Passer au contenu

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 114 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 mai 2018

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Il est 11 heures, et nous reprenons l'étude du projet de loi C-71, qui nous a été renvoyé le mercredi 28 mars.
    Nous recevons deux groupes de témoins. Nous entendrons des représentantes de la Fédération des femmes du Québec, par vidéoconférence, de même que de PolySeSouvient, qui se partageront le temps à leur convenance.
    Je rappelle aux membres du public qu'il n'est pas permis de prendre des photos pendant les séances.
    Sur ce, je demanderai aux personnes qui ne comparaissent pas par vidéoconférence de commencer. Espérons que nos témoins par vidéoconférence se joindront à nous sous peu.
    Madame Rathjen, je vous donne le microphone. Je présume que vous vous partagerez le temps à votre guise.
    Merci beaucoup. Bonjour.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président, messieurs et mesdames membres du Comité.
    L'organisme « PolySeSouvient » est un groupe informel qui réunit des étudiants et des diplômés de l'École Polytechnique, de même que des survivants et des familles de victimes associés au massacre de 1989 à Polytechnique. Nous travaillons aussi avec des familles de victimes d'autres tueries par armes à feu.
    J'aimerais signaler la présence de Nathalie Provost, survivante de la tuerie de Polytechnique, et de Serge St-Arneault, le frère d'Annie, qui est décédée lors de cette tuerie. Il y a aussi des représentants d'associations étudiantes, dont Wendy Vasquez, présidente de la Confédération pour le rayonnement étudiant en ingénierie au Québec, Jade Karim, coordonnateur à la mobilisation de l'Union étudiante du Québec, Manuel Klaassen, président de l'Association des étudiants de Polytechnique, ainsi que plusieurs étudiants et diplômés qui les accompagnent.
    Notre mission est simple: réduire le nombre de décès, de blessures et de crimes commis à l'aide d'armes à feu. Ayant été témoins de la souffrance humaine qu'une seule arme à feu entre de mauvaises mains peut causer, nous estimons qu'il est de notre devoir de prendre la parole dans le débat public sur le contrôle des armes à feu afin de défendre le droit de tous à la vie et à la sécurité.

[Traduction]

    Malgré nos vives critiques à l'égard de la portée et de la force du projet de loi C-71, nous l'appuyons. Les mesures qu'il contient permettront au Canada de rétablir certaines choses qui ont été perdues sous le règne du gouvernement précédent, notamment l'obligation de vérifier la validité du permis d'un acheteur potentiel et de tenir un registre des ventes aux points de vente commerciaux, des dispositions qui s'appliquent dans les deux cas aux armes à feu sans restriction.
    Malheureusement, le projet de loi C-71 manque d'audace. Il permet à peine de respecter les promesses électorales des libéraux et ne corrige en rien bien des lacunes de la loi actuelle. Par exemple, les libéraux avaient promis d'annuler « les changements apportés par le projet de loi C-42 qui autorisent le transport d'armes prohibées ou à autorisation restreinte sans permis ». Cependant, avant l'adoption du projet de loi C-42, les autorisations de transport permettaient de transporter des armes à autorisation restreinte selon un trajet bien défini seulement et même, au moment prescrit seulement, entre la résidence d'un propriétaire et le club de tir dont il fait partie, par exemple. Le projet de loi C-71 ne vient pas rétablir ces dispositions. En fait, il maintient le pouvoir d'un propriétaire d'arme de poing de la transporter entre sa résidence et n'importe quel club de tir approuvé de la province, même si la personne n'en est pas membre et que l'arme n'aurait pas de raison de s'y trouver.
    Le projet de loi C-71 établit par ailleurs des contrôles minimaux des ventes. S'il a bel et bien pour objectif d'appuyer efficacement le travail des policiers et d'empêcher les ventes illégales, cette obligation devrait s'appliquer aux ventes privées, comme le recommandait la B.C. Task Force on Illegal Firearms. Comme il ne s'applique pas aux ventes privées, les détournements vers le marché illégal demeurent possibles. Par exemple, il ne sera pas possible de retracer la vente des sept ou huit millions d'armes à feu sans restriction de propriété privée au Canada. Ne serait-ce qu'au Québec, plus du tiers des transferts d'armes sans restriction se font chaque année entre particuliers — le tiers.
    Enfin, il n'y a absolument rien dans le projet de loi sur l'accès légitime aux armes d'assaut, malgré les avertissements répétés de la GRC quant aux risques qu'elles présentent pour la sécurité publique.
    L'intention des lois de 1991 et de 1995 était d'interdire les versions civiles d'armes militaires et les chargeurs de grande capacité, mais à cause de la nature arbitraire de certains critères prescrits par les lois, parce que les règlements destinés à interdire diverses armes prohibées et à corriger des échappatoires n'ont pas été révisés et en raison de l'adaptation imprévue du marché des chargeurs de grande capacité, il est aujourd'hui légal au Canada de posséder des armes d'assaut à des fins récréatives et facile de les munir de chargeurs excédant la limite permise.
    Nous espérons que ce comité jugera pertinent de renforcer le projet de loi, et nous espérons que le gouvernement libéral s'engagera à apporter d'autres améliorations au-delà de ce projet de loi.
    Merci.
(1105)
    Merci, madame Rathjen.
    Monsieur LeRoux et monsieur Benabdallah, vous avez environ cinq minutes.

[Français]

     Je m'appelle Michel LeRoux et je suis le père de Thierry, qui est décédé par balle le 13 février 2016, six mois à peine après avoir rejoint les rangs de la police de Lac-Simon. Thierry se trouvait face à un homme intoxiqué et armé qui avait des antécédents suicidaires et à qui on avait d'abord retiré ses armes à feu, mais à qui Thierry lui-même avait remis ces armes afin de se conformer aux ordres de son supérieur.
    Comment se fait-il qu'un individu ayant de tels antécédents ait pu conserver son permis de port d'arme, se faire redonner ses armes alors qu'elles avaient été saisies par les policiers, et, ce qui est pire, qu'il ait pu se procurer deux autres armes, dont une arme d'assaut?
    Il est inacceptable, dans un pays comme le nôtre, où la possession d'armes n'est pas un droit mais un privilège et où la sécurité publique est censée être la priorité, que des situations semblables soient possibles. Cette journée tragique a changé nos vies à jamais. La souffrance, la douleur et les larmes font maintenant partie de notre quotidien. Ma conjointe Christine ne peut s'en remettre. Mon autre fils, Steffan, a perdu son frère et son meilleur ami. Mon petit-fils Charles-Antoine a perdu son oncle bien-aimé. Pour nous tous, la vie ne sera plus jamais la même. Les proches de la famille ainsi que moi-même comptons sur les gouvernements pour examiner les circonstances ayant mené à un décès évitable comme celui-là et pour faire les modifications nécessaires afin d'éviter que cela arrive à d'autres. Le fait d'empêcher qu'il y ait d'autres victimes constitue l'une des rares consolations qui aident à alléger la souffrance de familles comme la mienne. Les personnes présentes dans la salle vous permettent de constater que ma famille et moi ne sommes pas les seuls à avoir connu cette situation.
    Messieurs et mesdames les membres du Comité, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne change absolument rien à la situation qui a donné lieu à la mort de Thierry. Je comprends que la loi doive prévoir un certain degré de discrétion. Par contre, lorsque les facteurs de risque sont aussi sérieux et clairs — par exemple des antécédents de comportements violents combinés à des tendances suicidaires, comme dans le cas du tueur de mon fils —, l'interdiction de posséder une arme devrait être automatique. C'est d'ailleurs appliqué dans certains États américains.
    Le cas de Thierry n'est pas le seul. Des événements similaires se sont produits en raison du laxisme de la loi. Il y a de nombreuses options de renforcement, qu'il s'agisse de critères liés à une interdiction automatique ou de l'établissement d'une liste des critères pouvant mener à une interdiction. En ce qui concerne le cas de mon fils, je demande que les antécédents documentés de violence et de suicide soient considérés comme des comportements dangereux et qu'ils mènent au retrait obligatoire du permis et des armes à feu. Les policières et policiers comme Thierry risquent leur vie tous les jours. Sur l'ensemble des policiers qui meurent dans le cadre de leurs fonctions, environ 9 sur 10 sont tués par balle. Comme l'ensemble des citoyens et des citoyennes, ils méritent d'être protégés contre la violence armée. Je vous implore donc d'amender le projet de loi de manière à ce que mon fils Thierry ne soit pas mort en vain.
(1110)
    Merci, monsieur LeRoux.
    Monsieur Benabdallah, vous disposez de moins de deux minutes, malheureusement.
    Mesdames et messieurs, merci de nous recevoir parmi vous aujourd'hui. Je suis le président du Centre culturel islamique, qui existe depuis 1985. Il y a 50 ans que je suis au Canada. J'ai grandi dans ce pays de paix où règne la concorde, mais au cours des dernières années, nous avons connu un virage très dangereux pour la société, et j'en suis témoin.
    Je suis venu ici avec des frères, dont l'un qui a été touché par des balles qui ont traversé son abdomen et ont atteint ses reins, et un autre dont un genou et un orteil ont été fracassés par une balle. Il y a autre chose de pire: nous avons eu six morts et cinq blessés et nous avons maintenant 17 orphelins. Nous avons beaucoup de choses à dire.
    S'il y a une chose que je veux vous demander aujourd'hui — une seule —, c'est d'interdire que les civils possèdent des armes d'assaut. Ce sont des armes de guerre conçues pour tuer des gens et non pour s'entraîner ou s'amuser à tirer sur des arbres dans la forêt. En fait, nous devrions même respecter les arbres et ne pas tirer dessus. Nous permettons à des gens qui ont perdu la tête d'avoir entre les mains des armes faites pour tuer, des armes de guerre, que seuls les militaires devraient utiliser, dans les règles de l'art.
    Si cet homme était entré dans le centre commercial, comme il l'avait annoncé, et qu'il avait sorti son arme, il aurait fait bien plus de victimes. Si son arme ne s'était pas enrayée quand il a voulu tuer les deux premiers Guinéens et qu'il avait réussi à le faire, il aurait tué les 80 personnes qui étaient présentes et serait monté à un autre étage pour en tuer d'autres. S'il vous plaît, aidez-nous et aidez la société en faisant en sorte que ces armes d'assaut et de guerre ne soient plus permises dans ce pays. C'est pour le bien de toute la société.
    Merci.
    Merci, monsieur Benabdallah.
    Le prochain témoin est la représentante de la Fédération des femmes du Québec.

[Traduction]

    Par vidéoconférence, nous entendrons maintenant Alexandra Laberge.

[Français]

