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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 139 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, il est 15 h 30. Je constate que nous avons le quorum, et nous avons beaucoup de pain sur la planche aujourd'hui.
    Conformément à l'entente que nous avons conclue en début de semaine, les témoins seront limités à sept minutes chacun, plutôt que les 10 minutes habituelles. Je vais tout simplement donner la parole aux témoins dans l'ordre où ils figurent sur l'ordre du jour.
    Nous accueillons Josh Paterson, de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, Stanley Stapleton, du Syndicat des employés-e-s de la Sécurité et de la Justice, et Lois Frank, qui est rédactrice de rapports Gladue pour Alberta Justice.
    Je vais donc procéder dans cet ordre et demander à M. Paterson de présenter sa déclaration préliminaire de sept minutes.
    Bonjour et merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui sur un territoire algonquin non cédé.
    Je représente l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, qui, de pair avec la Société John Howard, constituent les organisations responsables de la décision de la Cour de la Colombie-Britannique que la plupart d'entre vous ont probablement lue. Je ne vais pas trop insister sur les conclusions juridiques et je tiendrai plutôt pour acquis que vous comprenez la décision définitive de la Cour. Je veux plutôt aujourd'hui vous parler d'un aspect précis du dossier.
    Le ministre a exhorté le Comité à prendre en considération le fait que le projet de loi C-83 constitue un régime complètement différent et que, par conséquent, les constatations des tribunaux en Colombie-Britannique et en Ontario ne s'appliquent pas vraiment.
    Comme d'autres témoins vous l'ont dit — y compris l'enquêteur correctionnel; et c'est aussi notre avis —, les préjudices découlant du régime actuel resteront possibles malgré le nouveau projet de loi, parce que rien de ce que ce dernier promet n'est garanti dans le cas de l'isolement. Je vous dirais plutôt, avec tout le respect que je vous dois, que le gouvernement se fourvoie lorsqu'il affirme que nous vivons dans un monde tout à fait nouveau et que, par conséquent, les décisions sont peu pertinentes ou ne le sont pas du tout.
    Même si je n'ai pas le temps, aujourd'hui, d'aborder toutes les lacunes importantes du projet de loi à cet égard, je vous renvoie encore une fois aux mémoires de la Société John Howard, de l'ACLC et de l'enquêteur correctionnel, avec lesquels nous sommes en grande partie d'accord. Je consacrerai le temps dont je dispose aujourd'hui à la question de la surveillance.
    Sans passer en revue tous les faits, la Cour de la Colombie-Britannique a conclu que, en fait, il existait depuis longtemps une culture de non-respect des lois et des règles dans les prisons, surtout en ce qui concerne l'isolement, le confinement aux cellules et l'isolement cellulaire. En outre, il existe depuis longtemps une résistance similaire à l'idée d'une surveillance externe des placements en isolement. La Cour a établi un lien clair entre ces deux tendances, et j'espère que ce lien sera tout aussi évident pour le Comité.
    La Cour de la Colombie-Britannique y consacre des pages et des pages, à commencer par le rapport Vantour du gouvernement, dans les années 1970, qui a conclu que le Service des pénitenciers — c'était son nom à l'époque — n'avait pas respecté les lois, les règlements et les politiques en vigueur. Le juge Leask a poursuivi en soulignant le rapport MacGuigan, qui, selon la Cour, est une condamnation accablante de l'absence de la primauté du droit dans le système pénitentiaire. C'est en fait après la publication de ce rapport que le gouvernement a mis en place des présidents indépendants chargés des audiences sur l'isolement préventif et des audiences disciplinaires.
    Il souligne ensuite le rapport Arbour, qui porte sur ce qui s'est produit dans la prison pour femmes, rapport qui a révélé qu'il s'agissait non pas de cas individuels de non-respect de la loi, mais plutôt d'une culture de non-respect de la loi. Bien sûr, Louise Arbour a recommandé des plafonds stricts en matière d'isolement ainsi qu'une surveillance judiciaire, ou, au moins, le recours à un arbitre indépendant.
    Après le rapport Arbour, il y a eu au moins six autres rapports internes du SCC, des rapports de la Chambre des communes, des rapports de l'enquêteur correctionnel et le rapport de la commission d'enquête sur le décès d'Ashley Smith. Chaque rapport formulait des recommandations selon lesquelles une évaluation indépendante des décisions en matière d'isolement était nécessaire. Chaque fois, le gouvernement a décidé de faire fi de ces recommandations.
    Et nous y revoilà. Nous nous retrouvons avec la décision d'un tribunal, dont la conclusion — fondée sur les données probantes et des conclusions de fait — est reconnue comme véridique par le gouvernement, cette conclusion étant qu'une surveillance interne n'est pas appropriée. Cette décision s'ajoute aux nombreuses recommandations d'experts — des recommandations formulées depuis des décennies — et aux conclusions de fait non contestées selon lesquelles il y a, dans les prisons, des échecs systémiques généralisés et une culture de non-conformité. Selon nous, le Parlement ne devrait pas adopter le projet de loi avant d'être sûr d'avoir réglé ce problème de longue date.
    Pas plus tard que la semaine dernière, devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, le Canada a à nouveau essayé de soutenir que ce qui s'était produit était seulement le fruit d'une série de mauvaises décisions individuelles, comme une mauvaise application de la loi, un mauvais exercice du pouvoir discrétionnaire et ainsi de suite. Les juges de la Cour d'appel ont en fait interrompu et arrêté l'avocat du Canada. Le juge en chef a dit en substance ce qui suit au Canada: « Vous ne contestez pas les conclusions du juge de première instance, qui a conclu qu'il y avait des problèmes systémiques et que ces problèmes étaient répandus et de nature systémique, pas une série de problèmes individuels. Pourquoi parlez-vous donc ici de problèmes individuels? »
    C'est vraiment essentiel. Le gouvernement du Canada ne conteste pas ces conclusions. En fait, il a reconnu qu'il y a eu des mauvais traitements systémiques et persistants et des violations des droits.
(1535)
    Lorsque vous réfléchissez à ce qu'il faut faire au sujet du projet de loi — et, en fait, au sujet de la surveillance, peut-être —, je crois qu'il est très important que les membres du Comité reconnaissent le contexte, et ne s'appuient pas sur l'espoir et l'aspiration que le SCC s'est montré capable de gérer correctement ce dossier. En fait, ce n'est pas ce qu'on a constaté. Le gouvernement du Canada a accepté ces conclusions en ne les contestant pas.
    Cela m'amène à la question de la surveillance externe indépendante. Soyons clairs: nous ne soutenons pas le projet de loi dans sa forme actuelle. Une lacune particulièrement flagrante, c'est qu'il continue de rejeter, comme on le fait depuis des décennies, un système de surveillance externe et de lui préférer un système de surveillance interne. Nous demandons au Parlement de ne pas refaire la même erreur.
     Il a été dit devant le Comité que la Cour de l'Ontario a dit que l'examen pourrait être interne. Durant la période de questions, je serai heureux de parler des différences entre les deux jugements et d'expliquer pourquoi il y a une différence.
    Voici ce que le juge de la Colombie-Britannique a conclu:
    
[...] Je crois que les éléments de preuve qui m'ont été présentés [...] prouvent que le SCC a prouvé son incapacité d'examiner de façon équitable les décisions relatives à l'isolement préventif.
Par conséquent, je conclus que l'équité procédurale dans le contexte de l'isolement préventif exige que [...] l'examen des décisions d'isolement se fasse de façon indépendante du SCC.
    En omettant systématiquement de traiter les prisonniers de façon équitable, que ce soit en raison d'un manque de ressources ou pour quelque autre raison que ce soit — je ne dis pas que c'est pour des motifs répréhensibles —, le SCC non seulement a violé la Constitution, mais il n'a pas respecté la volonté du Parlement.
    Est-ce le signal d'une minute, monsieur?
    Oui.
    La Cour de la Colombie-Britannique a écrit, par exemple — et l'enquêteur correctionnel vous l'a dit cette semaine — qu'un des éléments les plus troublants dans toute cette histoire, c'est que, pendant des années, le SCC a évité de faire intervenir des présidents indépendants lorsqu'il était question d'isolement disciplinaire en contournant le processus et en parlant plutôt d'isolement préventif.
    Selon moi, c'est là un affront au pouvoir délégué du Parlement. Le Parlement a déjà conclu que, en ce qui concerne certains placements en isolement, il fallait avoir recours à des examens indépendants, et, délibérément et pendant des années, le SCC a évité de le faire, ce que le Canada ne conteste pas.
    Selon moi, il est très important de garder cette situation à l'esprit au moment de déterminer ce qu'il faut faire ici.
    Je vais m'arrêter ici, monsieur le président. Merci.
    Merci, monsieur Paterson.
    J'ai un conseil utile pour les témoins. À l'occasion, regardez-moi afin que je ne sois pas obligé de vous interrompre. Je n'aime pas interrompre les témoins lorsqu'ils présentent leur exposé.
    Monsieur Stapleton, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue qui m'a précédé pour dire que la surveillance est essentielle dans tout ce qui se passe en milieu correctionnel, parce que, parfois, c'est quelque chose qui manque.
    J'arrive ici avec mes 30 années d'expérience liée aux services correctionnels. J'ai commencé comme agent correctionnel à l'Établissement à sécurité moyenne de Drumheller en 1980. En 1983, je suis passé à l'Établissement à sécurité maximale d'Edmonton. J'ai été agent correctionnel là-bas pendant 22 ans, et je suis maintenant agent de programmes. C'est encore mon poste d'attache.
    En tant que président du Syndicat des employés-e-s de la Sécurité et de la Justice, je représente des milliers d'employés qui se rendent au travail tous les jours dans les installations correctionnelles pour préparer les délinquants en vue de leur retour en toute sécurité dans la société.
    Nous discutons aujourd'hui du projet de loi C-83 et des mesures qui visent à rendre les prisons fédérales canadiennes plus humaines et à améliorer les chances de réadaptation des délinquants. Le SESJ croit que le projet de loi C-83 est un premier pas dans cette direction. Cependant, d'après mon expérience, je peux dire que de nouvelles ressources seront nécessaires pour y arriver. Aujourd'hui, les travailleurs de première ligne sont accablés par de lourdes charges de travail et ils en sont à un point de rupture. Il faut qu'il se passe quelque chose.
    Étant donné que la mise en oeuvre des réformes proposées dans le nouveau projet de loi reviendra aux travailleurs de première ligne, voici ce que le SESJ recommande: d'après ce que nous avons compris, environ 484 millions de dollars ont été réservés pour soutenir ces changements. Du point de vue du SESJ, certains de ces fonds doivent servir à rajuster les ratios des agents de libération conditionnelle et des agents de programmes par rapport aux délinquants.
    Actuellement, dans le cas des agents de libération conditionnelle, les ratios sont de 30:1 dans les unités à sécurité maximale, de 28:1 dans les unités à sécurité moyenne, et de 25:1 dans les unités à sécurité minimale. Cependant, il n'y a pas de remplaçant si un agent de libération conditionnelle prend un congé de maladie de longue durée ou qu'il part en vacances. Il n'y a pas de remplaçants. Cela signifie que, lorsque les agents de libération conditionnelle ne sont pas là, les délinquants ont beaucoup moins de soutien.
    Le SESJ croit que les ratios devraient être de 20:1 pour les agents de libération conditionnelle. En outre, nous croyons aussi qu'il faut rétablir le personnel de remplacement. Dans le cas des agents de programmes qui travaillent dans les UIS, le ratio ne devrait pas dépasser 3:1. Parfois, en raison de la complexité des besoins des délinquants, le ratio devrait être de 1:1.
    Les changements proposés dans le projet de loi C-83 en vue d'améliorer les interactions avec les délinquants sont positifs et importants, parce que, pendant toutes les années où j'ai travaillé dans les pénitenciers fédéraux, j'ai toujours pensé qu'il fallait traiter les gens comme des gens.
    J'ai travaillé en tout pendant environ quatre ans dans des unités d'isolement, et je peux vous dire que, durant toutes ces années, je n'ai jamais vu un délinquant sortir d'une période d'isolement en étant une meilleure personne.
    Je peux aussi vous dire que, lorsque je suis dans la rue et que des délinquants viennent me voir — et ils le font —, ou encore lorsque je travaille à la salle de Bingo afin de ramasser des fonds pour les activités sportives de mes filles, ils me parlent. La chose que j'ai très souvent entendue, c'est: « Merci, patron. Merci de m'avoir traité comme une personne lorsque j'étais en prison. Ça m'a aidé, une fois à l'extérieur, à comprendre ».
    Ces interactions doivent absolument avoir lieu, et ce, en milieu carcéral. La préparation des délinquants en vue de leur retour en toute sécurité dans la société exige de réelles interactions, et cela signifie des programmes, des séances de counseling, des soins de santé mentale et plus d'interaction en personne. Le fait de fournir une telle interaction est nécessaire, même dans le cas des délinquants les plus difficiles.
    Le projet de loi C-83 s'attaque à certains de ces problèmes, mais, avec les années, le système a besoin de plus de ressources pour apporter ces changements. Le financement est important. Comme nous travaillons au sein du Service depuis très longtemps, nous avons vu passer plusieurs plans de la réduction des déficits, dont le dernier, bien sûr, remonte au gouvernement précédent. Dans le passé, les plans d'action n'ont pas eu un impact majeur sur ce qui se passe sur la première ligne. La plupart des effets se faisaient sentir au sein de la gestion intermédiaire et de la haute direction. Cependant, la dernière fois, les répercussions des compressions des ressources de première ligne ont vraiment été ressenties.
    Comme je l'ai dit précédemment, les membres que je représente — particulièrement les agents de programmes et les agents de libération conditionnelle — ressentent beaucoup de stress. Le SESJ croit que le nouveau projet de loi est un pas dans la bonne direction si on cerne des ressources et qu'on les affecte pour améliorer les chances de réhabilitation des délinquants, pour contribuer à la sécurité des collectivités et assurer la sécurité de tous les employés qui travaillent dans les établissements fédéraux.
    Merci.
(1540)
    Merci.
    Madame Frank, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Je rédige des rapports Gladue. Je suis éducatrice et je vis dans une réserve. Je pourrais vous lire mon exposé, mais j'en ai fait des copies pour vous.
    Je travaille actuellement entre autres en collaboration avec des spécialistes des neurosciences à l'Université de Lethbridge. Puisque je rédige des rapports Gladue, j'ai rencontré beaucoup de délinquants. Je suis allée à Drumheller et dans certains autres établissements. Ils ont tous des noms différents.
    J'ai de l'expérience parce que j'ai parlé à beaucoup de ces personnes et parce que je suis allée dans ces établissements. L'une des raisons pour lesquelles je voulais vraiment venir ici, c'était afin de vous faire part de mon expérience liée à la rédaction de ces rapports et à mes interactions avec les personnes les plus directement touchées.
    J'ai eu l'occasion d'examiner le projet de loi et, même si je comprends qu'une réforme s'impose, beaucoup d'Autochtones vivent dans les réserves comme s'ils étaient en prison. Je le dis, parce que je vis dans une réserve, et c'est un endroit où il y a parfois beaucoup d'oppression. Il y a peu de ressources, des problèmes de logement, et les droits de propriété brillent par leur absence. Tout ça peut contribuer aux problèmes des Premières Nations au Canada.
    La Loi sur les Indiens est notre politique. Les agents des Indiens étaient nos directeurs d'établissement. Nous avons maintenant des conseils de bande qui sont...
(1545)
    Je m'excuse que vous interrompre. J'essaie d'attirer l'attention de mon adjoint. Allez-y, s'il vous plaît.
    Beaucoup de nos conseils de bande ne représentent pas les gens qui vivent dans nos collectivités. Nous constatons que les Autochtones représentent seulement 4 % de la population. De nombreuses études ont été réalisées. La surreprésentation au sein du système de justice est de 50 % à 70 %. Quelque chose ne va pas. Le fait d'essayer de trouver une solution, de réorganiser les chaises sur le pont du Titanic... Parce que la situation empire.
    Je vis dans une collectivité où nous devons composer avec une grave crise des opioïdes. Il y a eu sept décès la semaine dernière. Nous avons des problèmes, et à moins d'être en mesure de nous attaquer directement à certains de ces problèmes, je ne crois pas que nous constaterons une réduction.
    Le processus de rapports Gladue a été mis en place parce que la Cour suprême, dans toute sa sagesse, a constaté que les juges qui imposent les peines devaient prendre en considération la situation des Autochtones. À ma connaissance, ce n'est pas une exigence qui a été étendue au système correctionnel. Je rédige ces rapports, j'y consacre beaucoup de temps, je parle aux gens, j'essaie de pénétrer l'âme de ces personnes, de leur famille, puis, tout s'arrête là.
    Souvent, les recommandations que nous formulons ne sont pas appliquées par le système correctionnel. Il faut mettre en place des plans de guérison plutôt qu'envoyer les gens en isolement, dans ce que beaucoup de détenus appellent le « trou ». Vous savez, c'est contre-productif. Parfois, la seule chose qu'on leur donne, c'est une bible, et ils sont nombreux à avoir des problèmes de littératie. Par conséquent, tout ce qu'on arrivera à faire en les laissant dans une cellule 22 heures par jour, sans aucun contact humain et aucune chance de réadaptation, c'est tout simplement les renvoyer dans la collectivité, où ils récidiveront.
    J'aimerais que le programme Gladue soit mis en oeuvre au sein du système correctionnel parce que nous faisons beaucoup de travail dans le domaine, mais à quelle fin? Il faut que tout ça donne quelque chose pour que ce soit significatif pour les familles et les détenus. Le travail que je fais actuellement dans le domaine des neurosciences vous semble peut-être étrange. J'ai travaillé dans le domaine de la justice pénale pendant de nombreuses années, mais j'effectue des recherches doctorales avec l'un des plus grands neuroscientifiques du monde, M. Bryan Kolb. Nous cherchons des moyens d'examiner certaines des conditions, et pas seulement pour ce qui est de la santé mentale, mais aussi du point de vue culturel et économique. Nous pourrions peut-être nous tourner vers la biologie, la science, parce que, dans de nombreux cas, beaucoup de ces délinquants ont reçu de mauvais diagnostics ou aucun diagnostic du tout. Il y a des façons de les traiter ou de prévenir ou même d'inverser certains des effets.
    L'ETCAF est un gros problème. Bon nombre des personnes qui ont des démêlés avec le système de justice ont reçu un diagnostic de diverses personnes: de travailleurs sociaux, des enseignants et tout le reste. Ils sont étiquetés comme des apprenants lents et ainsi de suite. On leur donne du Ritalin, parce qu'ils sont hyperactifs. Ils s'ennuient peut-être tout simplement à l'école. J'ai parlé à des enseignants pendant des années. Nous devons envisager des approches différentes. Plutôt que de dépenser beaucoup d'argent pour créer quelque chose de nouveau, d'envisager peut-être de construire de nouvelles prisons, des installations de nouvelle génération, nous pourrions peut-être envisager d'étendre le programme Gladue au sein des services correctionnels et de miser là-dessus.
    Je crois aussi qu'il faut faire participer les conseils de bande. La terminologie qui est utilisée dans le projet de loi est déroutante, parce qu'on a remplacé organisation « autochtone », par « corps dirigeant autochtone ». Ce changement pourrait avoir des répercussions négatives sur les Autochtones, parce qu'il faut obtenir une permission. Actuellement, il n'y a pas de motivation. Les conseils de bande n'ont aucune raison de se mêler d'enjeux comme ceux liés au système de justice pénale. Obligez-les à le faire. Affectez les ressources nécessaires et faites participer des gens, comme les membres de ces organismes de gouvernance, afin qu'ils aident à régler certains de ces problèmes.
    Je suis ici pour parler de la mise en oeuvre du programme Gladue au sein des services correctionnels.
(1550)
    Merci beaucoup, madame Frank.
    Monsieur Picard, vous avez sept minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais poser mes questions en français,

