Passer au contenu

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 136 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Chers collègues, la séance est ouverte. Je vois qu'il n'est pas loin de 15 h 30; nous pouvons donc commencer. C’est la fin de la session, et je constate qu’il y a quorum. Nous pouvons donc procéder.
     Avant de donner la parole à nos témoins, j’aimerais dire à mes collègues que j’ai reçu une lettre de Lene Vagslid, du Comité permanent de la justice du Parlement norvégien, qui nous remercie de l'avoir accueillie récemment, de notre contribution à sa visite et de l’information mutuelle sur le travail qu’ils accomplissent.
    N’y a-t-il pas d’invitation à y aller?
    Je pense que j’accepterais une motion en ce sens. Je la trouverais même recevable sans hésiter et j’insisterais pour que le Parlement la finance. Sinon, il faudrait que vous vous chargiez du financement, monsieur Picard.
    Sur ce, je souhaite la bienvenue à nos témoins. La Société John Howard est représentée par Catherine Latimer et Lawrence Da Silva, qui sont tous deux ici. Et l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry est représentée par Savannah Gentile et Alia Pierini.
    Je vous donne la parole, dans l’ordre où vous figurez sur la liste des témoins, à moins que vous ayez une meilleure idée.
    C'est à vous, madame Latimer.
    Je vous remercie de m’avoir invitée à venir vous parler de l'important projet de loi que vous étudiez.
    Certains d’entre vous savent peut-être que la Société John Howard offre des services à l'appui de la réintégration des détenus dans la collectivité et d’autres services partout au pays. Nous desservons une soixantaine de collectivités. Nous sommes tous particulièrement préoccupés et engagés à veiller à ce que la justice pénale soit juste, efficace et humaine dans les services correctionnels. L’isolement préventif est un problème de longue date pour nous. Même si le projet de loi C-83 vise à mettre fin à l’isolement cellulaire et à l’isolement préventif, il y a un risque très réel que ce projet de loi perpétue les torts causés par l’isolement cellulaire prolongé sous un autre nom. Dans ces brèves remarques préliminaires, je tiens à souligner ces risques.
    L'analyse du projet de loi C-83 du point de vue de l’équité, de l’efficacité et de l’humanité révèle sa vulnérabilité sur les trois plans.
    Tout d’abord, l’isolement prolongé est inhumain en raison de ses conséquences désastreuses sur la santé physique, psychologique et mentale. Selon la définition de l’ONU, l’isolement cellulaire prolongé consiste à détenir des personnes pendant 22 heures par jour ou plus sans contacts humains réels pendant plus de 15 jours consécutifs, et il est considéré comme une forme de torture. Peu importe la façon de désigner l'isolement, qu'on l'appelle isolement cellulaire, isolement préventif ou intervention structurée, si le résultat effectif est que les gens sont dans des cellules pendant 22 heures par jour ou plus sans contacts réels pendant plus de 15 jours, c’est inhumain.
    J’aimerais souligner quelques éléments au sujet de ce caractère inhumain.
    Les troubles mentaux sont exacerbés par le placement en isolement. Il n’y a rien dans ce projet de loi qui protège les prisonniers atteints de maladie mentale contre un isolement prolongé. Des professionnels de la santé sont maintenant tenus de faire des visites quotidiennes, mais ils n’ont pas protégé tous ceux, nombreux, qui se sont suicidés dans des cellules d’isolement. Devon Sampson en est un exemple récent. Selon le projet de loi, les professionnels de la santé peuvent seulement faire une recommandation au décideur, qui est un fonctionnaire du SCC non indépendant. Les prisonniers atteints d'une maladie mentale risquent de voir leur état se détériorer considérablement et de souffrir s'ils sont placés en isolement dans l’unité d'intervention structurée.
    Le paragraphe 36(1) proposé prévoit pour le détenu la possibilité de sortir de sa cellule pendant quatre heures ou plus par jour et pendant au moins deux heures par jour dans le cadre d'activités se rapportant à « des programmes, des interventions ou des services qui l'encouragent à atteindre les objectifs de son plan correctionnel ». J’insiste sur le mot « possibilité », parce que je pense que les groupes de témoins précédents vous ont donné l’impression que les prisonniers sortaient de leur cellule pendant quatre heures par jour. Une possibilité, c'est l'éventualité que quelque chose se produise, mais, à moins que cela ne se produise effectivement, les détenus sous responsabilité fédérale feront l’objet d’un isolement cruel.
    Il n'y a pas d'infrastructure — je parle de ressources matérielles et humaines — pour permettre aux prisonniers de passer autant de temps constructif à l’extérieur des cellules. Les propositions contenues dans le projet de loi C-83 ne sont pas chiffrées et, par conséquent, aucune ressource n’a été affectée à la mise en oeuvre du projet de loi. Il semble que ce projet de loi soit présenté un peu prématurément, parce qu’il n’y a pas vraiment de moyen de connaître l'éventail de programmes de soutien qui seront offerts aux gens dans les unités d'intervention structurée.
    Ces possibilités sont prévues au paragraphe 36(1) proposé, mais le paragraphe 37(1) les supprime pour diverses raisons. Il en énumère trois principales. La première est le refus du détenu. La deuxième est le défaut de se conformer à des instructions raisonnables. Et la troisième regroupe des circonstances prescrites non définies qui sont raisonnablement nécessaires à des fins de sécurité.
    S’il n’y a pas d’infrastructure suffisante, il est facile de refuser de donner aux prisonniers quatre heures de sortie de cellule par jour pour des raisons de sécurité. Il y a beaucoup d’autres raisons pour lesquelles les prisonniers restent dans les cellules aujourd'hui, et nous y reviendrons un peu plus tard.
    Il n’y a pas non plus de définition de « contacts humains réels » dans le projet de loi. Il ne s'agit pas simplement de communiquer avec des agents correctionnels ou d’autres prisonniers ou de marcher seul dans une cour en béton. Il faut définir clairement ce qu’on entend par « contacts humains réels ».
    Deuxièmement, le processus est injuste. Le droit correctionnel stipule qu’un déni des libertés résiduelles déclenche l’application de l’article 7 de la Charte. Comme l’a conclu la Cour suprême du Canada dans l’affaire May c. Ferndale Institution en 2005, un placement dans des circonstances plus contraignantes constitue un déni des libertés résiduelles. Le projet de loi C-83 n'est pas conforme au principe de justice fondamentale.
(1535)
    En éliminant l’isolement préventif, le projet de loi supprime, en fait, les droits procéduraux des personnes placées en isolement ou dans une unité d'intervention structurée pour des raisons disciplinaires. Il n’y a plus de président indépendant chargé de décider. Il n’y a pas de limite quant à la durée pendant laquelle les droits résiduels peuvent être limités, et il n’y a pas de droit de représentation pour ceux qui sont soumis à ce confinement plus restrictif. Toutes les décisions relatives aux unités d'intervention structurée sont laissées à la discrétion du SCC, sans surveillance ou arbitrage indépendant, sans limite de durée du placement et sans avocat ou représentant pour les détenus. L’absence de garanties liées à la justice fondamentale lorsqu'il y a privation de libertés résiduelles est injuste.
     Par ailleurs, de nombreux détenus ordinaires, notamment ceux qui sont placés dans des établissements de plus haute sécurité, n’ont pas droit à deux heures par jour de programmes ou de services pour les aider à réaliser les objectifs de leur plan correctionnel. Si ces programmes et interventions ne sont pas accessibles au même degré pour la population carcérale générale, un sentiment d'injustice risque de se répandre et d'entraîner de l'agitation dans les prisons.
    Les dispositions relatives à l’isolement disciplinaire permettaient de sanctionner les détenus qui commettaient des infractions en établissement par un déni proportionnel des libertés résiduelles dans un système qui offrait une certaine garantie en matière d’application régulière de la loi. En vertu de ce projet de loi, non seulement les détenus seront privés de ces garanties, mais ils auront droit à un minimum de deux heures de programmes par jour pour les aider à réaliser les objectifs de leur plan correctionnel. Comme les prisonniers respectueux des règles n’auraient probablement pas accès à des programmes aussi intensifs, on établit un système de récompenses pervers qui sera perçu comme injuste par d’autres détenus.
    Troisièmement, l’abolition de l’isolement préventif en faveur des unités d'intervention structurée sera probablement inefficace. L’abolition de l'isolement préventif est un changement radical dans un climat institutionnel opposé au changement. Pour que la perspective des unités d'intervention structurée présentée au Comité par le ministre Goodale ait des chances de se concrétiser, il faudra compter sur des ressources suffisantes pour obtenir les programmes d’infrastructure et le personnel nécessaires, mais aussi sur la volonté des autorités correctionnelles, qui résistent généralement au changement, de mettre en oeuvre ces dispositions conformes à cette perspective et de donner la possibilité de sortir de cellule.
    L’abolition de l’isolement préventif pourrait nuire à la sécurité des prisonniers et du personnel. La capacité de séparer rapidement les détenus qui s’attaquent les uns aux autres ou s'attaquent au personnel est une mesure à court terme importante pour réduire la violence. Les prisons peuvent être des endroits terriblement violents, et les gens peuvent y être blessés. Le Syndicat des agents correctionnels du Canada nous dit que l'élimination de l’isolement préventif fera augmenter la violence. Si les autorités correctionnelles estiment que leur capacité de prévenir la violence est réduite, cela aura une incidence sur la façon dont le projet de loi sera mis en oeuvre.
    La Société John Howard n’a pas préconisé l’abolition totale de l’isolement préventif, de crainte que l’incapacité des agents correctionnels de séparer rapidement les prisonniers qui s’attaquent les uns aux autres représente un danger. Nous avions également peur que, à moins que le cadre législatif existant fonde les décisions en matière d’isolement préventif, de nouvelles unités servent à isoler les prisonniers, mais sans les garanties législatives nécessaires — ce qui reviendrait à un isolement cellulaire sous un autre nom.
    Nous voulons qu'un régime susceptible de laisser des prisonniers seuls dans leur cellule pendant 22 heures par jour soit plus juste et plus humain. Nous pensons que le moyen de s'y prendre est de limiter le temps passé en isolement à 15 jours consécutifs et à 16 par année, de charger un arbitre indépendant de rendre les décisions et de s'occuper du placement et du maintien en isolement.
    En conclusion, il n’y a rien dans le projet de loi C-83 qui interdirait l’isolement prolongé. Les torts désastreux causés à Ashley Smith, à Eddie Snowshoe et à d’innombrables autres personnes n’auraient pas été soulagés par ce projet de loi si le SCC avait décidé de les garder en isolement. En toute conscience, nous vous invitons instamment à ne pas adopter le projet de loi C-83.
    Je suis accompagnée de Lawrence Da Silva. Je pense qu’il est important que vous entendiez des gens qui ont effectivement fait l'expérience de longues périodes d’isolement préventif et d’autres types de placement. Je pense qu’il peut vous expliquer plus clairement les réalités et les effets de la culture carcérale qui feront en sorte qu’il sera difficile pour les gens de sortir de leur cellule pendant cette période et que ce régime sera difficile à gérer.
    Je suppose que j’ai utilisé tout notre temps.
(1540)
    Il vous reste une minute. Allez-y.
    Voulez-vous vous présenter, Lawrence?
     Je m’appelle Lawrence Da Silva. J'ai passé 19 années consécutives dans un établissement fédéral. Je suis en liberté depuis deux ans et deux mois.
     J’aimerais repartir de ce que nous avons dit hier. Je suivais cela à la télévision.
     On m'a donné un court préavis. J’ai immédiatement compris ce que ce projet de loi représentait et quel effet il aurait sur les gens. J’ai décidé de revenir ici, comme je le fais toujours. Je vais profiter de toutes ces occasions, parce que des hommes et des femmes sont en jeu.
    Je ne peux pas parler de la prison pour femmes, et je ne le ferai jamais, mais je vais parler de ce qui se passe du côté des hommes. J’aimerais vous inviter à poser les questions que vous avez posées hier à Mme Anne Kelly ou à l’administration sur la fonctionnalité éventuelle de ces choses, que ce soit au sujet des visites quand on est placé dans ces zones ou dans des zones sans contact après un épisode de violence... Allez-y. Posez-moi ces questions. N'hésitez pas.
     Merci, monsieur Da Silva et madame Latimer.
    Madame Gentile.
     Merci. Je tiens d’abord à souligner que nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
     Comme on l’a dit, je suis directrice de la mobilisation et des affaires juridiques à l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Nous sommes une organisation-cadre composée de 24 sociétés Elizabeth Fry du Canada qui travaillent avec et pour les femmes et les jeunes filles criminalisées. Ensemble, nous travaillons à l’instauration d’un Canada sans prisons, car nous appuyons la formation axée sur les droits de la personne, nous offrons des programmes et des services de prévention et nous facilitons la réinsertion des femmes dans la collectivité.
    À titre de directrice de la mobilisation et des affaires juridiques, j’ai le privilège de travailler avec plus de 20 bénévoles — dont certaines, comme Mme Pierini, que vous entendrez un peu plus tard, ont déjà été incarcérées. Nous nous rendons dans les prisons pour femmes tous les mois pour y surveiller les conditions de détention.
    Même si j’ai une formation d’avocate, la meilleure éducation que j’ai reçue jusqu’à présent me vient des femmes que j’ai rencontrées dans les prisons canadiennes. J’espère vous faire comprendre certaines des préoccupations dont elles m'ont fait part au sujet du projet de loi C-83.
    Lorsque la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été déposée la première fois, on l'a considérée comme une loi sur les droits de la personne, qui faisait suite aux violations des droits de la personne et à l'augmentation du taux d'incarcération. Mais, depuis son adoption, ce sont les dispositions axées sur la sécurité qui ont été exploitées, tandis que des dispositions comme les articles 81 et 29, qui visent la remise en liberté, ont été sous-utilisées. Notre organisme, de concert avec le Bureau de l’enquêteur correctionnel, documente cette tendance depuis des décennies, et nous croyons que le projet de loi C-83 n’aura pas l’effet escompté et, en fait, que certaines parties du projet de loi représentent une véritable régression sur le plan des garanties législatives comme celles dont Mme Latimer a déjà parlé et sur le plan de la remise en liberté.
    J’aimerais d’abord vous parler de l’article 81. Le projet de loi remplace le terme « collectivité autochtone » par « corps dirigeant autochtone ». Cependant, il s’agit d’un terme non défini qui aura certainement une incidence sur les personnes aptes à présenter une demande d'entente en vertu de l’article 81. Il n’y a pas de changements correspondants à la loi pour assurer ou même appuyer l’élaboration d’autres ententes en vertu de l'article 81, comme l’a demandé le Bureau de l’enquêteur correctionnel dans son dernier rapport. Cela nous laisse croire que les changements limiteront, en fait, davantage une disposition déjà sous-utilisée, à un moment où le nombre de femmes autochtones incarcérées représente pour beaucoup, notamment pour le BEC, une crise des droits de la personne.
    Les modifications apportées à l’article 29 vont à l’encontre de l’objet législatif de la disposition et auront un effet particulier sur les femmes détenues. Le nombre de femmes ayant des besoins complexes en santé mentale est en hausse selon le dernier rapport annuel du BEC. Plus de la moitié des femmes incarcérées ont des besoins en santé mentale, comparativement à 26 % des hommes. La nature des besoins des femmes en matière de santé mentale renvoie uniquement aux effets durables des mauvais traitements passés.