    Madame Laberge, vous avez la parole pour 10 minutes.
    Je me présente brièvement. Je me nomme Alexandra Laberge, je suis enseignante au primaire et au secondaire. Je suis membre bénévole et militante de la Fédération des femmes du québec, ou FFQ, et coresponsable du Comité de travail Féminisme, corps, sexualité, image, genre et violences.
    Je profite aujourd'hui de ce privilège qui m'est donné de représenter officiellement la FFQ ainsi que les voix des femmes et des filles du Québec — et j'ose espérer qu'il s'agit des voix des femmes et des filles du Canada — pour rappeler au gouvernement que les enjeux touchant les armes à feu sont des enjeux féminins.
    La lutte des femmes contre les armes à feu est historique, mondiale et légitime, puisque ce sont majoritairement des hommes qui possèdent des armes à feu qui rendent les femmes vulnérables et victimes en raison de ce qu'ils peuvent en faire. Nous avons lutté bien avant 2012, année où le projet de loi C-19 a été adopté par le gouvernement précédent.
    Durant les années qui ont suivi, nous avons subi un nouvel affront avec le projet de loi C-42, en 2015. Les femmes se sont mobilisées et les prises de parole, les mémoires rédigés, les actions accomplies ainsi que les cris du coeur de ces femmes qui ont subi les répercussions liées à ces lois ont finalement été entendus par un gouvernement libéral qui a promis aux femmes de ce pays une réforme. Nous avions confiance d'être entendues par ce gouvernement, étant donné que nous représentons la moitié du peuple canadien et que c'est nous qui subissons les conséquences de ces balles tirées par majoritairement des hommes.
    Malheureusement, nous ne pensons pas que le projet de loi C-71 protégera convenablement les citoyennes canadiennes. Nous pensons que ce projet n'est pas à la hauteur de que pourrait faire notre gouvernement pour améliorer la sécurité des femmes et des filles de ce pays. Nous pensons que nous pouvons aujourd'hui prendre ce moment pour vous rappeler le fruit des réflexions de celles-ci et de ce qui a été démontré par différentes instances et groupes de femmes. Nous aimerions vous transmettre des recommandations qui sont le fruit des réflexions de ces femmes, qui nous semblent légitimes et réalisables pour aider à préserver la sécurité des femmes et filles de ce pays.
    De manière bénévole, et parallèlement à mon emploi d'enseignante, j'ai eu l'occasion d'étudier plus d'une douzaine de mémoires, de rapports et de revendications écrites par des femmes et j'ai dû me contenter d'utiliser ce qui a été produit depuis 2012 et seulement en français. Appuyées par des sources sérieuses et des instances reconnues telles que Statistique Canada et la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, ces femmes ont effectué un travail exceptionnel dans le but de se faire encore reconnaître dans les décisions prises par le gouvernement au sujet des armes à feu. J'ose espérer que ces documents, rendus publics par les médias et qui sont facilement accessibles, ont pu être lus et étudiés, mais je n'ai pas eu la chance de regarder l'ensemble de ce qui a pu être fait ailleurs au Canada. Nous pourrions nous appuyer sur les chiffres de Statistique Canada, qui sont assez éloquents, ou sur d'autres plateformes gouvernementales, mais les femmes doivent toujours prendre une charge supplémentaire pour faire valoir leurs droits et, aujourd'hui, leur sécurité. C'est pourquoi la Fédération des femmes du Québec tient à faire honneur à ce travail en soulevant les grands points que ces femmes ont pris le temps de relever et que nous appuyons officiellement.
    Dans l'ensemble des mémoires écrits, on rapporte que les armes à feu sont un enjeu féminin. Rappelons-nous du fait que ce sont majoritairement des hommes qui possèdent des armes et que, bien que ceux-ci constituent aussi, sur le plan statistique, la majorité des victimes d'homicides, les femmes ne devraient pas subir les conséquences des armes à feu ni des lois qui permettent plus facilement à des hommes de leur faire du mal.
    Par exemple, la Coalition pour le contrôle des armes rapporte que, malgré le fait que, selon la tendance, les hommes sont plus souvent victimes d'homicides, les femmes demeurent environ trois fois plus susceptibles d'être victimes d'un homicide commis par leur conjoint.
    Reportons-nous aux réflexions de 2015 au sujet du projet de loi C-32. Plus de 30 groupes de femmes du Canada ont uni leurs voix afin de parler de l'incidence du projet de loi C-42 sur la sécurité des femmes. Quatre-vingt-huit pour cent des femmes canadiennes tuées par balle l'ont été par des fusils ou des carabines possédés légalement, ces mêmes armes que certains considèrent comme n'étant pas la cause de violences par armes à feu.
    L'accès à une arme à feu se classe au 5e rang des principaux facteurs de risque sur 18 quant aux homicides conjugaux.
(1115)
    Les enquêtes sur la violence familiale, par exemple dans le cas des enfants Kasonde et d'Arlene May, et le massacre de Vernon ont révélé des failles dans l'ancienne loi. Il a été recommandé qu'on apporte des modifications à la loi actuelle. Il faudrait qu'il y ait une meilleure détection des risques relativement au demandeur de permis au moyen de questionnaires détaillés et que ce demandeur fournisse deux références, et qu'il y ait une notification du conjoint. Il faudrait aussi mettre en place un registre des armes à feu, car d'importantes informations ne figurent pas dans les bases de données de la police.
    Cinquante pour cent des homicides familiaux se terminent par le suicide du meurtrier, ce qui indique que la clé, pour protéger les femmes et les enfants, réside dans un examen approfondi des permis et des renouvellements de permis des propriétaires d'armes à feu. Quatre-vingt pour cent des décès par arme à feu au Canada sont des suicides ayant été commis, pour la plupart, avec une carabine ou un fusil de chasse facilement accessible.
    Dans les communautés rurales de l'Ouest canadien, notamment, les gens sont moins favorables au contrôle des armes à feu et le pourcentage de personnes ayant des permis de possession d'armes à feu y est plus élevé.
    Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables lorsqu'il y a une arme au domicile. En Ontario, 55 % des auteurs de violence familiale avaient accès à une arme à feu. Dans le récent rapport de 2013 de Small Arms Survey, on a étudié la relation entre les armes et la violence conjugale. On y affirme, entre autres, que si la majorité des victimes et des auteurs d'homicides commis au moyen d'armes à feu sont des hommes, le nombre de femmes tuées, blessées et intimidées à l'aide d'armes à feu dans un contexte de violence conjugale est nettement plus élevé. Selon l'annexe D du rapport de la GRC, on pourrait prévenir certaines de ces morts en adoptant des lois strictes pour interdire le port d'armes à feu aux personnes reconnues coupables de violence conjugale. D'ailleurs, le rapport « L'homicide au Canada, 2011 » montre que des lois plus strictes sur les armes ont permis de protéger les femmes et les enfants.
    Nous avons accepté d'être présentes aujourd'hui parce que nous pensons que le gouvernement actuel, par ses actions et ses décisions, qui tendent vers des politiques féministes, considérera enfin la sécurité des femmes comme un enjeu de première importance. Nous avons choisi de prendre cette charge parce que nous croyons que ce que nous proposons sera analysé par des personnes compétentes et adopté pour assurer la sécurité des femmes de ce pays.
    Nous proposons deux recommandations, conjointement avec l'organisme PolySeSouvient.
    La première vise à interdire le droit de porter une arme à feu à toute personne qui fait l'objet d'une ordonnance de protection.
    La deuxième propose que toute personne reconnue coupable de violence conjugale, de viol ou d'une autre agression à caractère sexuel se voie clairement interdire le droit de porter une arme.
    Ces recommandations ne permettraient pas d'éliminer la violence armée contre les femmes, mais nous visons un objectif plus réaliste en demandant l'aide du gouvernement pour faire diminuer, par une réglementation plus stricte, le nombre de femmes tuées.
    Le port d'armes n'est pas un droit; c'est un privilège. Il est logique et légitime de perdre ce privilège lorsqu'on est reconnu coupable d'un crime, notamment de crimes visant des femmes.
    Nous désirons que le gouvernement se positionne clairement sur ces deux points et qu'il démontre son appui à la sécurité des femmes de son territoire en adoptant ces deux recommandations réalistes et nécessaires.
    Pour finir, nous tenons à mentionner les femmes et les filles oubliées qui subissent les conséquences du droit de port d'arme à feu, dont on ne parle pas assez souvent ou à qui on ne donne jamais la parole. Selon Statistique Canada, les femmes et les filles autochtones trop longtemps oubliées subissent les conséquences des armes à feu davantage que les non-Autochtones des deux sexes mis ensemble.
    Dans le rapport « La violence familiale au Canada: un profil statistique », on fait la preuve que les femmes âgées sont aussi des victimes d'armes à feu et qu'elles sont plus susceptibles que les hommes âgés d'être tuées par un membre de leur famille.
    Finalement, n'oublions pas les femmes transgenres, au sujet desquelles aucune statistique n'est disponible à ce jour.
    En conclusion, je vais faire un bref lien avec ce qui se passe aux États-Unis quant aux femmes. Depuis le début de l'année, il y a eu 22 tueries dans des écoles américaines. Au Canada, nous avons aussi eu notre part de tragédies dans des établissements scolaires qui visaient particulièrement des femmes. L'enseignement, comme métier traditionnellement et majoritairement féminin jusqu'à ce jour, propose une réflexion intéressante sur les femmes et les hommes qui dépasse le cadre intime, la famille, le lieu public ou le milieu de travail. Les femmes ne sont pas en sécurité, étant donné que des lois permettent la possession d'armes à feu.
(1120)

[Traduction]

    Madame Laberge, pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?

[Français]

     D'accord.
    Nous demandons au gouvernement que celui-ci protège les femmes et les filles chez elles, dans la rue et dans leur milieu de travail.
    Je vous remercie.
    Merci.

[Traduction]

    Je remercie tous nos témoins. Nous tiendrons maintenant une période de questions.
    Madame Dabrusin, vous avez sept minutes.

[Français]

    J'aimerais commencer par remercier tous les témoins. Nous avons entendu des histoires très personnelles aujourd'hui, et je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous en parler. À propos de l'organisme PolySeSouvient, j'étais étudiante au Collège Dawson en 1989 et je me souviens bien aussi de la tragédie à l'École Polytechnique. C'est quelque chose dont je me souviendrai toujours et que je porte dans mon coeur en tout temps. Je sais que vous travaillez très fort pour en perpétuer le souvenir.
    M. Benabdallah, du Centre culturel islamique, je vous remercie et je voulais vous dire Ramadan Mubarak. J'apprécie le fait que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer.
    Vous avez tous bien expliqué vos positions et ce que vous aimeriez voir dans ce projet de loi. Je reçois quant à moi plusieurs courriels et lettres de gens qui veulent se plaindre et qui posent des questions sur certaines parties de ce projet de loi. Vous pourriez peut-être m'aider. Je vais un peu expliquer la teneur des plaintes que je reçois et vous pourrez me dire ce que vous en pensez.
    Une promesse dont j'ai beaucoup entendu parler veut que la GRC redevienne responsable de la classification des armes à feu.
    Je vais poursuivre en anglais, car c'est un peu plus facile pour moi.
(1125)

[Traduction]

    Certains se préoccupent du fait qu'on retire au gouverneur en conseil le pouvoir de renverser des décisions sur la classification des armes à feu. Je me demandais ce que vous pensiez de l'idée de redonner ce pouvoir à la GRC.

[Français]

    Nous commencerons par Mme Rathjen, de l'organisme PolySeSouvient.

[Traduction]

    Nous appuyons l'idée de retirer au ministre le pouvoir de renverser ces décisions, que le projet de loi C-42 lui avait conféré. La GRC ne décide pas à proprement parler quelles armes devraient être prohibées, sans restriction ou à autorisation restreinte. La GRC interprète la loi. Selon les critères contenus dans la loi ou les règlements, la GRC jugera qu'une arme est prohibée, à autorisation restreinte ou sans restriction.
    Ce pouvoir, qui permettait à des politiciens de renverser l'interprétation de la GRC, subjectivement, constituait pour nous une aberration. Il est arbitraire et antidémocratique de déterminer que certaines armes ne devraient pas être assujetties à la loi, donc nous accueillons favorablement le retrait de ce pouvoir. En même temps, le problème de fond reste entier, c'est-à-dire que selon les critères énoncés dans la loi et le système actuel, les armes d'assaut demeurent légales.
    Il y a beaucoup d'armes d'assaut à autorisation restreinte, mais il y en a aussi beaucoup qui sont sans restriction. Les Canadiens n'ont pas besoin de ce genre d'armes à des fins légitimes de chasse ou de loisirs. On parle là d'une arme semi-automatique de calibre .50. Ces armes sont interdites dans certains États américains, comme la Californie. Il n'y a aucune restriction qui s'y applique au Canada. Il y en a beaucoup.
    J'ai encore quelques questions à vous poser, donc je me demande si nous...
    Nous en avons des photos dans notre mémoire.
    L'autre élément sur lequel je m'interroge — et bien des gens me posent des questions à ce sujet —, c'est l'autorisation de transport, l'AT, le nouveau système mis en place. Je crois que vous avez des propositions à faire concernant les modifications que vous souhaiteriez voir apporter aux AT dans le projet de loi. Vous pourriez peut-être nous parler un peu plus de ce sur quoi vous voudriez que nous mettions l'accent dans notre étude de ce projet de loi.
    Nous aimerions que le projet de loi concrétise la promesse du Parti libéral d'annuler les changements apportés avec le projet de loi C-42, qui a rendu l'autorisation de transporter des armes à autorisation restreinte pratiquement automatique et qui a même permis aux propriétaires d'armes de les transporter entre leur résidence et n'importe lequel des clubs ou salles de tir —selon la province —, les postes de police, les frontières, etc.
    Quelques-uns de ces endroits ont été retirés de la liste dans le nouveau projet de loi, mais d'après ce que nous ont dit les fonctionnaires, cela ne changera rien à 96 % des trajets, ce qui signifie que la personne qui possède une arme aujourd'hui pourra demeurer membre d'un club de tir de Toronto, en vertu du projet de loi C-71, et se rendre en toute légalité à Ottawa avec une arme de poing.
    Avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-42, selon ce que disaient les libéraux en promettant d'annuler ces dispositions pour rétablir... J'ai ici quelques coupures de journaux, et je vous en cite une:
Un contrôleur d'armes à feu pourra autoriser une personne à transporter une arme s'il détermine que le transport d'une arme à autorisation restreinte ou d'une arme prohibée... entre deux endroits précis ou plus, ne présente pas de menace à la sécurité publique...

    La période pendant laquelle l'autorisation est valide, ainsi que les deux endroits entre lesquels l'arme peut être transportée et la raison du transport sont indiqués sur le permis.
    Ce qu'on trouve dans le projet de loi C-71 est bien loin de cela. Il ne changera pas grand-chose au transport des armes à autorisation restreinte.
(1130)
    Il faut toutefois préciser, compte tenu d'où nous partons, que ce projet de loi modifie l'AT à quelques égards. Vous avez dit bien accueillir ces modifications, mais en réclamer d'autres. Ai-je bien compris?
    Nous trouvons que cela ne change pas grand-chose si la personne peut toujours se rendre n'importe où dans sa province, tant que son trajet se situe entre son domicile et un club de tir. Cela va à l'encontre du bien-fondé même des autorisations de transport. Ce sont des armes à autorisation restreinte. Elles devraient être restreintes à l'objet pour lequel elles sont autorisées, c'est-à-dire à leur utilisation dans un club de tir. Il faudrait alors un autre permis pour transporter l'arme jusque chez l'armurier, par exemple.
    Merci, madame Dabrusin.
    Monsieur Motz, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pour commencer, j'aimerais vous donner avis de la motion suivante, que j'aimerais lire pour le compte rendu:
Que, étant donné les rapports inquiétant que des terroristes qui se sont battus pour l'État Islamique sont libres à Toronto, le Bureau du Conseiller spécial sur les rapatriés à haut risque soit invité à informer le Comité sur leur travail, au plus tard le jeudi 31 mai 2018.
    Merci.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Laberge. Votre groupe a déjà dit croire que nous avions besoin d'un registre des armes à feu pour assurer la sécurité des femmes contre la violence conjugale. Bien que je ne sois pas d'accord avec vous sur l'effet d'une telle politique, j'aimerais savoir si vous voyez la tenue de dossiers exigée dans ce projet de loi comme un registre des armes à feu et si vous croyez que cette mesure contribuera à améliorer la sécurité des Canadiens.

