Bienvenue à la 16e réunion du Comité permanent de la sécurité publique nationale. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos invités, à nos témoins. Merci d'avoir pris le temps de venir au Comité.
Chers collègues, j'ai quelques informations à vous transmettre avant de passer aux témoins. Vous savez certainement que le greffier a envoyé un avis concernant le Budget supplémentaire des dépenses (A). Comme nous n'avons pu trouver une date pour que le ministre puisse venir nous parler du Budget principal des dépenses, j'ai demandé que le ministre vienne pour le budget supplémentaire des dépenses. Je veux simplement informer l'opposition, et tout le monde, qu'il pourra probablement témoigner le 2 juin ou le 9 juin. Je vais proposer qu'il soit présent à la réunion du 2 juin. Nous aurons donc le temps de nous préparer pour sa comparution. Il a très hâte de venir au Comité, évidemment. Je voulais simplement informer le Comité que le ministre comparaîtra devant nous, et nous aurons manifestement un large éventail de questions, parce que presque tout est lié à ces budgets. Je suis certain que cela vous réjouit.
Nous accueillons M. Vaughn, Mme Jolibois et M. Gourde.
Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Bienvenue à notre étude. Je précise que nous étudions les blessures de stress opérationnel et le syndrome de stress post-traumatique chez les membres des équipes d'interventions d'urgence, les premiers intervenants et, en particulier, les agents fédéraux de la sécurité publique. Nous cherchons à déterminer s'il convient que le Comité présente des recommandations au gouvernement du Canada sur les façons d'améliorer la santé et la sécurité des Canadiens qui assurent notre sécurité. Cela a évidemment une incidence sur des gens qui ne sont pas sous compétence fédérale. Nous accueillons donc d'autres invités pour traiter de cet important enjeu.
Aujourd'hui, nous avons deux invités. Nous accueillons M. Boissonneault, du Service d'incendie du Comté de Brant, mais il représente aussi l'organisme national, l'Association canadienne des chefs de pompiers. Nous entendrons également M. Scott Marks, de l'Association internationale des pompiers.
Monsieur Boissonneault, vous avez 10 minutes. Vous serez suivi de M. Marks, qui aura aussi 10 minutes, puis, avant l'arrivée des agents correctionnels, nous passerons aux séries de questions.
Bienvenue, et merci.
:
Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vous remercie de l'occasion de comparaître au Comité aujourd'hui pour vous parler d'un enjeu d'une importance capitale.
[Français]
Je m'appelle Paul Boissonneault et je suis le chef de pompier du comté de Brant, en Ontario. Je suis aussi le président de l'Association canadienne des chefs de pompiers.
[Traduction]
Fondée en 1909, l'ACCP est une organisation à but non lucratif indépendante qui représente environ 3 500 services d'incendie au Canada. En tant que porte-parole des pompiers du Canada, elle préconise le plus haut niveau sécurité publique dans un monde en constante évolution et de plus en plus complexe. L'ACCP fait fonction d'association de service public national qui consacre ses efforts à réduire les pertes de vie et de biens causés par le feu. Notre énoncé de vision est le suivant: « unir les chefs des services d'incendie du Canada ». Notre énoncé de mission se résume ainsi: « favoriser la sécurité du public et des pompiers par l'établissement de liens entre les associations alliées provinciales et territoriales du Canada et les intervenants externes. »
La notion selon laquelle être pompier est un métier physiquement exigeant est largement acceptée, mais il faut prêter une plus grande attention au stress mental et affectif de ce rôle. Présentement, aucun plan national n'a été arrêté pour appuyer les agents de la sécurité publique qui doivent composer avec les effets du trouble de stress post-traumatique et autres traumatismes liés au stress opérationnel.
Dans sa lettre de mandat au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le premier ministre énonçait notamment la priorité suivante:
Travailler avec les provinces et les territoires et la ministre de la Santé à l'élaboration d'un plan d'action national coordonné sur le trouble de stress post-traumatique, qui touchent les agents de la sécurité publique de façon disproportionnée.
Dans l'accomplissement de son mandat, le ministre Goodale a organisé une table ronde nationale sur le TSPT. L'événement a eu lieu le 29 janvier 2016, à l'Université de Regina, sous la présidence de M. Michel Picard, secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, et réunissait des universitaires de partout au pays, des représentants de divers ordres de gouvernement ainsi que des dirigeants d'organisations représentant les premiers intervenants et le personnel d'intervention en situation d'urgence.
S'adressant aux participants par l'intermédiaire d'un message vidéo, le ministre a déclaré ce qui suit:
Au fil des ans, les membres du milieu de la sécurité publique m’ont dit à maintes reprises qu’il faut en faire plus pour aider ceux qui souffrent du TSPT. Nous demandons régulièrement aux agents de la sécurité publique de s’exposer à de grands risques pour protéger les Canadiens et assurer leur sécurité, et ils méritent par conséquent le plus haut niveau de soins et de soutien. Je m’excuse d’avoir manqué la table ronde d’aujourd’hui, mais il me tarde d'entendre les résultats. En plus d’appuyer la santé et le bien-être des membres du milieu de la sécurité publique, le plan d’action national sur le TSPT contribuera également à la sécurité du Canada.
L'ACCP salue l'engagement du ministre Goodale à l'égard de cette initiative très importante alors que nous devrons relever plusieurs défis pour veiller à la santé mentale et au bien-être de tous nos agents de la sécurité publique, partout au pays.
Le Dr Nick Carleton, de l'Université de Regina, qui a comparu devant ce Comité au cours des derniers mois, a indiqué à quel point il est difficile de calculer, chez les premiers répondants, le taux de prévalence du TSPT découlant de la stigmatisation associée à la maladie mentale. Il a néanmoins avancé que ce taux pourrait aller jusqu'à 35 %. Il existe, sur le plan culturel, un certain malaise à résoudre les problèmes de santé mentale, étant donné le manque de compréhension à leur égard. Cela favorise le cynisme concernant une maladie qui peut être associée à un mauvais comportement ou à une baisse du rendement.
En outre, plus de la moitié des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ne consulteront pas. Chez les pompiers, la stigmatisation est un obstacle qui empêche les gens d'avoir recours aux services en santé mentale. Ils craignent les répercussions sur leur carrière et manquent de connaissances sur la façon d'avoir accès aux services qui leur sont offerts. Nous devons agir rapidement pour modifier cette perception, car selon le Tema Conter Memorial Trust, 16 premiers répondants se sont suicidés jusqu'à présent cette année, ce qui s'ajoute aux 39 décès par suicide enregistrés en 2015.
