Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs, chers membres du Comité. Bonjour également à tous ceux présents.
Je vais brièvement présenter le Congrès Maghrébin au Québec, vous parler de mon parcours pour situer mon témoignage et passer ensuite au témoignage comme tel.
Le Congrès Maghrébin au Québec est un organisme créé en 2009 par des professionnels de la communauté maghrébine au Québec. Il a comme ambition, essentiellement, d'encourager la participation civique des québécois d'origine maghrébine, et aussi d'aider la communauté maghrébine à s'intégrer, surtout dans les domaines scientifique, économique, culturel et autres. Il s'occupe aussi de la promotion de l'entrepreneurship au sein de la communauté maghrébine. Nous nous intéressons depuis 2 ou 3 ans à la question de la radicalisation.
En ce qui concerne mon parcours personnel, cela fait 17 ans que je suis au Canada. Je suis ingénieur de formation et je travaille dans une grande entreprise canadienne d'aéronautique, à Montréal. J'ai un baccalauréat en études islamiques, portant sur la théologie. J'ai été actif durant plusieurs années au sein du Ministère de l’immigration et des Communautés culturelles du Québec, comme on l'appelait alors, en ce qui concerne l'intégration. J'y suis devenu membre de la Table de concertation Maghreb. Il y a 2 ans, j'ai été nommé parmi les membres de la communauté musulmane, choisis par le premier ministre du Québec, M. Couillard, à un groupe de travail sur la radicalisation. Je suis aussi assistant de recherche au GRIMER, le Groupe de recherche interdisciplinaire sur le Montréal ethnoreligieux et j'anime des émissions de radio et de télévision, depuis une quinzaine d'années, au sein de la communauté musulmane.
Je vais maintenant passer au témoignage qui va être axé essentiellement sur la question de la prévention. Nous considérons la prévention comme un élément très important, dans le cas de la radicalisation menant à la violence.
Nous avons entamé plusieurs démarches, au sein de la communauté arabo-musulmane de Montréal, pour sensibiliser ses membres à l'importance de leur participation à ce débat. Ce témoignage est un résultat de ce que nous avons constaté sur le terrain.
Nous avons aussi suivi les travaux et les démarches entreprises par le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, le CPRMV, établi à Montréal depuis les deux dernières années. Nous relevons trois éléments importants qui constituent le plus grand défi de toutes les approches de prévention.
Le premier élément est la question de confiance.
Excusez-moi, j'ai oublié de mentionner que j'étais invité par le gouvernement américain, durant le mois d'août, à visiter quatre villes des États-Unis qui ont mis sur pied des programmes contre la radicalisation. Cela m'a donné une idée de ce qui se passe chez nos voisins du Sud. Nous avons visité quatre villes où il y a eu des attentats liés à la radicalisation menant à la violence.
Je reviens à la question de la confiance. Tous les programmes contre la radicalisation, au delà de leur efficacité, au-delà de leur structure, exigent et nécessitent une confiance. Cette confiance s'établit par le mode d'intervention que le gouvernement adopte — nous l'avons remarqué, et ce n'est pas un reproche. C'est une observation que nous avons notée relativement au CPRVM. Dans notre cas, au moment du démarrage du Centre, l'ambiguïté de sa relation avec la police ne lui a pas permis de pouvoir bien établir des liens avec la communauté.
Nous ne sommes pas en train de dire que l'intervention de la police pose problème. Paradoxalement, l'expérience à Montréal a démontré que les interventions de la GRC ont été beaucoup mieux acceptées. La raison en est que la police communautaire, dans son rôle communautaire, quand elle est transparente, — c'est le deuxième point qui est très important dans le cadre de toute démarche de prévention contre la radicalisation —, est mieux perçue. Ceci a été le cas de la GRC depuis qu'on a identifié de jeunes Canadiens qui ont quitté le pays pour rejoindre des groupes terroristes. La démarche communautaire se doit d'être ouverte, de reconnaître que les policiers ont un rôle de lutte à la criminalité, mais également un rôle communautaire. Ce rôle n'est pas d'imposer des programmes, mais tout simplement de s'intégrer aux programmes et aux activités.
Un élément important de la démarche pour contrer la radicalisation, c'est d'éviter qu'elle ne se fasse en parallèle avec les activités proprement communautaires. Un des reproches que nous adressons au centre, c'est que sa démarche touche beaucoup le marketing à l'international. Il n'est pas perçu comme un acteur principal qui promeut des activités sportives, culturelles ou sociales au sein des communautés qui peuvent être touchées par ce phénomène. Cette approche, qui se fait en parallèle, fait en sorte qu'il y a une distance, il y a un manque de confiance qui s'établit entre les membres des communautés en général et vis-à-vis toutes les démarches de prévention.
J'ai eu l'occasion d'entendre les mêmes observations aux États-Unis, que ce soit en Californie, à Chicago ou à Atlanta. Toutes les communautés, et plus particulièrement les communautés musulmanes, démontrent une certaine méfiance quand la démarche n'est pas clairement identifiée comme lorsqu'on crée un centre qui prétend ne pas être en relation avec la police, mais qui l'est en réalité. Les gens préfèrent, comme dans l'exemple du centre de prévention de le radicalisation de Montréal que j'ai donné, que la GRC intervienne dans des activités dans un rôle strictement communautaire.