[Français]

    Excusez-moi, mais je n'ai pas bien compris la question.

[Traduction]

    Je suis désolé. Je vais réessayer. J'aimerais savoir si vous voyez la tenue de dossiers exigée dans ce projet de loi comme un registre des armes à feu et si vous croyez que cette mesure contribuera à améliorer la sécurité des Canadiens.

[Français]

    Nous pensons que ce qui est inscrit au sujet du registre dans le projet de loi C-71 est un bon départ, mais nous pensons que ce qui pourrait être fait concernant les restrictions pourrait être davantage poussé, comme dans le cas des recommandations que nous avons proposées en matière de violence conjugale.
    C'est sûr que le rétablissement des registres est l'une des meilleures solutions pour retrouver les femmes qui sont vulnérables parce que leur mari possède des armes à feu de manière illégale. Pour ce qui est de l'intervention des policiers, nous pensons que cela peut aider les femmes qui sont prises dans un cercle de violence. Les policiers pourraient savoir si le conjoint possède une arme.

[Traduction]

    Comme vous le savez sûrement, la Loi sur la délivrance simple et sécuritaire des permis d'arme à feu adoptée par l'ancien gouvernement conservateur est venue élargir le recours aux ordonnances d'interdiction d'armes à feu afin qu'elles s'appliquent aux personnes trouvées coupables d'infractions de violence conjugale.
    Ce que je retiens de votre exposé d'aujourd'hui, c'est que nous devons vraiment nous pencher sur les facteurs de risque en présence pour arrêter l'escalade de la violence conjugale au Canada. Croyez-vous que ce projet de loi sera efficace pour atteindre cet objectif et seriez-vous favorables à l'imposition d'une ordonnance d'interdiction de possession d'une arme à feu aux personnes trouvées coupables d'infractions graves contre la personne?
(1135)

[Français]

    Oui, absolument.
    En fait, la recommandation permettrait d'encadrer les restrictions liées au port d'arme à feu pour toutes les personnes qui ont été reconnues coupables d'agression sur les femmes, de violence conjugale et d'agression à caractère sexuel.
    Nous voudrions éviter davantage que les femmes se fassent menacer au moyen d'une arme à feu par des hommes qui ont déjà commis des actes de violence, que cette violence soit physique ou sexuelle. Dans les deux cas, il s'agit d'un acte de violence. L'arme à feu facilite ce genre de violence et la rend plus grave et plus menaçante.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur LeRoux, je vous remercie d'être ici aujourd'hui et je vous exprime mes plus sincères condoléances pour la perte de votre fils.
    Le 12 avril, vous avez écrit croire qu'il n'y avait rien dans ce projet de loi qui aurait prévenu la mort de votre fils. Vous l'avez mentionné brièvement dans votre déclaration préliminaire. Pouvez-vous nous expliquer un peu pourquoi?

[Français]

    Effectivement, la partie liée au décès de Thierry qui concerne les antécédents, soit la partie visant à étendre à la vie entière de l'individu ses antécédents en matière de violence, de violence conjugale et d'autres éléments, comme la maladie mentale, est un pas en avant.
    Par contre, on ne tient pas compte de ce qui se passe entre le moment de la nouvelle demande, le moment où le permis a été délivré et le moment du renouvellement cinq ans plus tard.
    Si, pour une raison ou pour une autre, un individu réussit à passer entre les mailles du filet et à obtenir son permis, rien n'empêche le retrait systématique du permis à la suite d'un épisode de violence conjugale. Le fait de retirer à la personne ses armes et son permis est facultatif. Ce n'est pas une obligation, mais on peut considérer cette option si le détenteur de l'arme a des antécédents en matière de violence conjugale.
    Le projet de loi tel qu'il est libellé actuellement n'aurait pas empêché la mort de Thierry et de plusieurs autres policiers, malgré l'amendement. Je suis conscient qu'il s'agit d'un petit pas en avant, mais ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas cela qui aurait empêché la mort de Thierry. M. Papatie aurait eu accès à ses armes.

[Traduction]

    Vous devez savoir que les conservateurs partagent tout à fait votre point de vue sur la nécessité de garder les armes à feu hors des mains des personnes dangereuses. Malheureusement, nous croyons que ce projet de loi ne contient aucune mesure en ce sens et qu'il ne fait qu'imposer un plus lourd fardeau administratif aux propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi.
    Seriez-vous favorable à des mesures qui cibleraient les personnes dangereuses, comme une interdiction obligatoire de possession d'une arme à feu pour les personnes trouvées coupables d'une infraction grave à la personne, et seriez-vous pour qu'on saisisse les armes à feu des personnes souffrant de graves troubles mentaux et des détenus, pour leur propre protection, en vertu des lois provinciales sur la santé mentale?

[Français]

    Oui, absolument.
    J'appuierais un amendement en ce sens, et pas seulement pour ceux qui ont été reconnus coupables. Il y a des gens qui ne sont pas reconnus coupables mais qui ont à maintes reprises des épisodes de violence conjugale ou de tentatives de suicide. Il faut encadrer tous ces éléments, pas juste dans le cas de ceux qui ont été reconnus coupables, mais aussi dans le cas de ceux qui ont des antécédents connus des autorités policières et médicales. Cela englobe tous les éléments liés à la maladie mentale, qu'il s'agisse de schizophrénie ou d'Alzheimer, et non pas seulement les éléments liés à la violence conjugale.
     Monsieur LeRoux, le temps est écoulé.
     Tout ce qui implique une médication devrait justifier qu'on retire ses armes et son permis à une personne, même si elle n'est pas reconnue coupable.

[Traduction]

    Merci, monsieur Motz.
    Monsieur Dubé, vous avez sept minutes.
(1140)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui. Il est déjà difficile de militer pour une cause, et le fait de revivre d'horribles tragédies comme les vôtres demande encore plus de courage. Je vous remercie donc sincèrement d'être parmi nous.
    La semaine dernière, à la suite du témoignage du ministre Goodale sur son projet de loi, je l'ai questionné au sujet d'un enjeu qui, je crois, est important pour vous aujourd'hui, c'est-à-dire les définitions qui mènent à la classification par la GRC. Je pense que, dans le débat entourant cette question, on a sauté une étape. Comme vous, je suis favorable à l'idée de redonner le pouvoir à la GRC et de retirer au Conseil des ministres son droit de veto — si on peut appeler cela ainsi —, et ce, simplement parce que de telles décisions ne devraient pas être prises par les politiciens d'un parti ou de l'autre.
    Cela étant dit, j'aimerais connaître votre opinion sur la question des définitions. J'aimerais savoir si, de façon générale, vous êtes favorables à une révision de ces définitions. C'est ce qui permettrait d'assurer la sécurité publique, ce que vous souhaitez.
    J'aimerais aussi savoir depuis combien de temps ces définitions concernant les armes à feu, qui sont prévues dans la loi, ont été mises à jour.
    En réponse à cette question, si elle est posée aux musulmans de la ville de Québec qui ont subi cette situation récemment, je dirais que la classification importe à des techniciens en la matière. Vous nous questionnez là-dessus, et certains pourraient vous répondre de façon plus détaillée, mais pour ma part, j'aimerais encore une fois vous poser une question.
     Les politiciens autour de cette table ont-ils à coeur la gouvernance du pays? Ont-ils à coeur de le remettre sur les rails d'un pays pacifique, reconnu mondialement comme tel? Ont-ils à coeur de protéger les individus?
     Si c'est le cas, qu'est-ce qui les empêche de se concentrer uniquement sur ce que nous demandons, en tant que personnes ayant subi ces événements, et au nom de tous les citoyens canadiens? Nous avons rencontré des gens, et tous ceux que nous avons rencontrés étaient sidérés d'apprendre que cet individu possédait une arme d'assaut.
     Pourriez-vous, entre politiciens, poser un geste concerté, de façon unanime, et laisser de côté vos animosités politiques pour faire en sorte que ces armes d'assaut soient bannies? Nous aurions au moins gagné quelque chose. Toute la nation canadienne vous applaudirait. Au-delà des définitions et de la classification, nous parlons d'armes de guerre qui tuent. Quelle autre classification pourrions-nous adopter?
     S'il vous plaît, soyez unanimes, soyez bons. Ayez à coeur que le pays se tienne debout, ne se sente pas obligé d'être à l'image de son voisin et veuille retrouver une certaine fierté lorsque, au cours de leurs voyages, les citoyens canadiens se font dire qu'ils appartiennent au pays le plus pacifiste du monde.
    Pour ma part, je voyage dans diverses régions du monde. Pendant que j'étais à l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la Francophonie, j'ai traversé tous les pays francophones. Quand j'y retournerai, que vais-je dire à ces personnes, qu'on tue les gens, au Canada, au moyen d'armes d'assaut, d'armes de guerre qui circulent librement sur les marchés?
    N'est-ce pas une honte pour notre nation canadienne?
    Je pense que vous, les politiciens et les techniciens de la politique, vous avez la responsabilité de bannir ces armes afin qu'on puisse vraiment dire que le Canada se tient debout en dépit des allégeances politiques avec les pays voisins ou avec d'autres pays qui n'ont pas banni ces armes.
    Excusez-moi d'être un peu long, mais au-delà des définitions, je voulais vous lancer cet appel, à vous tous qui êtes ici aujourd'hui.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'expliquer. Je vais taper sur le clou jusqu'à ce que je réussisse, inch Allah, donc si Dieu le veut.
     Pour ce qui est des définitions, la loi canadienne, contrairement à d'autres lois, comme les lois américaines, ne définit pas les armes d'assaut. On ne parle pas d'armes militaires, d'armes paramilitaires et d'armes d'assaut. Il y a seulement des critères pour des armes à autorisation restreinte, non restreinte et prohibée. Ce qu'on observe, c'est que les classifications ne découlent des risques des armes à feu. Vous avez vu les armes d'assaut que nous vous avons montrées. Elles sont à autorisation non restreinte, ce qui n'a pas de sens.
    Vous nous demandez quelle est la solution technique, mais nous ne sommes pas des experts. Comme l'a dit M. Benabdallah, c'est au gouvernement de faire en sorte que les armes les plus destructives, celles qui sont conçues pour tuer des êtres humains, ne soient pas disponibles à la possession personnelle.
    Je veux aussi répondre à votre dernière question sur la mise à jour des définitions. Autour de 2012, dans plusieurs de ses notes de service au ministre responsable, la GRC s'est plainte du fait que la réglementation, qui aurait pu interdire certaines variantes d'armes qui sont déjà prohibées, n'ait pas été mise à jour. Depuis 2012, deux ou trois armes s'y sont peut-être ajoutées mais, en général, la réglementation a été ignorée depuis plus de 20 ans.
(1145)
    Monsieur LeRoux, il me reste une minute, et j'aimerais vous donner l'occasion de parler de ce que vous avez abordé avec le ministre dans une lettre, lettre à laquelle j'espère que vous recevrez une réponse.
    J'aimerais vous entendre parler des antécédents et du fait que nous ne sommes pas toujours en mesure de trouver tous les cas problématiques. Je sais que vous avez des idées là-dessus, et j'aimerais vous donner l'occasion de les exprimer.
    L'essentiel du message que j'ai envoyé à M. Goodale porte sur les antécédents de violence et sur tous les éléments qui entourent les différents genres de maladie mentale. Je parle d'individus connus, tant du milieu médical que du milieu policier. Les policiers retirent à répétition leurs armes à ces individus. Or on les leur rend par la suite pour toutes sortes de raisons, ou parce que, dans la loi, il y a un aspect de considération, et non d'obligation. C'est ce qu'il faut éviter.
    Au bout du compte, selon moi, cela n'a pas de sens. À partir du moment où un individu qui a des antécédents doit prendre des médicaments et qu'il est sous leur effet, il faudrait lui retirer son permis et ses armes. Il revient à la personne qui a ces antécédents de démontrer qu'elle peut être en possession d'une arme à feu.
    Si un individu conduit en état d'ivresse, on lui enlève son permis de conduite. On ne fait pas cela en ce qui concerne les armes.
    Je vous remercie, monsieur LeRoux.
    Merci, monsieur Dubé.

[Traduction]

    Madame Damoff, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord remercier tous nos témoins de leur participation. Je tiens à présenter mes plus sincères condoléances à ceux parmi vous qui ont perdu un être cher. Merci d'avoir le courage de venir nous en parler aujourd'hui.
    Je sais que vous vous intéressez tous de près depuis de nombreuses années à l'évolution des politiques et des lois régissant les armes à feu.
    Comme je souhaite aborder différents aspects de la question, je vous demanderais d'être aussi brefs que possible. Je sais que vous aimeriez que ce projet de loi aille plus loin encore, mais pourriez-vous nous dire comment il se compare selon vous à la situation qui a prévalu pendant 10 ans sous le régime du gouvernement qui nous a précédés ainsi qu'à la plateforme de contrôle des armes à feu mise de l'avant par M. Scheer lors de la campagne électorale?
    Il s'agit certes d'une amélioration par rapport à ce qui existait auparavant avec ce régime affaibli par le gouvernement précédent. Je crois malheureusement toutefois que nous jugeons plus pertinentes les comparaisons avec le système en place au Canada avant toutes ces transformations ou avec ce qui est actuellement prévu aux États-Unis. Comme les commerçants américains sont légalement tenus de conserver des registres de leurs ventes, nous nous mettons tout au moins au diapason de la loi américaine pour ce qui est du contrôle des ventes.
    Nous nous interrogeons toutefois au sujet de l'accès à ces données. La ministre a parlé d'une autorisation judiciaire. Nous ne sommes pas certains qu'une telle autorisation était exigée par le passé, et nous voulons nous assurer que policiers et fonctionnaires puissent avoir accès à ces données aussi facilement et rapidement que possible.
    Le travail des policiers est beaucoup plus complexe qu'il ne l'était lorsque le registre des armes à feu existait encore. Grâce à ce registre, toutes les données sur les ventes étaient centralisées. Si le maire de Toronto voulait savoir... La ministre a parlé de la capacité de repérer les achats en grande quantité visant à constituer un arsenal personnel. C'est tout simplement impossible si les registres sont conservés dans les différents magasins. Si les données sont ainsi éparpillées chez plusieurs détaillants, on ne peut plus voir une tendance se dessiner. De toute manière, à partir de quel moment commencerait-on à s'intéresser à un individu? Et pour quelle raison exactement?
    On aurait pu en faire davantage à ce chapitre avec ce projet de loi en s'inspirant de ce qui existait auparavant.
(1150)
    Merci.
    L'obligation pour les professionnels de la santé d'alerter les autorités fait partie des éléments qui sont ressortis de mes échanges avec différents intervenants, dont les forces policières, et je crois que vous avez également formulé des commentaires dans le même sens. Lorsque ces professionnels croient qu'il y a un risque important de crime violent au moyen d'une arme à feu, devraient-ils être tenus d'en aviser le contrôleur des armes à feu?
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, car nous considérons que cela relève davantage de la compétence des provinces. Il est notamment établi que ce devoir de signalement a préséance sur la protection de la vie privée.
    Le Québec a adopté le projet de loi 9, la Loi Anastasia, après la fusillade du collège Dawson. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, les professionnels de la santé sont tenus d'aviser la Sûreté du Québec lorsqu'ils constatent qu'un patient possédant une arme à feu pose un risque pour la sécurité publique. Il y a eu des recommandations en ce sens dans d'autres provinces, mais je ne crois pas que cela relève de la loi fédérale. Il est bien évident toutefois que nous sommes favorables à des mesures semblables.
    D'accord.
    Je vais vous parler de la vérification des antécédents, ce qui relève de la loi fédérale. Nous avons prolongé la période visée pour de telles vérifications, mais nous n'avons ajouté aucun critère. Bien des gens m'ont parlé de l'incidence des comportements haineux et misogynes en ligne, notamment sur les médias sociaux, et de la possibilité d'en tenir compte lorsque le contrôleur des armes à feu effectue des vérifications pour déterminer s'il y a lieu... C'est ce que m'ont dit notamment des policiers et des intervenants en violence fondée sur le sexe.
    Croyez-vous qu'il serait bon d'ajouter ce critère à la liste?
    Peut-être pourrions-nous entendre également ce qu'en pensent nos témoins par vidéoconférence?
    Parmi les choses que nous revendiquons, il y a certes...

[Français]

     Oui.

[Traduction]

    Désolé.
    Nous allons d'abord entendre Mme Rathjen, puis Mme Laberge.
    D'accord.
    Pour ce qui est des critères aux fins d'une interdiction automatique, nous demandons notamment qu'une modification soit apportée de telle sorte que les ordonnances de protection soient toujours assorties d'une ordonnance de non-communication. Je ne suis pas une spécialiste des questions juridiques. Je ne peux donc pas vous dire si le harcèlement en ligne pourrait être visé.
    Nous préconisons l'application de critères plus stricts pouvant mener à une interdiction automatique.
    De toute manière, nous croyons également qu'il convient d'élargir les critères lorsqu'un pouvoir discrétionnaire doit s'exercer. Il va donc de soi que le problème du harcèlement en ligne doit être pris en considération.
    Il me reste seulement une minute. Pouvez-vous répondre très brièvement?
    J'ai encore une question à poser avant que cette minute soit écoulée.

[Français]

    Je ne crois pas que la surveillance de Facebook et des réseaux sociaux soit la solution. Je crois plutôt que la solution se trouve dans les dénonciations par les victimes, et qu'il faut donc se concentrer davantage sur les personnes accusées.

[Traduction]

    Non, je ne suis pas à la recherche d'une solution. Je demande simplement si cela devrait faire partie des critères à prendre en compte lorsqu'il s'agit de déterminer si quelqu'un devrait pouvoir acheter une arme à feu. Est-ce que cela devrait être inclus dans les critères?

[Français]

    Je ne crois pas pouvoir répondre aujourd'hui au nom de la FFQ.

[Traduction]

    D'accord.
    Comme j'ai posé lors de notre dernière séance de nombreuses questions au sujet de la violence fondée sur le sexe, des gens ont communiqué avec moi pour me dire que ce n'était pas vraiment un problème. Il y a même un site Web, GunDebate.ca, où l'on indique que ce n'est pas problématique et qu'il existe des statistiques démontrant que les femmes ne sont pas ciblées par les armes à feu. Toutefois, selon les chiffres du Bureau du coroner en chef de l'Ontario sur la violence familiale, 26 % des décès de femmes sont causés par une arme à feu.
    Pouvez-vous m'indiquer, par un oui ou par un non, si vous croyez que les femmes sont exposées à la violence en raison des armes à feu?
    Très brièvement, s'il vous plaît.

[Français]

    Elles ne sont pas à risque à cause des armes à feu, mais à cause des personnes qui utilisent ces armes à feu.

[Traduction]

    Merci, madame Damoff.
    Madame McLeod, bienvenue au Comité. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de poser mes questions aux témoins, j'aimerais que l'on puisse mettre rapidement aux voix une motion dont je crois avoir donné préavis.
    Je propose donc:
Que Greta Bossenmaier, qui vient d'être nommée conseillère à la sécurité nationale auprès du premier ministre, soit invitée à comparaître devant le comité dès que possible.
(1155)
    Cette motion a été présentée lors de notre dernière séance.
    Je propose la reprise du débat.
    Ne nous sommes-nous pas déjà prononcés à ce sujet?
    Je vous prie de nous excuser. Il y aurait quelques précisions à apporter.
    Il s'agit d'une nouvelle motion. Quelqu'un veut en débattre?
    Monsieur Fragiskatos.
    Je propose l'ajournement du débat.
    Il ne peut y avoir de discussion à ce sujet.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci.
    Vous en êtes maintenant à environ trois minutes.
    Merci à tous nos témoins. Je suis désolée de vous avoir fait patienter, mais il arrive parfois qu'il nous faille une petite minute pour régler des questions de régie interne.
    J'ai grandi en milieu urbain où je n'ai jamais été exposée aux chasseurs, aux pêcheurs ou aux armes à feu. Tout cela m'est devenu beaucoup plus familier lorsque, jeune mariée, je suis allée vivre à la campagne. L'une des premières choses dont j'ai été témoin a beaucoup nuancé ma perception du processus d'acquisition et de possession d'un permis de port d'armes par rapport à ce que j'avais pu apprendre en ville. J'ai vu un fermier abattre un couguar qui suivait de jeunes enfants. Il leur a sauvé la vie; cela ne fait aucun doute.
    Nous voulons tous la même chose. Nous voulons voir diminuer la violence perpétrée par les gangs. Nous voulons que nos rues soient débarrassées de tous ces gens qui portent une arme sans y être autorisés. J'ai toujours toutefois un peu la même crainte. Les mesures que nous prenons en ce sens ont parfois simplement pour effet de rendre la vie plus difficile à des citoyens comme ce fermier dont je vous parlais. Pour lui, une arme à feu, c'est un outil de travail. En imposant des conditions semblables, nous lui compliquons les choses en raison des nouvelles formalités à remplir. Tout cela ne contribue en rien à régler le problème que nous souhaitons voir disparaître.
    Je vais peut-être d'abord m'adresser à M. Benabdallah. Je peux à peine m'imaginer la tragédie que votre communauté a vécue et toute la gamme des émotions par lesquelles vous avez dû passer. Avez-vous la conviction que ce projet de loi va atteindre le but visé, soit enlever les armes à feu des mains des criminels dangereux?

[Français]

    Si, pour ce projet de loi, on accepte notre proposition que les armes de guerre, les armes d'assaut soient interdites, classées et éliminées, nous serons gagnants. C'est pour cela que nous sommes venus ici.
     Quand il est entré pour tuer les gens, par quoi a-t-il commencé? Il a commencé par une arme de guerre, qui a heureusement bloqué. Sinon, il aurait fait un carnage. C'est ce que nous ne voulons plus.
     Commençons donc par cette approche. S'il vous plaît, interdisons ces armes et déjà nous serons tous gagnants. Nous aurons réduit la menace sur des vies humaines pour les années à venir.
(1200)

[Traduction]

    Merci, madame McLeod.
    Merci, monsieur Benabdallah.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier tous nos témoins d'avoir bien voulu comparaître devant nous aujourd'hui pour nous faire part de leurs points de vue sur la question. Nous allons nous interrompre deux minutes avant de reprendre nos travaux avec un nouveau groupe de témoins.

    Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Pour la prochaine heure, nos témoins seront Alison Irons et Jérôme Gaudreault. Je vous laisse déterminer entre vous qui sera le premier à prendre la parole. Vous avez chacun droit à 10 minutes.
    Je veux juste présenter mes excuses aux membres du Comité concernant la confusion au sujet de la motion précédente. Nous avons été pris quelque peu au dépourvu.
    Oui.
    Monsieur le président, j'aimerais présenter brièvement ma motion dès maintenant de manière à ne pas interrompre nos témoins. Je propose:
Que, étant donné l'importance des droits touchés par le projet de loi C-71, y compris, comme l'a mentionné la ministre de la Justice, ses répercussions possibles sur le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, le Comité tienne des séances additionnelles pour permettre aux personnes et organisations suivantes de témoigner:

Women Shooters of PEI

Dre Caillan Langmann, résidente en urgentologie, Programme d'associés du Collègue royal des médecins et chirurgiens du Canada, Division de la médecine d'urgence, Université McMaster

Stacey Hassard, chef de l'opposition officielle, Yukon

Andy McGroan, président, Association des chefs de police de l'Alberta

Richard Munderich, Ajax Rod and Gun Club of Ontario

Gord Zealand, Yukon Fish and Gaming Association

Harvey Andrusak, BC Wildlife Federation

Derrell Crabbe, Saskatchewan Wildlife Federation

Bob Kierstead, spécialiste du tir, instructeur international

Kerry Coleman, Fédération des chasseurs et pêcheurs de l'Ontario

David Clement, Consumer Choice Centre

Manitoba Wildlife Federation

Fédération des chasseurs et pêcheurs du Québec

Fédération des chasseurs et pêcheurs de la Nouvelle-Écosse

Association des municipalités rurales de la Saskatchewan (SARM)
(1205)
    Monsieur Calkins, vous n'êtes pas sans savoir que le sous-comité s'est déjà réuni pour convenir d'une liste de témoins, et que le Comité doit donc agir en conséquence.
    Je suis au courant.
    Vous êtes au courant. Très bien.
    Le sous-comité agit en fonction des volontés dictées par le Comité. Je demande donc au Comité d'ajouter ces témoins à la liste, monsieur le président.
    D'accord.
    Quelqu'un veut en débattre?
    Est-ce que cette motion est mise aux voix?
    Nous pourrions d'abord en débattre avant de passer au vote, mais nous pouvons également reporter le débat.
    Je veux simplement dire, monsieur le président, que le sous-comité a déployé des efforts considérables pour en arriver à une liste équilibrée de témoins, si bien que je ne suis pas favorable à de tels ajouts à ce moment-ci.
    Monsieur Calkins.
    Si vous permettez, monsieur le président, j'ajouterais que de nombreuses organisations au Canada représentent des gens qui risquent d'être touchés considérablement par ce projet de loi. Si nous arrivons à maintenir le rythme actuel de cinq témoins par séance, il nous faudrait seulement une autre semaine, peut-être une semaine et demie, pour entendre les témoins supplémentaires que je propose ici. Nous accueillons 10 témoins par semaine et j'ai une quinzaine de noms sur ma liste. Ce serait donc trois séances de plus pour notre comité. Cela n'a rien de déraisonnable étant donné la portée de ce projet de loi et le nombre de personnes qui seront touchées.
     Je prie mes collègues de bien vouloir accepter que nous entendions ces témoins. Ces gens-là veulent comparaître devant nous pour présenter leurs points de vue sur la question. On ne devrait faire obstacle d'aucune manière à leur volonté de témoigner devant notre comité.
    Ma seule réserve c'est que nous avons des témoins ici présents et que nous disposons d'un temps limité.
    Monsieur Dubé.
    Justement, monsieur le président, en guise de respect envers les témoins ici présents, et comme il est question de permettre aux gens de s'exprimer, sans vouloir me prononcer dans un sens ou dans l'autre au sujet des témoins proposés, je propose l'ajournement du débat.
    (La motion est adoptée.)
    Avez-vous décidé qui allait prendre la parole en premier?
    Madame Irons, bienvenue au comité.
    Bonjour à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous.
    Je m'appelle Alison Irons. Je suis la mère de Lindsay Margaret Wilson qui, à l'âge de 26 ans, a été traquée et tuée à coup de fusil par son ex-ami de coeur à Bracebridge (Ontario). C'était le 5 avril 2013, soit deux semaines avant qu'elle termine son dernier semestre d'études à l'Université Nipissing.
    Plus tôt cette semaine-là, l'assassin de ma fille était venu de Kingston pour la suivre en voiture depuis son petit campus afin de savoir où elle habitait. Le jour du meurtre, il l'a suivie encore une fois et s'est caché derrière son domicile. Avec son téléphone, il a enregistré quatre vidéos où on le voit en train de se préparer à la tuer. Il a attendu qu'elle ressorte de la maison pour la confronter dans son entrée de cour où il a tiré sur elle pendant qu'elle le suppliait de lui laisser la vie sauve. Il avait pris avec lui deux armes d'épaule pour s'assurer de ne pas rater son coup. Il s'est ensuite enlevé la vie.
    Elle est restée consciente pendant un moment. Elle ne souffrait pas et elle a dit aux premiers intervenants qu'elle savait qu'elle allait mourir. Difficile d'imaginer souvenir plus horrible pour un parent. Blessée mortellement, elle ne savait pas que son assassin s'était tué à ses côtés. Elle est morte environ 20 minutes plus tard à l'hôpital de Bracebridge.
    Le pathologiste a noté des lésions importantes au coeur et aux poumons de ma fille. Son assassin savait ce qu'il faisait. En ma qualité d'ancienne agente de la GRC, je peux vous dire qu'il a visé le centre du corps, là même où ses plombs et ses balles étaient le plus susceptibles de causer la mort. Son épaule droite était fracturée et cinq de ses côtes étaient réduites en miettes. Son avant-bras gauche était complètement fracturé et ne tenait qu'à un fil. Le pathologiste a parlé d'une avulsion de la plus grande partie de son avant-bras gauche, sans doute une blessure de défense.
    Elle avait des blessures par balle superficielles à l'arrière de la tête, probablement en raison du premier coup de feu qui a fait basculer son corps. Le bas de son beau visage était maculé d'un pointillé noir dû à l'action des grains de poudre. Je suis d'ailleurs reconnaissante au personnel du bureau du pathologiste qui a masqué ces blessures faciales avec du maquillage afin que je puisse donner un dernier baiser à ma fille.
    Je n'ai pas d'excuse à vous présenter quant à tous ces détails explicites sur les blessures de ma fille. C'est ce qui arrive lorsqu'on laisse des armes à feu entre les mains des mauvaises personnes.
    Ma fille a rencontré son assassin en 2009 ou 2010. Il lui a caché son passé criminel et avait des explications plausibles à lui donner quant au fait qu'un adulte comme lui résidait encore chez ses parents et ne semblait avoir aucune véritable perspective d'emploi ni source de revenu tangible. Il était charmant, articulé et d'apparence soignée. Il chassait pour le plaisir.
    Leur relation était exempte de toute violence, bien qu'il pouvait être contrôlant et manipulateur. Elle l'a laissé pour une première fois en 2011 lorsqu'elle l'a surpris à vendre de la drogue. Il a réussi à l'amadouer par la suite en lui promettant de changer. Une année plus tard, elle l'a toutefois encore surpris à vendre de la drogue.
    En 2012, elle a été anéantie d'apprendre qu'il avait contracté une méningite qui lui a presque été fatale. Elle s'est crue responsable de sa maladie parce qu'elle l'avait quitté. Lorsqu'elle a su qu'il survivrait, elle a essayé, étant elle-même formée pour le soutien aux personnes handicapées, de l'aider dans sa réhabilitation. Dès le Noël suivant, elle a une nouvelle fois coupé tous les ponts, car il était plus contrôlant et manipulateur que jamais. C'est trois mois plus tard qu'il l'a traquée et assassinée.
    Ayant été enquêteuse tout au long de ma carrière, j'ai voulu connaître le passé de cet homme. Il avait caché à ma fille qu'il avait été arrêté par la police en 2000 pour trafic de stupéfiants. Sept jours plus tard, il a enlevé avec l'aide d'un complice un homme dans une résidence à la suite d'une transaction de drogue qui a mal tourné, selon la police de Kingston. Ils ont emmené l'homme dans une voiture et roulé sur une route secondaire pendant que l'un d'eux le tabassait. La victime a pu s'échapper en ouvrant une portière pour se jeter sur la route où un passant l'a secouru et conduit à la police. S'il ne s'était pas ainsi échappé, qui sait s'il n'aurait pas été assassiné.
    Le meurtrier de ma fille et l'autre ravisseur ont été accusés de plusieurs infractions dont séquestration, agression, menace et quelques autres reliées à la drogue d'après ce que j'ai appris du service de police de Kingston. Il semblerait que des négociations de plaidoyer lui ont permis de plaider coupable en 2002 aux chefs d'accusation de séquestration et d'agression seulement. Les accusations précédentes pour trafic de stupéfiants ont été abandonnées. La seule peine qui lui a été imposée a été une période de probation de deux ans.
(1210)
    Immédiatement après sa période de probation, en 2004, il a fait la demande d'un permis de possession et d'acquisition, qu'il a obtenu. Il s'est acheté plusieurs armes à feu, parmi lesquelles celle avec laquelle il assassinera ma fille, en 2013. Dans mon enquête, j'ai découvert qu'il avait été longuement interrogé pendant le processus de délivrance du permis par suite de sa déclaration volontaire. Son dossier avait donc allumé des clignotants dans le SCIRAF, signe d'un échec à l'étape A, mais sur lequel on a fermé arbitrairement les yeux pour accorder le permis.
    Avant qu'il ne rencontre ma fille, et encore une fois à l'insu de ma fille, il a été averti par les autorités, apparemment en raison d'un incident de violence familiale, que s'il n'obtenait pas le pardon pour ses condamnations antérieures, son permis ne serait pas reconduit. Même si l'incident est enregistré dans le SCIRAF, la police ne lui a pas attribué le code qui aurait permis de hâter la révision ou la révocation de son permis. Pourtant, l'avertissement qu'il a reçu m'amène à croire qu'on n'aurait jamais dû, pour commencer, lui accorder le permis. Le SCIRAF mentionnait aussi une condamnation pour conduite avec les facultés affaiblies.
    En ma qualité de mère de Lindsay, je vous demande comment quelqu'un qui a été condamné pour des infractions criminelles d'adulte, pour séquestration et agression liée au trafic de drogues et pour conduite avec les facultés affaiblies et dont le dossier, dans le SCIRAF, mentionne un incident de violence familiale a pu obtenir un permis de possession d'armes au Canada. Comment notre système de permis parvient-il à ne pas tenir compte des circonstances réelles, en leur accordant le poids qu'elles méritent, des condamnations d'un contrevenant et d'autres mentions du CIPC ou du SCIRAF pour lui accorder un permis de possession d'arme? A-t-il obtenu le permis et les armes pour la chasse, comme il l'aurait vraisemblablement prétendu dans sa demande ou les a-t-il obtenus pour protéger sa carrière de trafiquant de drogues que, apparemment il a poursuivie pendant 13 ans?
    Notre système et processus d'octroi de permis de possession d'armes, particulièrement en ce qui concerne la vérification des antécédents, la définition et la validation des références et la prise en considération des infractions criminelles ainsi que le pouvoir discrétionnaire apparemment considérable, qui permet de faire fi des échecs de l'étape A ou des clignotants qui s'allument, a visiblement fait défaut dans le cas de ma fille. S'il vous plaît, n'allez pas dire que cet individu a simplement échappé aux mailles du filet.
    Justin Bourque a tué trois agents de la Gendarmerie royale, au Nouveau-Brunswick, avec des armes acquises légalement. Alexandre Bissonnette a tué six personnes, dans une mosquée de Québec, avec des armes acquises légalement. Le maire Tory de Toronto a récemment demandé l'aide de la ministre parce que, en raison des mesures plus rigoureuses qu'on prend à la frontière contre l'entrée illégale d'armes au Canada, le trafic d'armes acquises légalement dans notre pays pour les vendre à des criminels et à des bandes de criminels est en augmentation.
    Comme nous n'avons pas même pu protéger ma fille, nous ne pouvons pas affirmer que des projets de loi comme l'ancien projet de loi C-51 et le projet de loi C-59 protègent les Canadiens contre les actes terroristes, les tueries de masse ou les loups solitaires comme celui qui a tué le caporal Nathan Cirillo, sur la Colline du Parlement, si, en même temps, nous ne révisons pas et nous ne commençons pas à renforcer nos lois sur les armes à feu, les règlements sous leur régime, les politiques, les processus et les systèmes et si nous ne fermons pas les échappatoires.
    Pour un demandeur de permis condamné pour violence contre la personne, particulièrement dans la commission d'autres crimes graves comme le trafic de drogues, la vérification des antécédents doit être plus exhaustive et tenir compte du dossier criminel du demandeur, depuis l'âge adulte ainsi que du contexte de toute violence contre la personne qu'il aurait commise. Il faut une définition plus rigoureuse des références qui conviennent aux demandes de permis, de manière à exclure les membres de la famille immédiate ou les personnes possédant un casier judiciaire. Il faudrait valider l'acceptabilité de toutes les références des personnes possédant un casier judiciaire pour violence contre la personne, la vérifier auprès du CPIC et du SCIRAF, et contacter ces personnes. Des ressources compétentes en nombre suffisant devraient assurer une vérification plus complète des antécédents et des références.
    Est-ce que j'ai encore seulement une minute?
(1215)
    Une demi-minute.
    Je serai brève.
    Il faut revoir et améliorer les critères et les suites données aux échecs au stade A dans le SCIRAF par les agents contrôleurs des armes à feu et améliorer les données dans le CIPC et le SCIRAF, pour éviter d'octroyer des permis de possession d'armes à partir de renseignements incomplets et périmés.
    Bref, on m'a dit que l'assassin de ma fille aurait pu obtenir une arme illégale n'importe où. Invariablement, je réponds: « Vrai, mais ce n'est pas ce qui s'est passé ». Il a acquis légalement le permis et l'arme dont il s'est servi pour la tuer neuf ans plus tard. Notre système n'aurait jamais dû lui faciliter la tâche.
    Merci de m'avoir écoutée.
    Merci, madame Irons.

[Français]

     Monsieur Gaudreault, vous disposez de 10 minutes.
    Membres du Comité, bonjour. Je vous remercie beaucoup de votre invitation à venir vous entretenir du contrôle des armes à feu, considéré sous l'angle de la prévention du suicide.
    Je suis le directeur de l'Association québécoise de prévention du suicide. L'AQPS est une organisation communautaire qui vise à faire la promotion et le développement de la prévention du suicide sur le territoire du Québec. Plus spécifiquement, nous travaillons à sensibiliser la population et à faire des représentations auprès des élus pour que des mesures soient prises et mises en avant pour soutenir la prévention du suicide. Nous voulons aussi mobiliser les citoyens et faire en sorte qu'ils prennent position et qu'ils se mobilisent en faveur de cette cause. De plus, nous offrons divers produits de formation qui sont destinés à la fois aux citoyens et aux intervenants en prévention du suicide, ainsi qu'aux professionnels de la santé.
    Je vous dirai, d'entrée de jeu, que nous avons, à plusieurs reprises, fait connaître notre position favorable à un meilleur contrôle des armes à feu. Nous avons d'ailleurs dénoncé l'abolition du Registre fédéral des armes d'épaule, en 2011. De nombreuses études démontrent que l'ensemble des mesures de contrôle des armes à feu a un effet positif sur la diminution des taux de suicide. J'y reviendrai. À notre avis, le projet de loi C-71 représente un pas dans la bonne direction, mais nous croyons que certains de ses aspects doivent être renforcés.
    Je dirai quelques mots sur l'état du suicide au Canada et au Québec. Aujourd'hui seulement, 11 personnes s'enlèveront la vie au Canada. Au Québec, cela représente 1 100 décès par année. Parmi ceux-ci, plus de 125 auront été commis au moyen d'une arme à feu. Il y a 4 000 suicides au Canada chaque année, dont 1 100 se produisent au Québec. C'est beaucoup. Bien que le Québec ait connu une baisse significative du nombre de suicides au début des années 2000, notre société n'a pas connu de progrès digne de mention dans ce dossier depuis près de 10 ans.
    En ce qui a trait à la personne vulnérable au suicide, il faut savoir que la personne suicidaire n'est pas formellement décidée à s'enlever la vie. Non seulement sa vision des choses est troublée par sa souffrance qu'elle cherche à faire cesser, mais cette personne est ambivalente face à la mort jusqu'à la toute dernière minute. C'est la raison pour laquelle le moyen choisi par la personne suicidaire a une si grande importance car, plus le délai menant au décès est long, plus cela laisse du temps à la personne de changer d'avis et d'obtenir de l'aide. À ce titre, sachez que, pour chaque personne qui décède par suicide, on estime qu'entre 25 et 30 personnes amorcent une tentative de suicide qui ne se complétera pas. Ainsi, si les gens ne passent pas à l'acte, ce n'est pas par inaptitude à se suicider, mais parce qu'ils changent d'idée en cours de route.
    Malheureusement, l'arme à feu est un moyen extrêmement létal — son taux de réussite s'élève à 96 % — qui n'offre que très rarement de deuxième chance à la personne suicidaire. L'arme à feu amplifie l'impulsivité du geste et donne peu de temps aux proches, aux intervenants ou aux policiers d'effectuer une intervention efficace qui pourrait lui sauver la vie. Ainsi, les analyses statistiques et la recherche nous indiquent que 80 % des décès par arme à feu sont des suicides. Ce sont surtout des armes sans restriction, des armes d'épaule ou des armes longues qui sont utilisées. Dans 50 % des cas de suicide, moins de 10 minutes s'écoulent entre le début de la situation de crise et le passage à l'acte suicidaire. Quand un individu vulnérable vit une situation de crise, s'il dispose d'un accès facile et immédiat à un moyen létal, le risque de suicide est nettement plus élevé.
    Les risques de suicide sont cinq fois plus élevés dans les maisons où l'on trouve des armes à feu. Les armes de chasse sont le type d'arme à feu le plus répandu dans les domiciles, et une partie importante des suicides par arme à feu est commise avec une arme dont la personne n'est pas propriétaire. Il est reconnu que les décès liés aux armes à feu constituent un problème de santé publique important, et les statistiques démontrent que les pays ayant un contrôle plus serré des armes à feu présentent un taux de suicide par arme à feu inférieur à celui des pays qui n'en ont pas.
    Toutefois, il est possible de prévenir le suicide, et la réduction du nombre de suicides passe obligatoirement par l'implantation d'une série de mesures qui, appliquées simultanément, permettent de créer un contexte favorable à la prévention du suicide. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, la réduction de l'accès aux moyens de s'enlever la vie, dont l'arme à feu, est considérée comme l'une des mesures les plus probantes.
    Pour un contrôle efficace des armes à feu, il faut que les détenteurs d'armes à feu possèdent un permis délivré à la suite d'une enquête de sécurité. C'est actuellement le cas au Canada. Il faut aussi éduquer les propriétaires en ce qui a trait à l'entreposage sécuritaire de leurs armes et aux risques qui y sont associés. On peut aussi dire que c'est le cas au Canada. Par contre, quand on se rend compte que le tiers des suicides par arme à feu ne sont pas commis par le propriétaire de l'arme, on constate qu'il y a encore d'importantes lacunes en matière d'entreposage sécuritaire. Il faut aussi que les armes soient enregistrées. Les mesures liées à l'enregistrement sont importantes, car elles facilitent le travail des policiers et des intervenants quand on sait qu'une personne est en crise et qu'elle pense au suicide et qu'on peut la protéger d'elle-même.
    Actuellement, au Canada, il n'y a pas moyen de savoir combien d'armes peuvent être en possession d'une personne en détresse. De manière à assurer la sécurité des occupants d'un domicile, les policiers doivent détenir cette information. Elle permet d'identifier les propriétaires légaux, facilite la traçabilité des armes et responsabilise davantage les propriétaires.
(1220)
    Voici quelques données probantes sur l'efficacité d'un enregistrement pour prévenir les suicides.
    Selon l'Institut national de santé publique du Québec, entre 1998 et 2011, années durant lesquelles le Registre canadien était en vigueur, le nombre de suicides par arme à feu, au Québec, est passé de 283 à 131 annuellement. C'est une baisse de 53 %. On n'a aussi noté aucune substitution vers un autre moyen, puisque le nombre de suicides par tous les moyens autres que l'arme à feu a également diminué. C'est 150 suicides de moins par arme à feu chaque année. On parle beaucoup des coûts du Registre, mais le suicide entraîne également des coûts importants pour l'ensemble de la société canadienne. Selon des études, on évalue le coût d'un suicide pour la communauté entre 600 000 $ et 1 million de dollars.
    Nous croyons que le projet de loi C-71 devrait être amendé afin de: resserrer les critères d'admissibilité et de renforcer le processus de dépistage des candidats pour l'obtention, le renouvellement et le maintien des permis de possession; inclure dans les nouveaux contrôles sur la vente d'armes non restreintes le signalement aux autorités des ventes prévues; permettre l'accès facile et rapide par les policiers aux données sur les ventes d'armes sans obstacles procéduraux, tels que l'obtention d'une autorisation judiciaire; réinstaurer les permis de transport d'armes restreintes afin qu'ils précisent les lieux spécifiques où est autorisée la présence de l'arme; veiller à ce que les armes d'assaut soient interdites; et réviser les dispositions concernant les chargeurs à grande capacité, de manière à imposer une limite réelle de cinq ou dix cartouches respectivement pour les armes à autorisation non restreinte et restreinte, en éliminant les échappatoires et en interdisant celles qui sont facilement modifiables pour dépasser la limite légale. En ce sens, nous appuyons entièrement les recommandations de PolySeSouvient.
    En conclusion, le suicide est une cause de décès évitable. Ce n'est pas un hasard si l'on a pu réduire de près du tiers le nombre de suicides au Québec entre 2000 et 2008. Cette importante baisse s'explique par l'effet combiné d'une multitude de mesures, dont le contrôle accru de l'accès aux armes à feu. La baisse du nombre de suicides commis par ce moyen le démontre très bien.
    Des centaines de Québécois et de Canadiens qui ont pensé sérieusement au suicide sont encore en vie aujourd'hui et contents de l'être parce que, dans un moment de désespoir, ils n'ont pas eu accès à ce moyen pour commettre ce geste irréparable.
    Je vous remercie.
(1225)
    Merci, monsieur Gaudreault.

[Traduction]

    Monsieur Fragiskatos, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici.
    Madame Irons, je commence par vous.
    Votre point de vue est très important. Je vous remercie de votre récit courageux. Il est particulièrement important à mes yeux, parce que vous avez été directement victime de la violence armée. Dans votre exposé, vous avez parlé de l'acquisition légale d'armes et de l'emploi de ces armes dans des actes violents. Des adversaires du projet de loi invoquent — presque sans réfléchir, par une sorte de réflexe — l'aveuglement du projet de loi à l'existence des gangs, à leur violence, à la criminalité. Des gangs participent visiblement à la distribution des armes à feu, c'est indéniable. Notre gouvernement a introduit des mesures pour la contrer, indépendamment du projet de loi C-71.
    Pourriez-vous répondre à l'argument de ces adversaires du projet de loi? Quand ils disent que n'ayant rien à voir contre les gangs, que permet donc le projet de loi?
    Dans mon exposé, j'ai affirmé que j'en apprenais toujours plus... Un ami qui a été enquêteur aux homicides à Vancouver me dit que récemment, dans l'agglomération de cette ville, près d'une fusillade par jour était liée à la violence des gangs. J'ai dit que, d'après mes recherches et ce que j'ai compris, la police de Toronto constate que, comme il devient plus difficile, à la frontière, de faire entrer des armes au Canada, de plus en plus d'armes acquises légalement au Canada auprès de citoyens canadiens prétendument irréprochables sont vendues à des criminels et à des gangs. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais c'est ce que mes recherches m'ont permis de comprendre.
    En effet, cela correspond à certains autres témoignages que nous avons entendus. Trente pour cent des violences armées se commettent avec des armes d'épaule, la plupart acquises légalement.
    Je tiens à soulever un autre point de vue fréquent des adversaires du projet de loi. Nous avons entendu, aujourd'hui, des observations, en fait, de mes amis d'en face selon qui le projet de loi C-71 impose des tracasseries administratives aux propriétaires d'armes respectueux de la loi. Comme vous le savez, il exigerait que les vendeurs conservent des renseignements sur leurs ventes d'armes, notamment la date de la vente, le numéro de permis de l'arme, sa marque et son modèle. La plupart le font déjà volontiers, parce que c'est une pratique exemplaire, mais, sous le régime du projet de loi, elle deviendrait obligatoire.
    Pour vous qui êtes une victime directe de la violence, est-ce une question de tracasserie administrative? Que répondez-vous à cette sorte d'argument? Je le trouve absurde, mais je tiens à connaître votre opinion.
    Laissez-moi réfléchir un moment.
    Je pense que l'argument est en partie que le lobby des armes à feu au Canada, tel qu'il était — et quel que soit le nom que vous voudriez lui donner — prétend que c'est en fait une opération de saisie des armes à feu des citoyens respectueux de la loi et le retour de l'ancien registre des armes d'épaule. Nulle part je n'ai entendu que c'était l'intention.
    Par exemple, dans le cas de ma fille, sans suivi de l'arme à feu... En fait, souvenez-vous qu'il s'est muni de deux armes. Il vivait dans une maison qu'il partageait avec ses parents. Quand il a acheté ces armes, lui et le vendeur ont omis d'enregistrer le transfert dans le système des armes à feu, contrairement à ce qu'ils étaient censés faire. Cette arme, s'il n'avait pas été capturé ou s'il ne s'était pas suicidé, aurait pu avoir été attribuée à n'importe qui dans le ménage. S'il n'était pas mort, il aurait été presque impossible de déterminer le propriétaire de cette arme à feu contre qui on devait porter des accusations.
    Encore une fois, comme je dois réfléchir tout en vous répondant, ma réponse n'est peut-être pas la meilleure. J'ai toujours cru que faute de pouvoir suivre cette arme à feu, nous ne pourrions pas la relier, dans certains cas — particulièrement dans un ménage nombreux ou dans une sorte de collectivité — à son responsable à titre de propriétaire.
    Vos réponses sont très claires, et votre témoignage est édifiant pour notre comité. La mesure particulière dont il est question ici vise à nous assurer que nous pouvons donner à la police les outils dont elle a besoin pour ce suivi. Je pense que c'est une méthode très rationnelle et je voulais connaître aussi le point de vue d'une victime.
    Monsieur Gaudreault, vous avez parlé de l'importance de la vérification des antécédents, mais je me demande si vous pouviez parler de l'importance des renseignements portant sur la santé mentale dans le cadre de ces vérifications, dans l'ensemble du dossier.
(1230)

[Français]

     Oui, absolument.
    Il est très important de connaître l'historique de santé mentale de la personne qui fait une demande de permis pour avoir accès à une arme à feu. Il s'agit, en effet, d'un facteur de risque. On évalue que, dans à peu près 90 % des cas de suicide, il y a présence d'un trouble de santé mentale, que ce soit un trouble de santé mineur allant de la dépression, l'anxiété et le stress à des troubles majeurs, comme la schizophrénie et le trouble de la personnalité limite. Il s'agit donc d'un facteur de risque très important, quoiqu'il faille quand même rappeler que ce n'est pas parce qu'on souffre d'un trouble de santé mentale qu'on va nécessairement en arriver au suicide. Dans la majorité des cas, les gens n'iront pas jusqu'au suicide, mais il reste que c'est un facteur de risque.
    Lorsqu'on fait une enquête pour savoir si une personne peut avoir accès à une arme à feu, il faut prendre en compte ces risques, et l'historique de santé mentale d'une personne est un élément à prendre en considération.

[Traduction]

    Merci, monsieur Gaudreault.
    Dans le même esprit que celui de ma question à Mme Irons, sur les tracasseries administratives, que pensez-vous de ce genre de position?

[Français]

    Il est certain que, du point de vue du propriétaire d'armes à feu qui, dans la majorité des cas, respecte les lois, cela peut être considéré comme des tracasseries administratives ou de la paperasserie. Cependant, à mon avis, compte tenu du fait que la possession d'armes à feu n'est pas un droit mais un privilège et que cela amène un risque pour la santé de la population, il faut se donner l'ensemble des moyens nécessaires pour assurer la sécurité du public.
    Mettre en place un registre et mener une enquête de sécurité sur l'historique de la personne sont des mesures qui permettent d'assurer, ou du moins d'améliorer, la sécurité d'une personne et de vérifier si cette personne agira de manière responsable en présence d'une arme à feu.

[Traduction]

    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur Motz, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être ici.
    Monsieur Gaudreault, dans une étude publiée dans le Harvard Journal of Law & Public Policy, même s'il existait un lien évident entre le taux de possession d'armes à feu et le taux de suicide par armes à feu, il n'existe aucun lien entre le taux de propriété d'armes à feu et le taux global de suicide.
    Maintenant, même s'il est logique de supposer que la possession d'une arme à feu pourrait pousser le propriétaire suicidaire à agir plus rapidement, les faits semblent le démentir. Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que des facteurs sociaux plus complexes que la seule présence d'une arme à feu influent sur les taux de suicide?

[Français]

     En fait, selon les études dont nous disposons, la présence d'une arme à feu dans une résidence augmente de cinq fois le risque de suicide.
    Les données présentées par l'Institut national de santé publique du Québec démontrent que le nombre de suicides par armes à feu, au Québec, a diminué de 53 % entre 2000 et 2008. L'Institut national de santé publique du Québec évalue que la moitié de cette baisse est spécifiquement liée à la mise en place d'un registre canadien des armes d'épaule.
    Pourquoi est-ce le cas? Le fait de mettre en place ces mesures peut effectivement être considéré comme des tracasseries, mais cela responsabilise les propriétaires quant à l'entreposage sécuritaire des armes. Lorsque les policiers doivent intervenir en situation de crise, le temps est très limité et ils ont besoin d'un maximum d'informations pour paramétrer leurs interventions. Le fait de bénéficier de ces informations permet, selon moi, d'augmenter la sécurité.

[Traduction]

    Merci.
    Vous avez dit, tout à l'heure, que 90 % des cas de suicide coïncidaient avec la maladie mentale. Croyez-vous que le projet de loi va suffisamment loin pour retirer les armes à feu des mains de malades mentaux, pour leur protection contre eux-mêmes et la protection d'autrui? Ensuite, appuieriez-vous la saisie des armes à feu que possèdent des individus détenus pour leur propre protection sous le régime d'une loi provinciale sur la santé mentale?
(1235)

[Français]

    Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Effectivement, nous appuyons et nous recommandons le retrait des armes lorsqu'elles sont en la possession de personnes qui présentent un risque. Selon ce que je sais, le processus, au Québec, est relativement simple: on peut faire une dénonciation auprès des autorités policières, qui pourront intervenir auprès de la personne propriétaire d'armes qui est à risque. Généralement, cette personne va agir de manière volontaire et va accepter de remettre ses armes.
    Pour ce qui est de savoir si le projet de loi va assez loin, je dirai qu'il est probablement possible de faire davantage de vérifications auprès des demandeurs de permis d'armes à feu, donc de remonter plus loin dans l'historique de la personne, ainsi que de permettre que les enquêtes de sécurité soient faites de manière plus approfondie. Cela peut e faire par téléphone auprès de la personne, mais aussi auprès de son entourage.

