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Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Soyez les bienvenus à la 14e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Nous poursuivons notre étude sur les blessures de stress opérationnel et le syndrome de stress post-traumatique chez les agents de la sécurité publique et les premiers intervenants. Nous souhaitons la bienvenue à nos invités et à nos témoins.
Chers collègues, je tiens seulement à dire que, à midi, nous accueillerons un autre témoin, le Dr Paul Frewen. Comme, aujourd'hui, nous n'entendons que trois témoins, plutôt que les quatre habituels, je propose que nous terminions la séance 15 minutes plus tôt, vers 12 h 45. Ensuite nous demanderons au sous-comité du programme et de la procédure de rester encore 15 minutes pour examiner la liste des témoins des quelques prochaines séances, après quoi nous pourrions être libres dès 13 heures.
Ce programme vous convient-il? S'il s'avère que vous voulez plus de temps avec les témoins, nous le ferons, mais je pense que nous devrions avoir assez de temps.
Notre premier témoin sera M. Zul Merali. Chaque témoin dispose d'une dizaine de minutes. Nous aurons donc 20 minutes pour les exposés, les membres poseront des questions, après quoi nous accueillerons le Dr Frewen.
Soyez le bienvenu, monsieur Merali. Je vous suis reconnaissant du temps que vous nous accordez et il me tarde d'entendre vos propos édifiants.
Je suis vraiment honoré d'avoir été invité à vous livrer un exposé et à discuter de cette question avec vous. Plutôt que de faire un gros exposé magistral, je vais plutôt favoriser le dialogue, parce que je sais que, pendant vos délibérations, jusqu'ici, vous avez entendu beaucoup d'exposés sur le fléau de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique qui touche toutes sortes de victimes, notamment les premiers intervenants et les agents en uniforme ainsi que les populations des Premières Nations. Je suis sûr que vous avez été bien informés des très grandes souffrances de leurs camarades, de leurs familles et de leurs amis, mais je suis ici pour vous dire pourquoi je crois que la situation ne s'améliore pas.
J'entends beaucoup de statistiques troublantes sur une augmentation du taux de syndrome de stress post-traumatique, avec le retour du personnel d'Afghanistan, sur les coûts de la marijuana thérapeutique, censés atteindre quelque 30 millions de dollars, et sur les taux de suicide qui, loin de diminuer, augmentent.
Je voudrais vous faire connaître mon opinion sur la façon par laquelle nous pourrions, collectivement, infléchir ces statistiques. Mon appel serait que nous devons prendre la recherche et l'innovation beaucoup plus au sérieux que nous l'avons fait jusqu'ici, parce que, si nous ne modifions pas nos méthodes, nous ne pouvons pas nous attendre à des résultats différents. C'est vraiment par la recherche et l'innovation que nous allons obtenir des résultats différents.
Remettons un peu les pendules à l'heure. Nos traitements ne sont efficaces que pour le tiers des victimes de la dépression et du syndrome de stress post-traumatique — le tiers seulement. Un autre tiers ne réagit pas trop bien. Il n'est donc pas apte au travail. Le dernier tiers ne réagira à aucun traitement, quel qu'il soit. Peu importe ceux dont nous disposons, ils ne changeront rien à sa situation.
Nos traitements commencent à faire effet beaucoup trop lentement, et leur effet n'est pas très durable. Pourquoi? Parce que nos méthodes de diagnostic et de traitement laissent beaucoup à désirer. Elles ont bien besoin d'être améliorées.
Parlons d'abord des traitements ou plutôt de l'absence de traitements convenables.
Comme je l'ai dit, le tiers de nos patients, seulement, a droit à une rémission, tandis que les deux autres tiers continuent de souffrir. Même dans le tiers qui réagit favorablement, beaucoup rechuteront dans la première année. Nous n'accepterions pas un tel résultat contre le diabète ou les maladies du coeur. Pourquoi l'acceptons-nous pour la maladie mentale? Cela dépasse vraiment mon imagination. Nous devons faire beaucoup mieux.
L'un des problèmes est que nous continuons à diagnostiquer les maladies mentales par leurs symptômes. On demande aux patients comment ils se sentent, puis de décrire leurs symptômes en fonction d'une liste de contrôle. À un moment donné, on leur dit qu'ils ont franchi tel seuil, ce qui entraîne tel diagnostic.
