Je vais lire la déclaration que j’ai préparée.
Le Canada a commencé par essayer de réaliser un équilibre entre les droits de la personne et sa sécurité intérieure à la fin du XIXe siècle, quand le premier ministre John A. Macdonald a engagé un certain nombre d’agents secrets pour surveiller les fenians. Durant la Première Guerre mondiale, le gouvernement du Canada s’est accordé le pouvoir, en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, de suspendre carrément les libertés britanniques traditionnelles en annulant l’habeas corpus, en emprisonnant les Canadiens d’origine allemande ou autrichienne, en se lançant dans la censure de la presse à grande échelle et en étendant de façon très nette les services de sécurité extérieure assurés par la Police montée du Nord-Ouest, devenue plus tard la GRC, et par l'armée.
Le gouvernement a généralement interdit toute forme de publication radicale ou contre la guerre et a adopté une loi lui donnant le pouvoir de déporter les sujets britanniques se livrant à des activités radicales. L'espionnage des syndicats et des partis politiques radicaux, comme le Workers Party of Canada, qui était la branche juridique du parti communiste alors illicite, s'est poursuivi durant l'entre-deux-guerres et a même été renforcé après le début de la Grande crise, quand les activités communistes et les organisations syndicales ont fait craindre à Ottawa qu'une révolution communiste était sur le point d'éclater. Des dirigeants communistes et d'autres furent alors emprisonnés, des publications furent interdites et les manifestations dans les rues furent durement réprimées par les forces de l'ordre fédérales, provinciales et locales.
Durant la Seconde Guerre mondiale, ce régime, désormais établi de longue date, a été maintenu si ce n'est qu'il a été prolongé par la relocalisation contrainte de dizaines de milliers de Canadiens d'origine japonaise qui ont été déplacés de la côte ouest à l'intérieur de la Colombie-Britannique et même, dans certains cas, beaucoup plus à l'est, en Ontario. Leurs propriétés ont été saisies et ils ont été déportés en grand nombre au Japon, après la fin de la guerre.
Pendant la Guerre froide, les services de sécurité intérieure ont maintenu leur action, s'intéressant surtout, cette fois, aux communistes et aux autres radicaux, surtout dans la foulée des révélations sur l'affaire Gouzenko, avec la tenue d'une commission royale spéciale et l'emprisonnement d'un nombre important de Canadiens accusés d'espionnage. L'un d'eux était même député fédéral.
Durant la crise d'octobre 1970, le gouvernement fédéral, une fois de plus, a invoqué la Loi sur les mesures de guerre pour renforcer son pouvoir de surveillance, d'arrestation et de détention de toute personne soupçonnée d'appuyer le FLQ. La grande majorité des Canadiens ont été favorables à ces mesures.
D'ailleurs, jusqu'à l'adoption de la Déclaration canadienne des droits, en 1960, et de la Charte des droits et libertés, en 1982, peu de Canadiens semblaient vouloir imposer des limites aux pouvoirs du gouvernement en matière de surveillance et d'arrestation de toute personne dont les activités étaient présumées constituer une menace à la sécurité canadienne. Des groupes de liberté civile, des groupes confessionnels et d'autres ont protesté contre de telles actions qu'ils jugeaient inutilement répressives, mais la plupart des Canadiens continuaient de croire que le gouvernement faisait ce qu'il fallait et voyaient dans celui-ci une figure paternaliste digne de confiance.
Pour des raisons qui sont trop complexes pour que nous en parlions ici — mais je serai évidemment très heureux de répondre à toute question que vous auriez à ce sujet — la perception que les Canadiens ont de leur gouvernement a rapidement évolué après l'adoption de la Charte des droits. La société canadienne a évolué pour devenir une société fondée sur la charte. La plupart des Canadiens sont maintenant très conscients qu'ils disposent de droits et que toute tentative visant à réduire ces droits doit être fondée sur la preuve que de véritables ennemis de notre société s'en prennent au Canada.
Le problème, c'est qu'à l'ère d'Internet, il est de plus en plus difficile de définir qui sont les véritables ennemis de la nation parce que les Canadiens continuent de faire une distinction importante, une distinction qu'ils veulent protéger, entre ceux qui défendent des idéaux, oralement ou par écrit, que beaucoup trouvent intolérables, et ceux qui se livrent à des activités d'espionnage ou à des actes violents pour saper les fondements de notre société.
Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, ce problème est devenu encore plus aigu. Au lendemain des attentats terroristes en Europe et même au Canada, au cours des 15 dernières années, nos tentatives visant à maintenir notre principe traditionnel de l'innocence jusqu'à preuve de la culpabilité ont été sérieusement mises à mal.
Nous vivons maintenant dans une période caractérisée par des choix difficiles entre la protection de la vie privée et la protection de la sécurité — puisque nous n'en sommes plus à la cohabitation de ces deux pôles. Comment protéger nos droits et libertés traditionnels à une époque où il suffit à un désabusé de passer par Internet pour commettre une destruction de masse?
Nos gouvernements, quelle que soit leur sensibilité politique, ont eu à composer avec cette très délicate question après l'adoption de la Loi antiterroriste de 2001. Dans les trois années que j'ai passées au Conseil consultatif sur la sécurité nationale, j'ai pris connaissance des nombreux enjeux traités dans le Livre vert sur la sécurité nationale.
Nos échanges au conseil consultatif étaient classifiés et ils le sont sans doute encore, de sorte que je ne peux pas vraiment vous parler de ce dont il a été question. En revanche, je peux vous parler d'un problème dont vous avez largement discuté ici et dont il a aussi été question dans d'autres démocraties, celui de l'échec constant des organismes du renseignement et d'application de la loi dans l'échange d'informations, si bien qu'il ne se trouve personne qui soit en mesure de dresser un portrait général des situations avant qu'il ne soit trop tard. Dans le même temps, la nécessité d'échanger des informations peut empiéter sur les droits des Canadiens à la vie privée. Le gouvernement doit donc décider de ce qui est le plus problématique: favoriser la communication d'informations au risque d'enfreindre les droits à la vie privée ou limiter ces communications au risque de subir un attentat.
D'après ce que je sais de l'univers de la technologie et de la sécurité, les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui ne feront que s'aggraver à la faveur de l'avènement de nouvelles technologies et de la capacité accrue de tout mauvais élément à agir dans le cyberespace pour manipuler nos systèmes politiques, pour collecter des données privées et secrètes, pour paralyser nos infrastructures, pour voler notre propriété intellectuelle et pour endommager nos économies.
Il y a effectivement lieu de se protéger contre les attaques de loups isolés et cela au mieux de nos capacités ce qui, par nécessité, nous imposera d'enfreindre les droits à la vie privée, si ce n'est que les risques de cyberattaque sont beaucoup plus importants. Nous ne devons pas perdre de vue cette menace qui ne cesse de gagner en importance.
Merci.
J'aurais deux remarques à faire. Je ne vais pas répéter ce que M. Bercuson vient de vous dire, avec grande éloquence, dans sa mise en contexte historique.
