:
Merci, monsieur le président. Bonjour, chers membres.
Je suis heureux d'être parmi vous en compagnie de M. Lambert. Nous sommes également accompagnés de M. Juneau qui nous aidera à faire défiler les diapositives. Il m'aurait été très difficile d'accomplir ces deux tâches en même temps.
Au nom du CANAFE, j'aimerais vous remercier de l'occasion qui m'est donnée d'exposer ce qu'est le CANAFE et qui nous sommes. Je sais que notre organisme n'est pas particulièrement bien connu. Par conséquent, j'espère qu'aujourd'hui, je serai en mesure de vous renseigner un peu plus sur la nature de nos activités et sur la façon dont nous les exerçons.
Le CANAFE est le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada.
[Français]
En passant, la présentation sera probablement plus en anglais, mais évidemment, nous pourrons répondre aux questions en français aussi.
[Traduction]
Notre organisme a été fondé en 2000. Sa loi habilitante est la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, dont je n'énumérerai pas toutes les versions et toutes les modifications. Le CANAFE est un organisme indépendant qui rend des comptes au Parlement par l'entremise du ministre des Finances. C'est l'URF du Canada, c'est-à-dire l'Unité du renseignement financier, et c'est également l'organisme de réglementation de la conformité des entreprises qui sont assujetties à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Notre administration se trouve à Ottawa, et nous avons trois bureaux régionaux, dont un à Montréal, un à Toronto et un à Vancouver. Les bureaux régionaux s'occupent de nos activités de conformité, de nos examens et de l'évaluation des entités déclarantes qui relèvent de nous. Notre bureau d'Ottawa s'occupe de toutes nos activités liées au renseignement. Notre budget s'élève à environ 55 millions de dollars par année.
Le centre n'est pas — et c'est là un point important qui n'est pas toujours compris — un organisme d'enquête. C'est une unité administrative du renseignement financier, ce qui signifie que nous recevons des déclarations. Nous ne pouvons pas solliciter et recueillir activement des déclarations. Nous ne pouvons pas demander aux entités déclarantes de nous fournir des déclarations particulières portant sur des personnes ou des entités particulières. Nous n'effectuons aucun travail secret sur le Web. Nous ne menons aucune activité sinistre ou secrète sur le Web, ou quoi que ce soit de ce genre. Notre objectif est d'analyser les déclarations que nous recevons des entités déclarantes, des déclarations que les entités déclarantes sont tenues de produire en vertu de la loi.
La loi limite également les renseignements particuliers que nous pouvons divulguer. Si vous me demandiez si j'ai communiqué des renseignements sur une personne ou un cas particulier, je ne serai pas en mesure de vous répondre selon la loi. Si je le faisais, cela constituerait essentiellement une communication illégale, pour laquelle je serais passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Comme vous pouvez le comprendre, ce n'est pas une chose que j'aimerais faire. Alors, malheureusement, nous ne pouvons pas vous parler des cas particuliers dont nous nous occupons, mais nous pouvons vous parler de la façon dont nous procédons et des activités que nous exerçons en général.
Comme vous pouvez le constater sur cette première diapositive, il y a un certain nombre de secteurs d'entités déclarantes. Il s'agit là des secteurs qui, en vertu de la loi, sont obligés de produire des déclarations et de nous les remettre. Au Canada, nos partenaires clés englobent un certain nombre d'organismes et de ministères qui sont tous responsables de certains aspects du régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes au Canada. Les destinataires des communications, c'est-à-dire les organismes auxquels je peux légalement communiquer des renseignements à condition que les seuils établis par la loi en matière de déclaration et de communication aient été atteints, figurent du côté gauche de la diapositive.
Au nombre des types de déclarations que le CANAFE reçoit, on retrouve les transferts électroniques de fonds de plus de 10 000 $, en provenance ou à destination du Canada, auxquels s'applique également une règle de 24 heures. Nous recevons également des déclarations d'opérations importantes en espèces de 10 000 $ ou plus, ainsi que des déclarations de déboursements de casino qui rendent compte des sommes de 10 000 $ ou plus qui sont versées à un casino ou par un casino. Enfin, nous recevons des déclarations d'activités liées à des biens appartenant à des groupes terroristes et des déclarations d'opérations douteuses.
