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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 096 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 février 2018

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 96e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Nous allons nous écarter un peu de l'ordre du jour, parce que Mme Damoff, avec l'aimable assentiment des partis d'opposition, souhaite présenter une motion dont j'espère qu'elle pourra être mise au vote sans débat. Si elle doit faire débat, nous la reporterons à la fin de la réunion, parce que je ne veux pas empiéter sur le temps que nous passerons avec les témoins.
    Madame Damoff.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci aux représentants de l'opposition.
    J'aimerais proposer la motion suivante:
Que la motion adoptée par le Comité le mardi 6 février 2018 concernant la soumission d'amendements au projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, soit révoquée et remplacée par la suivante:

Que, nonobstant la motion adoptée par le Comité le mardi 3 mai 2016, la date du 8 mars 2018 soit désignée comme la date limite de proposition d'amendements au projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, par les membres du Comité et les députés qui ne font pas partie d'un caucus représenté au Comité.
    Merci, madame Damoff.
     Y a-t-il débat?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci à tous.
    Merci aux témoins de leur indulgence.
    Pour la première heure ce matin, nous accueillons parmi nous Laura Tribe, directrice exécutive d'OpenMedia, et Timothy McSorley, représentant de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles.
    Vous avez chacun 10 minutes pour votre exposé.
    Madame Tribe.
    Bonjour. Je m'appelle Laura Tribe, et je suis directrice exécutive d'OpenMedia, un organisme communautaire voué à la promotion d'un Internet ouvert, abordable et exempt de surveillance.
     Je suis accompagnée par Tim McSorley, représentant de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, qui malheureusement n'a pas été invité à témoigner dans le cadre de cette étude, mais dont la contribution est à nos yeux cruciale pour éclairer l'analyse du projet de loi C-59.
    Le travail d'OpenMedia concernant la protection de la vie privée et la sécurité numérique remontent aux projets de loi C-13 et C-30, mais nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux graves violations de la sécurité introduites par le projet de loi C-51 du gouvernement précédent. Notre travail assidu à l'échelle communautaire nous a permis de produire un document intitulé Canada's Privacy Plan, une vision positive de l'avenir de la protection de la vie privée au Canada, qui a fait l'objet d'un sociofinancement de la part de plus de 125 000 contributeurs; d'inciter plus de 300 000 personnes à s'exprimer contre le projet de loi C-51; d'organiser deux journées d'action nationale contre le projet de loi C-51, de concert avec des organismes de tout le pays; d'inviter plus de 15 000 personnes à présenter des observations dans le cadre de la consultation gouvernementale sur la sécurité nationale; et d'obtenir plus de 6 000 mémoires à l'intention du Comité dans le cadre de la consultation sur le projet de loi C-59.
    Le rapport de Sécurité publique sur les résultats de la consultation concernant la sécurité nationale a révélé que les Canadiens sont très majoritairement favorables à une plus grande protection de la vie privée. Plus de quatre réponses sur cinq témoignaient de leur désir que les garanties de protection dans l'univers numérique soient les mêmes que dans l'univers physique, voire supérieures.
     C'est donc dire que nous avons été soulagés lorsque le projet de loi C-59 a été présenté: c'était le signe d'un changement à venir. Cela dit, plus nous avons analysé le projet de loi, plus notre inquiétude a refait surface. Les changements prévus sont moins profonds que nous l'espérions, et de nouveaux pouvoirs effractifs ont même été ajoutés.
    Non seulement le projet de loi C-59 n'offre pas de solution aux violations introduites par les dispositions du projet de loi C-51 en matière de divulgation des renseignements et de discours terroriste, mais il ajoute de nouveaux pouvoirs concernant la collecte de données, la cybersécurité et le partage d'information qui menacent notre vie privée et notre sécurité.
     Aujourd'hui, votre comité peut corriger la situation. Plus de 6 000 Canadiens ont fait valoir leurs préoccupations concernant le projet de loi C-59 par le biais du mémoire d'OpenMedia déposé dans le cadre de cette consultation. Depuis, c'est-à-dire au cours des deux dernières semaines, presque 10 000 autres personnes ont signé une nouvelle pétition concernant l'expansion des pouvoirs en matière de cyberopérations proposée dans la loi sur le CST selon les dispositions du projet de loi C-59. Elle s'adresse au Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans les termes suivants:
    « C'est à titre de Canadien inquiet que je vous demande de prendre des mesures afin de protéger ma vie privée et mes droits numériques, tandis que vous étudiez les réformes proposées par le projet de loi C-59. Tout au long du processus de réforme du projet de loi C-51, les Canadiens ont très clairement exprimé leur désir que les mesures drastiques effractives prévues en matière de sécurité nationale soient réduites.
    Le Rapport sur ce que nous avons appris de Sécurité publique Canada, lui-même, qui constitue la base du projet de loi C-59 a confirmé que la plupart des protagonistes et des experts étaient d'avis que les mesures actuelles devraient être réduites ou complètement supprimées et que la plupart des participants à cette consultation ont “opté pour la protection des droits et des libertés individuels plutôt que pour l'attribution de pouvoirs supplémentaires aux organismes de sécurité nationale et d'application de la loi...”
     Les nouveaux pouvoirs du CST en matière de cyberopérations actives et défensives proposés dans le projet de loi C-59 s'opposent directement à ce que souhaite la majorité des Canadiens. Nous avons demandé une protection de la vie privée, mais, au lieu de cela, on a un organisme d'espionnage hors de contrôle, doté de pouvoirs encore plus excessifs qu'auparavant.
    Des experts en matière de sécurité et de protection de la vie privée de tout le pays ont exposé dans le détail les enjeux que soulève le projet de loi et les changements qui devraient être apportés pour protéger la sécurité et la vie privée des Canadiens. Ils nous ont prévenus des conséquences que l'octroi de ce genre de pouvoirs pourrait entraîner, et ces pouvoirs seront d'autant plus à craindre que le projet de loi ne prévoit pas de mesures de surveillance suffisantes.
    J'aimerais attirer votre attention sur le rapport intitulé Analysis of the Communications Security Establishment Act and Related Provisions in Bill C-59, produit par le Citizen Lab et la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada, ou CIPPIC. Les mesures qui y sont recommandées devraient être adoptées par le comité SECU.
    Dans un monde et à une époque où les technologies numériques sont si souvent employées pour menacer notre sécurité numérique, notre gouvernement devrait participer à l'instauration d'un monde meilleur au lieu de compromettre activement notre sécurité. »
    À ce jour, notre pétition a été signée par 9 633 Canadiens. C'est au nom de ces signataires, des plus de 300 000 personnes qui se sont opposées au projet de loi conservateur C-51 et des autres groupes de la société civile qui ne sont pas représentés ici que nous vous demandons respectueusement de corriger la situation. C'est à vous, nos représentants élus, que nous demandons de défendre notre vie privée et de continuer le travail d'abrogation des dispositions du projet de loi C-51. La sécurité numérique est indispensable à l'infrastructure du Canada, à son économie et à son avenir. Je vous en prie, ne les compromettez pas en donnant le flanc à la crainte ou pour emboîter le pas aux pays dont les mauvaises pratiques nous précipitent par le fond. Nous devons nous montrer plus forts que ça.
    Je vous remercie.
(1105)
    Merci.
    Monsieur McSorley, ce qui reste des 10 minutes est à vous.
    Merci. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour représenter la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et ses 45 organismes membres. Je tiens à remercier OpenMedia de nous avoir invités.
    J'aimerais aborder trois questions essentielles: premièrement, l'examen et la surveillance; deuxièmement, certains des changements apportés à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité; et, troisièmement, la liste d'interdiction de vol.
    Concernant la surveillance et l'examen, la Coalition accueille très favorablement la création de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ainsi que du poste de commissaire au renseignement. Mais nous estimons que ces organisations pourraient être considérablement consolidées. Nous espérons que le Comité et le gouvernement saisiront cette occasion de veiller à ce que l'Office et le commissaire au renseignement soient dotés des pouvoirs et des ressources dont ils auront besoin pour mener à bien leurs tâches importantes. D'autres vous ont donné leur avis, que nous appuyons largement, au sujet du commissaire au renseignement. Je vais donc plutôt vous parler de l'Office.
     La Coalition est depuis longtemps favorable à l'établissement d'un mécanisme d'examen global pour garantir que les droits des Canadiens ne sont pas enfreints et pour surveiller l'efficacité des activités du Canada en matière de sécurité nationale. Le projet de loi C-59 élimine les silos qui ont empêché divers organismes d'examen de faire leur travail, et cela seul est déjà une importante amélioration.
    Nous invitons cependant le Comité à s'intéresser à trois moyens de consolider l'Office. Premièrement, pour garantir son indépendance, nous proposons que les membres de l'Office soient nommés par le biais d'un vote au Parlement et non par le gouverneur en conseil. Deuxièmement, le mécanisme de règlement des plaintes prévu dans la loi sur l'Office ne devrait pas seulement s'appliquer à la GRC, au SCRS, au CST et aux questions d'habilitation de sécurité, mais aussi, à tout le moins, aux activités de l'ASFC et d'Affaires mondiales en matière de sécurité nationale, bien que, en fait, il devrait s'appliquer à l'ensemble des activités du gouvernement fédéral en matière de sécurité nationale.
    Troisièmement, le SCRS a fait l'objet de critiques importantes en raison du manque de transparence de son système de règlement des plaintes. En fait, une poursuite judiciaire est en cours à ce sujet. Nous avons également exprimé notre inquiétude concernant le fait que le SCRS ne peut pas formuler de recommandations exécutoires. La loi sur l'Office reconduit ces problèmes dans le nouvel organisme. Nous invitons instamment le Comité à profiter de l'occasion pour améliorer le modèle du SCRS et veiller à ce que nous ayons un organisme d'examen général solide et efficace.
    Ensuite, concernant les changements à apporter à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, des pouvoirs ont été octroyés à cet organisme dans le projet de loi C-51 en matière de réduction de la menace, et ils ont été vivement critiqués à l'époque. Le projet de loi C-59 tente d'apporter une solution à certains de ces problèmes en limitant les pouvoirs de l'organisme à une série d'activités précises. Mais nous devons réitérer, avec la dernière énergie, notre opposition à l'octroi, à un organisme de renseignement qui fonctionne en secret, de pouvoirs semblables à ceux d'organismes d'application de la loi.
    Le temps dont je dispose ne me permet pas d'aborder l'ensemble de nos préoccupations, mais il y a, au coeur de ces préoccupations, le fait que la création du SCRS était censée séparer les activités de renseignement des activités d'application de la loi. Or, de nos jours, les mêmes questions se posent. Même dans les cas exigeant un mandat, nous estimons qu'un système non antagoniste ne garantira pas la protection des libertés civiles d'une cible. Nous ne croyons pas qu'il faut se demander « si » le système va enfreindre les droits d'une personne, mais bien « quand ».
    Nous sommes également inquiets des nouveaux pouvoirs accordant l'immunité aux agents du SCRS pour les actes ou omissions qui, dans d'autres circonstances, seraient considérés comme des infractions à la loi. L'Association du Barreau canadien, entre autres, a exprimé de graves préoccupations lorsque ces pouvoirs ont été accordés aux agents d'application de la loi, estimant qu'ils étaient contraires au principe de la primauté du droit. C'est, à notre avis, encore plus le cas lorsque ces pouvoirs sont accordés à des agents du renseignement dont les activités sont secrètes, et nous pensons que cette disposition devrait être retirée du projet de loi C-59.
    Enfin, concernant la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, nous appuyons les énormes efforts déployés par No Fly List Kids et d'autres groupes pour faire valoir un mécanisme de recours. Mais nous pensons que le gouvernement devrait aller plus loin et régler les problèmes plus fondamentaux de son système de listes d'interdiction de vol. Le projet de loi C-59 ne règle pas les questions soulevées depuis 2007 en matière d'application régulière de la loi. Nous ne pouvons pas entériner un système qui sert à limiter les déplacements de personnes et à les inscrire sur ce qui est ni plus ni moins qu'une liste de surveillance de terroristes, mais qui ne leur permet pas d'avoir accès à tous les renseignements les concernant pour pouvoir se prévaloir d'une défense pleine et entière. Il reste encore à nous convaincre que cela améliore les dispositions du Code criminel existantes qui permettent de limiter les activités d'une personne soupçonnée de planifier un crime. Nous mesurons l'intérêt que représentent les solutions possibles proposées par d'autres, comme l'insertion d'un système de défense spécial dans la procédure d'appel, mais nous ne croyons pas que cela suffise à rétablir le principe de l'application régulière de la loi. Nous maintenons notre opposition fondamentale et nous demandons l'abrogation du système des listes d'interdiction de vol.
    Pour que le Comité soit informé plus en détail sur nos prises de position, nous vous avons envoyé un mémoire qui, je crois, vous a été distribué hier. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions ou de poursuivre la discussion avec ceux qui le souhaiteront après la réunion.
    Merci.
(1110)
    Merci à vous deux pour vos exposés.
    Madame Damoff, vous avez sept minutes. Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus nous voir aujourd'hui. Je suis heureuse de vous revoir ici.
    Nous avons entendu pas mal de témoins, et je leur ai demandé comment le CST utilisait les renseignements recueillis dans le cadre de l'infrastructure globale d'information et ce qu'ils pensaient du fait que, même s'ils n'espionnent pas les Canadiens, les renseignements personnels de Canadiens peuvent être recueillis au passage, que ces personnes soient à l'étranger ou que leurs renseignements aient été transmis par le biais de cette infrastructure. Recommanderiez-vous que l'on modifie le projet de loi C-59 pour préciser que le CST devrait obtenir une autorisation ministérielle pour obtenir ces renseignements à partir ou par le biais de cette infrastructure d'information globale lorsqu'un Canadien s'y trouve lié?
    Je dirais que oui, comme point de départ. Je pense qu'il faut absolument obtenir une autorisation supplémentaire pour recueillir ce type de renseignements. Je pense que la collecte de renseignements par le CST, ses répercussions sur les Canadiens et le mode de collecte sont très préoccupants.
    Vous ne présentez pas votre passeport lorsque vous naviguez sur Internet. Il est vraiment difficile de justifier qui est ou n'est pas Canadien. Ce n'est pas un reproche que je fais aux organismes de renseignement. Il est difficile d'obtenir cette information, mais je crois que beaucoup des dispositions proposées dans le projet de loi sur le CST sont couvertes par un « ne vous inquiétez pas, cela n'aura pas d'effets sur les Canadiens ». C'est difficile à garantir.
    Je pense même que, au-delà de la collecte de renseignements, beaucoup de pouvoirs de perturbation peuvent aussi avoir un effet sur les Canadiens. Je pense qu'il est important d'exiger cette autorisation supplémentaire. Je crois que l'idée que les Canadiens ne seront pas visés est un peu fallacieuse. Même s'ils ne le sont pas, ils seront inévitablement touchés par la façon dont Internet est structuré et fonctionne.
    D'accord. Simplement à titre indicatif, je pense que nous fournissons librement de l'information sur Internet, sans nous demander entre les mains de qui elle pourrait tomber, et nous le faisons bien plus librement que si nous étions en train de remplir un formulaire imprimé ou de parler à quelqu'un, n'est-ce pas? Nous entrons l'information, et la voilà partie.
    Monsieur McSorley, qu'en pensez-vous?
    Nous sommes généralement d'accord avec ce que vient de dire Mme Tribe. Je pense, comme d'autres l'ont fait remarquer, que des questions se posent concernant les seuils applicables à ces autorisations. Il faudrait y songer. En général, nous avons les mêmes préoccupations au sujet de l'impossibilité de savoir où va l'information dans l'infrastructure d'information globale, et il faut donc prévoir des autorisations supplémentaires et une surveillance plus serrée de la collecte d'information.
(1115)
    Vous seriez donc en faveur d'un amendement au projet de loi dans ces termes? Très bien.
    Certains organismes nous ont parlé de reddition des comptes. Je me demandais si vous pensez que la population et la société civile gagneraient à ce que le commissaire au renseignement ait l'obligation de produire un rapport annuel public sur les activités des organismes dont il assurerait la surveillance? Le SCRS devrait-il produire un rapport annuel public?
    Les deux seraient utiles à notre avis. Nous pensons, comme nous l'expliquons dans notre mémoire, qu'il faudra prendre d'autres mesures pour garantir la transparence et l'imputabilité. Le fait que le commissaire au renseignement envisagé ne soit pas, dans les dispositions actuelles, tenu de présenter un rapport annuel est une lacune importante. Cela doit être prévu, notamment parce que cela fait actuellement partie du rôle du commissaire du CST. Que le SCRS soit tenu, lui aussi, de produire un rapport annuel permettrait aussi à la population de se faire une idée.
     Nous avons vu, hier, que le SCRS a publié un rapport de recherche. Cela nous donne la possibilité de débattre publiquement du genre de recherche et de travail effectué par le SCRS.
    Très bien.
    J'ajouterais seulement que, parmi les choses que nous ont dites nos membres, il y a que les rapports sont très importants et que ce type de transparence est indispensable si l'on veut obtenir la confiance de ces commissaires et des responsables qui assurent cette surveillance, mais qu'il faut aussi veiller à ce que les rapports ne laissent rien dans l'ombre. Un rapport produit uniquement pour le principe ne suscite pas la confiance. Il faut donc prévoir des critères déterminant son contenu, ainsi que des freins et contrepoids.
    C'est ce que nous ont dit nos membres, et je n'ai pas de recommandations particulières concernant le moyen de garantir cela, mais je crois qu'il est important de faire comprendre que le rapport proprement dit ne permettra pas nécessairement de gagner la confiance s'il ne s'inscrit pas dans un contexte de transparence.
    Il y a le nouveau comité de parlementaires. Pour des raisons de sécurité, on ne peut pas tout mettre dans un rapport public, mais on peut, si quelque chose dans son contenu signale un problème, espérer que ce comité de parlementaires pourra approfondir la question parce qu'il y est habilité.
    Il me reste deux minutes.
    Actuellement, il n'y a pas de seuil applicable à la conservation de renseignements personnels dans la LCISC. Je me demandais si vous pensez que nous devrions prendre deux mesures: d'une part, proposer un amendement pour instaurer un seuil de nécessité applicable à la conservation de renseignements personnels et, d'autre part, imposer l'obligation de détruire les renseignements personnels en deçà de ce seuil. Pensez-vous que cela améliorerait la transparence et la protection de la vie privée?
    Oui, en effet.
    Nous pensons aussi que cela améliorerait la LCISC. Dans notre mémoire, nous donnons un aperçu des raisons pour lesquelles nous étions opposés à la LCISC et pour lesquelles nous sommes toujours très inquiets. Nous pensons qu'il faut prendre d'autres mesures, comme la commissaire à la protection de la vie privée l'a fait valoir dans son témoignage, au sujet du seuil de divulgation et de réception d'information.
    Essentiellement, comme d'autres l'ont fait remarquer, c'est une loi complexe. Certains fonctionnaires de la sécurité eux-mêmes ont déclaré qu'ils craignaient que cela entraîne de la bureaucratie. Nous pensons que l'objet du droit, de la loi, est d'encadre juridiquement le partage de renseignements personnels et leur usage aux fins de la sécurité nationale.
    Nous invitons instamment le Comité et le gouvernement à reconsidérer l'adoption d'une loi comme la LCISC, qui modifie la définition de la notion de menace contre la sécurité nationale et qui est très complexe, pour instaurer plutôt quelque chose de beaucoup plus simple, qui assujettirait simplement le partage d'information aux fins de la sécurité nationale à un seuil. Cela répondrait à beaucoup des questions que nous avons soulevées. Il ne suffira pas de modifier la loi et la façon dont elle est structurée à l'heure actuelle.
    Merci.
    Monsieur Paul-Hus.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins.
    Madame Tribe, au cours de l'une des dernières réunions du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, un grand expert en sécurité nationale nous a dit qu'environ 200 000 Chinois travaillaient activement en Chine à faire ce qu'on appelle en français des opérations de réseau informatique; c'est le terme technique utilisé pour les opérations cybernétiques. Cet expert nous a mentionné que la Chine constituait une vraie menace pour le Canada.
    Sachant qu'il y a des menaces réelles, maintenez-vous l'argument selon lequel le Centre de la sécurité des télécommunications ne devrait pas avoir de capacité défensive?
(1120)

