:
Merci, monsieur le président.
Je vous assure que je ferai une utilisation très conservatrice de mon temps.
[Français]
Bonjour à toutes et à tous.
Je m'appelle Steven Blaney. Je suis ici devant vous aujourd'hui à titre de député.
Je voudrais également vous saluer, monsieur le président, ainsi que vous, honorables membres du Comité.
Je suis très fier d'être parmi vous aujourd'hui. Je voudrais d'abord vous féliciter du travail que vous avez entrepris relativement au projet de loi , qui porte sur la conduite avec facultés affaiblies. D'entrée de jeu, je dirais qu'il s'agit ici d'une approche non partisane.
Aujourd'hui, nous avons l'occasion de faire progresser une loi qui va sauver des vies humaines. Je crois que c'est vraiment la politique à son meilleur, et je suis très fier d'en faire partie.
Je voudrais aussi souligner la présence du sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, qui sera le parrain du projet de loi au Sénat.
Si c'est le bon vouloir du Comité, le projet de loi sera renvoyé au Sénat qui pourra l'étudier plus à fond jusqu'à ce qu'il soit adopté et devienne une loi.
Plus vite nous adopterons ce projet de loi, plus vite nous pourrons dire, comme parlementaires de cette législature, que nous avons contribué à sauver des humaines.
[Traduction]
L'objectif du projet de loi est de sauver la vie de Canadiens, et ce, de façon non partisane. Vous constaterez peut-être qu'une partie du projet de loi est inspirée d'un ancien projet de loi conservateur, mais nous y avons inclus des ajouts proposés par Les mères contre l'alcool au volant, qui sont parmi nous aujourd'hui. Je salue en passant leur présidente.
Vous savez, lorsqu'on travaille sur de tels dossiers, on rencontre toujours des gens qui, malheureusement, ont perdu un être cher en raison de l'alcool au volant. C'est la même chose pour Families For Justice. Je tiens à remercier Markita et Sheri d'être là aujourd'hui. Nous aurons l'occasion d'entendre les témoins durant la deuxième partie de la réunion.
Vous connaissez tous le projet de loi. C'est assez simple. Il compte trois piliers. Le premier concerne la rationalisation du processus judiciaire, et ce, principalement dans deux domaines: la défense bidon et le dernier verre. Au fil du temps, certaines échappatoires ont été utilisées pour nuire à l'application de la loi et empêcher que certaines peines soient imposées. L'heure est venue d'éliminer ces échappatoires. C'est la première partie du projet de loi.
La deuxième partie du projet de loi concerne la conduite avec facultés affaiblies. Il est suggéré d'appliquer des peines minimales obligatoires. Je sais qu'il y a des discussions à ce sujet, mais nous y reviendrons tantôt.
La troisième partie concerne la détection obligatoire. C'est quelque chose qui a été ajouté à l'ancien projet de loi conservateur, après une longue discussion que j'ai eue avec Les mères contre l'alcool au volant et après avoir passé en revue l'avis juridique de M. Hogg, que vous connaissez tous probablement très bien. Il a déclaré très clairement que les voies publiques sont un endroit où la loi devrait s'appliquer pleinement et que conduire un véhicule est un privilège. Lorsque je conduis un véhicule, je dois avoir mon permis de conduire et respecter les règles de la route, mais je dois aussi être sobre. Lorsque je ne respecte pas l'une de ces exigences, je ne respecte pas la loi, et dès que je suis dans un endroit public, surtout sur la route, un agent de police devrait toujours avoir le pouvoir de s'assurer que je respecte la loi. Je ne suis pas dans mon salon; je suis sur la route.
M. Hogg a prouvé clairement que cette mesure est tout à fait conforme avec la Charte des droits et que c'est aussi très raisonnable dans une société comme la nôtre. En fait, c'est quelque chose qu'on fait dans de nombreux pays dans le monde. Comme vous le savez, il a été prouvé qu'il s'agissait d'une façon efficace de sauver des vies.
Il y a trois ou quatre décès chaque jour. Je viens de la ville de Québec. La semaine dernière, six membres de notre communauté sont décédés à la suite d'un crime haineux. Il n'y a aucun mot pour décrire à quel point cet événement est horrible. Cependant, il s'agit ici de quelque chose qui se produit presque quotidiennement au pays, et nous pouvons y mettre fin. Nous pouvons y mettre fin en appliquant les règles qui ont fait leurs preuves et qui permettent de sauver des vies. C'est ce que vous avez devant les yeux.
[Français]
Monsieur le président, je vais continuer en français et revenir sur un enjeu particulier, soit celui des peines minimales.
Lors de la dernière législature, les projets de loi et ont été présentés respectivement par Randy Hoback et Mark Warawa, deux collègues conservateurs que j'estime beaucoup.
D'abord, j'ai une recommandation d'amendement au projet de loi. J'aimerais qu'on inclue dans le projet de loi C-226 la disposition d'homicide au volant, qui était prévue dans le projet de loi . Nous voulons empêcher les récidivistes de faucher des vies humaines sur la route. Je vous fais cette suggestion parce que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour véritablement réduire, au moyen de la législation et du Code criminel, la première cause de décès sur les routes.
Concernant le projet de loi qu'il avait présenté, mon collègue Randy Hoback me disait que, si une personne se fait prendre avec un taux d'alcoolémie qui représente le double de la limite permise, on devrait lui imposer une peine plus sévère.
Je m'adresse à mes collègues libéraux. Je sais qu'ils ne sont pas toujours à l'aise en ce qui concerne les peines minimales. En avril 2015, le député de a appuyé le projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue Randy Hoback. J'adopte vraiment une approche non partisane. Vous aurez reconnu, bien sûr, que je parle du premier ministre Trudeau. À cette époque, il mentionnait ce qui suit:
[Traduction]
Grâce à ce changement [homicide commis au volant d'un véhicule automobile], une déclaration de culpabilité aurait plus de poids, et, on peut l'espérer, constituerait une mesure plus dissuasive à l'égard des éventuels conducteurs aux facultés affaiblies.
Chers collègues, voici la question que je veux vous poser: pouvons-nous vraiment nous permettre d'avoir toutes ces discussions rhétoriques si nous pouvons sauver une vie en nous assurant qu'une personne passe une année de plus en prison plutôt qu'être de retour sur la route et de risquer la vie d'autres personnes? C'est la question que je veux vous poser.
Selon moi, en tant que parlementaires, nous devrions envoyer un message clair aux gens qui causent des décès alors qu'ils ont les facultés affaiblies, lorsqu'ils ont consommé de l'alcool. Nous avons vu dans le passé la durée des peines pour avoir causé des décès augmenter, mais nous avons encouragé les juges et les tribunaux à imposer des peines minimales assez raisonnables. Je crois que quatre ans, c'est très peu, mais c'est une façon d'envoyer un message pour dire que c'est là que la barre se trouve. Il faut aller encore plus loin pour ce qui est des peines maximales.
M. Trudeau a aussi écrit aux représentants de Families For Justice au sujet du projet de loi , un deuxième projet de loi d'initiative parlementaire, qui avait été déposé par Randy Hoback. Voici ce qu'il a dit:
Le projet de loi augmente les pénalités contre quiconque conduit alors qu'il est en état d'ébriété avancé. Le projet de loi augmente aussi les pénalités liées à la conduite avec facultés affaiblies causant la mort.
Oui, nous pouvons soutenir le projet de loi de façon non partisane. C'est un projet de loi qui a été rédigé avec un seul objectif: sauver des vies canadiennes.
[Français]
J'aimerais vous donner un exemple.
Au Saguenay, un homme a fauché une famille complète en août 2015. Certaines personnes qui sont ici ont vécu des expériences semblables et ont transformé leur douleur en motivation.
Monsieur Di Iorio, je vous admire. J'admire aussi le courage de votre fille et son projet de taxi. Ce sont de très belles initiatives. Il est donc possible de transformer cette douleur en action pour éviter que d'autres vies soient fauchées. C'est précisément le but du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui.
Comme vous avez pu le constater, j'ai envoyé beaucoup de documentation.
[Traduction]
Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
:
Je vous remercie de votre question.
J'aimerais souligner que nous tous, à savoir les parlementaires, les politiciens et le gouvernement, allons bénéficier d'une loi qui permettrait de sauver des vies humaines.
Un volet de mon projet de loi vise à éliminer la défense du dernier verre, c'est-à-dire lorsqu'un conducteur prétend qu'il a un taux d'alcoolémie supérieur à 80 mg par 100 ml de sang au moment du test parce qu'il a consommé une certaine quantité d'alcool immédiatement avant de prendre le volant. Autrement dit, ce conducteur n'avait pas bu de la soirée, mais juste avant de partir, il a bu rapidement un verre, a pris le volant et a eu un accident. Au moment de l'accident, il n'était peut-être pas selon lui en état d'ébriété, mais quand la police l'a arrêté, il était dans cet état. Pourtant, plusieurs de ses amis auraient affirmé qu'il n'avait pas bu de la soirée sauf tout juste avant de partir.
Il a été démontré que cette défense est une façon de contourner la loi et d'éviter de faire face à ses responsabilités. On prétend que l'alcool ne s'était pas encore transmis dans le système au moment de l'accident. Le projet de loi vise donc à limiter aussi la défense du verre qui est consommé par la suite. C'est l'autre mécanisme qui est proposé.
Je vous encourage donc, si vous ne l'avez pas déjà fait, à inviter à comparaître des représentants du ministère de la Justice. Ils vont être en mesure de répondre aux questions au sujet de détails plus poussés à cet égard.
Ce projet de loi a quand même été préparé par les fonctionnaires du ministère de la Justice. Je suis donc persuadé que les mesures qui sont préconisées sont pleinement conformes aux exigences constitutionnelles. L'objectif est d'alléger les procédures judiciaires pour qu'une décision soit rendue et qu'on évite de pénaliser les victimes et les contribuables. Il faut se rappeler que quand une cause traîne devant les tribunaux, tous les contribuables sont contraints de payer les frais afférents.
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Pour commencer, je tiens à vous remercier, monsieur Miller — je ne vous appellerai pas Larry aujourd'hui —, merci beaucoup. Vous soulevez un point très important et crucial. Voici comment je vais répondre: ce projet de loi est construit, je dirais, comme une chaise. Retirer une des pattes de la chaise réduit l'efficience générale du projet de loi. Le projet de loi est assorti d'une solide composante liée à la dissuasion — les peines minimales obligatoires —, et cela a de nombreux avantages. Je dirais que, si une personne représente une menace pour la société, plus longtemps cette personne est derrière les barreaux, plus elle a de temps pour se réadapter ou obtenir de l'aide, si je peux m'exprimer ainsi, pour surmonter ce que j'appellerais, probablement, une dépendance.
Voilà pour la première partie.
La deuxième partie, comme je l'ai mentionné, c'est la rationalisation du processus. On peut bien avoir les meilleures lois en ville ou dans le monde, mais si notre système judiciaire est bloqué par des défenses bidon, il y a là déni de justice.
Et voici le troisième aspect: de quelle façon pouvons-nous nous assurer que, dès le départ, nous empêchons ces personnes — et je pourrais être dans le lot — de conduire avec les facultés affaiblies? Eh bien, toutes les questions mènent à une réponse: la seule façon d'empêcher quelqu'un de prendre les clés de sa voiture et de faire démarrer sa voiture, c'est la peur d'être arrêté par la police.
[Français]
Nous sommes des êtres humains. Il est démontré que la façon la plus efficace d'empêcher qu'une personne en état d'ébriété prenne la route est qu'elle craigne de se faire arrêter par la police.
[Traduction]
C'est au coeur de la dissuasion, et tout le monde est d'accord. C'est la raison pour laquelle le projet de loi obtient un aussi grand soutien des agents de police, des familles, des représentants du système de justice et des Mères contre l'alcool au volant. C'est un fait qui a été prouvé clairement. Elles vont probablement mieux vous expliquer que moi que lorsqu'on craint d'être arrêté par la police alors qu'on conduit avec les facultés affaiblies, on ne le fait pas.
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Merci, Tony, de la question.
En ce qui concerne les récidivistes, le principal problème, c'est qu'ils sont eux-mêmes des victimes, d'une certaine façon, d'une dépendance à une drogue, l'alcool. Ils ont besoin de soutien. Ils peuvent obtenir du soutien grâce à notre système de réadaptation lorsqu'ils sont dans une prison fédérale. Le problème que nous avons rencontré au fil des ans, c'est que, dans certains cas, des récidivistes récupèrent leur permis de conduire le lendemain d'un accident causant la mort. Vous allez dire que cela ne se produit pas. Je l'espère bien.
Ce que nous devons faire, c'est envoyer un message clair grâce aux peines minimales obligatoires, et j'ai donné l'exemple du actuel, qui était tout à fait d'accord dans les cas des conducteurs en état d'ébriété avancé. Nous devons dire clairement que le Canada n'accepte pas le fait que ce soit la principale cause de décès criminels et affirmer qu'il veut rejoindre les autres pays qui ont mis en place des mesures permettant de prévenir ces accidents — ces crimes — de se produire. C'est la raison pour laquelle j'ai défini certaines peines minimales obligatoires, selon la nature de l'accident, et pour cibler les cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort.
Une autre des choses qu'il y a dans le projet de loi, et je vous invite à y réfléchir et à y donner votre soutien, c'est la notion des peines consécutives. Encore une fois, cet accident qui s'est produit a ôté la vie à de nombreuses personnes, et il doit y avoir des conséquences adaptées au crime.
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Merci, monsieur Dubé, de votre question.
Encore une fois, je suis heureux de prendre une pause au cours de la course à la chefferie puisque j'estime que c'est un sujet très pertinent à aborder. Justement, je présentais aujourd'hui mes thèmes sur la justice, avec l'appui du sénateur Boisvenu.
Pour répondre à votre question, c'est complémentaire. C'est conséquent avec mon action politique des derniers 10 ans. En toute candeur, je tiens à souligner que mon expérience politique avec M. Harper m'a beaucoup familiarisé avec le sort des victimes. Auparavant, je n'étais pas nécessairement sensibilisé à cet enjeu. J'ai eu l'occasion de rencontrer, très tôt au cours de mes années comme député, des gens ayant vécu des traumatismes personnels. Cela ne me laisse pas indifférent. C'est dans cette optique que nous sommes allés de l'avant.
Pour en revenir à votre question sur les sentences minimales, sachez ceci. Actuellement, une sentence pour une accusation de conduite avec facultés affaiblies causant la mort est d'environ sept ans ou sept ans et demi. La dernière sentence qui a été portée à mon attention était de sept ans et demi. Je propose qu'on impose un seuil de quatre ans. Il s'agit vraiment d'un plancher. En fait, vous pourriez plutôt me reprocher d'avoir proposé une sentence minimale trop basse. En fait, je ne vois pas comment on pourrait aller sous un tel seuil.
Cela envoie le signal à notre système judiciaire qu'on établit un seuil minimal et qu'on peut, selon la nature du crime, aller beaucoup plus loin avec les peines consécutives comme le propose le projet de loi.
Sachez que j'ai pleinement confiance en notre système judiciaire. Toutefois, comme parlementaires, nous devons envoyer des signaux qui correspondent à la réprobation de la population et au dégoût qu'elle ressent envers une certaine inertie responsable, encore aujourd'hui, du fait que quatre personnes vont perdre la vie sur nos routes. C'est quatre décès de trop. Dans cette optique, il me semble tout à fait pertinent de présenter des mesures et des sentences minimales qui sont très conservatrices.
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Oui, absolument. Merci beaucoup de la question.
Comme vous l'avez mentionné, deux des trois principaux éléments du présent projet de loi reprennent celui que j'avais déposé avec mon collègue Peter MacKay et qui avait fait l'objet d'une confirmation juridique. Pour ce qui est du dépistage systématique, monsieur Dubé, je dirais qu'il s'agit d'un genre de Kalachnikov sur le plan juridique. C'est vraiment l'avis de M. Hogg. J'ai déjà eu l'occasion de partager cet avis et je peux vous le soumettre de nouveau.
Cela démontre clairement — et répond aussi à la question de M. Miller — qu'en aucun cas on n'enfreint les libertés individuelles si, sur une voie publique, on vérifie si une personne respecte le code de la route, a un permis de conduire valide et est en état d'ébriété.
Évidemment, cela n'a rien à voir avec une personne qui est dans son salon un samedi soir, qui est sur sa propriété privée et qui peut bien faire ce qu'elle veut. Cependant, le fait de pouvoir emprunter une voie publique est un privilège qui nous est donné, mais qui vient avec des obligations. À cet égard, l'avis juridique de M. Hogg, qui, m'a-t-on dit, est un juriste éminemment respecté au Canada, a clairement établi qu'il n'y avait...
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Blaney, chers collègues et mesdames et messieurs de MADD et de Families for Justice, j'aimerais vous dire à quel point votre participation est précieuse. L'initiative que vous avez prise et les efforts que vous faites sont admirables.
Vous avez fait allusion à l'expérience que j'ai vécue, que je continue à vivre et à la façon dont on peut la transformer. Demain, de l'autre côté de la rivière, à Gatineau, ma fille présidera des consultations publiques à ce sujet au nom du gouvernement du Québec. On continue à travailler très fort dans ce domaine.
J'ai vécu chaque étape de ce processus, mais évidemment, je ne suis pas ici en tant que témoin. La seule étape que je n'ai pas vécue est celle du décès. Je sais que des gens dans la salle l'ont vécue et toutes mes bonnes pensées les accompagnent. Chacune de ces étapes a des conséquences et entraîne de la douleur.
Comme vous le savez, je suis avocat. J'ai donc des questions sur les modalités législatives et sur la politique législative.
Dans le processus par lequel nous sommes passés, beaucoup de choses m'ont affecté, dont le peu d'égard qu'on a pour les victimes. J'ai dû intervenir personnellement, et je crois que le fait d'être avocat a fait une différence. Si je n'avais pas été avocat, l'agresseur de ma fille n'aurait pas été trouvé coupable et ne serait pas allé en prison. Trop de choses nous auraient échappé et il aurait fallu que notre famille retienne les services d'un avocat.
Même si je suis avocat, à un moment donné, je me suis demandé si je ne devrais pas retenir les services d'un autre avocat. Comme j'avais la chance d'avoir des amis et collègues qui me soutenaient, je n'ai pas eu à le faire formellement.
Monsieur Blaney, vous avez présenté un projet de loi d'initiative parlementaire. Vous avez été ministre et avez fait partie du Cabinet. Pour ma part, j'ai une vision de ce que pourrait être une solution globale à ce problème. Dans le système actuel, il y a une immense lacune en ce qui concerne le traitement des victimes et des familles et au soutien qu'on leur apporte. Cela a une incidence directe sur la prévention.
