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Merci, monsieur le président.
Le sujet de la conduite avec facultés affaiblies fait, bien entendu, l'unanimité. Nous sommes tous du même bord. Tout le monde est en faveur de la sécurité routière. Le seul point de discorde concerne la meilleure manière d'assurer cette sécurité tout en maintenant l'intégrité du système de justice.
À notre avis, ce projet de loi rate la cible sur certains points cruciaux. Je vais traiter de trois parties du projet de loi, soit celles de la détermination de la peine, des protections procédurales en cours de procès et des fouilles de la police.
En ce qui concerne d'abord la détermination de la peine, le projet de loi prévoit des peines minimales obligatoires qui devraient être reconsidérées. L'opinion selon laquelle ces peines ont un effet dissuasif général ou particulier est profondément ancrée, mais complètement erronée. Les preuves montrent que ces peines n'ont pas plus d'effet dissuasif que les peines proportionnelles imposées dans le cadre de l'exercice du pouvoir judiciaire discrétionnaire en général. C'est vrai même quand les peines minimales obligatoires constituent une sanction bien plus sévère.
MADD a fait remarquer, dans son rapport du 11 décembre 2015, que les recherches menées au cours des 35 dernières années démontrent que l'imposition de peines plus sévères pour la conduite avec facultés affaiblies n'a pas en soi d'important effet dissuasif général ou particulier.
En plus de ne pas présenter l'avantage d'avoir un effet dissuasif, les peines minimales obligatoires risquent fort d'être préjudiciables. Des peines injustes et excessivement punitives pourraient être imposées, et le pouvoir discrétionnaire pourrait être transféré des tribunaux, où le processus est public et peut faire l'objet d'un examen, aux procureurs, là où le processus serait secret et ne pourrait être soumis à un examen.
Une recherche réalisée par la Commission canadienne sur la détermination de la peine a révélé une augmentation de la négociation de plaidoyers dans le contexte des peines minimales obligatoires, et ce système de justice pénale informel ne sert les intérêts de personne. Cela peut porter atteinte à la proportionnalité, à l'équité et, certainement, à la détermination de la peine, encourageant les plaidoyers de culpabilité sans égard à la culpabilité et isolant le processus de justice pénale de la transparence, de la reddition de comptes et des mesures de protection et de l'examen prévus par la Constitution.
J'ai fourni au greffier le lien vers le rapport exhaustif de notre association sur l'imposition de peines minimales obligatoires pour que vous puissiez en prendre connaissance.
Si nous passons au deuxième point, celui des protections procédurales, des présomptions législatives et de la question de la preuve, nous considérons que ce projet de loi semble reposer sur un postulat très dangereux voulant qu'une réduction des protections procédurales pour les personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies rendra les routes plus sûres. Or, ce postulat est erroné. On n'accroît pas la sécurité publique en exposant les accusés à un risque d'injustice.
Le projet de loi réduirait considérablement les protections procédurales au cours du procès des personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies, et ce, de diverses manières, notamment en limitant la divulgation de renseignements à la défense et en imposant les présomptions relatives à la preuve qui favoriseraient la poursuite. Aucune mesure réduisant les protections procédurales ou les droits de l'accusé lors du processus judiciaire ne peut être justifiée.
Nous partageons le point de vue de l'ACLC, que vous entendrez dans quelques instants, à propos de l'insuffisance de preuves démontrant l'efficacité des tests de détection et de reconnaissance de drogues. À l'évidence, il est toujours risqué de réduire les protections procédurales visant à empêcher les condamnations erronées, mais on ne devrait jamais envisager de le faire lorsque la fiabilité des preuves essentielles est susceptible d'être remise en question.
J'aimerais attirer votre attention sur certaines preuves qui vont à l'encontre de l'opinion, répandue dans certaines sphères, voulant que les procès pour conduite avec facultés affaiblies déraillent souvent.
Dans son rapport intitulé « La conduite avec facultés affaiblies au Canada, 2011 », Statistique Canada indique que « Les causes de conduite avec facultés affaiblies sont plus susceptibles de donner lieu à une condamnation comparativement à la plupart des [...] autres infractions. »
Selon le rapport de 2010-2011 de Statistique Canada, 84 % des causes de conduite avec facultés affaiblies donnent lieu à une condamnation, un pourcentage qui se maintient depuis 10 ans. Ce pourcentage varie légèrement d'une région à l'autre, passant de 81 % en Ontario et en Alberta à 93 % à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce pourcentage de condamnations est de loin supérieur à celui des causes réglées en général, qui s'établit à 64 %.
Selon le rapport de Statistique Canada, sur 10 ans, le pourcentage de condamnations a été bien plus élevé dans les causes de conduite avec facultés affaiblies que pour les causes criminelles en général. Je ne comprends pas comment MADD, dans son document de 2015, en soit arrivé à citer des chiffres et des conclusions aussi différents et aussi contraires aux données présentées par Statistique Canada.
En ce qui concerne enfin les fouilles et les alcotests effectués par la police, on pourrait soutenir que l'essentiel du projet de loi vise à autoriser les tests d'haleine aléatoires, ou THA. J'avoue que ce n'est qu'hier que j'ai pu mettre la main sur un exemplaire de l'avis de Peter Hogg sur la constitutionnalité des THA. Maintenant que nous l'avons reçu, nous abondons dans le même sens que nos collègues de l'ACLC en ce qui concerne le poids des preuves sur lesquelles on s'est appuyé pour déterminer l'efficacité des THA. Nous n'avons pu examiner ces preuves assez en profondeur pour en arriver à une position claire; il est néanmoins évident que ces preuves sont très contestées.
Il faut toujours porter soigneusement attention à la méthode utilisée lorsque l'on examine des études, et un examen sélectif des études s'avère toujours problématique. Voilà pourquoi les études systémiques sont toujours probantes, puisqu'elles tentent de corriger des manquements méthodologiques et des partis pris lors de la sélection des études. Nous considérons donc que le Comité devrait accorder beaucoup de poids à l'étude systémique de la Fondation de recherches sur les blessures de la route citée dans le mémoire de l'ACLC. Selon cette étude, rien ne prouve que les THA accroissent substantiellement la sécurité routière dans le cadre du régime actuel.
Les preuves à cet égard sont, bien entendu, au coeur de la question de la constitutionnalité d'une telle disposition. Si ces preuves étaient apportées, les THA seraient justifiés, mais n'en perdraient pas pour autant leur effet discriminatoire potentiel.
Il ne manque pas, au Canada, de preuves de comportements discriminatoires de la part de la police, particulièrement en ce qui concerne la race. Même si des renseignements essentiels à l'évaluation de la situation sont rarement recueillis, on en est à un point où on s'entend généralement sur le besoin d'empêcher la police de cibler des communautés racialisées.