[Traduction]

    Je crois qu'il y a beaucoup de menaces très réelles pour notre pays et que beaucoup d'entre elles sont des cybermenaces. Je pense que notre communauté craint qu'il s'agisse dans les faits d'une course aux armements cybernétiques visant à déterminer qui peut construire les outils les plus gros et les plus destructeurs le plus rapidement. Nous cherchons à accroître notre sécurité, à augmenter notre niveau de protection, ainsi qu'à nous protéger contre ces types de menaces, sans développer de vulnérabilités et d'outils qui peuvent être interceptés et utilisés à mauvais escient par d'autres gouvernements ou d'autres acteurs malveillants, qui tentent de mettre au point de tels outils pour eux-mêmes.
    Nous aimerions beaucoup croire que si le Canada se dote de ces outils, il peut en assurer la sécurité, mais nous avons constaté que ce n'est pas le cas. Je suis certaine que la NSA a eu la même impression concernant de nombreux outils qu'elle élabore. Nous avons constaté qu'ils pouvaient être utilisés à mauvais escient. Nous avons vu qu'ils pouvaient servir à tirer parti de situations et à en exploiter les vulnérabilités, comme ce qui a fini par se produire pour les activités des services de santé nationaux du Royaume-Uni. Ce sont là les genres d'abus que nous souhaitons prévenir de façon proactive au Canada, en vue d'accroître notre sécurité dans les faits, de mettre en place ces mesures de protection et de nous donner les outils pour nous protéger.
    Alors qu'à court terme, cela peut sembler facile... Désolée, je ne devrais pas dire cela; je ne pense pas que tout cela semble facile, parce qu'il pourrait sembler plus simple d'essayer de mettre au point les outils nous permettant de nous en prendre à nos opposants, avant que ce soient eux qui le fassent. Je pense qu'au bout du compte, cela crée des outils supplémentaires que nous ne voulons pas. Cela ne fait que perpétuer cet environnement, dans lequel nous faisons face à des acteurs malveillants, que nous craignons, ainsi qu'une culture de la peur. Je crois qu'il existe de nombreux outils de sécurité numérique proactifs que nous pouvons développer nous-mêmes pour assurer notre sécurité. Je crois que le CST possède déjà beaucoup de compétences, mais je suis d'avis que les cyberopérations actives, et plus particulièrement celles qui visent à déployer des outils à l'étranger, posent un grand risque pour la sécurité du Canada, dans la façon dont elles pourraient être exploitées.

[Français]

    J'ai un peu de difficulté à comprendre votre démarche. À la base, le Canada ne désire pas pas être agressif envers quelque autre communauté sur la scène internationale. Par contre, nous devons nous protéger. Selon vos écrits et ce que vous nous envoyez, nous donnons trop de pouvoirs au CST, mais nous devons nous préparer à défendre nos institutions et nos systèmes.
    De votre côté, vous voyez la montée en puissance de certaines façons de faire au Canada comme une possibilité d'intervenir à l'étranger. C'est ce que j'ai un peu de mal à comprendre. Je comprends que vous ne vouliez pas qu'il y ait une escalade, mais nous n'avons pas le choix. Nous voulons nous protéger et il faut en avoir les moyens.
    Votre groupe, OpenMedia, a publié une vidéo sur YouTube. Il y affirme que le projet de loi C-59 confère à l'agence canadienne d'espionnage électronique une puissance quasi illimitée sur le plan international au regard de ce dont vous venez de parler et qu'on peut même répandre des informations erronées en ligne pour influencer des élections étrangères, comme les Russes l'auraient fait lors de l'élection américaine de 2016.
    Soutenez-vous que le CST va influencer de façon proactive d'autres pays dans leur démocratie ou leurs élections?

[Traduction]

    Je ne suis pas certaine des pouvoirs que le CST utiliserait. Je sais que, selon l'interprétation du projet de loi C-59 par les experts, ainsi que de la Loi sur le CST qui est proposée, il s'agit de capacités envisageables, compte tenu des pouvoirs qui sont conférés au CST. Je pense que c'est ce qui nous préoccupe, à savoir que nous ne sommes peut-être pas en mesure de les utiliser, mais que si nous continuons de les accorder, cela pourrait arriver. C'est cela qui nous préoccupe.

[Français]

    Pensez-vous vraiment que le CST pourrait et voudrait faire cela? Qu'est-ce qui vous fait croire que le Canada aurait l'intention d'intervenir de cette façon?

[Traduction]

    Je pense que le Canada pourrait prendre de telles mesures et qu'il le ferait dans les faits s'il jugeait cela approprié compte tenu des circonstances. Ce sont des enjeux stratégiques très complexes, et je ne prétends pas le contraire. Je pense qu'une fois que de tels pouvoirs existent à l'intérieur d'un système très opaque, dans lequel il est difficile d'intégrer des mécanismes de transparence, il est difficile de concevoir comment nous pouvons avoir confiance, alors que nous voyons que ce système est constamment utilisé à mauvais escient dans le monde entier.
    Nous ne nous inquiétons pas que le gouvernement actuel soit sur le point de déployer toutes ces armes. Nous nous inquiétons plutôt que de tels pouvoirs existent, sans aucune justification pour prouver que nous en avons besoin. C'est là que se situent nos préoccupations.

[Français]

     D'accord.
    D'une part, vous parlez de l'influence du gouvernement du Canada mais, d'autre part, sur votre site Web, vous lancez un appel à l'action. Je traduis librement votre message: « Pas aux États-Unis? Vous pouvez toujours aider à sauver la neutralité du Net. Voici comment. »
    Vous refusez au Canada, au CST, le pouvoir d'intervenir ailleurs, mais vous, de votre côté, vous lancez un appel à l'action en intervenant aux États-Unis. C'est un peu hypocrite, parce que votre groupe promeut des actions à l'étranger, alors que vous dites au gouvernement canadien ne pas se doter d'outils, parce que vous avez peur que des actions soient faites à l'étranger. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu hypocrite de votre part?
(1125)

[Traduction]

    Juste pour préciser, parlez-vous des campagnes que nous menons aux États-Unis?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Nous comptons sur le soutien de presque 200 000 personnes aux États-Unis, qui interviennent activement dans les activités de leur propre gouvernement. Ce sont ces personnes...

[Français]

    Votre groupe est établi au Canada, mais il exerce une influence aux États-Unis. Il a donc une forme d'influence à l'étranger. Par ailleurs, vous demandez au gouvernement canadien, qui veut protéger les Canadiens, d'avoir moins de ressources pour le faire. Vous ne trouvez pas cela un peu contradictoire?

[Traduction]

    Je ne crois pas qu'OpenMedia ait les mêmes pouvoirs et la même influence que le gouvernement canadien.

[Français]

     Il reste que c'est quand même une position...

[Traduction]

    Je le constate tout de même.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Paul-Hus.
    Vous voudrez peut-être réagir après les questions de M. Dubé.
    Monsieur Dubé, vous avez sept minutes.
    Je crois que nous avons confondu activisme citoyen et surveillance de l'État, mais il s'agit d'un tout autre débat.
    J'aimerais poser une question au sujet de la notion d'information accessible au public dans le projet de loi. Lorsque l'Association du Barreau canadien était ici, nous avons discuté du fait qu'il n'existe pas réellement de jurisprudence ou de définition dans le droit canadien sur ce qu'est l'information accessible au public. Je pense que beaucoup de gens ont supposé, peut-être à tort, que cela signifie essentiellement que si l'on cherche quelque chose sur Google maintenant, il s'agit d'information accessible au public. Certains témoins ont mentionné qu'il pourrait s'agir d'information vendue à des fins publicitaires par les médias sociaux ou les moteurs de recherche comme Google, et que cela pourrait même aller plus loin. Je sais que chez OpenMedia, vous avez été très actifs relativement à certaines de ces « clauses numériques », faute d'un meilleur terme, dans les accords commerciaux notamment, ce qui sans doute, compte tenu de la vaste discussion qu'a suscitée la notion d'information accessible au public, pourrait potentiellement correspondre à ce que les entreprises font lorsqu'elles sont en mesure d'échanger librement de l'information au-delà des frontières de cette façon.
    Tout d'abord, je me demande ce que signifie information accessible au public pour vous. En deuxième lieu, pourquoi cela serait-il préoccupant dans le contexte de ce qui est présenté ici, tant du point de vue des ensembles de données pour le SCRS que des capacités du CST?
     Je pense que l'une de nos préoccupations vient du fait qu'on ne sait pas clairement ce que signifie information accessible au public. Nous aimerions que les modifications apportées au projet de loi C-59 nous permettent de remédier à cela, afin que l'on sache clairement ce que ces choses veulent dire ou ne veulent pas dire, de sorte qu'elles ne soient pas laissées à l'interprétation des organismes d'application de la loi. Dans le cas de l'information accessible au public, à moins qu'il ne soit explicitement dit que la vente commerciale de l'information disponible n'est pas autorisée, non plus que l'achat de vastes ensembles de données, cela continue d'être une possibilité et une réelle préoccupation pour nous.
    Nous avançons l'idée que la possibilité de tout chercher sur Google et d'enregistrer tous ces ensembles de données pose un problème. La collecte de cette masse d'information, en général, est préoccupante. Par ailleurs, l'achat proactif et l'alimentation de ces ensembles de données, sans objectif direct, et sans soupçons ou motivation clairs, nous préoccupent réellement comme citoyens qui essaient de vivre librement leur vie et qui ont l'impression d'être des victimes, des cibles ou des acteurs suspects dans leur propre pays. Il est vraiment difficile à l'heure actuelle de s'engager en tant que citoyen sans diffuser beaucoup d'information sur Internet. Il est assez terrifiant d'avoir l'impression que tout ce qui est mis en ligne est maintenant recueilli et stocké de façon proactive par notre propre gouvernement.
    Nous partageons les mêmes préoccupations. Je tiens également à souligner que l'information accessible au public concerne à la fois le CST et le SCRS, ainsi que la collecte de nouveaux ensembles de données. Nous croyons que toutes les préoccupations concernant la collecte par le CST d'information accessible au public se reflètent également dans les nouveaux pouvoirs qui seront conférés au SCRS. Tout comme OpenMedia, nous souhaitons que cela soit mieux défini. Il faut appliquer le même processus d'autorisation que pour les autres renseignements recueillis, que ce soit au moyen d'ensembles de données pour le SCRS ou d'autorisations pour le CST.
    L'information acquise incidemment est le prolongement naturel de cela et est également mentionnée dans le projet de loi. On pourrait faire valoir que lorsque l'information est acquise incidemment, sa conservation nécessite une autorisation, mais il semble que la façon dont les seuils sont définis ne suffit pas, et qu'il serait relativement facile de justifier la collecte d'information incidente dans le cadre d'une enquête touchant un tiers. Quelles sont les préoccupations concernant l'information acquise incidemment?
    Je pense que pour certaines personnes qui évoluent dans le monde du numérique, l'information acquise incidemment signifie quelque chose de très différent de ce que cela aurait signifié dans une enquête policière ou de sécurité nationale à l'ancienne, il y a 25 ou 30 ans, par exemple.
(1130)
    Je crois que le problème en ce qui a trait à l'information acquise incidemment est que, dans bien des cas, l'information non incidente, l'information critique, semble déjà trop générale. Il est très difficile pour nous, en tant que citoyens, de comprendre ce que signifie la capacité de conserver cette information, c'est-à-dire tout d'abord la définir, mais aussi la stocker. Comment est-il possible de déterminer qu'il s'agit d'information acquise incidemment? Comment nous, gens ordinaires, pouvons-nous comprendre quelle information est recueillie à notre sujet, et à quel point il est difficile de conserver cette information? Je crois que nous entendons de nombreux arguments de la part des responsables de l'application de la loi selon lesquels cette information n'est pas acquise incidemment, ce qui constitue notre première préoccupation, et même lorsqu'elle l'est, qu'elle puisse être utile à l'avenir. Je crois qu'il y a 25 ou 30 ans, cela aurait correspondu à un carnet de notes conservé dans un classeur. À l'heure actuelle, il s'agit plutôt de ces ensembles de données à partir desquels l'information est comparée à de nombreux autres ensembles de données, qui peuvent potentiellement fournir beaucoup d'information fausse positive ou trompeuse, ce qui va à l'encontre du but même de la collecte de cette information.
    Nous craignons que l'inclusion de l'information acquise incidemment mène dans les faits à ce que certains ont décrit comme une « surveillance de masse » et à la collecte d'une trop grande quantité de renseignements. Des préoccupations ont également été exprimées concernant le manque de définition et l'inclusion des métadonnées. En combinant cela avec l'information acquise incidemment... qui peut souvent être de l'information très importante. Lorsque l'on parle d'information acquise incidemment, on ne veut pas uniquement dire de l'information secondaire au sujet d'une personne, mais plutôt quelque chose qui est recueilli en dehors de la portée de l'enquête ciblée. À cet égard, nous n'avons pas une idée claire de ce qui constitue de l'information acquise incidemment. Si cette information doit être conservée, elle devra respecter les mêmes autorisations et seuils de collecte, ainsi que de conservation et de consultation. Comme l'a mentionné Mme Tribe, nous nous demandons déjà si ces seuils sont au niveau approprié pour assurer une surveillance adéquate et un tri approprié de cette information.
    Étant donné que mon temps de parole est presque écoulé, je vais essayer de poser une question à laquelle vous pourrez répondre par oui ou par non, ce qui est toujours délicat dans ce genre de domaine.
    On a l'impression que les choses ont changé à la frontière en ce qui a trait aux téléphones cellulaires. Il y a la règle de la valise, ou peu importe le nom qu'on lui donne, qui fait en sorte que l'on s'attend à sacrifier un peu d'intimité lorsque l'on traverse la frontière, alors que maintenant, du fait de la capacité de plus en plus grande de consulter les téléphones cellulaires, la situation est différente. Croyez-vous qu'avec une loi comme celle-ci, le même genre de principe s'applique, à savoir que dans les enquêtes traditionnelles, on s'attendait à ce que les gens fournissent des renseignements, alors que maintenant, compte tenu de la quantité d'information contenue dans les téléphones cellulaires, on se demande plutôt quels renseignements les gens fourniront aux enquêteurs?
    Oui. Nous menons une campagne active de part et d'autre de la frontière, afin d'accroître la protection de la vie privée à la frontière en ce qui concerne les renseignements personnels contenus dans les cellulaires, étant donné l'étendue de ces renseignements.

[Français]

