:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, chers collègues, et merci de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. Je suis accompagné de Mme Rennie Marcoux, directrice générale du Secrétariat du CPSNR.
C'est un privilège pour nous de pouvoir discuter avec vous aujourd'hui du rapport annuel du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement pour 2018.
Ce premier rapport annuel est le fruit du travail, du dévouement et de l'engagement de tous mes collègues faisant partie de ce comité. Nous souhaitons que ce rapport puisse contribuer à un débat éclairé entre Canadiens quant aux difficultés qui nous attendent lorsqu'il s'agit de conférer aux organisations de sécurité et de renseignement les pouvoirs exceptionnels nécessaires pour cerner et contrer les menaces qui pèsent sur la nation tout en veillant à ce que leurs activités soient menées de manière à respecter et à protéger nos droits démocratiques.
[Français]
Le CPSNR a pour mandat d'examiner l'ensemble du cadre de la sécurité nationale et du renseignement au Canada, soit les lois, les règlements, la stratégie, l'administration et les finances.
Il peut aussi examiner toute activité menée par un ministère lié à la sécurité nationale ou au renseignement.
Enfin, il peut examiner toute question se rapportant à la sécurité nationale ou au renseignement qu'un ministre nous confie.
[Traduction]
Les membres de notre comité possèdent tous une cote de sécurité de niveau « très secret ». Nous prêtons serment et nous sommes astreints au secret à perpétuité. Nous pouvons en outre jeter un éclairage tout à fait particulier sur ces enjeux primordiaux du fait que nous comptons des membres de plusieurs partis, aussi bien à la Chambre des communes qu'au Sénat, qui nous font bénéficier d'une gamme variée d'expériences.
Nous pouvons accéder à tout renseignement se rapportant à notre mandat afin d'exécuter notre travail. Il y a cependant des exceptions. C'est le cas notamment des documents confidentiels du Cabinet, de l'identité de sources confidentielles ou de témoins protégés, et des enquêtes menées par les forces de l'ordre pouvant conduire à des poursuites judiciaires.
L'année 2018 en été une d'apprentissage pour le comité. Nous avons consacré plusieurs heures et réunions au développement d'une meilleure compréhension de notre mandat et du fonctionnement des organismes chargés de protéger le Canada et les Canadiens. Des fonctionnaires des différents secteurs de la sécurité et du renseignement ont informé les membres du comité, et nous avons visité les sept principaux ministères et organismes concernés. Nous avons rencontré plusieurs fois la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du . Le comité a également décidé de faire enquête concernant les diverses allégations entourant le voyage du en Inde en février 2018.
En 2018, le comité s'est réuni à 54 reprises, en moyenne quatre heures à chaque fois. Vous trouverez à l'annexe C du rapport la liste des représentants du gouvernement, du milieu universitaire et des groupes de défense des libertés civiles que le comité a eu le plaisir de rencontrer en 2018.
Notre rapport annuel est l'aboutissement de nombreuses séances d'information, écrites et orales, d'une analyse de plus de 8 000 pages de documents, de dizaines de rencontres entre les analystes du CPSNR et les représentants du gouvernement, d'un travail approfondi de recherche et d'analyse, et de délibérations réfléchies et détaillées entre les membres du comité.
Il faut aussi préciser que ce rapport est unanime. En tout et partout, nous avons tiré 11 conclusions et formulé sept recommandations à l'intention du gouvernement. Le comité s'est bien assuré d'aborder ces questions en adoptant une approche non partisane. Nous osons espérer que nos conclusions et recommandations contribueront à renforcer la reddition de comptes et l'efficacité au sein de l'appareil de la sécurité et du renseignement au Canada.
[Français]
Le rapport qui vous est présenté aujourd'hui contient cinq chapitres, dont certains portent sur les deux examens de fond menés par le CPSNR.
Le premier chapitre décrit les origines du CPSNR, son mandat et sa façon d'aborder le travail, y compris les facteurs qu'il examine ou considère au moment de choisir les examens à effectuer.
Le deuxième chapitre présente un aperçu des organismes de la sécurité et du renseignement au Canada et des menaces pour la sécurité du Canada ainsi que la manière dont ces organismes collaborent afin d'assurer la sécurité du Canada et des Canadiens et de promouvoir les intérêts du pays.
