communautaire, nous avons choisi la ville de North Battleford, qui compte 13 567 résidants et qui affiche l'un des indices de gravité de la criminalité les plus élevés au pays. Nous y avons lancé le programme des agents de sécurité communautaire en 2014. Aujourd’hui, ce programme emploie six agents et fait partie intégrante de la stratégie de sécurité communautaire de la ville. Même si les agents de sécurité communautaire ne sont pas des agents de police ordinaires, on les considère comme un élément essentiel à l’appui du détachement de la GRC de Battleford.
Le ministère a découvert dès le début que le partenariat entre les agents de sécurité communautaire et le service de police compétent est absolument essentiel au succès de ce programme. Le commissaire adjoint de la Division F de la GRC, Curtis Zablocki, a appuyé ce programme en soulignant que si ces agents se chargent de certaines enquêtes mineures, ceux de la GRC pourront concentrer leurs efforts sur les activités criminelles plus graves. Dans un rapport récent, la Ville de North Battleford indique que jusqu'à présent, son unité de sécurité communautaire a traité 6 105 appels de service et distribué plus de 3 300 contraventions pour diverses infractions.
Ce programme a aussi célébré l'une de ses premières réussites à Edenwold, en Saskatchewan. Cherchant à réduire son taux de criminalité, cette petite municipalité rurale, qui ne compte que 233 résidants, a été l'une des premières à souscrire au programme des agents de sécurité communautaire. Elle a constaté que ces agents dissuadent les voleurs, mais qu'ils préviennent aussi la détérioration des routes en y appliquant la loi sur le poids des véhicules. La municipalité d’Edenwold contracte maintenant les services de ses agents de sécurité communautaire à trois autres collectivités rurales des environs.
Les futurs agents de sécurité communautaire suivent le cours de formation des agents de la paix. Il se donne dans le cadre d’un protocole d’entente signé entre le ministère et Saskatchewan Polytechnic. C'est un cours de formation des recrues de six semaines, soit quatre semaines en salle de classe et deux en ligne. Certains agents peuvent en être exemptés, mais au cas par cas et sur approbation écrite de mon bureau. Une fois formés, les agents de la sécurité communautaire sont autorisés à porter les armes intermédiaires et les dispositifs de contrainte suivants: des bombes lacrymogènes, une matraque et des menottes. Ces agents de sécurité et ces gardiens de la paix ne portent pas d’armes à feu.
Les agents de sécurité et les gardiens de la paix apprennent aussi à reconnaître leurs limites dans les cas d'intervention à faible risque. Ils ne doivent pas intervenir sur les routes de leur territoire où l'on peut circuler jusqu'à 90 kilomètres à l’heure. Ils ne participent d’aucune façon aux incidents où l’on soupçonne la présence d’armes à feu. S'ils font face à une agression ou à un autre événement potentiellement violent, ils doivent appeler le service de police local. S'ils se trouvent devant un conducteur qui a des facultés affaiblies, ils doivent aussi appeler le service de police local. Ils ne sont pas autorisés à s’engager dans la poursuite d'un véhicule suspect.
S'ils terminent avec succès leur programme de formation d'agents de sécurité et des gardiens de la paix, on leur confère des pouvoirs en vertu de plusieurs lois provinciales et on leur permet d'intervenir dans les cas d'infractions du Code criminel qui ne sont pas en cours, comme les vols d'objets d'une valeur inférieure à 5 000 $ et les actes malveillants. Ils ne peuvent cependant que recueillir de l’information, évaluer la situation et assurer la liaison avec la police locale compétente, selon les besoins. Ils peuvent aussi faire un constat dans les cas de collision de véhicules automobiles qui surviennent dans leur secteur de compétence. Ils détiennent également les pouvoirs que le Code criminel confère aux agents de la paix pour signifier des assignations à comparaître et des documents juridiques.
Dans le cadre de l’examen des programmes de juillet 2017, on a évalué le cours de formation des agents de sécurité communautaire. Plus récemment, en août 2018, on a effectué une évaluation complète de ce programme, et la mise en oeuvre des recommandations se poursuit.