Par exemple, pour les activités existantes, nous avons des salles de judo, du soccer pour les jeunes, des activités culturelles. En participant à de telles activités, en discutant ouvertement avec les jeunes et en s'affichant d'une façon transparente comme membres de la grande famille de la GRC et en travaillant essentiellement sur l'aspect communautaire pour établir de bonnes relations avec les jeunes, on améliore l'image de l'autorité policière, que nous considérons d'ailleurs très importante.
Concernant les jeunes qui sont susceptibles d'être radicalisés, nous avons observé sur le terrain que les groupes radicaux, à travers l'Internet, travaillent surtout sur une fibre, sur un maillon faible qui est le lien d'appartenance, un lien fondamental. Le jeune qui perd ce lien d'appartenance à sa société devient vulnérable et susceptible d'être récupéré par des autorités néfastes par le truchement d'Internet ou de personnes qui sont des éléments de radicalisation.
En permettant, par exemple, à la police de tisser des liens communautaires, on atteint deux objectifs. D'une part, on fait de la prévention en assurant un soutien direct dans les activités courantes et non pas en parallèle avec celles-ci et, d'autre part, en renforçant le lien avec un État de droit. Même s'il est en désaccord avec la politique du pays, le jeune comprend qu'il évolue dans un État de droit avec des processus démocratiques qui lui permettent d'exprimer son désaccord sur des questions comme la politique internationale.
Le dernier point que je souhaite soulever est la question de l'évaluation. Des études menées à travers le monde ont démontré que tous les programmes de contre-radicalisation peuvent être contre-productifs et même constituer des éléments générateurs de radicalisation lorsque la transparence et le lien de confiance ne sont pas bien établis. Au Canada, il faudrait trouver un moyen de mettre en place une autorité neutre qui ferait l'évaluation des différents programmes de prévention de la radicalisation existants, incluant les programmes locaux. Cette autorité pourrait être composée de personnes connues dans tout le pays. Il faudra avoir une intervention parce des programmes de prévention de la radicalisation qui sont mal appliqués peuvent produire l'effet inverse. La distinction, à titre d'exemple, entre les activités de prévention et les activités de droit criminel peuvent créer de la méfiance, briser la confiance et causer une rupture irréversible entre la jeunesse canadienne et le gouvernement canadien.
Permettez-moi de revenir sur un point très important qu'on considère aussi en relation avec la question de la prévention de la radicalisation. Dans les éléments de consultation, il y avait la question de la liste des groupes considérés terroristes. À titre d'exemple, lorsque le gouvernement fait des mises à jour de cette liste, il est très important de bien gérer la transition entre la phase où un groupe n'est pas considéré terroriste et celle où il le devient alors que toute personne ou tout Canadien devient en situation de criminalité parce qu'il entretient des relations avec ce groupe. La gestion de cette phase est très importante au niveau des communications. Autrement dit, il faut s'assurer de bien informer de la situation les organismes qui, en toute légalité, faisaient affaire avec un organisme nouvellement inscrit sur la liste des organismes terroristes pour que la transition du statut du groupe soit faite en toute transparence.
Enfin, je termine mon témoignage sur la question de la radicalisation. La communauté musulmane dans son ensemble a beaucoup apprécié la déclaration du selon laquelle la radicalisation est un domaine très inconnu. C'est aussi ce qu'ont affirmé les autorités politiques américaines au cours de ma visite. Il faut se méfier des organismes, des centres qui pensent avoir des solutions faciles et qui ne cherchent que des subventions.
Je crois que nous sommes en mode découverte et qu'il faut prendre le temps de sensibiliser l'ensemble des acteurs ainsi que la communauté musulmane. Sur le terrain et dans le cours de mes émissions à tribune ouverte, j'ai observé que la communauté musulmane est mobilisée et qu'elle veut participer. Je dirai qu'il y a beaucoup de divergences sur beaucoup de sujets, mais sur le sujet de la radicalisation, la communauté peut jouer un rôle très important. La majorité de ses leaders sont prêts à participer d'une façon active malgré les divergences.
Je vous remercie.
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Bonjour. Je remercie les membres du Comité d'être venus à Montréal pour nous entendre.
La Ligue des droits et libertés est un organisme à but non lucratif et non partisan fondé en 1963. Ses objectifs sont la défense et la promotion des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l'homme, dont nous soutenons l'universalité et la visibilité. La Ligue des droits et libertés est membre de la Fédération internationale des droits de l'homme. Elle est également une des plus anciennes organisations de défense des droits des Amériques.
Je suis accompagné de mon collègue, Denis Barrette, qui est avocat et membre de la Ligue des droits et libertés. En ce qui concerne l'intérêt du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, M. Barrette a représenté la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles — dont la Ligue est membre — dans le cadre de la commission d'enquête relativement à Maher Arar, présidée par le juge O'Connor. Il vous entretiendra plus particulièrement des problèmes liés à la reddition de comptes et aux mécanismes de surveillance des agences.
Nous sommes très contents que le gouvernement ait initié une discussion publique sur la question de la sécurité nationale. Je suis conscient que nous ne pourrons pas faire le tour de la question en 10 minutes, mais je veux souligner aujourd'hui que nous voudrions que le cadre de la sécurité nationale, qui date des attentats du 11 septembre 2001, soit remis en question.
Pour bien situer le contexte, j'ai deux citations à vous lire. La première va comme suit:
[Traduction]
« Oublierons-nous qu'il n'y a rien comme la perte de la liberté pour affaiblir la sécurité? »
[Français]
Elle est de Ramsey Clark, ancien procureur général des États-Unis.