Les chapitres suivants présentent les deux examens de fond entrepris par le CPSNR en 2018.
[Traduction]
Au chapitre 3, le comité a examiné la façon dont le gouvernement du Canada établit ses priorités en matière de renseignement. Pourquoi est-ce important? Pour trois raisons.
Premièrement, ce processus est le moyen privilégié pour guider le travail des collecteurs et des évaluateurs de renseignement du Canada afin de veiller à ce qu'ils canalisent leurs efforts en fonction des grandes priorités du gouvernement et de notre pays.
Deuxièmement, c'est un processus essentiel pour s'assurer qu'il y a reddition de comptes au sein de l'appareil du renseignement, lequel accomplit un travail hautement confidentiel. Grâce à ce processus, le gouvernement bénéficie de mises à jour régulières sur les opérations de renseignement dans une optique de gestion pangouvernementale.
Troisièmement, ce processus aide le gouvernement à gérer le risque. Lorsque le gouvernement approuve les priorités en matière de renseignement, il accepte le risque de se concentrer sur certaines cibles en même temps que le risque de ne pas mettre l'accent sur d'autres objectifs.
[Français]
Le CPSNR a conclu que le processus, de la détermination des priorités à l'orientation pratique, et de la transmission de l'information aux ministres à l'obtention de leur approbation, repose sur des bases solides. Cela étant dit, on peut améliorer n'importe quel processus.
En particulier, le CPSNR recommande que la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre joue un rôle plus net de chef de file durant le processus afin d'assurer que le Cabinet possède les meilleurs renseignements qui soient pour être en mesure de prendre les décisions importantes, par exemple en ce qui a trait aux secteurs sur lesquels le Canada devrait axer ses activités de renseignement et ses ressources
[Traduction]
Je passe maintenant au chapitre 4 qui traite des activités de renseignement du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. La politique de défense du gouvernement, Protection, Sécurité, Engagement, stipule que ces deux organisations constituent « l'unique entité du gouvernement du Canada à utiliser le spectre complet des activités de collecte de renseignements tout en assurant une analyse multisources. »
Nous reconnaissons que les activités de renseignement de la Défense sont essentielles à la sécurité des troupes et à la réussite des activités militaires canadiennes, y compris celles menées à l'étranger, et qu'elles devraient prendre de l'expansion. Quand le gouvernement décide de déployer les forces armées, le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes ont l'autorité implicite de mener leurs activités de renseignement de défense. Dans les deux cas, c'est la prérogative de la Couronne qui confère cette autorité. Cette structure diffère de celle des autres organismes de renseignement, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), qui mènent leurs activités en vertu de pouvoirs clairs conférés par une loi et sont assujettis à des examens externes indépendants.
C'est donc à l'issue d'un examen complexe que le comité a formulé quatre conclusions et trois recommandations.
Notre première recommandation est axée sur les secteurs où le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes pourraient apporter des changements à l'interne en vue de renforcer la structure de gouvernance de leurs activités de renseignement et la reddition de comptes de la part du ministre.
Nos deux autres recommandations exigeraient du gouvernement qu'il modifie ou adopte des lois. Le comité a expliqué les raisons pour lesquelles il en est venu à la conclusion qu'un examen indépendant régulier des activités de renseignements du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes permettrait une plus grande responsabilisation.
Étant donné que le projet de loi est encore devant le Sénat, nous croyons que le gouvernement a ici l'occasion de le modifier afin que l'on fasse rapport chaque année des activités de renseignement ou de sécurité nationale du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, comme on l'exige du CST et du SCRS.
Le comité est également d'avis que son examen confirme la nécessité pour le gouvernement d'envisager très sérieusement d'accorder un pouvoir législatif explicite en matière d'activités de renseignement de défense. Ce type de renseignement est essentiel aux opérations des Forces armées canadiennes et comporte, comme toutes les activités de renseignement, des risques inhérents.
Dans le cadre de notre examen, nous avons entendu les préoccupations des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale quant à l'importance de maintenir une flexibilité opérationnelle suffisante aux fins des activités de renseignement à l'appui des opérations militaires. Nous avons donc jugé nécessaire d'exposer les risques et les avantages de l'établissement d'une assise législative claire pour le renseignement de défense.