     Monsieur Picard, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Vous avez mentionné qu'il existe des lois et des règlements qui stipulent que nous ne devons pas espionner les Canadiens. Le commissaire du CST, lorsqu'il s'est présenté devant nous, a confirmé qu'on n'espionnait pas les Canadiens. Toutefois, vous avez mentionné au début de votre intervention qu'il n'y a aucune garantie que les Canadiens ne seront pas espionnés, que nous ne pouvons pas nous fier au simple fait que cela est écrit quelque part, et que nous ne savons pas si le CST espionnera ou non des Canadiens. Que faut-il donc pour nous assurer de cela?
    Je pense que l'une des choses qu'il est important de mentionner, c'est qu'il n'y a pas de certitude et que l'on espionnera des Canadiens. Lorsqu'il est déterminé que l'information qui est recueillie concerne des Canadiens, elle est immédiatement traitée différemment, mais ces mesures de protection doivent aussi être appliquées rigoureusement pour s'assurer que les Canadiens ne sont pas inclus. Je crois que dans certains cas, des dispositions du projet de la loi proposé sur le CST cibleront inévitablement des Canadiens. C'est une des choses qui nous préoccupent. Je pense qu'un certain nombre de recommandations du rapport de Citizen Lab et de la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada contribueraient également à résoudre ce problème. Je pense que le plus important, c'est de reconnaître que cela ne fonctionne tout simplement pas de cette façon. Nous devons mettre en place des dispositions pour tenter d'identifier de façon proactive l'information canadienne et nous assurer aussi qu'elle est traitée comme telle, une fois cette détermination faite, ainsi que reconnaître qu'il se peut aussi que les Canadiens soient mêlés à cela. Il importe donc d'empêcher la mise en place de systèmes dont nous ne voulons pas que les Canadiens fassent partie.
(1135)
    Lorsque vous parlez à un étranger, vous demandez-vous si cette personne peut être surveillée par un autre pays, afin de ne pas être prise dans ce qui pourrait être un appel surveillé?
    Est-ce que je pose directement la question aux gens?
    Si vous parlez à un étranger, comment vous assurez-vous de ne pas être pris dans un appel surveillé, parce que cette personne pourrait être ciblée?
    C'est bien vrai, et nous ne savons pas si les personnes avec qui nous communiquons sont ciblées ou surveillées. C'est pourquoi nous croyons avoir besoin des autorisations et des restrictions les plus rigoureuses possible sur la façon dont les outils de surveillance sont utilisés, tant au Canada qu'à...
    Une partie de ce que nous faisons au sein de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles est de faire valoir que le Canada a aussi l'obligation d'établir une norme et de collaborer à l'échelle internationale, de veiller à ce qu'il y ait une norme pour ce que font également d'autres pays, à l'échelle internationale. Nous savons que cela est difficile à réaliser. Nous ne nous imaginons pas que tous les pays auront une attitude amicale et ne feront pas d'espionnage. Le Canada affirme qu'il joue un rôle proactif dans la protection des libertés civiles et des droits de la personne à l'échelle internationale, et nous croyons que de telles politiques doivent être mises en oeuvre à l'échelle nationale, afin de donner l'exemple à l'échelle internationale.
    Le travail que font vos deux organisations pour veiller à protéger nos droits et notre vie privée est nécessaire. Nous vous en sommes reconnaissants.
     J'ai eu le privilège de mener plus d'une douzaine de consultations sur le projet de loi C-59 au cours de la première année que j'ai été ici. Les gens se sont exprimés haut et fort des deux côtés de la clôture. Il y avait ceux qui souhaitaient un peu de protection, et ceux qui acceptaient le fait que nous devions peut-être faire des compromis, si ce terme convient, dans notre vie privée pour nous assurer d'être en sécurité.
    Je suis certain que vous avez effectué beaucoup de recherches ici et là pour vous assurer d'obtenir les commentaires les plus précis et utiles à l'appui de deux points de vue. Quelle est la nature des commentaires que vous avez reçus de ceux qui acceptent des compromis dans leur vie privée pour être plus en sécurité?
    La majorité des commentaires que nous avons reçus, en fait, la presque totalité des commentaires soumis par la communauté d'OpenMedia, ne parlaient pas de compromis au chapitre de la protection de la vie privée. Je crois qu'il est dit dans les résultats de la consultation que plus de 80 % des mémoires allaient dans le sens d'une augmentation de la protection de notre vie privée, estimant que nous avions déjà dépassé les limites de cette protection, au nom de la sécurité nationale, et qu'il n'y avait pas d'équilibre.
    Je pense que c'est le plus gros problème auquel nous sommes confrontés, c'est-à-dire agir comme si nous devions sacrifier tous nos renseignements personnels pour être en sécurité. Dans les faits, nous n'avons pas vu de preuve que la surveillance de masse et la collecte massive de données ont contribué à prévenir les incidents au chapitre de la sécurité nationale. Nous n'avons pas vu de preuve non plus qu'il manquera d'information à l'avenir, ou que nous obtenons les renseignements dont nous avons besoin.
     Tout ce que nous avons vu, c'est que les Canadiens ont peur. Ils ont peur de l'information que le gouvernement recueille sur eux. Ils craignent la façon dont cette information pourrait être utilisée à mauvais escient à l'avenir, peut-être pas par le gouvernement actuel, mais par le suivant, ou l'autre après.
    Nous avons vu beaucoup de peur après le changement de gouvernement aux États-Unis concernant la façon dont l'information est utilisée à mauvais escient et ce qui se produit lorsque cette information se retrouve dans diverses mains, à l'intérieur même du gouvernement. S'il arrivait que cette information tombe entre les mains de quelqu'un de l'extérieur du gouvernement, ce qui n'arrivera jamais, nous l'espérons, nos agences de renseignements seraient elles-mêmes compromises. Nous avons recueilli de l'information au sujet de nos propres citoyens, et nous continuons d'en recueillir et de la mettre entre les mains d'autres gouvernements. Cela est terrifiant.
    Je crois que ce que notre communauté souhaite, c'est qu'on lui prouve que cette information est nécessaire, qu'elle est utile.
    Vous avez mentionné, et je fais suite à la question de M. Paul-Hus, que la technologie dans d'autres pays pourrait faire augmenter la menace au Canada et que vous êtes par conséquent à la recherche, et je vais vous citer, d'« outils nous permettant de nous en prendre à nos opposants ». Par conséquent, vous êtes ouverte à la possibilité de prendre des mesures pour contrer les agressions ou les attaques avant qu'elles se produisent, plutôt que d'agir après le fait.
    Quelle est la justification derrière votre position d'augmenter ces mesures offensives, qui semble être la même que celle de ne pas permettre au SCRS ou au CST d'agir?
    Je ne sais pas très bien quelle partie de notre témoignage vous citez, mais nous craignons que les protections internes soient insuffisantes pour nous prémunir contre les cyberattaques, ce qui rendrait vulnérables les Canadiens et les bases de données du Canada. En outre, nous ne croyons pas que nous devrions créer de façon proactive des dispositifs, des outils et des technologies pour lancer des cyberattaques, particulièrement sans les mesures de contrôle que nous demandons de mettre en place.
(1140)
    Merci.
    Il semble que nous avons été témoins ici d'une manifestation massive de collaboration entre les partis.
    Monsieur Dubé, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Nous ne voulons surtout pas lancer de nouvelle tendance ni des rumeurs.
    Je voudrais revenir à la question des ensembles de données. Même les parlementaires ne savent pas exactement ce que cela signifie.
    Le commissaire à la protection de la vie privée a soulevé un point important et intéressant quand il a dit qu’il fallait constamment songer à redéfinir les ensembles de données au fur et à mesure de l’évolution de la technologie, sans pour autant perdre de vue leur définition actuelle. Je me demande ce que vous pensez de la définition et si vous l’estimez appropriée pour le moment, mais aussi face aux changements qui se produiront à l'avenir.
    Excusez-moi, mais pouvez-vous préciser si vous parlez d'ensembles de données propres au SCRS, ou d'ensembles de données en général?
    Je veux dire en général et tel que défini dans le projet de loi.
    Bon. Nous craignons que, sans une redéfinition annuelle des ensembles de données... c'est cela qui est inquiétant. Nous estimons qu'il faudrait définir plus clairement ce que ces ensembles de données pourraient et devraient être.
    De plus, nous craignons, comme d'autres l'ont souligné, que tout au long du processus de collecte de ces ensembles de données, il y ait un seuil changeant pour ce qui peut être recueilli, ce qui peut être conservé et ce qui peut être consulté. Au lieu de permettre la collecte d'une telle quantité d'informations pour la restreindre ensuite au fur et à mesure, il s’agirait d’établir rigoureusement et dès le départ quelles informations peuvent être saisies dans ces ensembles de données.
    Aussi, comme nous l'avons déjà dit, il est préoccupant que l'information accessible au public puisse constituer une forme d'ensemble de données.
    Une autre inquiétude à l’égard des ensembles de données du SCRS touche à la question du seuil inférieur auquel il sera possible d'avoir accès à l'information faisant partie des ensembles de données canadiennes aux fins du renseignement étranger, alors que ce seuil est plus élevé lorsqu’il s’agit d’interroger les bases de données à des fins nationales. Nous croyons que, pour régler ce problème, il faut des autorisations et des seuils plus rigoureux au départ. Comme nous l'avons mentionné, il faut aussi plus de transparence et accroître les pouvoirs du commissaire au renseignement pour qu’il puisse vérifier ces ensembles de données et ces autorisations.
    J'ajouterais que la définition changeante et les différentes interprétations des ensembles de données nous ramènent à une question plus vaste que nous n’avons pas fini d’élucider: si le gouvernement lui-même a de la difficulté à en saisir le sens, c’est trois fois plus difficile pour les citoyens. En définitive, on ne saurait conférer autant de pouvoirs aux gouvernements et à nos forces de l’ordre pour recueillir et utiliser cette information sans bénéficier de la confiance du public. Or, quand les définitions changent constamment et que les comités parlementaires ont beaucoup de mal à s’y retrouver, comment voulez-vous que le public comprenne de quoi il s’agit? Toute précision à ce sujet serait très appréciée.
    Parfait. Je vous remercie.
    J'aimerais laisser ce sujet de côté et passer au poste de commissaire au renseignement. Vous me trouverez peut-être un peu pinailleur, mais la notion de poste à temps partiel est importante. Je me demande ce que vous en pensez et si vous croyez qu'il devrait s'agir d'un poste à temps plein, d’autant plus que, si ce projet de loi devait être adopté, ce serait essentiellement la seule forme de surveillance en temps réel, contrairement à ce qui se passe pour toute autre chose au pays, où l’examen se fait a posteriori.
    Nous estimons qu'il devrait s'agir d'un poste à temps plein et que, comme d'autres l'ont suggéré, il faudrait peut-être renforcer les effectifs de la magistrature en faisant appel à plus de juges à la retraite. Compte tenu de la quantité de travail que le commissaire au renseignement est censé faire, nous croyons fermement qu'il doit s'agir d'un poste à temps plein.
    Nous sommes d'accord.
    Merci beaucoup.
     En ce qui concerne le partage de l'information, dans quelle mesure devrait-on s'inquiéter des changements essentiellement esthétiques apportés à ce projet de loi par rapport à l'ancien projet de loi C-51? Vous en avez touché un mot dans vos observations, mais comme je n'ai pas vraiment le temps de formuler les questions que j'allais vous poser, vous pourriez peut-être répéter quelles sont vos préoccupations dans les 30 secondes qui restent.
    Nous avons certainement de grandes préoccupations au sujet de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, qui a été instaurée par le projet de loi C-51, et du fait qu’elle n'ait pas vraiment été révisée ou remaniée comme nous l'espérions. Un des grands changements que nous voudrions y apporter serait de donner l'information uniquement à l’entité qui en fait la demande sans permettre sa diffusion ultérieure entre les ministères. Un autre serait de limiter les personnes autorisées à avoir accès à l'information au sein d'autres organismes gouvernementaux.
(1145)
    Merci.
    Madame Dabrusin, vous avez cinq minutes.
    Je veux reprendre vos propos sur le partage de l'information. Dans votre déclaration liminaire, monsieur McSorley, vous avez dit que vous aimeriez une version simplifiée. En y réfléchissant, je songe aux recommandations d'Air India, qui soulignaient qu'un système où il n'y avait pas échange d'informations avait posé de graves problèmes et causé la perte de 280 vies canadiennes.
    Compte tenu de cela et de certaines préoccupations que vous soulevez, votre version simplifiée comment serait-elle? Si vous nous demandiez de rédiger le projet de loi à nouveau, que voudriez-vous y voir?
    Il est difficile de préciser ce que le libellé devrait contenir sur le plan juridique, mais je dirais que...
    Malheureusement, c'est là où nous en sommes.
    Je m'en rends compte. Nous croyons qu'il devrait être fondé sur les principes de l'information, sur ce qui est défini dans la Loi sur la protection des renseignements personnels comme concernant la vie privée des Canadiens; que, si l'information doit être communiquée à des fins de sécurité nationale, elle réponde au seuil de la nécessité de savoir; et, comme l'indique déjà la LCISC, que l’on consigne clairement l'information qui est communiquée, mais il doit forcément y avoir un seuil de nécessité...
    Je vous arrête un instant. Vous avez dit que c'était dans la LCISC, mais le dossier...
    Il y a tenue de dossiers, et nous croyons qu'il faut continuer, car il est évidemment important de conserver des dossiers, seulement il faudrait que ce soit au niveau de la nécessité.
    Nous sommes étonnés de constater que la définition élargie d'une menace à la sécurité nationale est reprise dans la LCISC. Nous croyons qu'il faudrait la supprimer et que nous devrions nous en tenir à la Loi sur le SCRS qui définit ce que l’on entend par une menace à la sécurité nationale du Canada.
    A priori, je pense que cela répondrait à une bonne partie de nos préoccupations, mais en général, ce que nous voyons actuellement avec la question des différents seuils — cette définition élargie de ce qui constitue une menace portant atteinte à la sécurité nationale du Canada — nous préoccupe beaucoup. Je ne crois pas que le fait d’y renoncer affecterait ce qui est ressorti de l'enquête sur la tragédie d'Air India, car il est clair que les organismes gouvernementaux doivent se communiquer les renseignements.
    Je m’occupe des articles, car nous sommes en train d'examiner le libellé juridique de ce projet de loi. Vous parlez d’« activité portant atteinte à la sécurité du Canada ». Un article qui a fait l’objet de commentaires de M. Wark, je crois, est le suivant: « Adopter au Canada une conduite qui porte atteinte à la sécurité d’un autre État ».Est-ce là ce qui vous inquiète?
    C'est une des inquiétudes. Nous sommes également préoccupés par l'inclusion des « infrastructures essentielles » en regard des menaces à la sécurité nationale du Canada, ainsi que par la nouvelle formulation de l'expression politique et du militantisme — et l'ACLC a soulevé cette question. L’adjonction de « sauf si elles ont un lien avec [une activité portant atteinte à la sécurité du Canada] » ne fait qu’aggraver le problème que nous voyons dans la LCISC…
    Désolée de vous interrompre, mais je voudrais vous poser des questions sur les infrastructures essentielles dans la minute et les 20 secondes qui me restent. Vous dites que c'est à la demande de... Il faut qu'il y ait un consentement unanime à l'égard des infrastructures essentielles dans le projet de loi, par exemple en ce qui concerne les hôpitaux. Je crois que nous avons pu constater que c'est en fait un grand sujet de préoccupation. Qu'est-ce qui vous inquiète dans le cas des infrastructures essentielles?
    Ce ne sont pas les pouvoirs du CST d'entretenir et d'améliorer les infrastructures essentielles qui nous préoccupent, mais l'échange d'information qui pourrait être déclenché par une menace aux infrastructures essentielles accompagnée de... Par exemple, nous sommes en train d'assister à une opposition à la construction de pipelines partout au Canada. Dans le passé, nous avons vu des Autochtones agir pour bloquer une voie ferrée ou organiser des manifestations qui perturbent la paix. Nous craignons que dans sa formulation actuelle ou future, la LCISC n'entrave la capacité légitime des dissidents et des manifestants au Canada à se mobiliser du fait de l’inclusion de la définition actuelle des infrastructures essentielles.
(1150)
    Merci.
    Je crois que je n’ai plus de temps.
    Merci beaucoup, madame Dabrusin.
    Monsieur Dubé, vous avez cinq minutes.
    Je veux revenir à nouveau sur la question de l'échange d'information à partir d'une chronique parue sur quelques semaines dans le journal La Presse sur une opération de la GRC qui recueille essentiellement de l'information sur les Canadiens auprès du MAE, contournant ainsi le système des mandats et toutes les autres mesures juridiques et de responsabilisation qui seraient normalement en place pour ce genre d’activité.
    Je m'interroge à ce sujet dans ce contexte, où les ministères échangent de l'information. Si l'on travaille avec le Groupe des cinq, disons, et si la GRC prend ce genre de mesures, l'information pouvant ensuite être échangée entre les ministères, je veux simplement m’arrêter — même au-delà de la loi — sur cette notion d'écosystème ou quasi écosystème que les gens sous-estiment à mon avis. À première vue, il semble logique que le ministère fédéral A partage l'information avec le ministère fédéral B, mais comme la chose ne s’arrête pas là, j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
    Une de nos préoccupations, au-delà des échanges entre gouvernements et entre ministères canadiens, est de savoir comment le réseau du Groupe des cinq et tous les organismes qui en font partie sont alimentés. Je pense que l’information fournie par le MAE à la GRC en est un excellent exemple.
    L'un des soucis majeurs, je crois, est que nous ne savons pas combien d'ententes de partage d'information le Canada a conclues et le fait que nous ne disposons d’aucune information à ce sujet. Nous ne savons pas avec qui les ententes ont été conclues. Nous ignorons quelles sont nos alliances ou de quoi il s'agit. Lorsque le gouvernement du Canada obtient nos renseignements, que nous les communiquions ou qu’il les recueille directement, nous ignorons leur destinée. Inversement, quand nous souscrivons des ententes avec d'autres pays, nous ne savons pas comment cette information peut revenir au Canada.
    En outre, notre communauté n’a de cesse de répéter que, quelle que soit l'information dont il s'agit, n'importe qui peut éventuellement l'obtenir dans le réseau des organismes membres du Groupe des cinq ou de n'importe quel ministère des pays alliés. Une fois qu'une information est saisie dans un ensemble de données, elle l’est dans celui de tout le monde. La principale inquiétude concerne l’exactitude des registres et la façon dont ces données peuvent être utilisées à mauvais escient. Je pense que le cas de Maher Arar est un excellent exemple des conséquences les plus extrêmes qui peuvent se produire dans ce contexte.
    Il peut également s’agir de choses toutes simples comme les listes d'interdiction de vol, toutes sortes de situations où de simples erreurs d'identité commises par un autre organisme à l'extérieur du gouvernement canadien peuvent enclencher une interminable spirale pour la façon dont nos renseignements sont traités au pays, et vice versa. Je pense que c'est là qu'il serait très utile de définir qui peut partager les renseignements et avec qui, et quelles sont ces ententes de partage de l'information.
    Mme Tribe a très bien résumé nos préoccupations.
    Je me contenterais d’insister sur une des recommandations que nous formulons, surtout en ce qui concerne la loi proposée sur le CST et le SCRS, à savoir qu'il faut attribuer des rôles proactifs pour ce qui est de la divulgation des renseignements étrangers. Quant à la LCISC, que nous ayons des définitions claires du partage de renseignements étrangers et de la façon dont il peut avoir lieu. Nous devrions garder à l'esprit, comme l’a dit Mme Tribe, que nous ne savons pas où cette information pourrait éventuellement aboutir.
    C’est quelque chose qui s'est produit à plusieurs reprises — le ministre s’est montré intéressé, mais il n'y a pas encore eu de suites. Croyez-vous tous les deux qu'il devrait y avoir un mécanisme de surveillance et de plaintes pour l'ASFC, qui est actuellement le seul organisme qui s'occupe de la sécurité nationale et qui n'a pas ce genre de mécanisme en place?
    Oui, mais je pense que Tim a peut-être d'autres choses à dire à ce sujet.
    Nous croyons qu'il doit y avoir un organisme d'examen indépendant pour l'ASFC. Comme je l'ai mentionné, nous croyons que l'ASFC devrait être ajoutée au mécanisme de plaintes de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Le fait qu'une grande partie de ce que fait l'ASFC n'est pas propre à la sécurité nationale et qu'il s'agit d'une définition qui évolue signifie qu'il faut créer un organisme d'examen de l'ASFC.
    On a l'impression que tout ce que fait l'ASFC pourrait être considéré comme de la sécurité nationale en raison de la circulation à la frontière. Ne se méfie-t-on pas du manque de rigueur de cette définition trop étroite, même pour le travail que font actuellement les organismes existants comme le CSARS lorsqu'ils doivent suivre le fil d’Ariane menant à l'ASFC?
    Comme la sécurité nationale peut être perçue de façon générale... En fait, en incluant l'ASFC dans le mécanisme de plaintes, l’OSASN pourra se pencher sur ce qui se passe à l'Agence. Il pourra donc aller plus loin.
    Nous avons toutefois besoin de préciser en quoi consiste la sécurité nationale afin qu’il ne soit pas dit, en privé, qu’elle se limite à des situations où quelqu'un est inscrit sur une liste d'interdiction de vol ou autre exemple de la sorte, sans songer à tout le reste, par exemple aux réfugiés et à d'autres questions semblables.
(1155)
    Merci.

