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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'appelle Scott Doran et, à titre de directeur général des services spéciaux internationaux du Programme de police fédérale de la Gendarmerie royale du Canada, je suis heureux d'être présent aujourd'hui pour vous parler des liens entre la GRC et INTERPOL. Mon collègue, le sergent Ross Cameron, vient de la Police provinciale de l'Ontario, mais il travaille pour la GRC auprès d'INTERPOL depuis environ six ans.
Pour réaliser de façon efficace le mandat de la GRC à l'échelle municipale, provinciale, territoriale, fédérale et internationale, nous devons maintenir une solide relation avec les autorités policières partout au pays, et, presque plus important encore, avec celles ailleurs dans le monde. Ces liens sont essentiels à notre capacité de réagir de façon efficace aux menaces à la sûreté et à la sécurité du Canada et des Canadiens, au pays et à l'étranger.
INTERPOL est l'un de nos principaux partenaires internationaux et l'organisation internationale de police la plus importante au monde. Son mandat est double: elle doit, d'une part, assurer la plus grande coopération possible entre les corps policiers du monde entier, et favoriser cette collaboration; et, d'autre part, mettre sur pied des organismes qui serviront à la prévention et à l'élimination de la criminalité.
Chacun des 194 pays membres d'INTERPOL, dont le Canada, doit maintenir un bureau central national composé d'experts et de personnel hautement qualifié en matière d'application de la loi.
INTERPOL Ottawa, qui est situé dans les installations de la GRC à Ottawa, constitue le bureau national central au Canada. La GRC est la ressource désignée pour le Canada, et la gestion du bureau lui incombe. Le personnel du bureau comprend des responsables de l'application de la loi, des civils et des fonctionnaires de la GRC, de même que des policiers provenant d'autres organismes canadiens d'application de la loi, comme la Sûreté du Québec et la Police provinciale de l'Ontario.
INTERPOL Ottawa agit comme intervenant de première ligne dans le cadre d'enquêtes policières menées au Canada et lorsque des responsables de ministères ont besoin d'aide internationale en matière de crimes. C'est aussi ce bureau qui reçoit et évalue les demandes d'aide de pays membres. De fait, le bureau sert de pôle pour traiter et effectuer des échanges de renseignements criminels entre des services de police canadiens et internationaux afin d'appuyer des enquêtes criminelles.
L'engagement de la GRC envers INTERPOL et les efforts qu'elle consacre à cette organisation sont soulignés par la mise en candidature récente de Gilles Michaud, commissaire adjoint de la GRC, et par son élection comme membre du comité exécutif d'INTERPOL à titre de délégué pour les Amériques lors de la 87e assemblée générale d'INTERPOL, qui a eu lieu cette semaine à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Le commissaire adjoint Michaud compte parmi les neuf délégués qui représentent les plus hauts responsables des corps policiers dans leurs régions et pays respectifs, et ses homologues et lui-même sont chargés d'établir la politique et l'orientation organisationnelles d'INTERPOL, de même que d'effectuer la surveillance au chapitre de l'exécution des décisions prises lors de l'assemblée générale d'INTERPOL. Le fait d'avoir un représentant au sein du comité exécutif nous permettra de mieux saisir les défis auxquels fait face INTERPOL, de mieux comprendre la coopération internationale en matière d'application de la loi et d'être mieux placés pour participer à la mise en oeuvre de solutions efficaces en collaboration avec nos partenaires de l'application de la loi à l'échelle internationale.
Par ailleurs, la GRC fournit deux cadres supérieurs à temps plein à INTERPOL — une personne au Secrétariat général d'INTERPOL, à Lyon, en France, et l'autre, au Complexe mondial INTERPOL pour l'innovation, situé à Singapour.
Le Canada et la GRC appuient INTERPOL depuis longtemps. Nous croyons fermement que notre relation est mutuellement avantageuse. Le réseau international d'INTERPOL joue un rôle véritablement précieux quant à la réalisation d'opérations d'application de la loi au pays et à l'échelle internationale.
Permettez-moi de vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je serai heureux de répondre aux questions du président et des membres du Comité.