Les tenants des THA font valoir que la sélection est vraiment aléatoire et non discriminatoire si ces tests sont principalement utilisés lors de barrages routiers. Ils insistent toutefois pour que les policiers aient également la discrétion d'exiger l'administration de ces tests à l'extérieur du cadre d'un barrage routier, soutenant que dans les régions rurales ou éloignées, par exemple, il manque de ressources pour ériger des barrages routiers régulièrement. Comme ces tests seraient effectués en l'absence de tout critère pour déterminer les soupçons, le fait d'accorder une discrétion absolue aux agents de police favoriserait la sélection discriminatoire des conducteurs.
À votre avis, les THA, s'ils sont clairement justifiés, ne devraient toutefois être effectués que lors de barrages routiers; c'est d'ailleurs, comme le concèdent les tenants des THA, l'utilisation de loin la plus courante que l'on en fait dans les autres pays. Cela permettrait d'optimiser les bénéfices de ces programmes, tout en garantissant que les THA n'entraîneraient pas une aggravation de la discrimination à l'égard des communautés racialisées. Cela favoriserait également l'établissement d'une base en vue de l'évaluation et de l'examen des programmes afin de déterminer si des modifications sont nécessaires ou justifiées.
C'était là mes observations préliminaires.
Merci.
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Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Abby Deshman, et je suis avocate et directrice du Programme de la sécurité publique à l'Association canadienne des libertés civiles.
À l'instar de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, nous soutenons sans réserve l'objectif de ce projet de loi, sachant que la conduite avec facultés affaiblies constitue un grave problème du pays. Il est évident que le gouvernement peut et devrait jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre ce problème social persistant. Nous savons que nous pouvons faire mieux. Malheureusement, nous ne pensons pas que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, soit la réponse qui convienne.
Je traiterai aujourd'hui de quatre points préoccupants. J'ai un mémoire écrit, qui n'a malheureusement pas été envoyé à temps pour la traduction officielle. Il est long — il compte 19 pages —, mais je passerai en revue autant de matière que possible.
Ces quatre points sont les suivants: les amendes et les peines minimales obligatoires; l'imposition de peines consécutives; les tests d'haleine aléatoires; et les nouvelles présomptions législatives en cas de conduite avec facultés affaiblies par les drogues.
Sachez d'abord que les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas. Elles sont inefficaces et injustes. Des décennies de recherches ont clairement montré que le durcissement des peines ne décourage pas la criminalité. Le régime d'amendes et peines minimales obligatoires prévu dans le projet de loi ne découragera pas la conduite avec facultés affaiblies. Il imposera toutefois des contraintes aux tribunaux et des peines injustes à un sous-groupe de la population qui aura commis ces crimes. Les peines minimales obligatoires constituent un échec au chapitre de la politique publique, et nous jugeons qu'elles devraient être éliminées. Nous avons bien accueilli les propos de M. Blair à la Chambre des communes, où il a déclaré que les nouvelles peines minimales obligatoires seraient ou devraient être éliminées du projet de loi, et il a encouragé le Comité à agir en ce sens. Nous appuyons pleinement cette élimination et pensons qu'il faudrait aller plus loin au Canada.
Si vous n'éliminez que les nouvelles peines minimales obligatoires, celles qui existaient avant le dépôt de ce projet de loi seront encore là, y compris un ensemble de peines qui ont été durcies en 2008 sous l'ancien gouvernement. Nous ne considérons pas qu'elles soient nécessaires pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies.
Nous pensons qu'il en va de même pour les amendes minimales obligatoires. Rien ne permet de croire que si les peines minimales obligatoires ne découragent pas la criminalité, les amendes minimales obligatoires se révéleront plus efficaces. En fait, ces amendes ont pour effet de cibler de façon discriminatoire les moins bien nantis du pays.
Les peines minimales obligatoires pourraient entraîner l'imposition de peines injustes à certains citoyens, alors que les amendes minimales obligatoires auront toujours pour effet d'imposer des peines injustes aux personnes vivant de l'aide sociale ou ayant un handicap, alors qu'elles ne poseront pas de problème aux mieux nantis. Ce genre de régime de détermination de la peine est inéquitable. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire, puisqu'il ne contribue pas à la sécurité publique, et nous encourageons le Comité à éliminer ces peines et ces amendes du projet de loi.
Nous nous préoccupons également de l'imposition de peines consécutives. Je sais que la question a aussi été soulevée à la Chambre des communes; je serai donc brève. Le paragraphe 320.22(2) proposé — qui porte sur l'imposition obligatoire de peines consécutives en cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort — est extrêmement préoccupant et, selon nous, inconstitutionnel. La peine minimale obligatoire prévue en pareil cas dans le projet de loi est actuellement de cinq ans, ce qui signifie qu'un accident qui causerait le décès de plusieurs personnes entraînera l'imposition d'une peine d'emprisonnement obligatoire de 10, 15 ou 20 ans, voire davantage. À notre avis, cela contrevient clairement au droit d'être protégé contre les peines cruelles et inusitées. Cette disposition doit être éliminée du projet de loi.
Le troisième point qui nous préoccupe est celui de l'élargissement des pouvoirs arbitraires d'interpellation et de fouille de la police dans le contexte de tests d'haleine aléatoires. Comme vous pourrez le voir dans notre mémoire écrit, nous nous inquiétons grandement des répercussions probables et, au bout du compte, de la constitutionnalité de ces nouveaux pouvoirs proposés. Nous avons étudié les recherches exhaustives publiées sur le contexte canadien dans les journaux, ainsi que l'avis de M. Hogg, et nous ne pensons pas que les documents existants répondent à la question principale qu'il convient de se poser au pays.
Au Canada, la question n'est pas de savoir si les tests d'haleine aléatoires sont efficaces; il est évident qu'ils le sont et qu'ils fonctionnent. Ce qu'il faut se demander, c'est s'ils réussiront plus efficacement à dissuader les gens de conduire avec les facultés affaiblies que notre régime actuel. Ce régime, en place depuis de nombreuses années, prévoit des tests d'haleine sélectifs. C'est là la question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre, et je pense sincèrement que les recherches et les comparaisons internationales actuelles ne permettent pas d'y répondre.
J'ai décelé deux principaux problèmes au chapitre des études et des comparaisons internationales.
