Je déclare ouverte cette 42e réunion de la 42e législature du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi , Loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et modifiant certaines lois en conséquence.
Nous accueillons Stephanie Carvin, professeur adjointe à la Norman Paterson School of International Affairs. Elle est accompagnée aujourd'hui de sa classe, laquelle est venue pour apprendre et — on l'espère — pour procurer un soutien moral à l'enseignante.
Merci de comparaître devant notre Comité aujourd'hui.
Le juge John Major était censé témoigner aujourd'hui également; toutefois, notre heure est l'heure normale de l'Est, et il fonctionne sur l'heure normale des Rocheuses, ce qui donne un décalage de deux heures. Nous allons peut-être réussir à le retrouver, mais sinon, nous l'entendrons à l'occasion d'une autre réunion.
Nous allons commencer par Mme Carvin. Vous avez 10 minutes, puis les membres du Comité vous poseront des questions.
:
Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
Avant de commencer, j'aimerais, par souci de transparence, préciser que j'ai travaillé comme analyste du renseignement au gouvernement du Canada de 2012 à 2015. Mes opinions sont façonnées par cette expérience ainsi que par mes travaux de recherche sur les enjeux touchant la sécurité nationale.
Cela dit, en ce qui concerne le sujet qui nous occupe, à savoir le projet de loi et la question de la surveillance et de l'examen des activités de renseignement, j'aimerais aborder certains aspects qui ont été quelque peu négligés. Mon exposé comptera donc deux volets. Premièrement, je vais soulever trois enjeux qui, selon moi, devraient être pris en compte par le Comité dans le cadre de son étude du projet de loi: l'étude de l'efficacité de l'analyse du renseignement; le contre-espionnage et l'influence étrangère; et la communication avec le public. Deuxièmement, je formulerai quatre recommandations.
Le premier enjeu est l'étude de l'efficacité de l'analyse du renseignement. Je présente mes observations presque deux semaines après la révélation selon laquelle le Centre d'analyse de données opérationnelles — ou CADO — du SCRS avait illégalement conservé des métadonnées et les avait utilisées pour mener des évaluations. Même si cette question touche surtout la collecte et la conservation de données, elle concerne également le rôle de l'analyse du renseignement au sein du gouvernement du Canada.
Nous avons souvent entendu dire que le mandat du SCRS établi durant les années 1980 ne reflète plus la réalité technologique, mais l'analyse du renseignement n'a jamais été même abordée. À part le paragraphe 12(1), où il est précisé, au sujet des menaces à la sécurité nationale que le service
en fait rapport au gouvernement du Canada et le conseille à cet égard,
le rôle de l'analyse du renseignement est à peine pris en considération dans la Loi sur le SCRS. Il n'y a aucune orientation quant à la façon dont ce rôle devrait être rempli, dont le renseignement devrait soutenir les opérations et dont les conseils devraient être donnés. Il n'y a aucun examen officiel ou uniforme de l'analyse du renseignement.
En bref, le milieu du renseignement rend bien peu de comptes au sujet de la fourniture de rapports, de la façon dont ils sont produits ou du caractère opportun de ceux-ci. En outre, il n'y a aucune façon de savoir comment les produits de renseignements sont utilisés ou s'ils soutiennent adéquatement les opérations internes ou la prise de décisions. Enfin, il est également impossible de savoir si les analystes possèdent l'équipement, les outils ou la formation dont ils ont besoin pour produire leurs évaluations.
Je crois que le comité dont la création est proposée dans le projet de loi peut aider à régler ces questions en devenant le premier organe se consacrant à l'examen de l'efficacité de l'analyse du renseignement au Canada.
Deuxièmement, la discussion entourant la réforme de nos organismes du renseignement et de la surveillance a jusqu'à maintenant porté sur le terrorisme et la surveillance, pas sur les activités touchant l'espionnage ou l'influence étrangère. Or, le contre-espionnage n'exige pas le même ensemble de compétences et d'activités que la lutte contre le terrorisme. Par exemple, les activités de contre-espionnage peuvent avoir une incidence sur la politique étrangère, et vice versa.
