Le Bureau de l’enquêteur correctionnel a été établi en 1973, en réponse à une recommandation de la commission d’enquête qui portait sur une émeute sanglante de cinq jours survenue au pénitencier de Kingston en avril 1971. Une des principales conclusions de l’enquête déplorait l’absence d’un mécanisme d’enquête efficace et impartial pour répondre aux plaintes des détenus.
En 1992, le mandat du Bureau a été inscrit dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. En vertu de la partie III de la Loi, le Bureau est autorisé à mener des enquêtes sur les problèmes des délinquants qui sont sous responsabilité fédérale liés aux décisions, aux recommandations, aux actes ou aux omissions du Service correctionnel du Canada.
Le Bureau est un organisme de surveillance et non de défense des droits. Les employés du Bureau ne prennent pas parti lorsqu’il s’agit de régler des plaintes contre le Service correctionnel du Canada. Ils mènent de manière indépendante des enquêtes sur les plaintes et ils veillent à ce que les délinquants sous responsabilité fédérale soient traités de manière équitable et conformément aux lois et aux politiques. Nous abordons les services correctionnels du point de vue des droits de la personne et nous faisons des recommandations au SCC dans le but d’assurer une pratique correctionnelle sûre, humaine et conforme aux lois.
L’équipe du Bureau dispose d’un accès complet et sans entrave aux établissements fédéraux, aux documents du SCC, au personnel et aux délinquants. L’accès des délinquants au Bureau ainsi que la présence et la visibilité de son personnel dans les établissements fédéraux sont une nécessité impérative à l’accomplissement du mandat du Bureau. Les enquêteurs se rendent régulièrement dans les établissements fédéraux pour y rencontrer des délinquants et des employés. Cette présence régulière dans les pénitenciers contribue à assurer un suivi et un accès opportun aux services du Bureau.
Le volume de travail au cours du dernier exercice a été l’un des plus élevés au cours des dernières années. Le Bureau a répondu à 6 500 plaintes déposées par les délinquants. Les enquêteurs ont mené 2 195 entrevues avec des délinquants et des employés et ont consacré un total cumulatif de 370,5 jours de visite dans des établissements fédéraux partout au pays. Nos agents de réception des plaintes ont répondu à plus de 25 600 appels. Le Bureau a effectué 1 833 examens de conformité dans les cas de recours à la force et 178 examens prévus par la loi portant sur des blessures corporelles graves, des agressions, des décès en établissement, des tentatives de suicide et des incidents d’automutilation.
En tant qu’organisme d’examen, le Bureau relève bien entendu du portefeuille de la Sécurité publique. Cependant, nous fonctionnons indépendamment du Service correctionnel du Canada, du ministère et du ministre de la Sécurité publique. Le Ministre ne participe pas aux activités quotidiennes, aux décisions ou à la gestion du Bureau.
En vertu de la loi, j’ai de vastes pouvoirs pour déterminer quand et comment une enquête est amorcée, est menée et prend fin. Je peux tenir des audiences, faire des demandes de renseignements et convoquer et interroger sous serment des personnes susceptibles de détenir des renseignements pertinents pour la conduite d’une enquête. Dans les faits, le Bureau utilise des méthodes plus informelles pour régler les plaintes. Nous sommes fiers de tenter d'intervenir le plus tôt possible et au niveau le plus bas possible pour accomplir notre mandat.
Il est important de savoir que toutes les communications entre les délinquants et le Bureau sont traitées de façon confidentielle. Selon la loi, la correspondance écrite transmise au BEC ou provenant du BEC doit être remise sans avoir été décachetée. Les délinquants ne peuvent pas faire l’objet de mesures disciplinaires ou punitives parce qu’ils communiquent avec le Bureau. Les appels téléphoniques entre les détenus et le Bureau de l'enquêteur correctionnel ne sont pas surveillés.
Pendant le temps qu'il me reste, permettez-moi de décrire brièvement quatre aspects de la pratique correctionnelle fédérale qui nécessitent à mon avis des changements et une réforme.
Le premier concerne les limites légales de l’utilisation de l’isolement préventif. Le deuxième est la mise en œuvre des recommandations découlant de l’enquête sur le décès d’Ashley Smith. Le troisième aspect a trait à l'amélioration des résultats pour les délinquants autochtones et le quatrième aspect est le rétablissement des efforts en vue de la réinsertion sociale sécuritaire et en temps opportun.
Dans mon plus récent rapport annuel au Parlement, j’ai indiqué que l’isolement préventif était tellement utilisé dans les pénitenciers fédéraux que, pendant la période de référence, presque la moitié — 48 % — de la population carcérale actuelle avait été placée en isolement préventif au moins une fois. En 2014-15, 27% des détenus avaient été placés au moins une fois en isolement préventif. Les détenus autochtones et noirs sont surreprésentés dans les placements en isolement. Les détenus autochtones passent le plus de temps en isolement préventif. Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’isolement est encore souvent utilisé pour gérer les personnes souffrant de maladies mentales, qui s’automutilent et qui sont suicidaires.
Comme l’examen récent de mon Bureau sur les suicides en établissement l’a indiqué, l’isolement s’est révélé être un facteur indépendant qui élève le risque de suicide chez les détenus. En fait, 14 des 30 suicides en établissement survenus de 2011 à 2014 se sont produits dans une cellule d’isolement. Presque tous les détenus avaient des problèmes de santé mentale connus. Cinq des 14 détenus qui se sont suicidés en isolement s’y trouvaient depuis plus de 120 jours.
Je suis encouragé par le fait que le recours à l’isolement préventif a diminué considérablement jusqu'ici cette année tout comme le nombre de détenus en isolement de longue durée soit plus de 60 jours. Ces réductions marquées peuvent être attribuées à des réformes stratégiques ciblées, aux priorités organisationnelles et à une meilleure harmonisation des pratiques opérationnelles avec les dispositions législatives relatives à l’isolement préventif.
Le recours à l’isolement préventif continue de faire l’objet d’importants débats publics. Il fait aussi actuellement l’objet de litiges. Afin d’assurer des progrès durables, d’autres réformes sur l’utilisation de l’isolement préventif devront être instaurées. Ces mesures comprennent, premièrement d'imposer une limite légale ou un plafond aux séjours en isolement; deuxièmement d'utiliser des solutions de rechange à l’isolement pour gérer les détenus souffrant de maladies mentales, qui s’automutilent ou qui sont suicidaires et troisièmement d'effectuer un examen externe rigoureux des maintiens en isolement ou des placements multiples en isolement.
Bien sûr, nous attendons également les engagements qui ont été promis à la suite des recommandations consécutives aux enquêtes sur la mort d'Ashley Smith. Nous attendons des actes correspondants aux engagements de promulguer de nouvelles réglementations concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui limiteraient et restructureraient aussi l'usage de l'isolement.
Les établissements fédéraux accueillent maintenant certaines des plus grandes concentrations de personnes souffrant de maladies mentales du pays. Une étude effectuée récemment par le SCC confirme que l’on prescrit des médicaments psychotropes quatre fois plus souvent aux délinquants fédéraux qu’à la population canadienne — 30,4 % par rapport à environ 8 %. Beaucoup plus de femmes que d’hommes purgeant une peine de ressort fédéral ont une ordonnance active de médicament psychotrope — un peu moins de 46 % de femmes et 30 % d’hommes.
Un échantillonnage des délinquants de sexe masculin nouvellement admis fait état des taux de prévalence suivants : troubles de l’humeur, environ 17 %, troubles liés à la consommation d’alcool ou d’autres substances, environ 50 %, troubles anxieux 30 %, trouble de la personnalité limite, environ 16 % et trouble de la personnalité antisociale, environ 44 %.
En milieu carcéral, des taux de prévalence aussi élevés entraînent d’autres difficultés telles que des comportements suicidaires et d’automutilation, des recours à la force, l'isolement, des contraintes physiques, des traitements et des certificats d’admission obligatoires en vertu de la législation sur la santé mentale. Certains délinquants atteints de graves troubles mentaux ne devraient tout simplement pas se trouver dans un pénitencier fédéral, car ils ne peuvent y être humainement gérés de façon sécuritaire. L’an dernier, des problèmes de santé mentale ou des préoccupations en la matière ont été identifiés dans plus de 37 % de l’ensemble des cas de recours à la force au sein des pénitenciers canadiens.
Compte tenu de ces tendances, la réponse du SCC aux 104 recommandations formulées dans le cadre de l’enquête sur le décès d’Ashley Smith était très attendue. La réponse qu’a fournie le Service en décembre 2014 était décevante et inadéquate. Plutôt que de s’engager à réformer le programme correctionnel, le Service n’appuyait pas les principales mesures de surveillance et de responsabilisation présentées par le jury, ou n’en tenait pas compte.
Parmi les principales recommandations auxquelles le Service n’a toujours pas répondu, notons: interdire l’isolement prolongé des délinquants atteints de troubles mentaux; s’engager à s’orienter vers un environnement exempt de contraintes dans les services correctionnels fédéraux; nommer des défenseurs indépendants des droits des patients dans chacun des centres régionaux de traitement; fournir des services infirmiers sur place à toute heure du jour et de la nuit dans tous les établissements à sécurité maximale, à sécurité moyenne et à niveaux de sécurité multiples; élaborer des options de prestation de services et de traitement autres que l’incarcération pour les délinquants sous responsabilité fédérale atteints de graves troubles mentaux.
La mise en œuvre complète de ces recommandations permettrait de démontrer que les leçons tirées du décès tragique et évitable d’Ashley Smith et d’autres personnes ont effectivement été prises en compte et que des mesures ont été prises pour éviter que de tels incidents se reproduisent.
En janvier 2016, le Bureau a rapporté que le système correctionnel fédéral avait franchi une étape peu reluisante lorsqu’il a été établi que les Autochtones forment 25 % de la population carcérale des établissements fédéraux. Ce pourcentage grimpe à plus de 35 % dans le cas des délinquantes incarcérées sous responsabilité fédérale. Pour replacer ces données dans leur contexte, entre 2005 et 2015, la population carcérale sous responsabilité fédérale a augmenté d'un peu moins de 10 %. Au cours de la même période, la population carcérale autochtone a augmenté de plus de 50 %, tandis que le nombre de femmes autochtones incarcérées a presque doublé.
Les inégalités dont souffrent les Autochtones au Canada les suivent jusqu’en prison et définissent souvent leurs résultats et leurs expériences en milieu carcéral. Les détenus autochtones sont plus susceptibles d’être classés au niveau de sécurité maximale, de passer plus de temps en isolement , d’être impliqués dans des interventions où il y a recours à la force, de s’automutiler et de purger une plus grande partie de leur peine derrière les barreaux que les détenus non autochtones. Ils sont beaucoup plus susceptibles d’être incarcérés jusqu’à la date d’expiration du mandat ou d’être incarcérés de nouveau pour une violation technique de leurs conditions de mise en liberté.
Ces problèmes méritent une attention soutenue et constante et un véritable engagement envers le changement et les réformes. C’est pourquoi je continue de militer en faveur de la nomination d’un sous -commissaire auprès des délinquants autochtones, afin de garantir une perspective et une présence autochtones dans le processus décisionnel en matière correctionnelle. Des progrès en ce sens, s’appuyant sur une volonté organisationnelle et une orientation politique à l’égard des services correctionnels fédéraux, sont souhaitables depuis trop longtemps.
Je suis réconforté par le fait que le gouvernement du Canada s’est engagé à donner suite aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Pour ce qui est des services correctionnels, les appels à l’action de la Commission comprennent : l'élimination, au cours de la prochaine décennie, de la surreprésentation des Autochtones incarcérés et des jeunes Autochtones en détention; l'établissement de sanctions communautaires réalistes qui offriront des solutions de rechange à l’incarcération des délinquants autochtones et le ciblage des causes sous-jacentes du comportement délinquant; l'élimination des obstacles à la création de pavillons de ressourcement additionnels pour détenus autochtones au sein du système correctionnel fédéral; l'autorisation des dérogations aux peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour les délinquants atteints du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale et la réduction du taux de victimisation criminelle des Autochtones.
Un cadre supérieur responsable des services correctionnels pour Autochtones pourrait aider le Service à donner suite de façon exhaustive aux travaux de la Commission de vérité et réconciliation et pourrait aider le gouvernement du Canada à respecter ces engagements en la matière.