    La Commission canadienne des droits de la personne signale que les femmes utilisent l’automutilation comme mécanisme d’adaptation pour survivre à la douleur émotionnelle qui découle des expériences traumatisantes de violence et de mauvais traitement vécues pendant l’enfance et à l’âge adulte. Le taux plus élevé de violence subie par les femmes incarcérées entraîne des taux d’automutilation et de tentative de suicide beaucoup plus élevés que chez les hommes. Les effets multiplicateurs de la race et du sexe ont des répercussions discriminatoires distinctes sur les femmes autochtones placées dans des établissements fédéraux, et cela a une incidence sur leur expérience de l’incarcération du début à la fin.
    Le Bureau de l’enquêteur correctionnel a largement fait état d'une redéfinition semblable de l’article 81 dans son rapport intitulé Une question de spiritualité. Le SCC a réaffecté l’argent et les ressources destinés à la remise en liberté dans le cadre d'ententes en vertu de l'article 81 vers des maisons de transition internes censées offrir des programmes axés sur les besoins des Autochtones. À ce jour, l’article 81 est sous-utilisé, et l’accès aux programmes autochtones en établissement est sérieusement restreint.
    L’article 29 est également sous-utilisé depuis toujours, et cette modification permet de transférer les femmes dans des unités d’intervention structurée à l’intérieur de la prison, malgré le fait que de nombreux rapports et commissions expliquent que l’environnement carcéral n'est pas apte à répondre à des besoins complexes en santé mentale. Cela s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Il faut investir davantage dans l’article 29, et les modifications, dans leur forme actuelle, vont probablement nuire aux stratégies de remise en liberté.
    De plus, l’article 29.1 proposé permet la création de systèmes de classification supplémentaires, élaborés selon des règles non écrites, de sorte que nous n’avons aucun moyen de savoir à quoi ressembleront ces systèmes ni d'en parler ici aujourd’hui.
(1545)
     Et ce, malgré le fait que le système d'évaluation initiale de SCC, selon le rapport de l'automne 2017 du vérificateur général, fait en sorte que des femmes sont inutilement placées dans des établissements à sécurité plus élevée, ce qui retarde injustement leur accès aux programmes et nuit à leurs chances de réussite en matière de libération et de réinsertion sociale. Nous avons des raisons de croire — Mme Pierini en parlera plus tard — que ce ne sera pas différent dans ces unités d'intervention structurée.
    L'ACSEF reconnaît depuis longtemps, probablement à cause des visites que nous effectuons en prison et de nos rencontres avec les femmes touchées, que l'isolement pratiqué dans les prisons canadiennes prend de nombreuses formes et appellations, qui vont au-delà de ce que l'on désigne habituellement comme l'isolement cellulaire ou l'isolement préventif.
    Je vais aborder rapidement quelques-uns des points concernant les unités d'intervention structurée et, premièrement, cette notion de contacts humains réels, dont Mme Latimer a déjà parlé.
    Dans l'affaire récente de la BCCLA et du Canada — il s'agit de la BCSC 62 de 2018 —, le procureur général a fait valoir que l'isolement préventif n'est pas une forme d'isolement cellulaire puisque les détenus ont quotidiennement la possibilité d'avoir des contacts humains réels, mais le tribunal a conclu qu'il ne s'agissait pas de contacts humains réels et que les interactions courantes entre le personnel et les détenus ne peuvent pas être considérées comme tels.
     Sans définition, nous n'avons aucun moyen de savoir quelle sera la situation. C'est entièrement à SCC, qui a des antécédents de lacunes dans la mise en oeuvre des recommandations, quand il n'omet tout simplement pas de le faire, qu'il revient de déterminer à quoi ressembleront les contacts humains réels, ou plus tard, aux tribunaux de décider. Entretemps, combien de personnes en souffriront?
    Pour ce qui est de la durée, dans l'affaire de la BCCLA, le maximum de 15 jours prescrit par les règles Mandela — ce qui représente une norme minimale — a été considéré comme un maximum « généreux », compte tenu des preuves accablantes du préjudice psychologique qui peut se produire après seulement quelques jours dans des conditions d'isolement.
    Enfin, les motifs du transfèrement sont énumérés dans le projet de loi C-83, notamment:
a) de fournir un milieu de vie qui convient à tout détenu dont le transfèrement dans l'unité a été autorisé et qui ne peut demeurer au sein de la population carcérale régulière notamment pour des raisons de sécurité;
    La définition des raisons de sécurité est très vaste et fait en sorte que de nombreuses personnes pourraient être visées par cette disposition en raison de comportements liés à leur santé mentale qui sont considérés comme de mauvais comportements.
    SCC a l'obligation de prendre des mesures d'adaptation pour les détenus ayant une déficience mentale qui ne peuvent pas fonctionner dans la population carcérale en général. S'il est incapable de répondre aux besoins de ces détenus sans augmenter leur cote de sécurité ou les isoler, que ce soit dans des unités d'isolement, des unités de garde en milieu fermé ou des unités d'intervention structurée, il devrait les transférer dans un établissement de traitement communautaire approprié.
    Je terminerai en disant que, comme M. Zinger l'a mentionné dans son communiqué de presse après le dépôt du rapport annuel de cette année, il existe déjà des unités semblables aux unités d'intervention structurée proposées dans ce projet de loi. À l'Établissement Nova pour femmes, le personnel a renommé l'unité d'isolement « Pod C » et permet aux femmes qui s'y trouvent de passer plus de temps à l'extérieur de leur cellule et d'avoir plus d'interactions sociales. Bon nombre des femmes qui y sont détenues en isolement s'y sont retrouvées en raison d'incidents d'automutilation. Elles se considèrent toujours comme étant en isolement, et leur santé mentale se détériore tout comme elle le ferait en isolement.
    Le fait d'appeler ces conditions d'isolement autrement, même avec de légères améliorations, ne change pas l'expérience ou l'impact préjudiciable de ces conditions.
    Je vais céder la parole à Alia.
(1550)
    Il ne reste qu'une minute.
    Je m'appelle Alia Pierini. Merci de m'accueillir ici aujourd'hui. Comme Savannah l'a mentionné, je suis une intervenante régionale en Colombie-Britannique, auprès des femmes, et je suis aussi une femme qui a passé cinq ans à l'Établissement de la vallée du Fraser.
    Pour résumer, pendant mon incarcération, j'ai passé plus de la moitié du temps en isolement. Je suis sortie depuis bientôt 10 ans maintenant et je souffre encore quotidiennement d'effets psychologiques quand je me rends au travail, que je m'acquitte de mes responsabilités parentales et que je fais des choses de la vie courante, comme aller à l'épicerie. J'ai encore des problèmes graves d'anxiété et de santé mentale que je n'avais pas avant d'aller en prison.
    Je crains vraiment que les unités d'intervention structurée décrites dans le projet de loi C-83 mettent fin aux pressions qui sont exercées pour réduire l'isolement et que ces unités soient la nouvelle réponse de première ligne aux défis auxquels les détenus et le système correctionnel font constamment face. Même si, aux yeux du public, le projet de loi C-83 semble être une solution pour mettre fin à l'isolement préventif, je sais d'expérience que la mise en oeuvre de cette mesure dans les prisons sera extrêmement difficile.
    Je suppose que je n'ai plus beaucoup de temps, mais essentiellement, par exemple, les quatre heures passées à l'extérieur de la cellule sont à la discrétion de SCC. C'est un système où, malheureusement, le personnel correctionnel a le pouvoir de choisir qui obtient quoi. Cela se produit constamment. Si le personnel n'aime pas un détenu, il le privera de ces heures, mais il les accordera à quelqu'un d'autre qu'il préfère, et les détenus en souffriront.
     Je dois vous interrompre, et je m'excuse. Le temps règne en maître ici.
     Ça va. Je suis ici pour répondre aux questions.
    Je suis sûr que les membres du Comité voudront poser des questions et je ne doute pas que vous serez en mesure de faire valoir votre point de vue à ce moment-là. Je m'excuse encore une fois.
    Pas de problème.
    Sur ce, la parole est à vous, monsieur Spengemann.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec Mme Damoff, ce qui veut dire que j'ai trois minutes et demie. J'aimerais adresser mes questions à Mme Latimer.
    Il est bouleversant, madame Latimer, que nous ayons cette discussion à environ un mois du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies. J'aimerais revenir aux règles minimales de l'ONU dont Mme Gentile a parlé, les règles Mandela, qui ont été révisées en 2015. La règle 44 de ce document fait référence à un seuil de 22 heures. Cela nous amène aussi au libellé dont nous discutons, c'est-à-dire « les contacts humains réels ». L'ONU ne définit pas cela, et probablement délibérément. Il n'existe pas de définition de l'ONU à cet égard, ce qui prépare en quelque sorte le terrain pour notre discussion ici. Je suppose qu'il revient aux États membres de trouver la définition qui correspond à leur contexte social.
    Je m'intéresse particulièrement au deuxième paragraphe de la règle 45 qui dit que « Le recours à l'isolement cellulaire devrait être interdit pour les détenus souffrant d'une incapacité mentale ou physique lorsqu'il pourrait aggraver leur état ». Je déduis de vos observations que nous ne devrions pas nous limiter uniquement aux incapacités, mais que nous devrions aussi nous occuper de tout problème de santé mentale préexistant qui serait aggravé par n'importe quel type d'isolement cellulaire, peu importe le nom qu'on lui donne.
    J'aimerais vous donner les deux minutes qui me sont allouées pour que vous expliquiez au Comité ce que vous appelez la « résistance » des établissements à ce que je crois être les soins, qu'il s'agisse de soins physiques ou de soins en santé mentale. Quelle est l'ampleur de ces lacunes? Quel pourcentage des détenus souffrent, à leur arrivée en milieu carcéral, de toxicomanie et de problèmes de santé mentale et physique, et dans quelle mesure ces problèmes sont-ils aggravés dans le système correctionnel actuel?
    Je pense que les prisons ne sont pas bien conçues pour traiter les problèmes de santé mentale en général. Pour vous donner une idée, bien que j'aie interviewé beaucoup d'hommes qui ont été dans des unités d'isolement préventif, dont certains ont souffert de problèmes de santé mentale, beaucoup d'entre eux m'ont dit que lorsqu'ils disent aux gardiens ou aux agents correctionnels qu'ils se sentent suicidaires, ceux-ci leur répondent: « Vas-y, tue-toi. Ce sera un de moins dont nous devrons nous occuper. » Je ne pense pas que personne considère cela comme une réponse thérapeutique.
    J'aimerais simplement demander à Lawrence, qui a probablement été dans des unités d'isolement préventif où se trouvaient des gens ayant des problèmes de santé mentale, ce qu'il a observé.
(1555)
     Sur les quelque 2 580 jours que j'y ai passés tout au long de mes 19 années dans les pénitenciers fédéraux, j'ai vu d'innombrables hommes s'effondrer sous mes yeux dans les heures qui ont suivi leur placement en isolement — incapables de prendre les coups ou d'accepter la façon dont l'administration les traitait, ou encore l'absence d'agents de libération conditionnelle, d'aumôniers ou d'imams dans ces unités. La perspective de ces dangers était dévastatrice pour eux.
    Je ne peux pas parler pour les femmes, mais je parle du côté humain. Ces gens se perdent rapidement.
    Je sais que le ministre Goodale et son personnel ont parlé de visites quotidiennes de responsables de la santé. Il y a maintenant des visites quotidiennes du personnel de la santé.
    Il s'agit de trois tournées du personnel médical, par exemple, une tournée de 7 heures à 8 h 30, qui sert à la distribution de médicaments. La plus grande partie...
    Je suis désolé, mais pour être juste envers ma collègue, je dois vous interrompre et lui céder la parole. Je suis sûr qu'elle poursuivra dans la même veine.
    Pas de problème.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'être ici.
    Oui, madame.
    Madame Gentile, je suis heureuse de vous revoir.
    Disons que le Service correctionnel du Canada et la commissaire — laissez-moi juste finir — font ce qu'ils ont dit qu'ils feraient, de la façon dont ils ont dit qu'ils le feraient, et que des fonds supplémentaires sont affectés à des ressources, afin que quelqu'un qui a des problèmes de santé mentale puisse quitter la prison et aller dans un centre de traitement. Supposons, dans un monde idéal, que cela se produise.
    D'après votre réaction, Lawrence, vous n'avez pas confiance que cela changera des choses.
    Pas confiance du tout.
    Ma question s'adresse à vous deux. Ce projet de loi ne prévoit aucune surveillance. Je me demande ce que vous pensez de l'idée d'ajouter une certaine forme de surveillance pour veiller à ce que les choses se fassent correctement.
    Si vous pensez qu'il devrait y avoir une certaine forme de surveillance, qu'envisagez-vous? Le projet de loi C-56 prévoyait une certaine surveillance. J'aimerais beaucoup que vous nous disiez quel genre de surveillance pourrait être envisagée pour veiller à ce que les choses se déroulent comme prévu.
     Sans arbitrage indépendant et impartial à tous les niveaux où les libertés civiles sont bafouées entre les murs, il faut une protection. Cela n'est pas possible pour le moment. Cela ne fonctionne pas. Il est question de millions et de millions de dollars affectés à des services qu'Anne Kelly n'offre pas actuellement.
    Je suis un détenu qui souffre de maladie mentale. J'ai un TDAH et ce que l'on prétend être un trouble de la personnalité du groupe B, qui n'est pas défini, mais on me renvoie dans la société sans médicaments, sans aide psychiatrique et sans moyen d'en obtenir. Plusieurs détenus ont été libérés dans les mêmes conditions depuis que j'ai été libéré — plusieurs.
    Concentrons-nous toutefois sur la question de l'isolement.
    D'accord. Comme je l'ai dit, sans arbitre indépendant et impartial avec qui traiter, une fois que vous avez été arrêté... Vous devez comprendre la loi telle qu'elle est, avant d'essayer de la modifier. Il reste que dès que je suis placé en isolement ou que je suis transféré, cela veut dire que j'ai été arrêté, de sorte que mes droits en vertu de l'article 7 entrent immédiatement en jeu. J'ai droit à une procédure et à un procès équitables. Sans un organisme indépendant chargé de surveiller les décisions d'Anne Kelly, il n'y aura pas de décision juste.
    Il me reste environ 45 secondes, et j'aimerais aussi entendre les représentantes d'Elizabeth Fry à ce sujet.
     Pour ce qui est de la surveillance indépendante, je pense que c'est un aspect énorme qui a été négligé. En l'absence d'un tiers indépendant, comment les Canadiens et quiconque peuvent-ils être certains que les fonctionnaires respectent la loi et n'abusent pas de leur pouvoir discrétionnaire?
    Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, c'est SCC qui a le pouvoir discrétionnaire. Lorsque j'étais en isolement, au moment du décès d'Ashley Smith, j'ai demandé de l'aide parce que ma situation se détériorait. En fait, on m'a accordé du temps hors cellule. J'avais droit à quatre heures par jour. Au cours des huit derniers mois de ma peine, cela est arrivé peut-être une fois toutes les deux semaines, parce qu'il se passait toujours quelque chose dans l'établissement.
    Je pense que cela va continuer sans surveillance indépendante. Je pense que c'est énorme et que cela devrait certainement être mis en oeuvre.
(1600)
    Merci, madame Damoff.
    Monsieur Motz, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être ici.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Latimer, et j'aimerais que Mme Gentile intervienne aussi. Si j'ai bien compris votre déclaration préliminaire, vous avez dit que vous recommandez essentiellement que ce projet de loi ne soit pas adopté, à moins que le gouvernement ne s'engage clairement à respecter ses plans en matière d'infrastructure, de dotation et de niveaux de service. Ai-je bien compris? Si oui, pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    Il y a en fait trois éléments qui devraient être laissés de côté dans ce projet de loi, mais il est certain qu'il ne sera pas possible de mettre cela en oeuvre conformément à la vision que le ministre Goodale et son équipe vous ont présentée, à moins d'avoir les ressources nécessaires. Les fonds nécessaires ne sont pas prévus. Les coûts n'ont pas été déterminés. Nous n'avons aucune idée du niveau des ressources qui y seront consacrées.