[Français]

     Merci, monsieur Dubé.
    Monsieur Fragiskatos, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous deux d'être venus aujourd'hui.
    Pour ne rien vous cacher, Steve Anderson, fondateur d'OpenMedia, était mon compagnon de chambre à l'Université Western il y a une vingtaine d’années, alors ne manquez pas de lui dire bonjour de ma part.
    Quoi qu'il en soit, je veux commencer par Mme Tribe, si vous le permettez, et donner suite à certaines questions que nous avons entendues au sujet du CST.
    Le Comité a entendu de nombreux témoignages sur les menaces qui pèsent sur les infrastructures essentielles du Canada: les réseaux hydroélectriques, l'énergie nucléaire, le système bancaire et, en particulier, l'information sur la santé. Je prends très au sérieux ce que vous dites au sujet du CST, même si je ne suis pas d'accord, car je pense que nous devons avoir une capacité offensive pour la protection de ces infrastructures essentielles.
    J'aimerais savoir ce que vous conseilleriez à ce gouvernement ou à tout autre gouvernement canadien pour se prémunir contre les menaces bien réelles qui existent dans le cyberespace ou les cyber-réseaux? Ce n'est pas une question tendancieuse; je suis sincère en la posant.
    Ce qui nous préoccupe surtout, c'est l’absence de freins et de contrepoids dans la formulation actuelle de la loi proposée sur le CST. Citizen Lab et la CIPPIC ont rédigé 90 pages assorties de recommandations à ce sujet, ce qui en dit long.
    Fondamentalement, cependant, nous sommes préoccupés par le fait que la portée de la loi est trop vaste et qu'elle laisse le CST faire trop de choses sans la reddition de comptes et les mécanismes de contrôle nécessaires pour veiller à ce qu’il soit utilisé uniquement si quelqu'un cible quelque chose comme notre infrastructure énergétique.
    J’aimerais vous lire une citation. Elle est de James Lewis, premier vice-président du Center for Strategic and International Studies. Il affirme que le moyen le plus efficace d'assurer une protection viable à long terme contre les cyberattaques consiste à se prévaloir de capacités offensives et à détruire les réseaux et les systèmes ennemis. Selon ses propres mots, poursuivre une lignée strictement défensive, c'est l'équivalent d'une défense statique, où l’on défend des positions fixes au lieu de manoeuvrer, laissant ainsi l'initiative aux adversaires.
    La nature de la sécurité nationale change constamment. Nos alliés du Groupe des cinq ont tout ce qu’il faut pour appliquer une approche cybernétique offensive. Je ne parle pas seulement des États-Unis — les puissances moyennes comme la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Canada ont déjà cette capacité. En fait, nous avons entendu dire au Comité que nous traînons de l'arrière par rapport à ces pays.
    Que diriez-vous à quelqu'un comme le professeur Lewis, qui affirme que, si des pays comme le Canada optent pour ne pas agir, nous serons toujours sur la défensive et nous ne pourrons pas prévenir les attaques contre nos infrastructures essentielles? Cette capacité préventive est importante pour la sûreté et la sécurité du pays et de ses citoyens.
    Il y a deux réponses à cela. Premièrement, il s'agit d'une solution militaire très proactive ou d'une solution de type militariste, ce qui ne correspond pas à l’approche qu’envisage notre communauté. On peut avoir l’impression que c’est tout autre chose parce que l’attaque se fait en ligne, mais c'est exactement la même démarche: allons les chercher avant qu'ils viennent nous chercher, nous. Ce n’est qu’une divergence d'opinions, car nous pensons tout autrement.
    Je crois que oui.
    À mon avis, c'est parce que nous nous sommes dit que nous devions suivre le rythme des autres que nous en sommes là. C’est le défi que nous devons relever. Ce n’est pas parce que d’autres pays font une chose que nous devons leur emboîter le pas. Je pense que le CST a déjà d’immenses pouvoirs en matière de piratage et de perturbation et nous cherchons à assurer la transparence et la surveillance du système.
    Si nos données bancaires devaient soudainement être piratées et disparaître, si les renseignements vitaux sur la santé dont les médecins ont besoin devaient disparaître, si notre réseau d'électricité devait soudainement s’effondrer, que diriez-vous alors? À mon avis, la sécurité du pays pourrait être compromise si nous restons sur la défensive et n’agissons pas contre les menaces de façon préventive. Voyez-vous où je veux en venir?
    Absolument, je comprends votre argument. À mon avis, nous nous efforçons tellement de les avoir avant qu’ils ne nous aient que nous ne reconnaissons pas nos faiblesses et vulnérabilités. Par ailleurs, nous ne tenons pas compte de certains pouvoirs que nous avons déjà. Évidemment, je conviens que la disparition soudaine de nos dossiers médicaux serait troublante.
     Le CST aimerait avoir un certain nombre de pouvoirs additionnels — des pouvoirs que nous aimerions qu’il possède. Ceux-ci pourraient même être inscrits dans la Loi sur le CST. Mais ils ne comprennent pas les limites nécessaires pour veiller à ce qu’ils soient utilisés exclusivement pour des choses comme nos dossiers médicaux. À mon avis, leur portée est trop large. Les précisions qui permettraient aux Canadiens d’avoir confiance sont absentes. Nous n’avons pas été consultés à ce sujet. Lors des consultations, on ne nous a jamais demandé ce que nous pensions donner de nouveaux pouvoirs au CST. Je crois que les préoccupations de notre organisme viennent de là.
(1200)
    Dernière question, où le terrorisme se...?

[Français]

    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Je remercie nos témoins de leur présence, aujourd'hui.
    Nous allons ajourner durant quelques minutes, le temps d'accueillir les témoins suivants.
    Merci.
(1200)

(1205)
     Bonjour, monsieur Nesbitt. Est-ce que vous nous entendez?

[Traduction]

[Français]

    Bonjour, messieurs.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à MM. Michael Mostyn et David Matas de B'nai Brith Canada et, par vidéoconférence, à M. Michael Nesbitt, professeur de droit à l'Université de Calgary.
    Nous allons d'abord entendre votre présentation, monsieur Nesbitt.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
     Permettez-moi tout d’abord de vous remercier tous de l’excellente occasion que vous m’offrez et d’avoir entrepris la tâche essentielle d’étudier le projet de loi C-59. C’est vraiment un honneur et un privilège pour moi d’être parmi vous aujourd’hui.
    On m’a demandé de me concentrer sur la partie 3 du projet de loi C-59, la Loi sur le CST, et c’est mon intention. En général, je suis convaincu qu’il est essentiel de mettre à jour les pouvoirs archaïques régissant le CST et de lui donner une solide base législative. Or, j’appuie tout à fait l’élaboration d’une loi sur le CST. En fait, il m’apparaît évident que le fruit de cet effort est un projet de loi soigneusement rédigé qui tente de concilier les besoins opérationnels du CST quant à la protection de la sécurité nationale du Canada avec l’attachement de notre pays à la démocratie et à la primauté du droit.
    Évidemment, il y aura beaucoup de travail à faire, étant donné la taille et la complexité de cette mesure. Cela fait partie du jeu. À cet égard, j’ai eu le grand avantage de lire les mémoires et les témoignages des témoins qui ont déjà comparu devant le Comité. Bien que chaque témoin ait fait des commentaires réfléchis dont je vous encourage fortement à tenir compte, j’ai le sentiment général qu’aucun de nous ne peut prévoir tous les défis juridiques ou opérationnels à venir.
    C’est la réalité qui entoure l’étude d’un projet de loi aussi vaste, important, complexe et très technique. Par conséquent, plus que toute autre chose, il est essentiel que l’examen de la Loi sur le CST soit exhaustif et minutieux et qu’il se poursuive, particulièrement lors des tout premiers jours et années. Il ne s’agit pas d’une loi qui devrait ressembler exactement à ce qu’elle est aujourd’hui, ou sera l’été prochain, ou lorsqu’elle sera examinée la première fois, plusieurs années après son adoption. Elle devra être mise à jour pour suivre l’évolution technologique, opérationnelle et juridique.
    À mon avis, la meilleure façon de procéder serait de miser sur un examen et un contrôle rigoureux, de sorte que les questions qui surgiront au cours des prochains jours et des prochaines années soient portées à l’attention du Parlement, du public et du CST lui-même et qu’il soit possible d’apporter les correctifs nécessaires le moment venu.
    Ni la loi ni la sécurité du Canada ne sont bien servies si les lignes de faille juridiques ou opérationnelles du CST demeurent camouflées dans l’ombre et je crois que le CST serait d’accord avec ce sentiment. C’est pourquoi je vous encouragerais tout d’abord à adopter la recommandation du professeur Kent Roach selon laquelle l’examen envisagé dans la partie 9 de la loi doit avoir lieu le plus tôt possible.
    Il en va de même pour la recommandation du commissaire du CST, à savoir que le commissaire au renseignement que propose cette mesure devra produire un rapport sur ses autorisations, qui sera déposé chaque année devant les deux chambres. De plus, il faudra s’assurer que le commissaire au renseignement surveillera convenablement toutes les activités qui impliquent une attente raisonnable quant à la protection de la vie privée et donc l’article 8 de la Charte.
    Trois choses me viennent à l’esprit à cet égard. Premièrement, le commissaire du CST a recommandé que le paragraphe 37(3) du projet de Loi sur le CST soit modifié de manière à exiger l’approbation du commissaire au renseignement relativement aux autorisations ministérielles de prolonger les opérations de renseignement à l’étranger. En effet, si l’opération initiale nécessite l’approbation du commissaire au renseignement, il en va de même pour tout suivi. On peut soutenir que le commissaire au renseignement disposera de plus d’informations sur lesquelles fonder sa décision à cette étape de la nouvelle autorisation. Plus précisément, c’est à ce stade que nous verrons si, et dans quelle mesure, la collecte fortuite de contenu canadien fait partie de la collecte de renseignements à l’étranger.
    Cela m’amène assez naturellement à mon deuxième argument. Je vous encourage à axer votre examen juridique de ce projet de loi sur les articles qui portent sur la collecte fortuite de renseignements lesquels, comme nous le disons couramment, n’impliquent pas les Canadiens. Par le passé, y compris récemment aux États-Unis et au Canada, nous avons constaté que le manque de surveillance à l’égard de ce genre d’informations recueillies incidemment peut causer une grande controverse juridique et politique que personne, à mon avis, ne recherche.
    Dans le contexte du projet de loi sur le CST, je vous encourage donc à adopter la recommandation du professeur Craig Forcese de modifier les paragraphes 23(3) portant sur la collecte de renseignements à l’étranger et 23(4) portant sur la cybersécurité. Ainsi, le CST serait tenu de demander une autorisation ministérielle, et donc la surveillance du commissaire au renseignement, lorsque ses activités contreviendront à une loi du Parlement, comme le projet de loi le dit actuellement, ou impliqueront l’acquisition de renseignements là où un Canadien ou une personne au Canada a des attentes raisonnables en matière de vie privée.
     Notre charte exige un contrôle lorsqu’il existe une attente raisonnable en matière de vie privée. Par conséquent, il est très difficile de voir comment, sans l’autorisation ministérielle et la surveillance du commissaire au renseignement, la collecte massive de renseignements qui implique une attente raisonnable en matière de vie privée, laquelle pourrait être permise selon le libellé actuel, serait recevable devant n’importe quel tribunal au Canada.
(1210)
    En troisième et dernier lieu, je crois que certains témoins vous ont exprimé leurs préoccupations quant à la collecte de données accessibles au public sans surveillance de la part du commissaire au renseignement. Je serais heureux de vous donner plus de détails à cet égard pendant la période des questions. Pour l’instant, je dirais simplement qu’on peut certainement appuyer l’exclusion des données publiques. Si le public y a accès, il n’est certainement pas nécessaire que le CST obtienne une autorisation pour faire la même chose, du moins, cela pourrait être le cas en théorie.
    Mais les renseignements accessibles au public ne sont pas tous identiques. L’information en vrac accessible au public, que posséderait l’État, est très différente de cette information dans les mains d’une personne comme vous ou moi. Par exemple, les renseignements obtenus illégalement, les mots de passe piratés, peuvent devenir publics, mais ils seront néanmoins considérés comme des renseignements privés — du moins aux yeux de ceux qui les détiennent. De plus, des informations publiques discrètes peuvent sembler inoffensives en soi, mais lorsque l’État les regroupe pour produire des analyses de mégadonnées que le public peut également acheter pour ensuite les colliger, l’amalgame d’informations publiques peut offrir des aperçus très privés sur la vie des personnes. Évidemment, tout cela vient s’ajouter à l’idée, qui s’applique déjà dans le cas de certains renseignements accessibles au public, que, dans le bon contexte, l’information publique peut elle-même impliquer une attente raisonnable en matière de vie privée et, par conséquent, mettre à nouveau en cause l’article 7 de la Charte.
    Autrement dit, le simple fait qu’un renseignement soit accessible au public ne le soustrait pas nécessairement aux mesures de protection de la vie privée prévues par notre Charte. Cela aura bien entendu un impact sur la façon dont cette information pourra être utilisée et partagée. Là où le commissaire au renseignement exerce une surveillance, par exemple, cette information publique privée pourrait être partagée avec la GRC à des fins de poursuites. Faute d’une telle surveillance, l’information recueillie en violation de la Charte ne pourrait probablement pas être utilisée à l’appui de telles poursuites.
    Bref, à moins que le CST recueille des renseignements publics sous le contrôle du commissaire au renseignement, il y a de bonnes raisons de craindre que nous ayons des problèmes de sécurité et de liberté.
    Je vous remercie de votre attention.

[Français]

     Merci, monsieur Nesbitt.
    Monsieur Mostyn, vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