Vous avez fait partie du gouvernement pendant longtemps. Pourquoi ne présentez-vous pas une solution plus globale? Par exemple, sans que je sache vraiment pourquoi, vous abrogez ou vous déplacez une partie des articles. J'aimerais que vous commenciez par répondre à cela et nous parler par la suite de ce que pourrait être une solution globale.
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Premièrement, je ne peux que saluer votre compassion à l'égard des victimes et votre compréhension, malheureusement toute personnelle, de cet enjeu.
Tout récemment, je parlais justement avec des victimes. Une d'entre elles me disait que les victimes ont l'impression de n'être pas entendues et qu'on ne voulait pas les entendre. Je suis très fier des efforts faits par le sénateur Boisvenu par rapport à la Charte canadienne des droits des victimes. Je pense que c'est notre responsabilité collective d'aborder ces questions.
Je vous interpelle, puisque vous faites partie du parti gouvernemental qui est au pouvoir. On a mis en place une Charte canadienne des droits des victimes. Maintenant, il est important de donner pleine force aux principes de consultation, de respect, d'écoute et d'indemnisation qui y sont énoncés.
Cette charte n'est que le début d'un nouveau chapitre. Évidemment, on doit soutenir davantage les victimes. Une des choses que j'entends souvent est qu'on devrait imposer une juste peine aux individus qui commettent des homicides au volant. Présentement, il y a un sentiment d'injustice parce qu'on pense que les peines sont trop faibles. On considère que c'est un crime de conduire en état d'ébriété. Cela se retrouve d'ailleurs dans le Code criminel. Selon moi, une façon de répondre à cet appel des victimes est d'instaurer des peines minimales.
Je considère que ce projet de loi d'initiative parlementaire est déjà très ambitieux, si on le compare à un projet de loi consistant simplement à instituer la Journée de l'arbre, et je dis cela respectueusement. C'est très ambitieux, mais je me suis appuyé sur les travaux faits dans ce domaine.
Encore une fois, le dépistage systématique nous permettra de franchir un jalon important afin de réaliser cette vision globale. Le projet de loi , qui est à l'étude, est un pas dans la bonne direction, à savoir l'adoption d'une vision plus globale pour améliorer la situation des victimes.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Blaney, d'être parmi nous aujourd'hui. Merci aussi aux témoins des Mères contre l'alcool au volant et de Families For Justice. Merci de vos plaidoyers, merci de défendre la cause et de nous la présenter.
J'aimerais relever des commentaires et des questions soulevés par ma collègue, Mme Watts. La première question dont j'aimerais vous parler concerne le caractère aléatoire et l'exactitude même de cette expression. Les dispositions législatives, dans leur forme actuelle, ne mentionnent le caractère aléatoire que dans le titre d'un paragraphe, et l'expression ne semble avoir aucune signification juridique. Essentiellement, elle prévoit ce qui suit: « L'agent de la paix qui a en sa possession un appareil de détection approuvé peut ordonner à la personne qui conduit un moyen de transport » de se soumettre à un test.
Certains diront qu'il n'y a rien d'aléatoire dans l'esprit humain. La seule manière d'en arriver réellement à un caractère aléatoire absolu serait de posséder une machine qui peut décider si oui ou non il faut procéder à un test. La machine serait dotée d'un bouton sur lequel vous devez appuyer pour qu'elle vous réponde par un oui ou par un non binaire. Voilà ce qui serait aléatoire. On pourrait alléguer que toute autre façon de faire est non aléatoire. Par exemple, si un policier décide d'arrêter uniquement les camionnettes noires dans un certain quartier, les plaignants pourraient dire que ce n'est pas aléatoire et contester la disposition en alléguant le caractère non aléatoire.
Dans votre échange avec mon collègue M. Miller, vous avez dit vouloir éviter que les tribunaux soient surchargés de défenses bidon. Est-ce le caractère aléatoire qui nous importe ou le fait qu'un policier compte sur un plein pouvoir discrétionnaire pour décider d'arrêter qui que ce soit sur la route, qu'il y ait des motifs raisonnables et probables ou non, à tout moment, de façon aléatoire ou non, et de faire subir un test à cette personne?
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Pour commencer, je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de venir ici parler au nom des Mères contre l'alcool au volant, MADD Canada, de ma famille et des victimes de la conduite avec facultés affaiblies. Je m'appelle Patricia Hynes-Coates, je suis présidente nationale des Mères contre l'alcool au volant.
Comme tant de bénévoles qui ont demandé l'aide de MADD, j'ai perdu moi aussi un être cher. Le 16 août 2013, mon beau-fils, Nicholas Coates, a été tué par un chauffeur aux facultés affaiblies. Il s'en allait au travail en moto, ce jour-là, lorsqu'il a été frappé par une camionnette. L'homme qui a frappé Nicholas avait bu le soir d'avant et le matin de l'accident.
Nicholas était un fils; il était mon beau-fils. Il était un frère, un oncle, un fiancé. C'était un jeune homme travaillant et remarquable. Il était ingénieur civil. Il n'avait que 27 ans. La disparition de Nicholas a bouleversé tellement de personnes. Elle a perturbé pour toujours notre famille, ses amis et sa collectivité. Son décès n'avait aucun sens. Il n'y a aucune manière de décrire la douleur que toute la famille de Nicholas doit traverser ni à quel point elle est ressentie profondément chaque heure du jour. Il semble que cela fait une éternité que nous ne l'avons pas entendu rire ou que nous ne l'avons pas vu sourire, et pourtant il semble qu'il l'a fait hier. Nous sommes aujourd'hui brisés, nous ne sommes plus que l'ombre de qui nous étions.
Le jour où nous avons accompagné Nicholas à sa dernière demeure, son père et moi-même avons juré qu'il n'aurait pas perdu la vie en vain. Nous lui avons promis de lutter nous aussi contre la conduite en état d'ébriété, et nous lui avons promis que nous allions faire changer les choses de façon qu'aucune autre famille n'ait à subir une perte en raison de ce crime insensé.
