:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Bonjour tout le monde.
Merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui pour parler du projet de loi . Mon allocution portera sur deux domaines principaux. La première partie exposera la réponse de haut niveau du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS).
C’est une étape positive qui nous permet de nous pencher sur l’examen et la responsabilisation en matière de renseignement au Canada. Il y a peu de temps, j’étais ici pour discuter de la création d’un comité de parlementaires dans le contexte du projet de loi . Je suis une fois de plus ici pour parler de la proposition du gouvernement de créer l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ou l'OSSNR. J'utiliserai ce sigle. Je n'aime pas du tout utiliser les acronymes OSSNR, CPSNR, CSARS ou SIRC, etc., mais nous sommes obligés de le faire. Je disais donc que l'OSSNR sera chargé d'examiner les activités de renseignement et de sécurité nationale à l'échelle du gouvernement.
En effet, conformément au projet de loi devant vous, l'OSSNR examinera toute activité exercée par le SCRS ou le CST, l'exercice par tout autre ministère ou organisme de ses activités liées à la sécurité nationale ou au renseignement, et toute autre question liée à la sécurité nationale dont il est saisi par un ministre. Ce qui nécessite un examen spécial de la sécurité nationale du type que le CSARS effectue depuis plus de 30 ans auprès de nombre d’autres ministères et organismes, notamment l’ASFC et la GRC. L’on pourra ainsi corriger les lacunes que tant de personnes, y compris le CSARS, ont commentées pendant des années.
[Français]
Le nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le CPSNR, créé récemment s'est ajouté aux propositions relatives au nouveau commissaire au renseignement. Ensemble, les trois entités constitueront un changement important dans le système de responsabilisation en matière de renseignement au Canada.
J'aimerais prendre une minute pour décrire au Comité le mandat et les responsabilités du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ou CSARS. Je soulignerai surtout que le CSARS est un organisme d'examen externe indépendant qui rend compte au Parlement des activités du SCRS.
[Traduction]
Le CSARS a trois responsabilités principales: effectuer des examens approfondis des activités du SCRS, mener des enquêtes sur les plaintes et certifier le rapport annuel du directeur du SCRS destiné au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Essentiellement, le CSARS a été créé pour fournir au Parlement et, par extension, aux Canadiens, l’assurance que le SCRS mène des enquêtes et signale les menaces pour la sécurité nationale dans le respect des lois et des droits des Canadiens.
Le CSARS s’est acquitté fidèlement de son mandat au cours de son histoire et il a eu un impact. Cela a été démontré récemment par la décision que la Cour fédérale a rendue en octobre 2016 confirmant la pratique de longue date du CSARS d’évaluer la légalité des activités du SCRS, y compris la façon dont le SCRS applique le seuil « strictement nécessaire » pour recueillir et conserver l’information. Grâce à son travail d’examen, le CSARS a contribué à des discussions générales sur le type de renseignements que le SCRS peut recueillir et conserver, comme nous le constatons dans les dispositions sur l’ensemble de données du projet de loi .
[Français]
Cependant, le projet de loi précise clairement que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ou l'OSSNR, est une entité entièrement nouvelle qui ne sera pas créée par le CSARS ni par le bureau du commissaire du CST, mais par une volonté de faire progresser la reddition de comptes au Canada. Le CSARS et le bureau du commissaire du CST seront dissous à la création de l'OSSNR.
Le CSARS, de concert avec ses partenaires et ses homologues du milieu de l’examen, réclame depuis longtemps un changement de cette nature, qui permettra d’éliminer les cloisonnements qui ont si longtemps entravé l’examen.
Lorsque la décision a été prise au Canada il y a plus de 30 ans de créer le CSARS, elle représentait l’une des meilleures réflexions sur la responsabilisation en matière de renseignement, mais c’est une nouvelle ère, avec de nouveaux défis en matière de reddition de comptes. En tenant compte de l’expérience importante des autres, le Canada a l’occasion, après y avoir réfléchi, de façonner à nouveau la responsabilisation.
L’élément parlementaire de la reddition de comptes signifie la création d’un comité de parlementaires, que vous connaissez déjà, j'imagine. Je suis heureux que le gouvernement ne se soit pas arrêté à la création du CPSNR et qu’il ait accordé une attention égale à l’examen d’experts, qui est fait par le CSARS.
[Traduction]
Sur le plan international, nous pouvons voir nos alliés ajouter de la substance aux structures d’examen et de surveillance responsables de la sécurité nationale. Au Royaume-Uni, un nouveau Investigatory Powers Commissioner’s Office, ou bureau du Commissaire aux pouvoirs d’investigation, a été mis sur pied. En Nouvelle-Zélande, l’importance de l’inspecteur général a doublé et, en Australie, l’élargissement de la taille et des attributions de l’inspecteur général pour le renseignement fait l’objet de discussions actives.
Les délibérations du Canada sur la responsabilisation se déroulent à un moment où la réflexion sur la reddition de comptes des organismes du renseignement a évolué, ce qui se traduit par des attentes de transparence accrues chez le public. À cette fin, l’une des grandes forces du projet de loi est la disposition qui permet à l’organisme de publier des rapports spéciaux lorsqu’il estime qu’il est dans l’intérêt public de rendre des comptes sur toute question liée à son mandat. Le nouvel organisme transmettra ces rapports au ministre compétent qui devra ensuite les faire déposer devant chaque chambre du Parlement.
Cela permettra au nouvel organisme de signaler un problème important au ministre et au public en temps opportun. Le CSARS n’est actuellement pas en mesure de le faire, ce qui a limité sa capacité de présenter les résultats de ses activités de façon plus opportune. À la lumière des récentes déclarations du gouvernement concernant la transparence, il s’agit d’une disposition importante. En même temps, nous remarquons qu’aucune disposition dans le projet de loi n’oblige le SCRS à publier un rapport public parallèlement à celui qui est exigé du CST à cet égard. Dans l’intérêt de la transparence, le CSARS considère qu’il s’agit d’une lacune importante que le comité devrait examiner dans ses délibérations.