Les déclarations d'opérations douteuses sont, en fait, ce que nous aimons appeler notre gagne-pain. Il n'y a pas de seuil financier à atteindre dans le cas de ces déclarations. Il revient donc aux entités déclarantes de produire une déclaration à notre intention chaque fois qu'elles soupçonnent qu'une opération pourrait être liée au blanchiment d'argent ou au financement d'activités terroristes. Habituellement, les entités nous fournissent également un exposé des faits. Ces exposés nous apportent des renseignements importants de grande qualité que nous pouvons ensuite communiquer à nos partenaires de l'application de la loi lorsque sont remplis nos propres critères du doute raisonnable lié au blanchiment d'argent ou au financement d'activités terroristes.
De plus, bien que l'ASFC ne soit pas une entité déclarante, l'agence nous fait parvenir des déclarations de mouvements transfrontaliers d'espèces et des rapports de saisie visant des opérations transfrontalières. En outre, nous recevons aussi des déclarations de renseignements transmis volontairement de la part d'organismes d'application de la loi et de sécurité nationale, et nous pouvons en obtenir auprès d'autres organismes gouvernementaux et de membres du public, s'ils souhaitent exposer leurs propres soupçons ou présenter leurs propres renseignements sur ce qu'ils pensent être du blanchiment d'argent ou du financement d'activités terroristes, ou ce qu'ils perçoivent comme tel.
Nous recevons également des demandes de renseignements et des communications de la part de nos partenaires internationaux. Nous avons signé 105 PE avec des unités étrangères du renseignement. Ces unités peuvent nous communiquer des renseignements, et nous sommes libres de faire de même, selon les PE que nous avons signés.
Que faisons-nous exactement? Nous obtenons nos rapports auprès des entités déclarantes. Au chapitre de la conformité, nous utilisons des examens, des évaluations et différentes techniques pour nous assurer que les entités respectent les règles établies par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Une fois les déclarations reçues, nous effectuons nos propres recherches de renseignements et nous procédons à nos propres analyses de ces déclarations. Il va de soi que nous relions ces travaux aux déclarations de renseignements transmis volontairement que nous pourrions avoir reçues des organismes d'application de la loi et de sécurité nationale. Si le seuil en matière de communication est atteint, nous communiquons le renseignement financier tactique pour appuyer les enquêtes en cours ou, dans certains cas, nous lançons des enquêtes de façon préventive.
De plus, nous exerçons des activités de renseignement stratégique en examinant surtout les tendances, les topologies et les recherches que nous menons sur les technologies nouvelles et à venir et sur les menaces émergentes qui planent sur les institutions financières et sur le régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
En tout, nous recevons approximativement 25 millions de déclarations par année, et c'est ce sur quoi nous fondons notre analyse. Comme je l'ai indiqué plus tôt, le centre n'est pas un organisme d'enquête. Par conséquent, nous ne pouvons pas rechercher des renseignements supplémentaires. Bien entendu, avant de communiquer des renseignements aux organismes d'application de la loi ou de sécurité nationale, nous utilisons de l'information de source ouverte pour compléter notre analyse.
Comme je l'ai mentionné, nous élaborons des produits de renseignement financier stratégique. Ils sont habituellement liés à des cibles, des personnes, des entités ou des enquêtes particulières. Nous fournissons ces produits aux services de police. Par ailleurs, nous pouvons les fournir aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale, selon les seuils établis. Nous pouvons aussi les fournir à l'ARC en cas d'évasion fiscale, par exemple, ou à l'ASFC en cas d'inadmissibilité. De plus, nous pouvons fournir ces produits à nos partenaires internationaux si un lien a été établi entre le Canada et un partenaire international ou un autre pays. Enfin, si nous avons conclu un PE et que nous avons obtenu le pouvoir et l'autorisation de nos partenaires canadiens de l'application de la loi, nous pouvons aussi les fournir à nos URF internationales.
Nous recueillons également une assez importante quantité de renseignements stratégiques afin de pouvoir examiner des perspectives d'analyse portant sur la nature et la portée des menaces dans ce secteur. La lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes est manifestement un univers qui évolue rapidement. Nous nous efforçons donc de rester aussi vigilants que nous le pouvons à cet égard. Nous disposons d'une unité du renseignement stratégique qui s'occupe de cet enjeu.