    Si vous adoptez ce projet de loi sans que des ressources soient en place pour l'appuyer, les exceptions prévues à l'article 37 seront utilisées tous les jours, et les gens ne sortiront pas de leur cellule. Il y aura exactement le même genre de préjudices liés à l'isolement cellulaire et à l'isolement préventif que ceux qui se produisent maintenant.
    Le projet de loi, tel qu'il est présenté, n'est pas gérable. Il serait utile d'avoir les ressources nécessaires, mais le projet de loi comporte aussi d'autres problèmes. Par exemple, il n'y a pas de surveillance indépendante. La capacité de SCC de prendre toutes les décisions et de ne pas avoir de comptes à rendre relativement aux décisions de garder les gens en isolement pendant de longues périodes pose un problème.
    Je vous reviendrai au sujet du financement.
    Madame Gentile, êtes-vous du même avis en ce qui concerne les questions de financement?
    Oui. Je pense que nous ne devrions pas investir dans SCC, surtout en ce qui concerne la création de centres de santé mentale dans les prisons. Ce n'est pas un endroit où la santé mentale, l'incapacité mentale ou les traumatismes peuvent être traités de façon utile. Dans plusieurs de ces cas, il s'agit de détenus qui sont difficiles à gérer. Ils sont difficiles à gérer parce que l'environnement carcéral aggrave les problèmes qu'ils avaient déjà ou en cause de nouveaux, et qu'on ne peut rien y faire.
    D'accord.
    Je reviens à vous, madame Latimer. J'apprécie vos commentaires. Le ministre s'est fait poser une question semblable lorsqu'il était ici mardi. Il a répondu que, jusqu'à ce que le projet de loi soit adopté, on ne nous dira pas nécessairement ce qu'il en coûtera, ce qui est inhabituel, parce que c'est exactement ce qui s'est produit dans le cas d'autres projets de loi présentés par le gouvernement actuel — et par les gouvernements précédents, tant conservateurs que libéraux. Les projets de loi ont toujours été assortis d'un modèle d'établissement des coûts.
    Je sais que vous n'êtes pas responsable des finances au gouvernement du Canada, mais avez-vous une idée de certains des programmes, des exigences en matière de dotation et des coûts liés à cela? Votre organisation a-t-elle une opinion à ce sujet? A-t-elle réfléchi à la question?
     Je ne l'ai pas fait, mais je suis une ancienne employée du ministère fédéral de la Justice. J'ai passé huit ou neuf années comme analyste au Bureau du Conseil privé. À mon époque, il était impossible de présenter un projet de loi devant un comité du Cabinet sans en avoir établi le coût. Des répercussions financières se font sentir en aval lorsqu'il n'y a pas les ressources nécessaires.
    Cela dit, d'après ce que vous savez du système, le projet de loi qui est actuellement proposé n'est pas viable compte tenu de l'effectif actuel. Est-ce bien ce que vous dites?
    C'est exactement cela.
    Êtes-vous d'accord, madame Gentile?
    Il n'y a aucune chance de réaliser cette vision en l'absence de ressources pour l'appuyer.
    D'accord.
    Êtes-vous d'accord avec cela?
    Oui. En fait, il en coûte plus de 200 000 $ par année pour incarcérer une femme, et c'est dans la population carcérale en général. Dans un milieu de vie structuré, qui s'apparente peut-être davantage à ces unités d'intervention structurée, on parle de plus de 400 000 $ par année pour une femme. Il s'agit d'un investissement très coûteux. Dans les collectivités, c'est beaucoup moins cher, et c'est là que l'on constate le plus de succès.
    Vous y avez tous les deux fait allusion, mais je crois que c'est vous qui avez commencé, madame Latimer, lorsque vous avez dit que changer le nom ne change pas nécessairement le type de programme.
    À votre avis, comme professionnelles toutes les deux, qu'est-ce qui doit être changé par rapport à ce qui se passe actuellement pour donner suite aux propositions relatives à ces unités d'intervention structurée et aux services qui y seront offerts?
    Il faut prévoir des garanties juridiques. L'article 7...
(1605)
    Pour être en mesure de faire quoi?
    Il s’agit des sauvegardes procédurales, c’est-à-dire un contrôle indépendant, le droit à un avocat et un processus utile pour déterminer pourquoi les droits résiduels d’un détenu sont réprimés du fait qu’il est placé dans un environnement plus rigoureux et plus confiné. Il faudrait avoir des ressources pour pouvoir mettre en œuvre les interventions positives qui se produiraient pendant qu’il est là, et je suis...
    Je comprends la question dans son ensemble, mais il y a des moments où, pour la sécurité d’un détenu, d’autres détenus ou du personnel, les options sont restreintes. Quelles sont les solutions de rechange? Dans le cas des détenus mis en isolement parce qu’ils posent un danger pour eux-mêmes, pour d’autres détenus ou pour le personnel, les unités d’intervention structurées répondront-elles toujours aux attentes selon lesquelles ces sauvegardes doivent continuer de jouer?
    La Société John Howard est d’avis que l’abolition, l’abolition pure et simple de l’isolement préventif n’est pas une bonne idée. L’isolement préventif est un outil nécessaire comme solution à court terme...
    Vous l’appelez « préventif ». Certains disent « disciplinaire ». Est-ce la même chose ou est-ce différent?
    L’isolement disciplinaire est autre chose.
    Il existe deux formes différentes d’isolement préventif...
    D’accord. Je m’excuse de vous avoir interrompue.
    À notre avis, il faut avoir la capacité de séparer immédiatement les prisonniers qui se montrent violents entre eux ou à l’endroit des gardiens, d’autres personnes ou d’eux-mêmes. Il faut pouvoir le faire assez rapidement. C’est une situation d’urgence à court terme. Il serait préférable de travailler dans le cadre existant de l’isolement préventif...
    Nous ne pouvons donc pas éliminer...
    Pardon?
    Il n’est pas sage d’éliminer l’idée de l’isolement, point final.
    Il parle de l’alinéa 31(3)a), dans le texte original de la loi existante, pour...
    Si je vous ai bien comprise, madame, vous avez dit qu’il n’est pas sage d’éliminer l’isolement.
    L’éliminer complètement? Oui, tout à fait. Nous voulons voir...
    Je suis désolée de vous interrompre. Je veux simplement dire, sans pouvoir me prononcer à ce sujet du côté des hommes, que l’isolement pourrait être complètement éliminé du côté des femmes. Selon notre expérience, lorsque les femmes sont traitées dans la légalité et de façon respectueuse, il est possible de désamorcer les situations difficiles. C’est pour cette raison qu’ils ont une sécurité active. La sécurité active n’est pas pratiquée à l’heure actuelle...
    Nous parlons ici de meurtriers, de gens qui ont fait de la prison, qui présentent un risque pour la sécurité. Il faut rendre hommage aux gens qui protègent le public, leur laisser le pouvoir de séparer les détenus lorsqu’il y a un risque réel de violence. La merde que j’ai vécue, d’accord, vous ne pouvez pas...
    Une voix: [Inaudible]
    M. Lawrence Da Silva: D’accord. Vous ne parlez pas au nom de tout le monde, parce que vous ne pouvez pas parler au nom des gardiens qui...
    Nous allons devoir nous arrêter ici. La discussion devient très vive.
    Les relations sont un peu tendues entre nous et les gens d’Elizabeth Fry parce que nous ne sommes pas d’accord sur l’abolition de l’isolement.
    D’accord, mais nous allons nous en tenir au temps qui nous est imparti.
    Monsieur Dubé, s’il vous plaît, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens tout d’abord à vous remercier d’être venus et à remercier spécialement les gens qui ont vécu cette situation de première main d’avoir le courage de comparaître devant le Comité. Je pense que cela mérite d’être souligné.
    J’aimerais aborder quelques points qui se rapportent précisément aux questions que j’ai eu l’occasion de poser mardi au ministre et aux fonctionnaires.
    Le premier point — et cela a été soulevé dans les témoignages — portait sur les possibilités de sortie de cellule. J’ai tenté d’obtenir des renseignements du commissaire, mais mes questions n’étaient peut-être pas assez claires. J’ai donné l’exemple d’une sortie prévue à cinq heures du matin par grand froid en hiver ou pendant un orage en été, peu importe, où les possibilités de sortie n’ont pas le même intérêt que par beau temps ensoleillé, par exemple. On m’a répondu qu’il y aurait des possibilités de sortie de cellule, simplement offertes différemment.
    N’y a-t-il pas lieu de se préoccuper, étant donné que le projet de loi parle de signaler les refus de ces possibilités, que rien ne semble être prévu parallèlement pour assurer le caractère raisonnable des possibilités, notamment quant aux objectifs de santé mentale que ces possibilités de sortie sont censées promouvoir?
    Je me demande si les porte-parole des deux organismes auraient des observations à faire à ce sujet.
    Beaucoup des hommes que j’ai interrogés et qui avaient été placés en isolement préventif m’ont dit qu’on leur offre la possibilité de se promener dans le préau à six heures du matin, dans le froid et l’obscurité, et, s’ils la refusent, c’est fini. C’était leur seule possibilité de la journée de sortir de leur cellule.
    Je suis donc d’accord. Je pense que si la possibilité de sortie de cellule n’est pas raisonnable — et vous allez le constater, et je pense que M. Da Silva pourra probablement en parler davantage — et qu’il y a des détenus qui auraient auparavant été en isolement et qui pourront désormais se mêler à d’autres, vous allez avoir le problème de détenus prisonniers incompatibles qui vont se retrouver ensemble. Certains détenus ne voudront pas y aller et faire partie de ce mélange général des unités d’intervention structurée. Il s’agirait de motifs raisonnables de refuser, mais dans les faits, vous allez vous retrouver avec des gens isolés dans leur cellule qui vont subir une période d’isolement prolongée s’ils ne peuvent pas profiter d’une possibilité raisonnable de sortie de cellule.
(1610)
    Je ne sais pas si vous avez aussi une réponse à cette question.
    Je suis d’accord avec Mme Latimer. Lorsqu’une possibilité de sortie est offerte, c’est la fin de l’histoire si la détenue ne la saisit pas aussitôt. Elle n’en aura peut-être aucune autre ce jour-là. À l’heure actuelle, il arrive souvent que le minimum de deux heures de sortie ne soit pas respecté.
    Je veux simplement mentionner qu’il y a en fait beaucoup de détenues qui ne sont pas suffisamment communicatives pour demander de l’aide quand elles en ont besoin, si bien qu’elles vont tout simplement nier ce besoin. C’est une forme d’autodestruction, en quelque sorte, de ne pas demander d’aide, de rester là, de se renfermer sur elles-mêmes. Ce sont elles qui choisissent, pour ainsi dire, de laisser se détériorer leur santé mentale, mais il n’en demeure pas moins que cette détérioration se poursuit alors qu’elle ne le devrait pas.
    Madame Latimer, je ne sais pas si c’est vous qui en avez parlé, mais il y a cette question des recommandations faites par les professionnels de la santé. Cela nous ramène à la question de la surveillance dont nous avons déjà discuté aujourd’hui. Étant donné que, au fond, la recommandation n’est pas contraignante, il ne serait évidemment pas très bon de ne pas la respecter, mais en bout de ligne — d’après ma lecture du projet de loi, et je voudrais entendre ce que les deux organismes ont à dire à ce sujet —, il n’y a vraiment rien qui oblige à y donner suite, quitte à ajouter éventuellement une annotation ou une marque noire, peu importe comment vous voulez l’appeler, au dossier du détenu.
    La Société John Howard est en général douteuse quant à la qualité des soins de santé et l’indépendance des professionnels de la santé. Ils sont tous des contractuels du SCC et, encore une fois, l’intérêt du SCC pour la sécurité semble, à tout moment, devoir l'emporter sur ce qui est nécessaire à la santé du détenu. Vous constaterez que la position des professionnels de la santé n’est guère reluisante dans l’ensemble du système carcéral, si bien qu’il est facile de faire fi de leurs recommandations. C’est un problème très grave. Qui saura si les recommandations ont été suivies ou non? Bien sûr, elles figurent dans les dossiers, mais qui les lit? Qui est au courant?
    L’absence de toute forme de vigilance et d’indépendance est un problème.
    À ce sujet, si vous me le permettez, l’enquêteur correctionnel faisait état dans son rapport de la semaine dernière du manque de services psychiatriques, du manque de ressources, question qui, encore une fois, a été soulevée aujourd’hui. Je me demande s’il y a déjà là un lien avec cet élément « autres raisons ». Le débat sur la sécurité est sans cesse écarté. Un manque de ressources dans une situation qui s’est aggravée du fait que les outils, pour ainsi dire, ne sont pas nécessairement disponibles pourrait constituer une « autre raison ». Est-ce une vue que vous partagez?
    J’aimerais vous entendre toutes les deux, si possible.
    Les autres raisons pour lesquelles ils sont placés dans l’unité ou...
    Dans le projet de loi, où il est question de « raisons de sécurité ou autres », je me demandais simplement quelles pourraient être ces raisons « autres »...
    Il pourrait s’agir de problèmes de santé mentale.
    Je ne sais pas si c’est la même chose du côté des femmes, mais d’après notre expérience, les prisonniers qui font valoir leurs droits ont tendance à être considérés comme des détenus problématiques et à se retrouver plus souvent dans ces unités. Pourtant, ils ne font rien d’autre que défendre leurs droits.
    Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
    L’expression « ou autres » dont il est question ici est reprise telle quelle de l’ancien texte législatif. Cette disposition donnerait au responsable de l’établissement la possibilité et la capacité de placer un détenu en isolement en vertu de l’alinéa 31(3)a) s’il croit que le détenu constitue une menace pour la population carcérale générale ou dans un secteur de l’établissement. Ce sont les autres raisons dont ils parlent: des incidents de sécurité qui pourraient survenir, un détenu perturbateur, un détenu qui s’est battu avec un autre détenu.
    Ce qu’il importe de comprendre ici, c’est qu’on cherche également à abolir l’isolement disciplinaire. Il y avait deux formes d’isolement. Détenu fédéral, je les ai connues toutes deux. J’ai passé 2 500 jours en isolement préventif, et je ne parle pas de l’autre forme d’isolement, c’est-à-dire l’isolement disciplinaire, pour des infractions que j’avais commises. Lorsque nous examinons ces questions, il faut savoir que c’est ainsi que ça se passe.
(1615)
    Ce que nous constatons souvent chez les femmes, c’est qu’elles sont placées en isolement sous surveillance pour cause de santé mentale, sous observation moyenne ou sous surveillance moyenne haute. Il s’agit d’une observation au moyen d’une surveillance par caméra en cas d’automutilation.
    Chez les hommes aussi?
    Oui, cela se produit également du côté des hommes.
    Cet isolement clinique pourrait être parmi les « autres raisons ». Il n’est pas prévu dans le texte de loi, mais dans les politiques.
    Il est également utilisé de façon punitive.
    Exactement. C’est un énorme problème.
    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    J’invite les témoins à me regarder de temps en temps, non pas que je sois particulièrement vaniteux, mais parce que cela m’aide à gérer le temps.
    Je cède la parole à quelqu’un qui n’a absolument aucune vanité, Mme Sahota.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d’être ici aujourd’hui. J’ai trouvé ce groupe de témoins très intéressant.
    J’aimerais d’abord demander à M. Da Silva quelques explications. Cela m’intéresse beaucoup. Vous avez décrit votre expérience, et d’après ce que vous nous avez dit jusqu’à maintenant, bien que je ne puisse l’imaginer, je peux sentir une authenticité dans la description que vous en faites.
    J’aimerais pouvoir vous aider.
    Oui, et vous êtes ici pour cela.
    Vous n’êtes pas contre l’isolement. Vous pensez qu’il a un but et je le comprends, mais vous avez aussi parlé de l’équité procédurale et de l’application régulière de la loi avant la décision de placer un détenu en isolement. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit?
    En tant qu’ancien détenu fédéral, je vais vous donner mon point de vue personnel sur le texte législatif tel qu’il se présente, depuis l’alinéa 31(3)a) jusqu’aux articles 38 à 42, je crois, qui traitent de l’isolement préventif des détenus sous responsabilité fédérale. Je ne vais pas parler de l’isolement sur une base volontaire, mais seulement des enquêtes policières et des raisons justifiant la mise en isolement.
    En tant que détenus, nous nous opposons à ce projet de loi. Toutes nos familles s’opposent à cette mesure dans sa forme actuelle parce qu’elle vise à éliminer le système du tribunal disciplinaire.