[Traduction]

    Cela étant dit, comment trouver le juste milieu entre la vigilance pour garder les armes à feu hors de la portée des personnes, apparemment malades mentales, et la poursuite de la jouissance tranquille de la chasse sportive par les personnes qui cherchent de l'aide pour des problèmes de santé mentale, de crainte de les rejeter dans la clandestinité ou le silence? Comment le faire de façon responsable?

[Français]

    C'est une bonne question.
    Je vais être honnête avec vous, je n'ai pas nécessairement d'opinion à ce sujet.
     À mon avis, une personne qui souffre d'un trouble de santé mentale, malgré le fait qu'elle veuille profiter d'activités telles que la chasse ou autre chose, ne devrait pas avoir d'arme en sa possession.
    Par contre, il est très important de ne pas stigmatiser les personnes qui ont un historique de troubles de santé mentale. Une personne peut vivre un épisode de troubles de santé mentale ou avoir une crise suicidaire et s'en remettre complètement. Il faut s'assurer que la personne s'est rétablie avant de lui permettre d'exercer son droit.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Irons, je vous remercie d'être ici. Tout d'abord, veuillez accepter nos condoléances pour la perte horrible de votre fille. Vous êtes courageuse d'être ici. Vous l'êtes aussi pour participer au processus politique, et je vous en félicite. Malgré les désaccords, parfois, je conserve toujours l'opinion qu'il importe que les victimes de la criminalité aient voix au chapitre et qu'elles soient entendues dans le processus politique.
    Je voudrais vous questionner sur les efforts pour garder les armes à feu hors de la portée des individus dangereux comme l'assassin de votre fille.
     Même si le projet de loi autorise la vérification initiale des antécédents, pour élargir la recherche à toute la vie du demandeur de permis, il ne fait rien pour vraiment améliorer la vérification continue de l'admissibilité ou interdire la possession d'armes à feu aux personnes reconnues coupables de sévices graves à la personne, d'infractions liées aux drogues, comme ça vous est arrivé, ou d'infractions commises par des gangs ou des personnes détenues conformément à une loi provinciale sur la santé mentale. Appuieriez-vous des mesures, comme je l'ai demandé à d'autres témoins, pour que le projet de loi énonce de telles exigences?
    Ayant été fonctionnaire pendant la plus grande partie de ma vie active, je sais notamment qu'un projet de loi n'est pas plus que ça et qu'il doit s'appuyer sur des règlements, des politiques et un processus de mise en oeuvre. À mon avis, quand le seul projet de loi renvoie, par exemple, à la vérification des antécédents, il ne constitue qu'une première étape. Il reste du travail à faire sur les modalités de sa mise en oeuvre.
    Je me rappelle qu'en de nombreuses occasions, pendant ma carrière de fonctionnaire, quand le gouvernement voulait faire adopter un projet de loi, nous utilisions l'expression « à balancer au suivant » pour que les fonctionnaires trouvent comment appliquer des détails pratiques. Je pense qu'il faut plus que se demander si le projet de loi permettra telle mesure ou telle autre.
    Cependant, mon parti pris personnel m'amène a croire qu'il n'aurait pas dû y avoir de pouvoir discrétionnaire pour permettre au contrôleur des armes à feu de fermer les yeux sur l'échec à l'étape A, quand le demandeur possède un casier judiciaire, comme l'assassin de ma fille, à qui il le lui avait caché, quand il a commis un crime de violence grave contre la personne qui a été négocié très à la baisse, plus d'autres faits comme le trafic de drogues, surtout, avez-vous dit.
    Pour autant que je le sache... et, encore une fois, à cause de la loi sur la protection des renseignements personnels en vigueur en Ontario et dans beaucoup d'autres provinces, je n'ai pas réussi à obtenir de renseignements sur les autres mesures prises pour vérifier ses antécédents, si ce n'est qu'on l'a interrogé. Je n'ai pas réussi à trouver si ses références étaient sa mère ou son meilleur ami, qui, lui, avait des antécédents de violence familiale, mais je sais bien, pour en avoir discuté avec lui, que l'agent qui l'a arrêté dans cette affaire d'enlèvement n'a jamais été contacté par le contrôleur des armes à feu et qu'il a été scandalisé par le fait que personne ne l'avait contacté pour s'informer sur le contexte de ces infractions. Je pourrais ajouter qu'il a été encore plus scandalisé d'apprendre que c'est avec cette arme qu'il a tué ma fille.
    Merci.
(1240)
    Merci, monsieur Motz, madame Irons.
    Monsieur Dubé, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Gaudreault, madame Irons, merci d'être ici.
    Je tiens à faire miennes les positions exprimées dans les commentaires, visiblement, et offrir mes condoléances, mais, aussi à vous remercier aussi pour votre service dans la GRC. Je pense, en lisant votre mémoire, que vous avez parlé de mettre à contribution vos talents d'enquêteuse. C'est visible que vous avez réussi, et vous êtes généreuse aussi de remarques vraiment intéressantes.
    Notamment, et je tiens à y revenir, vous faites remarquer, dans les recommandations, que, si je ne m'abuse, l'une des références mentionnées dans la demande de permis possédait aussi un casier judiciaire. Est-ce exact?
    Je dois préciser, comme je viens de le dire, que, à cause de la loi sur la protection des renseignements personnels en vigueur en Ontario, je n'ai pas été en mesure de découvrir exactement qui étaient ces personnes, mais, pour la demande de ce permis, on n'impose actuellement pas de conditions très rigoureuses. N'importe qui, les conjoints exceptés, peut être nommé comme référence dans la demande de ce permis — mère ou meilleur ami. D'après moi, ces personnes sont très souvent susceptibles de mentir pour le demandeur ou de minorer une partie de ses antécédents, s'ils sont criminels ou s'ils concernent la santé mentale ou d'autres faits.
    Vous avez dit que ses crimes avaient été ravalés au rang d'infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité au lieu d'être considérés comme ce qu'ils étaient vraiment, mais la personne, à la fin du processus, le contrôleur des armes à feu, aurait-il pu quand même constater leur vraie nature ou est-ce que ces renseignements étaient aussi gardés secrets?
    Dans cette affaire, je ne sais pas vraiment si tout ce qui a été fait... Je sais, parce qu'il a été longuement interrogé, qu'il aurait vu un clignotant du système, ce qu'on appelle un échec à l'étape A. C'est ce qui a hâté l'interrogatoire. Cependant, je ne peux pas déterminer, en raison de la protection des renseignements personnels, si la seule autre vérification a été faite dans le CPIC ou dans le SCIRAF.
    Par exemple, j'ignore si on a lu les rapports des avocats de la Couronne. Je sais que le policier de Kingston qui l'a arrêté pour ces infractions, comme je le dis, n'a jamais été interrogé. J'ignore le sérieux de la vérification des antécédents et je comprends que, très souvent, on ne contacte pas les références et que, ensuite... — désolée, j'ai perdu un moment le fil de ma pensée — on ne se prive pas de faire appel à des bénévoles, parfois, pour vérifier les références. Dans ce cas, j'ignore qui l'a fait. J'ai bien essayé de le découvrir, mais je n'ai pas réussi.
    Mais il y a clairement eu un élément déclencheur qui a sonné l'alarme et qui a donné lieu à un processus plus approfondi qu'une demande ordinaire.
    Oui, je suis certaine que les condamnations pour séquestration et agressions ont entraîné un manquement de stade A.
    Il y a certainement des lacunes qu'il faut combler. Je me demande, d'après votre expérience, dans cette horrible situation et dans votre travail avec la GRC, si une autre mesure législative que le Comité a étudiée... Vous avez mentionné le CIPC, que vous avez abordé brièvement dans votre mémoire, et il y a aussi les renseignements désuets et les différences interprovinciales qui peuvent présenter des difficultés.
    N'êtes-vous pas d'accord que des efforts pour améliorer ce type d'infrastructures et des changements additionnels à la façon dont ces vérifications sont effectuées seraient très utiles pour contribuer à ce processus et essayer de combler ces lacunes?
    Ce que j'ai été en mesure d'établir, et que j'ai également confirmé auprès du directeur en chef de la Direction des enquêtes criminelles de la Police provinciale de l'Ontario, c'est que dans les grandes instances judiciaires comme celles de la région du Grand Toronto, les renseignements relatifs au casier judiciaire ou les renseignements sur les accusations et sur la violence familiale sont transmis par voie électronique au CIPC ou au SCIRAF. Dans les régions de plus petite taille, ils sont souvent envoyés en format papier.
    Dans le cadre de l'expérience que j'ai acquise au gouvernement, j'ai constaté que cela engendre souvent des retards dans la saisie des données et du gaspillage de papier. Dans les petites collectivités ou les collectivités éloignées, certaines instances judiciaires n'envoient aucune donnée. Par conséquent, en raison des lacunes qui existent dans le système à l'heure actuelle — et par système, j'entends le système canadien d'information relativement aux armes à feu —, des permis sont délivrés à partir de renseignements incomplets ou désuets.
    Aucun membre de ce comité ne sera étonné d'apprendre qu'il y a des retards chroniques dans la capacité de la GRC de tenir à jour le CIPC. Je crois que le retard a toujours été d'environ six mois. Je ne sais pas si c'est toujours le cas à l'heure actuelle.
(1245)
    Je m'excuse de vous interrompre, mais il ne me reste que peu de temps.

[Français]

     J'aurais une question à vous poser, monsieur Gaudreault.
    J'ai eu la chance, par l'entremise de l'étude du projet de loi C-71, de poser des questions à certaines personnes sur ce qui a été baptisé la « loi Anastasia », au Québec. Il y a des gens, ailleurs au Canada, qui se demandent s'il faudrait envisager quelque chose de semblable. Toutefois, il semblerait y avoir aussi des échappatoires dans le cadre de cette approche, quand il s'agit de signaler des cas problématiques.
    Pouvez-vous nous parler un peu de cette expérience? Cela pourrait nous être utile, si nous mettons en avant le projet de loi C-71, entre autres, pour bien comprendre ce dilemme un peu éthique pour un psychologue ou un autre professionnel médical qui voudrait donner des informations pour empêcher une tragédie ou de la violence.
    Je ne suis pas très au courant de l'ensemble des éléments liés à la « loi Anastasia ». Notre spécialité touche vraiment la prévention du suicide. Toutefois, à mon avis, quand vient le temps de considérer les aspects de sécurité, la confidentialité n'est pas la priorité. En effet, on se doit de dénoncer les risques, si l'on considère qu'ils sont présents.
    Je prends en exemple un article qui est paru dans La Presse+, récemment, sur le processus de vérification des permis d'armes à feu. Au Québec, on constate que le Bureau du contrôleur des armes à feu fait appel aux répondants qui sont identifiés. On pose des questions spécifiques à savoir si la personne a un intérêt marqué pour les actes de violence, pour le terrorisme ou si elle est associée à des groupes précis dans la région. Des questions quand même très précises sont donc formulées et permettent d'évaluer la situation avec justesse.
     À mon avis, malgré le fait qu'il y a des enjeux de confidentialité, on se doit de creuser le sujet le plus possible.
    C'est très bien. Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Dubé.

[Français]

    Monsieur Picard, vous disposez de sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Gaudreault.
    Avant d'arriver au cas grave de Mme Irons, commençons par des cas plus conventionnels en ce qui concerne le processus du suicide.
    On a dit que l'acquisition et la possession d'armes relevaient d'un privilège et non d'un droit.
     L'effet déclencheur d'une envie suicidaire varie grandement. On comprend que la maladie mentale peut en être un. Cela dit, le jour où on perd son emploi ou qu'on vit une séparation, cet événement qui, pour une personne, est plus ou moins grave en fonction de son seuil de tolérance, peut déclencher une dépression et une série d'événements qui vont mener au suicide.
    Devrait-on alors vérifier systématiquement si la personne qui est en crise a des armes et, à ce moment-là, lui retirer ses armes automatiquement? Cela devrait-il être une procédure quasi automatique?
    En effet, c'est une procédure normale lorsqu'il y a connaissance de la présence d'armes et qu'on sait que la personne présente un risque suicidaire.
     Je vous donne l'exemple des intervenants qui travaillent en prévention du suicide au Québec. Lorsqu'ils rencontrent une personne, ils lui demandent si elle a des armes à feu chez elle et si elle a accès à un moyen de s'enlever la vie. C'est l'une des premières questions qu'ils lui posent. L'arme à feu est un moyen très létal. On prend donc la peine de vérifier spécifiquement cet élément. Si la personne répond par l'affirmative, on lui demande de remettre volontairement ses armes. On lui demande si elle accepte qu'on lui retire ses armes. Généralement, la personne accepte. Si la personne refuse, alors il y a une dénonciation aux autorités.
    D'accord.
    Comment gère-t-on l'équilibre? On souhaite toujours le mieux pour les personnes en crise. La réhabilitation est donc toujours souhaitable, ou souhaitée, ajouterais-je, pour avoir vécu un cas similaire. Puisque la possession d'armes est un privilège, est-ce que, malgré la réhabilitation, vous insisteriez pour que la personne n'ait plus accès à une arme à feu?
     C'est une bonne question, et honnêtement, je n'ai pas de réponse précise à vous offrir à ce sujet. Cela dit, il faut s'assurer qu'il y a un délai assez important avant que la personne puisse récupérer son arme. Une évaluation médicale doit démontrer que cette personne ne souffre plus de troubles de santé mentale et n'a plus d'idées suicidaires. Dans ce cas, on pourrait effectivement considérer cette possibilité.
    Dans les exemples personnels de dépression qui ont été relatés, la personne était confrontée à elle-même. Ce que nous voyons de plus en plus, depuis plusieurs années — c'est devenu quasiment systématique —, ce sont des attaques armées suivies d'un suicide.
    Quelle progression suivent ces cas, qui sont à l'image de ce que Mme Irons a vécu?
(1250)
    Qu'entendez-vous par progression?
    J'ai l'impression que, depuis 10 ans environ, il est de plus en plus courant que quelqu'un agresse une personne au moyen d'une arme et se suicide par la suite. On peut penser ici à des tueries qui ont eu lieu aux États-Unis ou à un cas comme celui vécu par Mme Irons et par bien d'autres également. Je n'ai peut-être pas réalisé l'ampleur de ce problème à l'époque, mais il me semble qu'il était moins courant il y a 15 ans. Maintenant, c'est presque systématique: on fait du mal avant de s'enlever la vie.
    Quel processus devrions-nous comprendre et comment fonctionne-t-il?
    Je ne possède pas de connaissances précises sur tous les processus liés aux homicides et aux suicides. Le processus diffère en effet dans le cas d'une personne suicidaire. Il n'empêche qu'une souffrance importante est présente. Par contre, si on parle de données, j'ai l'impression qu'il y a une certaine stabilité. La différence est qu'on médiatise davantage le phénomène.
    D'accord.
    Vous avez dit que le registre avait suscité une certaine responsabilisation.
    Les pratiques commerciales dont nous nous sommes inspirés, notamment pour s'assurer que les vendeurs d'armes gardent dans leurs propres registres l'information sur les ventes, vont-elles aussi susciter une certaine responsabilisation? Vous avez fait allusion à cette responsabilisation plus tôt.
    À mon avis, cela permet d'établir un certain état, un certain contexte. La personne qui veut acquérir des armes constate que des mesures de sécurité assez importantes sont en vigueur. Ce n'est pas facile d'obtenir un permis. Ce n'est pas nécessairement facile d'acheter une arme. Cela permet de sensibiliser le propriétaire d'arme à la dangerosité et à la létalité du produit qu'il achète et de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer d'une meilleure sécurité.
    Madame Irons, je veux d'abord vous dire que je me sens impuissant devant votre situation, le courage dont vous faites preuve et la douleur que vous vivez. Je vais vous demander de m'aider à orienter mon approche.
    Le problème — trop courant — auquel nous faisons face, dans ce cas précis, est que les armes longues sont légales et accessibles partout. On pourra adopter toutes les lois qu'on voudra, mais j'ai l'impression qu'on ne pourra jamais empêcher l'usage des armes longues, qui sont normalement accessibles. Elles font d'ailleurs l'objet de plus en plus d'entrées par effraction et de vols, justement pour commettre des attaques armées.
    J'ai un dilemme. Je ne sais trop comment aborder la question des armes longues, qui sont un élément courant de la vie. Tout le monde en possède. Dans les milieux ruraux, c'est commun, pour des raisons bien définies. Certains en possèdent pour des raisons culturelles ou historiques, d'autres pour le sport et d'autres encore pour la chasse. Pour ma part, je ne chasse plus, mais cela n'a pas d'importance.
    Comment devrions-nous aborder la question des armes longues? Nous sommes en quelque sorte dans un cul-de-sac. Nous n'avons pas de solution à court ou à moyen terme.

[Traduction]

    Il faudrait que je réfléchisse davantage à cette question, mais je peux vous dire ceci. J'entends souvent parler des droits des chasseurs et des éleveurs dans les régions rurales de protéger leurs biens, notamment. En fait, lorsque le registre des armes d'épaule a été aboli, un mémoire présenté au Comité à ce moment-là faisait état que les femmes dans les régions rurales qui sont victimes de violence conjugale sont beaucoup plus effrayées s'il y a une arme d'épaule dans leur demeure qui pourrait être utilisée dans les actes de terreur dont elles sont la cible. Autrement dit, elles sont souvent menacées avec cette arme d'épaule, où leur conjoint leur dit, « Si tu ne fais pas ce que je te dis de faire, je vais t'abattre ».
    Ce qui me fruste au plus haut point, c'est que nous continuons d'entendre parler des droits des chasseurs et des éleveurs de défendre leurs biens, ce à quoi, soit dit en passant, je ne m'oppose pas. Je n'essaie pas d'éliminer toutes les armes, mais qu'en est-il des droits des femmes et des enfants d'être traités sur un même pied d'égalité en vertu de la loi et d'être protégés contre l'utilisation de ces armes d'épaule pour les tuer? Je n'entends pas ces arguments dans le cadre du débat.
    Merci, monsieur Picard et madame Irons.
    Monsieur Calkins, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Nous avons entendu des témoignages intéressants aujourd'hui. Merci à vous deux d'être ici.
    J'ai une question pour vous, monsieur Gaudreault. Je vais commencer avec vous. L'une de mes préoccupations et l'un des points que j'entends depuis que je suis député, c'est qu'il y a parfois une méfiance qui existe entre le public et le gouvernement. L'une des choses dont les électeurs que je représente se méfient le plus, les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois, et c'est une source de méfiance qu'ils ont à l'égard du gouvernement, a trait au processus de classification.
    Je suppose que ma question s'adresse à vous. S'il y avait un protocole en place en vertu duquel la confiscation ou la saisie d'armes à feu se faisait automatiquement en fonction de considérations liées à la santé mentale — si une personne a consulté un médecin ou est allée chercher de l'aide pour traiter certains des éléments déclencheurs pour prévenir le suicide, notamment —, ce protocole de confiscation automatique ne découragerait-il pas les gens, dans certains cas, d'obtenir l'aide dont ils ont besoin? Je me demande si, dans l'optique de faire plus de bien que de mal, c'est la bonne approche à adopter. Avez-vous des renseignements pour m'aider à comprendre?
(1255)

[Français]

     À savoir si on doit effectivement confisquer les armes à feu des personnes qui présentent un risque, la réponse est oui. Il faut encourager toute mesure qui permette, de façon volontaire ou à la suite d'une dénonciation, de saisir les armes à feu d'une personne vulnérable qui risque de se suicider.

[Traduction]

    N'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que si ce protocole est automatique, des gens seront méfiants à l'idée que le gouvernement puisse s'immiscer dans leur vie de cette manière — car la saisie de biens appartenant à des particuliers est une source de préoccupation pour de nombreuses personnes —, et pensez-vous que ce processus découragera les gens d'obtenir l'aide dont ils ont besoin?

[Français]

    Je ne suis pas certain d'avoir saisi le sens de votre question. Cependant, je crois que la majeure partie de la population souhaite qu'il y ait des mesures de sécurité pour les armes à feu, et ce, malgré le fait que les opposants à toute forme de contrôle des armes à feu fassent valoir leur point de vue haut et fort.
    Je crois que la majorité des Canadiens veulent que des mesures de sécurité soient mises en place. À mon avis, les Canadiens sont tout aussi favorables à la saisie des armes et à la vérification des antécédents des futurs propriétaires d'armes avant l'obtention de leur permis, car ce sont des mesures qui vont améliorer la sécurité.

[Traduction]

    Étant moi-même un propriétaire d'armes à feu respectueux des lois, je conviens que chaque fois qu'une personne commet un acte illégal avec une arme à feu, on remet alors en doute le processus, ce qui me complique la vie en tant que citoyen respectueux des lois. C'est une source de frustration pour moi. Je veux moi aussi m'assurer que nous ferons ce qui s'impose. Je suis directement concerné par ce dossier, mais au nom des gens que je représente, je veux m'assurer que la mesure législative est adéquate.
    Je vais maintenant m'adresser à vous, madame Irons. Merci de votre témoignage d'aujourd'hui.
    Vous avez travaillé neuf ans à la GRC. Est-ce exact? Vous avez mentionné que vous avez eu une longue carrière dans la fonction publique. J'utilise ces termes parce que ce sont les termes que vous avez utilisés.
    Tout à fait. J'aime croire que nous travaillons main dans la main.
    Vous parlez d'une personne Y, et je vais utiliser cette même expression. Lorsque je regarde la chronologie que vous avez présentée, vous avez dit que neuf ans avant que l'individu Y ait commis le crime, il a fait l'acquisition du fusil de chasse et de l'autre arme d'épaule. Est-ce exact?
    Oui.
    Votre fille a été assassinée en 2013. Est-ce exact?
    Oui.
    À ce moment-là, la personne Y a dû passer par un processus...
    Un renouvellement.
    ... qui a été mis en place par le parti qui est actuellement au pouvoir et qui est en train de modifier la loi. Le registre des armes d'épaule était en place.
    Oui.
    Le système d'octroi de permis et d'acquisition a été mis en place en vertu du projet de loi C-68 à ce moment-là?
    Oui.
    Or, dans votre témoignage, vous avez critiqué sans arrêt ce processus qui a lamentablement échoué pour garder votre fille en vie.
    Oui.
    Je veux faire ce qui s'impose. Je sais que mes collègues d'en face veulent faire les choses correctement.
    Vous avez formulé quelques recommandations, selon lesquelles le contrôleur des armes à feu de la Police provinciale de l'Ontario... C'est ce que je crois comprendre. Ai-je raison?
    Continuez votre phrase, car je veux savoir à qui vous faites référence lorsque vous parlez du contrôleur des armes à feu.
    Le contrôleur des armes à feu a sans doute eu un rôle à jouer dans la délivrance, l'octroi, du permis.
    Oui, absolument.
    Je pense que c'est là où le bât blesse.
    Lorsque M. Goodale a comparu devant le Comité la semaine dernière, je lui ai demandé... J'ai dit qu'il pourrait obtenir le consentement unanime à l'égard de ce projet de loi si nous réglons le processus de la délivrance des permis et les vérifications des antécédents, en les élargissant et en les renforçant, et laissons tomber les autres éléments. Je lui ai demandé s'il serait d'accord pour procéder ainsi, et il a répondu non. Seriez-vous...
    Monsieur Calkins, votre temps de parole est écoulé malheureusement. C'est une question importante, et je suis certain que Mme Irons aimerait y répondre. Durant les dernières minutes qui seront accordées à Mme Dabrusin, vous pourriez peut-être y répondre, si Mme Dabrusin le veut bien.
    Je vous donne la permission de répondre à cette question; nous pouvons commencer avec cela.
    Je suis totalement contre le pouvoir délégué des contrôleurs des armes à feu de faire fi des manquements de stade A pour un individu qui a ce genre d'antécédents.
    Toutefois, comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas la seule difficulté à laquelle nous sommes confrontés dans le système de délivrance des permis à l'heure actuelle, à savoir le Système canadien d'information relative aux armes à feu. Je pourrais continuer longtemps, et j'essaie d'être succincte dans mes remarques, mais une source m'a dit que les forces policières au Canada et de nombreux agents de police ne connaissent pas suffisamment les codes à utiliser dans les rapports d'incident pour consigner une infraction avec arme à feu dans le système d'information sur les armes à feu. C'est une lacune. L'incapacité de notre infrastructure sur le plan technologique au pays dans les régions de petite taille de consigner des données dans les systèmes constitue une lacune importante. Ce n'est pas seulement une question de vérifications des antécédents. Ce sont tous les soutiens sous-jacents.
(1300)
    Vous avez abordé plus tôt le fait que la réglementation joue un rôle important aussi.
    Absolument.
    Je vais vous laisser le temps de fournir des explications plus détaillées, mais vous pourriez peut-être nous fournir une réponse par écrit si vous avez des suggestions que vous aimeriez que nous examinions. Quelles dispositions devrait-on inclure dans la réglementation pour rendre la mesure législative plus exhaustive, d'après vous? Vous avez environ 30 secondes pour répondre.
    Certaines de ces suggestions se trouvent dans mon mémoire. Il y a notamment les références que vous pouvez inscrire sur une demande de permis de possession et d'acquisition. Je ne pense pas que ces personnes devraient être des membres de la famille immédiate ou des amis proches. Les exigences relatives au passeport sont plus strictes, mais on ne peut pas tirer sur quelqu'un avec un passeport.
    J'ai mentionné la dérogation du manquement de stade A et les données dans le système, et j'ai également lu, par exemple — bien que ce ne soit pas confirmé et que c'était dans des articles de journaux —, qu'en raison des niveaux de ressources, on communique rarement, voire jamais, avec les références. Je ne sais pas quel type de validation est effectuée pour s'assurer qu'il est approprié pour une personne qui demande un permis de possession d'une arme à feu de fournir une référence. Il y a de nombreux points que je pourrais aborder.
    Je pense que mon temps de parole est écoulé, mais vous pouvez également nous fournir plus...
    Merci, madame Dabrusin.
    Madame Irons et monsieur Gaudreault, merci d'avoir comparu au Comité et d'avoir contribué à notre étude.
    Avant de lever la séance, chers collègues, je vous signale que j'ai l'intention de présenter à la Chambre le rapport unanime du Comité et, avec votre permission, je vais suggérer que l'on convoque le directeur des services correctionnels au Comité à l'automne pour qu'il puisse répondre au rapport.
    Quand allez-vous le déposer?
    Je vais le faire demain.
    Je suggère qu'à l'automne, le directeur ou la directrice comparaisse devant le Comité et réponde aux questions des membres pour que nous puissions obtenir de vraies réponses.
    Sur ce, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU