:
Il n'y a pas de mal. Merci beaucoup. Je comprends très bien.
Effectivement, je suis heureux d'être de retour. Mme Clarke et moi, comme vous l'avez dit, sommes venus témoigner ici, en novembre, dans le cadre de votre étude de l'appli ArriveCAN. Je pense pouvoir affirmer sans risque de me tromper que lorsque nous avons entrepris cette recherche, le printemps dernier, nous ne nous attendions pas à attirer autant l'attention.
L'année dernière, Mme Clarke et moi, nous avons travaillé ensemble à un projet de recherche sur les dépenses fédérales consacrées aux contrats. Pour les besoins de la discussion d'aujourd'hui sur ce sujet, deux optiques ressortent: la première, à l'échelle micro concerne la transparence et la qualité des données dans les renseignements communiqués sur les marchés de l'État; la deuxième, à l'échelle macro, touche ce qui s'ensuit pour la capacité du secteur public et les formes de dépendance à l'égard des gros cabinets-conseils.
Sur la transparence et la qualité des données, le premier constat est qu'il est difficile de comprendre, à l'échelle de l'administration fédérale, à quoi l'argent est dépensé et de distinguer les principaux fournisseurs. Notre recherche s'est focalisée sur la divulgation proactive, par le gouvernement, de l'ensemble de données sur les contrats, qui sont toutes des données accessibles au public.
C'est un ensemble de données très précieux, mais quelques raisons expliquent la difficulté de les interpréter rapidement. Tel fournisseur n'est pas toujours désigné par le même nom, et il n'existe pas de numéro unique d'entreprise ni d'autres identifiants uniques. Les modifications apportées aux contrats ne sont pas toujours jointes systématiquement au contrat originel. Sur les contrats pluriannuels, aucune donnée ne précise le montant annuel des dépenses. Pour beaucoup d'enregistrements de contrats, aucune description ne permet de relier sans ambiguïté le contrat à un projet ou à une initiative donnée ou de différencier facilement différents types de prestations de services professionnels.
Notre équipe de recherche a consacré plusieurs mois au nettoyage et à l'analyse de ces données, et nous avons publié nos résultats et notre méthode en ligne sur le site govcanadacontracts.ca.
Voici, en plus, des précisions — davantage à l'intention des attachés de recherche dans la pièce. Pour la recherche, sur le site Web, des totaux pour l'ensemble de l'administration fédérale, on peut se servir de l'onglet « All Departments and Agencies » — tous les ministères et organismes —, dans le haut de la page. Pour la comparaison des chiffres d'une année à l'autre, je recommande d'employer des totaux en dollars constants. Vous pouvez les trouver dans les fichiers CSV associés, après avoir cliqué sur l'hyperlien « View source data », en bas de chaque tableau.
Même après avoir nettoyé les données, il était encore difficile de déterminer l'objet de tel contrat à partir des données publiées. C'est particulièrement vrai des cabinets-conseils en gestion, qui fournissent une large gamme de services aux ministères fédéraux. Dans les données, la description sommaire d'un contrat pourrait être simplement « conseils en gestion ». Il pourrait s'agir de la prestation de conseils stratégiques, de travaux informatiques ou de sous-traitance à un autre fournisseur, plus spécialisé. Il est difficile de déterminer la nature du travail effectué, à plus forte raison dans quelle mesure il a été couronné de succès.
D'autres pays ont beaucoup fait pour améliorer la qualité des renseignements qu'ils communiquent sur les marchés de l'État. Le moyen qui s'impose d'emblée est l'adoption de la norme relative aux données sur la passation de marchés ouverts, qui permet au public de suivre en détail les dépenses, de la demande initiale de propositions à la fin du contrat.
Voilà pour l'échelle micro.
À l'échelle macro, c'est en grande partie le reflet de la capacité de la fonction publique — ou son incapacité perçue — et des façons employées par les cabinets-conseils en gestion pour y suppléer. L'examen annuel des données révèle très rapidement à quel point les dépenses consacrées à ces cabinets ont augmenté au fil du temps. Ces cabinets occupent une place importante dans les catégories « services professionnels » et « informatique » de notre analyse.
Deloitte, PricewaterhouseCoopers et Accenture sont les principaux bénéficiaires des dépenses. Au cours de l'exercice 2021‑2022, ces cabinets ont reçu des sommes respectivement estimées à 172, à 115 et à 94 millions de dollars. C'est beaucoup plus, annuellement, qu'il y a quatre ou cinq ans, ce que montrent les tableaux de données du site Web.
D'après les descriptions accessibles, beaucoup de contrats de ces cabinets se focalisaient sur l'informatique ou des domaines adjacents. Ça pourrait englober un gros projet informatique ou de prestation de services, l'automatisation des procédés, la prestation de conseils sur le passage au numérique, la supervision de travaux et ainsi de suite.
L'augmentation importante des dépenses dont ces cabinets ont bénéficié résulte, dans de nombreux cas, de la reconnaissance accrue du retard des ministères sur le plan informatique par rapport aux attentes du public et de la classe politique. Plutôt que de pouvoir se doter d'une capacité interne, on a confié plus de travail à l'extérieur, à des conseillers en gestion et à de gros cabinets informatiques.
On peut en dégager deux tendances.
La première est que les cabinets-conseils en gestion sont souvent embauchés pour préparer les plans d'acquisition et de gestion de projets pour de grands travaux. Même si ces cabinets ne soumissionnent pas pour des projets ultérieurs, on a de bonnes raisons de supposer que ça leur donne des indices détaillés sur les modes d'évaluation des soumissions par les ministères.