    Par exemple, étant un délinquant violent et un prisonnier violent, je me retrouvais dans des altercations violentes avec d’autres détenus, soit à cause des circonstances, soit parce que je provoquais des situations pour amener la décision de mise en isolement. Il était alors tout à fait compréhensible que ma mise à l’écart de tous les autres détenus devienne nécessaire. Lorsqu’il y a dans une pièce deux bêtes qui s’entredéchirent, il faut les séparer, mais, comme je l’ai dit, tout cela doit se faire dans le cadre établi. À l’époque, nous pensions que cela signifiait être mis en arrestation et retiré, à juste titre, de la population carcérale, ce que prévoyait la loi, puis à être, soit renvoyé par le programme d’examen de cinq jours qui était en place... non pas que j’y faisais confiance. Je ne croyais qu’à l’ancien cadre.
    Si, dans le processus de l’isolement préventif, on vous accusait d’actes que le SCC ne pouvait pas prouver… Par exemple, on me dit qu’une tige de métal se trouve dans ma cellule ou que je fais entrer de la drogue par des drones. Vous avez entendu Anne Kelly hier. Tout cela n’est que pure spéculation tant que je n’aurai pas été pris avec quelque chose d’incriminant. C’est pourquoi elle a le pouvoir de recourir aux écoutes téléphoniques.
    À l’heure actuelle, ces décisions d’isolement sont prises à l’interne et vous pensez qu’elles devraient être prises...
    Elles ne sont prises qu’à l’interne, et nous croyons que...
    Elles devraient être prises à l’externe.
    ... en utilisant le mécanisme du tribunal disciplinaire et en intégrant les deux, on permettrait l’intervention extérieure qui est nécessaire, celle de l’arbitre impartial indépendant qui agit déjà à titre d’avocat pour le tribunal disciplinaire et qui permet de garantir l’équité du processus grâce à la présence d’un avocat et l’exercice des droits de justice fondamentale.
    Ce projet de loi n’élimine-t-il pas l’isolement?
    Oui, il élimine l’isolement. Il élimine l’isolement préventif et élimine l’isolement disciplinaire en même temps, vu la description des accusations justifiant l’isolement. C’est très dangereux du fait que, lorsqu’on arrive dans le système de libération conditionnelle des détenus, les commissions des libérations conditionnelles rendent leurs décisions en se fondant sur des spéculations, et non sur la description de ce que vous avez vécu à l’intérieur.
    Vous parlez simplement de tenter de régler le problème de l’isolement préventif, mais vous allez devoir modifier d’autres textes de loi que celui-ci. Vous allez devoir modifier le paragraphe 97(1) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui prévoit que les détenus qui sont arrêtés en isolement ou en transfèrement d’urgence ont droit à un avocat. Dans les faits, dès que vous décidez d’adopter ce projet de loi, vous supprimez ce droit, et mon sort, comme d’ailleurs celui des femmes, demeurera à la discrétion du SCC.
    Cela laisse encore un pouvoir discrétionnaire pour permettre...
    Non, ce n’est pas le cas. On a abusé de ce pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire a été...
    ... l’isolement dans des situations dangereuses. C’est ce que je voulais dire par là.
    Nous croyons que cela ne servira que contre les délinquants violents, mais nous finirons par être exclus de tout.
(1620)
    Merci.
    Puis-je poser une autre question à l’Association des sociétés Elizabeth Fry? Vous avez parlé de « contact humain réel » et de l’absence de définition de cette expression. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par là?
    Ma définition d’un contact réel avec le SCC, est-ce cela que vous demandez? Le seul contact humain que j’ai eu s’est fait par la fente qui sert à passer les assiettes, et ce n’est pas du tout un contact réel. Pendant les heures supplémentaires passées à l’extérieur, on demeure toujours seule dans une cellule. À l’ACSEF, nous aimerions qu’il y ait un contact humain réel qui prendrait le visage de gens de l’extérieur: médecins, conseillers, travailleurs en réinsertion sociale qui aident réellement les détenues à planifier leur libération et à s’y préparer.
    Dans l’état actuel des services correctionnels, vous avez un contact humain réel lorsqu’un membre du personnel vient vous parler une dizaine de minutes ou que les médecins font leur ronde. Eux aussi disent avoir le sentiment d’en être réduits à distribuer des médicaments aux détenues et que ce n’était pas du tout un contact humain réel.
    Pensez-vous que ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction, vers la réalisation de votre vision? Je sais que celle-ci va même jusqu’à la disparition des prisons, mais cela n’est pas envisagé actuellement. Pensez-vous que le fait d’avoir des interventions ciblées, ce que ce projet de loi permet, l’adaptation des programmes, toutes ces choses, sont des améliorations?
    Si elles étaient mises en œuvre, elles le seraient. Cependant, dans la population carcérale générale, les femmes doivent parfois attendre des mois et des mois pour obtenir des programmes, alors je ne vois pas comment il sera possible de confier tout d'un coup tous ces programmes à l’unité spéciale tandis que des femmes dans la population carcérale générale ne bénéficient d’aucun programme ou ne sont même pas inscrites dans les bons programmes. Par exemple, j’ai été inscrite à trois programmes de traitement de la toxicomanie, moi qui n’ai jamais de ma vie consommé de drogue. Il est donc nécessaire d’avoir quelque chose de réellement affirmatif et destiné aux personnes qu’on tente de réadapter.
    Cela a aussi pour conséquence que, pour avoir accès à des programmes, on s'attire des ennuis. Quant au reste de la population carcérale, comme j'en ai fait partie, j'ai vécu ce qui lui arrive tandis que d'autres se mettaient dans le pétrin. Qu'a-t-on fait pour moi? J'ai été victime de discrimination. Des millions sont investis pour offrir des programmes qui répondent aux besoins des éléments difficiles, mais moi aussi j'aurais eu besoin de programmes. C'est une arme à double tranchant.
    Nous allons devoir nous arrêter là. Merci beaucoup.
    Monsieur Eglinski, vous avez cinq minutes.
    Je remercie les représentants de la Société Elizabeth Fry et de la Société John Howard d’avoir accepté de comparaître, mais je tiens vraiment à remercier les deux autres témoins, Alia et Lawrence. Il faut beaucoup de cran pour se présenter ici. Félicitations. Vous nous brossez un tableau plus clair de la situation réelle.
    Dans ma circonscription, celle de Yellowhead, se trouve un établissement à sécurité moyenne, l’Établissement de Grande Cache, qui est probablement situé dans un des plus beaux cadres au monde, au sommet d'une montagne. Depuis le dépôt du projet de loi C-83, j’ai eu l’occasion de parler aux gardiens, aux prisonniers, aux anciens gardiens et aux anciens prisonniers. Le projet de loi ne leur plaît pas, il ne me plaît pas non plus, et il est évident qu'il n'est pas à votre convenance non plus.
    Lawrence, je vais vous poser quelques questions et certaines d’entre elles seront peut-être un peu directes, mais je n’essaie pas de... Tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour votre prestance.
    Nous avons entendu la commissaire et d'autres témoins...
    Oui, nous avons des différends.
    ... soutenir que le projet de loi C-83 vise à favoriser la réadaptation des prisonniers. Vous avez parlé d'isolement préventif et disciplinaire. D’après ce que vous nous avez dit, à partir de votre vaste expérience, cette pratique d'isolement répond à un besoin.
    Pourriez-vous expliquer rapidement pourquoi on en a besoin? Certains doivent être protégés des autres détenus. D’autres doivent être isolés à cause d'enquêtes ou pour d'autres raisons.
    Je vais vous parler de tous ces cas, même si je n’aime pas parler des questions d'isolement protecteur. Je vais tout de même en dire un mot pour que le reste soit clair, au nom de la sécurité d'autres personnes, mais je n'aime pas beaucoup parler en m'écartant d'un code... un code qui est propre aux détenus.
(1625)
    Je comprends très bien ce code.
     Non. C’est un code que vous, hommes et femmes politiques, ne comprenez pas, et ne comprendrez jamais à moins que nous ne commencions à avoir certains échanges nécessaires.
    Les décisions d’Anne Kelly... Il faut d’abord comprendre que nous avons déjà eu maille à partir. Elle a comparu devant le Comité mardi dernier. Je vous offre de nouveau le dossier que j'ai monté, comme je l’ai proposé au Sénat, pour vous montrer sa capacité et son incapacité à faire des choix constructifs qui reflètent ces décisions, par exemple en matière d'isolement.
    Les unités d’intervention structurée dont vous parlez reflètent le protocole des USD. À ce propos-là, je veux parler de l'établissement fédéral à sécurité maximale de Sainte-Anne-des-Plaines, au Québec, qui n’est pas reconnu dans la loi que vous avez adoptée au Parlement, et je vous en tiens responsables. J’y ai été détenu pendant sept ans sous le règne de Mme Kelly. Puis, vous l'avez promue. Je vous demande de revoir ces décisions et d'essayer de comprendre.
    Je ne demande pas que vous laissiez tomber ce que vous cherchez à réaliser. Je ne veux pas que l'isolement soit aboli. Même si des hommes s'entre-tuent en prison, tous les citoyens canadiens ont droit à la sécurité. En vertu de l’article 7 de la Charte, nous voudrions que cette sécurité nous soit accordée. Si nous ne pouvons pas l'assurer nous-mêmes, nous devons compter sur les gardes pour la garantir, mais il ne faut pas abolir l'isolement en s'appuyant seulement sur des allégations voulant que la sécurité doit être assurée. Honnêtement, les hommes qui s'entre-tuent et se poignardent ou qui sont dans des situations de violence, doivent être isolés et jugés comme il convient.
    Vous avez dit plus tôt que vous aviez été libéré. Vous n’avez pas reçu d’aide. Vous n’avez pas obtenu les traitements que vous demandiez.
    Compte tenu du fonctionnement actuel de notre système pénal...
    Vous ne pourrez pas aider une seule personne ici.
    Avez-vous l’impression d’avoir eu droit à une réadaptation?
    Non. C’est moi qui me suis réadapté avec l’aide de la Société John Howard.
    Et vous, Alia? Avez-vous l’impression de vous être réadaptée grâce au programme dont nous avons parlé?
    Non, monsieur. En fait, je suis allée à l’école et, pendant un an après ma libération, j’ai reçu des soins en santé mentale afin de pouvoir me comprendre et me réadapter pleinement. La prison n’a rien fait. J’y ai appris à survivre, c’est tout.
    Merci à vous deux de votre honnêteté.
    Monsieur Dubé.
    Avec la permission de mes collègues, je demande que nous fassions savoir aux témoins, et surtout à ceux qui ont vécu une expérience carcérale, qu’ils ont également la possibilité de présenter des mémoires, en plus de leur témoignage oral, au cas où ils n’auraient pas pu exprimer certaines choses?
    J’aurais aimé cela. J’aurais beaucoup aimé soumettre un témoignage écrit au Comité aujourd’hui.
    Bonne remarque. D’accord. Votre témoignage ne se termine pas nécessairement aujourd'hui.
    Nous en sommes aux cinq dernières minutes, et Mme Damoff a la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J’ai une question qui s’adresse précisément aux Sociétés Elizabeth Fry. Vous n'ignorez pas que je siège également au Comité de la condition féminine. Lorsque l’enquêteur correctionnel s’est adressé à cet autre comité, il a affirmé qu’on pouvait mettre fin à l’isolement préventif dès aujourd’hui dans les établissements pour femmes, mais que c'était impossible dans les établissements pour hommes. Pouvez-vous nous dire comment on s'y prendrait pour l'éliminer dans les établissements pour femmes?
     Il y a eu un projet pilote.
    Oui. Nous avons offert un projet pilote au SCC pour l’aider à cet égard, l’idée étant de former un comité composé de membres des Sociétés Elizabeth Fry et d’anciennes détenues, entre autres, avant que des problèmes ne surgissent. C’est à cela que je songeais en parlant de sécurité dynamique. Si on connaît le milieu carcéral, si on est au courant des tensions croissantes, des problèmes entre les femmes... Comme la population carcérale féminine est beaucoup plus petite, il vaut mieux commencer par là si on veut éliminer l'isolement. Son profil démographique est très différent. Si je me souviens bien, le dernier meurtre survenu dans une prison pour femmes a été l’homicide d’Ashley Smith, et c’était, vous savez... Cela en dit long.
     Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Mme Savannah Gentile: Oui, certainement. Vous parlez du système carcéral pour hommes. Je ne peux rien en dire, car je ne vais pas dans les prisons pour hommes et que je n’ai aucune expérience de cette nature.
    En proposant un comité, on cherchait à intervenir à l’avance et à concevoir des solutions de rechange pour prévenir le recours à l’isolement, puisque le SCC nous avait appris qu’il n’y avait que huit femmes en isolement au Canada. Pour huit femmes, nous pouvions travailler ensemble afin de les sortir de là, leur offrir des solutions de rechange et leur apporter du soutien. Dans certains cas, il pouvait s’agir d’un cas visé à l’article 29: aiguiller la détenue en cause ayant de graves problèmes de santé mentale vers un centre de traitement dans la collectivité. Cela allait beaucoup dépendre des circonstances.
     C’était une possibilité. Malheureusement, ce projet pilote est tombé à plat, et le SCC n’y a jamais donné suite. Nous souhaitons toujours relancer cette initiative.
(1630)
    Je vais changer complètement de cap pour aborder une des préoccupations que le projet de loi m'inspire. Je ne sais s'il est possible d'amender le texte à ce sujet ou s'il s'agit d'une question qui relève plutôt de la sensibilisation du personnel correctionnel lui-même.
     Nous avons appris que les rapports Gladue tiennent compte... Je vais parler surtout des femmes, encore une fois, même si je soupçonne que la même chose se produit dans les établissements pour hommes. Les détenus font l'objet de rapports qui expliquent pourquoi ils ont été incarcérés, par exemple à cause de traumatismes intergénérationnels ou d'antécédents de violence. Il se peut que ces facteurs soient utilisés correctement pour déterminer la peine et qu'ils ne le soient pas, à l'arrivée des détenus dans les établissements correctionnels, pour établir le classement selon le niveau de sécurité, etc.
    La loi exige que cet élément soit examiné. Comment veiller à ce que ces rapports soient utilisés correctement, à ce qu'il en soit tenu compte, mais qu'ils ne servent pas à justifier un classement des détenus à un niveau de sécurité trop élevé?
    Les facteurs Gladue sont très mal compris dans les établissements. J’ai vu des rapports qui disaient qu’une femme autochtone avait été retirée de son foyer lorsqu'elle était bébé et placée dans une famille caucasienne, de sorte qu’il n’y avait aucun facteur à prendre en considération pour elle en ce qui concerne les antécédents sociaux des Autochtones. C’est dire à quel point la question est mal comprise.
     Nous voyons aussi comment les besoins des femmes, comme les dépendances antérieures, sont interprétés comme des risques en contexte correctionnel. Cela a quelque chose à voir avec le système de classement selon le niveau de sécurité. Les mêmes classements, les mêmes facteurs s'appliquent aux hommes et aux femmes, mais un élément comme la violence dans la famille peut toucher les hommes et les femmes de façon très différente. Les femmes ont tendance à être victimes de violence, mais cela est toujours considéré comme un risque et c’est pourquoi les femmes sont détenues à un niveau de sécurité plus élevé que nécessaire.
    Comment régler ce problème? Je précise que l’Association des femmes autochtones du Canada va présenter un mémoire à ce sujet. J’espère qu’elle nous proposera une analyse approfondie des moyens d'améliorer la situation. Elle est mieux placée que nous pour faire cette analyse.
    Je m'adresse à la Société John Howard. Les rapports sont-ils utilisés à mauvais escient dans les établissements pour hommes également?
    Je vais laisser à mon collègue, Allen Benson, qui fera partie du prochain groupe de témoins, le soin de répondre. Il est mieux placé que moi pour le faire.
    D’accord. Merci.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance.
    Je tiens au préalable à remercier chacun d’entre vous, en particulier M. Da Silva et Mme Pierini, qui ont eu beaucoup de courage. Cela a été très éclairant. Je vous en suis reconnaissant. Je rappelle le conseil de M. Dubé: vous pouvez toujours présenter des mémoires.
    Nous allons suspendre la séance.
(1630)