Une réinsertion sociale réussie, en temps opportun et en toute sécurité est tributaire de programmes correctionnels offerts au bon moment, de la mise à niveau des études et du perfectionnement des compétences professionnelles, ainsi que de l’accès à la collectivité dans le cadre de programmes de mise en liberté graduelle et structurée.
Je souligne qu’environ 75 % des délinquants qui purgent une première peine de ressort fédéral n’ont pas de diplôme d’études secondaires. En fait, environ la moitié des délinquants ont un niveau de scolarité équivalent à une 8e année. Entre 60 et 75 % des délinquants sous garde sont évalués comment ayant besoin d’améliorer leurs compétences relatives à l’employabilité.
Selon les conclusions tirées par le vérificateur général le printemps dernier, que mon Bureau est en mesure de confirmer, la diminution du nombre de délinquants qui retournent dans la collectivité entraîne une augmentation inutile des coûts d’incarcération et ne contribue pas dans une mesure appréciable à réduire la criminalité ou la récidive.
En dépit du fait que les programmes correctionnels sont offerts plus tôt et à un moment plus opportun, la plupart des délinquants ne terminent toujours pas leurs programmes avant d’être admissibles à une mise en liberté. Les délinquants qui terminent leurs programmes correctionnels avant leurs dates d’admissibilité à la libération conditionnelle ne font pas l’objet d’une recommandation plus tôt que par le passé. Le nombre de délinquants à qui l’on accorde des permissions de sortir avec escorte et des placements à l’extérieur a diminué encore l’an dernier.
Beaucoup trop de délinquants continuent de renoncer à leurs audiences de libération conditionnelle ou de retirer leurs demandes d’examen parce qu’ils n’ont pas terminé les programmes correctionnels requis ou parce que les cas ne sont pas préparés ou présentés par le SCC en temps opportun à la Commission des libérations conditionnelles. De nos jours, la majorité des délinquants sous responsabilité fédérale obtiennent leur première mise en liberté à la date de leur libération d’office. En 2014- 2015, presque 71 % de toutes les mises en liberté des pénitenciers fédéraux étaient des libérations d’office. Ce chiffre s'élève à 84 % pour les délinquants autochtones. Chiffre qu'il convient de comparer aux 66 % de délinquants non autochtones.
Bien que l’on commence à accorder de plus en plus de semi -libertés et de libérations conditionnelles totales, leur nombre demeure près des taux les plus faibles jamais connus.
Compte tenu de l’érosion de la mise en liberté sous condition au cours de la dernière décennie — et surtout depuis le projet de loi C-10 de 2012 — et de l’augmentation proportionnelle des coûts inutiles d’incarcération, je pense qu'il faudrait envisager de réorienter les services correctionnels vers les objectifs de réinsertion et de réadaptation. La sécurité publique est mieux assurée grâce à la libération et à la réinsertion sociale structurées, graduelles et en temps opportun. Il faudrait par ailleurs donner de nouveaux outils aux ateliers industriels dans les prisons et offrir une formation professionnelle afin de répondre aux réalités du marché du travail du 21e siècle. Enfin, il convient d'améliorer l’accès à la collectivité grâce à l’octroi accru de permissions de sortir et de placements à l’extérieur.
Pour conclure, monsieur le président, le Comité a beaucoup de matière à aborder. Je suis ravi que le gouvernement fédéral se soit engagé à procéder à un examen du système de justice pénale. Cet examen offrira une importante occasion d’apporter de grands changements. Vos travaux permettront sans aucun doute de rétablir une certaine cohérence et un certain contrôle des pratiques correctionnelles
Je vous remercie encore de m’avoir invité à prendre la parole devant le Comité et de nous accorder autant de temps.
C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Bien sûr. Merci d'avoir posé cette question et de votre commentaire précédent.
Je dirais que la recherche a établi au moins deux choses, si je peux parler à un niveau très général.
La première est que les programmes donnent les meilleurs résultats lorsqu'ils sont offerts dans la collectivité; il sera donc beaucoup plus efficace de préparer rapidement les détenus à leur mise en liberté dans la collectivité pour qu'ils puissent avoir accès à ces programmes. Il est plus facile pour eux de s'intégrer au monde du travail, de se replonger dans leur dynamique familiale, etc., lorsque ces programmes bénéficient de l'appui de la collectivité.
L'autre aspect est qu'il faut veiller à ce que les programmes offerts dans les établissements soient offerts au bon moment, aux personnes appropriées et pour les bons motifs. Lorsqu'un plan correctionnel est adopté, il constitue un genre d'ordonnance pour les programmes qui doivent correspondre aux besoins du détenu concerné. Il est premièrement très important de veiller à ce que la personne en question participe au programme prévu; il est aussi très important de veiller à ce que cette personne termine le programme et il est également très important que celui-ci soit offert par une personne qui possède les compétences pour le faire.
C'est dans ces domaines que j'ai invité le Service correctionnel à mieux faire les choses. L'année dernière, par exemple, il y a eu environ 10 700 inscriptions dans ces programmes pour les 22 000 contrevenants qui sont pris en charge par le système. Dans l'ensemble, environ 85 % de ces inscrits ont terminé leur programme, soit un pourcentage maximum de 90 % pour les programmes de lutte contre la violence familiale et un pourcentage plus faible de 80 % pour les participants aux programmes de prévention de la violence.
Nous savons que le nombre des audiences de libération conditionnelle qui sont remises ou auxquelles les détenus renoncent continue d'augmenter et la principale raison en est que les détenus n'obtiennent pas de leur équipe une recommandation favorable qui propose qu'ils comparaissent devant la Commission des libérations conditionnelles. La principale raison pour laquelle ils n'obtiennent pas cette recommandation est qu'ils n'ont pas suffisamment progressé dans la mise en oeuvre de leur plan correctionnel, et ils n'ont pas suffisamment progressé dans leur plan correctionnel parce qu'ils n'ont pas été en mesure de s'inscrire à ces programmes. C'est pourquoi, comme je l'ai dit, leur réussite dépend essentiellement de la capacité de faire participer ces personnes aux programmes prévus, de leur faire terminer ces programmes et de veiller à ce que ces programmes s'appuient sur des données réelles et soient livrés par des personnes compétentes.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Sapers et madame Kingsley, je vous remercie pour les témoignages que vous avez livrés aujourd'hui, ainsi que pour le travail que vous faites, à savoir présenter un point de vue objectif et indépendant et faire en sorte que le milieu carcéral soit humain et sécuritaire.
J'ai écouté très attentivement votre témoignage et j'ai lu votre rapport. Je tiens à souligner que je souscris absolument à votre conclusion selon laquelle le milieu carcéral s'est détérioré.
J'aimerais revenir sur certaines statistiques que j'ai trouvées vraiment frappantes, c'est que la population carcérale générale a augmenté de plus de 10 % au cours des 10 dernières années. On ne peut que se demander si ce n'est pas relié à un recours trop fréquent aux peines minimales obligatoires, dont certaines ont été invalidées par la Cour suprême du Canada. Nous constatons que les communautés autochtones sont surreprésentées, puisque leur population a augmenté de 50 %, et qu'il y a une utilisation trop grande de l'isolement, puisque près de la moitié de tous les détenus ont fait l'objet d'une forme d'isolement ou d'une autre. Les ressources susceptibles d'être consacrées aux détenus souffrant de maladie mentale sont insuffisantes et les programmes ont été réduits au cours des 10 dernières années, un aspect sur lequel j'aimerais me pencher pendant quelques instants.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que, si nous voulons réussir à réintégrer les détenus dans la collectivité, nous devons trouver le moyen de rétablir le rôle fondamental du SCC qui est de réadapter les détenus grâce à un ensemble de programmes. Certains de mes collègues ont également souligné que la population carcérale est déjà désavantagée parce que les détenus n'ont pas le même niveau d'éducation, de capacité et de formation que ceux qui se trouvent à l'extérieur.
À votre avis, comment expliquez-vous que les détenus n'achèvent pas les programmes qu'ils suivent? Si je ne m'abuse, ce chiffre s'établit à près de 65 %. Ce chiffre aurait-il un lien avec l'absence d'éléments susceptibles d'inciter les détenus à terminer leurs programmes?