La deuxième est — particulièrement pour les grands projets d'informatique — l'embauche d'un cabinet-conseil en gestion pour superviser le travail d'un cabinet homologue ou d'une grosse boîte d'informatique comme IBM ou CGI. Elle peut conduire à une dynamique dans laquelle chaque cabinet n'est pas nécessairement porté à demander trop d'explications à l'autre, sachant que leurs positions respectives, dans des travaux ultérieurs, pourraient être inversées.
À la lecture des publications, nous constatons une tendance mondiale à l'expansion des divisions de travaux informatiques des cabinets-conseils en gestion, vu la rentabilité de cette activité. Leurs relations actuelles à la faveur de travaux de prestation de conseils stratégiques et d'audits leur procurent un avantage concurrentiel pour décrocher des contrats d'informatique et de services numériques.
Cette dépendance des conseillers en gestion fait boule de neige — on a trouvé des explications —, tandis que, de ce fait, la capacité de la fonction publique se dégrade à mesure que le temps passe. Dans d'autres pays, on discute sérieusement de la capacité de l'État ou de l'efficacité des institutions publiques, souvent en réaction à des situations semblables.
À ma connaissance, la forte dépendance des ministères à l'égard des conseillers en gestion est le signe de difficultés structurelles au sein de la fonction publique, par exemple l'absence de boucles efficaces de rétroaction, une adhésion rigide aux processus en vigueur et l'absence de capacités techniques et d'expertise internes.
J'espère que mes propos pourront susciter plus de discussions fécondes sur la réforme de la fonction publique et l'amélioration de nos méthodes de travail.
Je laisse à Mme Clarke — si elle peut arriver — le soin de discuter de certaines de ces tendances plus en détail.
Merci de m'avoir invité. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
:
Je suis heureuse d'être ici. Merci beaucoup de votre invitation. Je suis vraiment emballée de constater que vous poursuivez votre examen de cette question.
Je suis professeure associée à l'école de politique publique et d'administration de l'Université Carleton. Je fais de la recherche sur l'administration publique au Canada et à l'étranger depuis environ 2010.
Mon point de vue sur la question des conseillers en gestion dans l'administration fédérale découle de l'outil de données que M. Boots vient de présenter, au lancement duquel j'ai aidé, mais également d'entrevues menées avec des fonctionnaires à qui j'ai demandé de m'expliquer, dans leurs propres mots, ce à quoi ça ressemblait, sur le terrain, que d'être au service du gouvernement. Le phénomène se manifeste à tous les niveaux d'autorité, dans tous les ministères et organismes centraux et opérationnels. Ces entrevues sont particulièrement éclairantes quand on se fait expliquer de la bouche même d'un fonctionnaire comment il perçoit ce phénomène en train de se dérouler. Il est bon que vous y consacriez du temps, parce que c'est vraiment un motif de préoccupation pour beaucoup de fonctionnaires.
Si j'en crois le compte rendu de votre première réunion, vous avez visiblement à répondre à beaucoup de questions. Celle sur laquelle je tiens à focaliser mon attention est, d'après moi, la plus importante, c'est‑à‑dire: Les marchés de l'État fédéral avec les cabinets-conseils en gestion trahissent‑ils les principes de l'administration publique responsable et, dans l'affirmative, comment empêcher que ça aille plus loin?
En réponse à la première sous-question, la réponse est oui, absolument. Mes recherches me montrent, de diverses façons, que la fonction publique fédérale enfreint les pratiques exemplaires de l'administration publique responsable quand elle passe des marchés avec des cabinets-conseils en gestion.
En général, cette pratique soulève trois grandes questions: En a‑t‑on pour son argent? Qu'en est‑il des infractions évidentes aux normes de reddition de comptes au public? Qu'en est‑il de la capacité de l'État qu'on vide de sa substance? Je pourrais davantage développer ces questions, mais je pense que les médias et les publications de longue date sur le sujet posent un excellent diagnostic du problème. Incontestablement, il existe.
Ma déclaration préliminaire se focalisera sur ce que je crois être ses solutions. J'estime que votre comité pourrait faire beaucoup pour aider à le résoudre. Il y a aussi des pistes que vous pourriez explorer dans les recommandations, qui pourraient l'aggraver. J'ai donc essayé de les signaler.
Pour le corriger, la première solution — et ça répond aux observations que vient de faire M. Boots — consiste à se focaliser sur les données. Il est vraiment impossible de vous acquitter de vos tâches, vu la piètre qualité des données dont nous disposons pour décrire les cabinets-conseils de gestion — ce à quoi ils travaillent réellement, ce qu'ils produisent, la valeur de cette production — et de suivre les contrats au fil du temps. Vous en avez eu un avant-goût dans votre étude sur l'appli ArriveCAN, quand vous avez essayé de suivre les traces écrites.
Beaucoup de modèles, à l'étranger, peuvent nous inspirer tant que nous disposons d'argent. Je veux dire par là que, en vérité, nous devons embaucher des fonctionnaires et affirmer que leur travail consiste à rectifier ces données, les publier et travailler avec les parties prenantes, plutôt que de simplement être un ajout. Ça se produit souvent dans ces sortes de projets de données. Il y a une demande pour plus de données, puis les ressources manquent aux fonctionnaires pour en produire et en diffuser. Voilà un premier point.
Ensuite, en ce qui concerne les projets informatiques précisément — qui prélèvent une part importante de l'argent que dépense l'État fédéral en conseillers en gestion —, il existe des pratiques exemplaires pour limiter la taille des contrats et recruter plus de talents en informatique afin d'être des acheteurs potentiels plus futés et plus sceptiques de ces produits et services. En fait, nous avons développé cette idée dans le rapport que nous avons déposé à votre comité, à notre dernière comparution, quand nous avons discuté d'ArriveCAN. Je ne m'y attarderai pas, mais je serai également heureuse d'en discuter davantage.