La deuxième citation vient de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan: « Le respect des droits de l'homme non seulement est compatible avec les stratégies de lutte contre le terrorisme, mais il en est un élément essentiel. » Depuis les attentats du 11 septembre 2001, des mesures antiterroristes ont été adoptées la plupart du temps dans la peur et dans la précipitation par suite d'événements particuliers, sans débat de fond sur la pertinence de ces mesures et, ce qui est plus important, sans évaluation de leur impact sur notre régime de droits humains et sur les libertés qui doivent être protégés.
Parmi ces droits qui ont été remis en question, il y a la présomption d'innocence; le droit à la vie privée et à la protection contre les perquisitions et les intrusions dans la vie privée; le droit de ne pas être importuné, interrogé, arrêté et détenu sur la base d'un soupçon ou d'un profil racial, religieux ou ethnique; le droit pour tous à un procès public juste et équitable et le droit d'appel; le droit à une défense pleine et entière; le droit d'être protégé contre l'emprisonnement arbitraire et la torture; le droit d'asile; le droit à l'information et à la liberté de presse; et la liberté d'expression dont le droit de manifester publiquement et collectivement.
Tous ces droits ont été atteints d'une manière ou d'une autre depuis les attentats du 11 septembre 2001. L'idée qui a été entretenue dans la population est que si nous voulons plus de sécurité, nous devons sacrifier des libertés et que ce serait une question d'équilibre. Nous tenons à souligner que cette idée est profondément erronée et dangereuse. Ce n'est pas en sacrifiant des droits qu'on obtient plus de sécurité. Les droits et libertés sont le fondement de la sécurité.
J'ai cité Kofi Annan, mais dans un rapport des Nations unies sur la question du terrorisme on soulignait que ce sont les sociétés qui respectent le plus les droits qui sont le plus en sécurité et où il y a le moins de violence et d'attentats.
Par ailleurs, nous réitérons notre position selon laquelle le Code criminel d'avant 2001 ainsi que les 12 traités internationaux contre le terrorisme auxquels le Canada a souscrit permettaient déjà de lutter efficacement contre le terrorisme. Dans son mémoire déposé lors de l'adoption du projet de loi C-36, Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation, l'Association du Barreau canadien avait rappelé à juste titre que le gouvernement canadien disposait déjà de nombreux outils légaux pour réprimer les infractions terroristes et que le Code criminel renfermait un solide arsenal de dispositions destinées à lutter contre les organisations terroristes.
Nous tenons à souligner aussi que la menace terroriste ainsi que la recherche de la sécurité doivent être évaluées dans un contexte plus large. Dans un rapport remis au secrétaire général des Nations unies en 2004, intitulé « Un monde plus sûr: notre affaire à tous », on identifie une liste impressionnante de menaces qui pèsent sur la paix et sur la sécurité internationale. On y identifie aussi des grands défis, dont la guerre entre les États; la violence à l'intérieur des États; la pauvreté, les maladies infectieuses et la dégradation de l'environnement; les armes nucléaires radiologiques, chimiques et biologiques; le terrorisme; et la criminalité transnationale organisée.
Autrement dit, le terrorisme est une menace à la sécurité, mais il y en a beaucoup d'autres, qui, en fait, tuent beaucoup plus de personnes partout dans le monde.
Par ailleurs, il est assez consternant de constater à quel point les gouvernements refusent de tirer des leçons des 15 dernières années. Les pays occidentaux, dont le Canada, se sont engagés dans de multiples guerres contres des pays musulmans. Ces guerres ont semé la mort, la destruction, le chaos et ont créé des conditions propices au développement de foyers de terrorisme. Plutôt que de réviser cette politique désastreuse, qui nous entraîne dans une guerre au terrorisme sans fin, on persiste à nous faire croire que notre sécurité repose sur la surveillance des populations et des pouvoirs policiers extraordinaires.
Dans le court laps de temps de cette présentation, nous ne pouvons pas faire la critique de l'ensemble des lois et des mesures antiterroristes en vigueur au Canada. Toutefois, rappelons que la loi émanant du projet de loi C-51 ajoute une couche particulièrement inquiétante aux mesures déjà existantes. Le pouvoir de réduire les menaces accordé au SCRS évoque les abus révélés à l'époque par la Commission McDonald, notamment le fait que la GRC avait volé la liste des membres du Parti québécois, brûlé une grange et diffusé de faux communiqués du FLQ pour contrer la menace séparatiste.
Le nouveau crime consistant à préconiser ou à fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme en général est une menace à la liberté d'expression. Des personnes peuvent être inscrites sur la liste d'interdiction de vol en vertu de simples soupçons, sans savoir ce qui leur est reproché et sans pouvoir réellement se défendre. La possibilité de détenir pendant une semaine, sur la base de simples soupçons, une personne qui n'a pas fait l'objet d'accusations est démesurée et inadmissible. Nous partageons également la critique du commissaire à la protection de la vie privée du Canada concernant la nouvelle Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, qui émane du projet de loi C-51.
Enfin, il manque toujours un mécanisme de surveillance et d'examen des activités de sécurité nationale. Le comité parlementaire proposé est absolument nécessaire et cela fait partie des moyens de s'assurer que les organismes mandatés à cet effet respectent les chartes et les droits des citoyens. Cependant, des améliorations doivent être apportées au projet de loi , qui crée ce comité de parlementaires. Or il est essentiel qu'un organisme indépendant, capable de scruter l'ensemble des activités de sécurité nationale, soit créé. Sinon, le comité ne pourra pas fonctionner.