[Traduction]

si vous voulez mettre votre appareil d'interprétation en marche. Aviez-vous besoin d'un coup de main?

[Français]

     Je vous remercie tous les trois de votre présence et de vos témoignages.
    Monsieur Stapleton, j'aimerais vous inviter à commenter le premier la récente annonce selon laquelle le ministère va investir 448 millions de dollars dans le Service correctionnel du Canada au cours des six prochaines années.

[Traduction]

    Quatre cent quarante-huit millions de dollars c'est certainement beaucoup d'argent. Au fil du temps, est-ce que ce sera suffisant? Nous ne sommes pas sûrs, mais il ne fait aucun doute que ces fonds permettront de lancer le processus.
    Bien sûr, avec le temps et à mesure que plus de fonds seront nécessaires, ces 448 millions de dollars sont répartis sur une période de six ans, si je ne m'abuse, et les montants prévus augmentent progressivement. Ces fonds seront nécessaires non seulement pour embaucher des gens et réaliser d'autres initiatives, mais aussi, bien sûr, pour réagir à certaines autres situations. Il faudrait peut-être modifier l'aménagement des installations en tant que telles. Selon moi, c'est un bon investissement.

[Français]

    Vous avez travaillé sur le terrain comme agent correctionnel. Selon votre connaissance de la gestion d'un détenu dans ce qui était à l'époque une unité d'isolement, qu'on veut changer en unité d'intervention structurée, le changement proposé de sortir de sa cellule un minimum de quatre heures, au lieu de deux, aura-t-il des répercussions sur l'importance des effectifs ou sur la charge de travail? Du point de vue opérationnel, comment entrevoyez-vous les répercussions de ce changement?

[Traduction]

    En ce qui concerne les ressources, par exemple, si on peut seulement offrir des programmes à de une à trois personnes à la fois, nous allons avoir besoin de plus d'agents de programmes. Lorsqu'on offrira plus de programmes et qu'on réalisera plus d'initiatives au sein des unités d'intervention structurée, il est quasiment sûr qu'on aura besoin de plus d'agents de libération conditionnelle, et ceux-ci devront réaliser plus d'évaluations à mesure qu'ils obtiennent de nouveaux renseignements. Afin de fournir les services nécessaires aux délinquants qui vivent dans ces unités, il faudra augmenter les ressources humaines.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Paterson, je veux d'abord vous remercier encore une fois de l'excellente discussion que nous avons eue cette semaine. Elle a été très constructive, car j'ai compris que votre association et notre comité cherchent à améliorer un système qui, selon vos dires — je ne conteste pas du tout leur fondement —, est déficient à plusieurs égards..
    Une des questions dont nous avons discuté a trait au défi consistant à faire un choix entre apporter des changements et améliorer le système actuel. Il n'y a peut-être pas de différence entre les deux, puisque les mesures que nous voulons mettre en place visent justement à améliorer le système.
    J'en viens à la question du caractère indépendant de l'organisme de surveillance que vous proposez. Vous avez fait valoir qu'un organisme interne serait mal vu pour des raisons d'efficacité ou de partisanerie, notamment, et je comprends vos arguments.
    Je soumets à votre considération la comparaison suivante. Lorsqu'il y a un problème interne, la police fait appel à la division des affaires internes. Au sein de l'organisation, cette division pourrait être vue comme juge et partie. Néanmoins, on lui reconnaît son caractère indépendant même si, du point de vue de la police, elle est constituée d'agents de police.
    Je ne veux pas faire une comparaison identique avec le SCC, mais le fait d'avoir un groupe indépendant mais qui relèverait de SCC poserait-il un problème différent et ferait-il que cela ne serait pas concevable?

[Traduction]

    Si je comprends bien votre question, permettez-moi de dire que, en ce qui concerne les services de police et la situation que vous soulevez, dans les situations où quelque chose va de travers, lorsqu'il y a un type d'inconduite quelconque et où le dossier est transféré au responsable des normes professionnelles ou des affaires internes, comme on le dit parfois à la télévision, c'est quelque chose qui concerne le régime disciplinaire des membres des services de police. Dans la plupart des administrations du pays, lorsqu'une personne se plaint au sujet du travail des policiers, les examens réalisés font habituellement l'objet d'une supervision indépendante.
    Encore une fois, on parle seulement des situations où il y a une plainte contre la police. Dans de telles situations, les droits des gens sont en jeu, mais leur liberté n'est pas menacée, et, malgré tout, on mise sur une surveillance indépendante.
    Dans le cas qui nous occupe, nous parlons d'une importante privation de la liberté, et ce, dans une situation où cette liberté a déjà été vraiment limitée. Nous ne savons pas quels types de ressources seront là. Nous ne savons pas quel type d'employés seront affectés. Par conséquent, il est possible que, malgré les meilleures intentions, — et nous croyons que c'est probable — des gens continueront de se retrouver dans des conditions d'isolement très similaires à ce qui se passe actuellement, parce que la loi ne l'interdit pas. Par conséquent, nous disons que, pour ces gens, il doit y avoir un décideur indépendant, quelqu'un qui peut venir examiner ces placements, et ce n'est pas — comme vous l'avez reconnu vous-même — en tous points similaire à une question de discipline interne au sein d'un service de police.
(1555)

[Français]

     Quelles options s'offrent à nous? On ne parle pas de surveillance. Ce n'est pas parce qu'il la rejette, mais parce que ce n'est pas inclus. Cela laisse la possibilité de soumettre des recommandations.
     Plutôt que de suggérer une seule voie, à moins qu'il n'en existe qu'une seule, à vos yeux, avez-vous quelques options ou moyens à proposer pour que la surveillance que vous suggérez soit offerte?

[Traduction]