Enfin, troisièmement — et ce qui me paraît le plus important —, les fortes dépenses consacrées aux conseillers en gestion qui effectuent une grande partie du travail de la fonction publique centrale n'arrivent pas par accident. C'est la conséquence inévitable d'une dynamique de la fonction publique qui a souffert d'une absence d'investissements dans le talent et dans le recrutement ainsi que dans la réforme des pratiques concernant les ressources humaines pour faciliter ce recrutement.
Je crois également que, au fil des années, elle a souffert d'une négligence nocive, de la charge de la production de rapports et d'une sorte de mentalité puriste du « je t'ai eu », dans beaucoup d'examens approfondis, et des exigences formulées à l'égard d'un gouvernement qui ne ferait pas d'erreurs. Tout ça rend difficiles la créativité et l'innovation dans la fonction publique. Dans le même ordre d'idées, j'estime également que lorsqu'on voit confiée une grande partie du travail important dont on se soucie à des consultants en gestion de l'extérieur, c'est évidemment mauvais pour le moral, et ça ne motive en rien les troupes.
Affirmer le besoin de réformer la fonction publique paraît peut-être imposant, décourageant et insuffisamment précis, mais j'estime que ce ne serait pas aussi difficile que nous le croyons. Beaucoup de pays affrontent exactement les mêmes problèmes que l'administration fédérale et ils réagissent. Ils ont déjà éprouvé différentes solutions. Nous pouvons nous inspirer de leurs exemples.
Nous n'avons pas non plus besoin de consacrer beaucoup de temps en diagnostics du problème, parce que le consensus sur sa nature est à peu près forgé chez les fonctionnaires et ceux qui ont étudié l'administration publique canadienne. En effet l'organisation est trop cloisonnée et trop de règles et de processus inutiles l'entravent.
Si vous en voulez un beau témoignage, je vous conseille la lecture d'un document que j'aime vraiment, le rapport de 2016 sur la réduction de la paperasserie interne, préparé par un groupe de fonctionnaires.
Je vous invite notamment à prendre connaissance de certains des instantanés de cette paperasserie interne qu'ils décrivent. À la lecture de ce qu'exige quoi que ce soit dans l'administration fédérale d'aujourd'hui, on peut comprendre pourquoi il est difficile d'être créatif et innovant et pourquoi un gouvernement entrant en fonction se tourne rapidement vers un consultant en gestion qui promet une solution rapide. Cependant, ces solutions rapides n'ont pas tendance à lui en donner pour son argent. Elles naissent également dans le secret. C'est ce qui devrait nous alarmer.
Enfin, en proposant des solutions, le Comité et le gouvernement ont vraiment besoin d'éviter d'ajouter trop de règles ou de processus nouveaux ou encore des exigences en matière de rapports qui soient pénalisantes, au nom de la reddition de comptes. C'est ce que nous avons vu dans le passé. Cela a pour effet de miner davantage les capacités des fonctionnaires de faire le travail qu'on leur demande, parce qu'ils consacrent beaucoup plus de temps à remplir ces formulaires et à faire tourner des processus complexes d'acquisition. Ça rend également la tâche difficile aux entreprises de petite taille, qui sont peut-être plus innovantes… ou du moins à une gamme plus étendue d'entreprises pour soumissionner les travaux de l'État, parce que des processus d'acquisition vraiment complexes exigent que les soumissions soient faites par des équipes. Ce que les petites entreprises n'ont simplement pas.
Je n'en dirai pas plus. J'attends vos questions.
Merci.
:
Vous avez raison. Les données que nous présentons — que vous avez à votre disposition, je pense, mais que je peux vous transmettre également — montrent que McKinsey affiche le taux de croissance le plus élevé, et de loin, entre 2017 et 2021. Le montant total dépensé en contrats avec McKinsey est toutefois beaucoup plus bas que celui versé à un certain nombre d'autres entreprises.
Pourquoi cette croissance est-elle si marquée? Je ne peux pas en deviner les raisons. Je ne les connais vraiment pas.
Il est possible que ces données ne soient pas si solides à partir du point de référence que nous avons. Nous nous sommes demandé pourquoi le montant était si faible en 2017. Il peut y avoir eu des erreurs de saisie de données ou il se peut simplement que cette année‑là, ils n'aient pas obtenu beaucoup de contrats, donc cela semble beaucoup, mais ce n'est pas un changement si énorme, en réalité.
Il est intéressant de noter que lorsque je demande aux fonctionnaires quelles entreprises les inquiètent, ils mentionnent très rarement McKinsey. Le plus souvent, cela dépend des cas, ils nomment Deloitte. PricewaterhouseCoopers revient souvent, comme Accenture. Certaines grandes entreprises de TI agissent essentiellement comme des sociétés d'experts-conseils en gestion maintenant, dont IBM, qui est une autre entreprise qui revient souvent.
En ce qui concerne la croissance de McKinsey, je n'ai vu aucune preuve fiable qui me permette d'en déduire les raisons.
:
Il y a sûrement très peu de gens qui recommanderaient les contrats à fournisseur unique pour une gestion responsable des fonds publics. Cela n'a pas tendance à être considéré comme le modèle à suivre pour l'attribution de ce genre de contrats.
Dans tous les cas, je pense que le processus utilisé, qu'il s'agisse d'un processus complet et ouvert ou d'offres à commandes prêtes à être lancées, doit toujours représenter le meilleur équilibre entre le besoin de résilience, de réactivité et la capacité de passer des contrats rapidement. Il faut également des mécanismes pour garantir que le processus soit concurrentiel, responsable et transparent.