Par conséquent, le comité proposé pourrait déterminer à quel point les organes responsables de la politique étrangère et de la sécurité nationale coordonnent leurs activités, ou si le service du renseignement devrait se montrer plus franc concernant les activités de gouvernements étrangers en sol canadien. Sans aucun doute, il est difficile de soulever ces questions en public; l'espionnage et l'influence étrangère peuvent mener à des ennuis diplomatiques et à des situations embarrassantes. Néanmoins, il ne devrait pas être exclu de la conversation et de l'étude du projet de loi par le Parlement. C'est d'autant plus vrai qu'enquêter sur ces enjeux peut exiger d'aller à l'extérieur du milieu du renseignement au Canada tel qu'on le définit habituellement.
Troisièmement, le comité proposé pourrait s'avérer le plus grand outil de communication du gouvernement au moment de fournir aux Canadiens de l'information sur la sécurité nationale. Malheureusement, à l'heure actuelle, il y a très peu de façons pour les organismes de sécurité de communiquer avec le grand public. Pis encore, au cours des dernières années, les rapports des organismes responsables de la sécurité nationale ont eu tendance à paraître de façon peu fréquente et sporadique. Par exemple, le SCRS n'a pas produit un rapport annuel — maintenant bisannuel — depuis mai 2015, et ce rapport visait la période 2013-2014. Le rapport public de Sécurité publique Canada au sujet de la menace terroriste, seul rapport multiorganismes relatif aux menaces au Canada, est publié de façon plus régulière, mais ne porte pas sur les activités ne touchant pas le terrorisme.
J'espère que le rapport du comité va aider à combler cette lacune et devenir un outil de communication puissant pouvant aider à accroître le savoir et à susciter la confiance. Je verrais cela se produire de deux façons.
La première est que ce rapport pourrait devenir une source d'information centrale sur le contexte de menace actuelle au Canada. Selon moi, le fait que celui-ci provienne de nos parlementaires élus contribuerait à une amélioration globale de la compréhension des enjeux touchant la sécurité nationale au Canada. La deuxième tient au fait qu'une évaluation honnête des activités de nos organismes de sécurité va convaincre la population que nos services de sécurité nationale mènent leurs activités dans le respect de l'esprit et de la lettre de la loi.
Pour le deuxième volet de mon exposé, maintenant, je vais présenter quatre recommandations.
Premièrement, il est impératif que le Parlement tienne compte du contexte d'ensemble dans lequel le comité prévu dans le projet de loi mènera ses activités ainsi que des rôles généraux qu'il pourra jouer pour ce qui est de susciter la confiance. La surveillance et l'examen des organismes de sécurité nationale est et devrait être le mandat fondamental du comité proposé; toutefois, j'encouragerais les parlementaires à songer au rôle général qu'ils pourraient jouer au chapitre de la communication d'information et du renforcement de la confiance.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'analyse, le comité devrait, dans le cadre de son mandat, veiller à ce que de bonnes analyses du renseignement soient présentées en temps opportun afin de soutenir le gouvernement et les artisans des politiques en exigeant que les dirigeants des organismes de sécurité nationale rendent des comptes. Cela devrait également comprendre l'examen de techniques novatrices, comme l'analytique des métadonnées. Cela exigerait bien sûr l'établissement d'un secrétariat qui connaît ces enjeux et qui prodiguerait des conseils aux membres du comité. De cette façon, l'analyse du renseignement deviendra une activité fondamentale appuyant l'élaboration des politiques au lieu d'être une activité qu'on mène après coup.
Troisièmement, il faut songer à la façon dont le comité s'inquiétera de son mandat relativement aux enjeux touchant le contre-espionnage, l'influence étrangère et les cyberintrusions, quitte à le faire à huis clos. Cela comprend le fait de bien coordonner ces activités avec celles d'autres organismes et ministères, comme Affaires mondiales Canada, ce qui pourrait façonner la portée et le mandat du comité proposé.