    Pour ce qui est de savoir de quelle façon exactement tout cela serait mis en place, il y a probablement différentes façons de procéder. Ce qui est proposé là, ce n'est qu'une des façons de procéder, que ce soit un processus externe ou interne au sein du SCC, que ce soit une entité indépendante au sein même du SCC, mais séparée, à l'extérieur de la chaîne de commandement. C'est quelque chose que nous rejetons fondamentalement.
    Peu importe qui procède à l'examen, les éléments déclencheurs devraient être similaires aux suivants: lorsqu'un professionnel de la santé agréé ou le représentant des patients dit au SCC que la préservation de la santé de la personne exige son retrait de l'isolement, l'examen devrait être déclenché 24 heures plus tard pour permettre à la direction d'essayer de gérer la situation. Si une personne — peu importe où dans la prison — passe plus de 5 jours consécutifs ou 15 jours dans une année civile dans sa cellule, qu'il y ait refus ou qu'on ne leur accorde pas la permission de sortir, c'est un autre élément déclencheur qui devrait enclencher le processus.
    Merci. C'est une bonne conversation.
    Merci, monsieur Picard.
    Monsieur Motz, s'il vous plaît, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être là.
    Monsieur Paterson, je vais commencer par vous.
     L'enquêteur correctionnel a comparu mardi. Il a dit qu'il ne croit pas que le Service correctionnel du Canada devrait enquêter lui-même dans certaines situations et qu'il a perdu, à ses yeux, sa crédibilité dans ce dossier. Le ministre, à l'opposé, nous a demandé de faire confiance au Service correctionnel du Canada et à lui, pour qu'ils puissent bien faire les choses, affirmant que nous devions tout simplement adopter la loi telle quelle.
    Êtes-vous d'accord avec le ministre pour dire que nous devrions tout simplement avoir confiance, que la réglementation permettra de bien faire les choses et que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes?
    Avec tout le respect que je dois au ministre et à son intention, je ne pense pas que nous devrions faire confiance au SCC, ici. À défaut de voir la réglementation, c'est très difficile de dire: « D'accord, nous allons tous donner notre approbation ».
    Même si le ministre peut demander au Comité et aux parlementaires de faire confiance au SCC, devant les tribunaux, les avocats du ministre ont eu l'occasion de contester les conclusions judiciaires en Ontario et en Colombie-Britnannique selon lesquels le SCC n'était pas digne de confiance, mais ils ont refusé d'adopter cette position. Ils ont reconnu toutes les conclusions de fait. Ils ont concédé tout ce dont j'ai parlé. Par conséquent, avec tout le respect qui est dû ici, je ne crois pas que le gouvernement peut dire à la fois: « Nous devons faire confiance au SCC », tout en refusant délibérément de faire valoir ce point devant les tribunaux.
(1600)
    Merci.
    Monsieur Stapleton, le ministre lui-même et d'autres intervenants nous ont dit qu'on ne peut pas évaluer les coûts associés au projet de loi tant qu'il n'est pas adopté. D'anciens fonctionnaires nous ont dit que, selon leur expérience, ce n'est pas nécessairement le cas.
    Vous avez dit que le projet de loi sera seulement utile si on y affecte des ressources. Est-il irresponsable d'adopter un projet de loi sans savoir exactement ce qu'il coûtera et, déjà, quand ces ressources seront accessibles et si elles le seront?
    Si j'ai bien compris, 448 millions de dollars sont affectés pour faire ce qui est prévu dans le projet de loi. C'est beaucoup d'argent.
    Est-ce assez? Je ne sais pas. Est-ce trop? Je ne sais pas non plus. Tant que nous ne commençons pas le processus au sein des services correctionnels et tant qu'on ne met pas en place les outils qui devront l'être, nous ne connaîtrons pas le coût exact.
    Merci.
    Madame Frank, c'est un plaisir de vous revoir. Merci d'être là.
    Habituellement, je vous vois à la maison, alors c'est bien de vous voir ici.
    Il fait plus chaud ici.
    Oui, c'est bien plus chaud.
    En tant qu'experte de la rédaction de rapports Gladue et de la question des Premières Nations, avez-vous constaté certains problèmes en examinant le projet de loi? Vous avez abordé rapidement la question dans votre déclaration préliminaire. Y a-t-il quoi que ce soit qui vous préoccupe beaucoup au sujet du projet de loi et pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Je pense que la terminologie pose problème. J'avais certaines préoccupations au sujet de l'expression « corps dirigeant autochtone », qui donne plus de pouvoirs aux conseils de bande plutôt qu'aux organisations, celles sur le terrain et les autres, parce que beaucoup des personnes libérées passent par là. On exclut aussi les gens en milieu urbain, ceux qui vivent dans les villes.
    À ce sujet, quel changement recommanderiez-vous?
    Si nous disons qu'il faut modifier la terminologie ou la description du projet de loi C-83, quel libellé nous recommanderiez-vous d'utiliser?
    On parlait anciennement de « collectivité autochtone ». Je ne sais pas pourquoi on a changé pour « corps dirigeant ». Je crois que c'est parce que le gouvernement essaie de faire preuve de rectitude politique; il ne veut pas offenser les chefs et les conseils de bande. Cependant, parfois, c'est de là que vient le problème.
    Oui.
    Je pense qu'il faut aller là... Et les tribunaux, parfois, ne prennent pas de décisions relativement à des nations individuelles, en raison de cette notion.
    L'autre chose, c'est la définition de la santé. Qui fournira ces services? En quoi consiste la justice réparatrice? Ce sont des choses qu'il faut définir, parce qu'il y a tellement de groupes au Canada. Les Premières Nations ne forment pas un groupe homogène. Ce sont des choses qu'il faut définir clairement. De plus, il faut déterminer qui payera la note.
    Merci.
    Monsieur Paterson, lorsqu'il a comparu devant le Comité, le ministre a déclaré que le projet de loi C-83 permettrait d'éliminer complètement le recours à l'isolement.
     Croyez-vous — à la lumière de votre interprétation du projet de loi C-83 — que cet énoncé décrit bien ce qui arrivera après l'adoption du projet de loi?
    J'aimerais bien que ce soit le cas, mais je ne pense pas. Je ne vois aucune raison de s'attendre à une telle chose.
    Malgré le projet de loi, bon nombre des conditions actuelles persisteront. Les occasions de sortir de la cellule pendant quatre heures et d'avoir de vraies interactions pendant deux heures peuvent être éliminées en raison de l'important pouvoir discrétionnaire des intervenants. C'est très difficile d'examiner tout ça, et ce, pour toutes sortes de raisons.
    À la lumière de ce que nous savons du passé du système carcéral, nous craignons vraiment que c'est ce qui se produira.
    Merci.
    Vu le temps dont je dispose, ma dernière question est destinée à M. Stapleton.
    Dans sa déclaration devant le Comité, le ministre a dit que la priorité des services correctionnels — et sa priorité —, c'est d'assurer, grâce au projet de loi C-83, la sécurité du personnel, des détenus et du public. Avez-vous l'impression que le projet de loi permettra de le faire tel que prévu?
    L'environnement de travail carcéral est toujours dangereux. Tant que le personnel et les outils sont là, je ne vois pas pourquoi on serait moins en sécurité qu'avant.
    Une autre chose que nous constatons, c'est que, si on crée un environnement oppressif et qu'on opprime les gens, ceux qui sortiront de prison seront probablement plus dangereux qu'au moment de leur incarcération. Il faut essayer de créer un environnement où les délinquants s'habituent à interagir dans des circonstances assez normales.
(1605)
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Dubé, s'il vous plaît. Vous avez sept minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Paterson, je veux commencer par vous et vous parler de surveillance, un sujet qui a déjà été soulevé un certain nombre de fois. Comme nous le savons tous, il y a déjà eu un projet de loi qui visait à régler certains problèmes liés à l'isolement. C'est le projet de loi C-56, qui n'a jamais été débattu à la Chambre. L'une des caractéristiques de ce projet de loi, c'est qu'il prévoyait en fait un mécanisme — ou, du moins, quelque chose qui ressemble un peu plus à un mécanisme — que ce qu'on trouve dans le projet de loi actuel. L'autre enjeu concernait l'application, le fait de donner à la loi du mordant, pour reprendre une expression populaire.
    Pouvez-vous nous en parler, nous parler de l'importance non seulement de produire un rapport ou de se pencher sur le cas précis d'une personne, mais aussi d'avoir la capacité de mettre en place des mesures correctives? Donc, on parle encore ici de comprendre le lien possible avec la question de savoir s'il faut adopter une surveillance judiciaire ou quasi judiciaire ou peu importe la forme de surveillance que votre organisation estime appropriée.
    Merci, monsieur Dubé.
    C'est très important. De plus, la Cour de la Colombie-Britannique a conclu qu'il était nécessaire de créer un organisme de surveillance externe qui a un réel pouvoir décisionnel. On espère que, si tout se passe bien avec l'actuel projet de loi, on n'aura pas à se tourner vers une telle structure tout le temps, et l'organisme qui sera mis en place à cette fin pourra aussi rendre d'autres types d'ordonnances. Il ne s'agirait pas tout simplement d'un sursis et d'une libération. L'entité pourrait veiller au respect de la loi ou, entre autres, s'assurer que les détenus ont bien droit à leurs quatre heures. Cependant, il faut lui accorder le pouvoir de rendre des ordonnances; c'est ce qui ressort d'une évaluation optimiste des nombreuses années durant lesquelles une culture de non-conformité a sévi au sein de l'institution. Selon nous, il n'est pas logique, à la lumière des éléments de preuve non contestés, de croire que des recommandations seraient suffisantes.
    En plus des facteurs que j'ai déjà mentionnés, cet examen devrait également avoir lieu 15 jours après le placement d'un détenu dans une UIS et lorsqu'un détenu passe de façon non consécutive 30 jours ou plus dans une UIS. Le pouvoir de procéder à un examen devrait entrer en jeu dans ces situations.
    Quant à savoir qui s'en occupe, je crois savoir qu'il y a certaines restrictions liées à ce que le comité peut faire à ce sujet, mais ce sont des restrictions qui n'existent pas à l'étape de la production du rapport. Ce serait une bonne idée pour le gouvernement de bien faire les choses — et d'établir un pouvoir de dépenser s'il le faut — de façon à s'assurer que le gouvernement met en place quelque chose d'approprié.
    Merci de votre réponse.
    En ce qui concerne le libellé du projet de loi, si je ne m'abuse, dans la décision de la Colombie-Britannique, il était question d'abus, de problèmes systémiques, dont ont parlé les témoins que nous avons accueillis mardi, et du fait que tout ça avait quasiment été opérationnalisé. Je ne veux pas ici utiliser une terminologie trop irrespectueuse.
    L'une des parties du projet de loi dont j'ai parlé abondamment durant l'étude, c'est l'alinéa 32a), lorsqu'il est écrit « notamment pour des raisons de sécurité ». Je me demande si votre organisation craint — à la lumière du travail que vous avez fait relativement à la décision de la Cour de la Colombie-Britannique — que l'utilisation du mot « notamment » aille à l'encontre du but recherché et permette ce genre d'abus, un genre d'abus qui a été constaté par la Cour et n'a pas été contesté par le gouvernement. Le projet de loi pourrait permettre à ce type de choses de se poursuivre.
    Nous pensons que c'est problématique, et ce, pour de bonnes raisons. Comme l'enquêteur correctionnel l'a souligné — et c'est aussi quelque chose qui avait été admis par le tribunal de première instance —, c'est qu'il y avait beaucoup d'autres raisons pour lesquelles les gens se retrouvaient, par exemple, en isolement préventif, des raisons qui allaient au-delà de la sécurité, y compris le châtiment, ce qui était censé se faire en vertu d'un régime totalement différent. Par conséquent, il est clair qu'il faut un resserrement à cet égard.
    Je comprends.
    Monsieur Stapleton, je veux m'adresser à vous parce que vous avez soulevé la question du financement. Je vais faire un lien avec un autre point que vous avez soulevé, à savoir le traitement humain des gens.
    Encore une fois, au risque de continuer à taper sur le même clou, même si ce sont des enjeux importants, l'enquêteur correctionnel a soulevé le problème du manque de services psychiatriques. Nous savons que les problèmes de santé mentale comptent parmi les principales causes d'abus ou de surutilisation de l'isolement. Craignez-vous que, si les fonds continuent à manquer, certains des problèmes que nous constatons actuellement continueront de se produire, peu importe la solution législative?
(1610)
    S'il y a un manque de financement, nous craignons tous que le cycle se poursuive. Vous avez tout à fait raison. Il y a très peu de psychologues et de psychiatres — surtout des psychiatres — qui travaillent avec ces hommes et ces femmes. Il y en a très peu, et il faut vraiment qu'il y en ait plus.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais je me demandais tout simplement si, d'après votre expérience, vous avez vu des cas d'abus de certains outils mis à la disposition des intervenants ou de différentes mesures en place dans les pénitenciers en raison d'un manque de ressources.
    Par exemple, à la lumière des renseignements qui ont été rendus publics, c'est quasiment certain que des gens se retrouvent en isolement parce que les responsables se disent: « Nous n'avons pas de médecin, alors envoyons-les en isolement parce que nous ne pouvons pas composer avec eux ».
    Il est évident que l'isolement — l'isolement préventif — a été utilisé pour composer avec des délinquants qu'on a de la difficulté à gérer grâce aux autres outils. C'est très décevant, parce qu'envoyer des gens en isolement n'aide pas.
    Nous avons parlé de la question de la sécurité publique, et je vais terminer là-dessus. Encore une fois, je crois qu'il va sans dire à la lumière de certains témoignages précédents devant le Comité que tout ce qui est fait et qui mine la santé mentale des délinquants crée aussi un risque lié à la sécurité publique pour les gens que vous représentez.
    Absolument. Imaginez tout simplement qu'on mette quelqu'un dans une cellule pendant 22 heures par jour. Si la personne a déjà des problèmes de santé mentale, ceux-ci seront exacerbés. Tandis que cette personne continuera son processus de réinsertion sociale, si on ne règle pas ces problèmes à un moment approprié en cours de route, c'est la sécurité publique qui en souffrira au bout du compte.
    Merci.
    Merci, monsieur Dubé.
    Madame Dabrusin, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Je tiens à commencer par M. Paterson. J'aimerais savoir si vous avez une copie du projet de loi C-83 sur l'ordinateur que vous avez devant vous.
    Oui. Je peux l'ouvrir.
    Parfait.
    C'est simplement parce que je veux préciser quelque chose. Je sais que M. Dubé a soulevé l'alinéa proposé 32a) à quelques reprises, et c'est la section intitulée « Objets ». Il a mentionné le mot « notamment ».
    Je voulais simplement connaître votre point de vue à ce sujet parce que l'article 34 proposé, tout juste en dessous porte que:
Le commissaire ne peut autoriser le transfèrement d'un détenu dans une unité d'intervention structurée du pénitencier au titre de l'article 29 que s'il est convaincu qu'il n'existe aucune autre solution valable et que s'il y a des motifs raisonnables de croire, selon le cas:
Puis, il y a les alinéas a), b) et c) proposés qui ne contiennent pas de dispositions générales.
    Je me demande — si on me donne le temps de le faire —, puisque vous avez parlé du mot « notamment », de quelle façon tout ça est lié à l'article 34 proposé?
    Merci de poser la question, madame Dabrusin.
    Ce que nous avons constaté dans le cadre du régime actuel, c'est que, comme je viens de l'expliquer, les objectifs qui n'ont pas été définis comme étant des motifs pour lesquels les gens peuvent se retrouver en isolement préventif ou des raisons pour lesquelles les gens peuvent se retrouver dans une telle situation — notamment pour les punir — ne sont indiqués nulle part comme étant des motifs d'isolement préventif dans le projet de loi actuel.