D'abord, même s'il est vrai que l'instauration des tests d'haleine aléatoires a été révolutionnaire dans bien des pays, la vaste majorité de ces pays n'avaient pas de programme de contrôles routiers avant de commencer à effectuer les tests d'haleine aléatoires. Nous ne comparons donc pas la situation avec celle du Canada, où le programme de contrôles routiers R.I.D.E. a été mis en oeuvre pendant des décennies, mais avec celle de pays où il n'y avait presque aucune véritable initiative d'exécution de la loi.
Par conséquent, grâce aux tests d'haleine sélectifs et à d'autres initiatives, le Canada a connu sa propre révolution au chapitre de la conduite avec facultés affaiblies. Le pourcentage de décès de conducteurs attribuables à l'alcool est passé de 62 % en 1981 à 33 % in 1999, et il a encore diminué depuis. Ces 10 dernières années, la conduite avec facultés affaiblies a assurément décru au Canada et dans les pays où des tests d'haleine aléatoires sont effectués.
Compte tenu des importants changements sur le plan juridique, culturel et éducatif qui sont survenus au cours des dernières décennies, nous ne pensons pas que les premières expériences qu'ont connues d'autres pays avec les alcootests aléatoires représentent un comparateur utile pour le Canada. Nous ne sommes tout simplement pas rendus au même point que ces pays.
Deuxièmement, alors qu'il y a quelques pays qui ont mis en oeuvre les alcootests sélectifs en premier, suivis des alcootests aléatoires, ils ont également mis en place une série d'autres mesures pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. J'ai quelques exemples. Je peux vous les fournir à la période des questions, si vous le voulez.
Mais il est extrêmement difficile de distinguer l'incidence des alcootests aléatoires de celle des autres initiatives qui ont également été mises en oeuvre. Bon nombre de ces pays ont augmenté radicalement l'application de la loi au même moment où ils ont mis en oeuvre les alcootests aléatoires. Ils ont également mené des campagnes médiatiques très vastes, des campagnes de sensibilisation à grande échelle, et il est tout simplement impossible de séparer l'incidence de la mise en oeuvre des alcootests aléatoires de celle de tous les efforts importants qui ont été déployés parallèlement.
Comme la Fondation de recherches sur les blessures de la route l'a résumé en 2012:
... les preuves disponibles appuient les deux... [les alcootests sélectifs]
— ce que nous avons déjà
— et... [les alcootests aléatoires] laissent entendre que ce qui compte vraiment, c'est l'équilibre entre les niveaux d'application de la loi suffisamment élevés et la publicité entourant l'application de la loi pour créer l'effet dissuasif requis.
À la suite de cet examen, nous percevons l'incidence projetée de la mise en oeuvre des alcootests aléatoires au Canada comme étant plus hypothétique que certaine, et nous estimons que quelques-uns des documents que nous avons lus qui préconisent les alcootests aléatoires sont des évaluations trop optimistes par rapport à ce que les preuves démontrent réellement.
De l'autre côté du balancier, nous sommes très préoccupés par les répercussions additionnelles qu'un pouvoir arbitraire de la police en matière de fouille aura sur les gens, et plus particulièrement sur ceux qui sont issus de communautés minoritaires. La proposition actuelle ne limiterait pas ce pouvoir de procéder à des fouilles à des postes de vérification stationnaires, où le pouvoir discrétionnaire est restreint et où le risque de profilage racial et d'autres pratiques inadéquates est réduit. Ceux qui sont déjà arrêtés au volant de leur voiture de façon disproportionnée devront non seulement immobiliser leur véhicule et être interrogés, mais devront aussi sortir de leur véhicule, rester sur l'accotement ou monter à bord de la voiture de patrouille et fournir un échantillon d'haleine.
Je n'ai jamais été arrêtée sur le bord de la route pour que l'on vérifie mon certificat d'enregistrement et ma sobriété, et je n'ai jamais dû m'arrêter pour un programme RIDE. Je ne suis pas de ces personnes qui vivent ces expériences. Mais pour ceux qui sont ciblés de façon disproportionnée et qui doivent se soumettre à un alcootest, ils devront fréquemment... vivre une expérience qui est humiliante, dégradante et offensante. Ce n'est pas forcément quelque chose qui se fera rapidement dans une voiture.
Ces faits, les avantages hypothétiques des alcootests aléatoires au Canada, de même que l'élargissement important des pouvoirs des policiers, sont à la base de l'analyse constitutionnelle que nous fournissons dans nos mémoires. Vous reconnaissez, là encore, que ce sont des opinions écrites très bien documentées qui laissent entendre que ce pouvoir est constitutionnel. Nous avons un point de vue différent.
Ce que nous concluons, c'est que la mise en oeuvre d'alcootests aléatoires, telle qu'elle est proposée à l'heure actuelle, soulèverait d'importants problèmes constitutionnels et serait vraisemblablement une violation injustifiée de l'article 8, qui porte sur les perquisitions et les saisies arbitraires, et de l'article 9, qui porte sur la détention arbitraire, de la Charte.
Enfin, j'aimerais dire quelques mots sur quelques-unes des présomptions légales dans le projet de loi . Je pense que vous entendrez le témoignage de la Criminal Lawyers' Association sur l'élimination du critère énoncé dans l'arrêt Mohan pour évaluer les agents de police. C'est l'exigence selon laquelle ils doivent avoir leur certification d'expert dans des dossiers particuliers. Nous partageons ces préoccupations.
Nous sommes également très inquiets au sujet de la présomption en matière de preuve liée à la conduite avec facultés affaiblies qui est proposée au paragraphe 320.32(7). Brièvement, ce nouveau paragraphe utiliserait les résultats soutenus d'un policier chargé des évaluations de la présence de drogues, les résultats qui correspondent à ceux de l'évaluation de la présence de drogues et de l'analyse des fluides corporels, pour établir une présomption légale que cette drogue était la cause des facultés affaiblies au moment de la conduite. Essentiellement, il faut les deux résultats de ces deux tests et, s'ils sont similaires, alors nous présumerons que la personne conduisait avec les facultés affaiblies par cette drogue.
Ces deux mécanismes d'évaluation, l'évaluation de la présence de drogues et l'analyse des fluides corporels, comportent des lacunes chacun à leur manière. Dans une étude canadienne des évaluations de la présence de drogues, les résultats des tests d'une personne innocente sur cinq qui n'avait pas consommé de drogues ont révélé à tort qu'elle avait les facultés affaiblies. On parle ici de 20 % qui n'avaient pas consommé de drogues.
Les échantillons de salive et d'urine sont également très limités quant à leur utilité. Les résultats de ceux qui ont consommé des drogues de nombreux jours, de nombreuses semaines, voire de nombreux mois avant, seront positifs aux tests de dépistage, selon le type de drogue ou l'échantillon de substances corporelles prélevé.