Nos recommandations sont le fruit de notre analyse de ces enjeux importants.
[Français]
C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
[Traduction]
Merci.
Je commencerais par dire que la valeur ajoutée vient d'abord du fait que les membres du CPSNR ont accès à toutes le matériel classifié, à toute la documentation, aux présentations et aux témoins. Cela aide énormément quand on a accès aux informations les plus approfondies.
Ensuite, je crois que le CPSNR a démontré, cette année, que c'est très possible pour les parlementaires, tous partis confondus et qu'ils viennent de l'une ou l'autre des deux Chambres du Parlement du Canada, de travailler ensemble d'une façon non partisane. Je crois que cela se fait dans un contexte où il y a actuellement énormément de partisanerie.
Nous avons décidé, dès le début, mes collègues et moi, que nous laisserions à la porte cette approche partisane étant donné l'importance du travail. Les questions qui entourent la sécurité nationale sont simplement trop importantes pour que nous prenions part aux tiraillements normaux de la scène politique au quotidien.
L'année n'a pas été facile parce que, d'une certaine façon, il fallait faire voler l'avion tout en le pilotant. Nous avons formé un secrétariat. Nous avons embauché une dizaine de personnes à temps plein, et notre budget est de 3,5 millions de dollars par année.
Nous sommes fiers. Nous sommes fiers des débuts du CPSNR, de cette première année.
Je vais alors vous poser une question d'ordre plus technique. J'aimerais revenir sur votre commentaire à l'égard du renseignement militaire.
Vous avez fait une comparaison entre, d'une part, les services de renseignement ou les agences qui travaillent dans le renseignement, notamment le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, et le Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, et, d'autre part, d'autres agences qui sont aussi engagées dans des activités de renseignement.
Lorsque vous parlez du renseignement militaire, vous dites que le ministère de la Défense nationale abrite le spectre global des services de renseignement. Les services sont-ils similaires à tel point que nous puissions les comparer d'égal à égal?
En quoi les activités du renseignement militaire sont-elles plus larges que ce qui constitue le spectre du renseignement dans les autres agences?
Sur quelles comparaisons le gouvernement peut-il s'appuyer pour évaluer la question du renseignement militaire? Par exemple, peut-il se fier aux pratiques exemplaires qui ont cours dans d'autres pays pour évaluer à sa juste valeur les besoins quant au renseignement militaire?
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être présents aujourd'hui.
Je veux tout d'abord vous remercier, ainsi que les membres du CPSNR, du travail que vous avez accompli jusqu'ici. Étant donné qu'il s'agit de notre première expérience à tous, sachez que si nous posons des questions plus techniques sur la procédure pour en arriver à certaines conclusions, cela ne se veut nullement une critique de votre travail, bien au contraire.
J'aimerais en savoir plus en ce qui concerne le suivi de vos recommandations. À titre d'exemple, quand le vérificateur général dépose un rapport, le Comité permanent des comptes publics se charge habituellement d'entendre les représentants des différents ministères.
De votre côté, c'est un peu plus compliqué pour deux raisons. Tout d'abord, les informations nécessaires pour ce suivi sont peut-être classifiées. Ensuite, vous n'êtes pas totalement en mesure de vous livrer aux joutes politiques qui sont parfois nécessaires pour une bonne reddition de comptes.
Serait-il approprié de confier à un comité — par exemple le nôtre — la responsabilité d'effectuer un suivi auprès de certains des organismes visés par vos recommandations?
:
Merci de signaler cet élément, monsieur Graham.
Dès l'amorce de notre courbe d'apprentissage assez abrupte, nous avons été surpris de constater à quel point les Canadiens en savaient peu au sujet de l'appareil de la sécurité et du renseignement de notre pays. On n'a pas vraiment idée de qui sont les intervenants et qui détient les pouvoirs, de la mesure dans laquelle il y a coopération, des améliorations qui pourraient être apportées et des menaces qui pèsent sur le Canada.
Nous avons pris connaissance de résultats de sondage assez stupéfiants quant au manque d'information au sein de la société canadienne, et ce, malgré la contribution d'organismes et de ministères efficaces qui rendent accessibles des données de qualité. Cependant, les Canadiens ne vont pas chercher cette information, ne la comprennent pas ou n'établissent pas les liens nécessaires.