Ma première remarque concerne les défis permanents auxquels nous sommes confrontés dans notre capacité d'effectuer des analyses à long terme sur la nature changeante de la menace. L'un des problèmes, bien sûr, tient à ce que nombre d'entre nous, qui s'intéressent aux questions de terrorisme et à la façon dont le terrorisme touche le Canada, ont été surpris par la difficulté que nous avons souvent éprouvée à caractériser le terrorisme après les attentats de juin 1985. Je parle ici bien sûr de l'affaire Air India. Nous nous retrouvons ainsi aux prises avec cette difficulté permanente, en partie à cause de la nature profonde de ce problème sur lequel nous nous penchons, je veux parler du terrorisme et de la nécessité de mener des opérations secrètes, mais aussi parce que le Canada ne dispose pas d'une infrastructure solide lui permettant d'effectuer des analyses suivies au sujet, non seulement des menaces actuelles, mais aussi des menaces éventuelles afin de nous permettre de réagir en conséquence.
Cela m'amène à ma deuxième remarque. À la lecture du livre vert, on est frappé de constater que tous les scénarios et les problèmes mentionnés concernent soit la radicalisation, soit des individus qui représentent une menace pour la sécurité. Le problème auquel nous sommes donc confrontés tient à ce que nous devons disposer de la capacité, non seulement à faire face aux types de menaces actuelles — qui sont réelles et dangereuses pour la sécurité des Canadiens —, mais aussi à anticiper l'imprévisible.
Nous essayons donc d'analyser les situations et de disposer de moyens nous permettant de comprendre ce que pourrait être le prochain enjeu. Certains scénarios nous viennent immédiatement en tête. À la lecture du livre vert, j'ai essayé de voir comment nous agirions dans le cas des situations auxquelles nous avons affaire, comme les transferts financiers et la radicalisation. Force est de constater qu'aux États-Unis, par exemple, certaines parties de la population envisagent de ne pas accepter les résultats de la prochaine élection présidentielle. Si cela devait donner lieu à une résurgence du mouvement des milices qu'avait soutenu un certain Timothy McVeigh, le Canada pourrait en ressentir les effets, des effets contraires à ce qui est envisagé dans le livre vert. On pourrait même imaginer une remontée du mouvement séparatiste — un séparatisme violent — avec lequel il faudrait composer.
Quand je songe au livre vert, je me demande où il est question d'anticipation de toute menace n'étant pas immédiate. Comment examiner l'ensemble des enjeux pour déterminer la façon de mettre cela en place?
Il est un aspect qui rend le livre vert encore plus complexe: le terrorisme d'État. Nous avons appris, dans la presse, que certains cercles à Ottawa s'inquiètent du cyberterrorisme chinois et de notre capacité à y faire face. Cela soulève un autre problème, dans le contexte du livre vert, celui de nos relations avec nos alliés. En effet, quand nous soupçonnons les Chinois de certains actes et quand on voit ce que font les Russes dans le cas des États-Unis, il faut se dire que nous ne pourrons réagir à ces menaces qu'en collaboration avec nos alliés et amis. Cela ne fait qu'ajouter un degré de complexité à la nécessité de maintenir le secret, à la façon de traiter la preuve et tout le reste, et cette situation vient compliquer le tout encore davantage.
Pour être parfaitement transparent, je dois indiquer que je suis aussi chercheur principal au Centre for Military, Security and Strategic Studies — même si nous n'avons pas tenu de consultations sur ce sujet — et ancien président de la Rocky Mountain Civil Liberties Association. Je tiens aussi à préciser que je ne m'exprime au nom d'aucune de ces deux organisations, mais bien à titre particulier.
Le livre vert fait état de 10 thèmes de consultation et, dans le peu de temps dont je dispose, je me propose de vous parler de certains d'entre eux. Au cours des 20 dernières années, le milieu de la sécurité, international et national, est devenu de plus en plus complexe. Les pays occidentaux, en particulier, ont réagi de diverses manières au souci croissant exprimé par les populations en matière de sécurité en accordant, dans bien des cas, davantage de pouvoirs aux organismes de sécurité et, ce faisant, en testant les limites des protections constitutionnelles pour les libertés civiles.
Au Canada, ces dernières années, nous avons assisté à la mise en place d'un certain nombre d'entités. Nous avons le Centre intégré d'évaluation des menaces, le Conseil consultatif sur la sécurité nationale et le projet de loi , soit la Loi antiterroriste.
Si l'on doit s'appuyer sur le livre vert, on voit que notre intérêt porte sur le terrorisme et sur les questions liées au terrorisme, à l'exclusion des autres menaces identifiées pour la sécurité canadienne, y compris — parmi toutes celles que nous avons recensées au fil des ans — les pandémies, l'effet des narcotiques, le narcotrafic et les catastrophes naturelles. Il y a 30 ans, la sécurité nationale se limitait presque exclusivement à l'aspect militaire. Tel n'est plus le cas. Il faut maintenant tenir compte de la dimension culturelle en général ainsi que de facteurs socioéconomiques.
Permettez-moi de vous parler des aspects recensés dans le livre vert. Premièrement, il y a la question de la reddition de comptes. Je ne crains pas d'affirmer que les institutions et les mécanismes actuellement existants au Canada semblent adaptés sur le plan de la reddition de comptes. Certes, c'est toujours au niveau du détail que le bât blesse, car tout dépend de l'efficacité des institutions et des organismes — de la surveillance exercée par le Cabinet, par la magistrature et par des comités parlementaires comme le vôtre.
Je dirais qu'en général les organismes de surveillance civile fonctionnent moins bien que ceux établis par le Parlement, envers qui ils sont alors responsables, d'autant qu'ils ont davantage de pouvoirs exécutoires. Il y a cinq ans, j'ai étudié les organismes de surveillance civile dans les Amériques, pour le compte de Sécurité publique Canada. Ces organisations paraissaient être au point sur le papier, mais elles n'avaient, en général, qu'un accès limité aux données et leurs recommandations étaient rarement entendues. Au final, je préfère de loin que la reddition de comptes soit confiée à un parlement composé d'élus responsables envers la société.
Comme mes collègues n'ont pas parlé de la question de la prévention de la radicalisation et de la lutte contre ce phénomène, je me propose de le faire. On s'est surtout intéressé, dans ce cas, aux initiatives communautaires reposant sur la sensibilisation et l'encadrement. À l'expérience, dans mon travail à Haïti et au Cambodge et mon travail sur ces deux pays, j'ai conclu qu'il était particulièrement payant d'outiller les jeunes et les femmes, mais que très souvent, des facteurs culturels empêchent que les femmes deviennent des chefs de file dans certains milieux.
Se fondant sur la mise en œuvre du projet Kanishka, plus tôt cette année, le Comité se demande dans quels domaines de recherche il faudrait insister. Personnellement, j'estime qu'il faut s'intéresser aux domaines du travail social, de l'enseignement, de la psychologie clinique, de la sociologie et, pour ce qui est des aspects plus techniques de la sécurité, aux domaines des sciences computationnelles et des études stratégiques.
Pour ce qui est de la promotion d'une argumentation différente, on ne sait pas vraiment qui serait chargé de la développer et de la diffuser. Doit-on appliquer une démarche gouvernementale hiérarchisée ou s'appuyer plutôt sur des initiatives communautaires? À mon avis, il faut faire preuve ici d'une grande prudence. Je pense notamment à toutes les sensibilités entourant le débat sur les valeurs canadiennes.