En termes simples, on ne peut pas prendre ces deux éléments d'information et les combiner pour créer une présomption, comme ce projet de loi le propose. C'est comme si l'on essayait de reproduire le système d'alcootests. Les données scientifiques sur les alcootests sont beaucoup plus fiables et sûres et sont moins variées que celles sur les facultés affaiblies par la drogue. Nous pensons que si vous maintenez ces présomptions, elles donneront lieu à des condamnations injustifiées et mettront en péril la présomption d'innocence.
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J'essaierai d'utiliser mon temps aussi efficacement.
J'imagine que la première étape consiste à laisser tomber les civilités et à aller droit au but. C'est un projet de loi volumineux, et nous n'aurons pas suffisamment de temps pour tout couvrir. J'ai présenté un mémoire de 32 pages. J'ai décidé de marquer un point sur mes amis ici. J'ai passé en revue rapidement ce qu'ils ont fait, cependant, et je dois les féliciter. En tant qu'avocat typique en droit criminel, j'ai soumis mon mémoire très tard hier soir. Il n'a pas encore été traduit, mais je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et d'assurer un suivi, au besoin.
La CLA appuie les lois qui sont justes, modestes et constitutionnelles. Bien que la CLA appuie les objectifs de protéger la société contre les dangers de la conduite avec facultés affaiblies, nous ne pouvons pas appuyer ce projet de loi dans sa forme actuelle. La CLA ne peut pas appuyer un projet de loi comme celui-ci dans sa version actuelle et, à vrai dire, ne peut pas appuyer la majorité des dispositions prévues dans ce projet de loi. Néanmoins, dans mon mémoire, j'offre quelques suggestions d'amendements, si le Comité arrive à une conclusion différente.
Ce projet de loi, autrefois d'initiative ministérielle, et qui est maintenant présenté en tant que projet de loi d'initiative parlementaire, doit faire l'objet d'un examen plus approfondi en raison des modifications importantes qu'il propose d'apporter au Code criminel en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies et aux infractions connexes. Des modifications aussi fondamentales que celles proposées dans ce projet de loi devraient faire l'objet d'un examen exhaustif, de rapports complets du ministère de la Justice, de vastes consultations et, idéalement, d'un examen par une entité comme la Commission de réforme du droit.
Je souscris aux mémoires de mes amis comme s'ils étaient les nôtres, de même qu'à ce que je m'apprête à vous dire.
À notre avis, toutes les dispositions dans ce projet de loi qui imposent des peines minimales obligatoires, des amendes ou des peines d'emprisonnement doivent être retirées, et les peines minimales obligatoires actuelles devraient être examinées. Les peines minimales obligatoires sont une méthode inefficace pour respecter les principes de la détermination de la peine. Les peines minimales constituent une solution universelle qui sacrifie l'équité et la proportionnalité sans accroître la sécurité publique. Les peines minimales entraînent des coûts, imposent un fardeau excessif sur le système correctionnel et, peut-être plus important encore, déprécient les principes de discrétion judiciaire et d'équité fondamentale. Les peines minimales obligatoires prévues dans ce projet de loi sont inconstitutionnelles.
Nous sommes également très préoccupés par le nouveau régime d'alcootests aléatoires. L'augmentation des pouvoirs policiers entraîne des coûts pour la société. L'expérience qu'on a eue avec les contrôles d'identité et de routine — ce qui a donné lieu à des arrestations et à des condamnations disproportionnées chez les minorités visibles pour des infractions liées à la marijuana — le démontre clairement. L'exercice des pouvoirs policiers peut viser et vise de façon disproportionnée les minorités visibles.
Certains sont d'avis, et je suis certain que le Comité entendra ces opinions, que les mesures de tests d'haleine aléatoires prévues dans ce projet de loi sont constitutionnelles. Je dirais que les données probantes sur lesquelles ces opinions sont fondées devraient être examinées très attentivement. Même si ces données probantes sont correctes, les opinions les mieux intentionnées des circonstances de ces alcootests aléatoires ne tiendront pas la route. Je donne un exemple dans mon document de situations qui ne seraient pas du tout jugées acceptables et qui seraient offensantes pour bien des membres du Comité.
Le projet de loi représente également un élargissement important des pouvoirs de l'État et renferme de nombreux raccourcis en matière de preuve. Je ne veux pas minimiser ce fait, car ce ne sont pas vraiment des raccourcis. Ce sont des raccourcis aux raccourcis préexistants. Ces raccourcis mettent en péril l'équité du procès. Ils comprennent, tels qu'ils sont énoncés dans mon mémoire, des condamnations pour conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à 80 milligrammes, ce qui disparaîtrait. Les condamnations seraient pour conduite avec un taux d'alcoolémie égal ou supérieur à 80 milligrammes dans les deux heures suivant la conduite. Ce sont d'énormes changements.
Les dispositions relatives à l'inversion du fardeau de la preuve prévues dans le projet de loi posent problème. Les présomptions concernant le taux d'alcoolémie dans le sang représentent un raccourci dangereux qui requiert une évaluation attentive. Les normes assouplies concernant l'obtention d'échantillons d'haleine à des fins de contrôle devraient également être une source de préoccupation, tout comme l'assouplissement complet et l'élimination de la surveillance judiciaire liée à l'évaluation des témoignages d'experts que ce projet de loi, dans certains cas, rend définitives en ce qui concerne la détermination de culpabilité ou d'innocence.
Ces raccourcis auront une incidence sur l'équité du procès. Ils susciteront de nombreuses préoccupations fondées sur la Charte. Au final, et peut-être plus important encore, ces raccourcis déprécieront et limiteront la qualité des preuves présentées en cour.
Enfin, il y a des articles du projet de loi qui sont incontestablement inconstitutionnels tels que l'amendement qui permettrait l'utilisation de déclarations faites sous la contrainte pour justifier de demander un échantillon d'haleine.
La Cour d'appel de l'Ontario et la Cour suprême, au cours des 15 dernières années, ont jugé que c'était une violation de la Charte qui ne peut pas être justifiée par l'article premier. Il n'est pas nécessaire d'avoir un renvoi à l'article de la Cour suprême. Nous l'avons déjà, et les résultats sont mauvais.
Compte tenu de la portée de ce projet de loi et des changements importants proposés qui sont énumérés dans l'étude — même si ce n'est pas la liste complète —, nous ne pouvons tout simplement pas appuyer cette mesure législative, et j'exhorte le Comité à étudier attentivement nos mémoires écrits de même que nos suggestions détaillées d'amendements, dans l'éventualité où le Comité juge bon d'approuver ces articles.
Merci.