    Merci. Je partagerai mon temps de parole avec Me Matas.
    Nous remercions le Comité de nous avoir invités à comparaître. Je ferai quelques remarques liminaires. Mon collègue David Matas, notre conseiller juridique principal, expliquera davantage certains de nos principaux arguments quant à ce projet de loi.
    Fondée en 1875, B’nai Brith Canada est la plus ancienne organisation nationale juive du pays. Nous défendons depuis longtemps les droits de la personne des Juifs canadiens et des autres citoyens à travers le pays. Nous défendons les intérêts de la communauté juive du Canada ainsi que ses droits, comme la liberté de conscience et de religion.
    B’nai Brith Canada a témoigné devant ce comité en 2015 et, plus récemment, en février 2017, au sujet de ce qui était alors le projet de loi C-51. Notre témoignage d’aujourd’hui reprendra les mêmes arguments que nous avons déjà soulevés et nous nous concentrerons sur des domaines précis qui touchent au travail que nous faisons, en particulier la partie 7.
    Notre dernier rapport sur les incidents d’antisémitisme au Canada fait état d’une vérité essentielle: les juifs sont constamment la cible de crimes motivés par la haine et les préjugés au Canada à un taux plus élevé que tout autre groupe identifiable. Statistique Canada a récemment publié son rapport sur les crimes haineux déclarés par la police en 2016; une fois de plus, les juifs ont été le groupe le plus ciblé au pays. Mais les crimes haineux déclarés par la police ne sont que la pointe de l’iceberg. Nous avons besoin de meilleurs outils — des données et des analyses — pour mieux comprendre tous les crimes haineux et mieux les contrer.
    Le projet de loi C-59 propose de modifier le Code criminel afin d’améliorer l’efficience et l’efficacité du régime de listes d’entités terroristes. Nous appuyons ces mesures, qui prévoient un examen ministériel échelonné des entités inscrites et confèrent au ministre le pouvoir de modifier les noms, y compris les pseudonymes, de ces entités.
    Par le passé, B’nai Brith a appuyé les mesures visant à habiliter les responsables de la sécurité à criminaliser la préconisation et la fomentation du terrorisme et à saisir la propagande terroriste. Nous avons appuyé ces mesures pour empêcher ceux qui veulent inspirer, radicaliser ou recruter des Canadiens pour commettre des actes de terrorisme et qui exploitent la latitude juridique qui leur permet de propager des paroles astucieuses, mais dangereuses. Le projet de loi C-59 vise à modifier la définition juridique de cette infraction, en remplaçant « préconiser ou fomenter » par « conseiller » la commission d’infractions de terrorisme. Il s’agit d’un affaiblissement de la loi qui, à notre avis, est inutile. Nous avons pris note des assurances que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a données, mais nous ne savons toujours pas si un tel changement, qui, à notre avis, affaiblit la loi, est nécessaire.
    Remplacer « préconiser ou fomenter » par « conseiller » aura également un impact sur la définition de « propagande terroriste ». Le projet de loi C-59 supprimerait de cette définition la préconisation et la fomentation des infractions terroristes en général. Cela affaiblirait aussi la loi.
    Nous admettons que le droit à la liberté d’expression est important, mais le droit des victimes potentielles d’être à l’abri du terrorisme et de la menace terroriste doit avoir une plus grande priorité.
     Il est important de bien définir les sanctions en matière de préconisation et de fomentation du terrorisme et de veiller à ce qu’elles portent aussi sur la glorification du terrorisme, laquelle devrait nous préoccuper tous.
    Voilà les éléments précis dont je voulais vous parler. Il y en a d’autres qui, même s’ils ne font pas partie des modifications proposées au projet de loi C-59, sont intimement liés et qui intéressent et préoccupent B’nai Brith Canada. Il existe d’autres éléments et j’aimerais en souligner quelques-uns.
    L’omniprésence de l’antisémitisme, des crimes haineux et du discours haineux au Canada ne touche pas seulement la communauté juive. B’nai Brith Canada est d’avis que ces tendances inquiétantes sont des questions de sécurité nationale. Des organismes comme le nôtre qui travaillent avec les forces de l’ordre à l’échelle fédérale, provinciale et municipale doivent régler ces problèmes conjointement.
    La politique du gouvernement visant à contrer la radicalisation des jeunes est également extrêmement importante. Nous appuyons le travail du Centre canadien d’action communautaire et de prévention de la violence. Nous nous réjouissons à la perspective d’un dialogue plus soutenu avec eux.
    Comment pouvons-nous collaborer pour mieux surveiller les groupes qui se livrent à des discours haineux ou qui incitent la haine chez les enfants, y compris ceux qui utilisent des messages codés et néanmoins menaçants, même lorsqu’il ne s’agit pas d’actes criminels? C’est là l’objectif principal de la lutte contre la radicalisation à un stade précoce, où la société civile peut mieux dialoguer avec les forces de l’ordre.
    Comment pouvons-nous faire en sorte que les agences gouvernementales évitent les organismes et les groupes douteux, en particulier ceux qui reçoivent des subventions gouvernementales et qui, malgré tout, agissent d’une manière contraire aux droits et libertés fondamentaux de la société canadienne? Nous serions heureux de participer à un dialogue à cet égard.
    Pour terminer, comment pouvons-nous mieux dialoguer avec l’Agence du revenu du Canada afin d’assurer un suivi diligent des plaintes concernant les organismes qui s’adonnent à des propos haineux ou qui appuient ceux qui expriment des propos contraires à leur statut d’organisme de bienfaisance?
    Comme je l’ai mentionné, nous soulignons d’autres éléments dans notre mémoire. Je suis certain que nous pourrons en discuter lors de la période des questions.
    J’aimerais céder la parole à mon collègue David Matas.
(1215)
    Je vous remercie de nous avoir donné l’occasion de vous rencontrer.
    Je désire limiter mes observations à un élément particulier du projet de loi, soit la proposition de remplacer préconiser ou fomenter par conseiller la commission d’infractions de terrorisme dans le Code criminel. Nous sommes sensibles à la raison que le gouvernement a invoquée pour justifier cet amendement. Toutefois, nous sommes d’avis que la proposition est problématique.
    Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, s’est dit préoccupé par l’absence de poursuites en vertu de la loi actuelle. Il a dit avoir proposé ce changement dans le but d’inscrire une terminologie plus claire et courante dans la loi afin de faciliter les poursuites. Bien entendu, nous sommes également préoccupés par l’absence de poursuites en vertu de la loi actuelle. Toutefois, il est loin d’être évident qu’on résoudra le problème en remplaçant préconiser ou fomenter par conseiller la commission d’infractions de terrorisme.
    D’abord, nous soulignons, comme la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles vous l’a déjà dit dans son mémoire, qu’il existe une opinion selon laquelle le délit de conseiller une infraction est superflu parce qu’il existe déjà dans le Code criminel. Si cette opinion est fondée et que l’infraction y est déjà inscrite, le fait d’ajouter « conseiller le terrorisme » à l’infraction de le préconiser ou de le fomenter ne réglera pas le problème des poursuites inactives. Dire la même chose deux fois ne donne pas lieu à des poursuites. Si l’incitation à commettre une infraction terroriste n’est pas poursuivie en vertu de la loi actuelle, il n’y a aucune raison qu’elle le soit en vertu de l’adoption d’une nouvelle disposition identique.
    Bien sûr, l’autre interprétation est que l’amendement proposé pour ce qui est de conseiller une infraction ajoute quelque chose de nouveau, qu’il ne s’agit pas simplement d’un dédoublement par rapport à l’infraction qui existe. Toutefois, si c’est le cas, l’avantage que le ministre a vanté, à savoir la connaissance d’une norme déjà en place, n’existe pas. Si cette infraction de conseiller quelqu’un à commettre un geste terroriste est différente des infractions existantes, alors la nouvelle loi aura les mêmes problèmes de croissance que la loi existante où il est question de préconisation et de fomentation.
    La raison que le ministre a invoquée pour justifier l’adoption d’une terminologie plus courante pour faire fonctionner la loi est d’autant plus contredite par le fait que préconiser et fomenter des actes de terrorisme ne sont pas des infractions nouvelles et différentes. Préconiser le génocide ou l’activité sexuelle avec une personne de moins de 18 ans sont des infractions qui existent déjà. Il en est de même pour ce qui est de fomenter le génocide et la haine. Dans la documentation écrite que j’ai fournie, je passe en revue un certain nombre de dossiers portés devant la Cour suprême du Canada qui examinent, définissent et délimitent ces infractions de préconiser ou de fomenter. Par conséquent, nous disposons déjà de nombreuses directives juridiques sur la signification de ces concepts.
    Un examen du Code criminel et de la jurisprudence n’appuie pas l’idée que les procureurs sont restés les bras croisés parce qu’ils ne comprennent pas bien le sens de la loi actuelle ou qu’ils sont préoccupés par sa portée excessive.
    Le ministre a identifié un réel problème: l’échec des poursuites en vertu de la loi existante malgré la multitude de violations apparentes. La solution qu’il propose, à notre avis, ne s’attaque pas directement au problème. Nous croyons que la solution se trouve ailleurs. On doit accorder une plus grande priorité aux poursuites relatives à l’incitation au terrorisme menées par les procureurs de la Couronne. Il faut davantage de ressources, d’expertise et de formation. Il faut davantage de coopération internationale, d’échanges d’expériences et d’apprentissage réciproque, y compris avec Israël, qui a dû faire face à ce problème.
     Nous encourageons le Canada à signer et à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme, qui comporte l’obligation spécifique d’interdire la provocation publique au terrorisme. La ratification du traité permettrait non seulement une collaboration plus étroite entre le Canada et des États qui combattent le terrorisme, mais elle ferait aussi en sorte que la jurisprudence des autres pays et de la Cour européenne des droits de l’homme, qui interprètent les dispositions pertinentes du traité, ait une incidence directe sur le Canada.
    Le gouvernement pourrait publier des lignes directrices facultatives quant à son interprétation des termes préconiser ou fomenter le terrorisme. Les lignes directrices ne lieraient pas les procureurs, mais pourraient aider à dissiper l’ambiguïté. Mon collègue Michael Mostyn a déjà formulé la suggestion que les lignes directrices devraient stipuler que glorifier le terrorisme équivaut à le préconiser ou à le fomenter.
    Nous sommes heureux que le gouvernement et le Comité accordent l’attention qu’elle mérite à la lutte contre l’incitation au terrorisme. Il n’en demeure pas moins que nous devons tous choisir la meilleure voie à suivre pour combattre ce fléau.
    Je vous remercie.
(1220)

[Français]

    Je vous remercie, messieurs.
    Nous commençons la période de questions et commentaires par vous, monsieur Fragiskatos. Vous disposez de sept minutes.
    Merci.

[Traduction]

    Je remercie tous les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par B'nai Brith, si vous me le permettez.
    Dans votre intervention, vous avez fait mention du récent rapport de StatCan au sujet des crimes haineux. Plusieurs témoins nous ont parlé de sécurité nationale, de certaines conceptions de la sécurité nationale et de la manière dont celles-ci définissent les menaces qui pèsent sur notre pays. J'en ai conclu qu'il s'agit d'une question de point de vue. Daech représente une menace à l'endroit du Canada et des autres États démocratiques, mais il existe aussi d'autres menaces.
     Monsieur Mostyn, pourriez-vous nous faire part de votre point de vue sur la menace provenant des groupes antisémites d'extrême droite et la signification de ces actes pour la communauté juive au Canada? Je crois que la notion de point de vue peut nous aider à comprendre de façon précise la nature des menaces qui planent sur le pays. À mon avis, on ne peut isoler seulement une, deux ou trois menaces.
    Je vous remercie pour votre question, que je juge très importante. Elle met en relief le fait que ces actes haineux sont très interreliés et qu'ils représentent une marche vers la radicalisation et vers le terrorisme, dans certains cas. Comme vous l'avez dit, il y a actuellement une certaine résurgence de l'extrême droite et du mouvement néo-nazi. En Allemagne, une Canadienne, Monika Schaefer, se trouve actuellement en prison pour sa promotion du déni de l'Holocauste. Elle possède la double citoyenneté. Par le passé, elle a été candidate pour un parti politique ici même au Canada.
    Là où l'extrême droite antisémite et l'extrême gauche antisémite se rejoignent, malheureusement, c'est, semble-t-il, dans leur haine des Juifs, une haine qu'ils expriment très ouvertement. Il est frappant de constater que, dans le processus qui mène une personne à commettre une infraction au Code criminel en raison d'un discours de propagande haineuse ou à aller plus loin encore en perpétrant un acte terroriste, la promotion ou l'incitation au terrorisme passe toujours par le dénigrement d'un groupe cible. Le dénigrement s'exprime d'abord en termes généraux. Ensuite, le groupe cible est de plus en plus déshumanisé, jusqu'à ce que la personne en vienne à accepter l'idéologie et à commettre des actes en son nom. Nous savons que c'est là le processus qui mène à la radicalisation. C'est pourquoi B'nai Brith a dénoncé la propagande haineuse avec autant de force. Nous ne voulons pas voir des personnes — en particulier les jeunes, qui sont les plus vulnérables — prêter l'oreille aux discours haineux, déshumaniser certains groupes, puis passer à l'acte.
    C'est là, je le répète, la raison pour laquelle nous nous focalisons ici sur la promotion du terrorisme. Nous ne voulons pas voir cela dans notre pays. La menace est réelle et, malheureusement, elle va grandissante dans le monde actuel.
(1225)
    J'ajouterais que la communauté juive a non seulement été la cible d'infractions terroristes provenant de différents groupes — comme on le sait, malheureusement —, mais elle a aussi été, dans l'histoire, victime de violations de son droit à la liberté d'expression par le biais de l'intolérance religieuse. En conséquence, nous avons vécu l'expérience d'une violation des deux droits, dont nous regrettons amèrement la perte. À travers notre propre expérience et notre propre conscience, nous avons dû chercher l'équilibre entre ces droits, d'où les conclusions auxquelles nous en sommes venus.
    Je vous remercie tous les deux pour vos remarques.
    J'aimerais reprendre un point que vous avez abordé vers la fin de votre intervention, à savoir la critique de la modification du projet de loi C-51, plus précisément la disposition sur la propagande haineuse et la transition vers une infraction consistant à « conseiller » la perpétration d'un acte terroriste. L'une des critiques adressées au projet de loi C-51 voulait que, selon le libellé des dispositions sur les discours haineux, il n'aurait pas été impossible d'imaginer qu'un journaliste canadien ait pu être reconnu coupable pour des écrits soutenant les actions des militants antiapartheid contre les infrastructures de l'État raciste sud-africain des années 1980, si le projet de loi C-51 avait été loi à l'époque, bien entendu.
    L'infraction consistant à « conseiller » la perpétration d'un acte terroriste est beaucoup plus commune dans le droit criminel actuel. Il n'en demeure pas moins qu'elle permettrait de faire en sorte que des personnes qui encouragent d'autres personnes à commettre des actes terroristes devraient faire face à la justice. Pourriez-vous nous faire part de votre point de vue à ce sujet? Comprenez-vous l'argument évoquant les dangers du projet de loi C-51 en matière de liberté d'expression?
    Je dirais que toute loi doit être interprétée d'une manière délibérée, en prenant en considération les limites imposées par la Charte canadienne des droits et libertés. Comme je l'ai dit, les notions de défense et de promotion ont toutes deux été définies dans le détail par les tribunaux. La Cour suprême du Canada a traité de ces notions dans plusieurs dossiers, dont les affaires Keegstra, Mugesera et Sharpe. B'nai Brith est intervenu dans quelques-unes de ces affaires. Moi-même, je suis intervenu dans l'affaire Sharpe au nom d'une autre ONG, à l'époque.
    Quelle que soit la loi, on peut toujours envisager des abus, de mauvaises interprétations ou de mauvaises applications, mais il s'agit d'examiner l'intention derrière la loi. Il existe des problèmes bien réels. Dans une des affaires que j'ai mentionnées, la cour a donné comme exemple ces paroles tirées d'une pièce de Shakespeare: « Tuons tous les avocats. »
    M. Peter Fragiskatos: Ne faisons pas cela.
    Me David Matas: Nous sommes tous deux avocats. Évidemment, voilà qui n'est pas pour nous plaire.
    Des voix: Oh, oh!
    Je ne suis pas avocat, mais certains de mes collègues le sont. Julie est avocate.
    Nous reconnaissons que cela ne tombe pas sous le coup de ces lois.
    Lorsque nous examinons les lois, nous ne devrions pas les envisager sous un jour qui leur donne une apparence d'absurdité. Sinon, presque toutes les lois s'en trouveraient invalidées.
(1230)
    Merci, maître Matas.
    Je donnerai la parole au professeur Nesbitt. Je sais que vous vous êtes montré critique et vous vous êtes dit inquiet du fait que le SCRS possède des pouvoirs de perturbation.
    Est-ce que les agents du SCRS devraient détenir de tels pouvoirs? Ne devraient-ils pas être à même de contrecarrer d'éventuelles attaques avant qu'elles ne frappent le pays et ne compromettent notre sécurité? J'essaie de comprendre ce qui, selon vous, devrait être le rôle d'un service de renseignement comme le SCRS et quels pouvoirs celui-ci devrait posséder en fonction de sa mission de protection de la sécurité des Canadiens.