[Français]
Le projet de loi indique clairement que le CSARS et son expérience seront essentiels à la mise en oeuvre des dispositions proposées. Les dispositions transitoires précisent qu’à l’entrée en vigueur de la partie 1, les membres du CSARS, dont je suis, devront être membres de l'OSSNR pour le reste de leur mandat. Dans les majorité des...
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Sans utiliser toutes les 10 minutes, j'aimerais présenter cinq points.
Premièrement, si j'étais moi-même député — et je sais bien que je ne le suis pas —, j'aurais très volontiers voté oui à la deuxième lecture. Je crois que ce projet de loi réussit à traiter simultanément des questions et préoccupations en matière de sécurité ainsi que des préoccupations liées à la Charte et aux droits juridiques.
Je dis bien « traiter simultanément ». Les gens parlent d'un équilibre entre les deux. Je ne crois pas qu'un tel équilibre soit nécessaire. Chaque élément a une importance telle qu'il mérite d'être traité indépendamment, puis rajusté au besoin.
C'est là mon opinion, car ce projet de loi vise un aspect central, le niveau de menace auquel le Canada et ses alliés sont confrontés. En dehors de ça, il n'y a aucune raison d'apporter des changements. Il n'y a qu'une seule raison pour laquelle nous avons établi ces agences et leur capacité d'examen, et c'est le fait que nous sommes confrontés à diverses menaces dans les domaines du terrorisme, de l'espionnage, de l'ingérence étrangère et des cyberactivités.
Dans ces domaines, on peut raisonnablement déduire que nos adversaires restent déterminés à poursuivre leurs activités contre le Canada et nos alliés ici et ailleurs. Il n'est pas difficile, à mon avis, de voir comment un rééquilibrage des rapports de force dans le monde augmente considérablement l'instabilité mondiale et ouvre des possibilités à nos adversaires, États et non-États, et nous ne faisons que commencer à maîtriser les cyberattaques. Je crois que les pouvoirs supplémentaires proposés dans le projet de loi, ainsi que les nouvelles dispositions de surveillance, sont à l'image de ce nouveau monde pas-si-courageux-que-ça.
Je n'ai qu'une seule préoccupation précise à soulever concernant les dispositions du projet de loi se rapportant au commissaire au renseignement proposé. Cette préoccupation ne porte pas réellement sur l'équilibre sécurité-droits, si je peux me permettre de me contredire; il s'agit plutôt d'une question de machinerie gouvernementale ou de reddition de comptes. Le projet de loi confère au commissaire la décision finale au sujet d'un certain nombre d'activités du CSTC et du SCRS, ce qui, à mon avis, devrait être la responsabilité des ministres de la Couronne et non pas d'un représentant nommé. Conférer à un ancien juge, aussi éminent soit-il, la responsabilité de la légalisation de certaines activités est une chose — et une bonne chose —, mais assurément le « caractère raisonnable » devrait s'inscrire dans les responsabilités des ministres et des fonctionnaires qui relèvent d'eux.
Sur le plan pratique, si quelque chose va mal à l'avenir, et si cette Chambre ou le Sénat, ou encore une commission royale, examine la question, il me semble que le veto que l'on propose d'accorder à un représentant nommé fera en sorte qu'il sera trop facile pour le ministre du moment d'échapper à l'obligation de rendre compte. Je répète, ce n'est pas une question de sécurité, et si je soulève ce point en tant que Canadien intéressé, c'est que, à mon avis, nous devrions avoir davantage de respect pour le principe fondamental de notre constitution orale selon laquelle la responsabilité des situations délicates revient aux ministres et non pas aux représentants nommés.
Selon les dispositions proposées actuellement, ce sont les agences, le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Justice, le ministre et un représentant nommé, qui peut ne rien savoir de la sécurité nationale, qui détermineront en fin de compte s'ils peuvent aller de l'avant pour ces diverses activités. Si un juge nommé commissaire a la responsabilité de déterminer la légalité, je veux bien. Bien que ce soit tout à fait légal pour le Parlement de faire cela, il me semble qu'accorder un tel veto fondamental à un représentant nommé change fondamentalement un des principes sous-jacents de notre système de gouvernement.
Je vais m'arrêter là. J'ai diverses opinions sur certaines autres parties du projet de loi. Si vous avez des questions, c'est avec plaisir que je tenterai d'y répondre.
Merci, monsieur le président.
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Merci à tous de votre présence aujourd'hui.
La plupart de mes questions s'adresseront à vous, monsieur Fadden.
Vous êtes ici en tant que particulier et vous avez une immense connaissance du domaine de la sécurité nationale. J'aimerais tout d'abord votre avis sur le CST et la proposition d'autoriser le CST à constituer des cybercapacités offensives.
La semaine dernière, nous avons entendu Ray Boisvert, qui, comme vous le savez, est l'ancien directeur adjoint du SCRS. D'après lui, la meilleure défense est une bonne offensive. À son avis, quand les rumeurs courent que plus de cinq douzaines de pays sont en train de développer des cybercapacités actives, cela signifie que nous devons développer des capacités pour y répondre, et, dans certains cas, cela s'étend au-delà de nos frontières.
Je vous vois acquiescer, et j'en conclus que vous êtes d'accord. Dans ses observations devant le Comité la semaine dernière, M. Boisvert a même été jusqu'à suggérer que, en fait, nous sommes en retard et que cela aurait déjà dû être fait. Pouvez-vous nous parler de cela?