La question des données est centrale dans les réformes que j'aimerais voir dans le domaine des marchés publics. Si nous adoptions quelque chose comme la norme de données sur les contrats ouverts que M. Boots a mentionnée, nous serions en mesure de suivre les contrats à chaque étape et de vraiment examiner de près les produits et services obtenus. C'est un grave problème. Peu importe à quel point le marché était concurrentiel au départ. Les rapports produits par beaucoup de ces entreprises, l'analyse fournie et les produits ne sont jamais portés à la connaissance du public, de personnes extérieures. Il est vraiment difficile de savoir ce qui se passe, de dénoncer ce qui cloche et ensuite, espérons‑le, d'instituer de meilleures pratiques pour ne plus accorder de contrat à ces entreprises.
C'est une chose. Il faut mettre l'accent sur la nécessité de recueillir de meilleures données et de divulguer les résultats des contrats. Ce serait une grande amélioration pour résoudre ce genre de problème.
Une autre réforme que j'aimerais voir consisterait à revoir la taille des contrats. Cela s'applique particulièrement aux projets logiciels. Je pense qu'en général, quand les contrats sont plus petits, on est moins coincé et l'on peut mieux demander des comptes aux entreprises. C'est un autre élément important.
Je pense qu'il devrait y avoir davantage d'enquêtes et éventuellement de règles régissant la mobilité entre les postes de direction au gouvernement fédéral et les postes de dirigeants au sein de ces entreprises. Il est assez courant, surtout dans le domaine des technologies de l'information, de voir quelqu'un qui occupe un poste de haut niveau dans le domaine du numérique ou des technologies de l'information, notamment un directeur de l'informatique, entamer une seconde carrière chez Deloitte ou Accenture. C'est tellement commun que c'en est presque risible. On se dit: « Tiens! En voilà un autre. »
Qu'est‑ce qu'ils font là? Évidemment, ils utilisent leurs contacts. Ils comprennent le mode de fonctionnement du gouvernement. D'un certain point de vue, il n'y a rien de mal à cela. Nous devrions encourager davantage les échanges entre les secteurs privé et public. Je ne suis pas contre le principe, mais il y a quelque chose qui me dérange, en tant que citoyenne et chercheuse dans le domaine de l'administration publique, quand je vois des gens ayant autant d'influence obtenir ce genre de contrat.
L'inverse se produit aussi: des employés de ces entreprises sont détachés pour aider à diriger un projet au sein du gouvernement, on leur donne des adresses électroniques gouvernementales et des autorisations de sécurité. C'est en partie pour des raisons pratiques. Ils doivent pouvoir accéder au système, et c'est pourquoi on fait tout cela, mais ce n'est pas évident.
Il y a des fonctionnaires qui me disent que, parfois, ils sont dans une pièce à concevoir un nouveau service, à lancer une stratégie de transformation ou à préparer des conseils pour le ministre, et il n'est pas toujours évident de savoir qui est un consultant et qui est un fonctionnaire dans la pièce. Je crois que nous devrions nous en préoccuper, parce que les fonctionnaires ont pour mission de créer de la valeur publique. Il sont également assujettis à un grand nombre de règles concernant les valeurs et l'éthique, le bilinguisme, la loyauté envers la Couronne et tout.
Le travail d'un consultant en gestion est de générer du profit. Nous devrions savoir qui sont les consultants lorsqu'ils se trouvent dans une pièce parmi des fonctionnaires. Il devrait être vraiment évident qu'ils ont un ensemble différent de valeurs et de motivations, et ce, à juste titre. Les sociétés agiront comme des sociétés. Je ne pense pas que nous voudrions que ces personnes jouent les fonctionnaires. C'est une autre réforme nécessaire.
À quoi cela ressemblerait‑il concrètement? Il nous faut des règles sur les détachements de consultants au gouvernement et trouver un équilibre avec le risque de rendre les choses si difficiles que cet échange ne puisse jamais être fluide, ce que nous voulons également éviter.
:
C'est une question délicate. C'est délicat parce qu'évidemment, je ne veux pas faire de commentaires sur chaque gestionnaire du gouvernement fédéral. Ce serait impossible.
De manière générale, je constate deux choses.
Une minorité de fonctionnaires est, je pense, plus consciente de ce qui pourrait être fait à l'interne et serait enthousiaste à l'idée de le faire. Ces fonctionnaires seraient tout à fait capables de le faire et sont entourés de gestionnaires compétents et motivés, mais le système dans lequel ils baignent rend les choses très difficiles, parce que les fonctionnaires sont enlisés dans un bourbier littéralement incompréhensible de règles et de perceptions de règles. Je vous encourage vivement à vous attarder un peu à toutes les politiques du Conseil du Trésor. Il est consternant de constater à quel point il peut y avoir de points et de sous-points dans ces politiques. Bien sûr, ce serait handicapant pour n'importe qui, donc il y a cela.
Je pense que vous touchez aussi un point important, cependant, c'est‑à‑dire qu'avec le temps, toute une génération de fonctionnaires s'est peut-être tellement habituée à recourir à des acteurs externes pour certaines fonctions de base de la fonction publique, en particulier dans le domaine des TI et de manière plus générale, qu'ils se voient peut-être plus comme des gestionnaires de contrats que d'équipes pouvant faire le travail elles-mêmes.