[Français]

     Malheureusement, je dois vous interrompre, car votre temps de parole est écoulé, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur Motz, vous avez la parole et vous disposez de 14 minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je poserai ma première série de questions aux invités qui se trouvent parmi nous aujourd'hui.
    Le point de vue du Centre consultatif des relations juives et israéliennes est, au vu du changement proposé à la disposition sur la défense et la promotion du terrorisme, qu'une modification du Code criminel serait quelque peu redondante. Il n'en demeure pas moins que nous devons nous assurer d'empêcher les personnes faisant la promotion des attaques par des « loups solitaires » de promouvoir la violence et la haine.
    Le passage des notions de « défense et de promotion » du terrorisme à l'idée de « conseiller » la perpétration d'un acte terroriste représente-t-il un changement fondamental? Vous en avez parlé précédemment, monsieur. Y a-t-il quoi que ce soit que vous souhaiteriez ajouter?
    Je crois que, pour l'heure, le gouvernement a identifié un problème réel. Il n'y a pas de poursuites. Je ne crois pas que le problème vienne du libellé de la loi. En fait, selon moi, le libellé actuel est préférable au libellé que propose le gouvernement. Je crois qu'il existe une autre façon de s'occuper de ce problème. Je ne crois pas que l'on réglera le problème en modifiant la loi pour y inscrire un libellé plus restrictif. Selon moi, le problème ne provient pas du libellé. En fait, ce faisant, on donne l'impression que nous reculons devant le problème au lieu de nous y attaquer directement. Il faut trouver comment progresser au lieu de reculer.
    J'aimerais vraiment savoir quelles sont, selon vous, les solutions à ce problème, mais comme le temps nous manque, je réserve cela pour un autre jour.
    J'ai tenté d'indiquer certaines solutions dans mon mémoire: l'éducation, la formation, la signature des principes directeurs de la convention et la coopération avec d'autres pays. Je dirais que le terrorisme auquel nous faisons face — je parle non seulement d'incitation à l'acte, mais de terrorisme de manière générale — est un phénomène relativement nouveau. Par conséquent, il faut une forme d'expertise qui diffère des formes traditionnelles de poursuite et d'enquête par les forces policières. Je ne crois pas que la modification législative puisse permettre de développer ce type d'expérience ainsi que la capacité d'appliquer la loi. La solution doit venir d'ailleurs.
    Bien.
    J'aimerais ajouter que nous devons nous garder d'adopter des concepts trop restreints si nous voulons que nos organismes de sécurité puissent affronter les menaces terroristes actuelles ainsi que celles à venir.
    En ce moment, sur le site Web de Justice Canada, dans le contexte d'une description du projet de loi C-51 où il est question de la criminalisation de la défense et de la promotion du terrorisme de manière générale, on peut lire ceci, au sujet d'une telle infraction:
Elle vise à empêcher l'incitation active de la perpétration d'infractions de terrorisme et non l'expression d'opinions sur le caractère acceptable du terrorisme en soi.
    Deux phrases plus loin, on lit ceci:
Elle élargit le concept de conseiller aux cas où aucune infraction de terrorisme particulière n'est conseillée, mais qu'il est clair, néanmoins, que des infractions de terrorisme sont conseillées.
    Je crois que nous devons nous garder de trop restreindre la définition si nous voulons éviter de neutraliser notre dispositif de sécurité lorsque des menaces terroristes se présenteront à l'avenir.
    Si je comprends bien, vous avancez que le texte de l'ancien projet de loi C-51 était mieux à même de garantir la sécurité nationale que ne l'est le libellé proposé dans le projet de loi C-59. Est-ce bien cela?
    Oui.
    Monsieur Mostyn, lors de votre témoignage au sujet du cadre de sécurité nationale, vous avez dit:
... la communauté juive est tout particulièrement vulnérable aux discours de propagande haineux partout dans le monde. Parmi les organisations terroristes les plus puissantes qui existent aujourd'hui, comme le Hamas, le Hezbollah et Daech, bon nombre s'appuient sur la promotion de la haine, et de l'antisémitisme en particulier, pour encourager la perpétration d'actes terroristes.
    Comme on le sait, il n'est pas nécessaire de regarder bien loin pour constater la véridicité et l'actualité de la chose. Il n'y a qu'à penser aux attaques contre un supermarché parisien ou aux appels à la mort des Juifs et à la destruction de l'État démocratique d'Israël par des régimes comme celui d'Iran.
    En regard de tels exemples tirés de la vraie vie, ce projet de loi va-t-il assez loin? Suffira-t-il à protéger les Canadiens des communautés minoritaires contre le terrorisme islamique radical?
(1235)
    Comme l'a dit Me Matas précédemment, je ne crois pas que la loi à elle seule suffise à protéger les Canadiens, quel que soit son libellé.
    C'est l'interprétation qui compte. En fin de compte, tout dépend de la formation et de l'éducation que reçoivent les membres des corps policiers, de leur manière de travailler les uns avec les autres ainsi qu'avec leurs partenaires internationaux. Il s'agit de comprendre les menaces et le nouveau langage codé dans lequel elles s'expriment. Il ne semble pas que l'ensemble des forces de l'ordre canadiennes connaisse ce langage. C'est un discours changeant, parfois marqué par des nuances religieuses. Il faut comprendre cela, puisque...
    Par exemple, beaucoup de corps policiers à travers le pays ont des divisions qui s'occupent des armes à feu et des gangs. Les membres de ces gangs s'expriment en langage codé et non pas en anglais ordinaire. Nous devons comprendre ce langage. Il s'agit d'un effort qui relève de l'éducation et de la formation. Il n'est peut-être pas nécessaire d'inscrire cela dans la loi.
    Je vous remercie de votre remarque. Je trouve intéressante l'idée selon laquelle la loi, en cette matière, ne suffit pas forcément. C'est l'application de la loi qui renforcera la sécurité nationale.
    Un peu plus tôt, en réponse aux questions de mes collègues, vous avez mentionné le lien qui existe entre la haine et le terrorisme. Si je comprends bien, vous suggérez que le terrorisme, dans son ensemble, trouve son origine dans la haine.
    Le terrorisme provient forcément de la haine que porte en elle une personne. Pour que celle-ci soit capable d'accomplir des actes d'une telle violence meurtrière et haineuse, il faut qu'elle soit habitée d'une haine ardente. C'est là une voie qui mène au terrorisme.
    Tantôt cela se produit très rapidement, tantôt il faut plus de temps. Toutefois, il existe des moments caractérisés par des événements déclencheurs et des personnes exerçant sur d'autres une influence. Les personnes vulnérables deviennent la cible de cet effort de radicalisation. Il reste que, en fin de compte, la haine et la déshumanisation de certains groupes bien définis sont au fondement de tout cela. Certainement.
    Ma prochaine question s'adresse à vous deux, ainsi qu'au professeur Nesbitt.
    Dans la partie 5 du projet de loi, au paragraphe 115(4), on lit ceci:
... les activités de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique ne sont pas des activités portant atteinte à la sécurité du Canada...
    J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus. Est-il possible que ce libellé introduise une faille dans le projet de loi, faille que les rédacteurs n'auraient pas anticipée, mais qui pourrait représenter un danger pour la sécurité du pays et des Canadiens?
    Cette disposition existe déjà dans la loi, si je ne m'abuse.
    Êtes-vous en train de demander si elle devrait être conservée?
     Oui. La forme est différente entre le projet de loi C-59 et le projet de loi C-51, si je ne m'abuse.
    Oui. Pour l'instant, il s'agit d'une préoccupation théorique. Si une poursuite devait être freinée en raison de ce libellé, alors que cette poursuite nous semblait légitime, il nous faudrait alors admettre qu'il s'agit d'un problème. Or, pour l'instant, nous en sommes à... Si le gouvernement jugeait que ce libellé l'empêche d'agir, il nous faudrait aussi répondre à votre question par l'affirmative.
    Cependant, ce n'est pas là le message qui provient du gouvernement, lequel se montre plutôt préoccupé par les parties du projet de loi qui ont trait à la peine et non pas à la défense.
    J'ajouterais qu'il s'agit là d'un problème qui s'est présenté dans la gestion des infractions de propagande haineuse par la police et la justice. Aujourd'hui, les forces policières possèdent très souvent des brigades de lutte contre les crimes motivés par la haine. Comme dans le cas des infractions d'agression sexuelle, les policiers sont maintenant mieux sensibilisés à ce chapitre.
    Je crois fermement que nous devons faire en sorte que cela fonctionne. Si le texte actuel ne permet pas un bon fonctionnement, alors nous pourrons modifier le texte. Toutefois, le fait de tenter de modifier le texte avant même d'essayer de l'appliquer, voilà qui, selon moi, envoie un mauvais message.
    Monsieur Nesbitt.
    Pour en avoir le coeur net, il me faudrait examiner le libellé exact et le comparer au jugement de la Cour suprême. Cela dit, j'ai l'impression qu'il s'agit simplement d'une mise en oeuvre des exigences dictées par la Cour suprême en matière de propagande haineuse, en particulier. Le projet de loi se conforme ainsi à la Charte, sans plus. À vrai dire, je crois que sans ce paragraphe, on s'inquiétait de la possibilité que la loi ne soit pas conforme à la Charte.
(1240)
    Merci.
    Monsieur Nesbitt, dans votre témoignage portant sur l'examen de la sécurité nationale, vous avez suggéré qu'une meilleure coordination entre les différents organismes était nécessaire.
    Le projet de loi C-59 accomplit-il cela? Selon vous, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement est-il l'endroit tout indiqué pour recueillir, analyser et assembler les renseignements de manière centralisée afin de les mettre en contexte?
    Oui. Je soutiens à la fois les nouveaux organismes d'examen et la surveillance du commissaire au renseignement. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, je ne m'exprime pas seulement en qualité d'avocat au sujet de la promotion de la liberté, des droits et des lois au Canada, mais aussi en tant que personne qui, ayant travaillé au gouvernement, a pu constater les bienfaits d'un examen externe pour l'efficacité du fonctionnement interne.
    Ma plus grande inquiétude n'a pas trait au droit, mais bien aux ressources. En clair, je dirai que, si les ressources sont utilisées pour examiner les activités des organismes lorsque certaines questions sont abordées, cela serait très utile. Selon moi, tout dépendra en fin de compte des ressources, pour autant que je sache.
    À ce sujet, je rappelle qu'en 2015, dans un article que vous avez publié dans le National Post, vous écriviez que « le Canada ne peut prétendre avoir envisagé la menace que constitue le financement de l'État islamique avec autant de sérieux que les États-Unis. Au Canada, les sanctions, les mesures législatives et l'application des lois sont désuètes, sous-financées et d'une portée limitée. »
    Le projet de loi C-59 s'attaque-t-il au problème du financement des groupes terroristes de manière notable?
    Non. En fait, il s'agit là d'une inquiétude qui continue à m'habiter au sujet de nos lois sur la sécurité nationale. En matière de poursuite liée au financement des groupes terroristes, il n'existe qu'un seul exemple en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales — soit nos sanctions — et un ou deux exemples en vertu du Code criminel. C'est donc dire que le sérieux du Canada s'est très peu manifesté, et ce, malgré le fait que des organismes étrangers — la CIA, par exemple — ont indiqué que le Canada risquait de devenir un havre pour le financement du terrorisme et d'autres activités échappant aux sanctions.
    Au-delà de la loi Magnitski telle qu'elle a été déployée, nous devrons tôt ou tard examiner la Loi sur les mesures économiques spéciales, en particulier, et notre gestion du problème du financement du terrorisme par le biais de la réglementation concernant la neutralisation des terroristes, ce genre de criminalité relevant de la compétence d'Affaires étrangères Canada, sans parler de nos sanctions économiques envers la Russie, la Corée du Nord, la Syrie, l'Irak et autres.
    Diriez-vous que ce pourrait être l'occasion de renforcer le projet de loi C-59 en y ajoutant des dispositions portant sur cet aspect en particulier?
    Je ne sais pas si... Je ne voudrais pas vous dire comment faire votre travail...
    C'est pourtant la raison de votre présence ici. Monsieur, vous êtes ici pour nous donner des conseils fondés sur votre expérience et nous dire comment, selon vous, nous devrions aborder le problème de la sécurité nationale et de la sécurité publique. Cette étude du projet de loi par le Comité avant sa deuxième lecture représente une occasion exceptionnelle...
    Bien sûr.
    … c’est donc délibérément qu’on demande aux experts de nous dire ce qu’on laisse échapper.
    Je vais vous dire le seul problème que j’ai à cet égard. Ça n’a rien à voir avec la question que vous posez, qui consiste à nous demander s’il faut faire plus. Il faut faire plus. Est-ce qu'il faut adopter une loi à cet effet? Oui. Est-ce que l’Office doit assurer une surveillance serrée des opérations des Affaires mondiales et de l’ASFC? Tout à fait. S’il faut l’inclure dans un projet de loi omnibus déjà gros, c’est là où j’hésite entre l’ajout de texte au projet de loi et l’introduction d’un autre projet de loi. En général, je suis très favorable à une surveillance et à une attention accrues à cet enjeu.

[Français]

     Merci, monsieur Motz.
    Madame Damoff, je vous cède maintenant la parole. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je remercie les trois témoins d’être venus nous rencontrer aujourd’hui. Je pense que vous étiez là lors de l’étude du cadre de sécurité nationale la dernière fois. Je crois me rappeler avoir participé à une séance avec vous deux lors de laquelle on se penchait sur cette question, par conséquent je vous sais gré d’être là de nouveau.
    Quand nos discussions sur les attaques terroristes portent uniquement sur l’État islamique et n’englobent pas les attaques visant la communauté musulmane au Canada ni celles menées par les groupes d’extrême droite, ça m’inquiète. La question a été soulevée. Je pense avoir indiqué, lorsque je vous ai vus la dernière fois, que je suis frappée, chaque fois qu’il y a une attaque contre la communauté musulmane, que les premiers à le dénoncer font partie de la communauté juive. Je crois que c’est cette longue histoire de la haine envers la communauté juive qui lui fait reconnaître l’impact subi. Bien sûr, dans ma propre communauté, je sais qu’il y a le groupe interconfessionnel Halton Interfaith Council et une entraide extraordinaire, et que c’est la communauté juive qui est toujours la première à dénoncer une attaque contre la communauté musulmane.
    Je veux simplement vous remercier de cela et m’assurer que notre échange porte sur la menace terroriste en général et pas seulement sur Daech.
     Nous avons entendu le ministre, et je m’adresse ici à B’nai Brith qui met en opposition le fait de préconiser et le fait de conseiller, aussi des organismes chargés de l’application de la loi et d’autres témoins également, je crois, même si je n’en suis pas certaine. Ils étaient d’accord avec le ministre lorsqu’il parlait de la capacité de poursuivre en justice et qu’il affirmait que la défense d’une cause ne donnait pas les outils nécessaires alors que le conseil, en fait, les autoriserait à initier des poursuites.
    Je me demandais si vous aviez entendu ce témoignage et si vous êtes d’accord avec leurs déclarations. Je pose la question à vous deux et j’aimerais une brève réponse.
(1245)
    Non, je ne suis pas d’accord. Comme je l’ai dit précédemment, l’infraction de conseiller une activité terroriste est déjà inscrite dans le Code criminel. C’est un article différent. Ce n’est pas l’article 83.221. Je crois que c’est le sous-alinéa 83.01(1)b)(ii), mais c’est dans le Code, et si tout ce qu’il leur manquait pour aller de l’avant, c’était l’infraction de conseiller, ils auraient pu utiliser cette disposition. Ils n’avaient pas besoin de changer la loi.
    Le fait qu’ils ne soient pas allés de l’avant, même si la loi considérait déjà cet acte comme criminel, ne me permet pas vraiment de croire, comme je l’ai dit, que le fait de l’affirmer deux fois, dans des parties différentes du Code criminel, va changer grand-chose. Je pense que le problème est ailleurs. À la base, ils ne sont tout simplement pas habitués à combattre le terrorisme. Ce n’est pas une activité traditionnelle de la police. Il faut vraiment qu’ils acquièrent une expérience particulière qui leur permet d’y faire face.
    Je vous remercie.
    Monsieur Nesbitt, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Non, je dirais simplement que l’article 22 du Code criminel a traité très longtemps de l’infraction de conseiller, c’est-à-dire qu’il était interdit de conseiller la commission d’une infraction au sens du Code criminel. En fait, si je me rappelle bien, il y a eu au moins deux poursuites pour activités terroristes qui comportaient effectivement des infractions de conseil, pas dans le sens donné ici au terme de conseil, mais plutôt pour avoir conseillé de faire partie d’un groupe terroriste ou de faciliter une activité terroriste.
    Si je ne m’abuse, on reprend l’article 22 du Code criminel.
    Quant aux amendements possibles au projet de loi, les témoignages reçus lors de l’étude visant à définir un cadre de sécurité nationale ont fait état des problèmes que connaissent les organismes chargés de l’application de la loi lorsque l’information n’est pas partagée avec promptitude et efficacité.
    Croyez-vous que la création du nouvel office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement favorisera le partage effectif de cette information avec d’autres ministères et pays afin de contrer les menaces terroristes plus rapidement et efficacement? Avez-vous d’autres suggestions en vue d’améliorer l’efficacité des rapports entre nos organismes du renseignement et nos organismes chargés de l’application de la loi?
    Monsieur Nesbitt, peut-être que vous pourriez commencer cette fois-ci et on fera le tour après.
    D’accord. Votre question porte sur le nouvel office de surveillance et si cela…
    En effet, si cela aidera au partage de l’information. Il semble que le partage de l’information soit lent et ralentisse de ce fait l’ensemble du processus.
    Pensez-vous que la création de cet organisme aidera à régler le problème? Également, avez-vous d’autres suggestions pour faciliter le tout?
    Certainement. Permettez-moi de dire avant tout que, d’après mon expérience du moins, et là je puise plus dans mon expérience que dans mes études, un des gros problèmes de partage d’information au sein des gouvernements a toujours été d’ordre culturel. Il a bien fallu s’ouvrir à un plus large partage de l’information. Il arrive que les modes de partage de l’information soient trop bureaucratiques, mais souvent c’était d’ordre culturel.
    Cela nous ramène à ce que je vous ai répondu plus tôt, c’est-à-dire qu’un des avantages qu’offre cet office de surveillance, c’est la possibilité d’envisager l’ensemble de l’approche adoptée au sein du gouvernement sur le plan des sanctions, par exemple. Ces sanctions sont adoptées aux Affaires étrangères, mais l’ASFC est évidemment concernée s’il est question de marchandises qui entrent ou qui sortent du pays. Le CANAFE peut y être mêlé. Le SCRS peut y être mêlé, et ainsi de suite.
    En quoi un office de surveillance aidera au partage de l’information? Eh bien! Si le regard qu’il porte à ces divers organismes dans les ministères est autre que celui que ces organismes montrent, car ils restent cloisonnés, ces derniers seront forcés de faire de même. Certaines activités peuvent être réunies.
    En fait, cette perspective me réjouit et m’encourage énormément. J’espère qu’elle sera explorée dans les faits.
(1250)
    Il me reste moins d’une minute. Est-ce que ces messieurs ont quelque chose à ajouter ou si ça va?
    Je vous remercie.
    En fait, il ne me reste que 30 secondes. Je ne crois pas que ce soit suffisant pour obtenir une réponse à une question, donc je vais m’arrêter là.
    Merci.

[Français]

     Merci, madame Damoff.
    Monsieur Motz, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois merci d’être là.
    Je veux revenir un peu sur le sujet abordé par Mme Damoff. Monsieur Nesbitt, vous avez indiqué dans votre témoignage antérieur, si ma mémoire est bonne, que la culture des organismes chargés de la sécurité est marquée du devoir de protéger l’information, ce qui fait obstacle à la centralisation des renseignements, et que, de ce fait, il est difficile de veiller à ce que la bonne information soit transmise à la bonne personne en temps opportun.
    Pensez-vous que le projet de loi C-59 est le bon moyen de régler la question, puisque cet organe de déclaration obligatoire impose l’information plutôt que d’attendre que l’information vienne à lui? Est-ce qu’on s’occupe bien de la question en faisant du projet de loi C-59 le mécanisme et le mode opératoire?
    C’est une bonne question, pour dire vrai.
    Au départ, je dois avouer que les changements ou l’absence de changements apportés à la partie de la loi qui traite de la communication d’informations me préoccupent. Pour être plus précis, sans aller dans les détails pour ne pas reprendre ce que d’autres ont dit, la définition de ce qu’est « une menace envers la sécurité du Canada » n’est pas celle qu’on trouve dans la loi sur le SCRS; elle est très vague. Par conséquent, pour répondre à votre question, je ne pense pas que l’approche soit la bonne.
    En gros, je crois que l’avantage de la démarche actuelle, c’est qu’elle examine la communication d’informations sous un angle plus global. Il ne s’agit pas uniquement d’élargir les voies de communication de l’information au sein du gouvernement, mais de trouver également des moyens de l’encourager sur le plan culturel, de faire tomber les champs de compétence cloisonnés en veillant à une surveillance généralisée par tous les organismes concernés, faisant ainsi tomber tous les obstacles à une libre circulation de l’information. La démarche peut forcer les gens, si le travail est bien fait, à se réunir dans une même salle, ce qui est souvent difficile dans n’importe quelle grande organisation, en fait.
    Je vais devoir approfondir ma réflexion pour voir s’il y a d’autres moyens d’y arriver. Pour être franc, je ne me suis pas préparé à cette question. Je serai heureux de vous revenir là-dessus, si vous êtes intéressés.
    Certainement.
    Je pense que, pour le moment, c’est très bien. Je suis encouragé du fait que le projet de loi contient beaucoup de détails.
    Si vous avez d’autres idées, je pense que le Comité sera heureux de les recevoir. Ce serait super. Merci.
    J’informe les témoins que le Comité a entendu dire que les groupes terroristes vont continuer d’opérer, de coordonner et de recruter en ligne. Il sait également que la propagande haineuse en ligne est en croissance. Vous avez dit précédemment que la haine est à l’origine du terrorisme. Est-ce que ce projet de loi va assez loin pour combattre la propagande haineuse en ligne, pour la réduire de quelque façon?
    Monsieur Nesbitt, je vous invite à vous joindre à la discussion.
    À ma connaissance, aucun élément du projet de loi ne traite précisément d’Internet en lien avec l’acte de préconiser, de fomenter ou de conseiller. Je sais que la Loi canadienne sur les droits de la personne, au paragraphe 13(1), traitait précisément d’Internet, mais l’article a été abrogé. Nous nous étions rendu compte qu’il y avait un problème. Nous avions proposé l’abrogation, suivie d’un nouveau texte législatif, une fois le problème réglé, mais l’article est simplement disparu.
    Je pense qu’Internet est omniprésent, pose problème et est source de problèmes très particuliers, assez pour qu’il vaille la peine d’en faire l’objet de mesures législatives particulières.
    Un aspect d’Internet, c’est qu’il désigne un réseau commercial de contrats qui offrent souvent de bonnes normes, sauf que leur application n’est pas assurée. On se demande dans quelle mesure il faut élaborer des mécanismes d’application de ces normes. C’est peut-être trop demander à l’actuel projet de loi, mais je suis convaincu que cette question mériterait une attention particulière de la part du Comité et du gouvernement.
(1255)
    Monsieur Nesbitt, on vous écoute.
    À mon avis, ce qui constitue le principal obstacle au respect des normes et à la répression de l’activité terroriste, c’est ce qu’il est convenu d’appeler le problème des renseignements contenus dans une pièce admise en preuve. Je crois comprendre que la bureaucratie, le gouvernement, veut s’occuper de la question plus tard. Je dirais que si c’est de cette question dont vous êtes inquiets, alors il faudra, dans un proche avenir, s’attaquer à ce problème du renseignement devant servir de preuve, ce qui suppose la collecte de renseignements par les organismes chargés de la sécurité nationale, et du moyen d’assurer la communication de ces renseignements à la GRC dans les règles, selon la loi et sans risque, aux fins de l’application des lois en vigueur, lesquelles sont plutôt détaillées.
    Je vous remercie beaucoup, tous les deux.

[Français]

     Merci, monsieur Motz.
    Monsieur Spengemann, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent à MM. Mostyn et Matas.

[Traduction]

    Monsieur Mostyn, pouvez-vous nous donner une idée de l’évaluation des menaces stratégiques qui explique le cadre d’application de ce projet de loi? On dit qu’il s’agit d’une loi sur la sécurité nationale, qu’il est de portée générale et qu’il est censé couvrir toutes les menaces que nous pouvons rencontrer.
    Le Comité a beaucoup entendu parler des cyber-attaques; il a aussi beaucoup entendu parler de terrorisme, de radicalisation et de violence. Est-ce tout? Y a-t-il autre chose? Quelle est l’importance relative des deux sujets par rapport à vos propres préoccupations?
    Ce sont de très graves menaces, bien entendu. Il existe d’autres menaces. L’Internet ne radicalise simplement pas; ce sont des personnes qui radicalisent, même au Canada. Aussi le faible nombre de poursuites judiciaires engagées explique-t-il le peu de dossiers soumis par la police. Ce qu’il faut se demander, c’est quoi faire. B'nai Brith dénonce sur la place publique les situations et les rassemblements où des propos vils sont tenus, souvent avec des enfants à la main; il arrive que des parents gardent leurs enfants à la maison et leur font écouter ce langage infâme, et les enfants scandent eux-mêmes des slogans. Des organisations jouissant du statut d’organisme de bienfaisance au Canada affichent sur YouTube des messages haineux ciblant un groupe identifiable, soit les sionistes. B'nai Brith a dénoncé la Muslim Association of Canada de Vancouver, qui a le statut d’organisme de bienfaisance. L’imam de l’endroit prêchait la haine sur YouTube. Nous avons porté plainte à l’Agence du revenu du Canada. La communauté israélite était traités de groupe impur et les sionistes, du pire du genre humain. Il existe plein de preuves d’incidents du genre qui se produisent au Canada. Je pense que ce n’est pas seulement la communauté juive, mais aussi tous les groupes identifiables qui veulent que l’on fasse respecter la loi canadienne et que l’on fasse justice; notre société doit recevoir la protection de l’État lorsqu’il y a vraiment incitation à la haine d’un groupe identifiable.
    La question est complexe, mais dans quelle mesure ces préoccupations sont-elles liées à des organisations terroristes internationales, tels Daech, Al-Shabaab ou Abou Sayyaf, qui convoitent essentiellement, si ce n’est exclusivement, les jeunes âgés de moins de 30 ans? Est-ce que les menaces intérieures ont leur source au Canada ou faut-il établir un lien avec les événements hors frontières?
    Les deux, bien sûr. Je pense qu’il faut examiner les médias, car une grande part des contacts se font manifestement grâce à Internet; par conséquent, il faut établir la part de responsabilité de ce moyen de communication. Si c’était un journal, la solution serait facile puisqu’il existe une législation à ce sujet. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de médias électroniques, pour l’essentiel, ils ne sont pas tenus responsables, ce qui vous oblige à remonter jusqu’à la source, ce qui vous amène à… où est la source?
    Tous ces fournisseurs d’accès à Internet qui vous transmettent cela maintiennent une présence au Canada. Une des choses à faire, face à ce problème, consiste, à mon avis, à regarder de plus près la nature de la responsabilité des intermédiaires en question.
    Merci beaucoup.
    J’ai très peu de temps. J’aimerais connaître l’importance que vous accordez au contre-terrorisme, à la lutte contre les actes de violence et vos attentes envers le Centre canadien d’engagement communautaire et de prévention de la violence, par rapport au cadre d’application de la loi, de criminalisation et de poursuites judiciaires que nous sommes en train d’établir, lequel est également d’une grande importance. Quelles sont les différences entre ces deux ensembles?
    B'nai Brith appuie cette démarche et nous espérons resserrer nos liens avec le Centre. Ce dernier devrait s’engager auprès d’un grand nombre de groupes de la société civile. Vous avez raison de dire que la prévention représente l’autre côté de la médaille. Il faut y voir aussi, bien sûr.
(1300)
    Avez-vous des attentes ou des idées en tête? Un cadre d’activité pour le Centre?
    Nous nouons le dialogue avec le Centre. Je vous tiendrai au courant, si vous voulez.
    Le Comité en serait heureux.
    Je pense que c’est tout, monsieur le président.

[Français]

     Merci, monsieur Spengemann.
    Monsieur Nesbitt, de Calgary, et messieurs Mostyn et Matas, merci beaucoup de vos témoignages aujourd'hui.
    La séance est levée.
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