L'une des questions qui se posent au sujet de la réduction de la menace est de savoir si la Loi sur le SCRS doit être modifiée afin de préciser que les mandats de ce service ne risquent pas de violer la charte. Cela m'apparaît comme étant une zone particulièrement grise. La charte n'est pas suffisamment précise à certains égards pour que ce genre de loi soit absolu. Il faut donc chercher à instaurer une certaine cohérence avec la charte plutôt que de viser l'absolu.
Mes collègues vous ont aussi parlé de la communication d'informations et le commissaire à la vie privée a adopté une position radicale quant à la nécessité de protéger la vie privée des particuliers. Il est difficile de ne pas être d'accord avec cette position. Cependant, je n'aime pas l'idée que l'action des organismes gouvernementaux soit restreinte au point qu'ils ne puissent pas efficacement remplir leur mandat.
Je trouve, on ne peut plus contradictoire, le fait que les pirates informatiques chinois et est-européens, ainsi que d'autres, puissent apparemment accéder à tout ce qu'ils veulent, mais que le Canada ne peut pas, légalement, accéder à des adresses IP ou imposer certaines mesures aux fournisseurs de services de communication pour des motifs de sécurité nationale.
On me dit que le CST est très strict pour ce qui est du transfert, à d'autres organisations membres des Cinq Yeux, de toute donnée concernant des Canadiens. La difficulté réside dans le fait que, par la nature même de l'Internet, la collecte des données en vrac est telle qu'on ne peut pas connaître la nationalité de l'expéditeur des messages interceptés.
Pour ce qui est de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, il faut savoir que la Loi sur la protection des renseignements personnels permet déjà la divulgation de données personnelles dans certaines situations, notamment pour des questions de sécurité nationale, mais ces données doivent relever de la compétence ou des responsabilités en matière de sécurité nationale du récipiendaire et être communiquées en toute légalité. La loi indique expressément que les activités « de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique » ne tombent pas sous le coup de la définition « des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada », mais qu'en cas d'actions violentes correspondant à la définition d'activités portant atteinte à la sécurité du Canada, celles-ci peuvent être considérées comme des activités de défense d'une cause.
À moins que je ne m'égare dans mon interprétation, je suis frappé de constater que la Loi laisse entendre qu'on peut prêcher en faveur du renversement du gouvernement du Canada et que, jusqu'à ce qu'on passe aux actes, la loi ne s'applique pas. Je pense qu'il va falloir tirer les choses au clair à ce sujet. Les mots qui font problème ici sont « défense d'une cause ».
À propos de la capacité de faire enquête dans l'univers numérique, j'ai parlé tout à l'heure des adresses IP et des fournisseurs de services de communication.
À propos des mesures contre le terrorisme qui sont prévues dans le Code criminel, nous savons qu'un des aspects qui a été le plus controversé ces dernières années concerne les ordonnances de ne pas troubler l'ordre public avec le passage de la formule « peut commettre » à la formule « commettra », cela parce que toute mesure prise dans ce domaine risquerait de restreindre les libertés individuelles en l'absence d'une inculpation officielle ou d'une condamnation par un tribunal. Certaines, il y a lieu de fixer des seuils très élevés pour obtenir un engagement assorti de conditions ainsi que des ordonnances de maintien de l'ordre public. Ce sont là des préoccupations tout à fait légitimes.
J'ai évolué dans mon raisonnement ces dernières années, très certainement depuis le 11 septembre et à la suite des récents événements. Compte tenu de la situation internationale et de l'évaluation actuelle de la menace, je suis de plus en plus enclin à favoriser les mesures de sécurité anticipées, à condition que l'on dispose de sauvegardes raisonnables.
Je ferais une mise en garde au sujet des processus judiciaires fermés et secrets ainsi que du recours à des témoins anonymes. Dans les années 1990, la Colombie a tenté l'expérience des juges anonymes et des témoins protégés pour que ceux-ci ne risquent pas d'être assassinés. Je ne crois pas que le Canada en soit arrivé à ce stade. Il nous faut, je pense, avoir davantage confiance dans notre système judiciaire.
En conclusion, je dirais que nous sommes tous conscients de la complexité et du caractère délicat et controversé de toutes ces questions, mais les temps et les circonstances ont changé dans le courant de ma trop brève existence de 72 ans. Je ne voudrais évidemment pas que la charte soit compromise, mais je ne souhaite pas plus que notre société soit vulnérable aux actes de terrorisme parce que nous aurions manqué de courage pour faire rationnellement face à ces questions.
Merci.
Dadanast’ada. Sizi naituigokoo at’a.
Bonjour. Je m'appelle Regena Crowchild et je suis membre du conseil de la nation Tsuu T'ina. Je suis accompagnée de Terry Braun, notre conseiller juridique. Je tiens, au nom de la nation Tsuu T'ina à vous remercier de nous donner cette occasion de venir témoigner devant vous au sujet de l'étude du cadre de sécurité nationale du Canada.
Les Tsuu T'ina appuient les mesures adoptées par le gouvernement fédéral pour lutter contre les activités terroristes. Cependant, cette mesure ne doit pas servir à porter atteinte aux droits inhérents et aux droits issus des traités des Premières Nations.
Le 22 septembre 1887, le chef Bull Head, au nom de la nation Tsuu T'ina, a conclu le Traité numéro 7 avec la Couronne impériale. Nous étions alors un peu plus souverains. Nous avions le droit à l'autodétermination, nous possédions nos propres territoires, nous avions nos lois, nous parlions nos langues et nous avions notre culture, nos traditions et notre spiritualité. Le Traité numéro 7 a été un traité de paix et d'amitié. Notre peuple a accepté de partager ses territoires avec les nouveaux venus sur une profondeur correspondant au soc d'une charrue et de vivre à leurs côtés sans que qui que ce soit ne se mêle des affaires des autres. La nation Tsuu T'ina aurait dû demeurer une nation souveraine.
Presque dès le lendemain de la conclusion de ce traité, nous avons commencé à nous battre pour protéger nos droits issus des traités ici et nos droits inhérents de nation souveraine. À l'époque, nous avons manifesté et protesté sur le thème de la liberté d'expression. Malgré l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et affirme les droits autochtones et les droits issus des traités des peuples autochtones, les Premières Nations doivent continuer de se battre pour protéger leurs droits inhérents et leurs droits issus des traités. Bien que l'actuel gouvernement du Canada ait annoncé qu'il désire instaurer des relations de nation à nation avec nous et qu'il souhaite que cette relation permette d'affirmer et de protéger les droits inhérents et les droits issus des traités, nous attendons toujours.
Les Premières Nations doivent continuer de se porter devant les tribunaux. Songez au projet d'oléoduc de Northern Gateway. En juin de cette année, la Cour d'appel fédérale a renversé le blanc-seing que le Canada avait accordé au projet Northern Gateway. Dans cette décision, la Cour d'appel fédérale donne raison aux Premières Nations qui avaient soutenu que le Canada ne s'était pas pleinement acquitté de son devoir constitutionnel de les consulter.
Malheureusement, il n'est pas toujours possible de se pourvoir devant les tribunaux. De nombreuses communautés, nos communautés, continuent de vivre dans la pauvreté si bien que, lorsqu'elles sont confrontées au choix de mettre de la nourriture sur la table, de s'habiller ou de s'abriter, et de se pourvoir en justice, la décision est souvent très facile à prendre.