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J'allais simplement dire que, si je n'utilise pas les sept minutes au complet, je serai ravi de partager le reste de mon temps avec M. Mendicino.
Je vais parler directement de ce qui est au coeur même de la controverse, à savoir les alcootests aléatoires.
Ce projet de loi oppose deux très importants courants de pensée. L'un est le niveau de condamnation des infractions de conduite avec facultés affaiblies, qui est probablement semblable à d'autres formes d'homicides ou de crimes à caractère raciste. C'est une très grande source de préoccupation pour la population. Ensuite, il y a bien entendu nos libertés civiles, les droits procéduraux, les droits garantis par la Charte...
Je vais vous proposer l'idée que le caractère aléatoire n'a pas sa place ici car l'esprit humain ne fait que rarement quelque chose d'aléatoire, voire jamais. Donc, lorsque nous parlons du caractère aléatoire, parlons-nous du point de vue de l'automobiliste qui peut ou non être intercepté lors d'un contrôle routier ou du point de vue de l'agent de police qui, à mon avis, a le pouvoir discrétionnaire en vertu de ce projet de loi de décider s'il soumet ou non une personne à un alcootest?
Je tiens à préciser que ce ne sont pas que les minorités raciales qui risquent d'être négativement touchées par ce projet de loi. Ce pourrait être des personnes âgées, des jeunes, des femmes ou des conducteurs de camions. Le projet de loi accorde une très grande discrétion à l'agent de police qui peut décider ou non d'administrer l'alcootest. La seule façon de vraiment rendre cette décision aléatoire est de saisir le numéro de plaque d'immatriculation dans un ordinateur qui, à l'aide d'un processus de sélection aléatoire binaire, indique à l'agent s'il doit faire subir l'alcootest ou non à l'automobiliste.
Je pense que nous sommes en dehors du caractère aléatoire, et je voulais vous demander si vous êtes d'accord et, le cas échéant, si cela renforce l'argument — sans doute que oui — de ne pas adopter ce projet de loi. Mais si nous maintenons le caractère aléatoire, vous verrez au paragraphe 320.27(3) que c'est seulement le titre du paragraphe qui dit « contrôle aléatoire ».
Le projet de loi, dans sa forme actuelle, pourrait-il donner lieu à une défense où l'on invoque le caractère non aléatoire? Autrement dit, si une personne a été interceptée par une policière et que des recherches révèlent qu'elle arrête tous les automobilistes qui conduisent des camions mais personne d'autre, cela mènerait-il, à votre avis, à la possibilité d'une défense criminelle qui est une conséquence imprévue du projet de loi?
Pour la seconde question, si le temps le permet, j'aimerais que l'on examine de façon plus générale les principes exposés ici et que vous nous fassiez part de vos opinions sur la façon dont ils peuvent ou non s'appliquer à la question de la légalisation de la marijuana. Par souci d'optimiser le temps du Comité, nous étudions ici un projet de loi qui pourrait ouvrir la voie à des questions entourant la légalisation. Nous voulons bien faire les choses, si possible, sur les deux fronts, dans les plus brefs délais.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi .
Comme vous l'indiquiez, monsieur le président, je suis accompagné de Mme Patricia Kosseim, avocate générale principale au Commissariat.
Je tiens d'emblée à préciser que je comprends évidemment la gravité, l'incidence sociale et les dangers évidents de la conduite avec facultés affaiblies. La conduite avec facultés affaiblies touche beaucoup trop de Canadiens chaque année et est effectivement un important problème social.
Le projet de loi à l'égard duquel vous avez demandé des commentaires comporte de multiples volets. Je m'attarderai principalement à la question des contrôles aléatoires.
Mes observations d'aujourd'hui visent à offrir un cadre fondé sur la jurisprudence relative à la Charte, mais non pas dans le but de prédire le destin constitutionnel du projet de loi. Il y a des avocats de droit criminel et constitutionnel qui peuvent vous aviser à ce sujet. Mon but est simplement de cerner les questions pertinentes du point de vue de la politique de protection des renseignements personnels.
En maintenant les arrêts des véhicules au hasard aux fins d'interrogatoire policier pour vérifier la sobriété du conducteur, la Cour suprême du Canada a pris en considération plusieurs facteurs, y compris les suivants: d'une part, l'objectif impérieux de l'État d'assurer la sécurité routière; d'autre part, les fins limitées liées à cet objectif et qui s'appuient sur des pouvoirs appropriés conférés par la loi; ensuite, le caractère intrusif, l'efficacité et la proportionnalité de l'activité policière; et, enfin, les attentes raisonnables de la personne, selon le contexte.
Pour les besoins d'analyse du projet de loi qui est devant vous, parmi les facteurs que je viens d'énumérer, l'objectif de l'État d'assurer la sécurité routière demeure évidemment un objectif impérieux. Toutefois, permettez-moi maintenant d'aborder certains autres facteurs qui seraient pertinents à votre examen des contrôles aléatoires de l'alcoolémie et de la communication des résultats des différents tests à d'autres fins.
Comme vous le savez, le paragraphe 320.27(3) du Code criminel proposé par le projet de loi prévoit un nouveau pouvoir permettant à un policier d'ordonner à la personne qui conduit un moyen de transport, que celui-ci soit en mouvement ou non, de fournir immédiatement un échantillon d'haleine sur demande, aux fins de prélèvement aléatoire au moyen d'un appareil de détection approuvé, lorsque le policier a ce dernier en sa possession.
À l'heure actuelle, ce genre d'alcootest ne peut être administré que lorsque le policier a des motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne a consommé de l'alcool.
[Traduction]
Pour déterminer s'il est raisonnable de s'éloigner de la norme du soupçon, je suggère que le Parlement tienne compte des facteurs suivants.
Premièrement, dans quelle mesure un nouveau pouvoir de l'État obligeant tout le monde à fournir un échantillon d'haleine sur demande serait-il intrusif? Même si des méthodes plus intrusives sont certainement possibles, par exemple la prise d'échantillons de sang, je suis d'avis que la procédure obligatoire suggérée a un caractère intrusif, notamment dans le cas des personnes qui ne sont pas soupçonnées d'avoir commis un acte répréhensible.
Deuxièmement, à quel point est-il nécessaire de passer de la norme du soupçon aux prélèvements aléatoires pour réduire le nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies? Dans quelle mesure l'actuel système s'est-il révélé efficace ou inefficace? Qu'est-ce qui le prouve?
Troisièmement, qu'est-ce que l'expérience d'autres pays montre, du point de vue de la preuve, quant à la mesure dans laquelle le système proposé dans le projet de loi serait plus efficace?