(1635)
    La séance reprend.
    Merci d’être revenus, chers collègues, mais nous avons perdu nos témoins. M. Benson est perdu et M. Godin est perdu aussi
    Des voix: Oh, oh!
    Ils doivent être en train de bavarder.
    D’accord, M. Godin est en train de prendre place.
     Je suis désolé. J’ai l’impression d’être en pays de connaissance, alors tout va bien.
    Comme un certain nombre de collègues m’ont prévenu qu’ils avaient un avion à prendre, je voudrais qu'on soit bref tant dans les déclarations que dans les questions.
    Je suis comme ça, monsieur le président.
    Je sais que c'est votre nature, monsieur Motz. Vous n’êtes pas du tout loquace.
    M. Benson représente les Native Counselling Services of Alberta et M. Godin, le Syndicat des agents correctionnels du Canada.
    Comme M. Godin est présent, je l'invite à faire sa déclaration liminaire.
    J’espère que M. Benson arrivera.
(1640)
     Merci, monsieur le président.
    Le Syndicat des agents correctionnels du Canada représente plus de 7 300 membres qui travaillent dans les établissements carcéraux de tout le Canada. En tant qu’agents du maintien de l’ordre, nous formons une composante cruciale de Service correctionnel Canada et permettons ainsi au SCC de remplir son mandat de maintien de la sécurité publique 24 heures par jour, 365 jours par année.
    Le rôle que joue l'isolement dans le système correctionnel canadien, tant au niveau provincial que fédéral, a récemment suscité beaucoup d'attention. La question de l'isolement a été examinée avec soin, et ses conséquences ont été analysées et débattues tant par les universitaires que par les critiques du système de justice.
    Avec le dépôt du projet de loi C-83, le SCC sera forcé de changer radicalement sa manière de gérer les populations carcérales. L’adoption de ce projet de loi se traduira par des changements aux politiques opérationnelles qui vont manifestement affecter les opérations dans nos pénitenciers fédéraux, ce qui aura une incidence sur le personnel et les détenus.
    Par conséquent, UCCO-SACC-CSN, dont les membres sont un partenaire important dans la prestation de services correctionnels efficaces, souhaite prendre part aux discussions entourant ces changements. Le but de ce rapport est donc de faire connaître notre point de vue, celui des agents correctionnels, sur les impacts potentiels de ces changements.
    Si le projet de loi C-83 est adopté, le SCC sera forcé de mettre en place une politique qui modifiera de façon draconienne la manière dont il gère les segments les plus difficiles de la population carcérale. Comme nous l'avons vu avec les récents changements apportés à la politique du SCC par la DC 709, où le recours à l'isolement a été remplacé par les unités d'intervention structurée, le SCC aura encore plus de difficulté à réaliser son mandat, soit exercer une surveillance sécuritaire et humaine sur les populations carcérales. Nous sommes préoccupés par ces révisions, car elles semblent réduire la possibilité de recourir à l'isolement pour assurer la sécurité d'un détenu ou celle du personnel, comme il est dit à l'article 37.3.
    Nous ne voulons en aucun cas insinuer que le projet de loi C-83 est sans mérite. Nous notons par ailleurs que des outils, tel le scanneur corporel prévu dans ce projet de loi, amélioreront la capacité des agents correctionnels de réduire toute forme de contrebande, une réalité qui met en péril la sécurité des gens qui travaillent et vivent dans les établissements fédéraux. Cependant, afin de mettre en oeuvre avec succès l'entièreté de ce projet de loi, un engagement beaucoup plus grand sera requis de la part du gouvernement fédéral.
    Bien que le projet de loi C-83 vise à modifier plusieurs composantes clés de la structure du SCC, la plus importante, relativement aux opérations de sécurité, est l'élimination des unités d'isolement au sein des établissements fédéraux. Même si UCCO-SACC-CSN reconnaît que l'efficacité d'un système correctionnel repose sur sa capacité d'adaptation, il faut se rappeler que nos membres ont la tâche d'assurer la sécurité des détenus et du personnel carcéral dans les pénitenciers.
    Si on élimine l'isolement préventif et disciplinaire, la capacité de garder le contrôle des diverses populations sera substantiellement touchée. Nous comprenons que le recours trop fréquent à l'isolement comme mesure disciplinaire peut avoir un résultat négatif. II y a néanmoins des situations où une réponse immédiate à un comportement dangereux est nécessaire.
    En 2007, nous avons été témoins de l'impact inattendu des changements à la politique correctionnelle, nommément la DC 709, « Isolement préventif » et la DC 843, « Interventions pour préserver la vie et prévenir les blessures corporelles graves ». Ces politiques ont considérablement réduit la possibilité du SCC de gérer ses établissements à l'aide de l'isolement. Quoique inspirés par de bonnes intentions, ces changements ont mené à une hausse de la violence dans les milieux carcéraux fédéraux.
    Les données préliminaires publiées par le Bureau de l'enquêteur correctionnel sur les répercussions de ces modifications donnent quelques indications sur les retombées opérationnelles de ces changements. L'analyse révèle une nette corrélation entre la réintégration de ces détenus dans la population de l'établissement et les incidents violents. Le nombre de détenus réintégrés est passé de 5 501 en 2012 à 4 025 en 2017, tandis que le nombre de détenus qui ont quitté l'isolement et ont été impliqués dans une attaque est passé de 244 à 321, selon le Bureau de l'enquêteur correctionnel.
    En outre, l'enquêteur correctionnel Ivan Zinger affirme que la nouvelle stratégie consistant à limiter l'isolement prolongé a eu la conséquence inattendue d'engendrer davantage d'attaques violentes derrière les barreaux. II implore le Service correctionnel du Canada de renforcer la supervision et l'évaluation des risques afin d'améliorer la sécurité des détenus. Alors que M. Zinger suggère que ces changements ont eu des conséquences inattendues, la position d'UCCO-SACC-CSN a toujours été catégorique quant au résultat à prévoir.
    Au cours des deux dernières années, nous avons observé que des établissements ont été le siège de plus en plus de violence, malgré des baisses de population, à cause de la réduction organisationnelle des mesures de contrôle, c'est-à-dire l'isolement, d'où le lien avec la hausse des agressions. UCCO-SACC-CSN ne préconise pas l'isolement inutile des détenus, mais cherche plutôt à maintenir sa disponibilité comme outil de gestion des populations sans restrictions déraisonnables ni sa suppression complète.
    II faut également considérer la nature transitoire du projet de loi C-83. S'il est adopté, tous les détenus assujettis à l'isolement disciplinaire ne le seront plus, aux termes des articles 39 et 40. Sa mise en oeuvre entraînera des changements immédiats à la gestion des délinquants violents dans les populations carcérales, sans égard à la façon dont ils seront dorénavant gérés.
(1645)
     Le projet de loi C-83 vise à remplacer l’isolement par des unités d’intervention structurée, dont les détails sont encore vagues. Ce projet de loi permettra à la commissaire de « désigner à titre d’unité d’intervention structurée tout pénitencier ou tout secteur d’un pénitencier » pour l’incarcération de détenus qui ne peuvent être maintenus avec la population pour des raisons de sécurité ou autres. Voilà ce que dit l'article 31.
    De plus, dans le projet de loi C-83, les références à l’isolement ont été effacées et remplacées par « unités d’intervention structurée ». À ce stade-ci, UCCO-SACC-CSN est d’avis que les seules unités appropriées pour gérer les détenus qui ne peuvent séjourner avec la population carcérale générale pour des raisons de sécurité ou autres sont les unités d’isolement existantes du SCC. Reste à savoir si ce projet de loi va engendrer la fermeture d’unités d’isolement ou, plus simplement, une nouvelle dénomination plus politiquement correcte, comme le propose l'article 31.
    Indépendamment de l’endroit où sont situées les unités d’intervention structurée dans les établissements fédéraux, le projet de loi C-83 vise aussi à modifier la manière dont est géré le segment le plus difficile de la population carcérale. Les détenus vivant dans les unités d’intervention structurée auront l’occasion d’interagir avec les autres détenus pendant au moins deux heures, ainsi que le droit de passer quatre heures à l’extérieur de leur cellule.
    Malgré les bonnes intentions qui inspirent ces changements, ces derniers ne sont pas envisageables avec le personnel et l’infrastructure actuels. Plusieurs des détenus actuellement placés en isolement le sont pour leur propre protection puisqu’ils sont extrêmement vulnérables. Si on veut leur assurer le degré d'interaction exigé dans le projet de loi, il faudra qu'un nombre déjà limité d’agents correctionnels exercent sur ces détenus une surveillance directe et constante.
    Inversement, l’incapacité de gérer des détenus incompatibles mènera à des tragédies comme celles vécues dans les établissements d’Archambault et de Millhaven, où des détenus ont été assassinés, lors d'incidents distincts, au début de 2018.
    De façon générale, si le modèle des unités d’intervention structurée remplace les unités d’isolement, nous espérons que ces changements seront mis en œuvre graduellement afin qu’ils puissent être adéquatement évalués et corrigés, si nécessaire.
    Il est encourageant de noter que le commissaire conserve le pouvoir discrétionnaire de prolonger au-delà de 30 jours le statut d’unités d’intervention structurée, ce qui permet aux agents correctionnels de gérer les délinquants à risque élevé, instables ou au comportement autodestructeur sans être limités par des délais contraignants.
    Avec la mise en place des unités d’intervention structurée, la possibilité pour le SCC de restructurer les installations existantes pour respecter les critères établis dans le projet de loi C-83 demeure floue. Les changements découlant de l’adoption de ce projet de loi C-83 vont limiter la capacité d’un établissement de répondre aux besoins de certains détenus et de ceux de la population carcérale en général, de respecter son mandat et de fournir un environnement de travail sécuritaire à ses employés.
    Si ces changements sont adoptés, l’implantation de changements structurels significatifs sera nécessaire pour continuer à se conformer aux priorités stratégiques cruciales.
    Les changements proposés dans le projet de loi permettront au commissaire d'« attribuer à tout pénitencier ou secteur d’un pénitencier une cote de sécurité "sécurité minimale", "sécurité moyenne", "sécurité maximale", "niveaux de sécurité multiples" ou toute autre cote de sécurité réglementaire ». C'est ce que propose l'article 29.1.
    D’un point de vue opérationnel, ce libellé semble plutôt vague. Dans le passé, les établissements du SCC ont été construits avec une norme de sécurité en tête. Tenter de modifier la norme attribuée après la construction d’un pénitencier, voire d’un secteur à l’intérieur d’un pénitencier, semble en contradiction avec la conception originale. Sans compter que procéder ainsi compliquera sensiblement les stratégies de gestion de la population carcérale.
    Les pouvoirs du commissaire relativement au transfèrement de détenus entre divers niveaux de sécurité des pénitenciers sont aussi élargis. Cela consolide le pouvoir du commissaire d'autoriser le transfèrement des détenus à différents niveaux de sécurité, par exemple, le transfèrement d’un détenu avec une cote de sécurité maximale dans un secteur à sécurité moyenne. Vu les conséquences sur le plan de la sécurité de ces transfèrements, nous estimons qu’il est prudent de solliciter l’avis des agents correctionnels dans ces décisions, car ce sont les personnes qui connaissent le mieux le comportement des détenus et les conséquences possibles.
    De plus, UCCO-SACC-CSN demande, depuis 2005, la création d’unités spéciales de détention pour les femmes. En effet, malgré les efforts déployés, certaines délinquantes affichent des comportements qui ne peuvent tout simplement pas être contrôlés de façon sécuritaire dans les établissements réguliers, selon le modèle actuel d'infrastructure.
    Dans des circonstances similaires chez les détenus masculins, le SCC a la possibilité de transférer un détenu autrement ingérable dans une unité d’intervention structurée. Par le passé, faute d’options, des délinquantes ont été placées en isolement pendant de trop longues périodes. Cependant, en vertu de l’orientation énoncée dans le projet de loi C-83, le SCC sera peut-être forcé de transférer ces détenues sur une base régulière et continue pour se conformer à la loi.
    Les mêmes circonstances qui ont marqué l’incarcération d’Ashley Smith deviendront plus courantes, ce qui ne servira ni le détenu ni le mandat législatif du SCC. Pourtant, tant que des modifications ne seront pas apportées aux infrastructures, nous devrons accepter cette réalité.
    Suivant l’élimination de cet outil d’isolement, le SCC sera forcé de gérer les groupes de détenus en créant des sous-populations. Dans les faits, ces détenus se retrouveront isolés, sans toutefois être placés en isolement.
    Je remarque que le président me fait signe.
(1650)
    Effectivement.
    Oui, c’est le mauvais oeil, comme on dit.
    Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais lire la dernière page. Je sais que vous avez tous le mémoire sous les yeux. Est-ce d’accord, monsieur le président?
    Si vous pouvez le faire en sept secondes, ça va.
     Je vais voir ce que je peux faire.
    Nos recommandations sont les suivantes: une rigoureuse réévaluation des changements apportés à la politique, influencée par le projet de loi C-83; l’implantation d’un meilleur système de suivi des incidents afin de mieux comprendre les répercussions opérationnelles de ces changements; la révision du libellé qui recommande maintenant que les options de réponse soient « moins restrictives » alors qu’elles étaient « plus opportunes »; un engagement à bonifier les infrastructures existantes dans les pénitenciers fédéraux afin de composer avec l’élimination des isolements préventifs et disciplinaires; une révision du système disciplinaire doit avoir lieu, avant l’élimination de l’isolement disciplinaire, afin de répondre efficacement aux besoins des détenus au comportement difficile.
    Nous recommandons également: un engagement à rendre disponibles 24 heures par jour les soins de santé dispensés par des professionnels de la santé, et ce, dans tous les établissements du SCC; l’élargissement des options de réponse pour inclure les contraintes chimiques, similaires à celles utilisées dans les hôpitaux psychiatriques provinciaux; la bonification de la formation existante et la mise en place de nouvelles formations pour outiller les agents correctionnels et leur permettre de répondre de façon sécuritaire aux divers besoins des populations carcérales; une participation accrue d’UCCO-SACC-CSN aux discussions à venir...
    Je pensais que vous aviez dit 47 secondes, monsieur, mais ça va.
    Quoi qu’il en soit, vous avez mon mémoire.
    C’étaient sept très longues secondes.
    Je croyais que vous aviez dit 47.
     Il y a une clinique d’audiologie juste un peu plus loin dans la rue.
    Oui. C’est bien.
    Monsieur Benson, vous avez 10 minutes, et je compte que vous puissiez montrer à M. Godin que 10 minutes, ce sont 10 minutes.
    Tout d’abord, je tiens à rappeler que je me trouve sur le territoire non cédé du peuple algonquin.
     C’est un honneur de comparaître pour parler du projet de loi à l'étude. Je suis le directeur général des Native Counselling Services of Alberta. Je travaille dans ce domaine depuis que je suis devenu agent de libération conditionnelle, il y a 40 ans. Je m'appuie donc sur de nombreuses années d’expérience, tant au Canada qu’à l’étranger. Nous exploitons à Edmonton deux pavillons de ressourcement en vertu de l’article 81, un pour les hommes et un pour les femmes, ce dernier étant du reste le seul pavillon de ressourcement pour les femmes en vertu de l’article 81.
     Je vais me concentrer principalement sur la partie du projet de loi C-83 qui concerne les Autochtones. Je vais mettre l'accent sur la responsabilisation des pavillons de ressourcement et vous entretenir de quelques aspects clés de notre travail.
    Premièrement, je voudrais parler de la formulation utilisée dans le projet de loi lui-même et de certains des changements proposés aux articles 79.1 et 84.1, où le libellé proposé dans le premier article est « corps dirigeant autochtone » au sens de « Conseil, gouvernement ou autre entité ».
    Nous proposons de remplacer cette définition par ceci: « corps dirigeant autochtone » au sens de Conseil, gouvernement ou autre « organisation autochtone » autorisé à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaires de droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Constitution.
    On élargit un peu le libellé. Il y a une raison à cela. Ma collègue d’Elizabeth Fry m’a fait part de ses préoccupations à cet égard. Notre préoccupation découle d’une conversation que nous avons eue avec les chefs de l’Alberta et certains de nos dirigeants communautaires pour nous assurer qu’il s’agit d’une organisation autochtone qui offre effectivement ces services.
    Plus loin, à l’article 81.1, on parle des organisations autochtones. Toutefois, nous proposons également que le gouvernement définisse clairement ce qu’est une organisation autochtone: une organisation dont la majorité des membres du conseil d’administration sont des membres des Premières Nations, des Métis ou des Inuits, qui a des compétences et des modalités de prestation de programme inspirées d'une vision du monde autochtone, et dont plus des deux tiers du personnel, dans les pavillons de ressourcement en particulier, s’identifient comme étant des Autochtones.
    L’article 80 du projet de loi se lit ainsi:
Dans le cadre de l’obligation qui lui est imposée par l’article 76, le Service doit offrir des programmes adaptés aux besoins des délinquants autochtones.
    Nous recommandons instamment que le Service correctionnel du Canada soit tenu, par la loi ou une politique, d’offrir aux délinquants autochtones des programmes adaptés à leur culture et fondés sur des données probantes autochtones.
    Quant aux modifications proposées à l’article 81, nous recommandons l’ajout d’un paragraphe 81(4) afin que le ministre puisse déléguer tous les pouvoirs aux termes d'accords conclus en vertu de cet article, de sorte que le directeur puisse s’acquitter pleinement de ses responsabilités en matière de soins, de garde et de surveillance des délinquants dans un pavillon de ressourcement. Je parle précisément de cela parce que nous venons de renouveler notre accord, et rien dans la loi ne permet au ministre de déléguer ce pouvoir. Cela est prévu dans notre accord, mais pas dans la loi. Nous aimerions certainement que cela y figure.
    De plus, le paragraphe 83(1) du projet de loi stipule:
Il est entendu que la spiritualité autochtone et les chefs spirituels ou aînés autochtones sont respectivement traités à égalité de statut avec toute autre religion et tout autre chef religieux.
     Nous recommandons d’ajouter ce qui suit: « Il doit être fait appel aux aînés pour toutes les interventions concernant les délinquants autochtones, y compris, mais non exclusivement, les questions de santé mentale, de comportement et de discipline. »
    Nous avons actuellement recours aux services des aînés dans tous les domaines, dans notre pavillon de ressourcement. C’est très efficace. C’est un moyen très efficace de rendre des comptes et leur action est considérée comme une intervention. Il y a quelques années, j’ai participé à une intervention lors d'une mutinerie, et nous avons fait venir des aînés pour aider à régler le problème. Cette solution a été très efficace. Cela ne fonctionne pas toujours, mais cela devrait certainement être considéré comme une possibilité importante.
    Enfin, en ce qui concerne les articles 86 et 87, les modifications proposées sont les suivantes:
Les soins de santé s'entendent des soins médicaux, dentaires et de santé mentale dispensés par des professionnels de la santé agréés ou par des personnes qui agissent sous la supervision de tels professionnels.
    Ces services coûtent cher, mais nous n'approuvons pas cette proposition. Nous proposons que les fournisseurs de soins de santé soient sur place. De plus, cela signifie que le professionnel de la santé doit être sur place en tout temps. Les soins de santé sont une préoccupation constante pour tous les délinquants. La modification proposée pourrait empirer la situation.
(1655)
    Je ne vais pas aborder des questions précises, mais je voudrais parler en général de l’unité d’intervention structurée. Pour répondre à la question que vous avez posée tout à l'heure, j’aime à croire que le projet de loi est inspiré par d'honorables intentions et qu’il peut être efficace.
    Je suis au courant du problème de violence. Je connais le niveau de violence dans les établissements et l’importance de la sécurité des autres délinquants et du personnel. Je sais aussi que les aînés sont parfois en danger à cause de la violence. Nous appuyons ce genre d'isolement des délinquants.
    S'il s'agit de savoir si nous sommes certains que ces politiques sont réellement respectées et mises en oeuvre, donnons-en la garantie. Une des façons de le faire, c’est de demander à tous les établissements à sécurité moyenne et maximale d’avoir un ombudsman sur place qui relève de l’enquêteur correctionnel. Si c’est bien ce qui préoccupe l'opinion publique ou mes collègues, l’une de nos garanties serait de demander que l’ombudsman sur place soit présent pour examiner ces cas. Cela nous aiderait à éliminer le genre de préoccupations que certains d’entre nous et certains de mes collègues peuvent ressentir.
    Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Benson, et merci pour le respect que vous avez manifesté à l’égard de la volonté du président d’utiliser le temps avec parcimonie.
    Sur ce, je donne la parole à M. Picard, qui aura sept minutes.
    Merci.
    Bonjour encore une fois, monsieur Godin.