Un autre défi réside dans la composition des services d'incendie au Canada. Aux services d'incendie à plein temps s'ajoutent les services composites et volontaires. Chacun d'entre eux présente un ensemble unique de difficultés. Comme on peut l'imaginer, les services volontaires peuvent ne pas avoir les ressources nécessaires pour administrer correctement les programmes de soutien, et le manque de personnel exclut souvent la prise en charge par les pairs. Cela dit, la prestation d'un programme de mieux-être mental pourrait être un facteur clé pour le recrutement et la rétention du personnel.
Afin de relever ces défis, l'ACCP a établi un partenariat avec d'autres organismes partageant le même objectif.
En septembre dernier, nous avons lancé l'Initiative du carnet de route sur la santé mentale en collaboration avec l'Association internationale des pompiers, la Commission de la santé mentale du Canada et l'Université de Regina. En association avec les principaux intervenants, cette initiative à long terme vise à définir les outils nécessaires pour appuyer les services d'incendie dans la reconnaissance et la prévention des problèmes de santé mentale auxquels sont confrontés les pompiers canadiens et dans les mesures liées aux interventions et aux traitements.
À elles seules, ces initiatives ne suffisent pas. Il faut financer la recherche sur les questions de santé mentale chez les pompiers afin de renforcer la capacité des services d'incendie et des professionnels de la santé d'en déterminer la prévalence et afin d'orienter correctement les efforts de diagnostic et de traitement. Des programmes de formation qui améliorent la résilience et le savoir en santé mentale et qui offrent, en outre, les compétences et les connaissances nécessaires pour aider les pompiers à mieux gérer les problèmes de santé mentale potentiels ou en voie de développement — les leurs ou ceux de collègues — sont particulièrement importants dans la lutte contre ces obstacles.
Des programmes de formation et de soutien appropriés visant à préparer les pompiers à pourvoir à leurs besoins en matière de santé mentale doivent être créés, mis en oeuvre et financés de façon continue. Les provinces doivent reconnaître officiellement que le TSPT constitue pour les pompiers un danger en milieu de travail, de façon à ce qu'ils aient droit aux prestations d'assurance collective. Nous devons poursuivre notre travail sur le plan d'action national coordonné sur le TSPT, en collaboration avec les provinces et territoires, dans le but d'obtenir les résultats suivants: normaliser les pratiques liées à l'évaluation de la santé mentale dans le cadre du recrutement; reconnaître la santé mentale comme facteur du bien-être général; reconnaître l'importance des investissements dans le soutien en santé mentale pour les pompiers dans la prestation de programmes de sensibilisation, de formation et de soutien au personnel des services d'incendie — tant le personnel actif que les retraités — et à leurs familles.
Alors que les feux font rage à Fort McMurray, le regard de la population canadienne est tourné vers nos confrères et nos consoeurs qui, dans l'intérêt de la sécurité publique, se dirigent stoïquement vers le brasier pour empêcher que l'incendie ne se propage. Malgré une chaleur extrême et un épais panache de fumée, nos collègues avancent, mus par leur engagement indéfectible, dans une zone dont on a ordonné l'évacuation générale.
[Français]
Jour et nuit, les agents de la sécurité publique de ce pays affrontent le danger afin de protéger leurs amis, leurs familles et les membres de leurs communautés. À coup sûr, ces derniers voudront protéger ces braves hommes et ces braves femmes des dangers contre lesquels ils sont peu outillés.
[Traduction]
Au nom de l'Association canadienne des chefs de pompiers, je vous remercie de nous avoir consultés dans le cadre de votre étude et je vous remercie de l'occasion de témoigner au Comité.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis honoré d'avoir l'occasion de partager avec le Comité nos points de vue sur cet important sujet d'actualité.
À titre informatif, l'Association internationale des pompiers représente plus de 23 000 pompiers professionnels à temps plein au Canada. Nous sommes les premiers arrivés dans pratiquement toutes les situations d'urgence; nous n'avons qu'à penser à un incendie dans un bâtiment, à un accident sur l'autoroute, à un appel médical urgent, à un incident impliquant des matières dangereuses ou à toute autre urgence. Pendant que je vous parle, bon nombre de nos membres combattent les feux de forêt qui dévastent Fort McMurray et les environs.
Tout le monde sait que combattre les incendies est une profession dangereuse et exigeante physiquement et que les pompiers souffrent davantage d'accidents de travail et de maladies professionnelles. Les exigences psychologiques liées à la profession sont moins connues, y compris les répercussions d'une exposition régulière à des scènes et à des images insoutenables que n'importe qui trouverait perturbantes et pénibles.
L'état de stress post-traumatique, ou ESPT, a trop longtemps été tabou parmi les pompiers et les autres premiers répondants. Les pompiers qui éprouvent des problèmes de santé mentale en raison de la profession sont trop peu nombreux à demander de l'aide, parce qu'ils sont hantés par les répercussions de leur travail et craignent de paraître faibles et malades devant leurs collègues et de décevoir leur famille et la société. Ils se tournent trop souvent vers l'alcool ou les drogues pour composer avec leurs difficultés; les mariages et les autres relations s'écroulent sous les tensions. Dans bien des cas, la crainte des conséquences financières d'un changement de carrière est une autre raison de garder le silence.
Hélas, l'ESPT a coûté la vie à bien des pompiers canadiens qui ont succombé aux idées noires qu'ils n'arrivaient plus à repousser et qui ont fini par s'enlever la vie. L'an dernier, le local 1271 de l'Association internationale des pompiers, situé à Surrey, en Colombie-Britannique, a subi la douleur associée au suicide de deux de ses membres en sept semaines. Comme le chef Boissonneault l'a mentionné, nos confrères du Tema Conter Memorial Trust nous informent qu'à ce jour 16 premiers répondants se sont suicidés cette année au Canada. Ce chiffre est désolant et épouvantable.
L'ESPT ne se développe pas de manière précise; les symptômes peuvent se manifester à tout moment. Compte tenu de la nature de notre profession, les pompiers y sont vulnérables ou sont plus susceptibles d'en souffrir, étant donné que nous sommes constamment exposés à des circonstances traumatisantes au sein de nos collectivités. Même si les statistiques en ce qui a trait à l'ESPT et aux premiers répondants sont limitées, les données montrent que l'ESPT touche de 15 à 20 % des pompiers.
Nous devons aussi être conscients des possibles répercussions financières de l'ESPT. Selon la Dre Suzy Gulliver, professeure à l'Université A&M du Texas, l'ESPT peut rendre totalement invalides les personnes touchées. Chaque fois qu'un pompier dûment formé ne peut plus accomplir ses tâches en raison de l'ESPT, c'est la société qui en paye le prix, parce que cela entraîne des dépenses liées à la formation et une perte incroyable de connaissances et d'expérience.
Nous devons essayer d'éviter que l'ESPT se développe en un état de santé chronique et invalidant. Depuis peu, les pompiers sont de plus en plus conscients de l'ESPT et souhaitent de plus en plus reconnaître qu'ils peuvent en être atteints et demander de l'aide.