Au printemps 2018, dans le cadre de la stratégie sur le crime en milieu rural, le ministre a embauché un employé à temps plein chargé exclusivement de la mise en oeuvre des recommandations de ces deux évaluations du programme des agents de sécurité communautaire et des gardiens de la paix.
En ce qui concerne les mesures disciplinaires et les plaintes du public, ces agents gardiens de la paix relèvent directement de leur municipalité, de leur municipalité rurale ou de leur Première Nation, qui contrôle leur horaire et leur déploiement dans ses limites géographiques conformément à leurs fonctions d’agents de la paix.
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Je vais simplement essayer de souligner à nouveau certaines observations que je vous ai présentées en mai ou en juin dernier.
Plutôt que de me considérer comme un expert dans le domaine de la violence liée aux armes à feu, ce que je ne suis pas après 35 ans de pratique en milieu rural en tant que médecin de famille, urgentologue et coroner, j’estime pouvoir témoigner un peu sur la question de l’accès aux armes à feu et des décès en milieu rural.
Avant de commencer à pratiquer en milieu rural à Perth, en Ontario, juste au sud d’ici, j’ai vécu à Montréal, à Ottawa et à Vancouver, et j’ai servi trois ans dans l’armée canadienne. Au cours de cette période, j’ai rarement été témoin de blessures ou de décès causés par une arme à feu.
Toutefois, ayant été urgentologue en milieu rural et coroner, j’ai vu plus que ma part de blessures et de décès causés par des armes d’épaule. Sur les trois meurtres commis au cours de mes 35 années de service à Perth, j’ai enquêté sur deux d’entre eux — Dieu seul sait pourquoi j'ai eu cette chance-là — dont l'expérience pénible d'enquêter sur un double meurtre-suicide commis avec une arme d’épaule à la suite d'un incident de violence entre partenaires intimes. Ce souvenir me hante encore 25 ans plus tard. Cela me rappelle constamment la nécessité d’empêcher l’accès aux armes à feu pour ceux qui ne devraient pas en posséder.
Je tiens à souligner que nous les urgentologues considérons la santé publique comme une question tout à fait non partisane. Cela explique peut-être pourquoi, en tant que propriétaire d’armes à feu titulaire d’un permis en milieu rural et membre du Parti conservateur, je considère la prévention de l’usage abusif et des blessures liées aux armes à feu d’un point de vue non partisan. Je n'y vois rien de partisan. Je ne m'oppose pas à la possession d'armes à feu.
En tant que membre de l’Association canadienne des médecins d’urgence, ce sera ma quatrième comparution devant un comité. J'ai donné mon premier témoignage quand Warren Allmand était président, en 1994. Cela fait probablement de moi un vieux bonhomme.
En tant que médecin en milieu rural, et surtout en tant que coroner, je suis abasourdi de constater l'écart incroyable entre le discours public sur le contrôle des armes à feu, qui semble se focaliser sur les armes de poing illégales, sur les crimes commis avec des armes à feu, sur la violence des gangs et sur les homicides, et la réalité que je vois sur le terrain, c’est-à-dire le suicide par des armes d’épaule détenues légalement. À mon avis, cette focalisation sur la criminalité nous a empêchés de saisir une occasion très réelle de réduire les décès par armes à feu et les handicaps liés au suicide et [...] à leur prévention. Au Canada, 80 % des décès par armes à feu sont attribuables au suicide.
Dans le comté rural de Lanark, juste au sud d’Ottawa, où je vis et où je travaille, on ne voit pratiquement aucun crime commis avec une arme à feu. Cependant, le suicide par arme d’épaule n’est pas rare du tout. Voilà où le gouvernement et ceux qui travailleront avec lui devraient concentrer leurs efforts. Il faut avant tout réduire l'accès aux armes à feu, particulièrement dans les cas des personnes à risque d’automutilation ou de violence envers un partenaire intime. Cela ne résoudra évidemment pas le problème, qui est complexe et multifactoriel. Ce sera un petit pas extrêmement important dans la bonne direction pour réduire les conséquences tragiques du suicide.