À cet égard, nous partageons le point de vue de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, qui va témoigner dans le cadre du prochain groupe. Cela dit, nous pouvons revenir nous-mêmes sur la question, si vous voulez nous interroger à ce sujet.
Pour conclure, vous avez l'obligation non seulement de remettre en question les mesures antiterroristes, mais également de susciter un débat, de promouvoir une véritable discussion publique portant tout autant sur le plein exercice des droits fondamentaux que sur l'identification des véritables menaces à la sécurité ainsi que de leurs causes et des moyens pour les enrayer. Nous accueillons favorablement cette consultation. C'est déjà un premier pas. Nous nous attendons néanmoins à ce que ce gouvernement continue de se démarquer des précédents en remettant les droits et libertés de la personne au coeur des politiques de sécurité.
Merci.
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Nous avons considéré la question de la vulnérabilité. En général, les jeunes ne peuvent pas se radicaliser du jour au lendemain. Il y a un contexte socioéconomique et de politique internationale. Il y a plein d'éléments qui font en sorte qu'une personne peut avoir un sentiment de non-appartenance à la société canadienne. Par exemple, ses parents ne sont peut-être pas bien intégrés parce qu'ils n'ont pas trouvé un emploi malgré leurs diplômes.
Il y a aussi des éléments extérieurs, essentiellement les sites Internet. Les États-Unis ont développé des programmes très intéressants pour connaître les moyens de recrutement et analyser les discours qui sont tenus sur ces sites. Or cela manque au Canada. Je sais que la GRC travaille un peu à ces éléments, mais le gouvernement pourrait outiller les bénévoles sur le terrain avec ce genre de programmes et développer des recherches pour relever ce type de discours. Ainsi, ces bénévoles pourraient développer certains indicateurs.
Le danger, c'est qu'il n'y a pas de profil typique. On ne peut pas stigmatiser directement une personne. C'est là que le rôle des bénévoles sur le terrain devient important. Ce sont des personnes à qui on fait confiance. Par exemple, j'ai reçu des appels de parents qui me font confiance. Je les ai rencontrés. Nous avons parlé avec leurs jeunes, et en fin de compte, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Ces gens de l'extérieur ont une certaine notoriété au sein de la communauté. On voit que le jeune est plus à l'aise de parler à ces gens qu'à ses parents. C'est là qu'on peut voir s'il y a un certain isolement.
À titre d'exemple, voici ce qu'on a fait dans plusieurs quartiers de Montréal. On a intégré aux activités quotidiennes la prévention de la radicalisation. La plus grande erreur est d'instaurer un programme de l'extérieur parce que c'est perçu comme une stigmatisation de la communauté.
Nous rejoignons des jeunes qui font du judo avec des entraîneurs. C'est un milieu multiculturel; ce n'est pas une communauté en particulier. Nous leur disons qu'en tant que jeunes ils ont un rôle très important à jouer pour contrer eux-mêmes la radicalisation. Nous ne leur donnons pas un rôle d'accusés ou de victimes, mais un rôle proactif. Chaque fois que nous impliquons les jeunes dans cette démarche, nous les préparons pédagogiquement à cette question. Nous partageons avec eux les recherches qui se font d'une façon très simple. Nous leur disons qu'ils pourraient discuter avec la GRC, par exemple. Là, nous leur faisons rencontrer quelqu'un de la GRC qui s'est assez documenté, qui sait comment faire cela et qui connaît le milieu.
La formation est très importante. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'intervenants. Il y a une industrie de programmes contre la radicalisation et les gens cherchent beaucoup de subventions. Certains s'improvisent spécialistes, mais ils ne connaissent pas ces milieux.
Nous avons fait cette expérience et les jeunes commencent à poser des questions. Là, ils se voient en mission. Un jeune qui pourrait être vulnérable à la radicalisation se retrouve avec la mission de s'assurer qu'aucun jeune dans son quartier ou dans son environnement ne sera victime de ces groupes terroristes qui font de la propagande par Internet.
Cette jeunesse a beaucoup d'énergie et de connaissances, et elle veut avoir des projets. Malheureusement, le projet d'aller en Syrie est un défi personnel. Il y a aussi plein d'autres choses que le gouvernement doit améliorer au matière de politique internationale — je suis d'accord sur ce qui a été dit à ce sujet. Il y a des choses qu'on peut contrôler et d'autres pas, mais au moins, on pourrait transformer cette énergie des jeunes en énergie positive, afin qu'eux-mêmes deviennent un facteur contre ce phénomène de radicalisation. Je peux vous assurer que certains jeunes étaient très méfiants.
Cela prend deux éléments. D'abord, il faut que la communauté soit très active — je ne parle pas ici d'un groupe ethnique en particulier — et des leaders qui sont prêts à agir. Ensuite, les autorités ne doivent pas être indifférentes. Elles doivent être prêtes à s'impliquer, mais dans un esprit de non-ingérence, car il ne faudrait pas que ce soit perçu comme de l'espionnage. Il faut qu'il y ait accompagnement de la part des autorités de façon à créer cette dynamique chez cette jeunesse.