[Français]

    Nous entendons-nous sur le fait que l'utilisation des unités d'isolement administratif — je n'ai pas le terme exact en français — est un outil essentiel pour des raisons de sécurité? La prison n'est déjà pas un milieu de tout repos; c'est un milieu violent. Les débordements et certains événements font en sorte que nous devons, pour des raisons de sécurité, isoler un certain nombre de personnes pour leur sécurité et celle de l'ensemble de la population carcérale.

[Traduction]

    Absolument. C’est un outil à la disposition non seulement des agents correctionnels, mais aussi des directeurs d’établissement.
    Pour gérer ces populations en toute sécurité, nous dépendons de l’isolement préventif et disciplinaire pour nous assurer que les agents, les détenus, les infirmières, etc., ne sont pas blessés et que les détenus ne se font pas de mal les uns aux autres. C’est un outil essentiel que nous continuons d’utiliser au besoin.

[Français]

    Lorsque les détenus sont dans la population générale, ils peuvent normalement bénéficier d'un certain nombre de programmes. Au-delà de la peine qui leur est imposée, il y a quand même un but de réhabilitation, et les programmes de formation visent à donner à la personne les outils nécessaires à sa réintégration dans la société. Celle qui est en isolement se coupe donc de ces programmes, ce qui retarde sa réintégration.

[Traduction]

    Nous pouvons offrir jusqu'à un certain point des programmes aux détenus en isolement préventif. C’est peut-être l’une des questions que vous posez. Les détenus en isolement ne peuvent tout simplement pas participer aux programmes offerts à la population générale parce qu’ils pourraient perturber la vie d’autres détenus qui essaient de participer à leurs programmes également. Il y a là un équilibre délicat à préserver.
    Notre objectif est la réadaptation. Au bout du compte, c’est notre mandat, depuis l’agent correctionnel jusqu’au directeur et à la Commission des libérations conditionnelles. En même temps, cependant, nous devons parfois limiter l’accès aux programmes au nom de la sécurité des autres détenus et pour permettre aux détenus de participer aux programmes.
    Bien qu’il y ait peu de programmes en isolement préventif, il y en a pour les choses les plus essentielles dont les détenus ont besoin lorsqu’ils sont en isolement préventif.
(1700)

[Français]

     Vous avez dit que les changements proposés étaient fondés sur de bonnes intentions. À vos yeux, quelles sont ces bonnes intentions? Quels avantages les améliorations que vous avez proposées présentent-elles?

[Traduction]

    Les intentions sont bonnes, mais je vais aborder la question des ressources. Ce sera une entreprise très coûteuse si nous voulons réussir. Il y a l’idée d’offrir les soins de santé très régulièrement. Comme vous le savez, je préconise qu’il y ait des soins de santé 24 heures par jour dans tous les établissements.
    Plus nous aurons recours à des infirmières et à des préposés aux soins pour aider les détenus atteints de maladie mentale, mieux ce sera. Il y a aussi l’aspect sécurité, parce que nous devons assurer la sécurité des travailleurs de la santé et des autres détenus qui peuvent se trouver dans l’unité.
    Le projet de loi est extrêmement ambitieux. Vous envisagez de sortir les détenus de leur cellule pendant quatre heures par jour. Actuellement, certaines de nos unités d’isolement préventif comptent parfois 75 détenus. La tâche est pratiquement impossible dans un délai de 16 heures, à moins d’avoir le personnel nécessaire.
    De plus, cela ne tient pas compte des interruptions. Nous pourrions avoir des détenus très instables qui s’automutilent ou qui perturbent les programmes d’autres détenus dans les unités.
    Le projet de loi est très ambitieux. L’idée n’est pas forcément mauvaise. Nous ne disons pas que c’est mauvais, mais nous vous demandons comment vous allez vous y prendre sur le plan opérationnel pour gérer l’institution en toute sécurité. À l’heure actuelle, il est à peu près impossible d'y arriver si nous n'avons pas des ressources suffisantes.

[Français]

     Dans le système actuel, on tient déjà compte de la sécurité des tiers qui donnent des services, par exemple des services de santé. Même si les détenus ne passent que deux heures à l'extérieur de leur cellule, on leur fournit des services de santé et on tient compte de la sécurité de ceux qui les donnent.