En ce qui concerne nos contributions, nous avons fourni des communications sur tous les types de fraude, y compris les arnaques romantiques. Nous allons aborder directement cette question en parlant du partenariat public-privé que nous avons établi avec la Banque HSBC et le Centre antifraude du Canada, ainsi qu'avec les organismes d'application de la loi et les principales banques de l'ensemble du Canada. Le projet Chameleon a été lancé en 2017, en s'appuyant sur le succès du projet Protect, qui visait le blanchiment d'argent lié à la traite des personnes. En revanche, le projet Chameleon est axé sur le blanchiment d'argent lié aux stratagèmes d'arnaque romantique. Selon le Centre antifraude du Canada, ces stratagèmes sont l'un des types de fraude les plus importants et les plus lucratifs au Canada. Comme vous pouvez l'imaginer, ces stratagèmes ont tendance à viser les personnes âgées. Je ne pense pas devoir expliquer en quoi consiste une arnaque romantique étant donné que nous le savons probablement tous. Toutefois, si la question est soulevée pendant les séries de questions, nous y répondrons à ce moment-là. Compte tenu du temps écoulé, nous allons passer à la prochaine diapositive.
Je précise encore une fois qu'au lieu de passer en revue tous ces aspects, nous allons examiner notre rôle au chapitre du renseignement stratégique qui nous permet de cerner les technologies émergentes. Nous suivons l'évolution des technologies financières novatrices, des tendances et des développements. Certains membres de notre personnel sont chargés d'effectuer ce genre de recherche. Nous travaillons également avec nos partenaires internationaux par l'intermédiaire du Groupe Egmont ou du Groupe d'action financière. Nous collaborons aussi avec d'autres partenaires internationaux afin d'élaborer des tendances, des topologies et des rapports, ainsi que de repérer les menaces potentielles qui pèsent sur le régime — ces menaces pourraient déjà peser sur le régime ou pourraient le faire dans les années à venir —, en examinant les secteurs où les technologies émergentes surgissent et leurs liens avec la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
Monsieur le président, je pense m'être arrêté un peu avant l'expiration du temps qui m'était imparti. Je vais donc en rester là. Toutefois, je suis disposé à répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.
:
C'est une bonne question et je vais y répondre en anglais, parce que cela commence à être un peu plus technique.
[Traduction]
Comme vous le savez, une grande partie de ces activités se déroulent en anglais à l'échelle mondiale. Par conséquent, si je parle de cryptomonnaies — je pense que c'est l'équivalent français de cryptocurrencies —, nous observons quelques tendances. Oui, ces activités se déroulent plus rapidement. Certes, ces opérations sont effectuées plus rapidement.
Si vous analysez certains types de fraude comme les arnaques romantiques, par exemple, oui, l'argent blanchi a tendance à être un produit de la criminalité. Cependant, en ce qui concerne les arnaques romantiques, leurs produits sont déjà présents dans le système financier. Ces arnaques consistent à utiliser des médias sociaux et différentes façons de se rendre anonyme ou d'assumer une fausse identité afin de tirer profit de gens qui vous envoient de l'argent, que vous blanchissez par ces moyens. Le crime est peut-être lié à une fausse représentation de votre identité, plutôt qu'à la commission d'un crime physique comme le fait de cambrioler une banque et de tenter de blanchir l'argent recueilli.
Vous avez raison. Ces opérations sont plus rapides, et elles peuvent contourner... Si vous utilisez des outils du genre de la cryptomonnaie, vous pouvez contourner le système financier en tant que tel.
Nous remarquons également que la vitesse à laquelle les opérations peuvent être effectuées augmente. En ce qui concerne les types de crimes, grâce à l'utilisation des médias sociaux et des outils de ce genre pour voler des identités ou assumer de fausses identités — comme en créant un faux profil dans Facebook et en prenant des mesures de ce genre pour devenir « ami » avec des gens et tirer parti d'eux —, nous observons de plus en plus fréquemment ce genre de crimes. Il est certain que les criminels profitent également de la possibilité d'utiliser Internet et de l'information de source ouverte pour repérer des victimes potentielles.
Ensuite, il y a les autres secteurs comme ceux des rançongiciels, par exemple, dans lesquels le criminel peut envoyer un faux courriel ou prendre le contrôle de l'ordinateur de quelqu'un et exiger qu'une somme soit versée avant de lui redonner l'accès à son ordinateur. Nous avons observé des cas d'utilisation de rançongiciels à l'échelle internationale. Ce domaine semble être en pleine croissance en ce moment, en ce sens que les criminels sont en mesure de prendre le contrôle d'ordinateurs et d'exiger des versements. De plus en plus fréquemment, ces criminels exigent que les sommes soient versées en cryptomonnaies plutôt qu'en espèces ou au moyen d'un virement par courriel.
Oui, la possibilité d'utiliser des ordinateurs accroît la capacité.
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Je ne vais pas vous révéler les secrets du métier.
Nous recevons les déclarations. Nous avons une base de données étanche. Contrairement à la plupart des autres services de renseignement financier dans le monde, personne n'a accès à notre base de données, pas même les corps policiers et les autres instances chargées d'appliquer les lois. L'accès est limité aux employés du CANAFE, et plus particulièrement à ceux du service du renseignement tactique qui travaillent sur le dossier concerné. Le principe du « besoin de savoir » s'applique au sein même de notre organisation.
Nous recevons donc l'information. Dans le cas d'une déclaration d'opérations douteuses, par exemple, l'un des deux employés affectés au dossier peut détecter certains mots clés. On peut notamment penser au projet Protect qui cible la traite de personnes. Après avoir pris connaissance de la déclaration, on la transmet à un chef d'équipe du secteur géographique. Nos équipes sont en effet constituées en fonction des différentes régions. Le chef d'équipe de la région du Centre, par exemple, peut alors faire quelques recherches rapides dans la base de données pour voir si l'on y trouve des transactions correspondantes. Le dossier est ensuite remis à l'un de nos analystes.
Il n'est pas rare qu'il soit indiqué dans la déclaration d'opérations douteuses, surtout dans le cas du projet Protect, que des sommes d'argent sont passées du compte X au compte Y, ou d'une adresse Internet à une autre. Nous tenons alors compte de ces indications et procédons à une recherche dans l'ensemble de la base de données pour voir si d'autres transactions pourraient être associées à celles-là de telle sorte que les forces de l'ordre puissent compter sur un portrait complet de la situation.
Après cela, nous montons notre propre dossier. Nous avons des relevés récapitulatifs, des tableaux des transactions, des graphiques i2 et des fiches techniques indiquant qui est visé par la divulgation et pour quels motifs. Nous consultons certaines sources ouvertes d'information. Nous vérifions également dans notre base de données pour déterminer si l'affaire peut être reliée à un dossier précédent au sujet duquel nous avons fait une divulgation. Le cas échéant, nous l'ajoutons à notre rapport. Nous transmettons ensuite le tout à l'agence chargée de faire appliquer la loi en pareil cas.
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Monsieur le président et honorables membres du Comité, bonjour et merci de m'avoir donné aujourd'hui la possibilité de faire un exposé sur la question de la cybercriminalité dans le secteur financier au Canada.
Comme le président l'a indiqué, je m'appelle Mark Flynn, surintendant principal et directeur général, Crime financier et cybercriminalité, au sein des Opérations criminelles de la Police fédérale.
Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Chris Lynam, directeur général par intérim de l'Unité nationale de coordination de la lutte contre la cybercriminalité, qui fera également un bref exposé après mon allocution.
[Français]
Je vais commencer par décrire ce que sont la cybercriminalité et les types d'activités que réalisent les cybercriminels.
[Traduction]
La cybercriminalité englobe des cas de criminalité où la technologie est la principale cible, de même que la criminalité où la technologie est un important outil ou un catalyseur pour commettre d'autres types de crimes, notamment des infractions financières, comme la fraude et le blanchiment d'argent, ou encore des infractions liées aux drogues illicites et à la sécurité nationale.
La cybercriminalité est un problème mondial complexe aux multiples facettes, dont les éléments chevauchent plusieurs administrations. Elle exploite de nouvelles technologies en constante évolution et a des répercussions sur la sécurité et le bien-être économique des citoyens et des entreprises du Canada. Les entreprises et les particuliers canadiens — surtout les membres vulnérables de notre société comme les personnes âgées et les jeunes —sont la cible de cybercriminels en raison de la richesse relative de la population et de notre économie ouverte et axée sur Internet. En particulier, les cybercriminels ciblent le secteur financier directement et indirectement. Autrement dit, les systèmes des institutions financières canadiennes sont attaqués sur deux fronts, c'est-à-dire par l'entremise de l'infrastructure informatique de l'entreprise et de l'accès des clients.
Pour vous expliquer davantage la question, j'entrerai plus dans les détails. Les cybercriminels peuvent tenter de compromettre directement l'infrastructure informatique d'une institution financière au moyen d'attaques qui accordent un accès non autorisé au système de base lui-même. Ces attaques visent à réaliser des profits en volant ou en transférant de l'argent dans ces systèmes, en volant des informations privées ou, dans certains cas, en portant atteinte à la réputation de l'entreprise. Ces crimes sont perpétrés par des personnes qui travaillent seules, des groupes du crime organisé ou des cybercriminels professionnels employés par de grandes entités, y compris des États hostiles.
De plus, les criminels s'attaquent indirectement aux institutions financières en obtenant des justificatifs d'identité d'utilisateur ou d'autres renseignements personnels pour accéder sans autorisation à des comptes d'utilisateurs individuels. L'obtention de ces justificatifs d'identité peut se faire de plusieurs façons: en utilisant des outils accessibles sur Internet pour obtenir des mots de passe; en recourant à l'ingénierie sociale; ou simplement en achetant de grandes bases de données de renseignements personnels sur le Web invisible. Le coût relativement faible de ces attaques a permis à des individus malveillants et à de nouveaux cybergroupes du crime organisé de lancer des attaques à une échelle sans précédent.
La grande disponibilité d'une toute nouvelle gamme d'outils cybernétiques illicites a donné naissance à un tout nouvel environnement cybernétique, qui comprend un large éventail d'acteurs entrepreneuriaux, y compris des développeurs de logiciels malveillants, des fournisseurs et des administrateurs d'infrastructures, et des revendeurs de plateformes de données qui collaborent avec d'autres dans des réseaux mondiaux ou qui offrent de manière indépendante des services et de l'expertise à d'autres intervenants à des fins lucratives par l'entremise d'lnternet. C'est ce que nous appelons l'écosystème numérique criminel ou la cybercriminalité en tant que service.
Dans les secteurs financier et commercial du Canada, le volume et la gravité de la cybercriminalité dont les Canadiens et les entreprises sont victimes sont considérables. Les institutions et les services financiers mondiaux continuent d'être ciblés par un éventail de cyberattaques malveillantes qui génèrent des profits illicites importants pour les contrevenants qui en sont responsables.
De plus, en raison des progrès technologiques qui peuvent faciliter les crimes traditionnels comme le vol, la fraude ou le blanchiment de l'argent, les organismes d'application de la loi ont dû modifier la manière dont ils réagissent aux actes criminels financiers de grande envergure. Essentiellement, il s'agit de nouveaux cybercrimes et de vieux crimes perpétrés à l'aide de nouveaux outils.
Les groupes du crime organisé, les blanchisseurs d'argent professionnels et les contrôleurs monétaires internationaux ne sont plus limités aux méthodes traditionnelles de blanchiment d'argent et de transfert des produits de la criminalité.
Les marchés du Web invisible, la multiplication des monnaies virtuelles et les stratagèmes complexes de blanchiment d'argent par l'entremise d'activités commerciales sont des exemples des progrès technologiques chez les criminels qui ont réellement effacé les frontières et permis aux organisations criminelles de s'implanter véritablement partout dans le monde.
Les cybercriminels cherchent à faire des profits grâce au déploiement de logiciels malveillants, comme les chevaux de Troie bancaires, une multitude d'activités frauduleuses en ligne, la compromission de courriels ou l'extorsion, notamment grâce aux rançongiciels ou aux attaques par déni de service distribué. Tous ces crimes peuvent être perpétrés au Canada ou à l'étranger.
Ces techniques novatrices de cybercriminalité révèlent que la majorité de la cybercriminalité actuelle est motivée par un gain financier, comme c'est le cas pour bien des crimes. Les criminels cherchent à s'approprier l'argent pour en profiter.
Même si la GRC a acquis une meilleure compréhension de la portée et de l'ampleur de la menace, des défis demeurent. Par exemple, la portée mondiale des cybercriminels oblige les forces de l'ordre à se préoccuper des criminels du monde entier et pas seulement de ceux qui oeuvrent à l'intérieur du pays. Il s'agit d'une priorité internationale qui continuera de prendre de l'ampleur pour de nombreux organismes d'application de la loi.
De plus, les efforts de maintien de l'ordre dans le domaine cybernétique continuent de faire face à des défis en grande partie en raison de la nature transversale et transnationale de la cybercriminalité, laquelle, comme je l'ai indiqué, s'applique à tous les types de crimes. La nature transnationale de la cybercriminalité permet aux cybercriminels de commettre leurs crimes dans de nombreux pays, et un cybercriminel peut s'en prendre à de nombreuses personnes à grande échelle, ce qui n'est pas possible dans le monde physique.