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Oui. Merci, monsieur le président.
Dans l'ensemble, je conviens que les pouvoirs proposés pour le CSTC sont une bonne chose. Je dirais les choses quelque peu différemment. M. Boisvert a dit qu'une bonne défense fait appel à une offensive. À mon sens, en cybernétique, il est difficile en réalité de distinguer l'offensive de la défense; pour cette dernière, par exemple, on peut rester au Canada et bâtir des pare-feu. Cela est purement défensif, et c'est ce que nous faisons maintenant. Mais quand on sait que quelqu'un est sur le point de venir nous causer du tort, est-ce en réalité une offensive que de tenter de faire quelque chose pour se défendre? Je dirais que cela relève encore de la défense, quoi que ce soit une zone grise. L'offensive signifie prendre les devants avec un plan et une stratégie et tenter de causer du tort à quelqu'un d'autre.
Au strict minimum — et je suis d'accord avec le projet de loi —, il faut donner au CSTC la capacité d'agir à l'extérieur du Canada et à prendre des mesures positives. Je précise aussi que je suis d'accord avec M. Boisvert. Ce sont des choses que tous nos proches alliés font depuis un certain temps déjà, et nous avons fait l'objet de certaines critiques voilées pour n'avoir pas été capables d'en faire de même. Je précise par ailleurs que l'existence même de ce pouvoir ne signifie pas qu'il sera utilisé allègrement.
Cependant, je suis d'avis que les cyberopérations et les cyberactivités constituent un des plus grands défis de nos jours, et il nous faut avoir cela pour nous défendre, dans le sens le plus large de la notion de défense.
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Merci, monsieur le président.
Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, je changerais les pouvoirs donnés au commissaire. Je pense que ces pouvoirs vont au-delà de ce qui est nécessaire et qu'ils touchent beaucoup trop aux pouvoirs ou à la responsabilité fondamentale d'un ministre. Je veux être bien clair: M. Goodale n'est pas en cause ici. Je parle d'un point de vue institutionnel.
Je donnerais au CST le pouvoir très clair et non ambigu d'aider les provinces. Le libellé actuel de la loi limite généralement ce que le CST peut faire aux institutions gouvernementales fédérales. Aujourd'hui, tout est relié. En ne donnant pas au CST le pouvoir d'intervenir dans les provinces et le secteur privé — chose qu'il fait maintenant —, cela envoie un message un peu ambigu.
Je ne suggère pas nécessairement un changement au projet de loi. Comme je l'ai dit, de façon générale, c'est un bon projet de loi. Pour avoir travaillé au SCRS et pour avoir été conseiller à la sécurité nationale, je commence à m'inquiéter de ce qu'on demande aux institutions soumises à l'examen de M. Blais et de ses collègues ainsi que de la Cour fédérale. Le nouveau comité des parlementaires, le nouveau CSARS, le commissaire et la Cour fédérale, tout cela mis ensemble met un poids non négligeable sur les institutions gouvernementales.
Lorsque je suis allé au SCRS, j'ai été vraiment surpris de voir que la plupart des demandes devant la Cour fédérale comptent quelque 150 pages, même les plus petites demandes. Je ne dis pas qu'on demande trop de choses dans un cas particulier, mais que cela requiert beaucoup de ressources. Je ne suis pas persuadé que le gouvernement donne à ses institutions suffisamment de ressources pour qu'elles s'acquittent efficacement de l'examen dont M. Blais a la responsabilité.
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Auparavant, nous n'avions que deux ou trois organismes chargés d'examiner l'aspect sécurité nationale. Maintenant, nous en avons 19 en tout, et vous dites que ce pourrait peut-être être trop. Je ne crois pas.
L'OSSNR sera créé. Ce sera un nouvel organisme une fois le projet de loi adopté. Nous examinerons les choses au cas par cas. Quand nous commencerons en tant qu'OSSNR, nous n'aurons probablement pas une douzaine d'enquêtes dans le domaine des finances, du transport ou d'un autre domaine. Nous irons là où la menace réelle se trouve. C'est là que nous étudierons la situation.
Nous nous plaignions que nous n'avions pas accès aux autres ministères et institutions qui touchent à des questions de sécurité nationale, mais nous ne pouvions pas y avoir accès. Maintenant, nous y avons accès. Cela ne signifie pas que nous passerons tout notre temps là.
En général, au début de l'année, nous dressons un plan. Nous rencontrons l'organisme, avec le SCRS, ou avec... M. Fadden le sait. Nous n'arrivons pas un matin comme des fleurs en disant « Nous voulons voir ça et ça. » Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous ne pouvons pas le faire. Nous ne pouvons pas intervenir dans leurs opérations. Nous préparons un plan. Nous déclarons que nous étudierons ceci et cela, et nous en faisons rapport au ministre et au Parlement. C'est ainsi que nous fonctionnons, et ça ne changera pas. Nous aurons davantage de souplesse pour examiner les choses que nous n'avions pas le droit d'examiner auparavant. Ce sera mieux pour les Canadiens, à mon avis, parce que la reddition de comptes sera meilleure.
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Je vous remercie de votre question. Je vous ferai la réponse habituelle, mais cette fois, je pense sincèrement ce que je dis.
Je ne l'ai pas dit dans mes observations préliminaires, mais la partie de ce projet de loi quasi omnibus consacrée à la communication d'information au sein du gouvernement fédéral est, à mon sens, trop compliquée. Selon moi, toute institution du gouvernement fédéral devrait avoir une obligation positive de communiquer à une liste précise d'institutions toute information ou question qu'elle pourrait avoir au sujet de la sécurité nationale.