Quatrièmement, le comité devrait être tenu de publier ses conclusions tous les 365 jours, sans exception. Tout le monde ici sait à quel point les rapports gouvernementaux sont susceptibles d'être négligés en faveur d'autres priorités et de ne pas paraître à temps. Néanmoins, comme je l'ai déjà dit, le rapport du comité sera un outil crucial pour communiquer avec les Canadiens. Plus le contenu de ces rapports sera franc et honnête, plus le débat sur les mesures à prendre pour contrer les menaces à la sécurité nationale du Canada sera éclairé.
En ce sens, j'appuie fermement les propositions au sujet du comité présentées par le député Murray Rankin lors d'un discours devant la Chambre le 27 septembre.
Je vous remercie de m'avoir accordé du temps. Je serai heureuse de répondre à toute question ou d'écouter tout commentaire que vous aurez.
Merci d'être ici, madame Carvin. Marco m'a coupé l'herbe sous le pied, mais je vais poursuivre...
M. Marco Mendicino: Désolé.
L'hon. Tony Clement: Non, non. Nous pensions aux mêmes choses.
Au cours de mes sept minutes, je veux que nous parlions des considérations pratiques à cet égard.
Le comité sera formé de parlementaires, lesquels ont d'autres choses à faire dans leur vie; ils siègent à d'autres comités et voyagent partout au pays et parfois dans le monde. Maintenant, nous avons ce rôle très précis que vous décrivez comme étant très important. Vous dites que nous devons nous pencher sur l'analytique des données et sur la cybersécurité et que nos conclusions doivent être produites en temps opportun.
Dans votre esprit, comment cela fonctionnerait-il dans la réalité? Comment serons-nous qualitativement capables de faire cela? Et quelle est l'interaction? Vous avez mentionné le secrétariat, et j'aimerais en savoir un peu plus à ce sujet, mais quelle est l'interaction? Comment cela fonctionnerait-il? Nous ne sommes pas ici 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
C'est une question ouverte.
:
Merci beaucoup. C'est une bonne question.
Je crois que cela nous ramène au fait que, au cours des cinq dernières années, nous avons vu cette évolution où tout le monde parle des mégadonnées. Je sais que les services du renseignement déploient des efforts considérables au chapitre des mégadonnées, et pas seulement pour les raisons exposées la semaine dernière — qui ont suscité la controverse —, mais aussi pour des raisons culturelles. Les membres de longue date du SCRS ne comprennent peut-être pas comment fonctionnent les mégadonnées ou les statistiques bayésiennes.
Je crois qu'il nous faut un changement culturel. Dans le cas de ce comité particulier, vous aurez besoin d'un secrétariat rompu à l'analyse de données et aux techniques analytiques en général. À l'époque où j'étais analyste, nous parlions de techniques analytiques structurées — c'était une façon de faire —, mais il s'agit également d'avoir une connaissance globale du fonctionnement du cycle du renseignement. Enfin, il faut pouvoir compter sur des gens qui savent — du moins, on l'espère — à quoi peuvent servir les mégadonnées et en quoi elles peuvent offrir du soutien.
Les membres du comité n'auraient pas nécessairement à être des experts en la matière, mais il faudrait qu'ils connaissent assez bien le domaine pour savoir ce qu'ils ont devant eux lorsqu'ils voient un produit de renseignement donné. C'est pourquoi je suis ravie que le projet de loi prévoie la création d'un secrétariat qui soutiendrait le travail du comité.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Carvin, je vous remercie d'avoir servi en tant qu'analyste, et merci d'être ici et d'avoir amené vos fantastiques étudiants.
Monsieur le juge, c'est un honneur de vous avoir parmi nous.
Ma question touche deux thèmes. L'un d'eux concerne le fait d'explorer les moyens de gagner la confiance de la population, car je crois que la confiance envers le gouvernement est l'un des plus gros atouts recherchés par la création de ce comité. J'aimerais avoir vos commentaires et en savoir un peu plus sur cette question. Le deuxième thème est le lien avec les enjeux touchant la défense. Je siège également au Comité permanent de la défense nationale, et je crois qu'il y a des chevauchements évidents, alors il serait peut-être utile d'explorer cela en détail.