Je ne dispose pas des preuves nécessaires pour répondre à ces questions, mais je crois que ce sont des questions pertinentes à poser à ceux qui sont les parrains de ce projet de loi.
De plus, je manquerais à mes obligations si je ne rappelais pas aux membres les risques en matière de protection des renseignements personnels qui sont inhérents lorsque la collecte d'informations est excessive et pourrait ouvrir la porte à un ciblage disproportionné. J'ajouterais que, si vous êtes prêts à approuver l'alcootest aléatoire, je vous encourage à prévoir des conditions pour éviter les décisions arbitraires, pour organiser en quelque sorte la vérification aléatoire de sorte que ce ne soit pas entièrement à la discrétion des agents de la paix.
L'autre question importante liée à la protection des renseignements personnels que j'aimerais soulever est l'élargissement des fins pour lesquelles les résultats des tests et des analyses de substances corporelles peuvent être partagés.
Le paragraphe 320.37(2) permet la communication des résultats des évaluations, des épreuves de coordination des mouvements, ainsi que des analyses de substances corporelles en vue de l’exécution ou du contrôle d’application de toute loi fédérale ou provinciale. À l’heure actuelle, l’utilisation et la communication de ce genre de renseignements ne sont permises que relativement à des infractions précises du Code criminel, de la Loi sur l’aéronautique ou de la Loi sur la sécurité ferroviaire, ou à l’exécution ou au contrôle d’application d’une loi provinciale. Le projet de loi élargit clairement les utilisations et fins possibles de tels résultats pouvant être invoquées par les autorités.
Bien que j’aie commencé ma déclaration en admettant que le fait d’assurer la sécurité routière soit un objectif impérieux de l’État, on ne saurait dire la même chose des objectifs d’ordre administratif de toute autre loi fédérale ou provinciale. En ce qui concerne cette communication élargie, je suggère que vous déterminiez si les objectifs de ces autres lois aux fins desquels des résultats peuvent être communiqués sont suffisamment importants pour justifier la communication de renseignements personnels de nature délicate obtenus sous la contrainte de l’État. Je suggère en outre que la communication soit limitée aux lois précises qui respectent cette norme.
Une autre façon de réduire au minimum les risques en matière de protection des renseignements personnels serait de prescrire que les résultats des tests aléatoires soient détruits une fois qu'ils ont rempli leur fonction.
En résumé, j’encourage les membres à utiliser le cadre analytique proposé pour évaluer les répercussions plus vastes en matière de protection des renseignements personnels associées aux prélèvements aléatoires d’échantillons d’haleine et à l’élargissement des fins pour lesquelles des résultats peuvent être communiqués.
Je vous remercie de m’avoir invité à présenter mes commentaires au Comité, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je suis le docteur Thomas Brown. Je suis le chercheur principal et le directeur du programme de recherche sur la toxicomanie de l'Institut universitaire en santé mentale Douglas de Montréal. Je suis également professeur adjoint au Département de psychiatrie de l'Université McGill et psychologue clinicien agréé dans la province de Québec. Je suis aussi le spécialiste en santé mentale désigné par le Consulat des États-Unis au Canada pour évaluer les demandeurs de visa qui ne sont pas citoyens américains et qui sont soupçonnés de souffrir de troubles liés à l’utilisation de substances s'étant manifestés par un comportement préjudiciable — la plupart du temps, il s'agit de conduite avec facultés affaiblies. Mon avis en qualité de spécialiste est sollicité dans le cadre du programme américain de dispense de visa, et je l'ai donné à des centaines de reprises. Je suis honoré de pouvoir participer à cette séance.
Monsieur le président, j'aimerais vous donner mon opinion au sujet de deux enjeux concernant les amendements qui sont proposés au projet de loi . Le premier enjeu est d'ordre général et il a trait au bien-fondé d'augmenter la sévérité des peines consécutives à une condamnation. La sévérité des peines consécutives à une condamnation envoie un message important et peut en elle-même dissuader certaines personnes d'avoir un comportement criminel. Au même moment, d'après ce que je peux comprendre des preuves disponibles, les effets dissuasifs de la sévérité des peines ne se concrétisent que lorsqu'ils s'accompagnent de rigueur et de célérité dans l'application des lois pertinentes. Ce phénomène s'observe aussi dans d'autres contextes judiciaires.
D'un point de vue clinique, je suis à même de constater que, dans bien des cas, les peines font mal et qu'elles ont un effet dissuasif sur maints délinquants. Toutefois, elles sont souvent perçues comme étant non justifiées et vexatoires par de nombreux autres délinquants considérés, selon moi et d'autres autorités, comme étant les plus à risque de récidiver, c'est-à-dire par ceux dont nous devrions nous inquiéter le plus.
L'un des aspects de cette réaction est le fait que ces chauffeurs ont probablement conduit de nombreuses fois — certaines évaluations parlent de centaines de fois — sans se faire arrêter ou sans avoir de problème. Cette expérience personnelle alimente un raisonnement puissant qui vient fausser l'évaluation des risques lorsqu'il s'agit de prendre le volant, surtout après une consommation d'alcool excessive. Souvent, la personne se dira « je suis capable », « je l'ai déjà fait maintes et maintes fois », « je suis seulement à quatre rues de chez moi », etc. Ces marottes dont la force est décuplée par l'effet de l'alcool arrivent très efficacement à concurrencer l'effet dissuasif de la possibilité lointaine de se faire arrêter ou de subir d'autres conséquences négatives graves, y compris la possibilité de se blesser.
Nos recherches et celles d'autres chercheurs vont toutes dans le sens de ces observations cliniques. Il faut plus que cela pour changer ce raisonnement chez les délinquants. C'est pourquoi les dispositions qui permettent et améliorent le recours à des mesures d'application de la loi d'une grande visibilité — notamment, la multiplication des contrôles routiers et le recours à des alcootests aléatoires — feront beaucoup pour appuyer le caractère dissuasif des peines sévères tant pour la prévention primaire que pour la prévention de la récidive.
Le deuxième enjeu dont je veux parler, monsieur le président, concerne les dispositions sur l'utilisation du taux d'alcoolémie comme facteur aggravant aux fins de détermination de la peine. L'interprétation du taux d'alcoolémie dans la conduite avec facultés affaiblies est étonnamment controversée. La consommation excessive d'alcool est une condition préalable essentielle à la conduite avec facultés affaiblies, mais le taux d'alcoolémie susceptible de cautionner une accusation est très arbitraire. Le taux d'alcoolémie est une mesure convenue pour évaluer le risque d'accident, lequel augmente de façon exponentielle avec l'augmentation du taux d'alcoolémie. L'augmentation du risque de blessures pour quelque cause que ce soit commence toutefois à un taux d'alcoolémie beaucoup plus bas, à 0,02 en fait. Lorsque le taux atteint 0,05 ou 0,08, le risque est déjà plusieurs fois plus grand que lorsque le taux était à zéro. Par conséquent, le taux d'alcoolémie est une façon efficace et pratique de mesurer la dégradation des facultés et les risques d'accident.
Par ailleurs, la littérature scientifique dont nous disposons indique que le taux d'alcoolémie au moment de l'arrestation ne s'est pas avéré particulièrement fiable pour prédire le risque de récidive. Par conséquent, je me demande ce que ce taux vient faire dans une stratégie de dissuasion, notamment si on compte l'utiliser pour justifier l'application de peines plus sévères. Que cherche à accomplir cette disposition? La plupart des gens qui conduisent avec des facultés affaiblies ne cherchent pas à enfreindre la loi ou à blesser autrui, mais ils doivent quand même assumer la responsabilité de leur négligence criminelle.
Nous avons fixé notre seuil « criminel » à 0,08 %, et la loi est la loi. Nous avons choisi cette limite pour de nombreuses raisons, mais en ce qui concerne le degré de risque et la mesure dans laquelle l’alcool affecte le jugement, 0,08 %, c'est déjà beaucoup. Pour la majorité des Canadiens, cela correspond à une consommation d’alcool excessive. Selon moi, cet amendement semble dire que le fait d’être arrêté avec un taux d’alcoolémie de 0,08 % est grave, mais que de l’être avec un taux de 0,12 % est pire, même s’il n’y a eu aucun accident dans les deux cas.
Nous avons fixé une limite raisonnable — certains la décriront comme excessivement indulgente — pour la conduite avec facultés affaiblies. Pourquoi voudrions-nous réduire ou brouiller l’importance de la valeur repère actuelle en ajoutant une valeur repère plus élevée?
Un autre aspect de cette question concerne l’utilité d’une arrestation liée au taux d’alcoolémie. Comme je l’ai fait remarquer, une arrestation n’est pas une façon particulièrement fiable de prévoir la récidive. Du reste, je n’ai jamais entendu un conducteur aux facultés affaiblies me dire que le fait de dépasser 0,08 % n’était pas assez et qu’il était motivé à conduire avec un taux d’alcoolémie encore plus élevé.
En fait, ce qui se produit habituellement, c’est qu’ils boivent trop, souvent au point de dépasser la limite, mais en ayant toujours accès à un véhicule et l’intention de conduire. La mesure dans laquelle ils dépassent la limite est fonction de facteurs autres qu’une négligence accrue de leur part ou qu’un plus grand mépris de la sécurité des autres. À vrai dire, la plupart des personnes ne boivent pas à ce point ou en sont tout simplement incapables.
Il n’est pas rare que les gens qui conduisent avec des facultés affaiblies affirment qu’elles se sentaient en mesure de conduire juste avant d’être arrêtées, ce qui nous porte, moi et d’autres chercheurs, à formuler l’hypothèse qu’il s’agit là du signal d’une consommation mal contrôlée. De plus, les taux d’alcoolémie élevés indiquent une capacité à consommer de grandes quantités d’alcool, et donc, une possibilité de tolérance à l’alcool, qui est aussi symptomatique d’une consommation problématique. En d’autres mots, la capacité d’évaluer le degré d’ébriété — ce qui est déjà difficile pour la plupart des gens — semble souvent encore moins efficace chez les conducteurs dont les facultés sont affaiblies, et ils ont une plus grande propension à avoir un problème d'alcool.
Dans cette optique, une arrestation liée au taux d’alcoolémie est vraisemblablement un indicateur plus efficace des habitudes de consommation problématiques et d’une consommation proprement dite que le risque associé à la conduite avec facultés affaiblies. D’un point de vue clinique, tous les deux se caractérisent par un manque de contrôle sur la consommation.
Le fait d’alourdir les peines lorsque le taux d’alcoolémie est élevé risque de punir les personnes qui ont la plus grande propension à avoir un problème qui, dans bien des cas, atteindrait le niveau d’une consommation problématique. Or, dans ce cas, le châtiment est une mesure de dissuasion ou de prévention inappropriée.
Dans de nombreux États, l’arrestation liée au taux d’alcoolémie est utilisée au moment de la remise du permis pour éclairer les décisions en matière de remédiation ou de thérapie. Selon moi, il s’agit là d’une façon mieux appropriée de réagir à une consommation problématique révélée par un taux d’alcoolémie élevé, car elle s’inscrit dans une stratégie de santé publique plutôt que dans une stratégie d'ordre juridique axée sur la dissuasion ou le châtiment.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invitée.
Je suis professeure et chercheuse à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke. Mes sujets principaux de recherche sont la conduite avec capacités affaiblies et les jeunes conducteurs.
En fait, moi aussi, j'aimerais vous proposer des suggestions de clarification du nouveau paragraphe 320.27(3), qui porte sur le contrôle aléatoire et sa définition. J'aimerais suggérer que le libellé de cette proposition soit clarifié. Peut-on parler ici de contrôles aléatoires, de contrôles obligatoires lors d'actions policières précises orchestrées pour réduire la conduite avec les capacités affaiblies, ou de contrôles obligatoires en tout temps et en toutes circonstances lors de la conduite d'un véhicule? Il existe des différences importantes entre ces trois définitions.
D'abord, lorsqu'on parle de quelque chose d'aléatoire, on va souvent dire que cela est fait ou choisi au hasard. Donc, une séquence de contrôles aléatoires devrait être générée, par exemple, à l'aide d'une séquence de nombres aléatoires. Cette séquence indiquerait quels véhicules devraient être arrêtés afin de soumettre le conducteur à un test d'alcoolémie, ou quel conducteur arrêté pour diverses raisons par les policiers devrait fournir un échantillon d'haleine. Ces techniques aléatoires sont déjà utilisées par les douaniers, qui peuvent demander aux voyageurs d'appuyer sur le bouton d'un appareil, ce qui va indiquer si la personne devra faire l'objet d'une fouille plus complète.
Le mot « obligatoire » sera défini par « ce qui est exigé par la loi, ce à quoi l'on ne peut se soustraire ». Le mot « aléatoire » n'est donc pas un synonyme du mot « obligatoire », qu'il soit considéré lors d'actions policières précises ou en tout temps et en toutes circonstances lors de la conduite d'un véhicule. Toutefois, les mots « aléatoire » et « obligatoire » pourraient être utilisés pour décrire deux types d'activités compatibles, que je pourrai décrire plus tard.