On a vécu cela dans plusieurs quartiers de Montréal. Il y a eu des activités de soccer, de chant, de musique et de judo. Cela fonctionne très bien. Maintenant, ce sont les jeunes qui demandent s'il y a un programme, car ils veulent s'assurer que d'autres jeunes s'intègrent à leurs activités.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, je vais parler du rapport entre l'examen parlementaire par le comité, prévu par le projet de loi et un examen indépendant qui sera fait, je l'espère, par un organisme spécialisé indépendant du gouvernement. J'ai préparé un texte qui, je crois le comprendre, doit vous être remis une fois qu'il aura été traduit.
Ayant été avocat de la commission chargée de l'enquête sur l'affaire Arar et avocat spécial pendant quelques années, je peux vous dire que les organismes et les services qui s'occupent de la sécurité nationale font des erreurs. Pas par malveillance. Ils le font en toute innocence, mais ils commettent des erreurs parce que ce sont des êtres humains. M. Arar a été envoyé en Syrie et torturé pendant un an à cause de renseignements inexacts qu'un corps policier canadien, la GRC, a communiqué au FBI et à la CIA.
Ce cas n'est pas une anomalie. Bien des Canadiens ont été ciblés à cause de la réaction de nos organismes au terrorisme.
L'un des grands problèmes de ces organismes, c'est qu'ils travaillent sur des renseignements, pas sur des preuves. On a dit des renseignements qu'ils étaient des « rumeurs surfaites ». Ils viennent de sources humaines, d'organismes étrangers, peu importe, et il arrive souvent qu'ils ne soient pas fiables.
L'autre problème de nos organismes, c'est qu'ils ne sont pas tout à fait ouverts avec les organismes d'arbitrage lorsqu'ils commettent des erreurs. L'an dernier et dans les années antérieures, la Cour fédérale du Canada a sévèrement critiqué le SCRS parce qu'elle a jugé que le service n'avait pas été ouvert à propos de ses erreurs.
L'autre aspect, très important pour expliquer pourquoi il nous faut une surveillance et un examen efficaces, c'est que la plupart des activités de ces organismes, comme le SCRS, sont menées à notre insu. Elles se déroulent dans le secret. Même les instances judiciaires qui concernent le SCRS restent secrètes.
Et tout en menant leurs activités en secret, le SCRS et d'autres organismes chargés de la sécurité nationale ont des pouvoirs incroyablement intrusifs et peuvent empiéter sur les droits et libertés des Canadiens. À considérer l'ensemble des faits, nous devons nous dire que, bien entendu, nous voulons protéger la sécurité nationale, mais que nous voulons aussi protéger nos libertés fondamentales qui sont garantis par la Charte des droits. Comment faire?
Ce sont là des questions très importantes. Il est probable qu'une des questions les plus difficiles dans notre système juridique aujourd'hui est celle de la conciliation de la sécurité nationale avec nos libertés fondamentales. La solution, selon moi, c'est une surveillance efficace par un comité parlementaire et un examen indépendant par un groupe d'experts. Je m'explique.
Je dirai dès le départ que je suis très heureux que le gouvernement veuille créer un comité de parlementaires pour surveiller les activités des organismes chargés de la sécurité nationale. Le projet de loi présente un certain nombre de problèmes que je vais évoquer dans mon exposé. Je crois savoir que vous allez étudier ce projet de loi la semaine prochaine. J'ai des observations à faire sur cette mesure, mais il est certain que la surveillance parlementaire exercée par ce comité est un progrès dans le sens d'un renforcement de notre système de sécurité nationale, en ce qui concerne tant les organismes que les examens auxquels ils sont soumis.
Une question se pose: est-ce suffisant? Ma réponse est claire. Je m'occupe de questions de sécurité nationale depuis 10 ans, de renseignements ultrasecrets et d'organismes chargés de la sécurité nationale, et je dis qu'il faut quelque chose de plus, et ce quelque chose doit être complémentaire de la surveillance parlementaire exercée par ce comité ou un autre qui sera là pour s'occuper de ces organismes. D'une part, il y a la surveillance exercée par un comité parlementaire et d'autre part, nous avons un examen effectué par un organisme spécialisé indépendant.
Je vais vous expliquer les différences. Dans son rapport sur l'affaire Arar, le commissaire O'Connor a traité de ces notions relatives à la surveillance. Je le répète, la surveillance parlementaire exercée par un comité est un progrès. Elle existe dans la plupart des démocraties libérales, et il est bon que nous allions dans le même sens.
Qu'est-ce que la surveillance? Elle traite de questions d'efficacité: comment les organismes nationaux fonctionnent-ils et quel système de politique devrait s'appliquer aux organismes chargés de la sécurité nationale? C'est une étude ou une analyse théorique. Les parlementaires n'ont pas le temps d'aller sur le terrain pour s'occuper des questions d'examen.
Qu'est-ce que l'examen? Il porte, après le fait, sur l'activité de l'organisme pour voir si ont été respectées les normes de légalité, de politique et autres. Voilà ce que fait le CSARS, chargé de l'examen du SCRS.
Nous avons donc la surveillance parlementaire qui traite de questions systémiques et de questions de politique et nous avons l'examen.
Vous vous demanderez peut-être: maintenant que nous avons la surveillance grâce au comité de parlementaires, le CSARS et le commissaire du SCC, n'avons-nous pas le meilleur des deux mondes? La réponse est clairement négative.
Il y a plus de 10 ans, le commissaire O'Connor a dit dans le rapport Arar que notre système d'examen laisse à désirer. Maintenant, dans le projet de loi , les problèmes de l'examen sont encore plus flagrants.