La seule façon, pour la plupart des communautés de retenir l'attention du gouvernement fédéral consiste à manifester. Bien que la Loi antiterroriste ait été déposée par le gouvernement Harper, un gouvernement conservateur, le gouvernement libéral de l'heure n'a pas adopté de véritables mesures pour répondre aux préoccupations des Premières Nations. Presque tout de suite après le dépôt du projet de loi , les Premières Nations se sont inquiétées du manque de consultation à propos de cette loi qui a un effet très net sur les Premières Nations.
Comme la Cour suprême du Canada se l'est demandé dans la cause Haida, quand cette obligation prend-elle naissance? L'obligation de consultation, qui repose sur l'honneur de la Couronne, tend à indiquer que cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l'existence potentielle du droit ou titre ancestral et envisage des mesures susceptibles d'avoir un effet préjudiciable sur celui-ci.
Nous sommes d'abord préoccupés par le manque de consultation comme l'exigeait le gouvernement fédéral. En outre, nous sommes préoccupés par la loi elle-même.
Très honnêtement, cette loi est rétrograde, elle nous rappelle d'anciennes lois qui tenaient les Indiens passibles d'une peine d'emprisonnement s'ils se réunissaient à trois ou plus pour adresser ensemble une requête à un agent des Indiens ou à un fonctionnaire du gouvernement, car cela était considéré comme une atteinte à la paix publique.
La loi, à la façon dont je l'interprète, s'applique à n'importe quelle activité susceptible de saper la souveraineté, la sécurité ou l'intégrité territoriale du Canada ou encore de porter atteinte à des vies humaines ou à la sécurité des Canadiens. Elle est assortie de toute une liste d'activités qui peuvent être invoquées pour décréter qu'à peu près n'importe quoi peut être présumé contraire à la loi.
Il y a peu d'autres moyens, pour les Premières Nations, de protéger leurs droits que de se rassembler. N'allons pas plus loin que le mouvement Idle No More. Celui-ci a été une invitation, lancée à tous, à participer à un mouvement révolutionnaire pacifique pour honorer la souveraineté autochtone et protéger nos terres et nos eaux. Ces gens-là sont-ils des terroristes? Les membres de Premières Nations qui se réunissent pour empêcher que nos écosystèmes ne soient endommagés en bloquant l'action des compagnies forestières qui font des coupes à blanc sont-ils des terroristes? Les membres de Première Nation qui se rassemblent pour protéger leurs terres et leurs eaux contre l'exploitation de compagnies pétrolières et gazières, animées par le lucre, sont-ils des terroristes?
On nous a bien dit que telle n'était pas là l'intention de la loi, mais les gouvernements du Canada nous montrent, depuis des lustres, qu'ils créent des lois pour limiter les droits des Premières Nations. Songez à la Loi sur les Indiens et vous comprendrez pourquoi les Premières Nations sont dubitatives face à l'intention visée dans n'importe quelle loi fédérale. Plus récemment, on peut songer à la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières Nations. Bien que le gouvernement du Canada et, ici sur le territoire du Traité numéro 7, le gouvernement de l'Alberta, aient affirmé qu'ils réviseraient toute loi portant atteinte aux droits inhérents et aux droits issus des traités des Premières Nations, celles-ci continuent d'attendre.
La a pris la parole devant l'assemblée des Nations unies pour confirmer que le gouvernement du Canada appuyait pleinement la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cependant, nous voilà ici, aujourd'hui, et à mon humble avis, rien d'important n'a été fait jusqu'ici.
Je n'ai pas l'intention de passer au travers de la déclaration ligne après ligne, mais je vais renvoyer votre comité à quelques articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. D'abord, l'article 3:
Les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
Article 4:
Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.
Les Premières Nations ont donc clairement droit à l'autodétermination, à déterminer librement leur statut politique, à poursuivre librement leurs objectifs de développement économique, social et culturel, elles ont le droit à l'autonomie ou à un gouvernement autonome. À la façon dont elle est actuellement rédigée, la Loi antiterroriste ne reconnaît pas ces droits aux Premières Nations. À la façon dont elle se présente actuellement, elle ne reconnaît pas les droits inhérents et les droits issus des traités des Premières Nations.
Je conclurai en revenant sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour vous lire l'article 19:
Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés —par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives— avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.?
Il n'y a pas que cette loi, mais toutes les autres lois et toutes les politiques du gouvernement du Canada qui imposent à celui-ci l'obligation de consulter et de collaborer en toute bonne foi avec les Premières Nations afin d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Siiyigas. Merci.
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Je commencerai par remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de le rencontrer aujourd'hui pour lui faire un exposé.
Bien que la sécurité nationale du Canada soit sous le coup d'un grand nombre de menaces potentielles, dans mes remarques liminaires, je vais m'efforcer d'illustrer les véritables défis auxquels nous sommes confrontés, défis qui devraient, quant à moi, s'intensifier dans un proche avenir, relativement à la question du terrorisme intérieur et de la radicalisation.
Pour parler en détail de cette question, de toute évidence très compliquée et polyforme, il nous faudrait beaucoup plus de temps que nous n'en avons aujourd'hui. Avant de débuter, permettez-moi de faire une remarque d'ordre général, mais néanmoins importante. Même si j'entends vous entretenir surtout de la menace que représentent les groupes et les particuliers d'inspiration islamiste, en ma qualité d'étudiant du terrorisme, je vous garantis que la menace que constituent les particuliers ou les groupes désireux de recourir à la violence, pour atteindre un certain nombre d'objectifs politiques ou idéologiques, demeure très réelle.
Cela étant posé, notre plus grande préoccupation pour l'heure concerne encore des groupes comme l'EI et Al-Qaïda qui refait surface, parce que la menace qu'ils font peser sur le Canada et sur nos alliés va s'intensifier à moyen terme.
Je vous exhorte, par ailleurs, à concevoir cette menace non pas comme la manifestation d'un groupe en particulier, mais comme l'ensemble des idéaux adoptés par les terroristes. Une chose est sûre, l'EI, dans sa forme actuelle, sera écrasé. Cependant, les idéaux qui l'animent et qui animent des groupes aux visées semblables demeureront. Dans les prochaines années, nous risquons d'assister à la résurgence d'une version différente de l'EI, comme ce fut le cas d'Al-Qaïda au lendemain de la guerre en Afghanistan et nous verrons donc émerger de nouveaux groupes ayant la même idéologie que l'EI. Voilà pourquoi, dans notre stratégie, nous devons d'abord et avant tout nous intéresser à cette idéologie. C'est ainsi que nous parviendrons, à terme, à affaiblir et à écraser l'EI ainsi que d'autres groupes susceptibles d'apparaître dans l'avenir. Vous devez accepter une réalité, soit que les idéaux de groupes comme l'EI continueront de résonner auprès d'une petite partie de notre population. Nous devons nous attaquer à ces idéaux et les neutraliser. Nous devons faire de notre mieux pour combattre la montée de ces idéaux, pour ralentir leur diffusion et éviter qu'ils ne prennent racine dans notre société.
Selon moi, le gouvernement du Canada n'a pas suffisamment fait pour s'attaquer à ce genre de problème. Le fait que nous n'ayons pas réussi à régler ce problème fait que nous sommes aujourd'hui plus vulnérables et, plus important, que cette situation ne va faire qu'aggraver le problème dans l'avenir. L'absence de menace physique ou d'attentat à l'heure actuelle ne doit pas être considérée comme une indication de ce que demain sera fait. Les idéaux répandus par ces groupes et ces particuliers sont peut-être en train de couver au Canada. Ils inspireront peut-être ceux qui conduiront de futurs attentats.