Cependant, vous et moi, nous connaissons tous la variabilité considérable des symptômes exprimés par les patients, les symptômes dont ils souffrent ou dont ils ont souffert et qu'ils veulent décrire et dont ils veulent parler. Ils sont très variables. Par exemple, il peut exister divers symptômes émotifs, notamment la dépression, l'inquiétude, des sentiments intenses de culpabilité et l'émotivité. Diverses idées peuvent s'imposer à notre esprit, notamment des souvenirs et des troubles du sommeil. Il existe aussi divers symptômes physiques: neurologiques, respiratoires, musculo-squelettiques et cardiovasculaires.
Les symptômes peuvent se manifester des mois ou des années après un épisode traumatique. Ils le peuvent après un seul épisode ou après une série prolongée d'expériences traumatiques, comme dans les situations multiples de combat.
Ce que j'essaie de décrire, c'est la variabilité considérable des facteurs précipitant la dépression et le syndrome de stress post-traumatique, et l'expression de ces symptômes est variable d'une personne à l'autre.
Ensuite, il y a les échelles de diagnostic entièrement fondées sur les symptômes. Nous n'avons pas d'analyses de sang ni de scanographies du cerveau. C'est le genre d'analyses que nous considérons maintenant comme normales pour les maladies du coeur, le cancer et d'autres maladies physiques, mais pas pour la maladie mentale. Nous n'avons rien de tel. Il s'ensuit que deux personnes peuvent éprouver des symptômes extrêmement différents, pourtant elles recevront le même diagnostic et finiront peut-être par recevoir le même genre de traitement. Pas étonnant que nos traitements échouent.
Pourquoi sommes-nous dans cette situation fâcheuse? Pourquoi ces états sont-ils si différents des autres cas médicaux? C'est ce qu'ils sont, après tout. Je pense que nous devons commencer à nous concentrer un peu plus sur la biologie, parce que, actuellement, nos diagnostics en font fi. Ils sont tous fondés sur les symptômes. Nous devons aussi trouver des biomarqueurs grâce aux analyses de sang et aux scanographies du cerveau.
D'importantes percées de la technologie ont eu lieu en génétique et en imagerie. Nous venons d'investir beaucoup de ressources dans la création d'un centre d'imagerie cérébrale au Royal. En effet, nous voulions nous doter d'une fenêtre pour l'observation du cerveau vivant.
Comment traiter un organe sans le voir? On confie sa voiture au mécanicien, sachant qu'il en connaît le fonctionnement. Il peut la voir, ouvrir le moteur et sentir comment il fonctionne. Pour le cerveau, c'est impossible. Il est inaccessible et à l'abri dans sa boîte crânienne. On ne peut pas le sentir, le faire battre ni y déceler de masses comme pour le cancer. Pour savoir ce qui s'y passe, il faut pouvoir jeter un coup d'oeil dans le cerveau vivant, par une sorte de biopsie non intrusive, qui permet de savoir ce qui s'y passe.
Nous savons que la maladie mentale vient du cerveau. Nous avons besoin de regarder. Pas seulement pour trouver des anomalies anatomiques. Je ne crois pas qu'il y en aura. Ce qui arrive, c'est que certains circuits commencent à mal fonctionner. Nous devons trouver lesquels. À quel endroit certains symptômes s'expriment-ils? Comment pouvons-nous utiliser les technologies actuelles et d'autres moyens pour mieux diagnostiquer — plus tôt et plus précisément — les causes de la maladie pour que nous puissions appliquer un traitement individualisé, comme pour les autres maladies?
Par exemple, en cas de cancer on obtiendra une scanographie, qui permettra de déterminer les régions du corps où des tumeurs sont visibles. Ensuite une biopsie permettra de déterminer le type de cellule. Puis une analyse spectrale de la cellule permettra de choisir une chimiothérapie très précise pour ce type de cellule, qu'on entreprendra. Tout est scientifiquement fondé.
Je rêve au jour où nous parviendrons à ce degré pour les maladies mentales. Nous devons être beaucoup plus précis et personnaliser davantage les traitements, parce que nous constatons que le même traitement pour tous ne donne pas de résultats. Nous ne pouvons pas nous attendre à de meilleurs résultats avec les mêmes méthodes. Nous pouvons affecter toutes les ressources que nous voulons à ces traitements, mais nous en connaissons les taux de réussite. Pourquoi ne pas investir dans une solution qui débloquera la situation?
J'ai pensé me présenter ici non pour vous raconter une belle histoire mais pour vous présenter les faits tels qu'ils sont, exposer certaines difficultés que nous éprouvons, parler de l'inefficacité de nos traitements et présenter un élément de solution pour nous sortir de l'impasse actuelle.