J'aimerais commencer, madame Carvin, par vous demander, de façon générale, ce que pensent et ressentent les Canadiens, selon vous, au sujet de la sécurité nationale. À quel point sont-ils au courant de la situation? Je sais qu'il y a beaucoup de choses qui font les manchettes, mais comprendre... Mon appréciation informelle n'est souvent pas aussi détaillée qu'elle devrait l'être pour me permettre de tirer parti pleinement de l'occasion que ce comité représente ou de comprendre cette occasion. Quels sont les défis liés à la compréhension du grand public canadien, et comment ce comité peut-il travailler à combler ces lacunes?
:
Merci de poser la question.
L'un des enjeux qui, selon moi, illustrent cette réalité est le débat touchant le projet de loi . De nombreuses dispositions du projet de loi auraient pu essuyer des critiques, mais, bien souvent, le débat était limité à des échanges où, d'une part, certains accusaient les détracteurs du projet de loi de vouloir protéger les agresseurs d'enfants, alors que, d'autre part, d'autres accusaient les défenseurs du projet de loi de vouloir créer un État de type « 1984 » où tout est surveillé.
Ce qui me préoccupe, c'est que le contexte de la sécurité au Canada a beaucoup évolué depuis la guerre froide, et je ne suis pas convaincue que la compréhension des Canadiens a suivi cette évolution. Je ne veux pas jeter le discrédit sur les gens merveilleux qui travaillent dans ce domaine, mais prenons seulement l'exemple de l'espionnage. L'époque où les États tentaient de forcer des coffres-forts pour voler des plans de sous-marins ou tentaient de s'emparer de secrets d'une importance énorme est révolue. Aujourd'hui, il s'agit plutôt d'obtenir le dossier de santé d'une personne grâce à la cyberintrusion afin d'utiliser l'information pour exploiter cette personne ou pour cerner ses faiblesses.
C'est à l'égard de la transition touchant la portée des activités que nous voyons certains de ces États mener qu'il faut selon moi monter la barre. J'aimerais voir ce comité parler de l'évolution des enjeux en matière de sécurité nationale au pays, puis dire aux gens du pays ce que nos services de sécurité font pour y réagir.
:
Je ne parlais pas de la question de l'échange de renseignements avec d'autres pays précisément, mais, comme vous posez la question, il y a des problèmes comme celui des voyageurs étrangers. C'est devenu un problème réel. Nous devons travailler avec d'autres démocraties et avec d'autres pays de l'Europe au moment où nous examinons la circulation des voyageurs, par exemple, qui se joignent à l'État islamique. Je soupçonne fortement que leur nombre diminue, compte tenu des pertes qu'a essuyées l'État islamique, mais, cela dit, ces voyageurs passent souvent par l'Europe et par divers autres pays. Nous devons être en mesure d'établir des partenariats et de mieux travailler avec ces pays.
La difficulté tient au fait qu'aucun pays n'aime donner de l'information sur ses citoyens. Aucun pays n'aime vraiment échanger des noms. Ce que nous observons de plus en plus, plus particulièrement compte tenu de l'expérience du Canada dans les années 2000 relativement à certaines des demandes de renseignements, c'est qu'on joint de plus en plus d'avertissements aux renseignements et qu'on tente de mettre en place de meilleurs systèmes et une communication plus régulière, dorénavant.
Dans certains cas, cette communication s'est révélée très utile. Par exemple, il y a eu le cas de jeunes filles de Toronto qui tentaient d'aller vers l'État islamique, et elles ont été arrêtées en Turquie. Il faut qu'il y ait un certain genre d'échange de renseignements coordonné.
C'est vraiment une excellente question sur laquelle, selon moi, les parlementaires du comité pourraient se pencher en ce qui a trait au fait d'aider les services de sécurité et de trouver une orientation et un équilibre. Je pourrais ajouter une seule chose à cela, si je le puis. Je pense qu'il y a au Canada une perception selon laquelle les services de sécurité ne veulent pas plus de réglementation ou de surveillance. Je vous souligne que ce n'est absolument et tout simplement pas le cas. Ils veulent des lignes directrices. Ils veulent savoir où sont les limites, afin de ne pas les franchir. Je pense que votre comité parlementaire pourrait travailler avec les services de sécurité relativement aux enjeux problématiques, comme l'échange de renseignements.