Je ne pense pas que quiconque irait jusqu'à dire qu'il n'estime pas son équipe capable de faire le travail, et je n'ai jamais rencontré de fonctionnaire qui soit vraiment enchanté de la qualité du travail qu'il obtient d'un consultant en gestion par rapport à ce que son équipe pourrait faire, mais je pense qu'il y a une assez bonne reconnaissance du fait qu'il est difficile de produire des résultats aussi vite que certains problèmes d'aujourd'hui ne l'exigent, d'être créatif et d'innover étant donné la densité des règles et des processus imposés à une équipe.
:
En ce qui concerne les recherches liées à la stagnation et aux obstacles à l'innovation au sein du gouvernement fédéral, lorsqu'on demande aux fonctionnaires pourquoi le gouvernement fédéral se plaint beaucoup de ces enjeux, ils répondent presque tous que... C'est assez courant. La greffière pourrait trouver des citations qui remontent à des décennies et qui concernent le fait que la fonction publique fédérale a une aversion pour le risque et que cela nuit à l'innovation.
Comment cela est‑il lié à l'externalisation? Comme je l'ai dit plus tôt, lorsqu'on est coincé dans un tel environnement, il est difficile de faire preuve d'initiative et d'innovation et d'encourager et d'équiper ses équipes en conséquence. C'est parfois la raison pour laquelle on fait appel à des experts-conseils en gestion. C'est donc un cercle vicieux. En effet, si on compte sur ces experts-conseils en gestion, on ne fait pas le travail difficile qui consiste à enquêter sur les raisons pour lesquelles notre service public n'est pas en mesure de fournir ces services.
L'aversion pour le risque et les flambées de reddition de comptes qui minent en réalité la reddition de comptes représentent des points importants qu'il faut absolument aborder. Je pense que les parlementaires ont joué un rôle important à cet égard, car dans de nombreux cas, les fonctionnaires affirment qu'ils agissent de cette façon et qu'ils sont si peu enclins à prendre des risques parce qu'ils ne sont pas dans un environnement qui leur permet d'essayer de nouvelles choses, de faire des erreurs et d'apprendre en cours de route. Il est impossible de faire preuve d'innovation dans un tel contexte.
Les médias, les universitaires, les parlementaires et tous ceux qui exercent une surveillance externe à l'égard du gouvernement ont un rôle à jouer, car ils formulent des critiques et ils enquêtent sur les échecs du gouvernement, mais ils pourraient peut-être aussi permettre aux fonctionnaires d'expérimenter un peu plus. Ce n'est pas une chose qui est vraiment tolérée dans notre culture politique, mais ce n'est pas vrai dans tous les cas. J'ai parlé à des fonctionnaires d'autres pays qui ne vivent pas la même chose.
:
Vous soulevez différents enjeux avec cette question.
Toutes les fois qu'un marché est octroyé à une firme pour la conception d'un système ou d'une quelconque plateforme numérique servant d'interface avec le citoyen, il devient possible de recueillir de vastes quantités de données qui peuvent parfois soulever certaines préoccupations du point de vue de la protection de la vie privée, mais qui peuvent également revêtir une grande valeur dans le cadre des efforts déployés notamment pour améliorer les processus et permettre au gouvernement d'agir de façon plus judicieuse.
Il y a eu des cas — et je ne sais pas dans quelle mesure cela peut être fréquent au sein du gouvernement fédéral — où les contrats en question ne précisaient pas que les données générées appartiennent ensuite au gouvernement. Certains gouvernements ont ainsi dû racheter ces données. C'est un problème qui peut se poser.
Vous avez aussi traité de la possibilité d'utiliser à d'autres fins les services acquis par le gouvernement. On serait porté à croire que les choses devraient effectivement se passer de cette manière. Si vous dirigiez votre propre entreprise et que vous deviez payer pour un conseil ou un service qui pourrait vous être utile dans les différentes divisions de votre organisation, vous n'hésiterez pas à vous en prévaloir.
Il y a quelques éléments qui font en sorte que cette pratique est peu répandue au sein du gouvernement. Il arrive ainsi qu'un contrat précise que cela est impossible, mais je pense que c'est plus souvent attribuable au fait que les ministères ne se parlent pas entre eux. Il est fort probable, et j'ai eu vent de certains cas semblables, que si nous disposions de plus de données au sujet de ces marchés, nous constaterions que, dans bien des cas, les ministères et leurs différentes divisions paient à répétition les mêmes entreprises pour obtenir les mêmes services.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je joins ma voix à celle de mes collègues pour souhaiter la bienvenue à nos deux témoins d'aujourd'hui.
Vos témoignages passés ont toujours été d'un grand intérêt à mes yeux. Votre comparution d'aujourd'hui est d'autant plus importante qu'elle servira pour notre comité de mise en contexte afin de mieux comprendre non seulement les enjeux touchant l'impartition des marchés, mais aussi les discussions stratégiques qui deviennent nécessaires lorsque les médias se saisissent de cas problèmes comme celui de McKinsey qui a obtenu du gouvernement des contrats dont la valeur est 50 fois plus élevée qu'auparavant, comme l'ont indiqué mes collègues.
Même lorsque les Canadiens ne sont pas sensibilisés à une problématique, nous nous devons certes de l'être. Nous devons assurément approfondir la question pour non seulement déterminer exactement quelles sont les règles d'approvisionnement et d'affermage qui favorisent cette dépendance à l'égard de firmes-conseils en gestion pour l'externalisation de notre travail, mais aussi pour mettre au jour les lacunes et les échappatoires au sein du système qui font en sorte que la part de marché d'une entreprise comme McKinsey peut croître aussi rapidement.