Voici trois exemples qui montrent pourquoi le système d'examen laisse à désirer et ne répond pas aux besoins.
D'abord, notre système d'examen est compartimenté. Chaque entité n'a compétence que pour un seul organisme et non pour l'ensemble des organismes. Or, tous les organismes chargés de la sécurité nationale agissent conjointement. On ne peut avoir un organe d'examen qui s'occupe uniquement du SCRS, alors que ce service travaille avec l'ASFC, la GRC, etc. Cette compétence compartimentée est totalement inadéquate.
Deuxièmement, le projet de loi a donné aux organismes des pouvoirs plus nombreux et plus larges. En conséquence, il faut plus de pouvoirs et de ressources pour les organismes d'examen.
Le troisième exemple concerne les renseignements personnels. Le projet de loi donne à plus d'une centaine d'organismes canadiens l'autorisation de communiquer des renseignements personnels à 17 organismes canadiens, comme le SCRS. De ces 17 organismes, 14 n'ont aucun mécanisme d'examen. Il y a bien des raisons qui font que le système est en bute à des difficultés et que nous avons besoin d'un mécanisme plus large qui a compétence à l'égard de tous les organismes qui s'occupent de sécurité nationale.
J'utiliserai ma dernière minute pour dire un mot des problèmes du projet de loi .
Le problème principal est que le gouvernement peut intervenir dans l'exercice du mandat du comité. Celui-ci est autorisé à faire un examen de la sécurité publique à moins que le ministre ne dise que l'examen porterait atteinte à la sécurité nationale.
C'est la même chose pour l'accès à l'information. Le comité peut demander des renseignements à un ministre ou à un organisme, mais on peut lui opposer un refus parce que leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale. Le problème, comme la Cour suprême du Canada l'a dit dans l'affaire Harkat, c'est que les gouvernements exagèrent toujours lorsqu'ils invoquent la sécurité nationale. C'est le cas non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs.
Les décisions du ministre, aux termes du projet de loi , de refuser des renseignements ou l'autorisation au comité de faire enquête ne font l'objet d'aucun contrôle judiciaire. C'est un pouvoir sans précédent au Canada.
Vous verrez dans mon mémoire un certain nombre de difficultés que présente le projet de loi . Il va dans la bonne direction, mais il n'est pas encore tout à fait au point.
Merci.
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Je vais m'adresser à vous en français mais, comme vous le constatez, je peux certainement répondre à vos questions en anglais.
Je suis ici au nom de l'Association des juristes progressistes, l'AJP. C'est une association formée d'avocates et d'avocats, de professeurs de droit, d'étudiantes et d'étudiants en droit et d'autres travailleuses et travailleurs du domaine juridique. Elle a été fondée en 2010, elle compte plusieurs centaines de membres et elle intervient au sujet de nombreuses questions d'actualité, de lois et de règlements qui sont adoptés.
Personnellement, dans le cadre de ma pratique, je travaille beaucoup sur le sujet du droit constitutionnel et sur celui de la validité constitutionnelle des lois. J'ai contesté notamment un article du Code du travail qui limitait la liberté d'association des travailleurs de ferme, un article du Code de la sécurité routière qui limitait le droit de manifester et le règlement P-6 de la Ville de Montréal. Actuellement, je m'occupe de la contestation du règlement concernant les chiens de race bull-terrier — cela fait toujours sourire les gens —, mais je crois que les principes de validité des lois nous interpellent beaucoup, surtout à l'AJP.
L'Association a pris position au moment de l'adoption du projet de loi . Nous nous sommes prononcés contre l'adoption des mesures annoncées, pour plusieurs motifs. Il y a notamment le fait que, selon nous, à notre humble opinion, la plupart des mesures adoptées violent probablement la Charte canadienne des droits et libertés. Je suis donc ici aujourd'hui pour intervenir surtout au sujet de ces mesures. Nous allons dire les choses comme elles le sont. Un projet de loi a été déposé en vue de révoquer certaines dispositions de C-51 et et des consultations ont été promises au cours de la campagne électorale. Rappelons-nous que le Parti libéral du Canada avait voté en faveur de la loi en disant que, plus tard, il pourrait la réviser. À notre avis, c'est vraiment l'occasion de le faire. Cette présentation découle donc de l'analyse faite par mes collègues. Je ne vais pas trop parler du sujet qu'étudie le Comité, mais surtout de C-51.
Je veux intervenir sur deux aspects, le premier étant celui du Livre vert qui a été communiqué à la population. L'AJP a fait beaucoup de travail d'éducation juridique à ce sujet et beaucoup de travail de conscientisation de la population. Ce qui nous a déçu dans le Livre vert et la consultation actuelle, c'est que le Livre vert semble présenter le cadre actuel, incluant C-51, comme étant quelque chose d'éminemment nécessaire et/ou positif. Évidemment, nous nous attendons pas à ce que vous présentiez le point de vue contraire mais je crois que, puisqu'il s'agit d'une consultation, la population est censée pouvoir intervenir en ayant toutes les données en sa possession.
Il aurait été intéressant de noter les controverses créées par C-51 au sein de la communauté juridique, alors que la plupart des experts juristes considèrent que la loi contient probablement des violations des droits et libertés. Il y a actuellement une contestation constitutionnelle de ces dispositions devant les tribunaux en Ontario, menée par mon éminent collègue Me Cavalluzzo. Nous croyons que ce contexte doit être communiqué à la population.
En ce qui concerne le fond de la question, nous avons énormément à dire, évidemment, mais je vais me limiter à certains aspects des dispositions qui modifient différentes lois, pour vous dire pourquoi nous pensons que ces dispositions devraient être révoquées.
Le premier aspect est le nouveau crime concernant la préconisation du terrorisme qui rendrait coupable d'un acte criminel quiconque, sciemment, communique les déclarations en sachant que la communication entraînera la perpétration d'une infraction de terrorisme ou sans se soucier du fait que la communication puisse ou non entraîner la perpétration de l'une de ces infractions.
Selon nous, cette disposition est inutile, parce qu'il y a déjà environ une quinzaine de dispositions qui encadrent tous les crimes associés au terrorisme, dont notamment la propagande terroriste ou haineuse. Elle pose également d'énormes problèmes quant à la liberté d'expression. Elle ne vise pas simplement des gens qui ont des opinions discordantes de celles du gouvernement en place à l'époque — parce que nous croyons, évidemment, que c'était le cas au moment où la loi a été adoptée. Elle vise également des gens qui occupent des positions neutres, comme des journalistes, des professeurs, des analystes. Ceux-ci pourraient avoir une opinion sur un conflit et pourraient ne pas l'exprimer parce que l'expression de cette opinion pourrait peut-être amener quelqu'un, quelque part, à poser une action. Nous croyons que c'est une disposition qui viole la liberté d'expression, et dont l'utilité n'a aucunement été démontrée.
Au contraire, ce genre de disposition a un énorme effet paralysant.
Avant que je prenne la parole, on a beaucoup parlé des initiatives de prévention et de ce qu'on fait pour savoir qui tient de tels propos. Vous avez créé une disposition à cette fin. Je dis « vous », mais je parle de façon générale, car je n'ai pas entendu quiconque dire vouloir révoquer cette disposition, si ce n'est en ce qui concerne le projet de loi émanant d'un député.
Vous faites en sorte que ces discussions n'aient pas lieu. Quelqu'un qui pourrait avoir des pensées de cet ordre et qui aurait besoin d'appui et de discuter avec des gens de sa communauté, qui lui demanderaient s'il a vraiment réfléchi à ce qu'il dit, n'en parlerait pas de crainte d'être accusé en vertu de cette disposition. Cela fait en sorte que de telles discussions ont lieu dans des endroits un peu plus secrets. Je pense que cette disposition n'est pas efficace. À mon avis, c'est une violation à la liberté d'expression, et on verra ce que la cour décidera à ce sujet.
Par ailleurs, les déclarations faites en privé ne font pas l'objet d'une exception non plus, alors que d'autres dispositions prévoient une telle exception. Je parle des discussions qui se déroulent dans les lieux où vous voulez que les gens parlent. Un intervenant a parlé d'une communauté où on veut que les gens discutent librement de ces idées. En tant qu'avocate, je ne conseillerais pas à mes clients d'avoir de telles discussions, compte tenu de cette disposition que vous avez établie. Je vous le dis très candidement.
J'aimerais aborder très rapidement les nouveaux pouvoirs accordés au SCRS.
Me Cavalluzzo a dit qu'il est nécessaire d'avoir des pouvoirs de surveillance qui soient vraiment efficaces, et je ne peux qu'être d'accord avec lui, mais dans un premier temps, nous interpellons le gouvernement libéral. C'est lui qui a enlevé à la GRC les pouvoirs de collecte de renseignements, à la suite de la Commission McDonald.
Vous avez remarqué qu'en accordant ces pouvoirs au SCRS, on a fait un recul. On nous dit qu'on pourra aller voir un juge avant. Je dirais respectueusement que cela ne tient pas compte de notre système juridique, où un juge doit pouvoir rendre une décision basée sur des preuves. Ici, ce qu'on demande au juge, c'est de deviner si une mesure donnée permettrait de réduire une menace. Donc, un juge qui n'est pas nécessairement expert dans le domaine devrait déterminer si une mesure donnée permettrait de prévenir une menace, et par la suite, le SCRS pourrait agir. Évidemment, on ne peut pas présenter au juge toutes les situations imprévisibles et spontanées qui peuvent survenir pour qu'il accorde un mandat. Il y a plein de choses qui peuvent survenir en cours d'instance. Faudra-t-il retourner devant lui à chaque fois?
Nous avons beaucoup de difficulté à comprendre la nécessité de cette disposition. C'est d'autant plus vrai que, même sous le régime précédent, le SCRS n'avait pas ces pouvoirs et commettait déjà des erreurs de bonne foi, selon mon collègue Me Cavalluzzo.
J'aimerais maintenant parler d'un troisième point, qui est la détention préventive.
L'Association des juristes progressistes considère que le régime de détention préventive est déjà assez douteux suivant la Loi antiterroriste de 2001. En effet, ce régime permet de procéder à des arrestations préventives si on a des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste sera perpétré. Même dans un tel cas, il faudrait obtenir un mandat, alors que la disposition proposée dans le projet de loi stipule qu'un agent de la paix peut préparer une dénonciation ou arrêter quelqu'un sans aucun mandat, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste pourrait être perpétré.
Je prends l'exemple qu'a donné le Centre canadien de politiques alternatives, dont d'autres gens ont parlé. C'est celui de jeunes adultes musulmans qui jasent dans la rue de façon animée. On ne sait pas de quoi ils parlent parce qu'on ne comprend pas leur langue, mais on se demande s'ils pourraient perpétrer un acte terroriste et si on peut les arrêter de façon préventive.
Nous pensons que ce genre de disposition va très loin et constitue un abaissement significatif des seuils permettant l'arrestation et la détention. Pour ces motifs, cela pourrait probablement être contraire à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Dans le contexte actuel où on parle surtout de terrorisme et où on fait des liens avec la communauté musulmane, nous pensons que cela pourrait mener à du profilage politique.
J'avais d'autres éléments à aborder, mais je vais terminer mon intervention en vous parlant de la liste d'interdiction de vol.
Selon nous, cette liste était déjà très problématique. Essentiellement, le projet de loi a codifié le pouvoir du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d'inscrire les Canadiens sur une telle liste. Or, pour être retiré de la liste, il faut se présenter devant la Cour fédérale. En ce qui concerne l'accessibilité à la justice, je n'ai pas besoin de vous en parler longuement, mais je peux vous en parler si vous le voulez. Il ne suffit pas de démontrer que le ministre a eu tort; il faut démontrer qu'il a agi de façon déraisonnable. C'est un régime absolument kafkaïen.
Par ailleurs, il est intéressant de constater que les gens qui n'ont pas le droit de prendre un vol ont quand même le droit d'aller dans les écoles et les centres commerciaux, de prendre l'autobus et le métro. Dans cette optique, je pense qu'une liste d'interdiction de vol ne sert strictement à rien. Nous avons beaucoup de difficulté à en comprendre la nécessité.
Je vais terminer en vous parlant de certains rapports qu'on a faits à cet égard aux États-Unis. Selon ces rapports, on aurait mis le nom de certaines personnes sur la liste d'interdiction de vol dans le but de leur poser des questions, en leur mentionnant qu'on allait peut-être retirer leur nom de la liste si leurs réponses étaient satisfaisantes. Je ne dis pas que c'est l'intention au Canada, loin de là, mais je pense que le risque est grave.
Évidemment, selon nous, cela porte atteinte au droit à la liberté. Ce n'est pas au même titre que lorsqu'on se fait arrêter, mais nous pensons que cela peut porter atteinte au droit à la liberté et violer l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Ce ne sont là que quelques exemples de problèmes causés par les dispositions du projet de loi , et ce n'est pas tout.
Merci beaucoup.
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J'ai certainement des commentaires à formuler à ce sujet.
Cela rejoint évidemment ce qui a été dit par le député Nicola Di Iorio sur les meilleures façons de fonctionner qui existent à cet égard.
Il faut toujours se rappeler qu'on peut s'inspirer de celles-ci, mais qu'il n'y a pas nécessairement une Charte des droits et libertés qui existe dans d'autres pays, et ce, même dans des pays qui sont très développés. Il faut donc faire attention quand on importe ce qu'on considère comme étant les meilleures façons de faire ou de fonctionner qui existent ailleurs. Il y a donc un problème à cet égard.
On l'a vu avec M. Arar, on l'a vu avec tout ce que les commissions ont démontré, à savoir qu'on peut obtenir de l'information en utilisant la torture. Ce sont des pratiques qui sont interdites au Canada. Ces informations peuvent toutefois être communiquées et utilisées par le SCRS contre des gens. De plus, avec le projet de loi , une chaîne peut s'établir. Cela peut justifier une arrestation parce qu'on pense que la personne pourrait commettre un acte terroriste. Les accusations pourraient être fondées sur des informations dont la provenance est douteuse et en utilisant des procédures qui sont secrètes.
En somme, il se produit ce qui suit.
[Traduction]
Si le critère pour l'imposition de conséquence est abaissé, cela veut dire que l'information obtenue par la torture ou dans des conditions inacceptables au Canada peut mener à des conséquences beaucoup plus graves pour la personne en cause.
[Français]
Je pense que là est le problème. Si on obtient ces informations par la torture, il faut faire attention de ne pas rendre les conséquences encore plus graves. C'est ce que fait le projet de loi C-51.
Par ailleurs, le projet de loi C-51 permet à toutes les agences et à tous les gouvernements de transmettre l'information également, alors qu'on ne sait pas exactement d'où vient cette information. C'est encore plus problématique.
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Merci, monsieur le président.
Jusqu'à maintenant, ce que nous avons entendu des témoins d'aujourd'hui et de tous les autres qui ont parlé de la reddition de comptes au moyen d'un contrôle se rapporte à l'examen des options. Mais ce qui me donne du mal, c'est la définition des moyens législatifs dont le comité et les parlementaires ont besoin pour en venir à une version finale qui sera adoptée, et la prise en compte des examens d'experts indépendants qui feront contrepoids, de façon à concilier les deux points de vue.
Les options dont j'ai pris note sont les suivantes. La première, c'est un simple comité de parlementaires. Je ne crois pas que ce soit le choix des témoins, même si le sénateur Hugh Segal a dit que c'était ce qu'il préférait à long terme.
La deuxième option, ce serait d'avoir un comité de parlementaires et une série d'organes d'examen indépendants, dont le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC et le commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications Canada. Le pendant serait essentiellement le dispositif existant. Les deux éléments coexisteraient.
La troisième, ce serait un comité de parlementaires, un super CSARS, qui surveillerait toutes les questions existantes, et les organes d'examen indépendants.
La quatrième et dernière option dont Me Cavalluzzo a un peu parlé, serait un comité de parlementaires et seulement un super CSARS. Je crois que c'est ce que vous préconisez, n'est-ce pas?