La définition qui est retrouvée sous « contrôle aléatoire », au paragraphe 320.27(3), ressemble donc plutôt à la description du contrôle obligatoire, en tout temps et en toutes circonstances, lors de la conduite d'un véhicule. Cela ne suggère en rien la notion d'aléatoire ni celle de motifs raisonnables. Cela suggère même plutôt l'obsolescence des motifs raisonnables, puisque le contrôle obligatoire en tout temps va englober les motifs raisonnables.
Donc, la définition au paragraphe 320.27(3) m'apparaît permettre les dépistages obligatoires autres que ceux qui sont faits dans le cadre d'actions policières précises pour réduire la conduite avec capacités affaiblies, lors desquelles tous les conducteurs sont arrêtés. Le libellé suggère aussi que des contrôles obligatoires pourraient être faits par des agents de la paix qui travaillent de façon individuelle ou en duo. Ils ne comportent pas le dépistage de tous les conducteurs sans la nécessité de motifs raisonnables de soupçonner la consommation.
J'aimerais suggérer d'encadrer ces actions policières qui ne comportent pas le contrôle obligatoire systématique de tous les conducteurs. Cela pourrait être possible, par exemple, en utilisant une séquence aléatoire de détermination des véhicules à arrêter, ou une séquence aléatoire des conducteurs contrôlés, une fois qu'ils ont été arrêtés pour diverses raisons. Une séquence aléatoire pourrait être conservée en archives afin de démontrer à la population la nature aléatoire du contrôle obligatoire qui est demandé, et aussi pour protéger le travail des policiers. Il s'agit ici de combiner la sélection aléatoire, faite au hasard, avec le contrôle obligatoire. La sélection aléatoire pourrait être aussi utile lorsqu'il y a des grands débits de véhicules, par exemple, et qu'on ne veut pas arrêter tout le monde.
En bref, il est suggéré de clarifier la signification des termes « aléatoire » et « obligatoire ». Par ailleurs, il y a une zone grise dans la définition du contrôle obligatoire dans des circonstances dans lesquelles tous les conducteurs ne sont pas testés systématiquement et lorsqu'il n'y a pas de motifs raisonnables de soupçonner la consommation. Donc, la combinaison du contrôle aléatoire et du contrôle obligatoire dans ces circonstances pourrait permettre de donner à la population le sentiment que ses droits sont respectés, tout en participant à la démonstration que la probabilité d'être testé est élevée. Cela permettrait aussi de protéger le travail des policiers.
J'aimerais soulever un autre point. Le contrôle obligatoire de l'alcoolémie semble associé à une réduction de la conduite avec les capacités affaiblies. Toutefois, comme le résume bien le document qui a été préparé par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, le nombre de tests qui devraient être faits au Canada afin d'atteindre les cibles de réduction se chiffrent en millions.
Il faudra donc que, en parallèle avec les changements, on prévoie donner aux provinces et aux corps policiers la capacité de mettre en place ces procédures en ce qui touche l'éducation de la population, des policiers et des juges. Il faudra penser également aux coûts et aux effectifs nécessaires sur le terrain.
Par ailleurs, si on considère l'ampleur du projet de loi proposé et ses ramifications pour les codes des différentes provinces, de même que la nécessité d'informer et de former toutes les parties, je suggère d'avoir une date d'entrée en vigueur beaucoup plus lointaine que 90 jours. Il faut prévoir un minimum de 9 à 12 mois sur le terrain afin que tous les intervenants soient prêts et comprennent bien tous les changements proposés. Les objectifs visés pourraient ainsi être atteints d'une façon beaucoup plus efficace.
Je souhaite également donner mon appui à l'alinéa 320.27(2)d), où il est stipulé que le fait que la personne a été impliquée dans une collision ayant entraîné une blessure fait partie des motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne a consommé de l'alcool. Cette initiative m'apparaît importante à la fois sur le terrain, après une collision, et pour dépister les conducteurs blessés envoyés dans les hôpitaux.
D'une part, en ajoutant l'implication dans une collision parmi les motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne a consommé de l'alcool, on donne aux policiers la possibilité de faire reconnaître la collision comme un motif raisonnable, ce qu'ils avaient souvent de la difficulté à faire auparavant. D'autre part, l'alinéa 320.27(2)d) constitue une possibilité offerte aux policiers, et non pas une obligation. Le contrôle obligatoire m'apparaît nécessaire dans le cas d'une collision ayant entraîné des blessures.
Que les contrôles deviennent obligatoires ou constituent plus facilement un motif raisonnable de soupçonner qu'une personne a consommé de l'alcool ne sous-tend pas qu'ils seront appliqués systématiquement. Ma suggestion générale est que les provinces et les responsables des corps policiers des différentes compétences suggèrent fortement aux policiers d'appliquer les contrôles, sinon de prendre les mesures nécessaires pour faire un dépistage systématique de tous les conducteurs impliqués dans une collision ayant entraîné des blessures et qui ont été transportés à l'hôpital.
Les informations recueillies dans le cadre de ces actions pourraient contribuer à démontrer que la probabilité d'être testé est élevée, ce qui est souhaité par tous. Elles permettraient également de mieux évaluer l'ampleur de l'alcoolémie dans les collisions avec blessures.
Pour terminer, j'aimerais aussi indiquer mon appui aux éléments qui vont permettre aux policiers de faire prélever des échantillons des conducteurs blessés à la suite d'une collision. On sait que la majorité des conducteurs qui ont été blessés dans une collision et transportés à l'hôpital et dont le taux d'alcool dépassait la limite permise ne sont pas condamnés. Une revue de la documentation faite en 2015 par Robert S. Green et ses collègues, qui couvre cinq études canadiennes, révèle que le pourcentage de condamnation dans ces cas se situe à moins de 20 %. Plusieurs facteurs expliquent ces faibles taux. Notamment, on note la difficulté d'identifier le type d'intoxication et d'obtenir un échantillon admissible. Il y a également un manque de ressources pour bien appliquer la loi.
Les changements apportés à la loi, comme l'alinéa 320.27(2)d) qui ajoute les collisions avec blessures aux motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne a consommé de l'alcool, ainsi que les changements qui décrivent la procédure d'émission des mandats — pensons aux délais plus longs pour les obtenir — vont permettre de tenir compte de plusieurs problèmes décrits dans la revue de la documentation.
Toutefois, il faut aussi noter le besoin d'une plus grande aide dans l'application de la loi. Il faut parfois beaucoup de temps aux policiers pour procéder dans les cas d'hospitalisation. Je suggère fortement de donner aux corps policiers la capacité de recourir à ces nouvelles procédures afin de maximiser leur efficacité.