Je suis d'accord avec la prémisse de votre question. Cela profitera à tout le monde dans l'avenir.
Monsieur le juge Major et madame Carvin, vous avez le projet de loi sous les yeux. Si nous pouvions consulter l'article 14, je veux commencer par l'alinéa 14e). Il est ainsi libellé:
Les renseignements qui ont un lien direct avec une enquête en cours menée par un organisme chargé de l'application de la loi et pouvant mener à des poursuites.
En application de l'article 14, si les renseignements appartiennent à ces catégories, ils sont exclus de ce fait. Mon inquiétude à cet égard, c'est que, quand le ministre a comparu devant nous, nous avons parlé du discours d'intimidation. Si les renseignements sont refusés, le comité peut les mentionner dans le rapport et les utiliser en tant que discours d'intimidation, mais s'ils sont visés à l'article 14, il sera très difficile d'avoir recours au discours d'intimidation, car le ministre pourra dire: « Eh bien, je suis obligé par la loi. »
Monsieur le juge Major, quand MM. Roach et Forcese ont comparu devant nous... et ils ont affirmé qu'en fait, une enquête en cours menée par un organisme d'application de la loi inclurait l'attentat à la bombe d'Air India, car il y a encore une enquête en cours. Je vous poserais la question ainsi: quand nous parlons d'accès à l'information, devrions-nous faire appliquer la disposition de l'alinéa 14e) du projet de loi en tant qu'exclusion sans aucun refus lié à ce qui « porterait atteinte à la sécurité nationale »? Le facteur supplémentaire qui est énoncé à l'article 16 est absent, et aucun motif n'est fourni par le ministre.
:
Merci, monsieur le président. Ma déclaration durera un peu moins de 10 minutes.
Je voudrais d'abord vous remercier, ainsi que les membres du Comité, de m'avoir invité aujourd'hui en tant que représentant de la Commission. M. Evans est le directeur principal des opérations de la Commission.
Je suis heureux d'avoir la possibilité de vous faire part de mon point de vue sur mon projet de loi proposé et sur le rôle des organismes d'examen composés d'experts.
Comme vous le savez, en 2014, des modifications apportées à la Loi sur la GRC ont entraîné la création de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes. À ce moment-là, le mandat de la Commission avait été élargi au-delà des plaintes du public afin d'inclure des examens systémiques des activités de la GRC afin de veiller à ce qu'elles soient menées conformément aux lois, aux règlements, aux directives ministérielles ou à toute politique, procédure ou ligne directrice applicables.
La Commission a maintenant la capacité d'examiner toute activité de la GRC sans qu'une plainte du public lui ait été présentée ou sans établir de liens avec la conduite d'un membre.
Nous entreprenons actuellement deux de ces examens systémiques: l'un portant sur le harcèlement au travail, à la demande du , et l'autre — que j'ai lancé —, qui porte sur la mise en oeuvre par la GRC des recommandations pertinentes contenues dans le rapport de la commission d'enquête sur les actes de responsables canadiens relativement à Maher Arar. Les activités liées à la sécurité nationale de la GRC ont fait l'objet d'un examen rigoureux durant la Commission d'enquête O'Connor. Ainsi, j'estimais qu'il était important d'entreprendre un examen indépendant de la mise en oeuvre par la GRC des recommandations du juge O'Connor.
En tant que composante clé du cadre de sécurité et du renseignement du Canada, l'amélioration de la responsabilisation et de la transparence des activités de sécurité nationale de la GRC est le but ultime de l'examen de la CCETP. L'examen de la Commission porte sur six domaines clés fondés sur les recommandations pertinentes du juge O'Connor, c'est-à-dire: la centralisation et la coordination des activités de sécurité nationale de la GRC; l'utilisation par la GRC d'avis de surveillance à la frontière; le rôle de la GRC lorsque des Canadiens sont détenus à l'étranger; l'échange de renseignements entre la GRC et des entités étrangères; l'échange de renseignements par la GRC à l'intérieur du pays; et la formation des membres de la GRC en ce qui a trait aux opérations de sécurité nationale.
L'examen est en cours, et il exige que l'on se penche sur des renseignements de nature délicate et classifiée. Comme certains experts et observateurs ont déjà soulevé des préoccupations concernant le fait que la Commission obtiendrait ou non l'accès à des renseignements protégés par le secret professionnel, il importe de souligner que nous avons examiné des documents classifiés rendus accessibles par la GRC.
Une fois l'enquête achevée, un rapport sera présenté au et au commissaire de la GRC. Une version du rapport sera également rendue publique.
Cette enquête en cours fait ressortir le rôle clé de la CCETP relativement à l'examen des activités de sécurité nationale de la GRC. Je crois que l'examen effectué par les experts de la CCETP et par ses homologues, notamment le CSARS et le bureau du commissaire du CST, servira de complément au travail d'un comité de parlementaires.
Le projet de loi fait ressortir le rôle crucial des parlementaires en ce qui a trait au cadre de responsabilisation à l'égard de la sécurité nationale, tout en reconnaissant la contribution des organismes d'examen composés d'experts. À cet égard, j'ai hâte qu'un lien de travail axé sur la collaboration soit établi avec le comité.
Merci de m'avoir donné cette occasion de vous faire part de mes réflexions.
:
Monsieur le président et honorables députés, je suis heureux de comparaître devant le Comité au sujet du projet de loi . M. Bill Galbraith, le directeur exécutif de mon bureau, m'accompagne.
Avant de formuler quelques commentaires au sujet du projet de loi sur lequel se penche le Comité, et comme il s'agit de ma première comparution devant lui, je vais décrire brièvement le rôle de mon bureau.
[Français]
Vous avez ma biographie et un sommaire de mon mandat, alors je ne m'attarderai pas là-dessus, mais j'aimerais souligner que mes décennies d'expérience en tant que juge m'ont été très utiles dans mon rôle de commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, un rôle que j'assume depuis plus de trois ans.
La Loi sur la défense nationale, qui fixe le mandat de mon bureau et du CST, exige que le commissaire soit un juge à la retraite ou un juge surnuméraire d'une cour supérieure du Canada.
Le commissaire du CST est autonome et sans lien de dépendance avec le gouvernement. Mon bureau a son propre budget accordé par le Parlement.
J'ai tous les pouvoirs en vertu de la partie II de la Loi sur les enquêtes, qui m'accorde un accès complet à toutes les installations, tous les fichiers, tous les systèmes et tous les membres du personnel du CST, et qui me confie le pouvoir d'assignation, au besoin.
[Traduction]
Le rôle externe et indépendant du commissaire, axé sur le CST, aide le , qui est responsable du CST, à assumer sa responsabilité envers le Parlement et, finalement, envers les Canadiens, pour cet organisme.
Laissez-moi maintenant aborder le projet de loi .
J'ai affirmé à de nombreuses occasions qu'une plus grande mobilisation des parlementaires concernant la responsabilité liée à la sécurité nationale est effectivement la bienvenue.
[Français]
Plus particulièrement depuis la divulgation par Edward Snowden de renseignements classifiés volés provenant de la National Security Agency des États-Unis et de ses partenaires, dont le CST, la confiance du public envers les agences de renseignement et envers les organismes d'examen ou de surveillance a été mise à l'épreuve. Ces divulgations ont considérablement changé le discours public.
[Traduction]
Je crois qu'un comité possédant l'autorisation de sécurité requise et les organismes d'examen composés d'experts, comme mon bureau et celui de mes collègues du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité — le CSARS —, qui se penche sur les activités du SCRS et de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes — la CCETP — relatives à la GRC, dirigée par M. McPhail, peut offrir un solide cadre complémentaire et complet de responsabilisation à l'égard des activités de sécurité et de renseignement et qu'il peut effectivement améliorer la transparence.