    Je sais que la liste est plus limitée que les autres objets contenus dans la section des « Objets », mais notre préoccupation demeure malgré tout, et nous craignons que des prisonniers se retrouvent en isolement pour des raisons autres que celles pour lesquelles ils sont censés s'y retrouver. C'est une autre raison pour laquelle nous croyons qu'il est important de prévoir un mécanisme de surveillance externe.
    Pour commencer, je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet de la surveillance externe, ce n'est pas ce dont je veux parler.
    Je voulais apporter une précision, parce que, ce que vous semblez dire, lorsque vous dites que des gens se sont retrouvés... Vous semblez dire en fait « qu'on ne respecte pas la loi telle qu'elle est actuellement rédigée » lorsque les placements en isolement ne satisfont à aucune des raisons énumérées. Je voulais tout simplement m'assurer d'avoir bien compris que, en fait, on peut seulement placer des gens en isolement pour les motifs énoncés.
    La question de la surveillance vise à s'assurer qu'on respecte les règles.
    Bien sûr.
    C'est la partie qui, je l'espérais...
    Au sujet de la surveillance, cela semble un élément moins important, mais j'ai examiné le projet de loi de l'Ontario, qui n'a jamais été adopté, mais qui a franchi trois lectures. Celui-ci prévoit la fourniture de motifs écrits lorsqu'une personne est transférée dans une unité d'isolement, dans ce cas-là.
    Je me demandais s'il serait utile que le projet de loi C-83 soit modifié afin d'inclure une obligation de fournir des motifs écrits, y compris les solutions de rechange envisagées à l'égard de ce transfèrement. On pourrait fournir au détenu un certain type de dossier, qui serait aussi accessible, de sorte que, au moment d'effectuer la surveillance, vous ayez à tout le moins quelque chose vous permettant de faire le suivi.
(1615)
    Notre organisation est généralement d'avis que la fourniture de motifs écrits concernant des décisions qui produisent un effet réel et fondamental sur une personne est toujours une bonne chose.
    Je ne dirais pas que leur inclusion corrigerait les autres défauts du projet de loi, et vous ne me le ferez pas dire, mais assurément, des motifs écrits pourraient être utiles. Je suis d'accord.
    Que diriez-vous quand il s'agit d'un transfèrement volontaire, quand un détenu a demandé à être transféré dans une unité d'intervention structurée? Serait-il aussi utile de conserver ce type de dossier, de savoir que cette demande a été faite et que ces autres solutions de rechange ont été envisagées, avant de procéder à ce transfèrement?
    Je crois que ce serait assez important.
    La position que nous avons adoptée et que nous continuons d'adopter dans nos litiges, c'est que l'aspect volontaire, dans de nombreux cas, n'est pas volontaire. Actuellement, si une personne veut être envoyée en isolement préventif, pour nous, c'est une indication qu'il y a un défaut de quelque sorte qui survient dans la population générale pour ce qui est de protéger la personne, etc. Nous croyons que ces placements volontaires profiteraient également de ce dont vous parlez.
    J'essaie juste de bien comprendre les faits. D'après moi, une partie de tout cela consiste à intégrer la surveillance. Les mécanismes de surveillance existent, et vous en avez un peu parlé, mais il s'agit aussi de créer les autres couches qui en font partie. C'est pourquoi je pose ces questions.
    Je comprends. Merci.
    Je voulais juste être claire. Je ne propose pas cela comme solution de rechange.
    Je suis sûre que vous avez eu l'occasion d'examiner la législation de l'Ontario. Y a-t-il quoi que ce soit que vous aimiez, aussi, dans cette législation? Par exemple, je remarque que quelqu'un a soulevé l'isolement interdit dans la législation de l'Ontario. Cela peut-il s'appliquer à un contexte fédéral? Le croyez-vous?
    Nous ne voyons pas pourquoi pas.
    Par exemple, dans la décision Leask en Colombie-Britannique, on a conclu que, dans la mesure où le système actuel permet le placement en isolement d'une personne ayant un problème de santé mentale ou un handicap, cela viole la Charte des droits et libertés. Cela crée une discrimination à leur égard.
    Que ce soit des mères ayant un enfant, des mineurs ou des personnes ayant des problèmes de santé mentale, nous ne nous opposerions pas à ces isolements interdits.
    Merci.
    Monsieur Stapleton, j'ai vraiment été ravie de vous entendre parler de l'importance de traiter les gens avec humanité. C'est l'essentiel.
    Une des choses qui m'ont frappée — je crois que c'était dans l'affaire de la Colombie-Britannique, mais je la confonds peut-être avec celle de l'Ontario — c'était qu'une bonne partie des communications se faisaient grâce aux trappes utilisées pour passer les repas. Les gens n'avaient en fait pas eu de communication directe — et j'ai aussi vu cela dans la législation de l'Ontario — ... on exigeait que les communications ne se fassent pas au moyen de la trappe utilisée pour les repas.
    Croyez-vous que ce serait utile de l'inscrire, de clarifier d'une certaine manière qu'une conversation par l'intermédiaire d'une trappe utilisée pour les repas n'est pas, en fait, une communication véritable?
    Je crois que ce serait utile, qu'on le voie ou non dans les règlements, parce que vous avez tout à fait raison de dire que le fait de parler par une trappe pour les repas ou une fente dans la porte n'est pas du tout une interaction véritable. Vous devez interagir de façon beaucoup plus normale avec ces hommes et ces femmes pour que celle-ci soit véritable.
    Mon temps est écoulé.
    Merci, madame Dabrusin.
    Monsieur Eglinski, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Paterson. Un certain nombre de témoins que nous avons reçus nous ont dit que l'isolement cellulaire est nécessaire, tandis que d'autres, qui travaillent sur le terrain, ont dit que c'est essentiel que les détenus aient recours à l'isolement cellulaire. Nous pouvons utiliser n'importe quelle terminologie qu'ils souhaitent utiliser dans le nouveau projet de loi.
    Croyez-vous que cette mesure soit toujours nécessaire au sein des établissements pénitentiaires du Canada?
    Merci de poser la question.
    Dans nos litiges, nous n'avons jamais soutenu que le SCC ne devrait pas recourir à une certaine forme d'isolement ou d'isolement cellulaire, au besoin, dans des cas très graves et des urgences, etc.
    Dans le cadre du système actuel, nous sommes d'avis qu'il ne devrait pas y avoir d'isolement cellulaire prolongé et indéfini. Il devrait y avoir un examen, et ainsi de suite. C'est notre avis.
(1620)
    Monsieur Stapleton, pourrions-nous obtenir une réplique de votre part, puisque vous avez travaillé sur le terrain pendant un long moment?
    Merci de votre service là-bas.
    Merci.
    Oui, il y a certainement toujours une nécessité. Il y a toujours des personnes trop violentes ou trop perturbées, qu'on ne peut prendre rapidement et retourner dans la population générale ou même laisser se mêler à deux ou trois personnes. C'est durant ces moments que vous devez le faire.
    Toutefois, même quand les détenus sont en isolement, nous devons tout de même leur fournir un certain type d'interaction avec des agents de programme, des psychologues, des psychiatres et des professionnels de la santé. Vous devez absolument leur fournir cela.
    Merci de vos commentaires. Et je crois que Mme Dabrusin a dit la même chose plus tôt. L'interaction entre les gardiens de prison et les détenus est vraiment essentielle.
    Je sais que, quand je visite l'Établissement Grande Cache dans ma région, qui est à niveau de sécurité moyenne, je m'y promène avec les gardiens et je me mêle aux personnes incarcérées. Vous voyez une très forte relation entre certains gardiens et les personnes incarcérées, une très bonne relation fonctionnelle. Puis vous voyez une certaine intensité, je dirais.
    Formons-nous nos jeunes gardiens de prison de façon adéquate pour qu'ils puissent traiter avec ces détenus? Pendant un certain nombre d'années, dans le cadre de mes fonctions de policier, j'ai escorté des détenus, et si vous travaillez avec eux et entretenez une bonne relation, c'est beaucoup plus facile.
    Leur offrons-nous assez de formation, et le projet de loi C-83 le fera-t-il pour nous?
    Je n'ai pas suivi de formation de base depuis près de 40 ans.
    Je dirais non, en ce moment, nous ne le faisons pas. Je parle de mon expérience, où j'ai vu de nouveaux agents correctionnels sortir de la formation de base et commencer à interagir, et ils ne semblent pas posséder ces compétences.
    Les gens que je représente, les agents de programme, les agents de libération conditionnelle, les enseignants et ainsi de suite, possèdent naturellement ces compétences, mais...
    Ils ont plus d'expérience.
    Ils ont plus d'expérience dans ce genre de choses.
    Oui, ils pourraient profiter de plus de formation.
    Merci.
    Le paragraphe 37.3(2) proposé indique toutefois ce qui suit:
Le directeur ne peut décider que le détenu y demeure que s'il a des motifs raisonnables de croire que la réintégration du détenu au sein de la population carcérale régulière, selon le cas, [...]
    Cette décision devrait-elle lui revenir ou plutôt être confiée à un autre groupe?
    M. Paterson a parlé de surveillance. Je suis policier depuis 35 ans et j'ai vécu en Colombie-Britannique pendant toutes ces années. Nous avons eu la Commission des plaintes du public de la Colombie-Britannique, qui a supervisé les plaintes contre les policiers. Même si nous faisions enquête sur nos propres plaintes, elle a aussi fait enquête sur nous et sur nos enquêteurs qui faisaient le travail.
    Est-ce ce à quoi vous faites allusion, et croyez-vous que ce soit nécessaire?
    Lorsque vous confiez à une personne le pouvoir de faire des choses, cela pourrait entraîner des problèmes.
    Sans vouloir dire, en passant, que même le fait d'assurer une surveillance externe réglerait tous les autres problèmes du projet de loi, oui, mais ce n'est pas exactement la même chose que les commissions des plaintes concernant la police. Ce que nous disons, c'est qu'il doit y avoir...
    Il faut que ce soit indépendant...
    ... quelqu'un d'externe qui a un pouvoir décisionnel.
    Très souvent, les commissions externes concernant des services de police peuvent parvenir à une conclusion, mais elles ne peuvent en fait imposer des mesures disciplinaires, et ainsi de suite.
    À un certain moment, la personne à l'externe doit pouvoir prendre une décision, parce que c'est ainsi que vous pourrez vous assurer qu'il y a enfin conformité et croissance d'une culture de conformité. Le SCC ne voudra pas que cet organe prenne des décisions à sa place, et il sera donc incité à faire mieux la première fois.
    Merci, monsieur Eglinski.
    Madame Damoff, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'être ici.
    Stan, je vais commencer par vous. Vous avez parlé des 448 millions de dollars que vous consacrez au milieu correctionnel. C'est certainement une conversation que nous avons tenue ici un certain nombre de fois, soit que pour que ces unités d'intervention structurée, les UIS, fonctionnent, il doit y avoir des investissements, et ils doivent être suffisants pour vos agents de programme et vos agents de libération conditionnelle qui essaient d'exécuter les programmes pour ces délinquants, et il doit y avoir assez de temps. Cependant, nous devons aussi nous assurer que tout le monde, y compris vos gens et les agents correctionnels, sont en sécurité pendant qu'ils sont là-bas.
    Même la Société John Howard a dit que le placement en isolement disciplinaire demeurait nécessaire. En réalité, j'ai été surprise de l'entendre dire cela.
    Compte tenu des investissements et de la législation, croyez-vous que vos employés seront en sécurité lorsqu'ils travailleront dans les établissements carcéraux?
(1625)
    Oui, je le crois.
    À mon époque, quand j'étais agent correctionnel, nous n'avions pas de gilet ni quoi que ce soit du genre. Nous portions les vêtements que nous avions sur le dos.
    C'est comme cela que la plupart des gens que je représente interagissent avec les délinquants dans les établissements. Je ne vois pas beaucoup de nos gens qui se disent qu'ils seront moins en sécurité, tant et aussi longtemps, bien sûr, que des agents correctionnels sont disponibles pour intervenir, au besoin.
    D'accord, c'est très bien.
    Croyez-vous que cela vous permettra de gérer efficacement les délinquants lorsqu'ils demeurent dans les unités d'intervention structurée?
    Oui, je le crois assurément. Ayant travaillé assez longtemps dans l'unité d'isolement administratif et au trou, je crois que si vous avez assez de personnel, vous pouvez assurément très bien gérer le risque.
    D'accord. Merci, Stan.
    Madame Frank, je suis très heureuse de vous recevoir ici et je reconnais votre expertise sur les rapports Gladue, parce que, selon la législation, il faut tenir compte des rapports Gladue lorsqu'un délinquant est envoyé dans un établissement carcéral.
    Durant notre étude au Comité de la condition féminine, nous avons entendu que ces rapports avaient été mal utilisés dans le milieu correctionnel et qu'ils entraînaient une augmentation des niveaux de sécurité, particulièrement pour les femmes incarcérées. L'Association des femmes autochtones témoigne dans le prochain groupe de témoins, mais elle avait fourni un mémoire dans lequel elle avait précisé que ces rapports pourraient servir à répondre aux besoins des délinquantes plutôt qu'au risque perçu qu'elles présentent.
    Je me demande ce que vous en pensez.
    Je crois qu'il y a une différence entre les rapports présentenciels et les rapports Gladue. Beaucoup de personnes ignorent ce qui les distingue.
    Je connais ces rapports et je crois que les gens doivent être formés pour savoir comment les appliquer. Je crois que c'est parfois un problème.
    Permettez-moi de vous interrompre, juste pour préciser que la législation ne mentionne pas précisément les rapports Gladue, mais parle bien de tenir compte des Autochtones... J'ai fait une recherche rapide, mais il y a quelque chose au sujet des antécédents des Autochtones, du fait de tenir compte des traumatismes intergénérationnels ou des antécédents de la personne avant d'arriver là-bas.
    Êtes-vous d'avis que cela devrait être utilisé pour évaluer leurs besoins plutôt que leur risque?
    Oui, je crois que c'était le but. Pour ce qui est du risque, il vous faudrait poser la question à une personne qui prépare les rapports présentenciels, mais je crois que les rapports Gladue feraient le pont entre le milieu correctionnel, les gens qui reçoivent une peine et le système de justice pénale.
    Comme je l'ai dit, c'est la formation. Ce n'est pas juste dans le rapport Gladue. C'est aussi la formation des policiers. J'ai déjà enseigné la justice pénale à des étudiants du collège qui allaient entrer dans la police et je vois aussi les problèmes liés à la formation des agents correctionnels. Parfois, vous voyez du racisme en établissement. J'ai eu beaucoup de clients qui ont eu des problèmes avec les gardiens, parce qu'ils ne comprenaient pas...
    Il ne me reste pas beaucoup de temps, et j'ai une question très rapide pour Stan, encore une fois.
    Je sais que vous avez dit que vous croyez fermement à l'importance de la réadaptation pour rendre notre pays plus sécuritaire.
    Croyez-vous que ces unités d'intervention structurée contribueront davantage à la réadaptation, selon la façon dont l'établissement carcéral est actuellement établi?
    Absolument. Je crois que ce sera beaucoup mieux que le système actuel, où il y a très peu d'interactions véritables.
    Pourvu que vous soyez...
    Pourvu que les ressources soient là... absolument, oui.
    Je n'arrête pas d'entendre que l'on présente des documents, et je serai honnête, la première chose à laquelle je pense, c'est à vos agents de libération conditionnelle qui parlent de leurs tracasseries administratives. Cela me préoccupe un peu quand j'entends dire qu'on veut ajouter des formalités administratives.
    C'est peut-être nécessaire, mais je sais qu'ils sont déjà surchargés par toutes leurs formalités administratives.
    Nous allons nous arrêter ici.
    Au nom du Comité, je veux remercier Mme Frank, M. Stapleton et M. Paterson de leur contribution à notre étude du projet de loi C-83.
    Cela dit, nous suspendons les travaux pour quelques instants, puis nous reprendrons.
(1625)