Vous devez comprendre toute la complexité qui se cache derrière cette question de même que le lien plus large qui existe entre les idéaux de ces groupes et les dangers qu'ils constituent. Nous sommes évidemment préoccupés par ces personnes qui adoptent ces idéaux et qui choisissent ensuite de commettre des actes violents. Nous savons, et il faut le préciser, que la radicalisation cognitive, soit l'adoption d'idées radicales, ne conduit pas forcément à la radicalisation des comportements, à la perpétration d'actes violents fondés sur ces idées. En fait, nous savons que le nombre de personnes qui passent de la conception idéologique à la violence est très faible.
Cependant, ces personnes ne sont qu'une petite partie du problème d'ensemble. Outre le nombre très faible de personnes qui adoptent ces idées et qui sont prêtes à commettre des actes violents, il est toujours possible qu'un nombre plus important d'individus, bien que n'ayant pas encore embrassé la violence, et pouvant ne jamais arriver à ce stade, appuient ou assistent d'autres individus qui, eux, pourraient commettre des actes violents. Et puis, au-delà de ce groupe, il y a aussi un troisième groupe possible d'individus que l'on pourrait étiqueter de sympathiques à la cause. Ces personnes, non violentes et n'appuyant pas les groupes ou les individus qui le sont, demeureraient dans l'ombre.
Je dois par ailleurs préciser que les sympathisants n'ont pas besoin d'être actifs ni de participer intentionnellement. Ainsi, un groupe d'individus évoluant dans un quartier pourrait être en mesure d'intimider un autre groupe pour l'amener à lui apporter son appui ou à demeurer coi. Dans tous les cas, le résultat est le même. Il confère aux individus malveillants un espace dans lequel ils peuvent évoluer en toute sécurité.
Encore une fois, permettez-moi d'être très clair à cet égard. Je ne suis pas en train de décrire la situation à laquelle nous serions confrontés au Canada. Je ne pense pas qu'il existe, chez nous, un nombre d'individus correspondant à ces catégories, mais j'insiste sur le fait que cela ne vaut que « pour le moment ».
Je veux simplement dire que, si nous ne prenons pas cette menace au sérieux aujourd'hui, nous allons créer des conditions où le scénario que je viens d'énoncer pourrait devenir réalité. Si vous avez besoin de vous faire une idée de ce dont je parle, songez à ce qui s'est passé à Bruxelles et en France, de façon plus générale. Il est de plus en plus possible à un petit nombre d'individus qui veulent s'en prendre aux populations civiles d'aboutir dans leurs actes de violence grâce à un segment de la population, plus important, qui leur apporte un soutien logistique et un appui matériel ou moral.
Le défi qui attend le gouvernement est de taille. Pour vous aider à bien mesurer la complexité de ce phénomène et à comprendre comment nous allons l’aborder, imaginez trois ensembles distincts qui s’enchevêtrent. Il faut façonner chacun de ces ensembles de manière individuelle, mais en travaillant sur chacun d’eux, c’est vraiment le résultat global obtenu sur les trois qui permet d’atténuer la menace que présente ce phénomène. Je dois dire dès à présent que personne pratiquement n’est d’accord sur la marche à suivre pour atteindre ce résultat. Les désaccords entre les trois ensembles sont profonds en ce qui concerne la marche à suivre. Mais cela ne peut plus tenir lieu d’excuse pour ne rien faire.
Le premier aspect de la menace est aussi le plus pressant aujourd’hui: Il s’agit de protéger le Canada et les Canadiens face à ceux qui sont résolus et prêts à nous nuire, aujourd’hui. Selon des rapports gouvernementaux, ils seraient aujourd’hui au nombre de 160. Il s’agit d’individus que les services de police et du renseignement ont identifiés comme sujets potentiellement dangereux, ici et maintenant. C’est là que les gouvernements doivent faire des choix sur le plan législatif concernant cette menace. Que devons-nous faire de ces individus? Comment pouvons-nous les surveiller et nous assurer qu’ils ne lanceront pas d’attaques?
C’est aussi la zone de danger. Nous ne pouvons pas consacrer tout notre temps et nos efforts à cet espace parce que le faire serait se mettre sur la défensive et avoir toujours un coup de retard. Progressivement, nous souhaitons reporter nos efforts sur les deux autres composantes de ce phénomène dont je vous donnerai maintenant une brève description.
Au-delà de la menace évidente et actuelle, les deux autres aspects auxquels nous devons nous attaquer sont malheureusement ceux à l’égard desquels le gouvernement a révélé les plus graves carences.
La première de ces composantes, c’est l’action de prévention, aussi désignée sous le nom d’anti-radicalisation. Nous devons concentrer nos efforts pour contrer le discours de ces groupes et présenter à la place notre propre vision des choses. Il s’agit, pour l’essentiel, d’engager la discussion, d’encourager le débat et l’échange de vues ouvert et de fournir un contrepoids au message que ces groupes diffusent pour attirer des individus. Si nous ne faisons pas cet effort, nous ne participons pas aux débats pour gagner les cœurs et les esprits. Il se crée alors un vide dans lequel leur discours est le seul qu’il soit donné aux gens d’entendre. Ce qui permet à leurs idées de s’enraciner et avec le temps de se consolider.
Le lien entre la prévention et la menace actuelle est simple. Si l’on empêche les gens d’adopter ces idées ou si l’on fournit une contre perspective avant que ces idées ne se consolident, moins nombreux seront les individus disposés à passer à des actes de violence. De nouveau, ces efforts n’empêcheront pas tous les individus d’adopter ces idées, mais ils permettent de réduire le nombre de ceux qui risquent de passer à l’étape suivante. Nous voulons et surtout il nous faut ramener ce nombre de 160 à un niveau plus gérable. Toute augmentation de ce nombre d’individus dangereux rendra rapidement impossible pour nous de les surveiller, avec le risque que certains passent à travers les mailles du filet. De nouveau, Bruxelles est sous l’eau.
Le Canada n’a pas de stratégie de prévention. On continue de nous dire que ce bureau de l’anti-radicalisation va bientôt voir le jour, mais cela fait des mois que cette idée circule, des années même, sans le moindre début de mise en œuvre.
Le troisième et dernier aspect concerne la déradicalisation, ce que l’on doit faire avec les individus qui ont voyagé pour se joindre à des groupes qui se sont radicalisés. Le terme aussi est problématique parce qu’il implique que l’on peut changer les idées de quelqu’un. Celui qui est le plus couramment employé dans la littérature sur le terrorisme de nos jours, c’est celui de « désengagement ». Il s’agit de trouver les moyens d’empêcher les individus de passer à l’acte en suivant leurs idées ou de diffuser leurs idées de manière active.
L’EI est sans doute proche de la défaite et des individus, parmi lesquels des Canadiens, pourraient bien commencer à retourner au pays. Il est tout à fait possible par ailleurs que certains de ces combattants soient accompagnés d’enfants. Comment le Canada va-t-il les accueillir et qu’allons-nous faire d’eux? C’est une réalité à laquelle nous devons nous préparer en mettant en place un cadre. Le Canada va-t-il s’engager dans la voie des poursuites pénales ou du travail social? Qui décide et comment? Si nous ne commençons pas nos recherches sur cette troisième composante, nous serons vulnérables et nous exposerons à réagir avec des politiques au coup par coup dans une période éventuelle de crise.
En conclusion, il nous faut faire mieux en matière de prévention pour nous assurer que le nombre des individus susceptibles de devenir une menace pour notre sécurité nationale ne cessera de décroître. En outre, nous devons nous préparer au retour éventuel d’individus qui se sont rendus à l’étranger. S’il est vrai que ces individus ne sont pas tous tant qu’ils sont susceptibles d’attaquer le Canada ou des Canadiens, les idées qu’ils apportent avec eux peuvent être diffusées et, en tant que tels, ils sont un élément du problème.
Le gouvernement a besoin de prendre davantage d’initiatives pour faire face aux défis à plus long terme et doit mettre en œuvre immédiatement des mesures vigoureuses d’anti-radicalisation.
Merci.
:
Bonjour à tous. Je tiens à vous remercier tout d’abord de m’avoir invité. Je pense que c’est une merveilleuse initiative. Je ne vous envie pas dans votre tâche, mais j’apprécie que vous vous y atteliez.
[Français]
Merci beaucoup. C'est vraiment un honneur d'être ici parmi vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je ferai de mon mieux pour ne pas dépasser les 10 minutes. La première chose pour moi, la plus dure, était de trouver le sujet à aborder avec vous aujourd’hui. Je l’aborde du point de vue de quelqu’un qui a une formation universitaire en droit, mais qui a passé aussi presque une dizaine d’années au gouvernement, au ministère des Affaires étrangères et de la Justice. Un bon nombre des problèmes abordés dans le livre vert me sont assez familiers, tant en ce qui concerne les renseignements que la preuve, du fait également que j’ai eu à m’occuper de procédure de fichage et de financement du terrorisme.
Permettez-moi d’aborder ce que je pense être les deux problèmes qu’il est le plus urgent de régler à ce stade des discussions qui, on l’espère, aboutiront à des changements dans la législation et dans l’approche du Canada. Je les aborderai du point de vue de l’avocat, parce que c’est ce que je suis.
Le premier problème concerne le projet de loi qui accorde des pouvoirs sans précédent au SCRS, qui élargit considérablement son rôle traditionnel comme organisme chargé de recueillir de l’information et de l’analyser et l’habilite à mener des activités pour réduire la menace, et même à mener des activités illégales et à enfreindre la Charte.
Le second, pour prendre le contre-pied de ce que l’on vous a dit un peu plus tôt si j’ai bien compris, c’est qu’on a un besoin urgent de mettre en place des instruments d’examen et de surveillance — et je tiens à souligner la différence entre les deux — de la bureaucratie chargée de la sécurité nationale du Canada. Je dis cela sur la foi de mon expérience d’avocat et de conseiller politique au sein de la fonction publique d’Ottawa tout autant ou même davantage que de mon point de vue d’universitaire. L’efficacité de notre bureaucratie n’est que trop souvent limitée par le fait que les décisions sont prises au sein de la bureaucratie puis l’information remonte au ministre et fait l’objet d’un examen, lorsqu’examen il y a, dans les compartiments étanches des ministères. Les questions transversales peuvent de la sorte échapper à tout examen et toute surveillance transversale et, malheureusement, les solutions transversales restent également hors de portée.
Je préciserai que l’examen et la surveillance ne visent pas seulement à assurer une protection contre des abus possibles ou à corriger des erreurs, encore que cela soit très important de toute évidence. Parfois les droits de l’homme et la sécurité peuvent se renforcer mutuellement plutôt que d’être en opposition frontale. Il est absolument nécessaire de renforcer les instruments d’examen et de surveillance pour améliorer la coordination et l’efficacité de nos institutions face aux menaces contre la sécurité nationale.
À cet égard, l’examen par le Parlement des questions de sécurité nationale du type de celui que l’on propose actuellement constitue une première étape cruciale et nous aligne sur nos alliés du Groupe des cinq, mais cela reste insuffisant. Il faut mettre en place un examen interne des opérations de sécurité nationale qui couvre l’ensemble du gouvernement. Une coordination centralisée, formalisée, plus poussée — je parle de surveillance ici — ou la possibilité de la réaliser, par exemple aux mains de la NSA, est également nécessaire.
Cela étant posé, je voudrais consacrer le temps qui me reste au premier des éléments que j’ai mentionnés, la modification que le projet de loi apporte à la loi sur le SCRS en lui conférant ces pouvoirs aux fins de réduire la menace. Je m’attarderai plus spécialement sur trois aspects dérangeants de ces nouveaux pouvoirs de perturbation: premièrement, le pouvoir de contrevenir à la Charte; deuxièmement le pouvoir de mener des activités illégales; et troisièmement, ce que je considère être, dans la pratique, la quasi-impossibilité pour une tierce partie indépendante, en particulier les tribunaux, d’examiner la légalité du comportement du SCRS.
Pour éviter d’emblée un malentendu, je ne remets pas ici en cause l’objectif de ces nouveaux pouvoirs ni la décision spécifique établissant que le SCRS doit avoir de tels pouvoirs. Pour ma part, je dirais que nous, le public, n’avons tout simplement pas suffisamment d’informations pour nous prononcer sur ce sujet. C’est donc plutôt la portée de ces nouveaux pouvoirs conférés par la loi qui est pour moi source de préoccupation.
J’en viens au premier aspect, le pouvoir de contrevenir à la Charte. C’est peut-être la question la plus clairement posée, selon moi. Ce nouveau pouvoir du SCRS d’enfreindre n’importe quelle disposition de la Charte pour autant qu’il obtienne un mandat est nettement inconstitutionnel. Aucun autre organisme canadien ne peut obtenir une autorisation préalable d’enfreindre la Charte, ni aucun article de celle-ci. Un tel pouvoir est tout à fait unique, on ne le trouve nulle part ailleurs dans la législation canadienne et pour une excellente raison, comme je l’ai dit, parce qu’il est probablement inconstitutionnel.
On a comparé ce pouvoir aux diverses autres dispositions dont il a déjà été question si je comprends bien, l’une relative à l’article 8 sur les procédures de mandat et l’autre à l’article 9 concernant la détention arbitraire. J’entends vous démontrer qu’il s’agit de deux animaux très différents.
Précisons que lorsque la police a un mandat judiciaire l’autorisant à agir, ce mandat vise à confirmer le caractère raisonnable de la perquisition et de la confiscation proposée; loin d’être une autorisation à enfreindre la Charte, c’est tout à fait le contraire, dans des circonstances ordinaires d’intervention de la police, le processus de mandat ordinaire confirme que celle-ci agit de manière légale et en conformité avec la Charte. La question a été posée plus tôt de savoir ce que veut dire caractère raisonnable. Bien, c’est en fait réellement clair en droit et relativement facile à déterminer. Autrement dit, vous avez des motifs raisonnables de présenter votre demande sur la base d’éléments de preuve suffisants, vous vous adressez au juge, et le juge confirme cela pour vous.
En d’autres termes, le processus vise à s’assurer de manière préventive qu’il n’y aura pas d’infraction à la Charte pour commencer, et non pas à autoriser des infractions à venir. La même chose vaut pour l’article 9 de la Charte, relatif à la détention arbitraire. Il vous faut obtenir un mandat d’arrestation. Le processus de délivrance des mandats vise à s’assurer que la détention ne sera pas arbitraire; il ne s’agit pas d’autoriser une détention arbitraire à venir.