En réaction aux menaces et aux défis auxquels nous sommes confrontés, la Stratégie de lutte contre la cybercriminalité de la GRC guide les efforts d'enquête et d'application de la loi pour réduire la menace et contribuer à atténuer la victimisation et les répercussions de la cybercriminalité au Canada. Cette approche repose sur trois piliers: le premier consiste à déterminer les menaces liées à la cybercriminalité et en établir l'ordre de priorité au moyen de la collecte et de l'analyse de renseignements, alors que le deuxième vise à contrer la cybercriminalité en menant des activités ciblées d'enquête et d'application de la loi; et le troisième a pour but de soutenir les enquêtes liées à la cybercriminalité au moyen d'habiletés, d'outils et de formation spécialisés
La Stratégie de lutte contre la cybercriminalité comprend un cadre opérationnel élaboré dans le but d'orienter les mesures prises par la GRC pour combattre la cybercriminalité à titre de service de police fédérale. Comme la cybercriminalité transcende tous les types de criminalité, le recours à des équipes d'enquête spécialisées est essentiel. Les enquêtes numériques réalisées par la police fédérale de la GRC sont principalement menées par l'Équipe d'enquête sur la cybercriminalité de la Division nationale. Toutefois, cette dernière tire parti de l'expertise d'autres équipes de soutien aux enquêtes spécialisées, comme les opérations d'infiltration et le soutien opérationnel tactique sur Internet, qui sont nécessaires pour améliorer les résultats des enquêtes.
La GRC joue un rôle crucial au chapitre de la priorité générale du gouvernement du Canada qui consiste à assurer la sécurité des Canadiens.
Je céderai maintenant la parole à mon collègue pour qu'il puisse présenter un exposé sur le nouveau centre pour la cybersécurité qui est mis en place pour assurer l'application de la loi.
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Monsieur le président, bonjour et merci de m'offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Comme mon collègue l'a souligné, les organismes d'application de la loi font face à plusieurs défis dans leur lutte contre la cybercriminalité. Le modèle de service de police traditionnel canadien se fonde sur l'hypothèse selon laquelle le délinquant, la victime et le système de justice relèvent pour la plupart de la même administration. Cependant, comme nous le savons, la plupart des cybercrimes concernent plusieurs administrations, voire plusieurs pays, et ont des répercussions sur les victimes dans toutes les administrations traditionnelles, d'où le besoin d'avoir un mécanisme de coordination.
Il faut que les organismes d'application de la loi puissent recueillir des renseignements, peu importe l'administration, et aient un mécanisme pour coordonner les efforts d'enquête. Il est inefficace que les multiples services de police affectent des ressources d'enquête limitées à la même activité criminelle chacun de leur côté.
Ce qui est également préoccupant, c'est que la cybercriminalité soit sous-déclarée et qu'il existe une panoplie de mécanismes de signalement, ce qui sème la confusion au sein du public.
L'Enquête canadienne sur la cybersécurité et le cybercrime de 2017, menée par Statistique Canada, a révélé qu'environ 10 % des entreprises touchées par un incident de cybersécurité ont signalé l'incident à un service de police en 2017. Malgré la sous-déclaration, le nombre de cybercrimes signalés à la police au Canada a augmenté au cours des dernières années. En 2017, près de 28 000 cybercrimes ont été signalés à la police canadienne, une hausse de 83 % par rapport à 2014.
La sous-déclaration empêche les organismes d'application de la loi d'établir des corrélations et de lutter contre la cybercriminalité sur une échelle plus grande et de façon plus coordonnée et plus ciblée. Elle empêche également les gouvernements de comprendre l'ampleur et l'étendue du problème auquel nous sommes confrontés.
[Français]
En réponse aux défis et pour renforcer la capacité du Canada à lutter contre la cybercriminalité, 116 millions de dollars sur cinq ans et 23,2 millions de dollars par année consacrés à la création de l'Unité nationale de coordination de la lutte contre la cybercriminalité ont été annoncés dans le budget de 2018.
[Traduction]
L'Unité sera un service de police national, supervisé par la GRC, appuyant les organismes d'application de la loi dans l'ensemble du Canada et travaillant étroitement avec eux. Elle agira à titre de carrefour de coordination des enquêtes sur les cybercrimes au Canada et unira ses efforts à des partenaires étrangers pour lutter contre la cybercriminalité.