Parallèlement, il est de plus en plus accepté que l'ESPT découle directement de certaines professions, y compris celle de pompier. En 2012, la Colombie-Britannique et l'Alberta ont été les premières provinces canadiennes à reconnaître officiellement les volets liés à la santé mentale relativement au personnel des services d'urgence en adoptant, aux fins des indemnisations pour accident de travail, des dispositions législatives voulant que l'ESPT puisse découler de la profession de pompier. Depuis, le Manitoba et récemment l'Ontario se sont également dotés de cette protection importante qui permet aux premiers répondants d'avoir accès plus rapidement à des soins.
Si nous voulons nous attaquer aux troubles de santé mentale et à l'ESPT chez les premiers répondants, nous sommes mieux de connaître la portée exacte du problème qui nous attend. Voilà pourquoi nous avons demandé au gouvernement fédéral de mettre en place un plan d'action national sur l'état de stress post-traumatique, et nous félicitons le gouvernement et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile pour les mesures qu'ils ont déjà prises en ce sens.
Nous recommandons que le plan porte sur cinq éléments, soit les pratiques exemplaires, la recherche, l'éducation, la sensibilisation et le traitement, et qu'il serve de cadre pour des outils efficaces et complets relatifs à l'ESPT qui pourraient devenir une ressource à l'intention de tout organisme ou tout premier répondant qui en a besoin.
Nous pouvons prévenir l'ESPT grâce à un diagnostic précoce et à des soins adéquats. La recherche fondée sur des données probantes et l'évaluation des pratiques exemplaires peuvent contribuer à informer les premiers répondants sur la manière de déceler les signes de la maladie et de la soigner. Nous devons changer la manière dont nos premiers répondants, leur famille, leur employeur et les professionnels de la santé sont informés au sujet de l'ESPT, parce que l'éducation est la clé de la prévention. L'éducation et la sensibilisation peuvent contribuer à faire tomber les préjugés.
Le gouvernement fédéral a rapidement donné suite à son engagement d'élaborer un plan d'action national.
Le ministre de la Sécurité publique a donné le coup d'envoi en janvier à Regina à la Table ronde sur le trouble de stress post-traumatique qui touche les premiers répondants. Ces discussions ont été extrêmement efficaces en vue de préciser les priorités et les lacunes et d'établir les principaux éléments du plan global. À cette fin, l'AIP collabore actuellement avec l'Association canadienne des chefs de pompiers, la Commission canadienne de la santé mentale et l'Université de Regina en vue d'élaborer un plan sur le mieux-être mental des pompiers. L'AIP participe également à un groupe de travail réunissant les trois services d'intervention d'urgence qui a été mis sur pied par le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile pour contribuer à l'élaboration d'un plan d'action national. Nous sommes ravis de constater que des mesures sont prises au sujet de cet enjeu important et d'avoir l'occasion de contribuer à l'élaboration d'un plan coordonné pour prévenir efficacement l'ESPT chez les premiers répondants.
Merci. Je serai ravi de répondre à vos questions.
:
Je vous remercie tous les deux de votre présence, de vos points de vue et du travail que vous accomplissez de concert avec les gens que vous représentez.
Notre étude a certainement permis d'entendre les commentaires d'un éventail de personnes en ce qui concerne le milieu de la recherche et les activités sur le terrain. Lorsque nous parlons des premiers répondants, il est vraiment question de la nature unique de leurs rôles, du service en uniforme qui cause du stress opérationnel et de la manière de réduire ce stress et de diffuser l'information.
J'aimerais vous poser quelques questions. La première est une question difficile. Cela rejoint un peu ce dont parlait ma collègue, Mme Damoff, au sujet de la collecte de données. D'après moi, le défi avec lequel nous sommes en partie aux prises est similaire à celui que j'ai vu en ce qui concerne les anciens combattants. Si une personne dans le milieu ou à la retraite se suicide, il faut évidemment respecter la vie privée des gens et faire preuve de respect en la matière, mais j'ai l'impression que nous disons pratiquement par défaut que son suicide est lié à une blessure de stress opérationnel en raison de son service en uniforme. Parfois, ce n'est pas le cas, mais il arrive que ce le soit.
Selon vous, comment devrions-nous le signaler de manière à respecter la famille et la personne qui se sentait désemparée? Comment pouvons-nous réaliser des progrès? Comme je l'ai déjà dit à des anciens combattants, j'ai parfois l'impression que ce sera difficile si nous n'avons pas un débat éclairé à ce sujet, parce que je crois que la population, qui est enfin consciente de ce qu'est l'état de stress post-traumatique — nous faisons tomber les préjugés... La prochaine étape est d'avoir un débat éclairé pour faire valoir que les Canadiens qui endossent l'uniforme d'un service des incendies ou de l'armée sont représentatifs de la population. Ils auront aussi des problèmes de santé mentale qui ne sont pas liés à leur travail. Ils auront aussi des problèmes financiers et matrimoniaux. Ils vivront une vaste gamme de facteurs de stress qui peuvent également miner leur santé mentale.
Avez-vous des suggestions à ce chapitre? Nous voulons aider les gens vulnérables, parce que premièrement le suicide n'est pas la bonne option. Nous voulons que les gens sachent que du soutien par les pairs ou sous une autre forme est offert. Selon vous, quelle serait la meilleure façon de signaler les cas et d'en discuter en vue d'aider les personnes et d'expliquer à la population que les premiers répondants sont représentatifs des Canadiens?
Je m’appelle Georgina Jolibois. Je suis députée de la circonscription de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill. J’ai eu à travailler avec des premiers intervenants de la GRC, du personnel infirmier, des médecins, le service d'incendie local et le service de la faune.
D’entrée de jeu, je veux les remercier pour le travail qu’ils font. Ce sont des organismes remarquables qui oeuvrent dans tous les coins de la Saskatchewan et qui fournissent des services de soutien à leurs membres et à leurs employés — y compris leurs familles —, et qui préservent la sécurité de nos collectivités.
L’incendie de Fort McMurray dont vous avez parlé a lieu à proximité de la frontière de la Saskatchewan et il inquiète la province. Il menace les localités de La Loche, de Carson Lake, de Black Point et la nation dénée de la rivière Clearwater. J’espère que nos discussions aideront la province de la Saskatchewan à mettre au point un plan très efficace pour intervenir et combattre ces incendies.
Le 22 janvier dernier a été une mauvaise journée pour la collectivité de La Loche. J’ai eu l’occasion de constater de près les effets du syndrome de stress post-traumatique sur les agents de la GRC, sur le service d'incendie local, sur le personnel infirmier, les docteurs et les autres fournisseurs de soins de santé ainsi que sur le personnel responsable de la prestation des services provinciaux. Ce que j’ai remarqué, c’est que la GRC dispose de ressources considérables pour aider ses membres à composer avec le syndrome de stress post-traumatique. À l’échelon provincial, le personnel des soins de santé et des soins ambulatoires a certaines ressources à sa disposition, mais le service d'incendie local et le service de réserve local ne disposent d’aucune ressource pour fournir du counseling et aider leurs membres à faire le point.
La stratégie est formidable. L’information a son importance, mais comment pouvons-nous, dans une perspective nationale, veiller à ce que les provinces, les municipalités et les réserves reçoivent un soutien semblable à celui qu’on offre aux premiers répondants?
:
Le 12 juin 2007, j'ai répondu à un appel. Ce matin-là, j'avais amené mon fils de cinq ans à la garderie. Il portait un chandail débardeur, des culottes courtes en denim et des sandales. À l'époque, j'étais chef des pompiers dans une localité qui comptait deux casernes opérées par des pompiers volontaires. L'appel rapportait un incendie dans un garage détaché.
J'ai pris la voiture du chef des pompiers et je me suis rendu à l'endroit indiqué. Deux de mes pompiers volontaires étaient déjà là, mais le camion de pompier était à huit minutes de route. Les deux hommes étaient entrés une fois dans la bâtisse en couvrant leur visage. Ils étaient dans leur tenue d'intervention, mais ils n'avaient pas leur masque à air, car le camion était encore à sept minutes de là. Ils ont fait une évaluation éclairée des risques et ont conclu que s'ils attendaient plus longtemps, ce serait peine perdue pour les possibles survivants.
Ils ont tiré un enfant du brasier. Comme j'étais arrivé prêt à intervenir sur le plan médical, j'avais ce qu'il fallait pour faire une réanimation traumatologique. J'ai donc pratiqué des compressions sur la poitrine de l'enfant — un jeune de cinq ans. Il était déjà sans connaissance. Il avait mis le feu au garage en jouant avec un briquet au butane.
L'homme qui était entré dans le garage pour le secourir avait lui-même un enfant de cet âge. Ce jour-là, au moment où je m'efforçais de ranimer ce petit garçon, mon fils était à la garderie et il portait des vêtements presque identiques aux siens.
Après avoir répondu à tous les médias au sujet de l'incident, nous avons entendu les hauts cris de ceux que j'appellerai des « gérants d'estrade »: « Pourquoi les pompiers sont-ils entrés dans la bâtisse sans masque à air? » « Cette municipalité embauche-t-elle des cowboys? » J'ai répondu: « Ils ont pris de grands risques pour sauver des vies. Ils ont agi en fonction de leur expérience et de leur formation. Ils ont fait ce qu'ils étaient censés faire et ils ne doivent pas être critiqués. Ce sont des héros. »
Ce que je peux vous dire, c'est que les membres de ce service qui étaient là ont vu la même chose que moi. Même si je n'en fais pas d'obsédants cauchemars, je peux vous parler de tout ce que j'ai perçu ce jour-là: le toucher, la sensation, les vêtements, les couleurs et les odeurs. Je peux vous donner tous ces détails. Heureusement, j'arrive à le faire sans que cela me fasse perdre tous mes moyens.
D'autres n'ont pas pu. D'autres ont quitté le service ce jour-là, et nous n'étions qu'en 2007. Ils ne sont jamais revenus. Où sont-ils maintenant? Le suivi et la recherche fondée sur des données probantes dont nous avons parlé n'existaient pas. Que leur est-il arrivé dans une collectivité qui comptait sur des volontaires? Ils sont retournés à leur mariage, à leur emploi. Avec quel succès? Je n'en ai aucune idée.
C'est une histoire qui porte à réfléchir sur l'aspect humain de ces tragédies, et des histoires comme celle-là, il y en a tous les jours.
Chers membres du Comité, l'Association canadienne des chefs de police, l'ACCP, tient à vous remercier sincèrement de lui offrir cette occasion de prendre la parole aujourd'hui et de contribuer à cette importante discussion. D'abord, permettez-moi de me présenter. Je suis Steve Schnitzer et je représente l'ACCP à titre de président du Comité des ressources humaines et du perfectionnement. Je suis également accompagnée de la chef de la police régionale de Peel, Jennifer Evans, qui s'adressera à vous d'ici quelques minutes.
J'ai oeuvré pour le maintien de l'ordre pendant 30 ans et j'ai pris ma retraite en 2010 à titre de superintendant chargé des services personnels au sein du service de police de Vancouver. Mon rôle, en tant que superintendant, était de diriger les sections des normes professionnelles, de la formation et des ressources humaines du service de police de Vancouver. Je travaille actuellement à l'Institut de la magistrature et je suis le directeur de l'Académie de police de la Colombie-Britannique. L'Académie de police de l'Institut de la magistrature de la Colombie-Britannique est responsable de la formation de l'ensemble des recrues policières municipales, des transports et des Premières Nations de la Colombie-Britannique.
En tant que président du Comité des ressources humaines et du perfectionnement de l’ACCP, j’aimerais que vous sachiez que le bien-être mental des agents de police et du personnel de soutien est toujours au cœur des discussions lors de nos réunions. Nous participons d'ailleurs à une vidéoconférence aujourd'hui, à Saskatoon, pour la seconde journée d'une réunion de deux jours du Comité des ressources humaines et du perfectionnement, et nos échanges portent sensiblement tous sur le bien-être des agents de police et du personnel de soutien.
Depuis plusieurs années déjà, l'ACCP travaille en étroite collaboration avec la Commission de la santé mentale du Canada et nous collaborons maintenant avec des universités et le milieu universitaire afin de mieux comprendre les enjeux de santé mentale que doivent surmonter les premiers intervenants. Notre président actuel, le chef de police Clive Weighill, regrette énormément de ne pas pouvoir être présent aujourd'hui, mais il tenait à vous communiquer ce qui suit, et je cite:
L'ACCP reconnaît pleinement que dans la dynamique des services policiers, le personnel policier et les autres premiers intervenants sont exposés à un ensemble particulier de problématiques et de risques liés à l'emploi. De plus, nous savons que la culture policière peut renforcer la stigmatisation associée à la maladie mentale et qu'elle nous met par conséquent au défi de changer la façon dont, collectivement, nous traitons et considérons les problèmes et les maladies de santé mentale. Notre objectif, en tant qu'organisme national, a été d'amener le service policier et les professionnels de la santé mentale à faire évoluer les attitudes, à réduire la stigmatisation et à trouver de nouveaux moyens d'assurer la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail. Cela comprend un appel à tous les services de police du Canada pour qu'ils veillent à la mise en place d’une stratégie claire et cohérente.