Avec le projet de loi tel qu'il est libellé actuellement, il faut avoir travaillé 15 ans au ministère de la Justice pour comprendre les normes et pour savoir s'il existe ou pas une obligation positive. Je pense que c'est mieux que quand j'étais au SCRS et qu'il n'existait aucune protection juridique, mais je ne crois pas que le texte en l'état dise clairement à tout le monde que le principal objectif est ici de communiquer l'information relative à la sécurité nationale afin d'éviter une crise.
Si on lit cette partie du projet de loi, je ne crois pas que ce soit ce qui en ressort. Il y a tellement de conditions, de critères minimaux et ainsi de suite que je ne pense pas qu'il satisfasse à la norme. Par conséquent, s'il est une partie du projet de loi que vous devriez, à mon avis, chercher à clarifier, c'est celle-ci. J'aurais été plus tranquille, quand j'étais au SCRS, au sujet de ce que vous mentionniez, mais j'aurais toujours craint que quelqu'un à RHDCC ou à Patrimoine canadien qui serait tombé sur une information hésiterait encore à appeler pour dire « Nous avons un problème ».
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Voilà une vaste question. Je crois, de manière générale, qu'on leur donne des outils. C'est comme dans beaucoup d'autres domaines: tant qu'on n'est pas sur le terrain même à les essayer, c'est difficile à dire.
Je n'ai pas compté, mais le nombre de fois où il est question de « protection des renseignements personnels » dans ce projet de loi est stupéfiant. Je suis autant favorable à la protection des renseignements personnels que quiconque, mais je me demande parfois si nous ne mettons pas tellement l'accent dessus que nous dissuaderons des gens de toucher à des informations qui ont trait à la sécurité nationale. Je crois, cependant, que nous avons de manière générale les outils.
Ce qui m'inquiète un peu, et je le dis avec tout le respect que je dois à M. Blais et à ses collègues, c'est que la capacité d'examen, l'efficacité des examens, du moins au départ, impose un fardeau considérable. Les ministères qui n'ont jamais eu affaire au CSARS vont tout à coup devoir trouver une définition pratique.
Je crois, pour appeler un chat un chat, qu'il sera difficile de définir la sécurité nationale. Je comprends ce que disait M. Blais. Il n'est pas évident pour quelqu'un qui travaille à Patrimoine canadien ou au ministère de l'Agriculture ou à l'ACIA de se dire que ce qu'il fait pourrait avoir une incidence sur la sécurité nationale. Il y a une logique facile à suivre, et il faut pour cela utiliser l'information fournie par le CSTC, mais plus généralement... Je vais vous donner un exemple.
Un sous-ministre m'a appelé un jour, quand j'étais au SCRS, pour me dire que son ministère était chargé de faire différentes choses dans tout le pays par rapport à des personnes et qu'il lui semblait, à certains faits, être en présence d'une ingérence étrangère et que nous devrions nous en occuper. Quatre mois plus tard, nos avocats en sont arrivés à la conclusion qu'ils n'étaient pas certains qu'il s'agissait de sécurité nationale, mais qu'ils étaient à peu près sûrs qu'ils ne pouvaient pas intervenir, étant donné la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Avec tout le respect que je dois aux avocats — j'étais moi-même jadis avocat —, il me semble que nous devons trouver un moyen de simplifier certains de ces concepts. Je sais qu'une fois le projet de loi adopté, s'il est adopté, il y aura des instructions opérationnelles, mais j'ose espérer qu'à certains égards, sur certains aspects du projet de loi, nous pourrions être un peu moins juridiques et un peu plus clairs.
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Je vous remercie. Monsieur le président, membres du Comité, bonjour. Au nom de l'Association canadienne des avocats musulmans, je vous remercie de l'invitation à soumettre des mémoires au sujet du projet de loi .
Je vais d'abord vous présenter l'Association. Elle fête cette année son 20e anniversaire. Nous sommes basés à Toronto et nous comptons environ 200 membres dans l'ensemble du Canada qui travaillent dans tous les domaines du droit, y compris en cabinet privé et dans l'administration.
Pour ce qui est des activités de défense des intérêts, nous avons toujours comparu devant la Cour suprême du Canada pour que soient conciliés droits individuels et intérêts de l'État. Nous aidons également, par l'éducation juridique, la communauté juridique et le public en général.
Nous avons pour objectif sous-jacent de promouvoir une justice équitable. Depuis 2001, nous avons eu le privilège de témoigner devant les comités parlementaires et sénatoriaux chargés de l'examen de la politique et du droit en matière de sécurité nationale.
Quant à ma propre expérience, je suis avocat criminaliste et plaide depuis 16 ans des affaires devant toutes les instances. J'ai été avocat dans plusieurs affaires relevant de la sécurité nationale. Je donne, par ailleurs, un cours à l'Université de Toronto sur la sécurité nationale. Aujourd'hui, je m'adresse à vous en qualité de président de l'Association canadienne des avocats musulmans.
Je souhaite, dans mon exposé, parler de deux aspects fondamentaux.
Le premier est positif. Nous pensons que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale a un grand potentiel, surtout s'il est suffisamment doté en personnel.
Ensuite, j'en viendrai aux sources de préoccupation. En particulier, le projet de loi passe sous silence un élément clé de la sécurité, à savoir le critère juridique minimal pour la fouille de dispositifs numériques à la frontière. En outre, nous sommes très préoccupés par un manque d'équité et de respect de la Charte en ce qui concerne les entités inscrites, visées par la partie 7 du projet de loi.