(1630)
    Je vois que nous avons le quorum. Nous sommes de retour pour notre deuxième groupe de témoins.
    Nous recevons Jonathan Rudin, des Aboriginal Legal Services. Nous accueillons Steven Pink et Elana Finestone, de l'Association des femmes autochtones du Canada. Debra Parkes s'est jointe à nous, depuis l'endroit où elle se trouve, quel qu'il soit. On dirait que c'est la Colombie-Britannique.
    Comme la règle ici est de toujours avoir des difficultés techniques, je vais demander à Mme Parkes de parler la première.
    Vous aurez sept minutes, et nous avons bien hâte d'entendre ce que vous avez à dire.
(1635)
    Je n'ai jamais rien dit d'aussi vrai. Nous voyons vos lèvres bouger, mais n'entendons rien.
    D'accord, nous allons passer à M. Rudin, le temps de régler ce pépin électronique.
    Monsieur Rudin, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
     Les Aboriginal Legal Services sont reconnaissants d'avoir l'occasion de parler aujourd'hui au Comité de la sécurité publique du projet de loi C-83...
    Mes excuses, mais nous pouvons maintenant l'entendre.
    Vous pouvez maintenant m'entendre. J'étais juste en train d'appeler mon technicien, mais je n'ai rien fait.
    Devrions-nous laisser Jonathan poursuivre?
    Non, je crains que nous vous perdions de nouveau, donc nous vous écouterons en premier.
    Désolé, monsieur Rudin.
    Merci de me fournir l'occasion de vous parler aujourd'hui.
    Je mène des recherches sur des questions liées à l'incarcération au Canada depuis plus de 20 ans. Elles portent principalement sur des questions touchant les droits garantis par la Charte dans les domaines de l'incarcération, y compris l'isolement cellulaire, l'isolement, la surveillance et la reddition de comptes du milieu correctionnel, ainsi que sur l'incarcération des femmes en particulier.
    En 2013, j'ai organisé une conférence internationale sur les droits de la personne et l'isolement cellulaire à un moment où la question ne faisait pas partie des programmes législatifs et judiciaires, donc c'est encourageant de voir que les tribunaux et le Parlement prêtent attention à la crise touchant les droits de la personne et aux préjudices maintenant bien connus associés à l'isolement et à l'isolation d'êtres humains. Toutefois, je dois dire que je trouve encourageant de voir cette réaction législative particulière.
     Je vais consacrer mon court moment aujourd'hui à ce que je considère comme trois enjeux ou problèmes principaux avec le projet de loi C-83, en insistant particulièrement sur le régime concernant l'isolement des personnes incarcérées.
    Premier point, la proposition d'unités d'intervention structurée élargit, plutôt qu'elle n'élimine, les conditions de l'isolement. Deuxième point, la proposition d'unités d'intervention structurée, ou UIS, comme je les appellerai, contient bon nombre des mêmes lacunes, et même moins de mesures de protection procédurales que le régime existant, qui a été jugé inconstitutionnel. Troisième point, la mise en oeuvre de ce projet de loi sera coûteuse sur les plans humain et financier, de telle sorte qu'elle ira à l'encontre de ses buts. Ces enjeux m'amènent à la conclusion que le projet de loi n'atteindra pas son objectif d'éliminer l'isolement et qu'il est aussi, à mon avis, inconstitutionnel.
    Le premier point, c'est que la proposition des unités d'intervention structurée élargit, plutôt qu'elle n'élimine, les conditions de l'isolement. Ces dispositions accordent des pouvoirs incroyablement vastes au commissaire de désigner comme UIS des établissements pénitentiaires entiers ou des secteurs de ces établissements. Les buts visés par le placement dans des UIS sont aussi très vastes, y compris celui, à l'alinéa 32a) proposé, « de fournir un milieu de vie qui convient à tout détenu dont le transfèrement dans l'unité a été autorisé et qui ne peut demeurer au sein de la population carcérale régulière notamment pour des raisons de sécurité », qui est peu défini et peu clair. C'est très vaste.
    L'article 37.6 proposé autorise l'imposition de conditions et de restrictions à l'égard de l'UIS même avant qu'une personne ne fasse partie d'une de ces nouvelles unités, dans d'autres parties d'un établissement carcéral non désigné comme une UIS.
    De plus, en ce qui concerne le temps passé en dehors de la cellule, l'article 36 proposé, la possibilité de passer quatre heures en dehors de la cellule et d'interagir effectivement avec autrui pendant deux heures sont clairement un aspect clé de ce nouveau régime qu'on dit très différent de l'isolement, mais de nombreuses raisons intégrées dans la législation font en sorte qu'il pourrait ne pas être possible de réellement obtenir ces heures en dehors de la cellule. Dans le projet de loi, il n'y a pas de mode, de mécanisme ou de mesure d'application réels pour faire en sorte que les détenus puissent obtenir les quatre heures en dehors de leur cellule. Je crois que vous avez entendu cette semaine et plus tôt d'autres témoins dire que les détenus n'obtiennent souvent même pas les deux heures en dehors de leur cellule qu'ils sont censés obtenir actuellement. Il n'y a pas de nouvelles dispositions pour faire en sorte que cela se produise réellement.
    Le deuxième point, c'est que la proposition des UIS contient bon nombre des mêmes lacunes et même moins de mesures de protection procédurales que le régime existant, qui a été jugé inconstitutionnel dans l'affaire de la Colombie-Britannique et dans des parties de celle de l'Ontario. Je sais que d'autres intervenants en ont parlé et en parleront. Il y a non seulement une absence de surveillance externe, mais en plus tous les examens sont faits à l'interne. Le régime lui-même renferme moins de mesures de protection et prévoit un plus grand pouvoir discrétionnaire pour les agents correctionnels. Le processus d'examen interne comprend de vagues facteurs comme le « bien-fondé de son incarcération dans ce pénitencier », à l'alinéa 37.3(3)b) proposé.
    Une très grande partie de ce régime est laissée aux règlements, que nous n'avons pas en ce moment, bien sûr, et qui ne sont pas soumis au processus d'examen législatif et au processus auquel le Comité participe en ce moment, comme ces règlements proposés ou futurs liés à l'examen par le commissaire après 30 jours de la décision du directeur de garder la personne dans l'UIS — qui est en fait 60 jours à partir du placement initial, selon ce que je vois dans la législation.
    D'après ce que je peux voir, la visite quotidienne par un professionnel de la santé, dont on a abondamment parlé, ne change pas grand-chose. Selon ce que je lis dans le projet de loi, ce pourrait être le membre du personnel infirmier qui distribue des médicaments. Il n'y a pas d'exigence pour ce que soit une nouvelle forme d'examen ou de soins.
    En outre, l'exigence existante pour que le directeur d'établissement ou une personne désignée visite l'aire d'isolement, ou l'UIS, ne semble plus nécessaire dans le cadre du projet de loi C-83, même si cela apparaît dans la partie de la législation sur le transfèrement.
(1640)
    On peut dire la même chose des recommandations des professionnels de la santé selon lesquelles le directeur n'a pas besoin de rencontrer une personne qui ne se trouve pas dans l'UIS. Encore une fois, il n'y a pas de mécanisme qui prévoit cela, et l'obligation selon laquelle le directeur doit rencontrer le détenu qu'il a choisi de maintenir en isolement pour lui expliquer les raisons et permettre une représentation n'existe plus. Elle est remplacée par une disposition de base selon laquelle le directeur d'établissement devra rencontrer tout le monde dans l'UIS chaque jour.
     Pourquoi y a-t-il moins de mesures de protection procédurales? Je dirais que le gouvernement a tenté de créer un système pour isoler les personnes incarcérées qui ne s'appelle pas isolement, et il fait valoir que c'est assez différent de l'isolement. Par conséquent, je crois que la logique, c'est qu'aucune des conclusions de fait dans les tribunaux, dans les normes internationales sur les droits de la personne ou les décisions influencées par la Charte au sujet de l'isolement ne s'applique. Dans son témoignage au Comité, le ministre Goodale a dit ceci:
Le point est le suivant: nous éliminons l'isolement préventif. Les arguments relatifs à l'isolement préventif ne sont donc plus pertinents.
    C'est ce qui est très préoccupant; l'idée que le fait de donner une nouvelle couche de peinture ou d'apposer un nouvel écriteau sur une unité d'isolement et d'aspirer à isoler là-bas des gens quelques heures par jour, mais sans le garantir, nous éloigne de la compétence de la Charte et des lois sur les droits de la personne. À mon avis, il est clair que la Charte s'applique et que ce régime souffre de bon nombre des mêmes lacunes que le régime existant, en plus de nouvelles, et qu'il sera probablement jugé inconstitutionnel.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Encore une fois, je m'excuse pour les difficultés techniques.
    Monsieur Rudin, aimeriez-vous faire une autre tentative?
    Je vais m'essayer à nouveau, merci.
    Vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité ici.
    Je ne veux pas passer trop de temps à parler des Aboriginal Legal Services, mais je dois dire que le nom de notre esprit est Gaa kinagwii waabamaa debwewin, ce qui veut dire, en anishinaabemowin: « Tous ceux qui cherchent la vérité ».
    Nous avons souvent comparu comme intervenants devant la Cour suprême du Canada et devant des comités du Sénat et de la Chambre.
    Comme vous le savez, les Autochtones sont nettement surreprésentés dans le système carcéral. Dans le contexte du projet de loi, nous devons reconnaître que les Autochtones sont aussi surreprésentés dans l'isolement préventif. L'enquêteur correctionnel a signalé que le pourcentage de détenus autochtones placés en isolement a augmenté de 31 % entre 2005 et 2015, et cela se compare à une croissance de 1,9 % pour les détenus non autochtones. Les délinquants autochtones sont toujours ceux qui passent en moyenne plus de temps en isolement que n'importe quel autre groupe.
    Comme l'a récemment affirmé la Cour suprême du Canada dans l'affaire Ewert, les motifs expliquant la surreprésentation des Autochtones dans les établissements carcéraux sont dus non pas aux détenus, mais bien au système dans lequel ils vivent. La Cour suprême a dit que la discrimination vécue par les Autochtones s'étend jusqu'au système carcéral.
    Nous voulons axer nos observations aujourd'hui sur trois enjeux: les unités d'intervention structurée, le défaut de la législation d'exiger la prise en considération des facteurs liés à l'arrêt Gladue et le besoin de surveillance indépendante, et enfin, la question de la réinsertion communautaire.
    Dans notre mémoire, à l'instar de nombreuses autres personnes, nous avons dit que la création d'unités d'intervention structurée court le risque de répéter les mêmes préjudices que ceux qui sont reconnus comme étant créés par l'isolement cellulaire. Le projet de loi n'aborde pas de façon importante les raisons sous-jacentes pour lesquelles les détenus sont placés dans les UIS. L'accent accordé dans le projet de loi à la sécurité des détenus et à la sécurité en établissement ne permet pas de réagir à la conclusion de l'enquêteur correctionnel selon laquelle de nombreux détenus qui sont placés en isolement préventif présentent principalement un risque pour eux-mêmes, parce qu'ils ont des tendances suicidaires, participent à d'autres comportements d'automutilation ou présentent des difficultés pour la direction, parce qu'ils ont des problèmes de santé mentale ou des limites cognitives.
    Plutôt que de répondre aux besoins en santé mentale des détenus, le projet de loi ne garantit qu'un minimum de quatre heures en dehors de la cellule chaque jour. De toute évidence, un plus grand nombre de réformes importantes sont nécessaires pour vraiment réagir aux raisons sous-jacentes pour lesquelles les gens sont placés en isolement. Des réformes, comme celles proposées dans les recommandations du jury dans l'enquête sur le cas d'Ashley Smith, permettraient de faire en sorte que, plutôt que d'entreposer des détenus ayant des déficiences cognitives ou des problèmes de santé mentale et ceux qui sont émotionnellement perturbés, le SCC serait tenu de fournir une évaluation et un traitement appropriés.
    Nous nous faisons l'écho des observations de l'AFAC au sujet de l'importance cruciale pour les détenus autochtones d'accéder à des conseillers culturels et spirituels appropriés.
    Ensuite, le paragraphe 37.3(1) proposé du projet de loi veut faire en sorte que le directeur du pénitencier examine la situation du détenu dans une UIS de façon régulière, mais cette protection était également prévue dans les règlements précédents. Ces mesures de protection n'ont pas réussi à protéger les détenus contre de longues périodes d'isolement.
    La législation proposée n'offre aucun changement du pouvoir discrétionnaire accordé à un établissement pour continuer d'approuver l'isolement continu. Ce qui est manifestement absent de la législation proposée, c'est toute reconnaissance que la privation de la liberté d'un Autochtone occasionnée par son placement en isolement cellulaire nécessite la prise en considération des facteurs énoncés dans l'arrêt Gladue. Même si le SCC a constamment répété que les principes de l'arrêt Gladue guident ses actions, rien dans le projet de loi C-83 ne met réellement cela en pratique. L'écart entre la rhétorique et la réalité, à cet égard, a été souligné à un certain nombre d'occasions par les tribunaux qui ont dit que, même si le SCC dit appliquer les principes de l'arrêt Gladue, il ne le fait tout simplement pas.
    Compte tenu de l'incapacité du SCC d'incorporer dans son travail les principes de l'arrêt Gladue, et précisément en ce qui a trait à l'isolement cellulaire, il serait naïf de croire que le simple ajout de ces mots dans le projet de loi changerait quoi que ce soit.
    C'est pourquoi il est si important qu'un poste d'agent de surveillance indépendant soit créé, lequel permettrait l'utilisation réelle et utile des principes de l'arrêt Gladue. Cette recommandation provient de l'enquêteur correctionnel en 2014-2015 et devrait être adoptée, et la présente législation devrait être modifiée afin de prévoir ce poste. Dans un tel cas, nous croyons que le libellé selon lequel les principes énoncés dans l'arrêt Gladue s'appliqueraient aux décisions de cette personne aurait en fait une certaine signification.
(1645)
    Pour conclure, notre dernier point concerne la réinsertion communautaire. Nous sommes très préoccupés par le changement du libellé sur qui peut participer au retour d'un détenu dans une collectivité autochtone. Cet avis n'appartient pas à l'administration, mais cela fait partie de la législation. La législation modifiée précise qui peut faire des démarches pour s'occuper des détenus en vertu des articles 81, 84 ou 84.1.
    En vertu de la Loi actuelle, cela peut être fait par une collectivité autochtone, soit « [u]ne nation autochtone, un conseil de bande, un conseil tribal ou une bande ainsi qu'une collectivité, une organisation ou un autre groupe dont la majorité des dirigeants sont autochtones ».
    Dans le présent projet de loi, on propose l'utilisation du terme « corps dirigeant autochtone », ce qui signifie un « [c]onseil, gouvernement ou autre entité autorisé à agir pour le compte d'un groupe, d'une collectivité ou d'un peuple autochtones titulaires de droits reconnus et confirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ».
    Tout cela nous préoccupe beaucoup. Nous ne savons pas du tout ce que signifie le fait d'être « autorisé », et l'ajout du lien vers l'article 35 va certainement empêcher de nombreuses collectivités autochtones urbaines de participer à la réinsertion de leurs membres. Comme vous le savez, plus de la moitié des communautés autochtones au Canada vivent dans des collectivités urbaines, et les collectivités urbaines veulent fournir des ressources aux gens qui sont libérés d'un établissement carcéral. Nous avons à Toronto une organisation, le Thunder Woman Healing Lodge, qui travaille activement à faire ce travail et qui se verrait refuser cette possibilité aux termes de la loi.