En mars 2015, le Dr Terry Coleman, un membre de notre Comité des ressources humaines et du perfectionnement, a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des Affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant le projet de loi S-208, lequel visait la création de la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice. Au nom de l'ACCP, le Dr Coleman a affirmé que la maladie mentale est l'une des cinq grandes sources de préoccupation au sein des services de police du Canada. Il a également insisté sur le fait que les policiers sont, de facto, les premiers répondants pour les situations de crise en santé mentale et autres situations liées aux troubles mentaux et à la maladie mentale qui surviennent dans nos collectivités, et ce, à toute heure du jour, tous les jours de la semaine.
Je suis donc ici aujourd'hui au nom de l'ACCP afin de souligner le fait que pour assurer une sûreté et une sécurité publique efficaces au Canada, il est essentiel que les premiers intervenants soient en santé et se montrent résilients. Malheureusement, les agents de police sont en proie à des difficultés croissantes en matière de santé mentale et la communauté policière trouve difficile de mettre sur pied des mécanismes de soutien en santé mentale qui soient efficaces et qui répondent aux besoins de nos agents de police, de notre personnel de soutien et de leur famille.
En reconnaissant le besoin criant d'agir à l'égard de la situation de la santé mentale et du maintien de l'ordre, l'ACCP a récemment uni ses efforts à ceux de la Commission de la santé mentale du Canada afin de tenir deux conférences nationales clés sur cette question. D'abord, en mars 2014, 350 représentants des chefs de file du domaine de la justice pénale et de la santé mentale, chercheurs et personnes ayant été touchées par la maladie mentale se sont réunis à l'occasion d'une conférence ayant pour titre « D’une situation de crise à l'instauration de changements fondamentaux : améliorer les interactions policières avec les personnes ayant une maladie mentale ».
Les participants ont pu discuter des mesures efficaces, des approches à améliorer et des pratiques prometteuses, et ont cherché à trouver des réponses novatrices à la question: « Comment rendre plus sécuritaires les interactions entre les personnes ayant une maladie mentale, les corps policiers et nos collectivités? »
La conférence a permis de mettre en lumière un grand nombre de pratiques prometteuses, telles que les équipes d'intervention en cas de crise, qui sont composées de policiers et de professionnels de la santé mentale qui interviennent conjointement, et que l'on trouve le plus souvent dans les grands centres urbains, de même que l'approche du carrefour, qui regroupe un vaste éventail de services communautaires des domaines de la police, de la santé, des services sociaux et de l'éducation dans le but de favoriser une intervention commune et précoce lorsqu'une personne semble être à risque.
En février 2015, l'ACCP et la Commission de la santé mentale du Canada ont parrainé conjointement une deuxième conférence couronnée de succès, qui avait pour titre « Conférence sur la préparation mentale: Stratégies de santé et sécurité psychologiques dans les organisations policières ». L'activité, à laquelle 250 personnes ont assisté, visait à reconnaître que pour bien servir la population, nous devons d'abord prendre soin de nous. Elle a notamment permis de lancer un appel à tous les services de police du Canada et aux entités qui en assurent la gestion pour les inciter à mettre en place une stratégie claire et cohérente visant le bien-être mental de leurs membres et de leur personnel. Depuis février 2015, le Comité des ressources humaines et du perfectionnement de l'ACCP s'est donné comme objectif de faire la lumière sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés et de mettre à contribution le milieu universitaire afin d’approfondir les recherches, ici même au Canada, au chapitre du bien-être mental dans les services de police. Cette initiative est menée en collaboration avec la Fondation de recherche de l’ACCP, la Commission de la santé mentale du Canada et les établissements universitaires et de recherche.
À cet égard, en janvier de cette année, j'ai représenté l'ACCP à la Table ronde nationale sur le trouble de stress post-traumatique. Elle a été organisée par le ministère de la Sécurité publique, sous la gouverne du . L'ACCP tient d’ailleurs à remercier le gouvernement fédéral d’avoir pris l'initiative d'amorcer ce dialogue national sur le trouble de stress post-traumatique qui assaille l'ensemble des premiers intervenants. Cette table ronde a donné naissance à un groupe de travail regroupant trois services qui se penchera sur l'élaboration d'un plan d'action national.
Il est non seulement nécessaire d'adopter une approche stratégique pour réaliser un changement significatif, mais il importe également d’emprunter une approche systémique afin d'appuyer les ressources et le financement nécessaires afin d’assurer la santé mentale des premiers intervenants. Enfin, nous devons comprendre pleinement les problèmes auxquels nous sommes confrontés et trouver des solutions fondées sur la recherche et éprouvées.
Nous tenons à remercier chacun d'entre vous d'avoir soulevé cet enjeu de taille.
J'aimerais maintenant donner la parole à la chef de la police régionale de Peel, Jennifer Evans. En tant que l'une des 26 membres du Comité des ressources humaines et du perfectionnement de l'ACCP, elle aimerait souligner certaines des initiatives sur le bien-être organisationnel que la police régionale de Peel a récemment mises en oeuvre.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
:
La police régionale de Peel reconnaît et apprécie son personnel, qui est essentiel à sa réussite. Lorsque nous assurons la sécurité des habitants de notre collectivité, nous savons qu'il est également important de prendre soin des personnes qui s'occupent de notre collectivité.
En 2008, nous avons établi le Bureau du mieux-être organisationnel. Nous savons que la mise en place d'un milieu de travail sain constitue un engagement en termes de cheminement et non pas simplement une destination à atteindre. Le mandat du Bureau correspond à l'un des objectifs de notre plan stratégique, à savoir la mise en place d’un milieu de travail axé sur les membres. Cela signifie simplement que nous voulons assurer la santé et le bien-être de l’ensemble de nos employés.
Notre Bureau du mieux-être organisationnel compte actuellement un sergent-chef responsable de l'unité, qui supervise le travail d'une infirmière en santé, d'un coordonnateur en conditionnement physique, d'un coordonnateur en bien-être, d'un coordonnateur des aumôniers, d'un coordonnateur de la stratégie d'intervention précoce et d’un coordonnateur en toxicomanie.
Parmi les ressources améliorées en matière de santé et de mieux-être que nous offrons à nos employés au Service de police régional de Peel, nous avons un programme d'aumônerie. Nous avons cinq aumôniers qui fournissent du counselling spirituel sur place. Nous offrons également un accès sur place à des services de massothérapie, de soins chiropratiques, de physiothérapie, d'hygiène dentaire et de diététiste. Nous fournissons aussi un accès à des services juridiques, financiers et d'appui aux familles ainsi que des conseils en matière de santé avec du soutien en naturopathie et en nutrition.
Nous avons un programme de protection, qui est mandaté au sein de la police de Peel. Je m'assure que les agents se soumettent à des évaluations psychologiques annuelles. Ce sont pour les employés qui font partie de l'Unité de lutte contre l'exploitation des enfants sur Internet. Nous sommes en train d'élargir le programme afin d'inclure les employés qui travaillent dans l'unité des crimes technologiques, l'unité des victimes spéciales, la direction des collisions majeures, la direction du mieux-être au travail, les services de soutien d'urgence, la direction des homicides et des personnes disparues, la direction des communications, les services d'identité judiciaire, les tribunaux et l'unité des stupéfiants et de la moralité.