Je crois que le comité aidera à rétablir et à améliorer la confiance du public, mais ce ne sera pas sans difficulté. Dans le passé, le commissaire du CST a rarement été invité à comparaître devant des comités parlementaires, et le travail de mon bureau pourrait ne pas avoir reçu tout le mérite qui lui est dû. Le comité des parlementaires pourrait aider à cibler l'attention sur le travail important des organismes d'examen spécialisés. Mon bureau et moi-même avons hâte de travailler avec le comité et avec son secrétariat.
Toutefois, pour une efficacité maximale, les rôles respectifs du comité de parlementaires et des organismes d'examen spécialisés doivent être bien définis, afin d'éviter le chevauchement des efforts et le gaspillage de ressources. À mon avis, c'est d'une importance primordiale.
[Français]
Éviter le double emploi est un thème évident, et je suis heureux de le voir abordé dans le projet de loi, à l'article 9 intitulé « Coopération ». Le message est clair, mais nous devons travailler en étroite collaboration avec le secrétariat du comité pour garantir sa concrétisation. Les objectifs sont, à mon avis, d'assurer un examen d'ensemble complet et d'encourager la plus grande transparence possible.
[Traduction]
J'ai certaines réflexions concernant la façon dont nous pourrions entamer une relation productive avec le comité et avec son secrétariat. Peut-être que nous pourrons étudier cette question durant notre période de questions.
Cependant, certains éléments devraient être abordés. J'ai un certain nombre d'observations à formuler au sujet des diverses parties du projet de loi. Le mandat en trois volets du comité, prévu à l'article 8 du projet de loi, est très vaste du fait qu'il est lié à toute activité qui comprend les opérations ainsi que les affaires administratives, législatives et autres. Sous le régime de la version actuelle du projet de loi, il s'agira d'une autre raison pour laquelle nous devrons, dès le départ, travailler en étroite collaboration avec le comité afin de veiller à ce que les règles soient définies en pratique, et non seulement dans le simple but d'éviter les chevauchements, mais aussi pour assurer la complémentarité.
[Français]
J'ignore les intentions du gouvernement quant à cette approche très large. Toutefois, la combinaison de ces mandats pourrait nuire grandement à l'efficacité du secrétariat. Le comité devra établir ses priorités. C'est là une autre occasion pour le comité et les organismes de surveillance de travailler en étroite collaboration pour assurer une reddition de comptes globale efficace.
[Traduction]
Ce qui est clair, c'est que le gouvernement veut soumettre à un examen les activités de sécurité nationale et de renseignement des organismes et des ministères qui ne font actuellement pas l'objet d'un examen. Pour que l'examen soit efficace, il est essentiel de maintenir la capacité d'examen par des experts dont nous disposons maintenant et de l'étendre aux organismes et ministères qui ne font actuellement pas l'objet d'un examen. On pourrait le faire en établissant un autre ou d'autres organismes d'examen ou en les répartissant entre les organismes d'examen existants. Je m'attends à ce que le comité de parlementaires dirige son attention vers cette question.
Selon mon interprétation de la version actuelle du projet de loi, il est clair que le comité n'a pas la même liberté d'accès que mon bureau, ou bien que le CSARS. Au titre de l'alinéa 8b), le comité peut examiner « les activités » qui sont liées à la sécurité nationale ou au renseignement, « à moins que le ministre compétent ne détermine » qu'il en va autrement. Cette disposition prévoit une limite possible à ce que le comité pourrait ou ne pourrait pas voir.
[Français]
À mon avis, c'est là que la complémentarité du comité et des organismes de surveillance existants entre en jeu avec l'assurance que ces derniers ont un accès sans entrave aux organismes qu'ils examinent. La lacune, c'est qu'il existe des ministères et des agences qui ne sont pas encore soumis à la surveillance.
[Traduction]
En conclusion, je proposerais deux ou trois petites modifications afin de clarifier les éléments, et je pourrais les fournir par écrit, par la suite, si vous le souhaitez, monsieur le président.