Je parlerai d'abord de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale, dont il est question à la partie 1. Par souci de simplicité, j'utiliserai l'acronyme, OSSNR. Cette institution peut devenir un pilier solide de notre démocratie en fournissant des examens rigoureux des organismes chargés de la sécurité nationale et de leurs partenaires. Plus de pouvoirs étant conférés aux services de renseignement pour contrer des menaces changeantes, l'OSSNR répond à la nécessité plus grande d'examens et de supervision efficaces. Son mandat est assurément vaste, ce qui nous paraît positif, car il comprend l'examen des activités du SCRS, du CST et de la GRC, le traitement des plaintes visant ces services, la commande d'études et la préparation de rapports annuels, ainsi que la présentation de rapports au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Ce mandat clair tient compte des pouvoirs croissants conférés à différents organismes afin qu'ils puissent mener à bien des opérations de sécurité nationale. De toute évidence, ils ont des pouvoirs accrus pour ce qui est de recueillir des données, d'échanger des renseignements, de mener une surveillance, de protéger davantage les informateurs et de prendre des mesures préventives.
Tout cela se fait principalement ex parte ou derrière des portes closes. Il est donc essentiel d'avoir un organisme d'examen très solide pour éviter que des erreurs se produisent.
Comment, donc, nous assurer qu'un organisme d'examen solide puisse jouer son rôle de manière équitable? Le gouvernement a précisé qu'il est attaché à des institutions représentatives, et l'OSSNR examinera les activités de sécurité et traitera les plaintes. À notre avis, il est essentiel, pour que l'OSSNR soit efficace, qu'il se compose d'un groupe de personnes diverses. Il ne devrait pas tomber dans les écueils des organismes de surveillance inefficaces dont le personnel manque d'indépendance et d'impartialité.
Dans la réponse de 2006 à la tragédie de l'affaire Arar, les recommandations 19 et 20 conseillaient expressément que la GRC, l'ASFC et le SCRS améliorent la composition de leur personnel et sa formation afin d'éviter des erreurs reposant sur le profilage racial et religieux. La même logique doit s'appliquer à l'OSSNR. Notre crainte est que, comme le montre la poursuite intentée dernièrement par plusieurs employés du SCRS alléguant que certains gestionnaires du SCRS exercent une discrimination à l'encontre de musulmans doublée de stéréotypes, il n'y ait guère de conséquences lorsque ces comportements répréhensibles sont signalés. Il faut donc une formation plus poussée, une meilleure supervision et une composition diversifiée.
En plus des membres de l'OSSNR, dont la loi prévoit qu'ils doivent être au moins au nombre de trois et au plus de six, il y aura évidemment de nombreux employés qui aideront dans les enquêtes et prêteront assistance à ces membres. Il y aura un directeur général qui aidera à la dotation en personnel de l'Office.
Selon nous, les personnes à ces postes qualifiés élevés doivent être au courant de la perspective de la communauté. La nature de l'information à recueillir et l'examen de décisions gagneraient à une diversité de points de vue.
Nos amis des services de police ont confirmé qu'il est essentiel de travailler avec la communauté musulmane pour repérer les menaces et résoudre des affaires importantes. Les cas qui en attestent sont nombreux, mais il existe aussi des cas où les choses se sont mal passées et où des membres de la communauté ont été maltraités par ces mêmes services. Pour être légitime, l'OSSNR doit reconnaître ce point de vue,
Des directives législatives quant aux qualifications nécessaires, à la composition du personnel de l'Office et aux corps d'origine de son personnel seraient utiles. Par exemple, ce serait un plus important si la loi précisait qu'une personne doit venir de l'appareil judiciaire, une autre du milieu universitaire et une autre encore de la communauté en ayant une connaissance de ces questions.
Par ailleurs, en ce qui concerne les manques du projet de loi , je suis d'avis que des directives législatives sont nécessaires pour préciser dans quelles circonstances l'ASFC peut fouiller des dispositifs numériques à la frontière. Nous pouvons nous étendre sur le fait que le projet de loi marque un progrès dans la conciliation des droits individuels et des intérêts de l'État, mais la réalité sur le terrain est qu'il est possible de contourner toutes ces dispositions en fouillant les dispositifs numériques de voyageurs à la frontière. La Loi sur les douanes doit être révisée. Elle date des années 1980, époque où les dispositifs numériques n'étaient pas la norme, et il y était question de la fouille des bagages des voyageurs.
L'utilisation de la collecte de données est l'avenir de la sécurité nationale et les dispositifs qu'emportent les gens font manifestement partie intégrante de l'équilibre à trouver entre les intérêts individuels et la protection de notre sécurité. Dans le monde d'aujourd'hui, la plupart des gens voyagent. Les Canadiens de retour au pays sont facilement soumis à la fouille sans restriction de leurs dispositifs numériques. Il faut adopter un meilleur critère juridique minimal qui tienne compte de la nature de la technologie. À l'heure actuelle, les douanes et le gouvernement estiment qu'il n'existe pas de critère juridique minimal qui empêche de fouiller les cellulaires, les portables et ainsi de suite des personnes qui se représentent à la frontière. Même avec une attente réduite de protection des renseignements personnels dans ce contexte, il devient essentiel qu'il y ait au moins un critère juridique minimal quelconque. Autrement, il devient facile de contourner les dispositions du Code criminel ou les modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés visant à protéger l'échange de renseignements lorsque des personnes se présentent à la frontière à leur retour, sans qu'il leur reste aucune protection.
Enfin, je parlerai brièvement de la partie 7 du projet de loi sur les entités inscrites. Il y a une omission fondamentale dans le Code criminel à laquelle il faut remédier.
Les entités inscrites sont, comme vous le savez, actuellement inscrites en application d'un régime administratif qui permet au de déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si une entité devrait être inscrite ou pas.
La difficulté, c'est que des organisations privées de leurs actifs ou dont les actifs sont bloqués sont dans l'impossibilité de prendre un avocat pour présenter des propositions au ministre ou pour participer à un contrôle judiciaire obligatoire. En fait, à notre sens, cette omission est contraire à la Constitution. On se trouve devant une infraction à l'article 7 en même temps qu'une infraction à l'article 10, car ces entités n'ont pas la possibilité d'engager un avocat pour se défendre. Cette faiblesse constitutionnelle pourrait poser un sérieux problème à cette loi à l'avenir.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer. Mon exposé est terminé et je répondrai volontiers à vos questions.
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Je vais faire la présentation au nom de la Ligue. Par la suite, l'un ou l'autre d'entre nous répondra aux questions.
La Ligue des droits et libertés, ou la LDL, tient à exprimer ses remerciements aux membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de cette invitation à témoigner sur le projet de loi . La Ligue rappelle qu'elle est intervenue régulièrement depuis le 11 septembre 2011 pour défendre la primauté des droits et libertés enchâssés dans les instruments internationaux et nos chartes, dans le contexte de ce qui a été appelé « la guerre au terrorisme ».
À l'automne 2016, lors des audiences de ce comité, ainsi que dans le cadre de la consultation publique, la LDL est intervenue pour demander le retrait pur et simple de la loi C-51, qu'elle jugeait inutile et dangereuse. La LDL demandait également la mise en place d'un mécanisme efficace de surveillance des activités de sécurité nationale qui irait dans le sens des recommandations de la Commission Arar. Le projet de loi C-59 ne répond que partiellement à ces attentes.
Premièrement, nous accueillons favorablement la création de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Certaines conditions devront cependant être remplies pour que l'Office puisse accomplir son mandat de chien de garde. La tâche qui attend l'Office ne doit pas être sous-estimée. L'Office ne peut se contenter de recevoir des plaintes du public et des rapports des organismes qu'il doit surveiller. Il doit avoir le pouvoir d'initier lui-même des enquêtes.
De plus, l'Office doit se voir explicitement confier le mandat de vérifier que les activités des agences en matière de sécurité nationale s'exercent en conformité avec les droits et libertés enchâssés dans notre Constitution. Ce mandat doit également inclure la révision des instructions et directives ministérielles afin qu'elles se conforment à la Charte des droits et libertés. À ce sujet, nous soulignons que les instructions et directives ministérielles relatives au partage d'information doivent être modifiées afin de se conformer à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le nombre d'organismes impliqués en matière de partage de renseignement est important. En 2005, la Commission Arar en dénombrait 24. La tâche de ce mécanisme de surveillance sera donc considérable, et celui-ci demeurera une coquille vide s'il n'a pas les ressources matérielles, humaines et financières pour accomplir son mandat. Notons également que la reddition de comptes publique de l'Office prévue dans le projet de loi est trop limitée et qu'un rapport annuel ne suffit pas. Non seulement le ministre, mais aussi le public et le Parlement devraient être informés lorsque l'Office découvre des pratiques non conformes à la Charte.
Le fait que les recommandations de l'Office soient non contraignantes est également une préoccupation. À défaut de les rendre contraignantes, les organismes visés par les recommandations devraient être obligés de rendre publique la manière dont ils en ont disposé.
Enfin, l'Office devrait avoir le pouvoir et les moyens de collaborer avec des organismes semblables d'autres pays. Les organismes de sécurité nationale et de renseignement travaillent de concert au niveau international et les organismes chargés de les surveiller devraient pouvoir faire de même.
Cela m'amène à aborder les pouvoirs du CST. Le CST pourra, malgré toute autre loi fédérale ou loi d'un État étranger, intercepter quoi que ce soit dans l'infrastructure mondiale de l'information. Cela permet, par exemple, au CST d'intercepter les communications des citoyens des États-Unis, alors que la NSA fait de même pour les citoyens canadiens, et de partager ensuite ces informations. Le projet de loi C-59 doit prévoir que les agences canadiennes ne peuvent obtenir d'agences d'autres pays des informations sur les Canadiens qu'elles n'auraient pas été en droit d'obtenir en vertu des lois canadiennes.
Bien que le projet de loi C-59 propose de mieux baliser certains des articles les plus inquiétants de la loi C-51, des problèmes fondamentaux demeurent. L'abrogation des investigations judiciaires est bienvenue. Cependant, une personne pourra toujours être détenue préventivement pendant sept jours sans accusation, bien que le seuil qui permet cette détention ait été relevé dans le projet de loi C-59. Nous demandons le retrait de cette mesure et de toute disposition antérieure portant sur cette mesure.
Quant aux pouvoirs accordés au SCRS par la loi C-51, tels que modifiés par le projet de loi C-59, ils restent une préoccupation majeure. Le pouvoir accordé au SCRS de constituer légalement des bases de données sur l'ensemble des Canadiens est inacceptable. Il n'y a pas de restriction sur les données que le SCRS peut compiler, pourvu qu'elles soient considérées comme publiques, ce qui est très large. D'autres ensembles de données pourront être compilés après l'approbation d'un juge sur la base de critères très faibles. Il suffit qu'il soit probable que la conservation de ces données aide le Service.
En vertu de ces dispositions, le SCRS pourra continuer, en toute légalité, d'espionner et de monter des données et des dossiers sur des groupes contestataires, écologistes, autochtones et autres qui ne font qu'exercer leurs droits démocratiques. Le SCRS pourra compter sur le soutien du CST qui, lui aussi, pourra acquérir, utiliser, analyser, conserver et divulguer de l'information accessible au public et dont le mandat inclut l'assistance technique au SCRS. Ces bases de données pavent également la voie au Big Data et à l'exploration de données qui mènent à la constitution de listes de personnes sur la base de profils de risque. Nous sommes opposés à cette approche de la sécurité, qui finit par placer des milliers d'innocents sur des listes de suspects et qui cible de manière disproportionnée les musulmans et les musulmanes.