Nous avons 84 membres qui offrent du soutien par les pairs. Nous avons une équipe de soutien par les pairs depuis plus de 30 ans à Peel.
Nous organisons des déjeuners-causeries à saveur pédagogique intitulés « Stimuler votre optimisme », « Composer avec des adolescents » et « Gérer le stress saisonnier ». Il sont tous conçus pour offrir à nos employés des stratégies d'adaptation visant à réduire le stress.
Nous tenons des soirées sur le bien-être des familles qui visent à donner aux familles de l'information sur ce à quoi elles doivent s'attendre et sur la façon de se préparer à faire face aux situations stressantes de la vie.
Nous avons également une base de données qui est un système d'intervention précoce. C'est un système de suivi des indicateurs de risques éventuels qui signale les possibilités d'intervention précoce. Il assure le suivi des plaintes du public, des incidents ayant entraîné le recours à la force, des enquêtes sur les affaires internes, les congés de maladie, l'exposition à des appels de nature tragique tels que des collisions mortelles, des décès d'enfants et des suicides.
Nous avons 12 membres qui font partie d'une équipe d'intervention en cas d'incidents critiques. Ils gèrent les situations sur le terrain. Ils tiennent des séances d'information à la suite de situations graves ou tragiques.
Nous avons aussi un répertoire des professionnels de la santé et un programme de retour au travail.
En 2015, nous avons procédé au lancement de notre programme En route vers la préparation mentale, RVPM. Cette formation, prescrite pour tous les employés de tous les niveaux, permet à ceux-ci de cerner et de comprendre les problèmes de santé mentale auxquels eux-mêmes ou leurs collègues peuvent être confrontés. Il s'agit également d'un programme qui vise à réduire la stigmatisation et qui est conçu pour fournir des mécanismes d'adaptation ainsi qu'un cadre d’acceptation et de soutien pour les collègues et renforcer la résilience personnelle. À ce jour, 2 600 employés ont suivi la formation, dont 23 officiers supérieurs.
Il s'agit d’un programme mis sur pied initialement pour l'armée canadienne dont nous avons tenté de nous prévaloir pendant des années pour les policiers municipaux. Nous avons finalement été autorisés à utiliser une formation semblable.
J'aimerais que votre comité trouve des moyens pour permettre que le matériel de formation utilisé par le gouvernement fédéral, les militaires, par exemple, soit accessible et puisse profiter aux employés des organismes provinciaux et municipaux.
Selon ma compréhension, les corps policiers ont seulement été autorisés à commencer à utiliser le programme RVPM parce que l'Association canadienne pour la santé mentale est devenue la voie de transfert des connaissances. Je peux vous assurer que nous recevons des commentaires très positifs au sujet de cette formation.
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Je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité sur ce sujet fort important. Dans le cadre de leur travail, nos agents correctionnels de première ligne sont exposés à de multiples situations de stress traumatisantes, ce qui a trop souvent pour effet d'entraîner des troubles de santé mentale. Nous sommes ravis d'avoir enfin l'occasion de pouvoir discuter des mesures qui nous permettront de régler ce problème urgent.
Puisqu'elle représente les quelque 7 400 agents correctionnels des établissements fédéraux de partout au Canada, l’UCCO-SACC-CSN est bien placée pour veiller à ce que le point de vue des agents correctionnels soit pris en compte dans cette discussion. Notre milieu de travail unique fait en sorte que nos agents doivent avoir leur place à la table.
Nous sommes des premiers intervenants dans le véritable sens du terme. Nous sommes à la fois des ambulanciers paramédicaux, des agents de police et des pompiers à l'intérieur des murs des prisons fédérales canadiennes. Nous nous occupons des détenus qui ne respectent pas les règles fondamentales de notre société. Il est de notre devoir de nous assurer que ces mêmes détenus se conforment aux règles au sein de nos établissements. Je peux vous assurer que ce rôle ne nous rend pas populaires auprès de notre clientèle.
En même temps, les agents correctionnels sont responsables de la sûreté et de la sécurité de ces détenus. C'est à eux qu'il incombe d'intervenir lorsque des gangs de détenus s'affrontent ou lorsqu'ils doivent protéger des détenus vulnérables contre les attaques de prédateurs.
Dans tous les cas, il y a un risque réel qu'un des détenus impliqués se retourne contre un agent correctionnel et lui inflige des blessures graves. Sachez que 88 % des incidents où il y a eu recours à la force sont spontanés et résultent du comportement humain imprévisible auquel nous sommes confrontés tous les jours.
Nous devons souvent compenser pour l'absence de personnel infirmier après les heures normales de travail et les fins de semaine. Nous sommes les premiers intervenants dans les cas de tentative de suicide et d'urgence médicale. Par exemple, en 2010, nos membres ont participé directement à 1 800 interventions médicales dans les établissements fédéraux à l'échelle du Canada. Au cours de l'exercice 2014-2015, nos membres ont pris part à plus de 2 000 interventions médicales.
En milieu correctionnel, où les taux de maladies infectieuses sont plus élevés que partout ailleurs au pays, il revient aux agents correctionnels de prodiguer la RCR aux détenus en détresse, à seulement quelques centimètres de leur visage, habituellement couvert de liquides corporels.
De toute évidence, nous sommes les agents de la sécurité publique les plus négligés, qui oeuvrent au sein d'un système que la plupart des Canadiens préféreraient oublier. Malheureusement, les effets traumatisants de notre travail ne sont pas souvent reconnus.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Je me suis rendu à l'établissement de Millhaven, après le décès par balle d'un détenu. Je me souviens d'être entré dans l'établissement et d'avoir rencontré l'agent qui avait dû tirer les coups de feu. Ses premiers mots ont été: « Jason, j'ai tout essayé pour l'arrêter. J'ai essayé. J'ai vraiment tout essayé. » Il était déjà clair, à ce moment-là, qu'il souffrait énormément de cet incident.
Un autre détenu avait également été blessé sérieusement lors de cette fusillade. Quelques jours plus tard, j'ai pu parler aux agents correctionnels qui étaient intervenus. Dans ce cas-ci, les agents ont dû se rendre au gymnase pour secourir le détenu blessé. Ils ont exercé une pression sur son ventre tout le long du trajet en ambulance jusqu'à son arrivée à l'hôpital. On a finalement pu lui sauver la vie après 8 heures de chirurgie. Voilà donc un bon exemple d'un incident critique où les agents correctionnels jouent à la fois le rôle des policiers et des ambulanciers paramédicaux.
J'ai moi-même personnellement été témoin d'incendies et d'actes d'automutilation. J'ai été agressé et j'ai dû exécuter des manoeuvres de réanimation cardiorespiratoire sur des détenus.
Même si on constate que les troubles de santé mentale sont de plus en plus fréquents chez les agents correctionnels, on ne leur a jamais porté une attention particulière. Bien qu'il soit difficile d'établir des statistiques exactes, il convient de signaler que toutes les études sérieuses sur la question ont révélé que la proportion de l'effectif qui souffre d'un TSPT ou d'un trouble connexe est très élevée au sein de notre groupe.
Notre stress augmente au fil des années de service, ce qui est habituellement le contraire dans la plupart des emplois au sein de la fonction publique. Le stress est censé diminuer avec les années.
En 1992, Lois Rosine a constaté que 17 % des agents correctionnels souffraient d’un TSPT, ce qui se comparait presque aux anciens combattants de la guerre du Vietnam. Lors de son récent témoignage devant le Comité, la sous-ministre adjointe de la Sécurité publique, Mme Lori MacDonald, a indiqué que d'après un sondage, environ 36 % des agents correctionnels souffraient d'un trouble de stress post-traumatique.
Une chose est sûre: les agents correctionnels, qui sont en première ligne au sein des pénitenciers fédéraux, sont souvent exposés à des événements traumatisants perpétrés par des détenus qui sont parmi les plus violents au Canada. En outre, les conditions de travail, notamment les quarts de travail et les rôles conflictuels, c'est-à-dire la sécurité par opposition à la prestation de soins, créent un environnement propice aux blessures psychologiques.
Nous nous réjouissons de la récente mise en oeuvre du programme RVPM, En route vers la préparation mentale, à l'échelle du SCC. Nous croyons que ce programme répond aux besoins particuliers de nos hommes et de nos femmes en uniforme, et il s'agit sans aucun doute d'un pas dans la bonne direction. Notre sous-ministre appuie vivement ce programme.
Cependant, il faut en faire davantage pour aider les agents correctionnels et leur famille à composer avec les conséquences des événements traumatisants qu'ils vont inévitablement vivre dans le cadre de leur travail. Cela dit, le financement pour de telles initiatives doit être accru et reconduit, au lieu d'être perçu comme un fardeau sur les budgets ministériels déjà très serrés.
Nous estimons que les agents correctionnels méritent de recevoir la meilleure formation sur la résilience qui soit afin de minimiser les risques de blessure de stress opérationnel. Dans l'exercice de ses fonctions, le syndicat rencontre de nombreux agents correctionnels qui souffrent psychologiquement à cause du stress encouru au travail.
Souvent, ces agents correctionnels se tournent vers nous après que la Commission des accidents du travail ait rejeté leur demande de reconnaissance de stress psychologique. Parfois, c'est la politique de la CAT qui ne reconnaît pas les facteurs qui ont mené à la blessure psychologique. Très souvent, c'est leur gestionnaire qui n'a pas appuyé leur demande. Nous avons vu des lettres de gestionnaires qui n'appuient pas des demandes de reconnaissance de TSPT au motif que la violence constitue une condition d'emploi normale.
J'ai un autre exemple, cette fois-ci à Miramichi, où un agent correctionnel a été attaqué aux fluides corporels. On l'a aspergé de divers liquides corporels. Ce cas a été particulièrement terrible. L'agent a présenté une demande à la suite de l'événement et, évidemment, on lui a répondu qu'il s'agissait d'une « condition d'emploi normale ». Il n'y a aucun autre milieu de travail au pays où on trouve une telle condition d'emploi.
Dans d'autres cas de désengagement professionnel, les agents correctionnels dont les blessures subies dans l'exercice de leurs fonctions les empêchent de travailler au-delà de 130 jours voient leur dossier de paye transféré à la Commission des accidents du travail. Pour les agents qui souffrent d'un TSPT, qui sont surreprésentés dans ce groupe, ce transfert au régime d'indemnisation représente des pertes financières et un stress additionnel. En outre, les avantages des agents correctionnels varient selon la province d'emploi.
Comme en témoignent ces exemples, tous les intervenants doivent nécessairement mieux comprendre les effets de leurs décisions à l'égard des agents qui ont subi des traumatismes psychologiques dans le cadre de leurs fonctions. Nous estimons que des gestionnaires mieux renseignés seront moins portés à prendre de telles décisions, qui ont des conséquences très graves pour les agents correctionnels qui souffrent d'un TSPT. Il faut aussi en faire davantage pour aider les employés et les gestionnaires à reconnaître rapidement les signaux de détresse chez leurs confrères. Cela n'est possible qu'avec une meilleure sensibilisation.
De récentes initiatives nous laissent croire qu'on va cesser d'ignorer le problème. L'étude entreprise par le Comité nous donne bon espoir que le gouvernement que nous servons dans l'intérêt de la sécurité publique a à coeur notre santé mentale. Les engagements électoraux de M. Trudeau envers l'UCCO-SACC-CSN démontrent que la situation critique de nos agents correctionnels recevra toute l'attention qu'elle mérite.
En ce qui concerne les personnes qui ont atteint leurs limites de résilience, sachez que deux provinces, l'Ontario et le Manitoba, ont adopté une loi qui établit la présomption que les agents correctionnels, à titre de premiers intervenants, sont plus susceptibles de subir des blessures de stress opérationnel. Cette loi présume qu'un trouble de stress post-traumatique diagnostiqué chez des premiers intervenants est relié à l'emploi de ceux-ci.
Nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour s'assurer que cette même présomption s'applique aux agents correctionnels qui sont victimes de blessures psychologiques, peu importe la province dans laquelle ils travaillent. Le Programme d'aide aux employés doit également être renforcé et adapté à la réalité de nos membres, de manière à les aider, eux ainsi que leur famille, à passer à autre chose. L'agent correctionnel le plus efficace devrait pouvoir avoir accès à des centres de traitement de pointe adaptés à ses besoins.
En terminant, afin de mieux harmoniser les ressources dans ce dossier, il faut affecter des ressources en recherche si on veut améliorer les perspectives d'avenir de nos agents correctionnels.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Je veux remercier tous les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui et de la qualité de leur préparation avant de venir témoigner devant nous. On constate qu'il y a eu un travail de fond qui a été accompli et une réflexion qui a été faite à ce sujet. Je les remercie également de la qualité de leurs présentations.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je m'adresserai en premier lieu à MM. Godin et Robertson.
Vous avez mentionné quelque chose qui, selon moi, est très percutant et très pertinent pour la réflexion que nous devons faire. Vous êtes dans une situation fort particulière. En effet, la population canadienne ne sait pas ce que vous faites et n'a pas conscience de ce que vous faites. Pire encore, c'est voulu de cette façon. En d'autres mots, par définition, vos fonctions sont exercées pour être à l'abri des regards de la population. Non seulement la population n'a pas accès à vos lieux de travail, mais de plus, elle ne veut pas aller sur vos lieux de travail.
Il y a aussi une autre particularité, à savoir que vous êtes entourés de gens qui vous veulent du mal. Plusieurs personnes que vous côtoyez quotidiennement obtiendraient une gratification importante si elles vous causaient des blessures graves ou même si elles vous tuaient. Ce sont des particularités très importantes de votre travail.
J'aimerais que vous nous éclairiez à certains égards. Je vous pose la question très candidement, sans présumer de la réponse que vous me donnerez.
Ce travail peut-il être fait pendant toute une carrière de vie active? Vous avez mentionné un élément important dans le cadre de l'une de vos réponses. Vous avez fait référence au fait qu'il peut survenir des événements importants, comme celui que vous avez indiqué alors que vous avez été contraint de conduire un détenu à l'hôpital. Il y a aussi les multiples blessures que vous subissez quotidiennement. On parle ici de blessures morales et non pas nécessairement de blessures physiques. Pouvez-vous nous éclairer à cet égard?
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Les agents correctionnels peuvent accomplir un large éventail de tâches dans une journée de travail ordinaire, et je crois que c'est la partie de leur travail que la population canadienne ne comprend pas. En effet, à un moment de la journée, je peux entrer dans une cellule pour jouer mon rôle d'agent de police et confisquer des drogues à un prisonnier. L'instant suivant, ce prisonnier peut se retourner et m'agresser. La semaine suivante, je peux devoir lutter contre un incendie et participer à l'évacuation de 50 prisonniers. La semaine suivante, je peux découvrir qu'un prisonnier s'est pendu, et comme je suis le premier sur les lieux, je dois couper la corde et tenter de le réanimer.
Je crois que les Canadiens pensent que nous travaillons dans un environnement très contrôlé et c'est, à mon avis, ce qui crée autant de confusion, car nous ne sommes pas toujours dans un environnement contrôlé. Ce qui est frustrant pour les agents correctionnels qui doivent agir à titre de premiers répondants — et je peux vous fournir de nombreux exemples —, c'est que dans certains cas, un seul agent peut devoir intervenir à 40 ou 50 reprises pour empêcher un prisonnier de se suicider.
Avec tout le respect que je dois à nos collègues, s'il s'agissait d'un policier ou d'un pompier, on lui aurait probablement présenté les clés de la ville lors d'une cérémonie présidée par le maire et on le remercierait de son excellent travail. Mais la population canadienne ne veut pas savoir si un agent correctionnel sauve la vie d'un prisonnier à 40 ou 50 reprises. C'est un énorme facteur de stress pour nos agents, car ils peuvent passer de l'exemple que je vous ai donné à une situation dans laquelle ils doivent se battre avec un prisonnier. Mais quelques minutes plus tard, il peut devoir agir à titre de conseiller pour convaincre un prisonnier de ne pas se suicider, parce qu'après 16 heures, il n'y a plus d'aide professionnelle sur place. Il y a seulement nous.
C'est une excellente question, et je vous suis reconnaissant de l'avoir posée, car nous tenons vraiment à sensibiliser la population canadienne sur ce que nous faisons dans une journée de travail ordinaire. Comme je l'ai dit plus tôt, nous exerçons ces trois métiers lorsque nous travaillons dans un établissement.
Je vous ai décrit des circonstances personnelles où j'ai dû réanimer des prisonniers, couper la corde avec laquelle un prisonnier s'était pendu ou sortir un prisonnier de sa cellule, car il s'était mutilé. J'ai convaincu des prisonniers de ne pas se suicider. Nous avons évacué des sections. La population n'est pas au courant de ces choses-là.
C'est ce qui cause le stress. Par exemple, selon les événements de la journée, un agent correctionnel peut se trouver là à un certain moment, et la minute suivante il est ici, et la minute suivante, il a atteint ce niveau émotionnel.
Ensuite, il y a le stress causé par notre clientèle. Nous marchons le long de sections dans lesquelles le comportement des prisonniers est tout à fait imprévisible. Dans la société en général, nous aimons penser que les gens agiront d'une certaine façon, mais lorsque nous marchons le long d'une section ou à l'intérieur d'un établissement, nous ne pouvons jamais prédire comment un prisonnier va réagir. J'espère que cela vous donne une idée de...
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Encore une fois, c'est l'un de ces métiers qui est à l'opposé du reste des emplois dans la fonction publique, car notre stress augmente avec le nombre d'années de service. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous tentons vraiment d'obtenir une pension qui nous permettrait de prendre notre retraite plus tôt, car ces facteurs de stress quotidiens s'accumulent avec les années de service. Ils finissent par nous rattraper. Je me souviens qu'un agent me disait qu'au cours de sa carrière, il avait été témoin de 14 meurtres. Ce genre de chose finit par entraîner des conséquences. Ce sont des exemples de situations très difficiles.
Bien honnêtement, notre espérance de vie n'est pas très élevée. On a mené certaines études — notamment aux États-Unis — dans lesquelles on a conclu qu'elle n'est pas élevée en raison du stress cumulatif et du stress professionnel que nous vivons pendant les 25 ou 30 années que dure notre carrière. Certains agents s'en tirent mieux que d'autres. Ils font ce métier pendant 35 ans et au moment de prendre leur retraite, ils jugent avoir eu une carrière très satisfaisante et ils sont très heureux. Par contre, d'autres agents... C'est la raison pour laquelle nous voulons obtenir une formation pour renforcer la résilience des agents, car certains ne s'en tirent pas aussi bien que d'autres. Gord et moi-même nous nous en rendons compte régulièrement, car nous connaissons des agents qui travaillent sans problème, qui considèrent que c'est leur travail et qui sont fiers de le faire, et d'autres agents qui sont également fiers de faire leur travail, mais qui ne reçoivent pas l'aide dont ils ont besoin pour survivre aux périodes difficiles.
Nous avons parfois l'impression d'être dans des montagnes russes. Il peut se produire une série d'incidents dans un établissement et, soudainement, tout est calme pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'une autre série d'incidents se produise. Cela représente un énorme facteur de stress pour les agents correctionnels.
C'est une carrière dans laquelle des gens sont en mesure de travailler pendant longtemps, et d'autres... Gord a décrit une situation où un agent souffrait de stress psychologique, et ce dernier avait l'impression que son employeur l'abandonnait, qu'il voulait lui donner une pension et se débarrasser de lui. Cet homme disait essentiellement qu'il voulait simplement continuer à travailler, car il aimait toujours son emploi; il avait seulement besoin d'aide pour revenir au travail. Selon lui, on ne devrait pas juger que nous sommes inaptes au travail parce que nous avons souffert d'une blessure psychologique.