    Nous appuyons la définition fournie par l'AFAC dans un amendement, qui prendrait essentiellement la définition dans la législation actuelle, mettrait à jour le libellé et fournirait une meilleure définition de ce que signifie avoir une « majorité » de dirigeants qui sont autochtones. À notre avis, c'est un changement qui nous ramènerait là où nous sommes, plutôt que de nous faire reculer.
    Meegwetch
(1650)
    Merci, monsieur Rudin.
    Je donne la parole à Mme Finestone, de l'AFAC, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    J'ai l'intention de vous montrer que, lorsque vous consultez l'Association des femmes autochtones du Canada, vous obtenez des réponses globales. J'aimerais discuter aujourd'hui des réponses de l'AFAC.
    Permettez-moi de vous parler un peu de l'AFAC. L'AFAC est une organisation autochtone nationale dont le mandat et les ressources sont exclusivement dédiés à l'habilitation des femmes désavantagées et victimes de discrimination, des filles et des personnes de genres divers qui sont des Premières Nations, des Inuits et des Métis. L'AFAC examine et comprend les facteurs systémiques qui contribuent à leur criminalisation, à leur surreprésentation dans les établissements carcéraux fédéraux et à leur isolement dans des conditions strictes. Nous possédons une vaste expérience en défense des intérêts des femmes autochtones à la Chambre des communes, dans le cadre d'enquêtes et devant divers tribunaux. Nous savons que les femmes autochtones sont maintenant la population dont la croissance est la plus rapide dans les établissements carcéraux canadiens.
    Au moment d'analyser le projet de loi C-83, il importe de comprendre les facteurs sous-jacents qui mènent à la criminalisation des femmes autochtones. Je tiens à souligner les effets sexospécifiques de la colonisation sur les femmes autochtones et la façon dont ceux-ci devraient répondre de façon utile à leurs besoins. Tout simplement, il s'agit des besoins: comment évaluer leurs besoins, comment les soutenir et comment y répondre dans l'établissement, en plus de répondre aux besoins à l'extérieur de l'établissement.
    Je n'ai pas assez de temps pour examiner toutes les préoccupations de l'AFAC au sujet du projet de loi. Je me contenterai de dire que l'AFAC appuie le mémoire des Aboriginal Legal Services et partage leur appel à un plus grand nombre de réformes importantes dans des unités d'intervention structurée afin — comme ils l'ont dit — de vraiment « s'attaquer aux causes sous-jacentes » des placements en isolement. L'AFAC soutient aussi la recommandation de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry d'abolir l'isolement préventif et des pratiques semblables d'isolement et de restriction dans les établissements carcéraux pour femmes.
    Pour commencer, je vais aborder l'évaluation des besoins des femmes autochtones. Il est clair que les effets intergénérationnels de l'histoire du colonialisme du Canada, des pensionnats, des répercussions sexospécifiques de la Loi sur les Indiens sur la situation des femmes autochtones et de nombreuses autres formes de déplacement nuisent aux femmes autochtones. Presque toutes les femmes autochtones incarcérées dans un établissement fédéral ont déjà vécu des expériences violentes et traumatisantes, comme des épisodes de violence physique et sexuelle et des problèmes de toxicomanie. Il est important que les établissements carcéraux fédéraux tiennent compte de façon utile de leur réalité, d'une façon qui est sensible à ces répercussions sexospécifiques de la colonisation.
    L'obligation du SCC de promouvoir l'égalité réelle et les résultats correctionnels pour les détenus autochtones fait ressortir l'importance d'utiliser les principes énoncés dans l'arrêt Gladue pour évaluer leurs besoins et y répondre, et non pas leurs risques, mais ce n'est pas ce qui se produit. Le système correctionnel surclassifie le niveau de risque des femmes autochtones. Une classification dans une catégorie à risque élevé se traduit par des conditions carcérales de restriction et d'isolement, où elles ne reçoivent pas des soins suffisants ou adaptés à la culture. Ces conditions de restriction, d'isolement et de mésadaptation sur le plan culturel sont nuisibles pour elles sur le plan mental et physique. Elles perpétuent les effets sexospécifiques de la colonisation.
    Comme vous pouvez le voir, les femmes autochtones dans les établissements carcéraux fédéraux ont besoin du plus grand soutien possible, mais elles sont les plus punies. Le SCC confond les risques et les besoins, et c'est troublant, puisque les facteurs systémiques et historiques élucidés dans l'arrêt Gladue se veulent atténuants. C'est pourquoi l'AFAC veut s'assurer que les facteurs systémiques et historiques qui touchent les Autochtones sont appliqués correctement.
    Nous recommandons que vous modifiiez l'article 79 proposé du projet de loi C-83 pour faire en sorte que chaque décision touchant les femmes autochtones incarcérées dans un établissement fédéral et les répercussions sexospécifiques de leurs facteurs systémiques et historiques soient prises en considération et utilisées uniquement pour évaluer les besoins des détenues.
    J'aimerais maintenant parler de la façon dont on peut tenir compte de ces besoins dans les établissements carcéraux. La nécessité de fournir des soins adaptés sur le plan culturel et guidés par les traumatismes a été soulignée durant les audiences communautaires lors de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Celles qui ont témoigné au sujet d'événements traumatisants et nuisibles ont eu besoin de ressources pour guérir leurs plaies rouvertes. L'article 79.1 proposé du projet de loi C-83 obligera probablement les femmes autochtones incarcérées en établissement fédéral à communiquer leurs facteurs Gladue afin que leurs facteurs systémiques et historiques, que leur culture et que leur identité soient bien compris et appliqués aux décisions du SCC.
(1655)
    Le projet de loi C-83 ne peut faire fi des répercussions nouvellement traumatisantes que leur divulgation aura par la suite sur elles. Dans notre mémoire, nous recommandons que des soins adaptés à la culture soient fournis dans ces cas. L'AFAC reconnaît la valeur de la culture et la spiritualité pour guérir des préjudices physiques, mentaux, émotionnels et spirituels causés par l'histoire coloniale du Canada. C'est pourquoi il est important que les femmes autochtones incarcérées dans un établissement fédéral qui choisissent ce sentier de guérison aient à leur disposition des aînés ou des conseillers spirituels autochtones. Il est important d'insister sur l'élément de choix lorsqu'il s'agit de guérison culturelle et spirituelle.
    L'AFAC n'est pas d'accord avec le manque de consultation que le SCC accorde aux collectivités autochtones, particulièrement en ce qui concerne une guérison appropriée sur le plan culturel. L'approche panautochtone à l'égard de la guérison culturelle dans les établissements carcéraux fédéraux est un exemple des pratiques inappropriées du SCC sur le plan culturel. Les femmes issues des Premières Nations, les Métisses et les Inuites sont très différentes les unes des autres. Il y a des collectivités différentes au sein de chacun de ces groupes, et chaque aîné au sein de ces collectivités suit ses propres enseignements, traditions et protocoles.
    L'AFAC juge préoccupant que ce ne soient pas toutes les personnes embauchées comme aînés dans les établissements carcéraux qui se soient vu décerner le titre d'aîné par leur collectivité. Pour faire en sorte que les aînés répondent aux besoins des divers groupes de femmes autochtones incarcérées dans un établissement fédéral, l'AFAC recommande que le SCC consulte de façon utile et respectueuse les femmes autochtones incarcérées dans un établissement fédéral et les collectivités autochtones de l'ensemble du Canada au sujet du recours adapté à la culture aux aînés et aux chefs spirituels autochtones dans les établissements carcéraux fédéraux.
    Nous demandons aussi une définition de « collectivités autochtones » qui caractérise ce à quoi les organisations autochtones et légitimes de partout au Canada ressemblent et qui exclut les organisations non légitimes. Je serai heureuse de répondre à vos questions à ce sujet durant la période de questions.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Finestone.
    Avant de donner la parole à Mme Damoff pour sept minutes, comme nous avons mis un certain temps à démarrer, je propose que nous prolongions la séance de 5 ou 10 minutes.
    Est-ce que ça vous va?
    Un député: Oui.
    Le président: Est-ce que nous prolongeons de 5 ou de 10 minutes?
    Dix minutes, ça me convient.
    D'accord, c'est 10 minutes. De cette façon, M. Motz ne se plaindra plus.
    Aujourd'hui...
    Des voix: Ha, ha!
    Madame Damoff, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vois que les témoins sourient. C'est un comité très collégial.
    Habituellement...
    Je suis vraiment heureuse de vous voir ici. Merci beaucoup. C'est agréable de vous revoir.
    Madame Finestone, lorsque vous et moi sommes rencontrées, nous avons parlé de la définition du terme « organisation autochtone ». M. Allen Benson, qui a comparu devant le Comité, a proposé d'ajouter un libellé qui définirait les organisations autochtones comme des organisations à majorité de dirigeants autochtones.
    Je me demandais si vous pouviez tous les deux commenter ou donner votre opinion à ce sujet et si vous souhaitiez ajouter ou supprimer quelque chose.
    Notre définition, que nous avons proposée au Comité, se veut sensible à cette préoccupation. Nous ne voulons en aucun cas que des organisations qui ne sont pas légitimes y soient associées.
    Voici ce que nous proposons en ce qui concerne « collectivité autochtone » et « à majorité de dirigeants autochtones »:
Collectivité autochtone Une organisation, une collectivité, un conseil de bande, un conseil tribal, une nation ou un autre groupe dont la majorité des dirigeants sont des Autochtones des Premières Nations, inscrits, non inscrits, à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, des Métis ou des Inuits.
Il y a majorité de dirigeants autochtones lorsque la majorité des administrateurs d'un groupe sont des membres inscrits ou non inscrits des Premières Nations, des Métis ou des Inuits, à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve et lorsque le groupe
i) a un savoir-faire et une façon d'appliquer des programmes qui sont ancrés dans les lois et les coutumes autochtones;
ii) préconise des solutions de rechange à l'incarcération culturellement adaptées et s'appuyant sur la collectivité.
    Notre définition est censée refléter la diversité des groupes autochtones, sans oublier les Métis, ce pour quoi nous avons ajouté le mot « nation » et les femmes sans statut qui sont privées du droit de vote en raison de la Loi sur les Indiens.
(1700)
    Juste par curiosité, quel groupe espère construire un pavillon de ressourcement à Toronto?
    Le groupe s'appelle Thunder Woman Healing Lodge.
    Merci. Je me demande également quelle est votre opinion au sujet de la définition.
    Nous appuyons la définition proposée par l'Association des femmes autochtones du Canada, l'AFAC. Nous sommes très opposés à la définition existante dans le projet de loi. Par exemple, selon la définition qui est donnée ici, le Thunder Woman Healing Lodge ne pourrait pas ouvrir ses portes, car on ne sait pas très bien qui autorise une organisation urbaine à faire quoi que ce soit. Toute la discussion sur l'article 35 n'a aucune place dans ce processus.
    Nous appuyons certainement les préoccupations de M. Benson, mais je pense que la suggestion de l'AFAC répond à ces préoccupations.
    D'accord. C'est excellent. Je pense que nous travaillons tous dans le même sens. Il faut juste que le libellé soit bien rédigé dans la loi.
    Il y a autre chose. Vous en avez un peu parlé, mais je me demandais si vous pouviez insister davantage sur l'utilisation abusive des rapports Gladue ou des antécédents, en particulier pour les femmes autochtones et pour toutes les femmes autochtones incarcérées. Nous avons entendu dire que les femmes sont classées au niveau de sécurité maximale — la plupart d'entre elles — lorsque leurs antécédents sont pris en considération.
    Malgré les meilleures intentions du projet de loi selon lequel il faut tenir compte de ces éléments, la première chose à laquelle j'ai pensé lorsque j'ai lu cela, c'était qu'ils sont utilisés à mauvais escient en ce moment même. Comment pouvons-nous nous assurer que ces antécédents sont pris en considération? Vous avez laissé entendre qu'il faut les utiliser pour évaluer les besoins. Je me demandais si vous pouviez parler un peu plus de l'importance de veiller à ce qu'ils soient inclus.
    Certainement. C'est important, car ils sont mal utilisés, et les femmes autochtones sont surclassées. L'aire d'isolement au niveau de sécurité maximale comprend 50 % de femmes autochtones, et 50 % de la population en isolement dans les établissements pour femmes sont des femmes autochtones. Je sais que les Aboriginal Legal Services ne fournissent pas leurs rapports aux établissements carcéraux, de crainte qu'ils soient utilisés pour augmenter le risque qu'ils présentent. C'est pourquoi il est vraiment important de se concentrer sur les besoins. Je me ferais également l'écho des Aboriginal Legal Services, qui appellent à une surveillance indépendante visant à s'assurer que c'est bien le cas sur le terrain.
    Madame Parkes.
    Je voudrais juste dire une autre chose à ce sujet. L'autre façon dont on néglige de tenir compte des facteurs Gladue — ou l'abus dont Mme Finestone a parlé, je pense — tient à l'établissement du plan correctionnel lui-même. Si on estime que vous avez tous ces besoins et que ceux-ci se traduisent par des risques, cela signifie que vous devez intégrer tous ces éléments supplémentaires dans votre plan correctionnel afin d'obtenir la mise en liberté. Nous savons que les Autochtones — et les femmes autochtones en particulier — sont moins susceptibles que d'autres détenus de respecter leur date de mise en liberté, leur date d'admissibilité. C'est en partie parce qu'un plan correctionnel comporte de nombreux éléments à prendre en considération, en raison de la façon dont les facteurs Gladue peuvent, en fait, nuire plutôt qu'aider.
    Si je peux ajouter quelque chose, il ne s'agit pas uniquement de rapports Gladue. Le SCC...
    Les rapports Gladue ne sont pas mentionnés en tant que tels dans le projet de loi.
    C'est juste, mais le Service correctionnel du Canada, le SCC, tient compte des antécédents sociaux des Autochtones au moment de leur admission et les utilise pour évaluer le risque. C'est le problème.
    Dans l'arrêt Ewert, la Cour suprême du Canada a déclaré: « les délinquants autochtones sont plus susceptibles que les autres délinquants de se voir attribuer une cote de sécurité de niveau supérieur, de passer plus de temps en isolement, de passer une plus grande partie de leur peine derrière les barreaux avant leur première mise en liberté. » Tout cela est lié à l'insistance du SCC sur des mesures du risque qui ne répondent pas réellement aux besoins des Autochtones.
    Il ne me reste que 20 secondes, et c'est en fait davantage pour m'assurer que vous savez tous que, parallèlement à ce projet de loi, le SCC s'est engagé hier à affecter 448 millions de dollars sur six ans aux services correctionnels. Une grande partie des préoccupations quant au fonctionnement des unités d'intervention structurée, UIS, tient aux ressources. L'Énoncé économique de l'automne dernier prévoyait des sommes importantes, ce qui contribuera à fournir les ressources nécessaires, notamment des agents de liaison, des agents de programme pour les Autochtones, et tout le reste, pour les services correctionnels.
(1705)
    Merci, madame Damoff.