C'est en raison de la promesse faite à Nicholas que je suis ici aujourd'hui. Je suis ici pour donner une voix à tous ceux qui ne peuvent plus se défendre eux-mêmes. Je suis ici au nom de Nicholas et des victimes de la conduite en état d'ébriété. En tant que mère, grand-mère et épouse, je sais très bien que, lorsqu'une personne disparaît, il n'y a pas moyen de la faire revenir. Je vis dans une peur constante pour mes autres enfants, pour mes petits-enfants et pour la vie de tous les Canadiens, et je suis venue ici pour encourager le gouvernement à mettre en oeuvre le programme des alcootests obligatoires tel que proposé dans le projet de loi . Donner à la police le pouvoir d'effectuer des alcootests obligatoires entraînera une importante réduction du taux de conduite en état d'ébriété. C'est un des outils les plus efficaces que nous puissions mettre en oeuvre pour empêcher les accidents de la route et sauver des vies. L'adoption du programme des alcootests obligatoires au Canada sera un important pas en avant dans notre lutte pour mettre fin à la conduite en état d'ébriété.
J'aimerais vous remercier de m'avoir permis de vous parler au nom de ma famille, et j'aimerais maintenant donner la parole à notre chef de la direction, Andrew Murie.
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Tout d'abord, je tiens à remercier notre présidente nationale, Patricia, d'avoir eu le courage de faire connaître son histoire et d'être venue ici à titre de représentante des milliers de victimes de la conduite en état d'ébriété au Canada.
MADD Canada a soumis deux documents à l'examen du comité, et ces documents donnent tous les détails touchant nos positions fondamentales.
Dans l'exposé que je vais présenter ici aujourd'hui, je m'attacherai surtout à ce qui constitue à notre avis l'enjeu le plus important du projet de loi , lequel est en fait à notre avis la plus importante mesure de lutte contre la conduite en état d'ébriété qui soit disponible, c'est-à-dire les alcootests aléatoires ou, que nous préférons appeler le contrôle obligatoire.
Les autres mesures inscrites dans le projet de loi que nous soutenons sont les changements des dispositions concernant la preuve et la procédure, lesquelles, si elles étaient adoptées, régleraient certains des problèmes techniques de la loi en vigueur, les décisions discutables des tribunaux et les autres obstacles qui nous empêchent d'appliquer la loi de manière efficace et de poursuivre les chauffeurs avec facultés affaiblies. Les chauffeurs avec facultés affaiblies seraient moins nombreux à pouvoir échapper à la responsabilité criminelle en raison de facteurs qui n'ont aucunement trait à leur comportement criminel, et ceux qui seraient condamnés se verraient imposer des peines plus lourdes.
En ce qui concerne le dossier de la conduite avec facultés affaiblies au Canada, en 2016, les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis ont publié un rapport indiquant que le pourcentage de décès attribuables à la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool, qui était de 33,6 %, était le plus élevé parmi les 20 pays à revenu élevé. C'est gênant pour notre pays, et cela indique clairement que notre gouvernement fédéral doit aller plus loin dans ses lois sur la conduite avec facultés affaiblies.
Alors que MADD Canada soutient fermement une nouvelle loi axée spécifiquement sur les mesures dissuasives, nous devons dissuader les gens de prendre le volant lorsqu'ils ont consommé trop d'alcool. Nous devons les dissuader avant qu'ils ne provoquent un accident en tuant ou en blessant quelqu'un. Ce que nous devons faire, c'est autoriser les services de police à effectuer des contrôles obligatoires.
Avant de parler des mérites du contrôle obligatoire, je dois dissiper certaines idées fausses touchant l'expression que nous utilisons, les « alcootests aléatoires ». Selon les pratiques exemplaires en cette matière, il faut contrôler tous les véhicules et demander à tous les chauffeurs de fournir un échantillon d'haleine. Les alcootests aléatoires se déroulent à peu près de la même façon que les procédures de contrôle aléatoire dans les aéroports, au Parlement, dans les tribunaux et les édifices du gouvernement. Certains témoins ont prétendu que les alcootests aléatoires allaient ouvrir la porte et permettre le harcèlement par la police, la discrimination, le ciblage des minorités visibles. Nous n'avons relevé aucune préoccupation touchant un comportement déplacé des policiers dans la littérature de recherche sur les alcootests aléatoires ou dans la pratique.
En ce qui concerne le système actuel du Canada, que nous appelons les tests d'haleine sélectifs, ou les contrôles sélectifs, seuls les chauffeurs que l'on peut raisonnablement soupçonner d'avoir bu peuvent être obligés de se soumettre à un test. Les études ont révélé que ce système laisse passer une proportion importante de personnes qui, selon la loi, conduiraient avec les facultés affaiblies. Ce système laisse passer 90 % des gens dont le taux d'alcoolémie se situe entre 0,05 et 0,079 et aussi 60 % des chauffeurs dont le taux d'alcoolémie dépasse la limite actuellement permise par la loi, 0,08.
Dans le rapport qu'il a publié en 2009, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes souligne que les méthodes actuelles d'exécution de la loi font en sorte que les policiers n'appréhendent qu'une faible proportion des personnes qui conduisent avec les facultés affaiblies, même en établissant des barrages destinés à les détecter et à les dissuader. Cela en dit beaucoup sur les effets dissuasifs des lois canadiennes sur la conduite avec facultés affaiblies.
À titre de député, , a fait la déclaration suivante devant le Parlement, le 9 juin 2016:
L'impossibilité d'éviter le test d'alcoolémie s'ils se font arrêter aura un effet très dissuasif sur les gens qui choisissent de conduire en état d'ébriété. Je rappelle à la Chambre que cet effet dissuasif a été démontré à maintes reprises dans de nombreux autres pays.
J'aimerais me servir de l'exemple de l'Isrlande. Lorsque l'Irlande a impoé les alcootests aléatoires, en 2006, le pays déplorait 365 décès. En 2015, le nombre avait été ramené à 166, une diminution de 54,5 %. En 2006, il y avait eu 907 blessés graves. En 2015, il y en a eu 365, une diminution de 59,8 %. En 2006, 18 650 accusations avaient été portées. En 2015, il y en a eu 6 900, une diminution de 63 %. Cette mesure ne fait pas seulement que sauver des vies, elle ne fait pas seulement qu'éviter les blessures graves; elle permet en outre de réduire le volume des accusations de conduite avec facultés affaiblies portées devant les tribunaux. Si un témoin vient dire que cette mesure engorgera... ça n'arrivera pas. Ce n'est jamais arrivé. Ça n'arrivera jamais.
Le Canada observerait probablement une réduction des accidents de l'ordre de 20 % environ, car il a adopté bon nombre des mesures que certains de ces autres pays ont aussi adoptées. Il reste quand même place à d'importantes améliorations, au Canada, également. Nous estimons qu'une réduction de 20 % préviendrait plus de 200 décès et éviterait 12 000 blessures graves à l'échelle du pays.
Nous estimons que l'imposition des alcootests aléatoires, dès la première année, représenterait pour le système du Canada des économies de 4,3 milliards de dollars. Nous avons réalisé un certain nombre d'enquêtes pour savoir si le public était en faveur des alcootests aléatoires. Une chose intéressante à savoir, c'est que, dès que les alcootests aléatoires sont imposés, le soutien du public augmente. L'Australie a imposé les alcootests obligatoires de 1985 à 1990. En 2002, 98,2 % des chauffeurs du Queensland étaient en faveur des alcootests aléatoires. Cette mesure rallie déjà largement le public du Canada. Dans une étude réalisée en 2009, 66 % des Canadiens se disaient en faveur d'une loi autorisant les policiers à effectuer des contrôles aléatoires. En 2010, un sondage Ipsos Reid a révélé que 77 % des Canadiens étaient soit fortement, soit plutôt en faveur de l'adoption des contrôles aléatoires. Lorsqu'ils étaient mis au courant du potentiel des contrôles aléatoires pour la réduction des décès causés par la conduite avec facultés affaiblies, 80 % des répondants se sont dits d'accord avec le fait que les contrôles aléatoires constituaient une ingérence raisonnable à l'endroit des automobilistes dans la Charte des droits et libertés.
Notre directeur des services juridiques, Robert Solomon, a conclu que les contrôles aléatoires pouvaient être considérés comme respectueux de la Charte. Peter Hogg a appuyé notre analyse de la Charte. Fait plus important encore, M. Hogg a conclu de façon indépendante, en envoyant un avis juridique écrit à MADD Canada, que les contrôles aléatoires ne contrevenaient pas à la Charte. Il est essentiel de considérer les contrôles aléatoires dans le contexte des procédures de dépistage acceptées, utilisées de manière routinière dans les aéroports canadiens. En 2015, on estimait que 131 millions de passagers avaient voyagé par avion, au Canada. Il n'est pas rare qu'on leur demande de retirer leurs souliers, leurs ceintures, leurs bijoux qu'on examine leurs bagages pour chercher des résidus d'explosif, qu'on les fasse passer dans une machine pour chercher des armes, que les voyageurs soient soumis à des fouilles par palpation. Il n'est pas rare qu'il leur faille attendre 10 ou 15 minutes pendant que ces examens et ces fouilles sont effectués. De telles procédures sont acceptées, car elles ont pour fonction d'assurer la sécurité du public.
Disons-le franchement: il y a beaucoup plus de Canadiens qui perdent la vie en raison d'un accident de la route lié à l'alcool, chaque année, qu'il n'y en a qui perdent la vie parce que leur avion est pris pour cible. Les contrôles aléatoires, tout comme les procédures aux aéroports, respectent la Charte. En conclusion, MADD Canada presse le Parlement de faire preuve de leadership et d'adopter les dispositions sur les contrôles aléatoires énoncées dans le projet de loi .
Merci.
J'aimerais remercier tout le monde, et je comprends qu'il y a des contraintes de temps. J'espère que tout le monde a reçu le lien qui permet d'accéder à une petite vidéo de cinq minutes, car cette vidéo vise à décrire de façon véridique les épreuves qu'une famille doit traverser quand elle perd un membre. Il ne s'agit pas ici seulement de la tragédie que j'ai moi-même vécue.
Nous savons tous que la sécurité n'est pas une affaire de parti, nous savons que c'est une préoccupation universelle. Je ne m'adresse pas à vous aujourd'hui à titre de juriste, c'est certain. Nous ne sommes pas une grande organisation et nous n'avons pas beaucoup de ressources. Je suis tout simplement une citoyenne canadienne ordinaire. Mais le plus important, c'est que je suis une victime. Le 26 novembre 2011, mon fils et deux de ses amis revenaient à la maison lorsqu'un chauffeur ivre, dont le taux d'alcoolémie dépassait de trois fois environ la limite, a embouti le derrière de la petite auto de mon fils Bradley. Il a été littéralement éjecté de son automobile et a traversé le pare-brise à 200 km à l'heure. Je ne peux pas vous dire à quel point c'était horrible. Il ne restait plus rien de mon fils. On a dû l'identifier à l'aide de ses dossiers dentaires. Il avait 18 ans, il venait tout juste d'obtenir son diplôme.
Après tout cela, le délinquant a été accusé. Il a fallu près de trois ans pour que la procédure arrive à sa fin: il a fallu 31 comparutions devant le tribunal. Nous avons assisté à l'audience préliminaire. Nous avons assisté au procès en tant que tel. Il y a également eu des accusations d'homicide involontaire. Le chauffeur a tué trois jeunes hommes et a été condamné à une peine de cinq ans pour homicide involontaire et de trois ans pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort. Toute la procédure a pris trois ans et, en avril, je vais assister à son audience en vue de la libération conditionnelle totale. Sur les huit années de sa peine pour avoir tué trois jeunes hommes, il aura purgé au total deux ans et trois quarts environ. Puisqu'il s'agit de sa première infraction, il aura fort probablement droit à la libération conditionnelle totale.
C'est pour cette raison que je veux parler de l'aspect obligatoire des choses. Étant donné toutes les considérations relatives à la libération conditionnelle anticipée, à la semi-liberté puis à la libération conditionnelle totale, la peine qu'il aura purgée en prison ne s'approche même pas, en réalité, de la peine minimale obligatoire de quatre ans.
Nous savons tous qu'il y a toutes sortes de personnes, de toutes les couches de la société, qui n'hésitent pas à se mettre au volant et à prendre la route même après voir bu trop d'alcool, étant donné que les risques de se faire prendre sont très faibles. Il n'y a pas suffisamment de policiers pour arrêter tous les chauffeurs ivres. Les gens aiment bien sortir et célébrer. À l'âge qu'avait mon fils, les vendredis soirs sont toujours une célébration, tout simplement parce que c'est vendredi. Nous connaissons tous des gens qui sortent et qui célèbrent, mais les risques qu'ils se fassent prendre sont vraiment faibles et, lorsqu'une terrible tragédie frappe, les peines sont très légères.
On dirait que nos juges estiment souvent qu'il s'agit d'un accident tragique, d'un accident malheureux. C'est ainsi que les choses me sont présentées dans les nombreuses audiences visant d'autres familles auxquelles j'ai participé. Ils appellent cela un accident malheureux. Eh bien, moi, ce n'est pas ainsi que j'appelle ça. Nous sommes en 2017, et j'appelle cela prendre « délibérément » le volant malgré qu'on soit ivre. À mon avis, à notre époque, après 30 années de sensibilisation, quiconque décide de faire ce choix agit de manière délibérée.
C'est le thème qui ressort toujours, je l'ai constaté: les peines sont très légères. Étant donné l'admissibilité à la libération conditionnelle, les gens ne passent pas beaucoup de temps en prison.
Je vais m'efforcer de conclure rapidement de façon que ma camarade, Markita, puisse parler.
Quelqu'un a dit que les victimes n'ont droit à presque aucune considération, et c'est très vrai. Les délinquants ont tous les droits du monde. Ils ont le droit à être défendus par des experts. Ils ont le droit d'interjeter appel. La victime n'a qu'un seul droit. Le seul droit que j'ai, c'est celui de préparer une déclaration de la victime et de la présenter. C'est le seul droit que j'ai.
Les véritables victimes — il y a une victime dans ma famille — n'ont aucun droit. Mon fils est six pieds sous terre.
Pour terminer, la conduite avec facultés affaiblies est une grande préoccupation publique. Nous le savons tous. Je sais pertinemment que les Canadiens veulent que les peines, pour cette infraction, soient plus sévères. Je veux que le gouvernement en place profite de l'occasion qui lui est donnée. S'il ne le fait pas maintenant, je sais que les prochains gouvernements le feront, parce que c'est nécessaire. Nous déplorons la perte de quatre personnes par jour, et près de 200 personnes sont blessées, chaque jour, au Canada.
Je vous remercie.
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Merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
Je m'appelle Markita Kaulius, et je suis la présidente de Families For Justice. Family For Justice est un organisme sans but lucratif formé de parents, de membres de la famille, d'êtres aimés et de sympathisants qui ont en commun d'avoir perdu un enfant ou un être cher tué par un conducteur avec les facultés affaiblies, au Canada.
Ma fille de 22 ans, Kassandra, a été tuée le 3 mars 2011. Elle revenait à la maison, après une partie de balle-molle, et s'apprêtait à tourner à gauche, comme elle en avait le droit. Elle a été frappée à 103 km à l'heure, du côté conducteur, par un chauffeur en état d'ébriété qui a fui les lieux, la laissant mourir. Le chauffeur traversait le carrefour à grande vitesse, malgré le feu rouge qui était rouge depuis 12 secondes. Kassandra a perdu la vie parce qu'un chauffeur ivre avait décidé de boire et de prendre le volant, malgré qu'il était ivre.
La conduite avec facultés affaiblies est la principale cause de décès attribuable à un acte criminel au Canada. Chaque année, la conduite avec facultés affaiblies entraîne son horrible lot de décès, de souffrances, de blessures et de destruction. Du seul point de vue des chiffres, cette infraction a de bien plus grandes conséquences sur la société canadienne que toute autre. Que l'on parle de décès et de blessures graves nécessitant une hospitalisation, d'heures de travail perdues ou de réadaptation, la conduite avec facultés affaiblies est clairement l'infraction criminelle qui entraîne les pertes les plus importantes au pays. Les statistiques révèlent qu'elle coûte aux contribuables canadiens des milliards de dollars de conséquences. Si l'on inclut les coûts pour la santé et les coûts sociaux des décès, des blessures et des dommages aux véhicules, les coûts de la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou d'autres drogues sont estimés à plus de 20,6 milliards de dollars; je parle pour 2010 seulement. Chaque dollar que gagne le secteur de la vente d'alcool coûte au gouvernement trois dollars en frais de réadaptation.
Des millions de Canadiens continuent à boire et à conduire, car ils peuvent le faire sans véritable crainte d'être arrêtés, moins encore d'être accusés ou condamnés. Selon des enquêtes récentes, une personne peut prendre le volant une fois par semaine pendant plus de trois ans avant d'être accusée de conduite avec facultés affaiblies, et elle peut le faire pendant six ans sans être condamnée.
Parmi les personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies qui ont comparu devant un tribunal pénal en 2014-2015, au moins 16 % avaient déjà été accusées pour conduite avec facultés affaiblies au cours des 10 années précédentes, dans la même juridiction, qu'elles aient été reconnues coupables ou pas. En outre, dans les affaires touchant la conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou un préjudice corporel, les accusés sont plus souvent, à raison de 20 %, susceptibles d'avoir déjà comparu devant un tribunal pour une infraction de même nature. La même tendance est observée dans le cas où l'accusé refuse de fournir un échantillon de sang, d'haleine ou d'urine, dans une proportion de 21 %.
Il y a depuis 30 ans des campagnes d'éducation. Il y a des campagnes de sensibilisation, et MADD continue ses campagnes contre la conduite avec facultés affaiblies, et pourtant, la conduite avec facultés affaiblies reste la principale cause de décès liés à une infraction criminelle au Canada. En moyenne, de 1 250 à 1 500 personnes perdent la vie chaque année, au Canada, et plus de 60 000 personnes subissent des blessures.
C'est une infraction criminelle que l'on peut prévenir, à 100 %. Selon les chiffres, de quatre à six personnes perdent la vie chaque jour, au Canada, et 190 environ sont blessées. Le genre de peines qui est imposé est en soi un crime. Nous avons vu des personnes condamnées à une journée d'emprisonnement et à 90 jours à purger les fins de semaine. Il y a eu un crime, à Surrey, et deux fillettes ont été tuées. Dans un cas, le crime a rendu six enfants orphelins. C'était la troisième condamnation pour conduite avec facultés affaiblies de ce monsieur, et il a été condamné à une amende de 1 500 $ et à sept fins de semaine d'emprisonnement.
Il n'y a aucune mesure dissuasive, et ce sont des peines de ce type-là qui sont imposées. Des peines de ce type permettent aux Canadiens de penser qu'ils peuvent boire et prendre le volant même si leurs facultés sont affaiblies; si jamais ils tuaient quelqu'un, au Canada, ils ne seront condamnés qu'à une peine minimale pour homicide. Nous croyons que, quand une vie est en jeu, il faudrait une peine minimale obligatoire de cinq ans, voire davantage, quand il y a homicide. Ce crime n'est plus considéré comme un accident acceptable, dans notre société. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il ne faut pas imposer des peines minimales obligatoires pour tous les crimes, mais il faudrait envoyer au public un signal fort, de façon que les gens sachent que, s'ils tuent une personne innocente, ils seront tenus responsables du crime qu'ils ont commis, en tuant cette innocente personne.
D'aucuns pourraient faire valoir qu'il n'y avait aucune intention coupable parce que le conducteur qui avait les facultés affaiblies n'avait pas prévu de causer délibérément une collision. Il n'y a pas d'« accidents » lorsque l'on conduit avec les facultés affaiblies. Les accidents se produisent en raison des conditions météorologiques ou de défaillances mécaniques. La conduite avec facultés affaiblies est un choix. C'est un choix fait par une personne insouciante qui prend la décision de faire courir un risque aux autres sur les routes et les autoroutes, et elles sèment une terrible destruction et la mort partout où elles passent.
Les victimes qui sont décédées ont reçu une peine de mort; les familles qu'elles laissent dans le deuil purgeront leur peine à perpétuité. Les personnes qui ont causé ces décès purgent la peine la moins longue. Une peine d'emprisonnement de deux ans leur donne environ six mois d'incarcération, puis elles sont en liberté conditionnelle. Les victimes qui ont été tuées ont reçu la peine de mort. Ni les juges ni les législateurs ne pourront reconstituer ces familles; toutefois, vous — en tant que parlementaires, pouvez et devez travailler à la prévention des prochaines tragédies.
Actuellement, au Canada, si une personne est reconnue coupable d'avoir causé la mort d'une autre personne à l'aide d'un fusil ou d'un couteau, elle reçoit une peine de sept à dix ans d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à perpétuité. Pourquoi se fait-il qu'après qu'une personne a été tuée dans une collision imputable aux facultés affaiblies, nos peines d'emprisonnement sont si courtes?
Des milliers de Canadiens meurent chaque année en raison de collisions causées par des personnes conduisant avec les facultés affaiblies. Le choc, la perte et le deuil sont tout aussi forts lorsqu'un être cher a été tué par une personne qui conduisait avec les facultés affaiblies. Ces crimes sont des homicides commis au moyen d'un véhicule; il ne s'agit pas du tout d'accidents.
Comme vous pouvez le voir à l'écran, c'est la voiture de ma fille. Elle a été frappée à 103 kilomètres-heure. Tout véhicule qui est entre les mains d'un conducteur ayant les facultés affaiblies devient une arme fatale. Un véhicule roulant plus vite que la vitesse permise entre les mains d'un conducteur ayant les facultés affaiblies, c'est comme une arme de 2 000 à 3 000 livres, qu'on pointe à l'aveuglette sur une route. Elle fait bien plus de dommages qu'un couteau ou un fusil ne le pourrait jamais.
Families For Justice a présenté au gouvernement une pétition contenant le nom de plus de 117 000 personnes demandant des peines plus sévères. Nous voudrions que de nouvelles lois soient adoptées concernant la conduite avec facultés affaiblies, y compris une peine minimum obligatoire pour la conduite avec facultés affaiblies causant la mort. Actuellement, on peut tuer une personne et recevoir une amende de 1 000 $.
D'après les discussions que j'ai eues avec d'autres Canadiens au cours des cinq dernières années et demie, je sais qu'ils veulent également que des peines d'emprisonnement plus sévères soient imposées, car ils reconnaissent que les campagnes de sensibilisation actuelles ne fonctionnent tout simplement pas. Nous avons trop de décès.
Families For Justice a reçu le soutien de la Division K de la GRC, en Alberta, de la Division E de la GRC, de l'Association des chefs de police de la Colombie-Britannique, de la Alberta Federation of Police Associations, du service de police d'Edmonton et de l'Association canadienne des chefs de police. Ils nous soutiennent tous dans nos efforts visant à apporter des changements au chapitre des lois sur la conduite avec facultés affaiblies du Canada. Il s'agit des organisations et des personnes qui font face à la réalité de la conduite avec facultés affaiblies et qui s'occupent des conséquences.
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Bradley, je comprends pleinement qu'on ne vous a jamais offert cette option cruelle, alors toutes mes pensées très sincères sont dirigées vers vous et vos souffrances continues. Je veux vous féliciter de ce que vous faites chaque jour.
Vous avez mentionné des choses comme le fait que ce n'est pas un accident. Je ne comprends toujours pas pourquoi une société très organisée comme la nôtre ne peut pas trouver la bonne terminologie. C'est quelque chose qu'on peut prévenir à 100 %. Je continue de souligner l'importance des victimes parce que si vous comprenez qu'il y a une véritable victime et que vous êtes confronté aux victimes...
Des personnes vous ont fait cela. Elles ne vous ont jamais confrontés, sauf dans un rôle très mineur. Vous avez mentionné la déclaration de la victime. Je crois qu'elle doit être soulignée. Qu'elle doit être amplifiée. Qu'on doit donner à la victime un véritable rôle parce que si les gens font face à une personne et aux personnes qu'ils blessent, je pense que cela créerait certainement un autre degré de conscience, que nous n'avons actuellement pas.
Je félicite M. de ses efforts et de son parcours pour s'occuper de ce projet de loi. Mais l'espace d'un moment, j'aimerais que vous mettiez tout cela de côté parce que ce que je veux entendre de vous, c'est une approche exhaustive. Nous avons un problème au pays, et il est important. C'est 1 500 personnes qui meurent. S'il s'agissait d'une guerre et que nous avions perdu 1 500 personnes l'an passé, le Parlement serait paralysé. Toute notre attention porterait sur cette tragédie.
Je veux que vous preniez cela en considération dans vos réponses, s'il vous plaît. Ma question ne porte donc pas sur le projet de loi . Elle concerne votre préférence à voir le gouvernement utiliser tous les outils à sa disposition et mettre au point un projet de loi qui réglera ce problème.
Ma propre fille, qui a survécu, entamera des audiences publiques demain de l'autre côté de la rivière. Pourquoi? Parce qu'elle travaille avec le gouvernement provincial et que celui-ci a des outils que nous n'avons pas dans un projet de loi émanant d'un député. J'aimerais vous entendre relativement à votre préférence à voir notre gouvernement adopter un projet de loi à cet égard.