De plus, le processus ordinaire ne s’applique qu’à l’article 8 — et comme je l’ai dit l’article 9 — parce que le droit de l’article 8 est qualifié du terme « déraisonnable », et de nouveau l’article 9, par le terme « arbitraire ». Cependant, le SCRS se voit conférer le pouvoir de demander l’autorisation de contrevenir à n’importe quel article de la Charte.
J’ai également entendu cet autre argument que l’article 1 de la Charte trace des « limites raisonnables » aux droits reconnus par la Charte — ce qui est le cas — de sorte que le processus de délivrance des mandats du SCRS n’est en fait pas différent de celui-ci. Toutefois, l’article 1 exige que le gouvernement légifère, d’abord, de manière spécifique et claire lorsqu’il présente un instrument législatif susceptible de contrevenir à la Charte. Il incombe dès lors au gouvernement d’en préciser l’objectif spécifique, la portée et les limites. Une invitation ouverte au juge d’entreprendre un tel processus législatif ex parte, c’est-à-dire en présence des seuls avocats du gouvernement, et à huis clos, c’est-à-dire en privé, afin de déterminer quand et comment l’État peut agir en infraction de la Charte, représente, une fois de plus, un tout autre animal. Je proposerais par conséquent de retirer de la loi sur le SCRS les dispositions autorisant à contrevenir à la Charte.
J’en viens à mon deuxième élément de préoccupation, les activités illégales. En vertu des nouveaux pouvoirs de perturbation qui lui sont conférées, le SCRS est autorisé à mener des activités illégales. En l’occurrence de tels pouvoirs ne sont pas sans précédent: le Code criminel autorise effectivement la police dans certaines situations à mener des activités illégales, en particulier pour les opérations d’infiltration. Mais là encore, il y a des différences frappantes dans la pratique, même si le libellé rappelle celui des deux autres dispositions.
Premièrement, les pouvoirs de la police sont encadrés par quelque quatre pages de législation dans le Code criminel comportant entre autres des limitations spécifiques sur le type d’activités illégales, portant notamment sur la destruction ou les dégâts causés à la propriété et sont assortis d’une exigence de présenter un rapport spécifique sur l’activité illégale ainsi que des rapports annuels détaillés sur les activités illégales. La loi sur le SCRS n’offre rien de semblable comme protection, n’exige pas de présentation de rapports et ne restreint pas la portée des activités illégales de la même façon que le fait le Code criminel.
Quoi que je ne me sois pas encore fait une religion sur la question de savoir s’il faut ou non conférer au SCRS le pouvoir d’entreprendre des activités illégales, à supposer que le SCRS réussisse à vous convaincre que les articles lui conférant ce pouvoir doivent rester inscrits dans la loi alors, les protections et restrictions que le Code criminel prévoit pour l’action de la police devraient également être introduites dans la loi sur le SCRS.
Ce qui m’amène à la troisième différence entre l’exercice des pouvoirs de la police et l’exercice des pouvoirs de perturbation du SCRS. Lorsque la police intervient, c’est dans le but de procéder à une arrestation. Le résultat c’est que le tribunal est saisi de l’affaire et les mandats de police et l’exercice des pouvoirs de la police sont contestés par la défense et examinés par les tribunaux. S’il y a une erreur, un appel est possible. En d’autres termes, si les actions de la police ou les mandats présentent des défauts, ou la délivrance ou l’autorisation des mandats, les tribunaux peuvent être saisis pour examiner et corriger le comportement. C’est pour cela que nous avons des tribunaux.
Le SCRS se trouve dans une situation toute différente. Même si ses actions sont rendues publiques, de son propre aveu et compte tenu de son mandat, il est fort peu probable que ses activités fassent l’objet de poursuites criminelles et soient contestées de la même façon que les activités de la police. L’idée est que les unes doivent être publiques, les autres secrètes. Pour excellent que soit le travail que fait le SCRS, il ne peut se substituer de manière adéquate aux différentes étapes de l’examen judiciaire et de la procédure adversative, en particulier dans ces circonstances.
De nouveau, il y a une solution de disponible, en tout cas une solution partielle. À savoir celle d’un avocat spécial — et cela serait emprunté à la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — qui aurait pour tâche de vérifier le bien-fondé des demandes du SCRS, figure que pourrait instituer un article spécifique de la future loi sur le SCRS. Cela serait justifié par le fait que les mandats du SCRS diffèrent de ceux de la police dans la mesure où ils ne peuvent guère être mis en cause par un avocat de la défense dans une procédure criminelle, ni faire l’objet d’un examen judiciaire, et que l’exécution d’un mandat par le SCRS a fort peu de chances d’être soumise à l’examen d’un tribunal ou d’être rendue publique. Autant dire que sitôt que le mandat a été délivré, le SCRS échappe à tout contrôle visant à s’assurer que ses activités ultérieures correspondent au mandat délivré à l’origine.
Ces différences fondamentales étant présentes à l’esprit, l’avocat spécial devrait avoir le pouvoir pas seulement de contester le mandat, mais d’assurer le suivi des actions du SCRS pour s’assurer qu’elles sont conformes aux termes du mandat judiciaire et, s’il soupçonne que des abus ou des erreurs ont été commis, le pouvoir de saisir les tribunaux. Encore une fois, pour être tout à fait clair ici, j’ai principalement en vue une erreur ou un malentendu innocent, soit de la part du juge délivrant le mandat soit au niveau de l’exécution du mandat. Lorsqu’il s’agit d’affaires sérieuses, que des droits sont affectés, que la pression de la sécurité nationale est grande, des erreurs innocentes sont à attendre. Cela est normal, mais il nous faut pouvoir les examiner.
Merci beaucoup.
[Français]
Je vais écouter vos questions en anglais ou en français, mais je vais y répondre en anglais.
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Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps de parole avec ma collègue, madame Watts.
Merci aux témoins pour leur présence ici.
Madame Crowchild, vous avez soulevé quantité de questions qui réellement n’ont pas grand-chose à voir avec notre étude, le cadre de la sécurité nationale, mais je dois y répondre et j’aurais une question à vous poser, puisque vous les avez soulevées.
Vous pouvez parler de traités qui ont été violés, des pensionnats. Je suis tout à fait d’accord avec vous, et chaque Canadien, je crois, soutiendrait le fait que sans aucun doute votre peuple a subi des torts par le passé. Le gouvernement précédent a présenté des excuses sur l’affaire des pensionnats. On ne peut pas changer ce qui s’est produit. C’est une tache noire terrible sur l’histoire du Canada, cela ne fait pas de doute. Mais il nous faut aller de l’avant, comme vous dites, pour vivre en harmonie. Le gouvernement précédent a conclu plus de traités que tout autre gouvernement dans l’histoire et je suppose que le gouvernement actuel travaille dans le même sens. Je soutiens que les traités qui ont été rompus doivent être négociés et conclus. Je suis tout à fait pour.
Un de mes anciens collègues, un député natif du nord de la Saskatchewan, a travaillé dur pour apporter de gros changements à la Loi sur les Indiens. Je le considère comme un bon ami. Je sais qu’il était frustré par moment. Les négociations entre le gouvernement et vos peuples n’ont jamais beaucoup avancé. Je suis d’accord que pour la remplacer, il faut avoir quelque chose à mettre à sa place. Nous n’avons pas été en mesure collectivement de proposer quelque chose, alors je pense que cela va durer.
