:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invitée ici aujourd'hui dans le cadre de l'important examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles mené par votre comité.
Comme vous le savez peut-être, la Loi est une composante importante du cadre d'intégrité du gouvernement du Canada, et nous la prenons très au sérieux. Nous estimons que l'intégrité est la pierre angulaire de la bonne gouvernance et de la démocratie. En respectant les normes éthiques les plus élevées, les fonctionnaires protègent et renforcent la confiance du public à l'égard de l'honnêteté, de l'équité et de l'impartialité de la fonction publique fédérale.
À cette fin, la Loi comporte des mesures visant à favoriser un climat éthique. Elle établit les bases pour promouvoir une culture de bonne conduite et un climat éthique positif par des mesures comme la création du Code de valeurs et d'éthique du secteur public qui s'applique aux sociétés d'État, aux organismes distincts et à l'administration publique centrale. Le Code et les codes de conduite organisationnels décrivent, pour les fonctionnaires de tous les niveaux, les valeurs et les pratiques éthiques qui guident les orientations, les décisions et les comportements à l'échelle du secteur public.
[Français]
La Loi encourage aussi les employés du secteur public à se manifester s'ils ont des raisons de croire que des actes répréhensibles graves ont été commis, et elle protège les employés contre les représailles lorsqu'ils se manifestent.
Ainsi, la Loi porte sur des questions qui sont à la fois compliquées et de nature très délicate, de sorte que la Loi elle-même est complexe.
Cela dit, j'accueillerai favorablement toutes les propositions que pourrait faire votre comité pour simplifier cette loi.
[Traduction]
J'ai lu les témoignages, et je sais qu'à ce jour, votre comité a entendu les déclarations d'un groupe très varié de témoins, et je pense que vous méritez qu'on vous félicite de tenir compte de points de vue aussi différents.
Le défi auquel votre comité est confronté, alors qu'il étudie les éléments qui lui ont été présentés, est de taille, et j'ai vraiment hâte de prendre connaissance des recommandations de votre comité pour améliorer la Loi et son application. Je reconnais qu'il y a des domaines où la Loi peut être améliorée. Elle existe maintenant depuis presque 10 ans. Il faut s'attendre à ce que, pendant cette période, les problèmes touchant l'application de la Loi, le fonctionnement de ses procédures ou la portée des éléments qu'elle prévoit deviennent évidents, et je crois que vous en avez décelé quelques-uns.
Par exemple, il est devenu évident qu'il était important de protéger non seulement le divulgateur, mais aussi les autres personnes qui peuvent être associées à l'affaire, même si cette association est erronée.
[Français]
Monsieur le président, je reconnais aussi que la Loi devrait faire en sorte qu'il soit le plus facile possible pour quelqu'un de se manifester et d'être protégé lorsqu'il le fait.
Parmi les options, on peut mentionner un accès plus simple et plus direct au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles ou la mise en oeuvre d'une disposition de renversement de la preuve pour que l'employeur prouve qu'aucune forme de représailles n'a été exercée.
[Traduction]
Il convient de noter que plusieurs témoins ont réitéré l'importance d'avoir accès à différents mécanismes de divulgation. Plusieurs recommandations d'ordre technique ont également été présentées par les intervenants que vous avez entendus pour régler certains problèmes liés à la Loi dans sa forme actuelle.
Il faut également déterminer si la Loi comprend suffisamment de directives concernant le processus d'enquête sur les divulgations internes et comment ces enquêtes pourraient être liées de façon appropriée aux enquêtes disciplinaires des différents auteurs d'actes répréhensibles.
Je pense que cet examen législatif donne aussi l'occasion de clarifier l'interaction entre cette loi et d'autres lois, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information. Il serait également utile que le Comité examine ces questions dans le but de concilier la protection du divulgateur et les droits de l'accusé.
J'ai également suivi avec intérêt le témoignage de personnes de diverses administrations internationales. L'origine de chaque administration a ses forces et ses faiblesses. Je serais certainement heureuse d'entendre les conseils de votre comité sur la façon d'appliquer les nombreux enseignements appris de ces autres administrations pour trouver des solutions qui fonctionneront dans le contexte canadien.
[Français]
Par exemple, l'un des domaines où, à mon avis, il faut déployer des efforts supplémentaires est celui de la sensibilisation à la Loi et au système en place.
Cela suppose de comprendre les rôles et les responsabilités des employés, des superviseurs et des administrateurs généraux, ainsi que les ressources offertes aux employés qui souhaitent divulguer un acte répréhensible.
[Traduction]
Parmi ces ressources, citons le commissaire à l'intégrité du secteur public et l'agent supérieur de divulgation désigné de l'organisation.
Monsieur le président, le gouvernement du Canada est déterminé à promouvoir une culture positive et respectueuse dans le secteur public, qui repose sur les valeurs de l'éthique. Comme je l'ai mentionné en introduction, je pense qu'un régime de divulgation efficace joue un rôle essentiel dans une telle culture.
En ce qui me concerne, je serai heureuse de recevoir vos recommandations sur les moyens d'améliorer ce texte de loi important et je les prendrai très au sérieux.
[Français]
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins d'être ici aujourd'hui.
Je vais commencer par vous poser une question qui a pour but d'obtenir des précisions sur une réponse que nous avons peut-être déjà eue. Je vais vous la poser tout de suite, pour ne pas l'oublier.
Des témoins ont suggéré qu'on autorise le Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada à émettre des mesures correctives lorsqu'il y a constatation d'actes répréhensibles. Toutefois, la Loi ne vise pas à remplacer d'autres mécanismes ou processus prévus par d'autres lois ou conventions collectives, par exemple des procédures criminelles en vertu du Code criminel, des procédures de règlement des griefs ou des processus de plaintes pour harcèlement. Une solution de rechange possible est de permettre l'utilisation des renseignements recueillis au cours d'une enquête par le Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada pendant les procédures disciplinaires en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique lorsqu'il y a constatation de l'existence d'un acte répréhensible.
Quel est le système actuel de mesures disciplinaires? Que pensez-vous de cette proposition?
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Merci beaucoup de la question.
[Traduction]
Quand il y a constatation d'un acte répréhensible, je sais que le commissaire peut parfois faire des recommandations sur les mesures disciplinaires à privilégier, mais la décision relève des administrateurs généraux. À mon niveau, les administrateurs généraux doivent rendre des comptes à la fonction publique des mesures disciplinaires et de la gestion des ressources humaines au sein de leur ministère. Quand un acte répréhensible est constaté, les administrateurs généraux commencent immédiatement à évaluer les mesures disciplinaires à prendre. Dans certains cas, ils embaucheront une tierce partie pour déterminer quoi faire. À la lecture des témoignages recueillis par le Comité, j'ai remarqué que c'est l'une des choses qui poussent souvent un administrateur général à recommencer toute une enquête, puisqu'il ne peut pas utiliser l'enquête réalisée par le commissaire sur l'acte répréhensible en question. Si l'administrateur général pouvait avoir accès à cette enquête, je crois que cela faciliterait beaucoup la prise de mesures disciplinaires appropriées.
Il y a un vaste éventail de mécanismes à sa disposition. Par exemple, si l'administrateur général estime qu'il pourrait se trouver en position de conflit d'intérêts, il peut demander à une autre personne ou à un autre ministère de déterminer les mesures à prendre pour lui. Il y a divers mécanismes qui existent, mais c'est l'administrateur général qui en fait rapport.
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J'aimerais passer rapidement à l'article 10, comme je n'ai pas beaucoup de temps.
L'article 10 dicte que l'administrateur général est tenu d'établir des mécanismes internes pour s'occuper des divulgations, comme vous l'avez mentionné. Est-ce que c'est fait et quel genre de conseils ou de directives les administrateurs reçoivent-ils?
On a bien beau dire que chaque ministère doit avoir son propre code, mais le système ne semble pas réussir à protéger les fonctionnaires. Il ne semble pas réussir à protéger nos contribuables. Il ne semble pas réussir à protéger les gens dans leurs rapports avec le gouvernement, dans une très grande mesure.
Tout cela est fantastique, et il y a consensus très non partisan pour dire que nous devons régler ce problème, mais que fait le Conseil du Trésor?
:
Vous dites qu’elle fonctionne « comme prévu ».
[Français]
Je me suis demandé si c'était une erreur freudienne. Un de nos experts a dit lundi soir que cette loi, selon lui, avait été créée pour protéger les hauts bureaucrates et les ministres. Je dis cela en toute bonne foi, madame.
Vous dites que cela fonctionne
[Traduction]
« comme prévu ».
[Français]
Or, selon ces experts, cela protège les
[Traduction]
auteurs d’actes répréhensibles haut placés.
[Français]
Votre analyse de la Loi est très différente de ce qu'en ont dit les experts que nous avons entendus. Ils ne sont pas d'accord sur cette conclusion.
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Si nous en avons le temps, je ne vois pas d'objection à le faire maintenant, chers collègues.
Madame Smart, monsieur Trottier, nous vous libérons. Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de votre participation.
Madame Therrien, je vous souhaite la bienvenue.
Chers collègues, j'ai une petite question d'ordre administrative, parce que nous avons une situation unique. M. Yazbeck est l'avocat de Mme Therrien et est ici pour la conseiller. Pour ce faire, nous avons besoin de l'autorisation du Comité.
Cela vous pose-t-il problème? Non?
Monsieur Yazbeck, bienvenue.
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Nous formons un excellent comité, et je crois que ses membres souhaitent vraiment entendre votre témoignage.
Chers collègues, voici ce que je propose pour éviter d'avoir une série de questions fragmentée. Nous pourrions entendre l'exposé de Mme Therrien, puis aller voter et revenir au Comité.
Madame Therrien, je crois comprendre que vous avez un très court exposé, parce que vous voulez avoir le temps de répondre à nos questions, mais vous avez amplement le temps d'approfondir certains éléments, si vous le souhaitez.
Il nous reste maintenant 25 minutes. Je vous laisse donc faire votre exposé, puis nous évaluerons si nous avons le temps de poser au moins une ou deux questions.
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J'ai tout préparé en anglais, mais je peux tout aussi bien parler en anglais qu'en français.
Je veux simplement parler de mon expérience de lanceuse d'alerte. Cela a été très difficile.
On parlait des différentes façons de procéder quand on veut faire une divulgation. Au départ, je suis allée à l'interne: je me suis adressée à mes supérieurs dans la hiérarchie. Cela n'a pas fonctionné du tout, ils n'ont trouvé aucun problème. Ils m'ont même menacée. Ils m'ont dit que si jamais je faisais encore des allégations non fondées, cela ne marcherait pas. Vous parliez de la possibilité qu'une personne indépendante fasse des enquêtes. Ce serait beaucoup mieux, parce qu'à l'interne, les gens se protègent. Ce sont tous des collègues et ils se protègent. Il y a donc eu une sorte de camouflage. On m'a dit qu'il n'y avait aucun problème.
Par la suite, j'ai beaucoup souffert de représailles dans mon milieu de travail. J'ai été ostracisée, personne ne voulait me parler. On a aussi commencé à remettre en question ma façon de travailler. Rien de ce que je faisais n'était correct. Si je prenais une pause de cinq minutes comme tout le monde, on disait que j'avais pris 10 minutes. J'étais vraiment talonnée, tous mes gestes étaient scrutés à la loupe et mis en doute. Cela a été vraiment très difficile.
En ce qui concerne les processus à l'interne, la question de l'anonymat est importante, parce que, finalement, les gens qui commettent les actes répréhensibles sont souvent ceux qui sont en situation de pouvoir. Ce sont souvent des fonctionnaires haut placés. Alors, si on se trouve au-dessous de ces gens, on souffre beaucoup. On passe dans le tordeur, comme on dit. Enfin, cela a été mon expérience.
Après cela, je me suis adressée au syndicat, qui m'a dit que la seule façon de procéder était de déposer des griefs.
Savez-vous que ce sont les quotas à l'assurance-emploi que j'ai dénoncés?
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D'accord. Alors, je n'ai pas besoin de revenir là-dessus.
On m'a donc dit de passer par le processus des griefs, qu'il n'y avait pas d'autre façon de procéder. C'est ce que j'ai fait. Heureusement que j'avais Me Yazbeck pour m'aider, car cela a été l'horreur. Il y a eu deux années d'audiences et tout le reste. Finalement, cela a été vraiment très difficile. J'ai été grandement affectée psychologiquement, à force d'entendre dire des horreurs à mon sujet. L'employeur a beaucoup de moyens, n'est-ce pas? Il a beaucoup de nos moyens. Il a beaucoup d'avocats et une panoplie de gens dont le but est de nous trouver toutes sortes de défauts, de nous détruire et de détruire notre réputation; c'est ce qu'il fait.
Lors de l'audience avec l'arbitre de grief, c'était effrayant. Cela a duré deux ans. Il a conclu que, comme cela ne relevait pas de sa compétence, il ne voulait pas prendre de décision.
Je me suis aussi adressée au Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada. Au départ, on m'a dit que l'organisme était là pour protéger les dénonciateurs. Or, le processus était très compliqué. Je devais remplir des formulaires. Tout était tellement complexe.
Au départ, les gens ne savaient pas trop de quoi il s'agissait. Je ne savais pas qu'il y avait un commissaire à l'intégrité. Quand j'ai finalement fait une plainte, on m'a dit que je n'étais pas dans les délais prévus pour ce qui est du nombre de semaines.
Heureusement, Me Yazbeck était là. Grâce à ses connaissances, il a soumis à nouveau ma demande au commissaire à l'intégrité et ma plainte a alors été acceptée.
Finalement, on a décidé que le fait que j'aie perdu mon emploi et ma cote de sécurité et que j'aie été suspendue sans solde ne correspondait pas à des représailles. C'était pourtant l'élément important que je voulais faire valoir, c'est-à-dire que le gouvernement, en guise de représailles, m'avait mise à la porte pour me faire taire. Finalement, il se servait de mon exemple pour dissuader d'autres lanceurs d'alerte qui auraient voulu parler. J'étais un bon exemple de ce qu'il ne fallait pas faire.
J'en ai déjà dit pas mal. Je ne sais pas si je devrais continuer.
Maintenant, je suis en suspens, assise entre deux chaises. D'un côté, l'arbitre ne veut pas prendre de décision parce que cela ne relève supposément pas de sa compétence; de l'autre, il y a M. Friday, qui attend que l'arbitre prenne sa décision. On se demande quasiment s'ils ne se sont pas parlé pour faire tomber mon dossier dans les mailles du filet et s'assurer que mon cas ne sera pas traité. L'un attend que l'autre prenne une décision, et finalement rien ne se passe.
D'une part, je demande à ce comité de revoir la Loi et les politiques, afin de bien protéger les lanceurs d'alerte. Il faut faire en sorte que ce soit centré sur le lanceur d'alerte. Il est très important de protéger le lanceur d'alerte, et non de protéger ceux qui sont déjà au pouvoir.
D'autre part, je me demande s'il est possible que votre comité, d'une quelconque façon, dise à M. Friday qu'il n'a pas le choix, qu'il doit envoyer mon dossier au Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs, étant donné que la situation est ridicule et qu'il n'y a plus à attendre. Ainsi, votre action affirmerait très clairement que vous défendez les lanceurs d'alerte. Votre comité montrerait qu'il est très sérieux à cet égard. Cela démontrerait que votre comité ne fait pas que parler, recevoir des mémoires et produire des rapports. Ce serait un geste qui en dirait long.
Il faudrait ensuite revoir la Loi. Ce n'est pas seulement pour moi. En fait, il est vrai que cela m'aiderait, car les conséquences personnelles ont été immenses dans mon cas: je ne suis plus apte à l'emploi, je n'ai plus d'argent, je suis endettée. Cela m'aiderait, mais ce serait aussi pour...
Je remercie nos témoins de leur patience.
Chers collègues, M. Yazbeck est considéré comme un témoin. Si jamais vous avez des questions, vous pouvez lui en poser.
Madame Therrien, je vous remercie de votre exposé.
Chers collègues, je crois que nous commencerons par une série de questions de sept minutes. Si vous avez encore des questions après coup, nous pourrons en faire une autre, mais commençons par sept minutes chacun. Nous verrons par la suite.
Monsieur Drouin, vous avez la parole en premier. Vous avez sept minutes.
:
En fait, nous en discutions entre collègues. J'en discutais aussi avec mon chef d'équipe. Dans certains cas, le matin, on ne me disait pas bonjour, mais on m'accueillait plutôt de la façon suivante:
[Traduction]
« Eh, Sylvie, lui avez-vous finalement imposé une pénalité? »
[Français]
En réalité, il n'y avait pas de pénalité à imposer dans ce cas. Voilà ce que je recevais en guise de bonjour.
À un moment donné, le chef d'équipe m'a dit qu'il fallait que je refuse d'accorder des prestations à une personne qui faisait une demande, sous prétexte qu'elle n'avait pas vraiment fait de recherche d'emploi conformément aux critères établis. Il s'agissait d'un Autochtone qui vivait dans un village éloigné où il n'y avait qu'un seul magasin. Il travaillait dans l'industrie de la pêche. Comme il s'agit d'un travail saisonnier, il n'avait plus de travail.
Finalement, nous parlions de certains cas au bureau. Pendant ces conversations, les gens autour de moi voyaient bien que je n'étais pas en faveur d'un tel traitement de ces cas, comprenez-vous? C'est de cette façon que les choses se présentaient. Dans le cadre de notre travail au quotidien, c'était au cas par cas. Alors que je jugeais qu'une personne avait droit à des prestations d'assurance-emploi et que je devais les lui accorder, on me disait de ne pas le faire.
:
Je serais plutôt d'accord.
Je pense qu'il est difficile de s'en remettre à une obligation de bonne foi. Je ne dis pas qu'il faut fermer les yeux sur les divulgations faites de mauvaise foi, mais il arrive souvent que les gens croient qu'une divulgation est faite de bonne foi lorsqu'elle est justifiée, par exemple, par des motifs valables. Ainsi, lorsque quelqu'un divulgue quelque chose parce qu'il a des comptes à régler avec son superviseur, on va associer ça automatiquement à de la mauvaise foi et on va refuser de donner suite à cette démarche. Cependant, il est fort possible en pareil cas que le superviseur en question se livrait effectivement à des actes répréhensibles. Il ne faut pas écarter une plainte simplement parce qu'elle témoigne d'une certaine animosité de la part du dénonciateur. Je pense que nous devons nous montrer très prudents à cet égard.
Je crois également que dans les cas où des employés ont fait l'objet de mesures disciplinaires après avoir dénoncé publiquement certains agissements, l'employeur a souvent par le passé exigé une preuve de la véracité des allégations en adoptant comme principe que l'on ne peut pas dénoncer des actes répréhensibles sans avoir la certitude qu'ils ont effectivement eu lieu. C'est une exigence beaucoup trop élevée, car il arrive que l'on ne sache pas si les faits allégués sont avérés et qu'il soit impossible de le savoir. Parfois, vous avez simplement des soupçons et vous voulez que quelqu'un fasse enquête pour savoir s'ils sont fondés. En fait, c'est exactement le rôle que doit jouer le commissaire. Si quelqu'un a des soupçons, cela devrait être suffisant, pour autant que le tout soit raisonnable et que la personne agisse de bonne foi.
:
En fait, je ne sais pas exactement quelle norme de preuve s'appliquerait dans cette autre situation. Tout dépend de la façon dont le tribunal verrait les choses. Dans ce cas, ce serait certes la norme de preuve civile qui prévaudrait, soit notamment la prépondérance des probabilités. Lorsqu'il faut prouver qu'il y a eu représailles, c'est aussi cette même norme de preuve, soit la prépondérance des probabilités.
Le problème avec les représailles, c'est que l'on part du principe que les actes posés sont légitimes et qu'il faut faire la preuve du contraire, un lourd fardeau pour le plaignant. Dans le cas dont vous parlez, il est question d'un devoir dont l'intimé doit s'acquitter. D'une certaine manière, le fardeau de la preuve est renversé, car il s'agit de déterminer si le défendeur s'est acquitté de ses obligations.
À bien y penser, c'est peut-être effectivement plus facile dans cette optique. J'estime simplement que la forme que peuvent prendre les représailles en milieu de travail est tellement insidieuse et subtile que l'on a besoin d'un enquêteur expert, d'un décideur expert ou d'un tribunal expert pour trancher, de préférence à un simple tribunal devant décider si un devoir d'ordre plus général a été rempli à l'égard du plaignant ou de l'employé. J'estime qu'une expertise est absolument essentielle à cette fin, comme en fait foi la jurisprudence en matière de droits de la personne. En effet, la Commission et le Tribunal des droits de la personne ont acquis une expertise leur permettant de déterminer s'il y a eu ou non discrimination.
:
Vous aviez donc le statut d'employée permanente.
Présentement, nous nous penchons sur la faisabilité d'un mécanisme visant à protéger non seulement les lanceurs d'alerte, mais tout le monde, c'est-à-dire les employés, les employeurs et la population. Ainsi, on s'assure que les lanceurs d'alerte pourront vraiment faire leur travail sans crainte.
Je ne suis pas juge et je ne connais pas votre dossier à fond, mais, dans votre cas, vous semblez être carrément isolée. Vous êtes dans une zone d’incertitude. Vous n'êtes sous la protection d'aucune partie.
Quelle aide le syndicat vous a-t-il apportée?
Madame Therrien et monsieur Yazbeck, nous vous remercions vivement pour vos témoignages qui ont été extrêmement utiles et éclairants.
En toute franchise, il a été difficile pour notre comité de faire comparaître des dénonciateurs. Nous avons pu entendre de nombreux bureaucrates. Nous avons entendu différents fonctionnaires responsables du régime de protection des divulgateurs au sein d'autres gouvernements, mais très peu de dénonciateurs. C'est une chose qui s'explique. Dans bien des cas, ils ont tout simplement peur des représailles, même lorsqu'il s'agit de comparaître à huis clos devant notre comité.
Je vous félicite donc pour votre courage. Je vous remercie de votre témoignage, de votre franchise et de toutes les suggestions que vous nous avez faites, vous et votre avocat. Tout cela nous sera extrêmement utile dans la poursuite de notre travail.
La séance est levée.