Merci de m'offrir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Mon directeur exécutif et moi-même serions heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, messieurs, de votre collaboration et de votre précieux témoignage.
Je vais traiter de l'article 8 du projet de loi où il est question du mandat du comité. On peut lire: « Le Comité a pour mandat: »
À l'alinéa b), il est écrit:
[Traduction]
mais voici ce qui précède:
à moins que le ministre compétent ne détermine que l'examen porterait atteinte à la sécurité nationale;
[Français]
D'autres témoins ont porté à notre attention qu'il y avait répétition dans le projet de loi. Je veux avoir votre point de vue sur cela. Est-il question de répétition dans le projet de loi?
Allons tout d'abord à l'article 14.
À l'article 14, alinéa b), on ne parle plus d'un examen, mais de renseignements, ce qui m'apparaît beaucoup plus restreint.
:
J'aimerais revenir sur ce qui a été décrit par des témoins antérieurs comme étant le « triple verrou » qui figure dans le projet de loi à l'article 8, à l'article 14 et dans un autre article. J'aimerais savoir à quel point les témoins estiment que cela est raisonnable.
Le triple verrou signifie qu'il existe des articles qui énoncent clairement que le mandat du comité peut être limité s'il y a un problème de sécurité nationale, quelque chose qui « porterait atteinte à la sécurité », comme le prévoit l'article 8. Puis il y a l'article 14, où figure une liste complète de tous les renseignements auxquels n'a pas accès le comité, et il est question du refus de communication. J'imagine que l'article 16 serait le dernier; il incorpore par renvoi la Loi sur la protection de l'information. Cela a déjà été décrit au Comité comme étant un triple verrou qui entrave la capacité du comité de faire son travail.
Je parle en tant que membre de l'ancien gouvernement, et nous ne voulions pas que le comité soit créé en premier lieu, mais il me semble que, si vous vous donnez la peine de mettre en place le comité, ce devrait être un comité qui est réellement apte et capable de prendre des mesures. Les témoins, M. Kent Roach, entre autres, ont décrit cela comme un triple verrou, en des termes peu élogieux.
Monsieur Plouffe, vous êtes évidemment le commissaire d'un organisme, et monsieur McPhail, vous avez eu affaire à ces genres d'examens par le passé. Il faut trouver un équilibre, et je comprends cela, mais comment pouvons-nous trouver le juste équilibre? Manifestement, personne autour de cette table ne veut porter atteinte à la sécurité nationale, grands dieux non! Par ailleurs, si je peux le dire ainsi, tous les parlementaires sont des gens honorables, et ce sont des gens occupés, donc le fait de nous astreindre à créer un comité dénué de pouvoirs réels me semble une perte de temps.
J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet, messieurs.
J'ai une petite question pour M. Plouffe, mais je pense qu'elle est importante.
Le CSTC fait partie intégrante de notre structure de sécurité nationale et gère un nombre beaucoup plus élevé de technologies que la plupart des ministères, et la surveillance de mathématiciens et de cryptographes dont l'emploi à temps plein consiste à chiffrer des messages est forcément une tâche complexe. C'est une chose d'avoir un accès complet à tout; c'en est une autre d'interpréter les données. Lorsqu'il est question de renseignements d'origine électromagnétique, d'exploration de données, et ainsi de suite, et en ce qui concerne l'atteinte délibérée de machines ciblées, qui effectue les vérifications des codes de responsabilité?
Voici un exemple de ce qui me préoccupe. Selon la revue WIRED, l'année dernière, Kaspersky Lab a mis au jour un projet assez fascinant mené par le « groupe Equation », qui peut mettre à jour un micrologiciel sur un lecteur de disque dur à distance, et on croit que le groupe relève d'un partenaire du Groupe des cinq de la National Security Agency. Ce sont des travaux de langage d'assemblage de bas niveau et ils requièrent des connaissances très spécialisées.
Quels sont les processus en place pour détecter une méthode aussi perfectionnée au chapitre de la capacité de surveillance et déterminer comment cela se fait ou comment cela a pu se faire?