[Français]

     Monsieur Paul-Hus, vous disposez de sept minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Je vais d'abord m'adresser à M. Pink ou à Mme Finestone.
     La Société Elizabeth Fry affirme que l'isolement préventif n'est pas nécessaire, tandis que la Société John Howard, les agents correctionnels et Service correctionnel Canada maintiennent que cette séparation est parfois nécessaire.
    À votre avis, le projet de loi C-83 vise-t-il l'élimination de la ségrégation ou la mise en oeuvre sûre et sans danger de la ségrégation?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Oui, nous voudrions reprendre la déclaration de la Société Elizabeth Fry selon laquelle l'isolement devrait être aboli dans les établissements pour femmes. Comme j'espérais l'illustrer, les femmes qui arrivent présentent des situations et des besoins très différents de ceux des hommes. À l'heure actuelle, seules huit femmes sont en isolement. Nous n'en avons pas besoin. Il existe d'autres moyens de répondre à leurs besoins et de gérer le risque.

[Français]

     D'accord.
    Si une personne représente une menace pour elle-même ou pour autrui, de quelle autre façon suggérez-vous qu'on traite le cas si ce n'est pas par l'isolement?

[Traduction]

    Il existe d'autres endroits où les placer. Comme Jonathan Rudin l'a mentionné, beaucoup de problèmes découlent de la santé mentale, et elles devraient être placées dans des établissements appropriés pouvant répondre à ces besoins.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous pour dire que ce sont souvent des gens ayant des problèmes de santé mentale, et c'est ce qui fait qu'ils ont des comportements agressifs. Il faut un endroit dans un milieu carcéral pour les traiter. Si on élimine l'isolement, de quelle façon pensez-vous qu'on puisse le faire? Je ne le comprends pas.

[Traduction]

    Elles doivent être placées dans différents secteurs à l'extérieur de l'établissement carcéral pour qu'on puisse gérer cela. Les tribunaux canadiens ont constaté que le SCC n'était pas en mesure de gérer cet aspect, et je ne pense donc pas qu'elles devraient se trouver en milieu carcéral.

[Français]

    D'accord.
    Dans le même ordre d'idée, des professionnels de la santé nous ont dit que, lorsqu'on doit prendre une décision dans un cas de problème de santé mentale, on devrait retirer la décision des mains du directeur. Le directeur du service correctionnel ne devrait pas prendre la décision de sortir quelqu'un de l'isolement, mais que cela devrait être laissé à des gens du service de santé.
    Êtes-vous d'accord là-dessus?

[Traduction]

    C'est la raison d'être d'une surveillance indépendante. La décision du directeur est examinée, et il est possible de poser des questions sur le placement approprié de la personne. Il peut être nécessaire de faire appel à des professionnels de la santé mentale, mais l'important est qu'il y ait une surveillance indépendante et un lieu où les gens peuvent transmettre cette information à une personne qui peut prendre cette décision, par opposition à une personne travaillant pour le compte du SCC.
    Il est important de situer les femmes autochtones dans le contexte des crimes qu'elles ont commis. Souvent, ces femmes sont considérées comme violentes, mais bon nombre de leurs crimes consistent en de la légitime défense contre des conjoints qui les ont battues. Elles craignent pour leur vie ou celle de leurs enfants, ce qui devrait éclairer la façon dont nous « gérons » les femmes autochtones en milieu carcéral.

[Français]

    Monsieur Rudin, vous avez déjà témoigné ici, en 2013, et vous aviez alors parlé d'un problème de violence causé par le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale chez les Autochtones.
    Pensez-vous actuellement que les Autochtones sont plus susceptibles d'être mis en isolement à cause de ce facteur?
(1710)

[Traduction]

    Vous avez soulevé un point important. Les personnes atteintes de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale, l'ETCAF, sont souvent plus sensibles à la stimulation externe, de sorte qu'elles réagissent souvent de manière excessive. Je suis régulièrement en contact avec un détenu en particulier atteint de l'ETCAF. Il a dit qu'il se trouvait dans un établissement où, lorsque les gardes sont entrés, ils ont dit: « D'accord, nous entrons. Voici ce que nous faisons », et tout s'est bien passé. Il s'est retrouvé dans un autre établissement où les gardes sont venus et l'ont attrapé, et il a mal réagi. Voilà le genre de chose qui entraînera votre placement en isolement.
    L'autre problème, c'est que les personnes atteintes de l'ETCAF sont souvent très exposées à la manipulation. Elles se retrouveront également en isolement pour des accusations d'infractions disciplinaires, souvent parce qu'elles assumeront la responsabilité des actes commis par d'autres détenus. Certes, nous savons que beaucoup de personnes dans le système carcéral sont atteintes de l'ETCAF et présentent d'autres déficits cognitifs. Elles sont placées en isolement, et cela ne fait qu'exacerber leurs problèmes.

[Français]

    Je vous remercie.
    Voulez-vous poursuivre, monsieur Eglinski?

[Traduction]

    J'ai une très brève question pour Mme Parkes.
    Dans l'un des rapports que vous avez publiés il y a quelques années sur l'isolement cellulaire, les litiges des prisonniers, etc., vous avez mentionné que, sur environ 8 300 détenus condamnés à une peine de deux ans ou plus, près de 5 000 ont été placés en isolement préventif. Lorsque vous avez réalisé cette étude, y avait-il un indicateur expliquant pourquoi cela est arrivé aussi souvent? C'est bien plus de la moitié. Je me demande si vous avez discerné une tendance.
    Oui. Ces données proviennent du Service correctionnel lui-même et de l'enquêteur correctionnel. Elles montrent toute une gamme de raisons, notamment la santé mentale. Les gens s'automutilent ou sont considérés comme une menace pour eux-mêmes. C'est essentiellement pour leur propre sécurité. Parfois, ils sont en conflit avec un autre détenu. C'est pourquoi ils pourraient en avoir besoin pour leur sécurité.
    Il y a toute une série de raisons, mais les rapports et la documentation du SCC — je regarde l'un des rapports de l'enquêteur correctionnel au fil des années — montrent que bon nombre des placements et des incidents de sécurité qui entraînent le placement en isolement découlent de mauvaises interactions entre le personnel et les détenus ou d'interactions limitées entre ceux-ci. Les recherches montrent qu'une meilleure sécurité active et des relations plus solides entre les détenus et le personnel peuvent réduire radicalement le nombre de comportements qui entraîneraient le placement d'une personne en isolement, en premier lieu.
    Nous devons en rester là. M. Eglinski et M. Paul-Hus ont bien dépassé leur temps.
    Monsieur Dubé, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci à tous d'être ici.
    Comme je siège au Comité depuis très longtemps, j'imagine que je ne devrais plus être étonné par ces statistiques. Je veux m'assurer de vous avoir bien entendu: 50 % des femmes en réclusion, comme je l'appelle encore, sont autochtones. Est-ce exact?
    C'est bien cela.
    Rien dans le projet de loi ne permettrait de remédier à cette situation, selon votre évaluation.
    C'est mon évaluation. Exact.
    Merci.
    Je m'excuse si ma prochaine question a déjà été posée, mais je devais sortir pour prendre un appel; je n'ai pas encore acquis le don d'ubiquité. La question de la surveillance a été soulevée. J'aimerais entendre chacun de vous — y compris vous, madame Parkes, par vidéoconférence — à propos de ce qui manque, mais également sur la manière dont vous envisagez une surveillance, si nous l'instaurons dans le régime d'une manière importante.
    Laissons Debra commencer.
    Vous avez peut-être déjà entendu Josh Paterson de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Je sais que l'organisme aura beaucoup à dire à ce sujet.
    En réalité, la surveillance doit être indépendante du Service correctionnel. En fait, sans cela, ce projet de loi est inconstitutionnel. Je pense que c'est très clair. Nous disposons de rapports et de recommandations échelonnés sur de très nombreuses années. Nous avons d'excellentes lois en vigueur, mais à moins d'une surveillance externe...
    À quoi cela ressemblerait-il? Cela pourrait ressembler à un tribunal ou à un décideur indépendant nommé pour être indépendant du Service correctionnel. Ce pourrait être un président qui est actuellement nommé pour des audiences disciplinaires à l'extérieur du Service correctionnel. Ce pourrait être un tribunal comme le Tribunal canadien des droits de la personne ou un autre tribunal. Ce pourrait être les cours. Vous devriez obtenir l'approbation du tribunal pour tout placement en isolement pendant un certain nombre de jours. Par exemple, 15 jours est la norme internationale selon les Règles Nelson Mandela. On pourrait s'y prendre de différentes façons.
    À mon avis, la surveillance des tribunaux est le moyen le plus sûr et le plus probable d'obtenir une véritable indépendance, car il existe toujours un potentiel d'emprise réglementaire et de recours à des tribunaux administratifs de diverses instances. Il est très difficile d'obtenir des résultats rapides.
(1715)
    Je vous remercie.
    Je pense que l'autre problème à résoudre ici est que ces personnes sont très vulnérables et qu'elles ont besoin d'un processus relativement rapide. Je conviens avec Debra que les tribunaux présentent beaucoup d'avantages, mais le problème c'est que les tribunaux se transforment rapidement en processus incroyablement légalistes. Il y a des questions d'accès à l'aide juridique. Il y a toutes ces questions. Nous devons réfléchir à la façon dont cela fonctionne afin que les promesses faites ne soient pas vaines.
    L'idée, c'est que cela n'exige pas que la personne présente une demande. L'établissement doit plutôt justifier pourquoi il maintient les gens en isolement au-delà d'une date donnée. Cela déclencherait alors un processus qui offrirait, je pense, plus de possibilités de vraiment aborder ces questions. Pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale et qui ne savent peut-être pas comment recourir à la contestation, si le SCC a une responsabilité à cet égard, et si elles ont accès à une représentation, ces personnes peuvent alors exprimer leurs préoccupations d'une façon qui n'exige pas de leur part qu'elles soient entièrement proactives. Encore une fois, vous demandez aux gens de faire plus que ce dont ils sont probablement capables dans les circonstances.
    Je confirme ce que nos deux témoins ont dit. Je tiens à souligner qu'il est important de trouver une solution qui tienne compte de leurs besoins et leur donne un accès valable à la justice, quelque chose d'indépendant, comme le suggère Mme Parkes, mais qui est également rapide et dont les gens connaissent l'existence, une solution qui puisse répondre à leurs besoins et leur fournir un recours rapide.
    Merci beaucoup.
    Par ailleurs, d'après toutes les réponses, je pense que c'est la raison pour laquelle les tribunaux reviennent. Selon moi, il y a deux raisons pour lesquelles les tribunaux reviennent, et Mme Parkes pourrait peut-être formuler des commentaires à ce sujet. La première, c'est que, avec un châtiment abusif, vous arrivez au point où vous influencez la décision relative à la détermination de la peine qui a été rendue par un tribunal en premier lieu. La deuxième, juste pour la renforcer, ce qui est une préoccupation ici, c'est que vous obtenez tous ces rapports. Nous savons que c'est un problème chaque fois que nous entendons des reportages dans les médias sur des personnes qui s'automutilent et font toutes sortes de choses horribles, mais au bout du compte, seriez-vous d'accord pour dire que le problème tient à la capacité d'appliquer réellement toute recommandation formulée?
    Je ne sais pas si vous partagez mon point de vue, mais je crois comprendre que le projet de loi ne permet à aucune recommandation émanant d'un professionnel de la santé ou d'une autre personne, sauf si elle est formulée par un directeur d'établissement ou le commissaire, d'être exécutoire.
    Tout à fait. Le processus de prise de décisions et d'examen est entièrement interne au Service correctionnel. Depuis le rapport de la juge Louise Arbour en 1996 au Groupe de travail sur l'isolement préventif jusqu'aux plus récentes décisions judiciaires, nous avons reçu des recommandations pendant toutes ces années selon lesquelles nous avions besoin d'une surveillance externe. C'est juste une chose à laquelle le SCC résiste.
    Je peux comprendre pourquoi on s'y opposerait, mais viendra un moment où, si le Comité ne recommande pas ces changements, je pense que le tribunal finira par les imposer de toute façon. Il serait bon que le projet de loi prenne une longueur d'avance et que nous reconnaissions que le potentiel de préjudice est si grand — nous voyons des décès en établissement et des gens languir en isolement cellulaire — qu'il nous faut un mécanisme externe au Service correctionnel. Il ne s'agit pas d'une mise en accusation d'une personne. C'est juste un système qui consiste à maintenir le pouvoir et le contrôle. Il faut exercer un contrôle à cet égard.
    Merci beaucoup à vous tous.
    Merci, monsieur Dubé.
    Monsieur Spengermann, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
(1720)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les quatre d'être avec nous. Je voudrais prendre le temps qui m'est alloué pour explorer la question de la santé mentale ou à tout le moins utiliser une optique de la santé mentale.
    Je pense que ce système ne génère pas de bons résultats en matière de santé mentale pour quiconque y participe, qu'il s'agisse d'agents correctionnels ou de détenus. Je pense que l'aspiration — et Mme Parkes, j'apprécie votre point de vue de combler le fossé entre l'aspiration et la nécessité de la réaliser — de supprimer l'isolement administratif est très importante, fondamentale.
    Au cours des dernières séances, nous avons beaucoup entendu parler des principes de l'arrêt Gladue et des Règles Mandela. J'aimerais ajouter à cela l'objectif de la réconciliation avec nos peuples autochtones et partir du postulat que, oui, les détenus créent des risques sociaux; c'est pourquoi ils sont des détenus, d'ailleurs, mais pour corriger leur comportement, nous devons examiner leurs besoins et nous devons prendre leurs besoins au sérieux. C'est une étape fondamentale et logique.
    J'aimerais demander votre avis en dehors du cadre juridique, ou en deçà du cadre juridique, au sujet de ce qui devrait changer à l'intérieur du système correctionnel pour réaliser ce changement de culture.
    J'aimerais commencer par la question qui porte sur les employés du Service correctionnel, les femmes et les hommes, qui effectuent le travail dans les établissements correctionnels. Dans quelle mesure y retrouve-t-on une diversité? De quelle façon les recrutons-nous? Qui devrions-nous embaucher? Faut-il apporter des changements à cet égard, en particulier lorsque nous examinons les populations vulnérables et la représentation parmi nos agents correctionnels?
    Nous recommandons que des aînés participent à ce processus et que le Service correctionnel ne définisse pas qui sont ces aînés; les collectivités elles-mêmes devraient plutôt le déterminer, et ces aînés devraient être représentatifs de ces collectivités.
    De plus, je pense qu'il est important de fournir des soins adaptés à la culture et tenant compte des traumatismes lorsque les gens divulguent ce que l'on appellerait leurs facteurs systémiques ou antécédents, ou leurs facteurs Gladue, et de veiller à ce que des services de counselling personnalisés soient offerts dans leur langue, selon l'avis du conseiller, et aussi que ces gens puissent choisir d'avoir un aîné comme conseiller.
    La Commission de vérité et de réconciliation a déclaré que les soins spirituels et culturels constituaient souvent un facteur très important pour aborder la santé mentale, la santé physique et les répercussions émotionnelles, et qu'il fallait en tenir compte. C'est pourquoi, dans les articles 85 et 86 qui sont proposés, j'ai inséré dans mon mémoire qu'il faut accorder aux aînés l'autonomie de prendre certaines décisions en matière de santé mentale et émotionnelle et qu'ils doivent être des fournisseurs de soins de santé, en quelque sorte.
    Madame Parkes, voudriez-vous ajouter quelque chose?
    Je n'ai pas de détails devant moi. Ce serait une bonne question pour les responsables du SCC. Vous leur avez peut-être déjà demandé leur avis sur les caractéristiques démographiques de l'effectif.
    Certes, à mon avis, cela concerne les questions de diversité au chapitre de la dotation, mais également de la formation. Vous voyez régulièrement des rapports du syndicat des agents correctionnels sur le peu de formation qu'ils reçoivent en santé mentale, par exemple, et sur certains de ces problèmes.
    En outre, si vous jetez un coup d'oeil au plus récent rapport du vérificateur général, le rapport d'automne, indiquant quelle proportion du financement du SCC est consacrée à la surveillance dans la collectivité et quel pourcentage est affecté aux services correctionnels, vous constaterez que ce pourcentage est de 6 %. Quarante pour cent des personnes bénéficient d'une mise en liberté dans la collectivité, et seulement 6 % des fonds sont consacrés à ce volet. Il s'agit aussi de préparer les gens à réintégrer la collectivité et du peu de ressources disponibles dans le système correctionnel.
    Cela nous ramène au point de Mme Damoff. Je suis heureuse de voir que des ressources sont allouées, mais on espère qu'une plus grande partie de ces ressources serviront à préparer les gens à la mise en liberté, car, encore une fois, les femmes autochtones, les Autochtones et d'autres personnes au sein du système correctionnel vont bien au-delà de leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Ils obtiennent une libération d'office ou atteignent la date d'expiration de leur mandat d'une manière qui n'est pas appropriée pour la sécurité publique, alors les préparer en vue de la mise en liberté...
    Je vous remercie.
    Permettez-moi de vous arrêter ici un instant et de vous poser cette question à vous quatre. C'est en quelque sorte intégré dans vos exposés.
     C'est la conclusion selon laquelle un « contact humain réel », selon le libellé des Règles Mandela proposé par les Nations unies, devrait avoir lieu tout au long du plan correctionnel de la personne, non pas selon un nombre d'heures déterminé, mais bien à partir du jour de l'incarcération jusqu'à celui de la mise en liberté. Est-ce une déclaration juste?
    Oui.
    Oui.
    D'accord.
    Si nous examinons les problèmes propres à la santé mentale et les problèmes de dépendance, je pense que nous avons besoin d'un investissement massif dans les services de santé mentale, et c'est ce qui est envisagé dans le cadre du projet de loi, et potentiellement aussi dans les services de santé physique pour le traitement de la toxicomanie. Si cela est vrai, quels seraient ceux qui fourniraient des services de santé mentale en particulier, non pas avec le type de formation que devrait suivre un agent correctionnel , mais des psychologues et éventuellement des psychiatres...? Où pourrions-nous les trouver? Quelle connaissance du système correctionnel devraient-ils avoir afin de répondre aux besoins des personnes incarcérées?
(1725)
    Avant tout, je pense que le Service correctionnel doit déterminer comment il veut offrir des services. L'un des problèmes est que le Service correctionnel aime fournir des services d'une manière particulière. Prenez la question au sujet de l'ETCAF. Si vous êtes une personne atteinte de l'ETCAF, vous ne travaillerez pas bien au sein d'un groupe. Vous ne travaillerez pas bien dans le cadre d'un processus cognitivo-comportemental. Vous ne pouvez pas faire ça. Si la règle est que, pour pouvoir progresser dans votre plan correctionnel, vous devez avoir participé à ces groupes, cela n'arrivera pas. Peu importe qui vous désignerez pour administrer ces programmes. Si on ne peut pas faire en sorte que ça marche, ça ne marchera pas.
    Le SCC doit être disposé à agir. Il peut être disposé à agir. Nous verrons. Je veux dire, l'argent c'est bien, mais nous verrons comment il sera effectivement distribué et si les responsables sont disposés à écouter les gens qui peuvent parler de la façon dont les services doivent être mis au point. L'accent doit être mis sur les besoins de la personne pour qu'on puisse ensuite agir en conséquence, plutôt que de dire, non, elle doit correspondre à ce cadre particulier. C'est crucial.
    À propos des femmes autochtones en particulier, je me suis justement rendue à l'Établissement de la vallée du Fraser cette semaine avec mes étudiants de la faculté de droit. Nous avons rencontré des femmes de l'unité à sécurité minimale qui devraient être prêtes à être remises en liberté, et elles n'ont vraiment rien à faire de leur temps. Elles m'ont dit qu'elles n'avaient pratiquement rien du tout. Pour ce qui est des programmes, on en offre beaucoup moins pour les délinquantes à sécurité minimale que pour celles à sécurité maximale ou moyenne. C'est de toute évidence un exemple de la façon dont toutes les ressources sont affectées à certaines interventions. Voilà ce qui m'inquiète en ce qui concerne les UIS: toutes les ressources sont consacrées à ce genre d'interventions et non à la réinsertion sociale des gens dans la collectivité.
    Je crois que mon temps est écoulé. Merci beaucoup.