Afin d'offrir une base pour l'avenir, nous avons décidé de débuter ce chapitre par une trentaine de pages offrant aux Canadiens dans un langage clair et simple un aperçu de la situation de nos services de sécurité et de renseignement.
Il y a un critère que j'aime particulièrement rappeler aux membres de notre comité à ce sujet. Si vous présentez ce rapport à n'importe quel citoyen sortant d'un autobus, d'un train ou de son véhicule et qu'il n'y comprend rien, vous avez failli à la tâche. Nous nous sommes donc efforcés de présenter cette information de manière à ce que tous les Canadiens puissent comprendre ce qui se passe au pays.
Les Canadiens sont tout à fait à même de saisir ces choses-là. C'est sans doute simplement que nous n'avons pas nécessairement pris le temps de présenter le tout dans un format à la fois compréhensible et digestible. C'est pour cette raison que nous avons utilisé cette trentaine de pages afin de brosser un tableau de la situation tout en montrant aux Canadiens que les efforts en matière de sécurité et de renseignement se sont toujours inscrits dans un processus tout à fait naturel.
J'ai mentionné précédemment que le SCRS a vu le jour à l'époque de la commission Macdonald après que la GRC eut été impliquée dans quelques manigances. On lui a ensuite donné sa propre assise législative, et on a fait de même pour le CST. Les choses ont évolué dans le cadre d'un processus que nous jugeons tout à fait naturel dans le domaine de la sécurité et du renseignement. Nous avons tenté de faire ressortir cette évolution également.
:
Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les membres du Comité. Je suis heureux de comparaître à nouveau devant vous.
Je suis accompagné aujourd'hui du sous-ministre délégué, Vincent Rigby, de la commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Brenda Lucki, et du directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, David Vigneault.
Nous serons ravis d'essayer de répondre à vos questions au sujet du Rapport public de 2018 sur la menace terroriste pour le Canada.
Je tiens d'abord à dire que les hommes et les femmes qui travaillent au sein de nos organismes chargés de la sécurité et du renseignement ont la tâche importante et très difficile de repérer, de surveiller, d'atténuer et de stopper les menaces afin d'assurer la protection des Canadiens. Ils effectuent ce travail sans relâche, 24 heures par jour, 7 jours par semaine, pour nous protéger, et ils méritent notre admiration et nos remerciements.
L'objectif du Rapport public sur la menace terroriste pour le Canada est de fournir aux Canadiens des renseignements non classifiés à propos des menaces auxquelles nous sommes confrontés. Il s'agit notamment de menaces qui proviennent du Canada, mais qui visent d'autres pays dans le monde. Aucun pays ne souhaite être une pépinière de terroristes ou d'extrémistes violents. Présenter aux Canadiens un rapport public sur la menace terroriste est un élément central de l'engagement du gouvernement en matière de transparence et de reddition de comptes. L'objectif est d'informer avec exactitude, sans toutefois révéler de renseignements classifiés.
Avant d'entrer dans les détails du rapport de cette année, j'aimerais revenir sur le Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada. Dans l'avant-propos ministériel de ce rapport, j'ai écrit ceci:
C'est une grave et triste réalité que des groupes terroristes, en particulier le soi-disant État islamique en Iraq et au Levant (EIIL), aient recours à la propagande extrémiste violente pour encourager des personnes à soutenir leur cause. Ce groupe n'est ni islamique, ni un État, et sera donc appelé Daesh (son acronyme arabe) dans le présent rapport.
En rétrospective, je peux dire que ce principe aurait dû mieux guider les auteurs des rapports subséquents lorsqu'ils faisaient référence aux diverses menaces terroristes auxquelles fait face notre pays. Des Canadiens de diverses confessions et origines ont contribué à bâtir notre pays et ils font partie intégrante de nos collectivités et de nos quartiers. Ils contribuent à faire du Canada un pays plus fort, plus égalitaire et plus compatissant, un pays auquel nous aspirons. Il est inapproprié et injuste d'associer une collectivité en particulier ou un groupe religieux entier au terrorisme ou à la violence extrémiste. C'est tout simplement inacceptable et inapproprié.