Avec le projet de loi , le SCRS pourra continuer de prendre des mesures actives, notamment de perturbation, pour contrer les menaces. Les mesures peuvent limiter un droit ou une liberté garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, si un juge accorde un mandat autorisant la prise de ces mesures. Soulignons que ces autorisations judiciaires sont consenties dans le secret, ex parte, de sorte que les personnes visées par ces atteintes à leurs droits ne pourront pas plaider devant le juge leur « innocence » ou le caractère déraisonnable des mesures. II se peut même qu'elles ignorent que le SCRS soit à l'origine de leurs déboires, ce qui les empêcherait de porter plainte après les faits. Ces pouvoirs évoquent les abus révélés par la Commission Macdonald pour contrer la menace séparatiste. En conséquence, nous sommes fermement opposés à l'octroi de ces pouvoirs au SCRS.
Nous sommes également extrêmement déçus de constater que la liste d'interdiction de vol est maintenue dans la Loi sur la sûreté des déplacements aériens. Les personnes inscrites ne sont pas informées des motifs de leur inscription, et si elles les contestent en appel, le juge entend la cause, encore une fois ex parte, sur la base de preuves que la personne n'est pas en mesure de contester et qui peuvent même être inadmissibles en justice.
Le Comité des droits de l'homme a dénoncé ce manque de recours efficaces dans ses observations adressées au Canada en 2015. Cette situation est d'autant plus inadmissible que la contribution de cette liste à la sécurité du transport aérien n'a jamais été démontrée. Des pays comme la France et l'Angleterre, qui sont plus visés que le Canada par des attentats, n'ont pas de telles listes sans que cela affecte la sécurité de leurs avions. Nous demandons que cette loi soit abrogée et que toute liste d'interdiction de vol soit abolie.
La Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada permet à 17 agences du gouvernement de partager l'ensemble des informations détenues par le gouvernement canadien. Bien que le projet de loi ajoute au préambule que l'application de cette loi doit se faire dans le respect de la vie privée, ses dispositions vont à l'encontre même de ce principe. Comme l'a souligné le commissaire à la vie privée devant ce comité, le 7 décembre dernier, cette loi ne répond pas aux exigences de protection de la vie privée. Le critère pour communiquer et recevoir de l'information doit correspondre à ce qui est strictement nécessaire. Nous appuyons également la demande du commissaire quant au rôle qu'il devrait jouer dans cet échange d'information et l'application d'une telle loi.
Nous vous soumettons en guise de conclusion notre liste de recommandations relatives au projet de loi . Bien que certaines mesures apportées par ce projet de loi soient les bienvenues, plusieurs éléments devront être modifiés ou supprimés pour garantir les droits et libertés des Canadiens.
Nos recommandations sont les suivantes: que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement dispose des ressources matérielles, humaines et financières nécessaires pour accomplir son mandat; que l'Office de surveillance ait pour mandat de vérifier que les activités des agences en matière de sécurité nationale s'exercent en conformité avec les droits et libertés enchâssés dans notre Constitution; que l'Office fasse rapport publiquement des violations qu'il aura constatées et de ses recommandations; que les organismes visés par les recommandations soient tenus de rendre publique la manière dont ils en ont disposé; que, dans l'exercice de son mandat, l'Office puisse partager des informations avec des organismes équivalents d'autres pays; que les agences canadiennes ne puissent obtenir d'agences d'autres pays des informations sur les Canadiens qu'elles n'auraient pas été en droit d'obtenir elles-mêmes en vertu des lois canadiennes; que le projet de loi abroge le paragraphe 83.3(4) du Code criminel permettant la détention préventive pendant sept jours sans accusation; que le critère pour donner et recevoir de l'information dans l'application de la Loi sur la communication d'information soit celui de ce qui est « strictement nécessaire »; que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ait le mandat de vérifier le respect de la vie privée des Canadiens dans l'application de cette dernière loi; que soit retiré au SCRS le pouvoir de prendre des mesures actives, notamment de perturbation, pour contrer les menaces; que la Loi sur la sûreté des transports aériens soit abrogée et que toute liste d'interdiction de vol soit abolie.
Je vous remercie.
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Merci d'avoir posé cette question.
D'après ce que m'a dit le directeur du CST au sujet de la collecte et de la conservation des données, la loi exige que les données anodines soient détruites. Ce n'est que dans le cas où elles offrent un intérêt sur le plan du renseignement de sécurité qu'il est possible de passer aux étapes suivantes pour déterminer s'il est possible de les communiquer au cours de leur période de conservation.
Il serait bien évidemment utile d'adopter le critère de la nécessité pour préciser et expliquer aux agences concernées les cas dans lesquels elles doivent conserver des données.
Je crois que lorsque le mot « nécessité » est utilisé dans le contexte de la sécurité nationale, il n'est pas considéré de la même façon que lorsqu'il s'agit, par exemple, de lois pénales ou autres. En fait, il est plus facile pour le gouvernement de respecter ce critère dans le contexte de la sécurité nationale.
Il est possible de répondre à ceux qui critiquent l'emploi d'un critère fondé sur la nécessité, comme celui que vous proposez, qu'un tel critère ne serait peut-être pas aussi restrictif qu'il pourrait l'être dans d'autres contextes, et qu'étant donné qu'il assure une certaine protection, il semblerait souhaitable de fournir ce genre de directive à l'agence concernée.
Un des graves dangers auxquels nous faisons face est que la collecte de données devienne une chose normale dans notre société. Il existe de très nombreuses sources de données auxquelles ont accès les agences de renseignement et l'on peut se demander ce qui se passera avec tous les renseignements obtenus? Comment vont-ils être entreposés et pendant combien de temps vont-ils être conservés?
Si l'agence possède au 1er janvier un type de renseignement qui peut avoir un intérêt sur le plan du renseignement, et qu'il apparaisse ensuite qu'il n'a plus d'utilité, dans le sens que la personne visée n'est plus un suspect, c'est le genre de cas dans lequel j'aimerais que ce genre de renseignement soit détruit. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un document a semblé être utile à un moment donné qu'il devrait être permis de le conserver indéfiniment.
Comme je l'ai mentionné dans mon intervention initiale, je pense que le gouvernement et l'opposition devraient repenser la loi sur les douanes. C'est un texte législatif qui est tout à fait dépassé pour ce qui est de la capacité d'examiner la technologie numérique.
Lorsque vous parlez d'équilibrer les droits individuels et l'intérêt de l'État, il est évident que nous sommes partisans des mesures qui vont protéger le Canada et renforcer notre sentiment de sécurité. Cela dit, nous avons tous des appareils numériques, et cela comprend tous les membres du Comité. Vous avez tous des portables. Ils contiennent des renseignements particulièrement sensibles et la Cour suprême a déclaré qu'il n'y avait pas d'atteinte plus grave à la vie privée que l'examen d'un portable ou d'un appareil numérique personnel. Les agents des douanes et de l'Agence des services frontaliers du Canada qui sont là pour protéger nos frontières ont besoin d'une directive qui leur indique jusqu'où ils peuvent aller pour ce qui est d'examiner les appareils numériques d'un citoyen. À l'heure actuelle, ils n'ont rien pour les guider.
Cette loi, en particulier son article 99, fait en fait référence à une époque où il s'agissait de fouiller des bagages. Les effets personnels pouvaient ensuite être fouillés et la fouille à corps était alors permise si les soupçons se concrétisaient. Les appareils numériques sont toutefois des choses tout à fait différentes et il faudrait que la loi soit mise au niveau de la technologie.
Si vous ne le faites pas, je peux vous dire que ce projet de loi fera l'objet de contestations constitutionnelles dans les cas où les appareils numériques des personnes rentrant au pays auront été examinés. Je pense que la Cour suprême dira qu'il faut adopter un critère juridique et que si ce critère n'est pas respecté, il y aurait une violation constitutionnelle.
Quel serait le critère approprié? Vous pourriez commencer par choisir le soupçon raisonnable, un critère très large qu'un agent de l'ASFC n'aurait pas beaucoup de difficulté à respecter. Il devrait uniquement fournir les motifs qui l'amènent à penser qu'une personne est suspecte. Le critère des motifs raisonnables serait préférable, même s'il n'est pas, lui non plus, très difficile à respecter. Je sais, monsieur, que vous avez travaillé dans la police et que vous connaissez bien ces deux critères.
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Oui, il y a un rapport. Je vais essayer de revenir aux principes fondamentaux.
Si vous examinez un projet de loi qui a des répercussions disproportionnées sur le traitement des femmes, par exemple, je crois que tout le monde dirait qu'il serait approprié de l'aborder selon la perspective des femmes et que le comité chargé de l'examiner devrait prendre connaissance des diverses opinions des femmes à ce sujet. Si vous examinez une question qui a des répercussions disproportionnées sur la collectivité autochtone, il paraîtrait logique de tenir compte du point de vue des Autochtones. C'est exactement ce que nous demandons pour ce qui est de la sécurité nationale.
C'est un phénomène qui est simple et qui est bien connu à notre époque, pour les motifs que vous a fournis le groupe de témoins précédent — l'ancien directeur du SCRS et les agences de sécurité — on s'intéresse encore de près à la radicalisation au sein de la collectivité musulmane. Parallèlement, on constate qu'il y a un certain degré de collaboration et ce qu'on oublie lorsqu'on politise ces questions, c'est le fait qu'en réalité la collectivité musulmane travaille en étroite collaboration avec le SCRS et la GRC pour les aider à identifier les menaces à la sécurité et à déterminer ce qu'il convient ou ne convient pas d'examiner. Cette collectivité subit également les répercussions de ce travail, ce qui est regrettable, en raison de la nature des événements. Lorsque de grandes organisations essaient d'examiner le comportement d'une collectivité tout entière, il est inévitable qu'il y ait certaines transgressions.
Nous aimerions que l'office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement tienne compte de cette perspective. Il ne s'agit pas ici d'action affirmative, qui reviendrait à dire que, par exemple, il faudrait que le personnel de cet organisme soit composé d'un nombre x de musulmans. Il faut en arriver à diversifier les perspectives — celles des personnes qui comprennent ces questions et qui possèdent les compétences pour les étudier. Premièrement, il est important d'assurer une diversité idéologique.
Deuxièmement, il me paraît important d'avoir une bonne idée de ce que vivent concrètement les membres de cette collectivité, et il semble qu'effectivement, les gens comprendront mieux ces répercussions s'ils sont membres de la collectivité en question. Il existe à l'heure actuelle de nombreuses personnes compétentes dans les universités et les professions juridiques qui pourraient être fort utiles pour exercer cette fonction. C'est pourquoi il me paraît important que le Comité examine cet aspect et qu'il pense peut-être à introduire dans le projet de loi une disposition concernant la composition de cet office de surveillance.
Il y a aussi une autre omission importante, ce qui me paraît surprenant. Aujourd'hui, il n'y a aucun avocat de la liste des avocats spéciaux qui possède ce genre de compétence. Ne vous méprenez pas. Il y a des avocats éminents sur cette liste, des avocats que je connais et que je respecte, mais si vous parlez d'intervenir au cours d'une audience secrète et de fournir au juge qui la préside une perspective au sujet du genre d'expert qu'il conviendrait d'entendre ou du genre d'information qu'il conviendrait d'obtenir, il serait bon d'avoir quelqu'un qui connaît bien ces questions.