Je crois vraiment que l'investissement dans la recherche et l'innovation sera l'issue que nous cherchons, une meilleure qualité de vie pour ceux qui souffrent en silence. Nous pouvons, tant que nous voulons, indemniser les victimes. Le problème ne fera que s'aggraver si nous ne le maîtrisons pas. Il nous faut arriver à comprendre le dérèglement, pas seulement pour personnaliser les traitements, mais aussi, plus en amont, pour prévenir la maladie et éviter ce tourment aux victimes.
Je m'arrête ici, pour vous laisser la parole, prendre connaissance de vos questions, parce que c'est vraiment un appel à l'aide que j'ai lancé.
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Merci. Je suis Alice Aiken, directrice scientifique de l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans et professeure à l'Université Queen's.
Je vais vous parler d'un modèle qui, à mon avis, fonctionne bien et pourrait répondre à vos besoins, le modèle que nous employons. J'ai eu l'avantage de participer à une réunion qui a eu lieu à Regina, sur la même question. L' y assistait aussi.
Je recommanderais vivement au Comité de penser plus loin qu'au seul syndrome de stress post-traumatique et de focaliser son esprit sur toute la santé mentale. Sinon, si vous ne voyez que le syndrome, on le diagnostiquera chez beaucoup de patients qui en sont indemnes, alors que, comme vient de le dire mon estimé collègue, nous peinons à trouver les bons traitements. Un diagnostic général erroné ne sera, pour commencer, utile à personne. Je vous recommande vivement de penser plus loin que le syndrome de stress post-traumatique et de réfléchir plus globalement à la santé mentale.
Cette affirmation s'appuie notamment sur notre spécialisation dans la recherche sur la santé des militaires et des vétérans. D'excellentes données épidémiologiques nous montrent les nombreuses influences qui peuvent agir sur les troubles de la santé mentale, en plus de notre propre biologie. Mentionnons les influences sociales, culturelles et les influences du vécu, et l'un des meilleurs exemples est venu d'une étude à très grande échelle effectuée au Royaume-Uni sur des militaires revenus du combat avec des problèmes de santé mentale. Aux États-Unis, le trouble le plus diagnostiqué est le syndrome de stress post-traumatique; au Canada, c'est un trouble dépressif majeur. Au Royaume-Uni, c'est la beuverie. Les diagnostics, pour les trois, sont reliés mais, visiblement, des différences culturelles pourraient les expliquer.
Retenez simplement ceci: la focalisation sur le seul syndrome de stress post-traumatique n'est pas l'idéal.
Comme je l'ai dit, il y a environ sept ans, nous avons mis sur pied l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans. Et respectant les propos du ministre Oliphant, nous avons commencé sans argent, parce que c'était la chose à faire et une bonne idée. Bien sûr, je suis très peu objective, étant moi-même ancienne combattante et mariée à un ancien combattant. J'ai pensé, donc, que c'était extrêmement important.
Cet institut était sans lien de dépendance avec la Défense nationale et les Anciens Combattants, mais il fonctionnait en consultation avec ces deux ministères. Les deux ont reconnu qu'ils avaient besoin de recherche indépendante pour influer sur leurs politiques, leurs pratiques et leurs programmes de santé. Le lien visé était avec le milieu universitaire. J'espère que, dans notre pays, nous nous apercevrons que beaucoup de nos meilleurs chercheurs, les plus brillants, se trouvent dans des universités, à qui le gouvernement devrait pouvoir s'adresser pour obtenir ces réponses.
En fait, nous opérationalisons pour le compte de la Défense nationale et des Anciens Combattants une assez importante offre à commande pour leurs idées de recherche adressées au milieu des chercheurs. Nous formons un réseau de 41 universités canadiennes et de plus de 1 000 chercheurs voués à la recherche sur les besoins du personnel militaire, des anciens combattants et de leurs familles en matière de santé. Travaux publics a, en fait, cité notre relation avec les deux ministères en modèle de collaboration entre l'État et les universitaires. Nous en sommes assez fiers.
Une autre décision prise dès le début a été de ne pas limiter les domaines de recherche. Nous voulions vraiment nous focaliser sur la population, qui, je pense, est très semblable à celle que vise votre mandat. Dans votre cas, c'est le personnel chargé de la sécurité publique, c'est-à-dire les premiers intervenants, les agents de correction, les préposés au 911, le personnel chargé de la sécurité publique au sens large. Pour notre part, nous nous occupons des militaires, des anciens combattants et de leurs familles.