À la suite de la publication du rapport de 2018, plusieurs communautés, particulièrement les communautés sikhes et musulmanes du Canada, ont fait valoir vigoureusement que le vocabulaire utilisé dans le rapport n'était pas suffisamment précis. L'utilisation de termes tels que « extrémisme sikh » ou « extrémisme sunnite » dans le rapport donnait l'impression qu'on visait des groupes religieux entiers plutôt que de cibler des actes dangereux commis par un petit nombre de personnes. Je peux vous assurer que l'intention n'était pas de généraliser. On a utilisé des termes qui sont employés depuis des années. Ces termes ont été utilisés notamment dans le cadre de la stratégie antiterroriste lancée en 2012 par le gouvernement précédent et dans le rapport de décembre 2018 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Des termes semblables ont également figuré dans le Feuilleton de la Chambre des communes relativement à certains travaux parlementaires proposés. Comme je l'ai dit plus tôt, le choix des termes est important. Ce n'est pas parce qu'on a souvent utilisé une certaine formulation qu'il faudrait continuer de l'utiliser maintenant ou dans l'avenir.
En raison des préoccupations qui ont été portées à mon attention, j'ai demandé qu'on examine le vocabulaire employé dans le rapport pour s'assurer qu'il fournit aux Canadiens des renseignements utiles non classifiés à propos de la menace terroriste pour le Canada sans nuire à une communauté en particulier. Nous avons consulté les communautés sikhes et musulmanes du Canada. Nous avons aussi consulté la Table ronde transculturelle sur la sécurité, nos organismes responsables de la sécurité et du renseignement ainsi que de nombreux députés.
À l'avenir, nous utiliserons une terminologie axée sur l'intention ou l'idéologie, plutôt que sur un groupe religieux entier. Par exemple, dans le rapport, nous parlons maintenant des « extrémistes qui préconisent la violence pour établir un État indépendant à l'intérieur de l'Inde ». Fait intéressant, c'est une approche qui est parfois utilisée par certains de nos alliés. Par exemple, dans la stratégie nationale antiterroriste de 2018 des États-Unis d'Amérique, on peut lire notamment ceci: « Babbar Khalsa International cherche, par la violence, à établir son propre État indépendant en Inde. »
L'objectif est de décrire la menace à l'intention du public avec exactitude et précision, sans condamner involontairement l'ensemble de la communauté sikhe ou toute autre communauté. La vaste majorité de la communauté sikhe au Canada est pacifique et ne souhaiterait jamais causer du tort à qui que ce soit, ni au Canada ni ailleurs.
De même, nous avons cessé d'utiliser des termes comme « extrémisme chiite ou sunnite ». À l'avenir, ces menaces seront décrites d'une façon plus précise, notamment en faisant référence directement à des organisations terroristes comme le Hezbollah ou Daech. Ce sera plus exact et plus instructif. Je le répète, le vocabulaire employé est important, et nous devons toujours garder cela à l'esprit. C'est pourquoi nous procéderons continuellement à ce genre d'examen.
Je suis certain que tous les membres du Comité ont pris connaissance des statistiques révélant une augmentation des crimes haineux, qui ont été publiées il y a deux semaines. Malheureusement, en 2017, on a enregistré au Canada une hausse de 47 % des crimes haineux déclarés par la police. Les médias sociaux font en sorte qu'il est de plus en plus facile pour les personnes remplies de haine de communiquer entre elles et d'amplifier leur discours toxique. Ce qui est tragique, c'est que, parfois, cela a des conséquences désastreuses et mortelles, comme on l'a vu très récemment en Nouvelle-Zélande. Cela devrait être un anathème pour nous tous. Les gouvernements, peu importe leur allégeance, pourraient, par inadvertance, continuer d'utiliser des termes que ces individus infâmes et violents pourraient considérer dans leur esprit comme étant la preuve qu'ils ont raison de fomenter la haine.
En plus de procéder à un examen du vocabulaire utilisé, nos organismes chargés de la sécurité prennent également certaines mesures novatrices afin d'accomplir leur travail quotidien avec exactitude, efficacité et objectivité. Je vais vous en donner un exemple. Depuis quelques mois, les personnes qui ont pour tâche de prendre la difficile décision finale d'inscrire le nom d'une personne sur la liste établie en vertu de Loi sur la sûreté des déplacements aériens, autrement dit, la liste d'interdiction de vol, ne voit plus le nom et la photo de la personne en question dans le dossier. Ainsi, ni le nom ni la photo ne peut influencer la décision finale, pas même inconsciemment. Ceux qui prennent la décision doivent s'attarder aux faits exposés dans le dossier et ils doivent prendre une décision en fonction de ces faits. Il est donc question de faits et non de préjugés.
Les hommes et les femmes qui travaillent au sein des organismes responsables de la sécurité et du renseignement sont des professionnels vaillants, mais aucun être humain n'est à l'abri de certaines idées préconçues. Le gouvernement devrait s'efforcer d'atténuer les conséquences de ce trait de la nature humaine.
Enfin, bien que la version actualisée du rapport ait été raisonnablement bien accueillie, certaines personnes ont critiqué les changements, faisant valoir qu'ils diminuent la capacité de nos organismes d'effectuer leur travail. Je suis profondément en désaccord. Le contenu factuel du rapport n'a pas changé. Le rapport continue de décrire la menace à laquelle le Canada fait face et la menace qui provient du Canada. Il le fait simplement d'une manière qui ne peut pas donner à penser qu'on dénigre des communautés ou des groupes religieux entiers à cause des actes d'un petit nombre de personnes, qui se comportent d'une façon qui va à l'encontre des valeurs d'une communauté en particulier. L'ensemble de cette communauté ne devrait pas être condamnée à cause de ces individus.
Honnêtement, je dois dire que nos organismes chargés de la sécurité et du renseignement ont besoin de la bonne volonté et du soutien de l'ensemble des membres pacifiques et respectueux des lois de toutes les communautés pour pouvoir effectuer leur travail efficacement. Nous ne pouvons pas établir des partenariats si les termes que nous utilisons créent un fossé, une distance ou un malaise entre les communautés et nos organismes responsables de la sécurité.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître à nouveau devant le Comité. Je serai heureux d'essayer de répondre à vos questions avec l'aide des personnes qui m'accompagnent.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Goodale, j'ai eu la chance d'avoir la première copie du rapport du 11 décembre 2018, qui nous a donné une certaine information. Je comprends vos arguments et toute l'explication que vous nous fournissez pour tenter de réparer ce que, techniquement, nous n'aurions pas dû avoir. Je suis content de l'avoir eue, parce que cela nous donne des informations au sujet de la sécurité nationale.
Quant à vous, vous faites de la politique avec cela. Ce qui m'inquiète un peu, c'est de savoir qu'à un moment donné, comme Canadiens, nous avons eu accès à de l'information, qui a ensuite été modifiée. Nous avons appris que le SCRS, la GRC et d'autres agences ont fait un certain travail et qu'ils ont signalé, dans un rapport de Sécurité publique Canada, des informations importantes sur notre sécurité. Par la suite, des groupes ont fait pression. On a exercé une première pression sur vous et, le 12 avril, vous avez modifié le rapport. Une deuxième version a été mise en ligne sur le site. Deux semaines plus tard, le 26 avril, un autre groupe a fait pression et vous avez modifié le rapport une deuxième fois. Nous avons maintenant une version édulcorée.
Je veux bien comprendre le processus. Je sais que cela peut toucher des communautés, mais il reste que des rapports ont été établis par nos agences de sécurité et que l'on y a mis de l'information qui correspond à ce qu'il en est quant à la situation décrite. À quel point la politique joue-t-elle un rôle et édulcore-t-on la réalité pour ne blesser personne? Comment cela fonctionne-t-il?
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. Je veux remercier mes collègues du Comité d'avoir accepté la motion que j'ai présentée pour vous inviter à venir témoigner sur cette question. Comme vous le savez, je vous ai écrit, en décembre, lorsque cette question a été soulevée, et et moi avions tous les deux écrit au avant que les modifications soient apportées. Contrairement à ce qu'on vient de dire, le choix des mots est important, et nous nous entendons là-dessus, monsieur le ministre.
Je crois que la communauté sikhe mérite des félicitations pour s'être défendue, car, au bout du compte, il y a des conséquences bien concrètes. On assiste à une montée des crimes haineux, et une autre forme de terrorisme est pratiquée non seulement au Canada, mais ailleurs dans le monde. Elle consiste à s'attaquer à des groupes confessionnels et à d'autres communautés, bien sûr.
Je pense que ces changements sont les bienvenus, et j'espère certainement que l'on continuera à travailler avec les communautés touchées, car un problème particulier a été soulevé dans le rapport. Nous savons, cependant, que la communauté musulmane, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde, et certainement aux États-Unis, est confrontée à ce problème en ce qui concerne le terrorisme depuis presque 20 ans. Cela a été soulevé. Si des changements ont été apportés à la liste d'interdiction de vol, c'est entre autres parce qu'il y a une forme de profilage qui est inhérente à la façon dont cette structure fonctionne.
Monsieur le ministre, vous avez dit une bonne partie des choses qui sont certainement bien accueillies, je crois, par des gens qui espèrent des changements dans la façon de procéder. Nous avons demandé à ce que ce processus soit repensé, étant donné que nous assistons à une montée des crimes haineux et d'autres incidents qui menacent sérieusement la sécurité publique.
Est-ce que des efforts seront déployés pour institutionnaliser la pensée que vous avez mise de l'avant aujourd'hui? Ces types de mécanismes, sur le plan de la transparence, sont très importants, mais comme vous l'avez souligné, ils peuvent avoir l'effet contraire.
:
Ce n'est probablement pas le moment idéal pour vous interrompre, mais le temps dont je dispose est limité. Je voulais toutefois parler de la question de fond.
Honnêtement, à l'ère numérique, il est assez difficile de trouver d'anciens rapports. Je crois qu'il vaut la peine de le souligner, mais d'après ce que nous constatons, cela fait 17 ans que la question qui a été soulevée dans ce rapport a fait partie d'un rapport similaire. Cela fait donc un bon moment.
Je pense que l'une des questions soulevées par bon nombre de ceux qui s'opposaient à cela ne concernait pas seulement les termes utilisés, dont nous avons parlé aujourd'hui, mais les raisons. Je crois qu'une question a été soulevée à cet égard.
Étant donné que vous ne pouvez pas tout divulguer parce qu'il s'agit de renseignements classifiés — même si nous voulons toujours de la transparence —, n'y a-t-il pas lieu de se demander, si vous ne pouvez pas expliquer les raisons, s'il vaut mieux laisser certaines choses classifiées plutôt que d'aller à mi-chemin en quelque sorte sans pouvoir ne fournir aucune justification?
C'est également une question importante qui a été soulevée par certaines des communautés qui demandaient des comptes au gouvernement à ce sujet.
Il est important de soulever la question. Il était question, ce matin, du fait que la obtenait des points de discussion au sujet de certaines communautés lors de voyages à l'étranger.
Il existe un certain cynisme à cet égard. Ne craignez-vous pas qu'on l'alimente en incluant de l'information dans un rapport sans pouvoir l'étayer?
:
Merci, monsieur le ministre.
En fait, je vais poursuivre un peu dans la même veine que M. Dubé. Je veux parler de ce qui est dit sur l'extrémisme de droite dans le rapport.
Je viens de Montréal. J'étudiais au cégep à l'époque du drame survenu à l'École polytechnique, un événement marquant, où des femmes étaient ciblées en raison de la haine éprouvée à leur égard. Il y a à peine un mois, j'ai participé à une vigile qui a été tenue pour les victimes de l'attaque au camion-bélier survenue sur la rue Yonge, un autre acte de violence fondé sur la haine des femmes. C'est du moins ce qu'on nous a appris.
Au début de l'année, nous avons tenu une vigile à l'extérieur d'une mosquée dans ma communauté en raison de ce qui s'est passé à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. En fait, il n'y a pas tellement longtemps, nous en avons tenu une également pour les victimes de la tuerie survenue à la mosquée de Sainte-Foy.
Ce sont trois événements qui ont causé des décès. Tous les trois étaient fondés sur l'extrémisme de droite et ce type de philosophie. Pourtant, dans le rapport, on dit ce qui suit: « [t]outefois, même si le racisme, le sectarisme et la misogynie peuvent porter atteinte à la cohésion de la société canadienne, en fin de compte, ils ne conduisent pas habituellement à des comportements criminels ou à des menaces à la sécurité nationale ».
Ce type d'extrémisme est-il vraiment moins dangereux que les autres formes d'extrémisme? Il me semble que ce ne soit pas le cas, du moins d'après mon expérience, quand je pense à notre histoire récente.