Nous avons bien sûr pu prendre connaissance de différents rapports à ce sujet. Des fonctionnaires ont en outre fait part publiquement, sans toutefois trop s'engager, de leurs préoccupations quant au travail ainsi accompli. Ils ne sont pas certains que leur ministère sorte gagnant lorsque des mandats sont confiés à des firmes d'experts- conseils. Ils ne savent pas ce que cette expertise peut apporter de plus. Je pense que nous avons tout lieu de nous poser des questions lorsque les fonctionnaires commencent ainsi à s'interroger sur la justification d'une telle externalisation du travail.
Je crois vous avoir entendu dire qu'une réforme en profondeur des règles d'attribution des marchés s'impose, mais que cela ne doit pas nécessairement passer par l'augmentation de la quantité de règles et l'alourdissement du fardeau administratif.
Vous avez aussi indiqué qu'il existe à l'échelle internationale différents modèles dont nous pourrions nous inspirer pour rectifier le tir. Je ne sais pas si vous pourriez nous donner quelques exemples de pays qui pourraient nous guider dans cette démarche.
:
Je ne vais pas manquer de réclamer ce café.
Bonjour à tous. Je m'appelle Jennifer Carr et je suis présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Je suis accompagnée aujourd'hui de Jordan McAuley, notre expert en externalisation des services gouvernementaux qui m'aidera à répondre à vos questions.
L'Institut représente 72 000 professionnels de la fonction publique au Canada, surtout dans la sphère fédérale.
J'ai témoigné devant le Comité en octobre dernier, et je vous remercie de reconnaître encore une fois l'Institut pour son expertise de premier plan en matière de sous-traitance. Nous avons produit plusieurs rapports sur cet enjeu crucial et nous sommes toujours disposés à discuter avec vous de nos conclusions.
Il y a environ un an, un marché octroyé à McKinsey relativement au système de paye Phénix a aussi fait les manchettes et donné lieu à de nouvelles questions concernant le recours accru à l'externalisation par le gouvernement. Voilà maintenant des années que nous voyons le gouvernement s'en remettre de façon démesurée à la sous-traitance, une solution très coûteuse. L'exemple de McKinsey est seulement l'un des plus récents en la matière.
Voici comment on pourrait résumer notre position sur la question. Le travail donné en sous-traitance a un impact sur la sécurité des systèmes d'information du gouvernement et entraîne des coûts plus élevés et une réduction de la qualité des services offerts aux Canadiens. C'est un travail moins transparent qui ne permet pas une reddition de comptes aussi systématique. Il y a une perte des connaissances et des compétences institutionnelles, et le gouvernement devient moins apte à recruter et à maintenir en poste les professionnels dont il a besoin. En négligeant d'investir dans la fonction publique, on impose des coûts plus élevés aux contribuables tout en leur offrant des services moindres.
Non seulement les marchés attribués à McKinsey sont-ils superflus et scandaleux, étant donné leur pertinence douteuse et la qualité des conseils fournis, mais ils ne constituent en fait que la pointe de l'iceberg. C'est à juste titre que le gouvernement actuel fait l'objet de critiques à cet égard, mais c'est un problème qui ne date pas d'hier. Les gouvernements précédents, toutes allégeances confondues, n'ont jamais cessé d'investir de plus en plus dans la sous-traitance.
Des années de dépenses incontrôlées dans l'externalisation par différents gouvernements ont créé une fonction publique fantôme formée d'experts-conseils et d'employés temporaires travaillant parallèlement aux effectifs gouvernementaux. Cette fonction publique parallèle est assujettie à des règles totalement différentes. Les embauches ne sont pas fondées sur le mérite, la représentativité, l'équité ou la transparence. Cette fonction publique est à l'abri des restrictions budgétaires ou des gels d'embauche, et elle n'a aucun compte à rendre à la population canadienne. Cela n'empêche toutefois pas le gouvernement fédéral de continuer, année après année, de prendre des décisions coûteuses en faveur de l'externalisation de ses services. À lui seul, l'Institut a déposé plus de 2 500 griefs concernant du travail confié à cette fonction publique parallèle.
Afin de mieux situer les marchés octroyés à McKinsey dans le contexte plus général du recours à des experts-conseils par la fonction publique fédérale, j'aimerais porter à votre attention certains chiffres particulièrement préoccupants.
Je vais laisser M. McAuley vous brosser un tableau des grandes tendances.
:
Merci, présidente Carr.
Je suis Jordan McAuley. Je suis un analyste de données à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, IPFPC. Je travaille avec les données de divulgation proactive depuis au moins cinq ans maintenant. J'aimerais réitérer certains points qui ont été soulevés à la dernière réunion.
Il y a de graves problèmes concernant la qualité des données. Nous sommes tout à fait conscients qu'il s'agit d'estimations et pas nécessairement de chiffres précis. En examinant la situation de plus près, vous pouvez certainement relever certaines tendances. Il y en a trois que je voudrais souligner dans le cadre de cette audience.
Premièrement, comme la présidente Carr y a fait allusion, il s'agit d'un problème qui remonte à bien au‑delà de 2015. Il y a eu des années, sous le gouvernement Harper, où les dépenses en consultants approchaient le milliard de dollars par année. Plus précisément, nous avons examiné les consultants en TI, les consultants en gestion et les services d'aide temporaire. Nous pensons que ces trois catégories de consultants représentent le mieux l'externalisation du personnel, qui est ce qui nous préoccupe le plus.
Deuxièmement, depuis que le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, en 2015, le problème s'est aggravé. Et ce, malgré l'engagement pris par le , lors de sa campagne, de ramener les dépenses d'externalisation aux niveaux de 2006. Nous ne voyons aucune indication dans les données qu'il s'agissait d'un engagement sérieux. Les dépenses, notamment en TI, ont continué à augmenter chaque année. De façon générale, les chiffres semblent avoir à peu près doublé entre 2015 et 2022 dans ces trois catégories de consultants.
Enfin, en ce qui concerne les 150 millions de dollars de contrats attribués à McKinsey, bien que ce soit une bonne chose dans la mesure où cela nous a permis d'avoir cette discussion, c'est très peu par rapport aux grands contrats de TI. Je sais que cela a été discuté à la dernière réunion. Une entreprise comme IBM, par exemple, a reçu en 2016 plus du double de ce que McKinsey a fait sur une période de huit ans en une seule année. Et c'est seulement pour les consultants en TI.
L'examen des données et de ce que nous suivons depuis plusieurs années montre que l'ampleur du problème va bien au‑delà de McKinsey ou de toute autre entreprise.
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, madame Carr et l'autre M. McAuley, de votre présence ici aujourd'hui.
À la page 62 du livre tristement célèbre When McKinsey Comes to Town écrit par Walt Bogdanich et Michael Forsythe — et je suis sûre que vous m'entendrez y faire référence au cours des prochaines semaines dans le cadre de notre étude de l'entreprise McKinsey —, on peut lire ceci: « McKinsey s'est infiltrée dans les organismes fédéraux et d'État en vendant l'idée que les fonctionnaires ordinaires n'avaient pas la formation et l'expérience nécessaires pour comprendre les nuances du [gouvernement]. »
Je pense que c'est semblable à ce que Mme Carr a décrit ici.
Je vais maintenant passer à un article de la CBC datant du 4 janvier 2023, qui fait état que le ministère qui a fait le plus appel à McKinsey est Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Dans cet article, deux fonctionnaires expliquent que les nombreuses décisions stratégiques ont été prises par McKinsey plutôt que par des fonctionnaires. Ils affirment également que ces décisions stratégiques ont été prises sans que l'intérêt public soit la priorité absolue.
Madame Carr, quel est le moral des fonctionnaires lorsque des sociétés d'experts-conseils arrivent et reprennent les projets des fonctionnaires?
:
Merci, monsieur le président.
Merci, présidente Carr et monsieur McAuley, de vous joindre à nous encore une fois au Comité des opérations gouvernementales et de vos excellents témoignages. De plus, merci aux formidables fonctionnaires que vous représentez.
Nous avons vécu tellement de choses au cours des deux dernières années. Grâce aux travailleurs — les fonctionnaires que vous représentez — qui sont engagés et dévoués, les Canadiens ont pu traverser les deux années les plus difficiles. Je voulais simplement vous remercier, au nom de toux ceux qui sont autour de cette table, du travail extraordinaire de vos membres.
Depuis environ 2015, notre gouvernement a énormément investi dans nos fonctionnaires. Vous pouvez regarder le fait que depuis 2015, lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, nous avons embauché environ 60 000 employés à temps plein dans la fonction publique, ce qui représente un investissement d'environ 20 milliards de dollars supplémentaires. Ce sont 60 000 employés à temps plein qui ont été embauchés. Je ne dirais pas que ce gouvernement fédéral hésite à ramener des services à l'interne ou à investir dans notre fonction publique.
Je voulais simplement vous demander de commenter le fait que nous avons vu une croissance énorme du nombre de fonctionnaires à temps plein et un investissement accru dans notre fonction publique fédérale.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Carr, monsieur McAuley, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'être parmi nous.
Vous avez déjà répondu à ma première question, qui porte sur le problème lié au fait de recourir à des consultants. On parle ici de McKinsey & Company, mais on fait appel à plusieurs autres entreprises. S'il manque des éléments, vous pourrez les ajouter, mais vous avez répondu que ces entreprises n'étaient pas tenues aux mêmes normes éthiques, à la divulgation et à la reddition de comptes. Elles ne sont même pas tenues de respecter les mêmes normes en matière de diversité et d'inclusion.
Faire appel à des consultants peut être nécessaire. Ayant connu le milieu scolaire, je sais qu'on peut être amené à faire appel à des services externes pour créer l'étincelle de créativité qui permet de trouver une solution. Cela arrive parfois. Cependant, lorsque les consultants n'ont pas les mêmes normes, cela ne peut-il pas devenir une façon de contourner les règles afin de faire appliquer de nouvelles idées? C'est la question que je me pose.
Pour ce qui est du recours à des consultants, votre syndicat a-t-il reçu beaucoup de griefs de la part des fonctionnaires? Le cas échéant, combien y en a-t-il eu et pour quels motifs?
Commençons par ces deux questions.
:
Merci beaucoup, madame Carr, d'avoir comparu devant nous.
Monsieur McAuley, c'est toujours un plaisir de vous voir.
Je vous permets à tous deux de prendre congé. Merci encore d'avoir été parmi nous. Nous vous sommes reconnaissants de vos observations.
J'aimerais régler — très rapidement, je l'espère — quelques questions administratives.
Pour la première question, je vais demander un consentement unanime ou ce que désire le Comité. Je crois que les documents que nous avons reçus de GC Strategies étaient incomplets puisqu'ils manquaient les factures que nous avons demandées. L'ASFC nous les a fournies, contrairement à GC Strategies. Je vous demande, chers membres du Comité, de donner l'aval au président pour qu'il les demande par écrit à la compagnie. Nous procéderons comme par le passé: nous obtiendrons les versions non caviardées. Les versions caviardées seront diffusées publiquement au terme du processus approprié.
Est‑ce que cette approche vous convient?
Des députés: D'accord.
Le président: Parfait.
Nous avons reçu des documents, qui ont tardé, sur les frais de déplacement de la gouverneure générale. Vous les avez reçus. Ils proviennent du MDN, de la GRC et d'Affaires mondiales. Ils ne représentent pas grand-chose de nouveau. Je demande au Comité la permission de les publier à l'instar de l'autre liasse volumineuse que nous avons reçue.
Des députés: D'accord.
Le président: Parfait.
Le dernier élément porte sur la lettre de la société McKinsey, que vous avez tous lue et qui stipule deux demandes: la production de documents sur une base continue et le souhait de discuter de modalités de protection en matière de confidentialité. À titre de président, je dirai rapidement que, à mon avis, la motion décrivait clairement le souhait du Comité. Je demande toutefois l'opinion du Comité pour déterminer si nous devrions nous en tenir au délai de cinq semaines, comme nous le demandions, ou si nous permettons à la société de produire des documents au fur et à mesure où ils seront disponibles. Je vous demande aussi si vous voulez discuter de la possibilité d'offrir à McKinsey une protection en matière de confidentialité. Ici encore, la motion diffère de la demande.
Allez‑y, monsieur Housefather.
:
Je peux comprendre ce que dit M. Housefather. Je n'ai rien contre votre idée de leur demander plus de précisions sur ce à quoi ils pourraient faire allusion, mais j'ai deux observations à faire.
Tout d'abord, d'après ce que la majorité des membres du Comité ont proposé, l'objectif de l'étude et de la lettre était de mettre en lumière et de rendre transparent tout le travail de McKinsey afin que nous puissions mieux comprendre et évaluer son rôle auprès du gouvernement.
Ensuite, et je pense que cela découle du premier point, je n'accepte pas — et je crois qu'aucun de mes collègues de ce côté‑ci de la table n'accepterait, de quelque manière que ce soit — que l'on cache des renseignements au Comité ou que l'on refuse d'être complètement transparent en l'absence d'une raison valable justifiant la décision de ne pas nous transmettre ces renseignements.
Je suis ouverte à l'idée proposée par M. Housefather, c'est‑à‑dire celle d'obtenir une liste des questions potentielles, mais je suis sceptique. Je le dis d'emblée. Je pense qu'il faudrait un très bon raisonnement, et si je peux me le permettre, monsieur le président, ce n'est pas la première fois que McKinsey agit ainsi. À la page 59 du livre When McKinsey Comes to Town, on peut lire qu'un groupe de conseillers, Missouri Health Care for All, s'est également interrogé sur la société McKinsey. Les membres du groupe ont écrit qu'il leur était impossible de savoir si McKinsey avait des conflits d'intérêts parce qu'ils ignoraient qui étaient tous ses clients actuels.
Il me semble que McKinsey a l'habitude de ne pas vouloir jouer franc jeu quand vient le temps de fournir des renseignements sur ses clients. Comme je l'ai dit, s'il y a des préoccupations légitimes, comme la sécurité des personnes ou de véritables intérêts en matière de sécurité nationale, je suis disposée à en tenir compte, mais ce n'est certainement pas quelque chose qui devrait empêcher notre comité, en tant qu'organisme représentant la population, d'avoir pleinement accès à ces documents aux fins de son étude.
Je vous remercie.
:
Est‑ce que cette approche vous convient? Je pense que nous avons établi la marche à suivre.
Très rapidement, parce que je m'apprête à clore la séance, à propos du calendrier des travaux, nous allons essayer d'organiser — et c'est loin d'être une tâche facile, étant donné l'horaire de tout le monde — un comité de travail ou un sous-comité, mais pour le moment, à cause de la difficulté à concilier les horaires des témoins et des ministres, nous allons essayer de mener cette étude pendant tout le mois de février. Ensuite, nous aurons à examiner les budgets de dépenses qui seront présentés. D'ici là, c'est ainsi que nous procéderons, et si quelque chose de plus important se présente, nous nous en occuperons.
Parlons maintenant du projet de voyage. J'ai envoyé un texto à tout le monde. Il s'agit du voyage dans le cadre de l'étude sur la construction navale, que l'on reporte sans cesse. Je crois que les conservateurs cherchent à savoir si ce déplacement devrait avoir lieu pendant une semaine de séance. J'ignore si les libéraux veulent toujours faire le voyage ou si mes collègues conservateurs sont partants.
Si je ne me trompe pas, les conservateurs vont voir s'il leur sera possible de faire le voyage pendant une semaine de séance. Je crois qu'on ne veut pas se déplacer durant une semaine de relâche en raison de l'horaire de M. Johns. C'est dommage, mais, par souci d'équité, nous devons tenir compte de l'horaire de M. Johns parce que sa circonscription se trouve dans un endroit très difficile d'accès.
Je demanderai donc à chaque parti de consulter les whips pour savoir en quoi consistent leurs décisions. Ensuite, nous consacrerons quelques minutes mercredi...
Une voix: [Inaudible]
Le président: Je suis désolé. Puis‑je avoir la parole?
Nous disposons, à tout le moins, d'un budget déjà établi depuis la dernière fois. Nous avons jusqu'au 8 février pour le déposer. Je propose que le Comité en fasse le dépôt, ne serait‑ce que pour signaler un intérêt. Par la suite, si les partis ont d'autres plans pour notre calendrier, eh bien, qu'il en soit ainsi, mais nous ne voulons pas rater la date limite du 8 février.
Je sais que Mme Vignola y tient vraiment, et je rappelle qu'il s'agira probablement d'un investissement de 300 à 400 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années. Je pense donc que cela en vaut la peine. Je suis moi-même allé là‑bas plusieurs fois. C'est très utile, mais nous en resterons là.
Merci à tous de m'avoir écouté avec patience. Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de participer à la discussion d'aujourd'hui. Je vous remercie.
La séance est levée.