[Traduction]

     Même dans l’état actuel des choses, la politique a changé à l’été 2018, de sorte qu’ils passent maintenant deux heures en dehors de leurs cellules, mais les douches et les appels téléphoniques ne comptent pas dans ces deux heures. Je peux vous dire qu’à l’heure actuelle, dans les unités d’isolement préventif qui existent maintenant, nous ne remplissons même pas ces mandats.
    Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, je me suis rendu à Edmonton, dans l’unité d’isolement, pour demander au personnel s’il répondait à l’exigence des deux heures, avec les douches et les appels téléphoniques en plus. On m'a répondu: « Absolument pas. Il est 22 heures et nous ne pouvons pas la respecter. »
    C’est certainement une question de ressources.
    Je suis désolé, mais la question portait sur la sécurité des tiers qui dispensent des services.
    C’est exact.
    Est-elle assurée à l’heure actuelle?
    Oui. Si vous voulez parler des services de santé, oui, bien sûr. Lorsque nous fournissons des services de santé aux détenus, nous accompagnons habituellement les professionnels de la santé pour assurer leur sécurité, celle des détenus et celle d’autres membres du personnel.
    Dans le même ordre d'idées, on peut imaginer quelles ressources il faudrait s'il fallait se conformer au projet de loi C-83. Normalement, lorsque nous gérons les soins de santé, il y a habituellement deux agents correctionnels avec le professionnel de la santé. Vous pourriez aussi avoir affaire à des détenus qui sont extrêmement instables ou violents, ou qui s’automutilent. Cela accapare beaucoup de ressources.
    Oui, nous appliquons actuellement ce modèle, mais son maintien, une fois le projet de loi adopté, sera extrêmement coûteux.
    Mais cela ne signifie pas que, si on passe de deux à quatre heures, le fournisseur de soins de santé prendra plus de temps. C’est simplement qu’au cours des quatre heures, il y aura d’autres activités possibles, de sorte que l’élément de la sécurité des tiers fournisseurs de services demeure inchangé, avant et après le nouveau projet de loi. Est-ce exact?
    Oui, il y aura d’autres activités. Mais il ne faut pas oublier que ces activités doivent être supervisées. Au bout du compte, les soins de santé pourraient en faire partie, car c'est un élément de cette supervision, ou les agents correctionnels pourraient certainement y participer, selon le type de supervision ou le genre de programmes que nous essayons d’offrir.
    Il y aura des coûts rattachés à ces services. De plus, ce ne sont pas tous les professionnels de la santé qui seront disponibles pour toutes les activités. Quelqu’un doit assurer la gestion et la supervision de ces situations.
    Croyez-vous que les agents que vous représentez font partie du processus de réhabilitation?
    Oui, bien sûr. Les agents correctionnels II participent au processus de gestion de cas. Je peux vous dire que la sécurité dynamique qui se fait quotidiennement dans notre établissement est constante. Je travaille dans le système carcéral depuis 27 ans, et je peux vous dire que cela se produit constamment. Nous jouons un rôle important dans le processus de réadaptation et nous savons que les délinquants finiront par revenir vivre dans nos collectivités tout autant que dans la vôtre.
(1705)
    Merci.
    Merci, monsieur Picard.
    Monsieur Motz, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux groupes de leur présence.
    Monsieur Godin, le gouvernement a laissé entendre que votre organisme, le groupe que vous représentez, a été consulté dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi. Selon vous, cela s’est-il produit?
    Malheureusement, en raison de la confidentialité du Cabinet, comme notre commissaire nous le dit souvent, nous n’avons pas vraiment été consultés. Nous avons été aussi surpris que n'importe qui par ce projet de loi. Je ne vois pas le projet de loi avant qu’il soit déposé, alors nous n’avons pas été officiellement consultés au sujet du projet de loi C-83.
    Croyez-vous que la façon dont ce projet de loi pourrait être appliqué et les répercussions qu’il aura créeront un environnement plus sécuritaire pour votre personnel, pour les travailleurs en santé mentale et pour les autres détenus? Qu’en pensez-vous?
    Tout dépend de la façon dont nous en tirons parti. Nous avons toujours préconisé davantage de services et de soutien en santé mentale parce qu'au bout du compte, la capacité de l’agent correctionnel est limitée. C’est une bonne idée. C’est ambitieux, mais au bout du compte, comment allons-nous y parvenir? Nous continuons de défendre cette cause.
     Nous ne sommes pas des professionnels de la santé mentale. Encore une fois, le projet de loi est très ambitieux et très coûteux, si nous allons dans cette direction. Nous avons souvent des difficultés avec les détenus atteints de maladie mentale, lorsque nous ne pouvons pas les amener dans les établissements psychiatriques de la province et qu’ils nous les renvoient. Nous devons alors les gérer. Il ne faut pas oublier qu’environ 72 % des détenus souffrent de maladie mentale. Cela exige énormément de ressources, si nous avons à gérer 72 % de nos délinquants.
    Je ne pense pas que vous étiez ici pendant le témoignage de Mme Latimer, et vous avez répété qu’il y aurait des coûts à cela. Bien sûr, nous serions naïfs de croire que cela pourrait se faire dans le cadre du programme actuel et des coûts actuels.
    Le ministre et la commissaire n’ont pas été en mesure de nous fournir les coûts, ou n’ont pas voulu nous les fournir. Votre organisation a-t-elle réfléchi à la forme que pourraient prendre certaines de ces propositions de votre point de vue et aux répercussions financières qu’elles pourraient avoir?
     Pour être honnête avec vous, notre organisation n’en a pas évalué les coûts. Nous n’avons pas vraiment accès à ce genre de chiffres.
    Tout ce que je peux vous dire, c’est que si vous gérez 75 délinquants et que vous voulez les sortir pendant quatre heures par jour, à l’exclusion des appels téléphoniques et des douches, il y a un coût exorbitant à cela et vous devez avoir du personnel. Nous savons tous que le principal facteur de coût des services correctionnels est la dotation en personnel. Nous sommes une entreprise de personnes, mais je n’hésiterais même pas à deviner les millions de dollars que coûtera ce type de projet de loi ni comment cela se terminera.
    Le coût de la réadaptation est élevé et, encore une fois, il s’agit d’un programme ambitieux. J’espère que le ministre est disposé à nous fournir les coûts parce que nous avons déjà vu des politiques être modifiées sans que l'on fournisse des ressources supplémentaires. Je l’ai expliqué à certains membres du comité quand ils ont apporté des changements aux DC 709 et 843. Ils avaient accordé deux heures de congé, mais le maintien en cellule a eu pour effet leur être transmis dans les 24 heures. On nous a dit que des ressources étaient prévues pour cela. Nous n’avons rien reçu.
    Nous sommes un peu sceptiques à l’idée que l'on nous donne des ressources supplémentaires pour cela, parce que nous en faisons plus avec moins maintenant. C’est exactement ce qui se passe à l'heure actuelle dans nos unités d'isolement. Cela nous inquiète beaucoup parce que ce projet de loi est très ambitieux.
    Parlant d’environnement sécuritaire, je sais qu’il y a eu des pourparlers, et nous avons entendu le ministre à la Chambre, pas plus tard que cette semaine, parler du programme d’échange de seringues et de son objectif, et il ne cessait de faire allusion aux dispositifs EpiPen et aux seringues pour les diabétiques.
    Je ne suis pas assez naïf pour croire que c’est le but du programme d’échange de seringues. Je ne pense pas que personne ne devrait le croire non plus. Il semble que deux établissements ont déjà commencé à le faire.
    Pouvez-vous nous parler de l’impact de ce programme d’échange de seringues?
    Monsieur Motz, conformément à... Je suis peut-être vice-président, mais je sais que le président est juste derrière moi...
    Il est là.
    Si je me fie à ses décisions antérieures, il n’y a rien de précis à ce sujet, alors si vous pouvez faire un lien avec des aspects précis de la loi...
    C’est une question de sécurité. Il s’agit de veiller à ce que nous ayons un milieu de travail sécuritaire, et c’est exactement ce qu'on dit que le projet de loi C-83 fera, soit améliorer la sécurité.
    Je suis simplement curieux de savoir si ce programme améliorera la sécurité.
    Je suis sûr que vous ferez le lien avec le projet de loi.
    Ne prenez pas mon temps.
(1710)
    Voulez-vous que je réponde à la question?
    Répondez à la question.
    Écoutez, le programme d’échange de seringues dans les prisons a déjà été mis en oeuvre dans deux établissements. Nous éprouvons déjà quelques difficultés, et je vais vous donner un exemple pour le Canada atlantique, où l'on remet des seringues aux détenus. Pour nous, c'est tolérance zéro en matière de drogues. Nous sommes censés confisquer les drogues, chercher des drogues, mais à l’heure actuelle, les détenus qui participent au programme... ou plutôt, celui qui y participe a refusé de se soumettre à une analyse d’urine.
    Nous devrions réagir rapidement. Le détenu doit quitter le programme immédiatement. Nous avons demandé directement à la commissaire ce qu’il allait faire en réponse à cette situation, parce que le détenu ne se conforme pas à la stratégie de lutte contre la drogue et à la politique de tolérance zéro à l’égard des drogues. Il s'agit, je suppose, de savoir si nous éliminons les analyses d’urine parce que si une décision n’est pas prise, nous estimons que le détenu doit être retiré du programme.
    Il n'y a que deux établissements où le programme a été mis en oeuvre. Nous avons effectué notre première saisie d’héroïne récemment, dans la région des Maritimes. Soudainement, nous voyons que...
    Et une surdose aussi, d'après ce que j’ai entendu.
    Je ne suis pas au courant d’un cas de surdose; je sais seulement que des drogues ont été interceptées. De l’héroïne a été interceptée, et si vous parlez à certains agents d'expérience là-bas, ils ont été surpris. Ils n’ont jamais vu ce genre de saisie auparavant.
    Depuis l'ouverture de l’établissement pour femmes de Grand Valley, en 1999, soit il y a 20 ans, nous n’avons trouvé qu’une seule seringue. Comme la plupart du temps, les délinquantes consomment différents opioïdes ou drogues, plutôt que l’héroïne, nous avons été très surpris. Il faudra voir quelle sera la suite des choses, mais nous sommes très étonnés de voir que nous allons mettre en oeuvre un programme d’échange de seringues dans un établissement pour femmes.
    Il vous reste une trentaine de secondes.
    Parfait.
    Évidemment, le programme d’échange de seringues ferait courir un risque aux autres détenus et aux gardiens.
    Est-ce raisonnable de l'affirmer?
    Ce pourrait être le cas.
    Les critiques diront qu’il n’y a pas eu de blessures par aiguille en Europe, mais nous ne pouvons pas l'affirmer. Notre population carcérale est différente. La culture est très différente ici, en Amérique du Nord.
    En tant qu'agent du pénitencier de Kingston, je peux vous dire que j’ai vu un agent être attaqué avec une seringue. Alors, les critiques peuvent bien dire ce qu’ils veulent. Au bout du compte, les seringues n’ont pas leur place dans les cellules, et c’est ce que nous devons préconiser. C’est vraiment une question de soins de santé et nous devons sérieusement nous pencher là-dessus.
    Merci, monsieur Motz.
    Sur ce, monsieur Dubé, vous avez sept minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être présents aujourd'hui.
    Monsieur Godin, ma question concerne l'examen indépendant des décisions qui sont prises, que ce soit par les dirigeants de l'établissement ou par la commissaire, concernant l'isolement cellulaire d'un détenu ou sa présence dans l'unité d'intégration dont il est question dans le projet de loi.
    Êtes-vous aussi d'avis que l'examen indépendant, qui est absent du projet de loi, serait une bonne chose? Cela permettrait un équilibre quant aux décisions qui sont prises, essentiellement par vos patrons, si je peux m'exprimer ainsi. Cela vous permettait, dans une certaine mesure, d'être assuré de la façon dont les situations sont gérées et dont les décisions sont prises.

[Traduction]

     Encore une fois, j’ai dit très clairement dans mon mémoire que nous avons un rôle à jouer. En tant qu’agents correctionnels, nous sommes à l’écoute 24 heures sur 24. Nous observons beaucoup de comportements chez les détenus et, au bout du compte, il est essentiel que nous soyons engagés à tous les niveaux, en commençant par le directeur d’établissement. Il est important de nous écouter.
    Nous ne sommes certainement pas contre les soins de santé mentale ni contre les soins de santé en général, mais parfois, dans un établissement, la sécurité doit primer, si vous voyez ce que je veux dire. Parfois, la sécurité des autres détenus est telle que la sûreté et la sécurité l’emportent sur les soins de santé mentale. Ce n’est pas que nous soyons contre. Bien sûr, nous voulons le faire, mais en même temps, nous avons un rôle énorme à jouer là-dedans.
    Souvent, en tant qu’agents correctionnels, nous avons l’impression que personne ne nous entend. Nous, les agents correctionnels, voyons des choses en prison. Nous y vivons. Nous devons y survivre. Ne pas tenir compte de nos opinions concernant le déplacement de détenus de différentes unités ou de classement sécuritaires variés... Parfois, nous savons quels détenus sont incompatibles. Nous savons qu’un tel ne s’entendra pas avec un autre. Parfois, il faut s’arrêter pour que tout le monde reprenne son souffle. Discutons-en et faisons ce qui est sécuritaire pour tout le monde à l’intérieur de l’établissement si nous avons à déplacer un détenu d’une unité à une autre. Je peux vous dire que j’ai personnellement participé à l’ouverture de nouvelles unités, même à Millhaven. Dans une des unités que nous avons ouvertes, j’ai vécu cinq attaques au couteau en une semaine. Nous leur avions pourtant dit qu’ils ne pouvaient pas mélanger ces populations.
    Nous possédons la connaissance et l’expérience. Notre opinion devrait être prise en considération lorsque vient le temps de déplacer des détenus d'une unité à l'autre à l'intérieur des établissements.