Je vous ai déjà parlé de tout cela en mai ou en juin, alors je ne vais pas y revenir. Je suis sûr que vous avez toutes les données de Statistique Canada. Notre association préconise une recherche plus poussée. Les enquêtes de Statistique Canada sont extrêmement utiles, mais il serait bon d'examiner le lien entre les armes à feu et le suicide, la violence entre partenaires intimes et les homicides afin de concentrer nos efforts sur l’optimisation de notre investissement — quelle expression affreuse dans ce contexte — et d'appliquer les mesures nécessaires pour réduire l’accès aux armes à feu et les taux de mortalité. Nous croyons qu’il faut procéder à un dépistage beaucoup plus rigoureux des personnes à risque. Nous croyons également que les médecins devraient jouer un rôle important en signalant les personnes à risque. Nous le faisons dans les domaines de l’aviation, de la conduite automobile et de la maltraitance des enfants. Pourquoi ne pas l'appliquer aux armes à feu?
On ne perçoit peut-être pas clairement de sous-ensembles de la population sur lesquels cibler ces efforts, mais je pense que nous convenons tous qu'une personne psychotique active qui a des délires paranoïaques et qui veut exterminer le gouvernement du Canada ne devrait probablement pas posséder d’arme à feu. Je pense que nous nous entendons sur le fait qu’une personne qui commet de la violence conjugale ne devrait pas avoir accès à une arme à feu. Voilà dans quels cas les membres de ma profession et de la société devraient faire le tout petit effort obligatoire, qui est cependant si important, de signaler les personnes à risque.
Merci.
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Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents et mesdames et messieurs du Comité. Merci de m'avoir invité aujourd'hui. C'est toujours un plaisir de comparaître devant vous.
Contrairement à la dernière fois, je comparais aujourd’hui à titre personnel en qualité d’avocat de la défense. Bien que mon cabinet soit basé ici, à Ottawa, je défends régulièrement des clients un peu partout dans la région. Mon travail m’amène souvent dans de petites villes et des villages de Stormont, Dundas et Glengarry dans l’Est, jusqu’à Renfrew et Lanark Country — comme le Dr Drummond — dans l’Ouest et partout entre les deux.
J’ai observé moi-même les difficultés auxquelles se heurtent les habitants des régions rurales, qui sont à la fois victimes d’actes criminels et font trop souvent aussi l'objet d’accusations criminelles. La semaine dernière, j’ai trouvé le témoignage d’Edward et de Jessica Maurice particulièrement frappant. Malheureusement, j'avais déjà entendu maintes fois ces propos: les habitants des régions rurales doivent affronter des intrus sur leur propriété. Parfois, ces individus sont armés. Invariablement, quand les secondes comptent, la police n’est qu’à quelques minutes de là. Comme Edward et Jessica, les résidants doivent prendre la terrible décision d’agir en légitime défense ou de risquer des conséquences inimaginables.
D’entrée de jeu, je dois faire la distinction entre deux concepts parfaitement distincts. Il y a le phénomène du justicier, qui est un crime, et l’acte de légitime défense, qui est un droit reconnu depuis longtemps dans la common law et dans le Code criminel.
Être justicier, c’est agir illégalement, chercher à obtenir réparation ou vengeance pour des torts réels ou perçus. On prend la loi en main. C’est contraire à la primauté du droit dans une société libre et démocratique. Cela doit être découragé et puni par le système de justice pénale.
La légitime défense est une tout autre chose. Depuis que la common law moderne existe, le droit des particuliers d’utiliser une force proportionnelle et raisonnable pour repousser les menaces illégales est reconnu et protégé. C’est inscrit dans notre droit criminel.
Mais bien souvent, selon mon expérience, les propriétaires qui agissent en légitime défense font eux-mêmes l’objet d’accusations criminelles. En fin de compte, bon nombre de ces clients finissent par être acquittés ou, comme Eddie Maurice, par voir leurs accusations retirées avant leur procès, mais ce n’est qu'une piètre consolation. Ces gens ont été arrêtés, accusés et souvent mis en liberté sous caution. Certains ne sont pas libérés sous caution et doivent attendre leur procès en détention. Ces arrestations sont très médiatisées. À l’ère d’Internet, je dis souvent à mes clients qu'ils ne devraient pas redouter d'avoir un casier judiciaire, mais un dossier Google. Les recherches effectuées dans le Web par des voisins, des employeurs éventuels et d’autres personnes sur leur arrestation et sur les allégations d’actes répréhensibles finissent aux nouvelles et dans les médias sociaux.
Puis, bien sûr, il y a les frais. Au Canada, à moins de présenter la preuve ultime, on ne peut pas faire grand-chose pour recouvrer les frais juridiques engagés pour se défendre contre des accusations criminelles, même les moins fondées. Mes clients, comme le couple Maurice, le découvrent souvent. Toute cette procédure a l'effet d'un châtiment. Que faire pour corriger cette situation?
À mon avis, il faut commencer par s'attaquer aux dispositions actuelles du Code criminel sur la légitime défense. Oui, ces articles ont récemment été modifiés et consolidés par le gouvernement précédent en 2012. Il a fallu attendre longtemps. En 1995 déjà, la Cour suprême déclarait que « de toute évidence, le législateur devrait intervenir pour clarifier le régime de la légitime défense prévu dans le Code criminel ». En fait, cette même cour critiquait ces dispositions comme étant très techniques, excessivement détaillées et incohérentes à l’interne. Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment parce que la police et les procureurs interprètent et appliquent ces nouvelles dispositions depuis plus de cinq ans.
Les Canadiens méritent une application uniforme et prévisible du droit pénal. Il est surtout fondamental pour la primauté du droit de décrire clairement les limites qui séparent les actes illégaux de la légitime défense. Je vais présenter au Comité un certain nombre de mesures pratiques qui pourraient préciser mieux encore les dispositions du Code criminel relatives à la légitime défense.
Premièrement, le Parlement devrait envisager de codifier les principes actuels de la légitime défense en common law dans le Code criminel. Même si cela ne changera pas l'issue d'une cause portée devant les tribunaux — bien sûr, un juge connaît la loi et donnera des instructions au jury en conséquence —, cela donnerait aux organismes d’application de la loi qui envisagent de porter des accusations des directives claires pour déterminer s’il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise.
Ces principes de common law reconnus sont les suivants:
Premièrement, selon l'arrêt Ward de la Cour d’appel de l’Ontario, il n’incombe pas à l’accusé de démontrer qu’il n’avait aucun moyen raisonnable de se retirer ou de s'en aller.
Deuxièmement, selon l'arrêt Mohamed de la Cour d’appel de l’Ontario, les gens qui vivent des situations stressantes et dangereuses n’ont pas le temps de réfléchir subtilement.
Troisièmement, selon l'arrêt Baxter de la Cour d’appel de l’Ontario, on ne peut pas s’attendre à ce qu’une personne qui se défend contre une attaque sans merci pèse avec subtilité la mesure exacte de l’action défensive nécessaire.
Quatrièmement, selon l'arrêt Pétel de la Cour suprême du Canada, pour évaluer une allégation de légitime défense, il faut déterminer si la perception qu'avait l’accusé des faits pertinents était raisonnable. Autrement dit, un accusé a le droit de se tromper tant et aussi longtemps que cette erreur est raisonnable.
Ensuite, le Parlement devrait envisager d’apporter au Code criminel une modification qui préciserait les circonstances dans lesquelles un accusé n’aurait pas le fardeau d’établir le fondement de la preuve pour une demande de légitime défense. À l’heure actuelle, pour qu’un tribunal examine une telle demande, le juge doit conclure que la défense a une « apparence de réalité », c’est-à-dire que la preuve en indique la possibilité. Bien que cela ne transfère pas officiellement le fardeau de la preuve à l’accusé, c’est souvent l’effet pratique que produit cette clause. Une fois que le juge accepte l'apparence de réalité, la Couronne doit réfuter l’allégation de légitime défense hors de tout doute raisonnable.
Je recommande que l'on modifie le Code criminel pour qu'il y ait automatiquement apparence de réalité quand l’accusé se trouve sur sa propriété et que la victime s’y est introduite illégalement.