[Français]

     Merci, monsieur Spengemann.
    Monsieur Motz, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici.
     J'estime que, à ce moment-ci, je dois proposer une motion. Nous avons entendu des témoignages pendant près de huit heures. De nombreux témoins ont comparu devant nous au sujet du projet de loi C-83. Outre M. Stapleton, qui a fait preuve d'un optimisme prudent au sujet du projet de loi C-83, et le personnel du ministre qui l'appuie, il est évident que personne n'appuie cette mesure législative.
    Le Comité nous a demandé de lui présenter nos amendements lundi. À l'heure actuelle, il semble que le projet de loi doit être entièrement révisé. L'ensemble du projet de loi a besoin d'être amendé. D'après ce que j'ai compris, notre rôle en tant que Comité est de surveiller le projet de loi du ministre et de fournir une orientation. Nous devons proposer des changements en fonction des besoins des Canadiens ainsi que des conseils d'expert que nous recevons.
    Il est donc impératif pour moi que ce projet de loi soit juste, puisque la capacité des Services correctionnels quant à la réinsertion de nos détenus ainsi que d'autres vies sont en jeu — les autres détenus, les gardiens ainsi que les membres de nos collectivités. Compte tenu du rôle de notre Comité et de l'importance du projet de loi, je ne peux en toute conscience aller de l'avant avec celui-ci. Je ne pense pas non plus que le Comité devrait le faire. Il comporte d'importantes failles. Apporter des modifications mineures ne ferait que masquer un problème.
    De plus, le gouvernement a comparu devant la cour d'appel hier et a demandé une prolongation à l'égard de ce projet de loi. Il l'a fait pour un certain nombre de raisons, notamment pour répondre à l'ordonnance du tribunal de 2017 selon laquelle le gouvernement avait jusqu'au 18 décembre pour faire adopter le projet de loi afin que le processus de surveillance de l'isolement cellulaire devienne conforme à la Charte.
    Par conséquent, je propose ce qui suit:
Que, compte tenu des témoignages qu'il a entendus récemment dans le cadre de son étude du projet de loi C-83, le Comité suspende son étude en réaction aux failles observées dans le projet de loi et aux consultations insatisfaisantes sur le projet de loi; qu'il reprenne son étude une fois que le gouvernement du Canada aura consulté les parties concernées et qu'il se sera assuré que les failles ont été corrigées; et que le Comité fasse rapport de cette recommandation à la Chambre.
    J'ai présenté cette motion au greffier dans les deux langues.
(1730)

[Français]

     Merci, monsieur Motz.
    Madame Damoff, souhaitez-vous intervenir?

[Traduction]

    Monsieur le président, je crois que M. Motz voulait dire qu'il présentait un avis de motion. D'après ce que je comprends, il présente la motion aujourd'hui, et elle doit être présentée dans un délai de plusieurs heures. Le greffier peut préciser de combien d'heures il s'agit, soit 24 ou 48 heures.

[Français]

    Non, parce que nous discutons actuellement du sujet. Cela fait donc partie du corps de l'étude, et on peut présenter une motion durant l'étude.

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    Y a-t-il un débat?
    Non. D'accord.
    Je vais rendre son siège au président et reprendre ma place pour voter.

[Traduction]

    Apparemment, je ne devrais pas partir, n'est-ce pas?
    En fait, j'étais en fait déçu que vous soyez parti.
    Il y a une motion présentée par Glen.
    D'accord. C'est une motion pouvant être débattue, mais il n'y a pas de débat.
    Qui est en faveur de la motion?
    (La motion est rejetée.)
    Le président: Monsieur Motz, vous avez 30 secondes.
    Parfait.
    De l'avis des témoins qui sont ici aujourd'hui, croyez-vous que ce projet de loi offre le soutien dont les personnes incarcérées ont besoin pour régler leurs problèmes de santé mentale et de toxicomanie? Est-ce qu'il aidera à cet égard?
    Le projet de loi, comme il est rédigé actuellement, ne change rien du tout à la situation. Je ne pense pas que nous puissions nous attendre à des résultats différents s'il est adopté dans sa forme actuelle.
    Le projet de loi ne porte pas principalement sur la prestation de soins de santé mentale, bien qu'il comporte certains éléments à cet égard. À mon avis, le projet de loi est imparfait pour les raisons que j'ai mentionnées au début. Je pense qu'il accroîtra plutôt que réduira le nombre de recours à l'isolement. Pour cette raison, j'estime qu'il comporte des failles.
    Je vous remercie, monsieur Motz.
    Madame Dabrusin, vous avez cinq minutes. Allez-y.
    Je vous remercie.
    Je tiens à vous remercier tous de votre témoignage et de votre aide. J'aimerais tout particulièrement remercier l'Association des femmes autochtones du Canada d'avoir présenté un amendement écrit et tangible, car il nous aide vraiment à établir le fondement du libellé. Je vous en remercie.
    J'aimerais également aborder d'autres questions que vous avez soulevées. En particulier, vous l'avez mentionné à quelques reprises lorsque vous avez parlé des aînés et des personnes qui déterminent qui est un aîné. Voici, en partie je suppose, ma question: est-ce quelque chose qui finit peut-être par devenir plutôt une politique quant à la façon dont vous appliquez la loi, ou y a-t-il un changement que vous aimeriez voir apporter au projet de loi?
    Quelle serait la meilleure façon de faire, selon vous? J'ai entendu d'autres personnes soulever cette question également. Vous n'êtes pas les premiers. Comment proposeriez-vous que nous abordions cette question?
    Dans notre mémoire, nous formulons des recommandations qui portent sur des amendements possibles. Notamment, nous recommanderions que, sous l'intertitre « Définitions », on ajoute un article 85.1, qui comprendrait une définition spéciale concernant les détenus autochtones. Il se lirait ainsi: « En ce qui concerne les détenus autochtones, les soins de santé désignent également les soins de santé mentale et les soins culturels et spirituels fournis par des aînés ou des conseillers spirituels autochtones, à la discrétion du détenu autochtone. » Il s'agit là d'un exemple.
    Sous l'intertitre « Obligations en matière de soins de santé », à l'article 86.1 proposé, nous ajouterions à l'alinéa 86.1a), qui parle d'« autonomie », que des soins de santé doivent être fournis aux détenus et que le Service doit « appuyer l'autonomie et l'indépendance des aînés et des conseillers spirituels autochtones ainsi que leur liberté d'exercer, sans influence indue, leur jugement quant aux soins et aux traitements des détenus autochtones ».
    Ce sont là deux exemples, et nous proposerions également un nouvel alinéa d) à l'article 86.1 proposé, qui pourrait être libellé comme suit: « après la communication par un détenu autochtone de tout facteur mentionné aux alinéas 79.1a) à d), fournit à ce détenu du counseling individuel et adapté à sa culture, dispensé dans la langue de son choix par un professionnel autorisé en santé mentale, un aîné ou un chef spirituel autochtone, à la discrétion du détenu autochtone ».
(1735)
    Merci de votre réponse. Je suis heureuse que vous ayez lu cela à haute voix.
    Cependant, vous avez aussi parlé de la qualification nécessaire — ou la nature de la consultation — pour déterminer qui est un aîné. Je me demandais si vous pourriez peut-être nous donner des indications sur ce qui serait selon vous le meilleur fondement à cet égard.
    Monsieur Rudin, allez-y.
    On utilise beaucoup le terme « aîné ». Lorsqu'il est utilisé dans un sens professionnel, il a une signification différente. L'une des difficultés qui se posent, c'est qu'un établissement correctionnel peut avoir un aîné en établissement, et il s'agit d'un aîné désigné par l'établissement correctionnel. C'est bien, mais cela peut ou non... Cela a souvent une grande signification pour les détenus, mais, pour certains d'entre eux, cela n'a pas de sens parce qu'un aîné est quelqu'un que l'on choisit. On ne va pas à l'« école des aînés » et on n'obtient pas...
    Des voix: Ha, ha!
    M. Jonathan Rudin: Des gens communiquent avec moi, des gens très bien intentionnés qui disent: « Donnez-moi la liste des aînés. » Ce n'est pas comme pour les chefs religieux.
    Cela signifie que l'établissement peut fournir ce dont il dispose, mais on doit comprendre que ce n'est pas une réponse si quelqu'un dit: « L'aîné dont j'ai besoin est cette personne, car c'est ma tradition. »
    Le SCC déplace des gens d'un bout à l'autre du pays. Vous pouvez être un Micmac et vous retrouver en Colombie-Britannique. Les chances qu'il y ait un aîné micmac en Colombie-Britannique sont plutôt faibles. Si vous voulez un aîné, et qu'il y a quelqu'un qui peut fournir ce service et que cette personne est disponible, elle devrait avoir accès à l'établissement pour fournir le service. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne actuellement.
    Effectivement. J'ajouterais qu'il faut consulter des organismes comme l'AFAC, qui collaborent étroitement avec les organisations provinciales et territoriales. Ils savent de quoi ils ont besoin et ils peuvent répondre à ces questions.
    Je vous remercie. C'est simplement parce que vous l'avez signalé lors de votre exposé, alors j'essayais de comprendre ce que vous aimeriez que nous fassions. Je vous en suis reconnaissante. Je pense que c'est utile de le signaler. Je peux...
    Non? Je ne peux pas, monsieur le président?
    Non, vous ne pouvez pas.
    Je n'ai plus de temps.
    Vous avez sept secondes.
    Au nom du Comité, je tiens à vous remercier de votre contribution à l'étude du projet de loi C-83, madame Parkes, madame Finestone, monsieur Pink et monsieur Rudin. Tout cela est très utile.
    Cela met fin à notre liste de témoins.
    Je vous rappelle, chers collègues, que vous devez présenter tout amendement avant lundi, 16 heures. De plus, étant donné que j'ai quitté la salle pendant une minute et que vous avez présenté une motion, je suis un peu nerveux à propos de la séance de mardi avec les ministres. J'espère que, lorsque je siégerai jeudi prochain, je n'aurai pas de rapport faisant état de difficultés avec les ministres.
    Je n'essayais pas d'être difficile. J'essayais simplement d'aider.
    Oui... « aider ».
    Vraiment, j'essayais d'aider.
    Nous n'avons peut-être pas la même définition du verbe « aider ».
    Sur ce, la séance est levée.
    Merci.
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