L'immense majorité de la recherche se fait en santé mentale, mais nous en faisons aussi en santé physique, dans les technologies nouvelles, les nouveaux produits de santé et la santé au travail. Phénomène vraiment remarquable, les différents domaines de la recherche commencent maintenant, dans de nombreux cas, à avoir des points en commun. Par exemple la technologie permet aux enfants des familles de militaires qui se déplacent d'un endroit à l'autre au pays de continuer à être traités par le même psychologue, grâce aux médias sociaux et à la technologie. Il s'agit de domaines qui coïncident partiellement, et c'est vraiment une bonne chose.
Je crois qu'il incombe à notre gouvernement de veiller à ce que les décisions en matière de politique ou de programmes soient fondées sur des données probantes, car de telles données existent — et je vous parle à titre de contribuable plutôt que de chercheuse. Il y a des données probantes. Elles ne sont toutefois pas toujours mises à profit et utilisées au meilleur de nos capacités. Je crois que le milieu universitaire est là pour vous aider à ce chapitre.
Je vais m'arrêter ici. Je serai ravie de répondre à vos questions, mais je tiens simplement à dire que nous l'avons déjà fait. Nous sommes heureux d'aider tout groupe qui souhaite mettre en place des organisations similaires pour la sécurité publique, mais j'adhère tout à fait à la vision de M. Merali selon laquelle tout doit commencer par la recherche. Le fait de cibler un seul traitement ou de financer aveuglément des programmes de traitement ne réglera pas le problème. Nous devons retourner aux recherches, en nous attardant notamment à la science très fondamentale et aux nouvelles techniques de diagnostic.
Merci.
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Les premiers intervenants ont toujours fait partie des discussions de l'ICRSMV, et à notre conférence, il y a toujours des présentations sur les recherches entourant les premiers répondants. C'est bel et bien un sujet que nous avons dans notre mire depuis toujours. À vrai dire, bon nombre des chercheurs qui s'intéressent aux populations de militaires et d'anciens combattants se penchent aussi sur les premiers intervenants. Ce sont les mêmes personnes qui font le travail, étant donné qu'elles sont spécialistes de leur domaine de recherche et qu'elles peuvent cibler une population donnée.
C'est plutôt sur le plan politique qu'il y a eu des accrocs. En fait, les premiers intervenants ne se considèrent pas comme des militaires et des anciens combattants, et inversement. Chacun comprend qu'il y a un chevauchement, mais personne ne considère que les deux situations sont pareilles.
Avons-nous conçu un mécanisme qui fonctionne parfaitement bien? Oui, tout à fait. Nous avons tissé un réseau avec les universités, et les recherches vont de l'avant. Par exemple, trois années après nos débuts, les recherches sur le SSPT chez les anciens combattants canadiens ont augmenté de 400 % depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nous savons que nous avons ce genre d'incidence lorsque nous ciblons une population donnée, et nous avons mis en place un mécanisme très efficace.
Lors de la réunion de janvier, j'ai toutefois pris conscience qu'un grand nombre de groupes d'intérêts en sécurité publique devraient probablement avoir leur mot à dire sur les prochaines étapes des travaux de l'institut qui les concernent. Nous sommes heureux de partager l'information. Si un institut entame des travaux, nous serons ravis de lui faire part de ce que nous savons. Si le ministère de la Sécurité publique décidait de mener ses propres recherches, il pourrait utiliser notre structure de gouvernance, notre conférence et notre journal. Nous serions heureux de partager ce genre de choses.
M. Picard pourra me corriger si j'ai tort, mais j'avais l'impression que les groupes présents ressentaient le besoin que leur propre institut s'attarde à la question, tout comme nous ciblons la santé des militaires et des anciens combattants.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Je vais poursuivre un peu sur le même sujet, c'est-à-dire la distinction entre les anciens combattants militaires et les premiers répondants. Évidemment, notre étude inclut aussi les agents correctionnels dans le groupe des premiers répondants.
Vous avez parlé du fait qu'ils veulent quelque chose qui serait plus propre à eux. D'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent au cours de notre étude, il semble qu'ils ont quand même raison, parce que leur réalité est très différente. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Je vais vous donner un exemple. Lors d'une réunion précédente, un témoin a dit que les militaires étaient dans une zone de danger lorsqu'ils allaient à l'étranger, mais que c'était de façon temporaire, car ils revenaient ensuite à la maison. Cela amène des défis qui sont très difficiles, certes. Cependant, un agent correctionnel est quotidiennement dans une zone de danger pendant son quart de travail, alors qu'il se trouve dans son pays, dans sa province, dans sa ville.
Comment le fait de bien comprendre cette nuance ou cette distinction afin de mieux répondre à leurs besoins peut-il aider ces personnes dans leur travail?
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être ici et de nous faire part de vos opinions de spécialistes. Merci aussi du travail que vous accomplissez.
Je veux remercier mes collègues du Comité d'aborder cette question, de lui accorder toute leur attention et d'y donner de la visibilité sur la place publique.
Pour moi, c'est une dure réalité. J'ai servi sept années dans une zone de guerre. Pendant cette période, dans un très court intervalle, deux de mes collègues se sont suicidés. L'un d'eux, un militaire américain, était de retour à son domicile et s'est enlevé la vie avec son arme réglementaire. L'autre, un civil, était garde du corps et s'est suicidé sur le terrain, lui aussi avec son arme réglementaire. Ni l'un ni l'autre ne servait directement sur la ligne de front. De toute évidence, ils n'ont pas reçu de traitement adéquat, et ils ont réagi au trouble de la pire manière qui soit.
Je veux commencer par poser une question dont la réponse pourrait être évidente, mais qui pourrait avoir quelques ramifications cliniques. Le fait que nous discutions ici — et c'est maintenant au grand jour, un sujet de discussion — nous permet d'accorder à la question l'attention, la planification et les ressources qu'elle mérite. C'est encore une fois l'évidence même: les efforts visant à vaincre les préjugés n'ont-ils pas également un aspect clinique?
Monsieur Merali, dans vos publications, vous avez comparé cela aux préjugés dont souffraient les personnes atteintes d'un cancer. Nous nous affranchissons maintenant des préjugés.
Que pouvons-nous faire en tant que parlementaires? Que pouvons-nous tous faire en tant qu'êtres humains pour continuer de combattre les préjugés et pour qu'on en parle de plus en plus? Très concrètement, quels pourraient être les avantages thérapeutiques de mettre ce problème au jour et de s'y attaquer à l'échelle nationale et, de manière progressive, à l'échelle internationale?
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Bonjour. Je vous remercie de votre présentation.
Mes propos feront suite à la question qu'a posée mon confrère M. O'Toole. C'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup personnellement.
Docteur Merali, vous avez parlé du traitement après un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. Vous avez dit que le traitement était un succès dans un tiers des cas, que c'était un succès mitigé dans un autre tiers des cas, et qu'il ne fonctionnait pas du tout dans les cas restants.
Vous avez également dit que la technologie et la recherche permettaient de mieux prévoir quelles personnes allaient répondre le mieux à une thérapie. Il faut dire que cela varie d'un individu à l'autre.
Y a-t-il des conditions préexistantes, par exemple un traumatisme, qui exacerbent ce trouble chez certaines personnes? Si la recherche ou les découvertes qui ont été faites pouvaient servir à détecter, à la base, les gens chez qui on retrouve de telles conditions, ce serait bien. Si c'était le cas, on pourrait peut-être faire de la sensibilisation à cet égard.
J'aimerais vous entendre parler davantage de cette question.
Ma question s'adresse également à la Dre Aiken.
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C'est très intéressant. Il faut s'assurer de traiter ces gens.
Tout à l'heure, vous avez donné l'exemple du cholestérol, du cancer et du diabète. Dans le cas de ces maladies, on sait que si l'on mange mieux et moins, si l'on prend soin de sa santé, et ainsi de suite, on met les chances de son côté. On fait de la prévention et il y a un discours de sensibilisation.
Ma préoccupation se rapporte à cela. Je sais qu'il ne faut pas catégoriser les gens, mais on pourrait faire un peu ce qui se fait dans le sport, où l'on travaille à la résilience des athlètes. Si les services de ressources humaines connaissent les risques de stress ou les situations menant potentiellement à l'épuisement professionnel, on peut donner de la formation comportant des mises en situation ou des jeux de rôle, entre autres choses. À la limite, on pourrait détecter quels sont les gens autour de soi susceptibles d'être en situation de stress.
Il ne faut pas seulement axer les efforts sur les traitements, d'autant que les résultats ne sont pas toujours là. Il faut travailler aussi à la base.
Je n'ai pas d'autres questions à ce propos.
Merci.
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Merci de m'avoir invité. J'ai effectivement transmis l'hyperlien; ma déclaration sera directement liée au site Web.
Merci beaucoup. Je vais maintenant diviser mon écran. Vous le verrez dans un instant.
Je vais vous décrire une thérapie que nous avons mise au point. Elle associe une méthode en ligne à la méditation de pleine conscience et à d'autres types de méditation. Je pense qu'il s'agirait d'une bonne intervention pour ce qui est des premiers intervenants et d'autres populations qui souffrent du trouble de stress post-traumatique.
J'ai eu l'occasion d'écouter certains des témoignages précédents qui portaient non seulement sur le traitement, mais aussi sur la préparation d'une personne qui est susceptible d'être témoin d'événements traumatisants lors d'une intervention. J'ai entendu les termes « préparation » et « autoformation ». Je crois que ce genre d'approche, qui s'appuie sur Internet et qui constitue véritablement une intervention pendant laquelle les gens se forment eux-mêmes, conviendrait fort bien dans ce cas-ci. Il devrait donc être possible de s'en servir à grande échelle.
Lorsque nous pensons au traitement des troubles traumatiques et liés au stress, nous devons chercher à atteindre deux principaux objectifs.
Le premier consiste à passer en revue le traumatisme, ce qui se fait habituellement au moyen d'un dialogue avec un thérapeute pendant lequel le patient revient de différentes façons sur ce qui lui est arrivé, pour essentiellement essayer de comprendre son traumatisme. Cela peut entre autres être fait verbalement, par écrit ou en recourant aux arts. Cette réflexion lui permet de résister davantage à la détresse, par exemple lorsqu'il se fait rappeler ce qui lui est arrivé.
Le deuxième aspect, dont on parle peut-être moins, est la maîtrise de soi, qui vise essentiellement à aider une personne à mieux gérer les émotions difficiles qui sont associées à un trouble comme le trouble de stress post-traumatique. Vous avez certainement entendu parler des traitements fondés sur des données probantes. Nous avons des traitements très efficaces, qui sont habituellement des approches cognitivo-comportementales de la psychothérapie, mais les approches actuelles ont certainement des limites. Il n'y a pas tant de participants qui sont complètement rétablis à la suite des essais randomisés contrôlés. À titre d'exemple, seulement la moitié des participants souffrant du trouble de stress post-traumatique voient une amélioration de leur état, et il y en a également beaucoup qui abandonnent.
Les publications commencent à porter davantage sur les traitements en ligne et les autres méthodes de thérapie cognitivo-comportementale, dont la thérapie basée sur la pleine conscience. À l'Université Western Ontario, nous avons été les premiers à essentiellement combiner les deux au moyen d'une méthode en ligne de thérapie basée sur la pleine conscience.
Je vais parler très brièvement des analyses des interventions en ligne qui ont été publiées, notamment dans les domaines du traitement de la dépression et des troubles anxieux, et plus récemment pour ce qui est du trouble de stress post-traumatique. Les résultats sont assez étonnants. Par rapport aux mêmes types de traitements offerts d'une façon traditionnelle — par exemple la psychothérapie en tête à tête —, l'importance des effets, à savoir les résultats de la méthode en ligne, est souvent aussi forte et bonne que ce que permettent d'obtenir les séances en tête à tête. Cela en a surpris plus d'un, mais c'est maintenant bien documenté.
C'est la même chose pour ce qui est des essais portant sur le trouble de stress post-traumatique, qui visent entre autres des étudiants des collèges, des membres de la collectivité et d'anciens combattants. À ma connaissance, aucune étude n'a encore été menée sur une méthode en ligne destinée aux groupes de premiers intervenants, mais, si nous nous fions à la documentation, nous pouvons nous attendre à des résultats semblables.
Jusqu'à maintenant, les interventions basées sur la pleine conscience n'ont pas été réalisées en ligne, mais plusieurs raisons nous laissent croire que des pratiques basées sur la pleine conscience pourraient être utiles au traitement du trouble de stress post-traumatique et des troubles dissociatifs.
Elles ont entre autres tendance à améliorer l'attention et la concentration, à renforcer la capacité de se concentrer sur le moment présent, plutôt que de réfléchir continuellement à un traumatisme vécu et à une anxiété future, ainsi qu'à changer le style cognitif et à amener une personne à se juger moins sévèrement et à faire preuve d'une plus grande compassion envers elle-même. Ces méthodes peuvent directement réduire l'éveil physiologique et les émotions connexes que sont l'anxiété, l'irritabilité et la colère. Elles peuvent réduire l'anhédonie — à savoir l'abrutissement émotionnel, l'incapacité de ressentir des émotions positives comme la joie —, favoriser ainsi les émotions positives et l'appartenance sociale, et rétablir les préoccupations existentielles liées au mieux-être.
Il y a de bonnes idées. Plusieurs projets de recherche ont également montré que les personnes atteintes du trouble de stress post-traumatique ont moins de ce qu'on appelle des traits de pleine conscience. Par exemple, ils sont moins susceptibles de remarquer des changements dans leur corps, comme le ralentissement ou l'accélération de leur respiration. Ils ont plus de difficulté à associer des émotions à des mots et à décrire ce qu'ils ressentent. Ils ont plus de difficulté à vivre le moment présent. Leur esprit vagabonde. Ils sont facilement distraits. De plus, ils ont plus de difficulté à accepter ce qu'ils ressentent sans porter de jugement.
Il s'agit d'aspects que doit cibler le traitement du trouble de stress post-traumatique, et c'est ce que permet de faire un traitement basé sur la pleine conscience.
Nous avons récemment démontré que le lien entre l'exposition à un traumatisme et les symptômes du trouble de stress post-traumatique est considérablement médié en présence de ce genre de traits de personnalité basés sur la pleine conscience. Si nous pouvons avoir un effet sur ces traits, nous pouvons en faire autant pour ce qui est des symptômes du trouble de stress post-traumatique.
Les améliorations apportées à l'attention et sur le plan émotionnel sont des résultats escomptés de la thérapie basée sur la pleine conscience, et plusieurs études ont fait état de résultats positifs à cet égard, y compris la nôtre.
Si j'ai le temps, j'aimerais en dire un peu plus sur la thérapie basée sur la pleine conscience et la méditation de Metta. Il s'agit d'une méthode en ligne qui comprend l'enseignement de la méditation ainsi que des principes et de l'éthique de pleine conscience.
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Nous enseignons six principes thérapeutiques. Le premier concerne la façon dont une personne peut demeurer dans le moment présent. Le deuxième vise à accroître la conscience de l'esprit et du corps. Le troisième aide une personne à comprendre comment vaincre des formes difficiles de détresse. Le quatrième concerne la méditation de Metta, qui est axée sur la bonté et l'autocompassion. Le cinquième porte sur le recentrement et le décentrement, et le sixième, sur l'acceptation et le changement.
J'ai quelques diapositives pour vous montrer comment nous procédons. En général, nous essayons d'enseigner à chaque personne comment avoir une meilleure maîtrise de soi. Le trouble de stress post-traumatique donne l'impression d'être incapable de maîtriser une situation qui nous échappe. Nous tentons de redonner cette capacité au patient. En anglais, nous utilisons l'acronyme PALM pour désigner les quatre premiers principes: moment présent, conscience, laisser-aller et méditation de Metta.
Le moment présent est le premier. Il est question de faire comprendre aux gens qu'ils sont dans le moment présent et pas dans le passé. C'est lié aux rappels du passé ainsi qu'à la reviviscence et au fait de reconnaître l'influence des traumatismes antérieurs sur le présent.
Pour favoriser la prise de conscience, nous essayons d'enseigner aux gens à être plus conscients de leurs sens, de leur corps et de leurs émotions, et à tenter de qualifier et de comprendre ce qu'ils ont vécu.
En ce qui a trait au laisser-aller, nous essayons de les aider à vaincre la détresse et d'enseigner un détachement par rapport aux impulsions et aux désirs néfastes, comme la toxicomanie ou l'alcoolisme, qui peuvent tirer leur origine de traumatismes graves.
Nous les aidons aussi à recourir plus facilement à la méditation de Metta, afin qu'ils éprouvent de la compassion et qu'ils soient bons envers eux-mêmes et les autres.
Le recentrement se rapporte au désir de ressentir une émotion et à l'incapacité de s'en rapprocher. Nous tentons de renverser cette tendance pour que les gens retrouvent leur sentiment d'identité et leurs émotions. Dans d'autres cas où la personne ressent trop quelque chose, elle doit s'en éloigner. Nous essayons d'enseigner aux gens à observer cette distance expérientielle pour qu'ils soient en mesure de réfléchir, de se décentrer et d'attendre que la détresse finisse par s'estomper.
J'ignore combien de temps il me reste, mais j'aimerais mentionner que contrairement au...
Contrairement au décentrement, nous voulons l'opposer à l'évitement. Nous rejetons le présent. Dans le cas de la dissociation, nous le quittons.
Enfin, le dernier principe est celui de l'acceptation et du changement. C'est vraiment une sorte d'équilibre que la personne ayant survécu au traumatisme essaie d'éviter. Nous en parlons comme s'il s'agissait d'une couverture. Nous essayons de le cacher sous le tapis, par exemple, mais c'est impossible, car nous voyons au travers. À vrai dire, la seule façon d'aller de l'avant après un traumatisme est de trouver le bon équilibre entre acceptation et changement.
Comment appliquons-nous ces principes? Essentiellement, le site Web propose la tenue d'un journal ainsi que diverses méditations guidées.
J'aimerais également mentionner, au-delà du seul site Web, que différentes technologies sont étudiées, y compris ici à l'Université Western Ontario. Certains d'entre vous ont peut-être déjà entendu le terme « rétroaction neurologique » et entendu parler d'autres formes de rétroaction biologique, comme la variabilité de la fréquence cardiaque. L'exercice de la méditation aura un effet sur le cerveau et sur le corps, un effet qui est essentiellement indirect. La rétroaction biologique et la rétroaction neurologique visent à savoir ce qui se passe dans le corps au moyen de signaux physiologiques, dont la variabilité de la fréquence cardiaque, et d'électroencéphalogrammes. Nous pouvons enseigner à une personne à moduler directement les rythmes cérébraux, le rythme cardiaque, la respiration et ainsi de suite, comme elle le fera naturellement grâce à la méditation, mais la rétroaction biologique peut apporter une aide supplémentaire à la personne.
En réponse aux deux questions, je pense que ces interventions pourraient effectivement préparer mentalement les gens qui travaillent dans des milieux difficiles où des traumatismes ont lieu et risquent de causer un trouble de stress post-traumatique. Cette préparation mentale pourrait être faite d'emblée et promue comme pratique de mieux-être.
Je suis conscient de ce qui a été dit au sujet de la terminologie. Il pourrait s'agir du même genre de méthode, mais nous pouvons l'appeler « formation mentale » ou « préparation cognitive ». Il pourrait plaire davantage et être plus acceptable de privilégier des termes comme « esprit », « cognition » et « formation mentale » plutôt qu'une terminologie liée à l'émotivité. Il faudrait se préparer d'entrée de jeu.
Nous avons également observé que les gens voient d'un bon oeil ce genre de pratiques. Tant des hommes que des femmes qui occupent divers types d'emploi subissent un traumatisme et éprouvent des difficultés, et ce genre d'interventions semblent de plus en plus sensées pour eux.
De plus, à ce sujet, le fait de mettre l'accent sur la technologie — comme j'ai commencé à en parler à la fin de ma déclaration — peut également convaincre une personne qui se méfie de la méditation et de la thérapie basée sur la pleine conscience. Lui montrer son électroencéphalogramme, son rythme cardiaque et la façon de gérer son état de santé lui permet de maîtriser de nouveau la situation, ce que ne permet pas de faire une approche qui est uniquement axée sur un modèle médical.
Avec cette intervention virtuelle — que je vais appeler MMTT pour faire court —, toutes les interventions sont inspirées et validées. La tenue d'un journal fait partie de l'approche normalisée employée en thérapie cognitivo-comportementale pour la consignation de la pensée automatique. Il s'agit d'appliquer les six principes que j'ai décrits aux causes de stress dans le quotidien de la personne; on s'en sert pour se maîtriser et pour gérer sa détresse, pour réfléchir et pour répondre d'une manière mieux adaptée. Cela fait partie des approches typiques, mais nous utilisons le langage de la prise de conscience et l'appliquons à la tenue du journal. Cependant, la tenue d'un journal en général est une intervention qui a été étudiée et solidement validée.
Nous ajoutons à cela une pratique particulière que nous avons conçue à Western, par laquelle nous déterminons le degré de concentration atteint pendant la méditation. C'est une méthode axée sur l'auto-évaluation, mais nous validons l'information à l'aide de diverses méthodes expérimentales, y compris la technique de l'électroencéphalogramme, ou EEG, et nous sommes en mesure de prédire, par exemple, l'état du cerveau selon l'auto-évaluation et de dire si la personne était concentrée ou distraite pendant la méditation. Quand la personne est assise tranquille et qu'elle se concentre, par exemple, sur sa respiration, son esprit va vagabonder et ira peut-être du côté du traumatisme et de la mémoire intuitive. Cependant, en ce qui concerne la mesure dans laquelle cela va se produire, nous pouvons lui donner des messages, des indices, qui lui permettent de revenir à sa respiration, à la cible de son attention.
Enfin, les différentes méditations guidées que nous faisons ont été utilisées sous diverses formes, en particulier la réduction du stress par la pleine conscience et la thérapie cognitive fondée sur la pleine conscience, deux méthodes bien documentées. Chacune des interventions accessibles sur le site Web est bien documentée dans des domaines divers et avec des populations diverses, y compris les personnes atteintes du SSPT, mais aussi comme vous le dites pour divers troubles normalement associés au SSPT, notamment les troubles anxieux, les troubles dépressifs, les troubles dissociatifs et les troubles liés à la toxicomanie .