Enfin, je propose une rationalisation globale des dispositions actuelles en matière de légitime défense. Nous pouvons nous inspirer d’autres pays.
Par exemple, en Nouvelle-Zélande, la loi prévoit ce qui suit:
Tout le monde a raison d'utiliser, pour se défendre ou pour défendre autrui, la force qu'il ou elle pense nécessaire et raisonnable.
Je conclurai en affirmant que les victimes d’actes criminels en milieu rural ne devraient pas souffrir doublement, la première fois par les actes de criminels et la deuxième fois par ceux du système de justice pénale. On peut prendre bien des mesures pour assurer l’équité de l’application du Code criminel et pour rétablir le lien de confiance des Canadiens des régions rurales envers les organismes d’application de la loi et les tribunaux.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Il faut faire la distinction entre une personne accusée d’une infraction et une personne condamnée. D’après mon expérience, j’ai vu de nombreux cas où des personnes sont accusées, mais après cela, leur accusation est retirée ou elles sont acquittées à la fin du procès.
Le seuil pour porter accusation est raisonnable et probable, et particulièrement dans une province comme l’Ontario, où le procureur n'est pas tenu d'approuver les accusations: on se fie à la politique policière ainsi qu'aux connaissances et à l’expérience du premier agent arrivé sur les lieux. Toutefois, particulièrement dans les cas de crimes violents commis avec une arme à feu, le premier réflexe de l’agent est souvent de porter accusation pour s'en remettre au bon jugement du tribunal.
Le problème, comme je l’ai dit, c’est que la procédure est un vrai châtiment. Autrement dit, on enlève sa liberté à une personne, parfois en la plaçant en détention, en imposant des conditions strictes de mise en liberté sous caution et en lui imposant des frais incroyables, sans parler de la stigmatisation que produisent les accusations criminelles.
Tout commence donc sur le terrain, et il importe peu que la personne soit acquittée ou condamnée. Mes clients disent toujours que personne ne se souvient d'un article de suivi en petits caractères. Les gens se souviennent des nouvelles qui ont fait la une quand on les a menottés pour avoir exercé leur droit à la légitime défense.
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Je conteste votre commentaire selon lequel il n’y a pas d’autre choix. Bien sûr, il y a un choix. Il n’y a aucune excuse pour conduire en état d’ébriété, peu importe l’indice de ruralité de votre collectivité.
Je vais essayer de me concentrer sur les armes à feu, parce que c’est la raison pour laquelle je croyais être ici, mais il reste que lorsque nous rencontrons quelqu’un qui a conduit en état d’ébriété — et qui est venu à l’urgence ou qui a été amené à l’urgence en Ontario et probablement dans n'importe quelle autre province du pays —, nous avons l’obligation légale de signaler cette personne comme un danger de la route, parce que si elle a bu et conduit, elle pourrait bien récidiver. Il y a une obligation de signalement que nous aurions grand tort de ne pas respecter, sinon au péril de notre vie.
De la même façon, nous rencontrons très souvent à l’urgence des gens qui pensent au suicide, ou qui ruminent à ce sujet, et dans pratiquement chaque foyer rural, il y a une arme à feu — pas dans tous les foyers, mais dans un grand nombre d’entre eux. Lorsque quelqu’un arrive avec des idées suicidaires, ou une grave dépression, cela devrait faire partie de notre démarche — ce n’est pas le cas, mais cela devrait l'être — de demander s'il y a des armes à feu à la maison et de nous assurer que cette personne n'y a pas accès tant qu'elle est en grave dépression ou qu'elle a des pensées suicidaires.
À l’heure actuelle, nous n’avons pas le droit légal d’aviser la police qu’une personne qui a exprimé des idées suicidaires a une arme dans sa maison. C’est un problème que nous devons régler. Je comprends qu’il y ait des préoccupations au sujet de la confidentialité et du fait que la médecine repose sur la capacité de discuter librement de ses problèmes avec un médecin sans crainte de les voir divulguer au gouvernement, mais c’est un fait.
Votre deuxième point concernait...