Je suis tout à fait d’accord avec les aspects culturels et sociaux. Je suis très fier de mes racines irlandaises — écossaises, comme vous l’êtes de vos ancêtres autochtones. Mais nous sommes tous Canadiens d’abord, quoi qu’il en soit.
En ce qui concerne, l’autonomie de gouvernement, je pense que la plupart d’entre nous soutiennent cette idée et croyons que vous devriez avoir un gouvernement autonome, sous réserve que vous puissiez le financer vous-mêmes, à l’exception de l’apport de fonds initial et des subventions ordinaires que reçoivent les autres municipalités du Canada.
J’ai également été conseiller, j’ai été maire. Vous siégez à un conseil. Je ne sais pas si vous avez été chef ou non, cela n’a pas d’importance. L’important, c’est qu’avec la loi sur la responsabilité des Premières Nations, toute municipalité ou ville ou province qui traite avec le gouvernement fédéral est responsable des fonds qu’elle en reçoit. Pouvez-vous m’expliquer ou me dire pourquoi les collectivités des Premières Nations qui reçoivent de l’argent du gouvernement fédéral devraient ne pas avoir à rendre des comptes de la même manière?
:
C’est une grande question.
Différents facteurs entrent en jeu, et permettez-moi de faire une analogie. Je m’inspire maintenant de mon expérience au gouvernement.
Supposons que vous ayez un groupe de personnes à qui on enseigne depuis qu’on les a engagés que tout ce qu’ils font est très important, et qu’il est très important qu’ils le tiennent secret. Ils ne peuvent pas en parler à leurs femmes. Elles ne peuvent pas en parler à leur mari. Ils ne peuvent pas en parler à leurs partenaires. Ils ne peuvent en parler à personne. Vous grandissez dans une culture où vous ne pouvez communiquer aucune information à qui que ce soit. Et, naturellement, nous avons cette idée intrinsèquement, je pense en tant qu’êtres humains, que ce que nous faisons est important. Donc, c’est réellement secret et réellement important.
Après quoi vous donnez aux gens la possibilité de partager de l’information et quelle est leur position par défaut? Selon mon expérience — c’est correct, n’est-ce pas? — si vous vous adressez au SCRS pour demander de l’information, cela pourrait nuire à la sécurité nationale, presque tout. Si vous vous adressez aux Affaires étrangères, cela pourrait nuire aux relations internationales. C’est la réponse humaine culturelle qui correspond à l’emploi qu’occupent ces gens.
Au-delà de cela, il y a des facteurs au sein du gouvernement qui tendent à l’aggraver. Si je suis à l’échelon le plus bas et que je suis chargé de déterminer quels renseignements il convient de partager au sein d’un groupe, ma position par défaut, c’est que si je partage ça, je peux avoir des ennuis, mais je sais que je n’aurai pas de souci si je ne le partage pas et que je n’y reviens pas. Ma position par défaut sera une position de prudence. Puis, si je fais remonter ça à mon chef, bien, il y a peu de chances qu’il y trouve à redire. Il aura plutôt tendance à demander s’il y a autre chose qu’il convient de tenir confidentiel.
Donc il y a cette culture du secret qui est inhérente et, je crois, tout à fait dans la nature humaine. C’est très naturel. Mais si l’on veut parler de partage d’information de manière intelligente, des permissions, du genre de celles qui ont été accordées, comme vous l’avez mentionné, dans le projet de loi , dire que vous pouvez maintenant partager, c’est passer tout à fait à côté de la plaque. Il s’agit moins de savoir si vous pouvez partager que de savoir si vous souhaitez le faire; êtes-vous disposés à partager; est-ce que la culture environnante vous permet de partager?
Je voudrais ajouter autre chose, à savoir que la possibilité de partager vous autorise à tenir compte des, je cite, « inconnus connus », autrement dit que personne ne doit savoir que je dois demander l’information, ou que quelqu’un d’autre travaille sur quelque chose d’autre avec un secret que je dois leur communiquer. C’est plutôt que je suis tenu de partager l’information.
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Ce qui se fait nous préoccupe. Est-ce qu’on va nous détenir comme terroristes, est-ce qu’on va nous étiqueter comme terroristes parce que nous exprimons nos préoccupations au moyen de discours, de rassemblement de manifestations, qui sont tous pacifiques, sur la façon dont nos problèmes doivent être abordés?
Dans la législation, cela semble tout à fait ouvert et se prêter à toutes les interprétations. Si l’on va contre ce que tout le monde dit au gouvernement, on peut être étiqueté comme terroriste parce que nous essayons de protéger nos droits. C’est la seule façon que nous ayons d’attirer l’attention du gouvernement, quel qu’il soit, par des rassemblements et des marches pacifiques. Nous ne sommes pas un peuple violent. La plupart d’entre nous veulent maintenir la paix qui est consacrée par nos traités. C’est cela que nous voulons faire. Nous voulons juste vivre côte à côte, en harmonie, comme je l’ai dit.
Pour ce qui est de la deuxième question, le plus fort, c’est ce qui suit. Si vous prenez le traité et les droits inhérents, c’est le gouvernement du Canada qui les définit tout seul, sans nous parler, sans essayer de trouver un moyen de résoudre les problèmes ou de comprendre notre perspective. Même les tribunaux ont dit qu’il fallait une interprétation libérale et tenir compte de notre histoire orale parce que nous avons une histoire orale. Le Canada n’en saura jamais rien si personne ne nous parle, si on n’essaie pas de savoir ce que sont ces questions et ce que sont nos droits inhérents et nos droits issus du traité. Vous ne le saurez jamais. Vous ne pouvez pas continuer à les définir vous-mêmes.
Il y a des années, je me souviens, l’une des députés — Dieu bénisse son âme — avait dit être experte en Indiens: elle vivait à quelques kilomètres de la réserve. Cela fait-il de vous un expert? Cela a été dit au Parlement. J’ai une longue expérience. J’ai pu constater que les gouvernements du Canada, en réalité, ne consultent pas les autochtones, ne leur parlent pas et ne les écoutent pas.
Je dois vous adresser à tous mes félicitations. Vous n’êtes pas juste assis là, le nez plongé dans vos textes. Lorsque nous avons fait des présentations aux fonctionnaires du gouvernement, que ce soit ceux de l’Alberta ou du gouvernement fédéral, la plupart sont là assis à… quoi? Une fois, on a vu deux qui suivaient le match de hockey pendant notre présentation. Ce qui nous montre bien qu’ils n’écoutent pas.
Nous devons parler. Vous devez parler à nos chefs. Lorsqu’il s’agit de traités, vous devez parler aux Indiens du traité et pas aux organisations. Ce ne sont pas les détentrices des droits. Les autochtones du traité, des traités 1 à 11 sont les détenteurs de droits et c’est à eux que vous devez parler. Il nous a été très difficile d’arriver à… Nous avons invité le premier ministre et nous avons invité le gouverneur général à discuter de ces questions avec nous pour amorcer la discussion sur ce rapport de nation à nation que vous souhaitez relancer avec nos peuples. Nous attendons toujours. J’espère que vous rapporterez ce message au Canada et au reste de vos députés.
Merci.