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INTERPOL utilise un système de notice. Il y en a un certain nombre: rouge, jaune, noire, verte, et ainsi de suite. La notice rouge est celle qui, j'imagine, a été immortalisée dans les films et à la télévision, et c'est celle qui est la plus connue. En résumé, elle est utilisée pour demander l'arrestation d'une personne.
Si un pays cherche à faire publier une notice rouge par l'entremise du système, les responsables doivent présenter une demande au Secrétariat général à Lyon. La demande est examinée, et on vérifie différents points, pour s'assurer qu'elle respecte la primauté du droit et l'esprit de la Déclaration sur les droits de l'homme des Nations Unies, que respecte INTERPOL, et pour authentifier la demande. Après que les responsables d'INTERPOL à Lyon ont déterminé qu'il est acceptable de publier la demande au moyen de son système, la notice rouge est publiée, et elle est accessible par tous les bureaux centraux nationaux.
Du point de vue canadien, une notice rouge constitue une alerte. Toutefois, nous ne procédons pas à l'arrestation de personnes à la suite de la publication d'une notice rouge. Quand une notice rouge est publiée, cela nous indique qu'une personne est recherchée dans un autre pays. Si nous croyons qu'il s'agit d'une notice rouge valide, nous effectuons aussi notre propre processus d'évaluation à cet égard.
Il y a deux niveaux de protection. D'abord, il y a le niveau assuré par INTERPOL, à Lyon, puis celui de la vérification, qui est effectuée ici, à Ottawa, au bureau central national. Nous sommes les premiers à recevoir une notice rouge s'il y a un lien avec le Canada. La vérification est effectuée, et...
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie de votre présence.
Il s'est passé bien des choses, dont la possibilité qu'un Russe soit nommé à la tête d'INTERPOL, ce qui était très inquiétant pour nous. Actuellement, 194 pays sont membres d'INTERPOL, et plusieurs d'entre eux s'interrogent beaucoup au sujet du niveau de corruption des gouvernements. On parle de la Chine et de la Russie, mais il y a d'autres pays, plus petits et moins connus, dont le gouvernement est corrompu.
Le but premier d'INTERPOL est de permettre aux corps policiers d'échanger de l'information. Cela posé, on vient de parler des codes rouges qui peuvent donner lieu à un mandat d'arrestation ou à une demande d'extradition. Vous avez dit que, lorsque la demande vient d'un pays membre d'INTERPOL qui est considéré comme étant plus ou moins fiable, c'est au bureau chef d'INTERPOL, à Lyon, que les faits sont analysés. À ce bureau d'INTERPOL, qui est chargé de déterminer si la demande est légitime ou non?
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Si cela ne vous dérange pas, je vais vous répondre en anglais pour m'assurer d'être bien compris.
[Traduction]
Le bureau des affaires juridiques d'INTERPOL, situé à Lyon, est chargé d'évaluer les demandes. Le processus de demande de publication d'une notice rouge est plutôt ardu.
Je ne ferai pas de commentaires sur des pays en particulier, mais je dirai que le système et le statut de gouvernance d'INTERPOL visent à atténuer les différences entre les pays et à créer des règles uniformes, pour ainsi dire, relativement aux enquêtes criminelles. Encore une fois, l'organisation respecte l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et son mandat énonce assez clairement que l'organisation ne traite pas de demandes à caractère politique, religieux, militaire ou racial. Donc, à mon avis, le processus d'analyse est assez robuste.
Certaines demandes se glissent-elles entre les mailles du système à l'occasion? Je crois que oui. Comme n'importe quel système, il n'est pas parfait, et il peut y avoir des failles. C'est pourquoi le Canada a mis en place un deuxième processus de contrôle qui est très robuste.
Je crois qu'il est pertinent que, alors que le bureau d'INTERPOL peut recevoir une demande d'un organisme étranger ou agir à la suite de la publication d'une notice rouge, la portée de nos activités découlant de cette notice, du point de vue d'un service de police, soit d'identifier le suspect ou l'individu, de confirmer qu'il est réellement au Canada, d'informer les autorités du pays étranger en question de la présence de cette personne au pays et de leur expliquer que, si elles souhaitent poursuivre l'affaire, elles doivent communiquer avec le ministère de la Justice et entamer un processus d'extradition ou présenter une demande d'extradition par l'entremise du Groupe d'assistance internationale. C'est à ce moment qu'un processus de contrôle important et très robuste serait mené, ce qui exigerait que l'entièreté du dossier d'enquête soit communiquée aux autorités canadiennes...
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D'accord, je serai bref alors.
En résumé, les agents de police, habituellement de hauts dirigeants, peuvent poser leur candidature eux-mêmes à un poste. Bien entendu, durant le processus qui mène aux élections, il y a beaucoup de démarches pour obtenir des appuis et de discussions avec des représentants de pays qui partagent les mêmes idées.
D'abord, il y a le poste de président, trois postes de vice-présidents et neuf postes de délégués, lesquels sont répartis entre quatre régions du monde. Il y a des représentants de l'Asie, de l'Europe, de l'Afrique et des Amériques. Quand les candidatures sont présentées à l'assemblée générale, ce sont les représentants des 194 pays membres qui votent pour élire les membres aux différents postes de vice-présidents et de délégués ainsi qu'à celui de président, et ainsi de suite.
J'ajouterais que, à propos de vos inquiétudes concernant le candidat russe au poste de président, vous savez peut-être qu'il a été vice-président pendant un certain nombre d'années et que le comité exécutif fonctionne comme une unité. Le président en est en quelque sorte l'administrateur, à défaut d'avoir un mot plus juste, mais il n'a pas de pouvoir plus important que n'importe quel autre membre du comité exécutif.
Ainsi, il s'agit véritablement de chercher le consensus et de prendre les meilleures décisions possible pour les communautés qui forment INTERPOL.
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Merci de m'avoir invité à vous parler d'INTERPOL aujourd'hui. Il s'agit d'un problème d'actualité qui est important, et qui s'est dernièrement hissé à la tête de l'ordre du jour mondial. Cependant, cette question est à mon ordre du jour depuis bien plus longtemps. J'ai estimé qu'il serait utile de faire part à ce comité de mon expérience vis-à-vis l'utilisation abusive d'INTERPOL par la Russie pour permettre une meilleure compréhension des failles dans le système.
Bon nombre d'entre vous me reconnaîtront en raison du travail que j'effectue depuis les neuf dernières années dans le cadre de la Magnitsky Justice Campaign. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Bill Browder. J'ai été l'employeur de Sergei Magnitsky, mon avocat, en Russie. Sergei Magnitsky a découvert un énorme stratagème de corruption de 230 millions de dollars. Il a dévoilé ce stratagème et a été arrêté, puis torturé pendant 358 jours et assassiné en novembre 2009.
Depuis les neuf dernières années, ma mission est de faire en sorte que justice soit rendue, et mes activités ont principalement porté sur la promotion d'une loi, nommée en l'honneur de Sergei Magnitsky, appelée la Loi Magnitsky. En 2012, j'ai milité aux États-Unis pour que le Congrès américain adopte ce projet de loi, ce qu'il a fait en décembre de la même année. Je dois dire que cette loi a grandement contrarié Vladimir Poutine, parce qu'elle gèle les actifs aux États-Unis des Russes ayant violé les droits de la personne et leur interdit de séjourner en sol américain. Vladimir Poutine est un transgresseur des droits de la personne, et il possède beaucoup d'actifs. C'est pourquoi il s'est senti particulièrement visé par cette loi.
Il a par la suite déclenché une vendetta à mon égard, laquelle est toujours en cours actuellement. L'un des premiers et des plus importants signes de cette vendetta tient au fait qu'en mai 2013, environ cinq mois après l'adoption de la Loi Magnitsky aux États-Unis, la Russie a émis une notice rouge d'INTERPOL à mon sujet. Une notice rouge d'INTERPOL est ce qui se rapproche le plus d'un mandat d'arrêt international. La Russie a donc, par l'entremise d'INTERPOL, réclamé mon arrestation dans n'importe quel pays du monde.
Après que nous avons été mis au courant de cette affaire, mes avocats ont fourni une preuve détaillée établissant que cette demande était illégitime et motivée par des considérations politiques. J'estime être un militant très médiatisé. L'affaire de la publication de la notice a également été très médiatisée, et cela a donné lieu à un examen d'une organisation d'INTERPOL appelée la Commission de Contrôle des fichiers d'INTERPOL. Il s'agit de l'organisation qui examine la légitimité des notices rouges dans le cas où une contestation valable est soulevée.
La Commission de Contrôle des fichiers d'INTERPOL, environ deux semaines après le dépôt de nos documents, est arrivée à la conclusion que la demande d'arrestation émise par la Russie constituait une violation du statut d'INTERPOL, lequel déclare qu'INTERPOL ne doit pas être utilisée pour des motifs d'ordre politique, religieux ou militaire. En l'occurrence, les commissaires ont déclaré que cette demande constituait une violation du statut car elle était motivée par des raisons politiques et l'ont donc rejetée. Ils ont alors informé les 194 pays membres de ne pas respecter cette notice rouge et l'ont supprimée de leur système.
Je pensais en avoir fini avec cette histoire. Je pensais en avoir fini avec la Russie et INTERPOL.
Peu après, dans le cadre de la vendetta de Poutine, un procès à mon égard a été tenu en mon absence en Russie. Je n'étais pas le seul à subir ce procès, puisque Sergei Magnitsky, mon avocat qui avait été assassiné trois ans plus tôt, était mon codéfendeur. Il s'agissait du premier procès contre un défunt de toute l'histoire de la Russie. À la fin de ce procès en juillet 2013, Sergei Magnitsky et moi-même avons été reconnus coupables, et la Russie a émis une fois de plus une notice rouge, pour les mêmes chefs d'accusation qui avaient été rejetés auparavant. Encore une fois — je n'ai pas eu à intervenir cette fois-ci —, la demande de la Russie a été rejetée.
À ce moment-là, je pensais que mes problèmes concernant la Russie et son utilisation abusive d'INTERPOL étaient finis pour de bon, mais ce n'était pas le cas. En 2014, le gouvernement russe a émis une autre demande d'arrestation par l'entremise d'INTERPOL. Cette demande a encore une fois été rejetée en 2015. Deux autres demandes ont suivi, lesquelles ont toutes été rejetées.
Puis, en octobre de l'année dernière, le Parlement canadien, donc vous-même, a adopté la loi Magnitsky canadienne. Littéralement un jour après que cette loi a été adoptée, la Russie a émis une autre notice d'INTERPOL. Cette fois, il s'agissait d'une diffusion, non pas d'une notice rouge. Une diffusion est un type de mandat d'arrestation qui fait l'objet d'une vérification moins rigoureuse. Il s'agit d'un mandat d'arrestation préliminaire qui est en vigueur pendant le traitement d'une notice rouge. La Russie a émis une diffusion à mon égard. Encore une fois, environ une semaine après que j'ai présenté une demande à INTERPOL et ai souligné que ce mandat était également motivé par des raisons d'ordre politique, INTERPOL l'a rejeté. C'était la sixième fois que la Russie faisait appel à INTERPOL contre moi.
Mardi de cette semaine, l'Union européenne a entamé de sérieuses discussions pour l'adoption d'une loi Magnitsky européenne. Dans la même journée, le gouvernement russe a annoncé tout un tas de nouvelles accusations contre moi, dont une accusation incroyable et ridicule liée à l'assassinat de Sergei Magnitsky, que j'aurais commis d'une quelconque façon. Le pays a alors annoncé qu'il ferait appel à INTERPOL pour une septième fois. La Russie abuse régulièrement d'INTERPOL. Les responsables russes n'ont toujours pas compris après la sixième fois.
Quelle est la morale de cette histoire? La voici:un pays qui veut abuser d'INTERPOL peut simplement continuer à le faire, et le nombre de tentatives n'importe pas.
Les règlements d'INTERPOL comportent un ensemble de règles qui prévoient que si un pays abuse constamment d'INTERPOL, ce pays n'a plus le droit d'utiliser les systèmes de l'organisation. Je dirais que mon cas — je parlerai d'autres cas dans un moment — est un exemple parfait de la façon dont un pays peut abuser d'INTERPOL à répétition. Cette disposition au sein du statut d'INTERPOL n'a jamais été utilisée, mais je dirais qu'une partie de mon objectif pour les quelques mois à venir est de présenter formellement une demande à INTERPOL pour qu'elle empêche la Russie d'utiliser ses systèmes.
Je terminerai en disant que mon histoire d'abus à répétition. En théorie, certaines personnes d'INTERPOL pourraient dire: « Notre système fonctionne bien, puisque chaque fois que la Russie a tenté de s'en prendre à Bill Browder, nous avons rejeté la demande. » Voilà qui est bien beau et bien gentil, excepté le fait que je suis probablement la personne la plus médiatisée dans le monde qui a ce problème. J'ai d'ailleurs écrit un livre qui s'intitule Notice rouge, et qui est un best-seller international. Tout le monde me connaît, en raison de ma notoriété et de mes ressources, mais il y a littéralement des centaines, voire des milliers d'avocats spécialisés en droits de la personne, de militants et de politiciens de l'opposition en Russie qui n'ont pas ma notoriété, mes ressources ni mes avocats, et qui sont poursuivis.
Merci.
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Merci beaucoup de m'avoir invité.
J'ai entendu l'histoire de Bill à maintes reprises. Chaque fois que je l'entends, je n'en crois pas mes oreilles. Si je n'avais jamais habité en Russie, je n'aurais probablement pas cru ce qu'il disait, mais je sais qu'il a absolument raison. Il aurait sans doute pu en dire plus, mais le temps était limité.
La Russie n'a pas de magistrature indépendante. Les tribunaux russes sont au service de Poutine, et non de la justice, comme vous venez de l'entendre. Les tribunaux russes sont souvent utilisés pour fabriquer des accusations à l'endroit d'opposants au régime et de leaders de l'opposition et pour faire reconnaître ces personnes coupables.
S'ils habitent à l'étranger, comme bon nombre d'entre nous ont été obligés de le faire, on aura souvent recours à INTERPOL pour les persécuter. Cela s'est produit à de nombreuses occasions. J'ai été choqué d'apprendre qu'INTERPOL était sur le point d'élire un général russe à la tête de son organisation.
Soit dit en passant, comme l'a dit Bill, la Russie ne va pas abandonner. Prokopchuk, l'homme qui n'a pas réussi à devenir président, est encore le vice-président d'INTERPOL. Il a obtenu 61 votes. Soixante et un représentants nationaux ont cru que ce serait une bonne idée qu'un général de la police russe du gouvernement Poutine soit à la tête d'INTERPOL. Si cela est possible, j'aimerais consulter cette liste.
Au cours des derniers jours, alors qu'il y avait une campagne de grande envergure dans le monde libre pour dénoncer cette candidature inacceptable, nous avons entendu des personnes faire des analogies et dire que cela équivaudrait à confier la responsabilité du service des incendies à un pyromane, ou encore à confier la garde du poulailler à un renard. Je ne crois pas que ces comparaisons permettent de saisir la gravité de ce qui s'est presque produit hier, étant donné que le fait de confier la responsabilité de l'application de la loi à l'échelle mondiale à un général issu du régime mafieux et corrompu du gouvernement Poutine est bien pire.
Pour faire suite à ce que Bill a dit, si le Canada refusait d'extrader l'une des cibles politiques de Poutine vers la Russie, pourquoi ce pays aurait-il le droit d'émettre une notice rouge? Renverriez-vous un transfuge nord-coréen dans son pays?
Je ne crois pas qu'il vaille la peine de décider au cas par cas alors que les dictatures peuvent fabriquer autant de fausses accusations qu'elles le souhaitent. Comme vous l'avez entendu il y a quelques minutes, elles continuent d'en fabriquer même si on les rejette. Les ennemis de Poutine comme Bill Browder ou Mikhail Khodorkovsky ont tous deux été accusés de meurtre par les tribunaux russes après l'échec des premières accusations de fraude et de vol. Cela n'a pas de fin.
Comme Bill l'a mentionné, la plupart des personnes ciblées par Poutine n'ont ni les ressources ni la notoriété dont jouissent Mikhail Khodorkovsky ou Bill Browder. Bon nombre de ces personnes ont simplement été arrêtées en raison de ces notices rouges et sont en attente de leur extradition.
Souvenez-vous de certaines affaires très médiatisées concernant des crimes commis par la Russie à l'étranger. Par exemple, Alexander Litvinenko a été assassiné à Londres en 2006 par empoisonnement au polonium, un élément composé d'isotopes radioactifs, et son présumé tueur s'est échappé pour retourner en Russie. Les Britanniques ont demandé au Kremlin de l'extrader ou, du moins, de le questionner, mais en vain. Le Kremlin n'a pas autorisé à ce qu'il soit interrogé ou extradé. Au lieu de cela, Lugovoi a été nommé membre du parlement russe. C'est la manière dont le gouvernement Poutine se mobilise.
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Comment vous l'avez mentionné, il y a seulement quelques mois de cela, la Chine a fait disparaître un de ses citoyens, Meng Hongwei, l'ancien président d'INTERPOL, prétendument pour l'accuser de corruption. Je crois que le gouvernement Xi Jinping était très insatisfait du faible nombre de personnes répertoriées sur sa liste mondiale de cibles qu'il avait réussi à appréhender. Soit dit en passant, la liste des 100 personnes les plus recherchées par la Chine s'appelle officiellement Operation Skynet. Cela indique clairement qui est vraiment aux commandes, et ce sera le cas pour la Russie aussi, notamment pour tous les oligarques et bureaucrates russes partout dans le monde. Ils servent Poutine à titre amovible, et eux et leurs familles vivent à titre amovible, comme campagne mondiale d'assassinat le fait savoir très clairement.
La question est la suivante: comment en sommes-nous arrivés là? Comment un général russe est-il devenu le président d'INTERPOL? On a emprunté la route pavée de bonnes intentions. Depuis la fin de la Guerre froide, la mission, du point de vue occidental, est de mobiliser les membres des régimes dictatoriaux pour qu'ils prennent part à des groupes comme le G7, INTERPOL, l'OMC, et ainsi de suite. Il était question de créer ces partenariats et ces relations économiques de sorte à libéraliser leurs autocraties et à améliorer les normes de transparence et les niveaux de vie dans ces pays.
Dans pratiquement tous les cas, les choses se sont déroulées tout autrement. La Chine est sur le point de devenir une dictature autocratique comme celle de Poutine, et la Russie est un État entièrement autoritaire. L'indice de liberté à l'échelle mondiale a diminué durant sept années consécutives. INTERPOL n'est que l'exemple le plus récent de ce qui arrive lorsqu'on laisse tomber ses normes et ses principes au nom de la collaboration. Au lieu de répandre la libéralisation et la coopération, la collaboration internationale a permis à la Russie et à d'autres pays de propager la corruption dans le but de rabaisser tout le monde à leur niveau.
Après avoir invité les représentants de tels régimes à participer aux activités des organisations du monde libre, il sera plutôt difficile de les expulser, mais cela doit se faire si ces organisations défendent un principe quelconque. Autrement, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elles soient renversées et s'opposent aux notions de liberté et de justice qu'elles étaient destinées à préserver. Pensons, par exemple, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies à l'égard de l'Arabie saoudite, de l'Iran et d'autres contrevenants aux droits de la personne tristement célèbres.
J'espère que ces audiences vous aideront à mieux comprendre le danger de l'influence de pays comme la Russie au sein d'INTERPOL ou d'autres organisations internationales, qui, comme vous l'avez dit, sont régies par le droit international, mais également souvent par leurs propres lois. Il y a très peu de transparence, ce qui est d'ailleurs inacceptable.
Merci.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, d'avoir organisé cette importante audience.
Je vais vous remettre un peu en contexte en ce qui concerne le Canada.
Bien que l'élection d'hier d'un nouveau président d'INTERPOL ait eu un résultat positif, des problèmes graves persistent au sein de l'organisation. Parmi les différents régimes autoritaires qui ont fait une utilisation abusive du système de notices d'INTERPOL à des fins politiques, le régime Poutine est en tête de liste. L'utilisation abusive du système de notices rouges représente des risques importants pour les détracteurs des régimes autoritaires, comme l'a mentionné M. Browder. Les Canadiens pourraient également devenir la cible de cette utilisation abusive si une réforme d'INTERPOL n'est pas réalisée bientôt à l'égard de la Russie, de la Chine et d'autres États membres appliquant un régime autoritaire.
Dans le contexte russe, les lois visant à restreindre la liberté d'expression, sans égard aux frontières, sont utilisées pour cibler et inculper des détracteurs à l'échelle mondiale, après quoi il est possible de limiter leur mouvement à l'aide du système de notices rouges. Les lois russes anti-gais qui criminalisent les activités publiques de défense des droits des homosexuels ont été utilisées dans le passé pour réduire au silence les militants étrangers. Quiconque dont l'interprétation de l'histoire soviétique est différente de la version officielle de l'État russe peut être aussi poursuivi en justice.
Cela expose les Canadiens et d'autres étrangers au risque d'être éventuellement poursuivis par contumace en Russie, et au risque subséquent de faire l'objet d'une diffusion ou d'une notice rouge. Le Kremlin ne voit pas d'inconvénient à juger les détracteurs par contumace, et les responsables l'ont fait à maintes reprises dans le passé, notamment dans le cas de Bill Browder, et même à l'endroit de son avocat, Sergei Magnitsky, après sa mort.
À l'heure actuelle, le système de notices rouges d'INTERPOL permet au Kremlin et à d'autres régimes autoritaires d'élargir la portée de leur oppression partout dans le monde, et bien qu'il incombe aux autorités locales de décider si elles veulent réagir à ces notices, elles constituent une menace considérable pour les militants, qui courent le risque d'être la cible de lois destinées à les réduire au silence.
Par exemple, en 2014, Vladimir Poutine a promulgué une loi qui permet effectivement au Kremlin de poursuivre et d'incarcérer, pour une période allant jusqu'à trois ans, quiconque désapprouve sa version de l'histoire soviétique. Les lois russes criminalisent la « diffusion d'informations délibérément fausses sur les activités de l'Union soviétique durant la Seconde Guerre mondiale. »
Les collectivités du Canada et de l'Europe centrale et orientale qui se réunissent chaque 23 août pour commémorer la signature du pacte Hitler-Staline, lequel a déclenché les invasions coordonnées de la Pologne par les nazis et les Soviétiques et ainsi que le début de la Seconde Guerre mondiale en août et septembre 1939, seraient probablement toutes reconnues coupables en vertu de cette loi.
En 2016, Vladimir Luzgin, un mécanicien automobile originaire de Perm en Russie, a été reconnu coupable conformément à cette loi en raison d'un texte publié dans un blogue où il a déclaré que les nazis et les Soviétiques avaient en fait envahi la Pologne en 1939. M. Luzgin a depuis présenté une demande à la Cour européenne des droits de l'homme pour qu'elle examine son cas.
Advenant le cas où les autorités russes et le Kremlin se sentiraient menacés par des militants canadiens présents dans les collectivités locales russes, ukrainiennes, polonaises ou baltes, ils pourraient se servir de la même loi pour les juger par contumace et demander d'utiliser une diffusion ou une notice rouge pour entraver leur mouvement ou, dans le pire des cas, pour les extrader d'un pays ami.
La loi relative à la propagande anti-gais présente également un risque pour les Canadiens, puisqu'elle interdit toute activité de défense des droits des homosexuels ou toute critique des politiques d'État, ce qui a notamment entraîné l'incarcération systématique dans des camps de concentration des hommes gais se trouvant dans la province russe de la Tchétchénie. La loi interdit en particulier toute promotion des relations sexuelles non traditionnelles. Sous ce régime, les étrangers qui sont reconnus coupables d'avoir enfreint cette loi peuvent être emprisonnés pendant 15 jours au plus, malgré le fait que l'article 3 du statut d'INTERPOL interdit strictement toute intervention ou activité dans des affaires présentant un caractère politique ou discriminatoire.
Des régimes comme celui de Vladimir Poutine continuent d'utiliser le système des notices rouges d'INTERPOL pour cibler leurs détracteurs. Comme cela a été déclaré dans un rapport rédigé lors d'une assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en 2017 et qui porte sur le recours abusif à INTERPOL, on a manifestement fait une utilisation abusive du système des notices rouges « en vue d'atteindre des objectifs politiques, ce qui opprime la liberté d'expression ou donne lieu à la persécution de membres de l'opposition politique au-delà des frontières de ces pays ». Selon ce même rapport, le fonctionnement adéquat du système de notices rouges dépend « de la confiance mutuelle entre les divers intervenants et de la croyance que les États membres auraient recours à INTERPOL de bonne foi, uniquement aux fins pour lesquelles l'organisation a été fondée ». Pour ce qui est du gouvernement russe, cette confiance a été endommagée de façon irrémédiable en raison du recours systématique aux notices rouges à l'encontre de multiples cibles politiques, y compris Bill Browder.
La gravité des crimes imputés aux personnes ciblées par les notices rouges utilisées par les régimes autoritaires varie aussi.
Alexander Lapshin, un blogueur de voyage ukrainien, a été arrêté à Minsk à la suite de l'émission d'une notice rouge de nature politique par le gouvernement de l'Azerbaïdjan en décembre 2016 pour avoir fait des commentaires sur ses visites dans le Haut-Karabakh en 2012.
Natalia Bushuyeva a été détenue à Moscou à la suite de l'émission d'une notice rouge par l'Ouzbékistan à des fins politiques en juillet 2016. Elle était correspondante pour la Deutsche Welle et avait couvert le massacre de manifestants par le gouvernement uzbek à Andijan en 2005.
En 2013, la Russie a émis une notice rouge à l'égard d'Eerik-Niiles Kross, un parlementaire estonien et l'un des principaux détracteurs de Vladimir Poutine, quelques jours avant une élection à laquelle il prenait part.
Il est également important de noter que mardi, l'animatrice d'une populaire émission russe de discussions sur l'actualité, Olga Skabeeva, a dit aux téléspectateurs qu'une fois que le Kremlin assumerait la présidence d'INTERPOL, il enverrait tout le gouvernement de l'Ukraine en prison.
Les activités que je mène ici au Canada et à l'étranger pour exiger le respect des droits de la personne en Russie, en tant que militant de l'opposition favorable à l'adoption au Canada d'une loi Magnitsky, ont fait de moi une cible des trolls et de la propagande du Kremlin. Déjà, en 2008, j'ai reçu des menaces de mort pour avoir critiqué publiquement l'invasion de la Georgie par le Kremlin et son occupation subséquente de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie.
En 2016, j'ai organisé une conférence à l'Université de Toronto en mémoire du leader de l'opposition russe assassiné Boris Nemtsov. Bill faisait partie des participants. Vladimir Kara-Murza, Zhanna, la fille de Boris, et Irwin Cotler en faisaient également partie. Peu de temps après l'événement, l'avocate du Kremlin qui avait organisé la réunion à la tour Trump en juin 2016, laquelle est actuellement au coeur de l'enquête menée par le procureur américain Robert Mueller, Natalia Veselnitskaya, a publiquement critiqué l'événement, ce qui a encouragé un membre de la Douma russe, Yevgeny Fedorov, à présenter une demande officielle au procureur général de la Russie afin qu'une enquête soit menée sur mes activités au Canada.
Bien que je n'ai pas eu à faire face à des problèmes immédiats à la suite de cette demande, cela indique la volonté du Kremlin de menacer les militants et les détracteurs, peu importe où ils se trouvent.
J'espère que ce gouvernement et ce comité vont lancer une enquête beaucoup plus approfondie en ce qui concerne la réforme d'INTERPOL et de son système de notices rouges, dont le Kremlin fait déjà une utilisation abusive à l'heure actuelle.
Merci de m'avoir invité aujourd'hui afin que je témoigne et d'avoir organisé cette audience d'urgence très importante.