[Français]

     Je vais rester sur la question de la consultation du syndicat, qui est évidemment très importante, on y a fait allusion plus tôt.
    Quand la commissaire a comparu devant le Comité au début de la semaine, je lui ai demandé s'il y avait un plan B. Les tribunaux ont établi un échéancier et c'est pour cela que ce projet de loi a été proposé. Or on veut l'adopter rapidement.
    On m'a dit qu'on tentait de prolonger cet échéancier et que si ce n'était pas possible, on envisagerait un plan B, mais on n'a pas été en mesure de me donner plus de détails.
    Votre syndicat a-t-il été consulté? Vous attendez-vous à être consultés au sujet d'un plan B qui serait mis en oeuvre si le projet de loi n'était pas adopté avant l'échéance établie par les tribunaux?
(1715)

[Traduction]

    J’espère que ce sera le cas. Les décisions qui ont été prises nous portent à croire qu’il est urgent de faire adopter le projet de loi. Encore une fois, nous serons les premiers à vous dire qu'il vaut mieux ralentir un peu les choses. S’il y a un plan B, nous aimerions vraiment le savoir, mais souvent, ce qui arrive, c’est que le secret du Cabinet nous est imposé. Je comprends les règles du Parlement, mais en même temps, ils doivent nous parler un jour ou l'autre. À tout le moins, je dois reconnaître à la commissaire qu’elle a eu une discussion préalable avec nous avant l’étude du projet de loi C-83, pas aussi détaillée que nous l'aurions souhaité, mais il y a quand même eu une conversation.
    Nous nous attendons à ce que notre administratrice générale, en tant que commissaire, s’assoie avec nous avant le dévoilement du plan B, si plan B il y a. Nous devrions avoir notre mot à dire là-dessus.
    Merci de cette réponse.
     Je ne sais pas si c’est nouveau, mais le projet de loi en parle. Vous avez parlé de la désignation des classifications de sécurité, dont l’une compte plusieurs niveaux. S'agit-il de quelque chose qui existe actuellement, que la commissaire peut désigner plusieurs niveaux? Quelles sont les conséquences pour vous?
    Vous venez de mentionner de façon anecdotique la situation dans laquelle vous avez des connaissances pratiques sur la façon dont les problèmes peuvent survenir. Si la commissaire décide d'une classification à plusieurs niveaux — afin, j’imagine, de faciliter la création de ces nouvelles UES —, devra-t-on y voir un problème, non seulement pour vous, mais aussi sur le plan des résultats en matière de la capacité de réadaptation du système?
    Nous avons maintenant des établissements multiniveaux. À l'heure actuelle, ils peuvent être désignés comme des organismes à niveaux multiples. La difficulté dans le cas des établissements multiniveaux, c’est la gestion des différentes populations. Si vous nous demandez de gérer une population à sécurité minimale, moyenne ou maximale à l’intérieur d’un même établissement et dans différentes unités de santé mentale, vous devez comprendre que notre petite communauté à l’intérieur de l'établissement n’est pas très grande. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire et nous ne pouvons offrir qu’un certain nombre de programmes en une journée.
    Les établissements multiniveaux sont un peu compliqués. Nous parlons parfois de sous-populations qui doivent être gérées très, très soigneusement. Parfois, nous ne pouvons pas mélanger les différentes populations. Les politiques actuelles permettent à la commissaire de désigner un établissement multiniveaux. Le projet de loi donne clairement à la commissaire le pouvoir d’attribuer différents niveaux de sécurité au sein d’un établissement. Dans une certaine mesure, cela existe déjà. Nous avons différents niveaux d’unités, mais encore une fois, n’oubliez pas que dans certains établissements, nous avons peut-être sept, huit ou neuf populations différentes, ce qui exerce une énorme pression sur la façon dont nous gérons et dont nous pouvons déplacer les détenus d’un point de vue opérationnel et sécuritaire.
    Cela existe bel et bien. Nous sommes un peu préoccupés par la façon dont ces désignations seraient faites, et il est certain que ces désignations doivent être faites en consultation avec l’agent correctionnel de première ligne.
     Ma dernière question s’adresse à vous, monsieur Benson. Nous partageons les préoccupations que vous avez soulevées au sujet du libellé lorsque nous parlions d’un organisme de réglementation par opposition à une communauté.
    Vous avez parlé de l’amendement que vous proposez, mais pourriez-vous nous expliquer rapidement quelle serait la préoccupation et ce qui manquerait? Quel risque y a-t-il à ne pas modifier le libellé de la loi actuelle?
    Il y a deux choses. Tout d’abord, dans sa forme actuelle, seuls les représentants élus des Premières Nations, les Inuits ou les Métis peuvent constituer un organisme de réglementation, et dans bien des cas, nous avons des organisations autochtones qui représentent ces communautés. Voilà une partie de la réponse.
    Deuxièmement, nous devons éliminer la possibilité que des organisations non autochtones se lancent dans le ressourcement et la gestion de pavillons de ressourcement. Très franchement, c’est exactement ce qui se passe dans les domaines de la protection de l’enfance, de la justice et des services correctionnels. Il est clair que cela n’a pas fonctionné avec des organisations chargées de la gestion depuis 200 ans. Cela ne va pas commencer à fonctionner maintenant.
    Les répercussions des pavillons de ressourcement gérés par les Autochtones... Il a été prouvé que notre taux de réussite de 87 %, selon l’évaluation faite par le Service correctionnel du Canada, est attribuable au fait qu’il est axé sur les Autochtones. Il s’agit de recherches fondées sur des données probantes et de traitements fondés sur le traumatisme.
    D’accord. Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Merci.
    Madame Dabrusin, vous avez sept minutes.
    J’aimerais poursuivre avec M. Benson.
    Pendant que vous parliez de l’organisme de réglementation autochtone, je regardais la définition. Passons à l’article 80, qui concerne les programmes dont vous avez parlé. Vous avez ajouté un libellé supplémentaire en disant « fondées sur la recherche et les données autochtones ». Est-ce exact?
(1720)
    C’est exact.
    Je regardais l’appel à l’action 36 de la Commission de vérité et réconciliation. Si nous devions adopter le libellé que vous proposez, pensez-vous que cet article répondrait à cet appel à l’action?
    Absolument. Mes collègues sont du même avis. Nous avons mené de vastes consultations auprès d’universitaires autochtones partout au Canada à propos de ces questions et de ce libellé. Nous pensons qu’en abordant cette question de la vision du monde, nous pouvons intégrer cette expertise, cette connaissance, cette culture et cette spiritualité.
    Comment cela fonctionnerait-il? Je m’excuse, mais je n’ai pas les mots exacts que vous avez proposés sous la main. J’essayais d'y voir clair.
    À quoi cela ressemblerait-il? J’ai seulement dit qu’elle était « fondée sur la recherche autochtone ». Je ne suis pas sûre d’avoir raison.
    Nous parlons de programmes pertinents sur le plan culturel, fondés sur des recherches axées sur des données probantes autochtones et ayant une vision du monde autochtone.
    D’accord. Ce libellé est-il intégré à d’autres lois ou politiques? Y a-t-il autre chose que nous pourrions utiliser comme comparaison?
    Pas encore, bien que récemment, en Alberta, la nouvelle loi sur la protection de l’enfance ait adopté ce libellé.
    D’accord. Il est bon d’avoir un autre exemple que nous pouvons examiner.
    Les échanges que nous venons d'avoir sur la nécessité d’une surveillance accrue m'interpellent. La question a été soulevée à quelques reprises. En fait, je crois que vous êtes la première personne à avoir proposé un modèle. Vous avez suggéré de nommer un ombudsman sur place sous la direction de l’enquêteur correctionnel.
    Je pose la question à M. Godin, si je le peux. Que pensez-vous de cette suggestion de mécanisme de surveillance?
    Pour être honnête avec vous, je dois défendre le service. Nous faisons un assez bon travail de surveillance de notre côté. Nous ne demandons pas de surveillance indépendante. Nous pensons avoir les outils, les politiques et le personnel nécessaires pour faire ce que nous avons à faire. Nous nous occupons de 15 000 délinquants, jour après jour, toute l'année durant. Nous ne sommes pas nécessairement en faveur d’une surveillance externe, parce que nous estimons connaître notre secteur mieux que quiconque.
    Cela ne veut pas dire que nous n’utilisons pas de ressources externes pour nous aider. En ce qui concerne le dossier autochtone, nous sommes tout à fait ouverts à cela.
    À la lecture de la cause de la Colombie-Britannique et de celle de l’Ontario, j’ai constaté que l’application régulière de la loi et l’équité du processus — et la surveillance dans ce contexte — occupent une place assez importante dans ces deux décisions. C’est pourquoi, quand je songe à la teneur de ces décisions — et sans vouloir critiquer le travail des gens —, il me semble que les tribunaux ont déterminé que c'était un besoin.
    C’est ce qu’ils ont indiqué, mais en même temps, il est très difficile de gérer la surveillance externe étant donné les besoins opérationnels, ceux de la population et le fait que nous avons des routines en place. Ce n’est pas si simple. Nous devons parfois faire confiance à l’organisation et aux professionnels, aux hommes et aux femmes qui sont là pour assurer la surveillance en vertu de la politique et des lois actuelles.
    Nous comprenons ce que les tribunaux ont dit, mais nous pensons que nous faisons un assez bon travail de surveillance interne avec les politiques actuelles.
     Je crois, monsieur Benson, que vous avez suggéré de créer un paragraphe 81(4). Vous avez dit que cela figurait dans votre entente. C'était dans votre entente, mais ce n’était pas dans la loi. Vous voulez que ce soit dans la loi, désormais. Pourriez-vous m’aider à comprendre?
    Que dit votre entente? Si vous ne l’avez pas sous les yeux, vous pourriez peut-être nous l’envoyer.
    Oui.
    Quel serait l’impact de ce changement de libellé?
    Tout d’abord, je vais vous en faire part également. Notre entente accorde essentiellement à tout directeur le plein pouvoir d’administrer son établissement, ce que la loi ne dit pas et ne prévoit pas spécifiquement. Essentiellement, nous fonctionnons dans le cadre d’une entente avec le ministre. Ce nouveau projet de loi ne reflète pas cette entente et il faudrait en tenir compte. Le ministre devrait être en mesure de nous déléguer ce pouvoir, et cela devrait se refléter dans la loi.
    Avez-vous un libellé précis à nous proposer pour que nous puissions l'intégrer?
    Je vais vous fournir cette information.
    Voulez-vous que je le relise?
    Non, ça va. Vous pouvez tout simplement l’envoyer. Ce sera parfait, merci.
    Très bien.
    Par ailleurs, dans les deux affaires judiciaires, il est question du temps que les détenus avaient passé en isolement. C'est mentionné dans les deux causes. Je crois que dans celle de la Colombie-Britannique, il y a aussi eu beaucoup de discussions sur la difficulté que cela peut représenter. Dans certains cas, s’il s’agit de 15 jours, il pourrait être difficile de fixer une durée ferme. C'était certains des éléments de preuve.
    Je me demande si vous avez une idée de la façon de traiter ces cas si les tribunaux et d'autres instances nous reprochent, en vertu des règles Mandela, de ne pas avoir fixé de durée ferme. Il y a eu des discussions à ce sujet. Certaines données probantes indiquent qu’une durée ferme est préférable pour la santé mentale des détenus, car ils peuvent voir où se situe le point final.
    Avez-vous des suggestions à nous faire sur la façon de régler ces problèmes de durée ferme et de les minimiser?
(1725)
    La durée ferme est pratiquement impossible à mettre en oeuvre. Il ne faut pas oublier que dans certains cas, nous pouvons réussir, après 10 ou 15 jours, à retourner le détenu dans son bloc cellulaire, mais il peut y avoir des cas d’automutilation ou des cas où les détenus sont extrêmement violents, où ils dépassent les 15 ou 30 jours prévus. Nous ne pouvons pas simplement imposer de durée ferme. Chaque cas est différent.
    Si vous regardez l’arrêt Burnside, en Nouvelle-Écosse, où le juge a rendu sa décision... Je suis au courant des trois décisions rendues au Canada, mais même celle de Burnside disait que, dans le cas des détenus les plus violents et les plus instables, il devient parfois nécessaire de les incarcérer plus longtemps.
    Il ne faut pas oublier non plus que certains de nos détenus demandent à rester en isolement. Je peux vous dire qu’il y a à peine quelques semaines, à Stony Mountain, les détenus qu'on nous avait demandé de sortir de l’isolement nous ont dit: « Non, vous ne me sortez pas d'ici. C’est ici que je vis. »
    Il faut trouver un équilibre. La mise en place d’une durée ferme nuira aux détenus et certainement à la sécurité du personnel. Parfois, les détenus doivent simplement être placés en isolement pour passer un moment tranquille, et parfois ils ont besoin de plus de 10 ou 15 jours, par exemple.
    Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas avoir de durée ferme. Dans le cas d'un détenu qui s’automutile, qui est instable ou violent, nous ne pouvons pas tout à coup dire: « D’accord, les 15 jours sont écoulés. Nous allons vous renvoyer dans votre bloc cellulaire. » Ensuite, ce qui va arriver, c'est que nous allons perturber tout le bloc. Nous ne pouvons pas permettre cela. C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter de durée ferme.
    Merci.
    Merci, madame Dabrusin.
    Chers collègues, il ne me reste que deux minutes environ, mais nous avons commencé en retard. Je propose donc que nous accordions cinq minutes à Mme Boucher, cinq minutes à Mme Damoff et que nous levions la séance.
    Nous ne pouvons pas rester.
    Les horaires de transport posent problème.
    Avons-nous des problèmes?
    D’accord, madame Boucher, terminez.

[Français]

     J'ai une brève question à poser, et elle s'adresse surtout à M. Jason Godin.
    J'ai bien compris que vous n'aviez pas été consultés pour ce qui est de ce projet de loi. Pourtant, vous êtes à même de comprendre la situation, puisque vous travaillez dans le milieu carcéral, et dans le maximum puisqu'on parle d'établissements fédéraux, ici. On a déposé un projet de loi qui peut être bon ou mauvais, je ne l'ai pas lu en entier, sans avoir consulté au préalable les gens comme vous qui vivent tous les jours en milieu carcéral.
    Quelle est la première chose qu'on aurait dû faire avant de rédiger ce projet de loi? Quels sont les besoins réels du milieu carcéral?

[Traduction]

    Pour ce qu est de la situation en première ligne, il faut vraiment s’asseoir et discuter des statistiques actuelles. Échangeons l’information. Voyons ce qui se passe. Avons-nous des problèmes dans certains établissements ou dans certaines unités à cause d'un élément déclencheur? Nous ne semblons pas avoir de discussions sur ces sujets. Malheureusement, le ministère ne nous fournit pas beaucoup de données statistiques qui nous permettraient de nous pencher sur la question, même si, récemment, il a enfin publié un rapport sur les agressions commises contre le personnel, rapport que nous demandions depuis longtemps.
    Par ailleurs, parlons de la réalité et des ressources. J’ai lu le projet de loi très attentivement. Si nous parlons de quatre heures à l’extérieur d’une cellule, je peux vous dire que c’est impossible à la façon dont nous sommes structurés actuellement si l'on tient compte de l'affection du personnel et des soins de santé. Avant de présenter ce type de projet de loi, à notre avis, ce sont là quelques-unes des discussions à tenir ou des démarches à entreprendre.
    Encore une fois, nous ne sommes pas totalement opposés à certains éléments du projet de loi, mais en même temps, nous devons commencer ces consultations dès le début. Les agents correctionnels craignent que nous ne mettions la charrue avant les boeufs avec pour résultat que la charrue est sortie de l’étable et que le beuf court derrière. Nous devons entamer ces discussions plus tôt, avant d'examiner un projet de loi. Ayons de vrais débats.
    Je ne saurais trop insister sur le fait que c’est nous qui gérons les établissements. Certes, nous avons les directeurs d’établissement et la commission des libérations conditionnelles, et tout le monde a un rôle à jouer, mais au bout du compte, les fins de semaine et la nuit, ce sont les agents correctionnels qui gèrent les établissements et personne d’autre. Nous devons savoir exactement, à l’avance, où ce genre de projet de loi nous mène et quelles en seront les conséquences pour nous.
(1730)
    D’accord, nous allons devoir en rester là, madame Boucher.
    Merci.
    Sur ce, je tiens à remercier M. Godin et M. Benson de leurs témoignages.
    Chers collègues, je vous souhaite une bonne semaine de relâche.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU