Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à la 58e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes ou, pour reprendre l'expression de notre président, « le tout-puissant Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires ».
Conformément à la motion adoptée par le Comité le mercredi 18 janvier 2023, nous nous réunissons pour étudier les contrats de consultation octroyés par le gouvernement fédéral à McKinsey & Company.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le jeudi 23 juin 2022. Les députés participent, selon le cas, en personne ici même ou à distance au moyen de l'application Zoom.
J'ai quelques consignes à donner aux témoins et aux députés.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Je crois que la greffière a vérifié le son et que tout est prêt.
Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre seule témoin d'aujourd'hui. Il s'agit de Mme June Winger, présidente nationale de l'Union des employés de la Défense nationale.
Vous disposez de cinq minutes, madame la présidente. La parole est à vous.
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
L'Union des employés de la Défense nationale de l'Alliance de la Fonction publique du Canada représente les 20 000 travailleurs civils de la Défense. Nos membres veillent à ce que les opérations militaires soient prêtes en tout temps et à ce que les militaires vivent et travaillent dans des endroits sûrs.
Nos membres sont des experts qui travaillent non seulement dans les bases, mais aussi dans des bureaux, des entrepôts, des aéroports, des laboratoires et des garages. Ils fournissent des services cohérents et éclairés afin que les militaires puissent servir avec agilité et qu'ils soient prêts au combat.
La privatisation, la sous-traitance, l'inconduite sexuelle, le harcèlement et la discrimination nuisent au travail de nos membres et à leur satisfaction professionnelle. Mis à part ce que nous avons appris en écoutant les délibérations de votre comité et les nouvelles, nous avons peu d'expérience avec la société McKinsey, mais les problèmes liés au contrat de McKinsey ne sont guère différents des problèmes plus généraux que présente la sous-traitance de tâches qui devraient être effectuées par la fonction publique.
Notre rapport de 2020 a mis en évidence les dangers de la sous-traitance des services de nettoyage. Nous y avons souligné que leur manque de marge de manœuvre budgétaire oblige les commandants des bases à sous-traiter régulièrement des travaux essentiels à des coûts plus élevés pour obtenir des services de moindre qualité. Par exemple, voici une citation tirée d'une note d'information du ministère de la Défense nationale, à Kingston:
On a constaté que, pour augmenter leur marge de profit, les sous-traitants utilisaient des produits nettoyants de qualité inférieure ou inadéquate, ce qui occasionnait de l'entretien supplémentaire, des problèmes environnementaux et des problèmes de santé et de sécurité [...]
Notre rapport décrit également la situation d'une travailleuse contractuelle rémunérée au salaire minimum qui nettoyait un centre médical du ministère de la Défense nationale. Pendant la plus grande partie de son emploi, elle n'avait reçu aucune formation sur le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail et elle ne savait pas que les produits chimiques qu'elle utilisait pouvaient lui nuire et faire du tort à d'autres personnes. On lui avait ordonné de diluer les solutions de nettoyage, et elle devait nettoyer des zones sécurisées sans posséder la cote de sécurité requise. Sans qu'elle en soit coupable, son travail a compromis la santé des patients et des autres travailleurs. Elle a fini par quitter cet emploi pour un travail mieux rémunéré dans un restaurant-minute.
Le harcèlement au sein du ministère est systémique et bien ancré, mais il ne se limite pas aux militaires. Des pompiers de la base de Suffield ont accusé le chef adjoint des pompiers d'user de violence, alors que le chef de la caserne restait les bras croisés. Les plaintes de 2019 ne sont pas encore réglées. La direction a fait fi de la loi et retardé inutilement l'enquête pendant plus de 20 mois. Au bout du compte, les plaintes ont fait l'objet d'une enquête et, en novembre 2021, toutes les allégations d'agressions physiques, d'agressions verbales, de violence verbale et de comportements menaçants ont été jugées fondées. Quelle a été la réponse de l'équipe de direction? Elle a invité l'agresseur à revenir sur le lieu de travail et lui a permis de décider quand et avec qui il travaillerait.
Les demandes répétées que j'ai adressées à la direction du ministère de la Défense nationale pour offrir un environnement sûr à ces pompiers sont restées lettre morte. Cela fait 40 mois que les plaintes ont été déposées, et les dirigeants de la base de Suffield m'ont fait savoir qu'ils n'ont pas reçu d'instructions de leur chaîne de commandement indiquant que leurs actions ne sont pas appropriées ou qu'elles doivent être corrigées.
Le ministère de la Défense nationale doit se conformer aux exigences législatives décrites dans la partie II du Code canadien du travail, ce que les dirigeants de la base de Suffield ont refusé de faire. Ces pompiers continuent de vivre dans un environnement de travail toxique et empoisonné. Le ministère de la Défense nationale doit faire respecter les politiques en matière de harcèlement et veiller à ce que ceux qui commettent de tels actes en subissent les conséquences, et les travailleurs civils doivent être inclus dans tous les aspects d'une révision des systèmes actuels.
Quant à la satisfaction professionnelle, les écarts salariaux constituent un problème majeur, car les travailleurs opérationnels du ministère sont moins bien payés que leurs homologues du secteur privé. Cela pose des problèmes de recrutement et de rétention, sans parler des répercussions sur le moral des membres de l'équipe de la Défense nationale.
Par exemple, les Services de santé des Forces canadiennes emploient des hygiénistes dentaires pour veiller à ce que les soins bucco-dentaires des militaires soient bien entretenus. Les mises à pied massives découlant du budget fédéral de 2012 ont poussé le ministère à sous-traiter le travail des hygiénistes. Depuis 2016, les Services de santé des Forces canadiennes tentent de réintégrer le travail dans la fonction publique, mais en vain, car la rémunération de la fonction publique est beaucoup moins élevée que celle du secteur privé. Par conséquent, le ministère de la Défense nationale continue de payer des entrepreneurs pour qu'ils viennent travailler. Ceux‑ci travaillent aux côtés des fonctionnaires et effectuent exactement le même travail. La seule différence, c'est que l'hygiéniste contractuel gagne 6 $ de plus l'heure que le fonctionnaire.
(1545)
Pour une raison quelconque, le ministère de la Défense nationale semble penser que le fait de payer ses entrepreneurs à partir d'un poste budgétaire différent de celui de ses fonctionnaires lui permet d'économiser de l'argent. Il a oublié que ce sont les mêmes contribuables qui paient la note.
Je vous remercie de votre attention, et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui, madame Winger. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je voudrais d'abord parler de la situation que vous avez évoquée concernant les pompiers. C'est un métier pour lequel nous avons beaucoup de respect, de ce côté‑ci de la Chambre.
Nous avons remarqué qu'il existait un écart entre les pompiers du pays et ceux au service de la Défense nationale, ces derniers ne pouvant recevoir leur pension de retraite qu'après 30 ans de service ou à l'âge de 65 ans. En réalité, ils travaillent aux côtés de ceux qui ont droit à la retraite après 20 ans de service.
Sachez que mon collègue, Damien Kurek, député de Battle River-Crowfoot, et moi-même, en ma qualité de ministre du cabinet fantôme pour le Conseil du Trésor, avons envoyé aujourd'hui une lettre à la ministre Fortier pour lui demander de remédier à cette situation et de mettre les pensions des pompiers au service de la Défense nationale sur un pied d'égalité avec celles des pompiers de l'ensemble du pays. Ils méritent certainement les mêmes droits et avantages que leurs confrères et consœurs de tout le pays.
Je suis ravie de pouvoir annoncer cela ici aujourd'hui, à la suite de ce que vous avez dit. Je vous remercie de me donner l'occasion de souligner cette bonne nouvelle. J'espère vraiment que la ministre reconnaîtra — et c'est la seule chose convenable à faire — que le travail de ces pompiers doit être considéré et valorisé au même titre que celui des pompiers d'autres administrations à l'échelle du pays.
Bref, je vous remercie de me permettre de signaler cela aux Canadiens aujourd'hui.
Je reconnais que vous n'avez pas beaucoup travaillé avec des sociétés d'experts-conseils ou, plus particulièrement, avec McKinsey. Vous avez mentionné de nombreuses situations dans lesquelles il existe une grande disparité entre le secteur privé et le secteur public. Selon moi, le gouvernement doit se pencher davantage sur cette question. En plus d'assurer la prestation de services aux Canadiens, le gouvernement doit prendre la responsabilité d'offrir des salaires concurrentiels à ses fonctionnaires afin d'attirer les meilleurs talents et de fournir les services que les militaires et tous les Canadiens méritent.
D'après vous, l'impartition du travail à des consultants privés a‑t‑elle eu des répercussions sur vos collègues de la Défense nationale? Qu'en pensez-vous?
Cela ne concerne nécessairement pas le cas particulier de McKinsey, mais plutôt la façon dont le ministère de la Défense nationale confie des travaux à des consultants externes.
Je vous remercie de votre lettre sur la pension des pompiers. C'est un problème que nous essayons de régler depuis 20 ans.
La disparité entre les pompiers, fédéraux et autres, est encore plus grande que ce que vous avez décrit. Ils ont une semaine de travail de 44 heures par rapport à 37,5 heures pour la plupart des autres fonctionnaires. Ils finissent par travailler près de six ans de plus pour la même pension; pourtant, ils versent des cotisations. C'est pourquoi je vous suis très reconnaissante de la lettre que vous avez envoyée. Nous faisons preuve d'un optimisme prudent.
Manifestement, il existe une disparité entre le secteur privé et la fonction publique. C'est très évident sur le plan des salaires concurrentiels. Comme vous le savez sûrement, si cette question n'est pas réglée rapidement, le Canada connaîtra probablement la plus grande grève de son histoire.
En ce qui concerne la sous-traitance, c'est un sujet très difficile et très délicat pour nos membres. Ils sont conscients du travail qu'ils pourraient faire, et qu'ils avaient l'habitude de faire, pour soutenir les militaires. Au lieu de cela, ils voient que le travail est sans cesse confié à des sous-traitants.
Il existe deux idéologies différentes en matière de sous-traitance. Les sous-traitants soutiennent peut-être les militaires, mais ils sont là pour gagner de l'argent. Au bout du compte, c'est leur objectif, alors que celui des fonctionnaires est de s'assurer que la mission se déroule avec succès et au mieux de leurs capacités. Ces deux visions s'opposent de temps à autre.
Nous le constatons régulièrement. Mon propre bureau se trouve dans l'édifice du Centre de technologie antiterroriste à Suffield, en Alberta. Nous y avons fait construire un bâtiment. Or, j'ai remarqué que le système de chauffage et de climatisation de mon bureau était clairement défectueux. J'ai communiqué avec CDC, Construction de Défense Canada, qui supervisait la rénovation. On m'a répondu: « Non, nous avons vérifié nos dossiers. Tout est dans l'ordre. » Je me suis alors rendue au ministère de la Défense nationale et j'ai demandé à quelques-uns de mes amis qui travaillent dans les métiers de venir jeter un coup d'œil au bâtiment, et...
Il s'avère que la circulation d'air dans le bâtiment n'était pas équilibrée. Le contraire aurait été tout bonnement impossible. L'entrepreneur et le sous-traitant avaient tous deux signé une déclaration confirmant que tout était dans l'ordre, mais il y avait littéralement des pièces de métal dans les unités de traitement de l'air, ce qui aurait empêché l'équilibrage.
C'est un exemple très courant de choses que nous avons observées. Je pourrais vous en parler jusqu'à demain matin.
Je tiens à vous remercier, madame Winger, de votre présence parmi nous aujourd'hui et du travail que vous et vos membres faites pour assurer la sécurité de nos militaires et de notre pays, en plus des autres bonnes choses que vous accomplissez.
Je dois vous poser quelques questions avant d'entrer dans le vif du sujet, car nous avons dû mettre de côté notre étude générale sur la sous-traitance pour nous occuper du dossier McKinsey. Nous avons eu de nombreuses réunions à ce sujet parce que certains ont laissé entendre que les contrats octroyés à McKinsey étaient quelque peu fâcheux, qu'il y avait eu une ingérence politique et que les contrats avaient été accordés à des amis du gouvernement.
Madame Winger, avez-vous connaissance d'une quelconque ingérence politique dans les contrats octroyés à McKinsey?
Vous n'avez aucune raison de mettre en doute le rapport de vérification qui a été publié et qui indique qu'il n'y a pas eu d'ingérence politique liée aux contrats.
Je comprends parfaitement, mais nous sommes ici pour discuter de l'affaire McKinsey. C'est pourquoi je dois vous poser ces questions. Si vous n'avez pas d'information à fournir, sentez-vous libre de le dire.
En ce qui concerne les contrats, je comprends et, en fait, je partage votre point de vue sur les nettoyeurs, car il s'agit d'une fonction essentielle que les employés sont normalement appelés à remplir. En revanche, les contrats octroyés à McKinsey concernaient, par exemple, des services d'analyse comparative, qui ne sont pas des fonctions essentielles du ministère de la Défense nationale.
Seriez-vous d'accord pour dire qu'il y a une différence entre les services de nettoyage et les services d'analyse comparative lorsque le ministère de la Défense s'occupe de quelque chose qui ne fait pas partie des fonctions essentielles des employés?
Je dirais qu'il y a une différence entre les services de nettoyage et les services d'analyse comparative. Je pense que la plupart des gens seraient d'accord là‑dessus; cependant, je dirais que les services d'analyse comparative sont quelque chose que les membres pourraient fournir. Ces membres travaillent à la Défense nationale depuis plus de 30 ans. Ils ont vu une enfilade de gens et de nouveaux plans. Ils ont vu les dirigeants se succéder et, pourtant, ce problème persiste. Nous connaissons bien les défis de notre travail et les voies à suivre.
Je pense que nous avons beaucoup à offrir en matière d'analyse comparative et, grâce à une consultation adéquate, je pense que l'on pourrait faire beaucoup plus.
Franchement, il s'agit davantage d'écouter et d'agir que de s'asseoir et de suivre le discours que l'on veut entendre. C'est l'un des défis que nous devons relever au ministère de la Défense nationale. C'est ancré dans la tradition, chose que le ministère aime protéger et maintenir.
Je comprends. Je pense qu'un dialogue entre les deux parties est toujours très important. J'estime qu'il faut s'écouter l'un l'autre. En l'occurrence, par exemple, je comprends ce que vous dites, mais l'analyse comparative implique aussi de regarder ce qui se passe à l'extérieur du Canada, d'examiner les pratiques à l'étranger qui pourraient servir de pratiques exemplaires comparables. Les fonctionnaires du ministère ont‑ils une telle expertise?
Nous avons certainement une grande expertise dans ce domaine, car nous collaborons régulièrement avec d'autres armées — pas seulement avec les militaires, mais aussi avec les civils. Dans le cadre de mon travail, je collabore souvent avec d'autres personnes au sein de l'OTAN. C'est une pratique courante.
Je ne dis pas que c'est leur expertise; ce n'est pas du tout ce que je dis, mais je soutiens que personne ne connaît mieux son travail que les travailleurs eux-mêmes — je le répète, personne.
Je suis d'accord pour dire que personne ne peut mieux connaître le travail de quelqu'un que la personne qui l'exécute. Lorsque j'étais directeur, j'ai toujours cru qu'il fallait connaître son travail aussi bien que son subordonné, parce qu'il fallait être en mesure de justifier pourquoi on était là. Il faut être capable de comprendre ce qu'ils vivent chaque jour, donc je vois ce que vous dites.
Je pense simplement que c'est un peu différent, encore une fois parce que cela implique une connaissance approfondie qui n'est pas le propre du contact quotidien entre nos forces. Je suppose que je me contenterais de poser la question. Je comprends, et je pense que nous le reconnaissons tous, qu'il est nécessaire d'examiner attentivement le fonctionnement de la sous-traitance au sein du gouvernement fédéral et d'établir dans quelle mesure nous y avons recours, en dehors de nos capacités à répondre aux périodes de pointe ou de ce qui a trait à des services spécialisés qui ne seraient pas des services de base. Vous conviendrez qu'il y a des cas où c'est nécessaire — par exemple, pour répondre à une hausse marquée des besoins ou pour assurer des services spécialisés qui ne feraient pas partie de l'ordinaire. Ce serait intermittent et vous n'en auriez besoin qu'une ou deux fois par an, mais il y a parfois des cas de figure où la sous-traitance est nécessaire, non?
Il y a certainement des situations qui cautionnent ce recours. Cela se produit lorsque le travail demandé porte sur un domaine spécialisé qui ne fait pas partie des besoins ordinaires et qui ne sera pas requis sur une base continue, bien sûr, mais il est presque impossible d'établir ce que c'est parce que les renseignements que l'on nous donne sur la sous-traitance sont très limités. Même lorsque nous avons rédigé notre rapport de 2020, j'ai présenté 45 demandes d'accès à l'information. J'attends toujours une réponse pour 27 d'entre elles.
Lors des discussions qui se sont tenues autour de cette table en début de semaine, j'ai vu des formulaires entièrement expurgés et des pages complètement vierges. C'est une source constante de frustration. Franchement, lorsqu'il s'agit de se faire une idée de ce que représente la sous-traitance à la Défense nationale, je ne sais pas s'il y a beaucoup de coordination.
Cela me rappelle l'époque où j'étais vice-présidente pour l'Alberta, dans le Nord, et que j'ai rencontré le commandant de la zone ouest des forces terrestres d'alors et que je lui ai demandé de me fournir la liste de tous les contrats de sous-traitance qui avaient été accordés sous ses ordres. Il m'a dit qu'il allait devoir mettre son bureau au complet sur pause pendant toute une année et ne travailler que sur cela, et que même dans ces conditions, il n'allait toujours pas être en mesure de me dire combien de contrats étaient en cours, donc je ne suis pas certaine que nous allons être en mesure de nous mettre d'accord sur ce point.
Madame Winger, vendredi dernier, pratiquement en catimini, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié une mise à jour concernant l'enquête sur l'octroi de contrats à la firme McKinsey. Plusieurs éléments ont été soulevés: des signatures manquantes, des documents essentiels manquants dans le cas de plusieurs attributions, des paiements à la firme faits avant même qu'elle n'ait rendu ses services, et j'en passe. J'ai une liste d'une douzaine de points. C'est une longue liste de manquements, et il semble que ce ne soit que le début.
Avez-vous eu connaissance que des ordres avaient été donnés à vos membres pour accélérer l'octroi de contrats s'ils ont à le faire, notamment à la firme McKinsey ou à toute autre firme, en faisant fi des règlements et des politiques en vigueur liés à l'octroi de ces contrats?
Si jamais un de vos membres venait à vous signaler que des manquements aux procédures ou à l'application des règlements et des politiques avaient eu lieu, que seriez-vous en mesure de faire pour le soutenir et vous assurer que l'octroi de contrats est fait dans les règles de l'art?
C'est quelque chose qui est un peu difficile. Nos membres sont certainement invités à faire part de leurs observations à la chaîne de commandement, à la direction. Ils peuvent également me faire part de leurs observations. Lorsque je soulève des questions avec mes homologues du ministère de la Défense nationale, je peux leur faire part de mes observations. Je peux leur faire part des préoccupations des membres, mais il n'y a aucun moyen de pression pour les obliger à faire quoi que ce soit. Il ne nous reste plus qu'à suivre les mêmes voies que tout le monde, c'est‑à‑dire, peut-être, déposer une plainte auprès du bureau des actes répréhensibles, de l'ombudsman ou d'autres groupes de ce genre.
Je dirai que lorsque les membres ont verbalisé leurs préoccupations par le passé, ils ont eu l'impression que ces dernières étaient balayées du revers de la main. Ils ont eu l'impression que leurs préoccupations n'allaient pas être prises en considération et qu'il était probablement dans leur intérêt, pour leur avancement sur le plan professionnel, d'envisager d'autres choses, mais je ne peux pas donner de détails précis à ce sujet.
Parmi vos membres, il y a donc des gens qui, par le passé, ont fait des observations qui auraient pu mener à une amélioration des pratiques et à des économies sur le plan des opérations, mais qui, en fin de compte, ne se sont pas sentis écoutés et n'ont pas senti un désir d'améliorer la situation de la part de gens plus haut placés. Sinon, ils n'ont tout simplement pas parlé. Ai-je bien compris?
Par le passé, il a été porté à mon attention qu'au sein même du fonctionnariat, des employés obtenaient un contrat, mais étaient ensuite mis à pied pendant quelques semaines avant d'être réengagés. Cela avait pour effet que ces personnes n'avaient pas accès à un fonds de pension ni à certaines protections, notamment.
À votre connaissance, est-ce une pratique qui a encore cours au ministère de la Défense nationale?
Il a été porté à mon attention il y a quelques mois que des gens recevaient des contrats temporaires de quelques semaines ou de quelques mois, puis étaient mis à pied pour deux ou trois semaines avant d'être réengagés. Ces gens passaient leur vie professionnelle comme cela, mais, en fin de compte, ne pouvaient pas recevoir de pension ni d'autres avantages sociaux.
À votre connaissance, est-ce que cette pratique a encore cours au ministère de la Défense nationale?
C'est une pratique que je connais bien. Il est difficile de savoir exactement à quel point elle est courante, parce que ces employés sont très inquiets de ne pas être repris pour le prochain contrat.
Ce dont vous parlez s'applique habituellement aux travailleurs occasionnels. Ils travaillent pendant un maximum de 90 jours sur un contrat particulier au cours d'une année civile.
Je pense à un exemple qui s'est passé à Gagetown. Il y avait un groupe de 30 travailleurs occasionnels dont les noms étaient inscrits sur un tableau. Si quelqu'un prenait un congé ou ne se présentait pas un jour donné, ils effaçaient littéralement son nom du tableau et le remettaient au bas de la liste pour qu'il sache qu'il serait le dernier à être appelé. C'était une façon très mesquine de gérer les gens.
Est-ce que cette méthode de gestion donne à ces gens le sentiment d'avoir moins de comptes à rendre qu'un fonctionnaire qui est là à longueur d'année? Je ne remets pas en question leur compétence ou leur désir de bien travailler, mais je me demande si on voit une différence dans leur motivation et leur implication au sein du fonctionnariat.
Pourrais‑je avoir une réponse très rapide, s'il vous plaît? Je vous ai donné plus de temps parce que je sais que vous avez dû répéter votre question, alors pourrions-nous avoir une réponse rapide de 10 ou 15 secondes? Je vous remercie.
Ces employés se sentent incroyablement vulnérables et ils ont l'impression d'avoir à accepter à peu près tout ce qu'on leur demande, quel que soit le bien-fondé de la demande.
Merci, et merci à Mme Winger de sa présence. Merci d'avoir défendu les intérêts de tous vos membres. Je tiens à remercier vos membres pour les services incroyables qu'ils rendent jour après jour pour soutenir notre pays et défendre les intérêts supérieurs des Canadiens.
Grâce aux documents du ministère de la Défense nationale, nous avons appris que ce dernier a confié à McKinsey un contrat pour — je paraphrase — conseiller et prêter main-forte à l'élaboration d'un plan de dotation transformationnel. En gros, McKinsey analysera les rôles, les responsabilités, la formation et plus encore pour toutes les catégories de personnel, y compris les travailleurs de la fonction publique et les employés contractuels.
McKinsey formulera également des recommandations sur les changements qu'il y aurait lieu d'apporter à l'organisation et au lieu de travail, y compris à certains éléments des services du Commandement des opérations interarmées du Canada qui, selon le gouvernement, conviendraient le mieux à la sous-traitance.
Pouvez-vous me dire si le syndicat a comme il se doit été consulté avant l'octroi de ce contrat? J'aimerais aussi savoir comment vous réagissez à l'octroi de ce contrat. Avez-vous des réserves à ce sujet? Pensez-vous qu'il y a là matière à conflit?
Il n'y a pas eu de consultation à cet égard, et il aurait certainement dû y en avoir une.
Nous avons des réunions du comité de consultation où sont représentés le syndicat et la partie patronale. Notre mandat est très clair. Il définit la consultation et le moment où elle doit avoir lieu. La consultation est censée nous permettre, dans la mesure du possible et le plus tôt possible, de savoir si quelque chose s'en vient.
Quelle était la deuxième partie de votre question?
Elle portait sur les réserves que vous pourriez avoir à ce sujet.
J'ai moi aussi du mal à me faire à cela et j'aimerais connaître votre point de vue. Une société d'experts-conseils très bien payée est en train de faire des recommandations sur des changements organisationnels qui touchent la main-d'œuvre, aussi bien en ce qui concerne les employés sous-traités que les prises de décisions au sujet des employés du secteur public. Êtes-vous préoccupée par le fait que des décisions soient prises au sujet des employés sous-traités et des employés du secteur public?
Absolument, et il ne fait aucun doute que cela me préoccupe.
Je n'ai jamais vu d'entrepreneur regarder cela et conseiller le gouvernement d'aller dans le sens du service public. Je n'ai jamais vu de preuves tangibles à cet égard. On semble toujours s'appuyer sur des raisons bancales qui ne sont pas sensées et qui ne tiennent pas compte de l'ensemble du contexte ou des problèmes qu'il pourrait y avoir.
Je pense à mon homologue britannique, qui m'a raconté de nombreuses histoires au sujet de la sous-traitance au ministère de la Défense du Royaume-Uni et de tous les problèmes qui en ont résulté. Absolument rien de cette sous-traitance n'a profité aux citoyens du Royaume-Uni ou au ministère de la Défense britannique. Ce sont des problèmes qui ne sont pas nouveaux.
Les entreprises de ce type semblent toujours manquer de transparence. Nous ne savons jamais ce qu'elles examinent. Nous ne savons jamais exactement avec qui elles s'entretiennent. Il est toujours difficile de se fier aux résultats qu'elles nous fournissent.
Il faut également tenir compte de la loyauté des entreprises. Les fonctionnaires prêtent serment. Nous jurons fidélité au Canada et nous recherchons toujours ce qu'il y a de mieux pour la défense nationale. Nous devons respecter un code de déontologie. Nous continuons à suivre les plans d'équité en matière d'emploi. Tout cela est contourné lorsqu'on fait intervenir le secteur privé. L'objectif ultime du secteur privé est de gagner de l'argent, et il le peut. C'est bien, mais ce n'est pas ce qu'il y a de mieux comme rendement pour les Canadiens.
Je pense que pour eux, l'objectif ultime est de se créer du travail pour l'avenir.
Une chose que les membres nous ont dite, c'est qu'ils ont tenté de justifier le recours à la sous-traitance par l'augmentation des besoins. Nous comprenons cela, mais vous avez parlé tout à l'heure de l'hygiéniste qui travaille avec l'autre hygiéniste et qui gagne plus d'argent que lui. Il ne s'agit pas d'une aide d'appoint, mais d'une pratique courante.
Il y a beaucoup de choses qui ne tournent pas rond. Lorsque nous avons procédé à des licenciements massifs en 2012 — je pense qu'ils visaient environ 19 000 personnes —, les personnes visées n'étaient pas les cadres supérieurs ou les directeurs, mais bien les abeilles ouvrières.
Ce sont ces mêmes travailleurs, ceux qui font tout le travail, qui manquent aujourd'hui à l'appel. Il nous reste une poignée d'hommes de métier qui s'empressent d'essayer d'aider les entrepreneurs. C'est ce qu'ils finissent par faire.
Les entrepreneurs viennent et font le travail qu'on leur demande, et parfois ce qu'ils font n'est pas exactement ce qu'on leur demande. On compte sur les fonctionnaires pour terminer le travail, apporter les corrections nécessaires et faire tout ce manque. C'est ce que nous constatons sans arrêt.
Je vous remercie. Vous avez terminé votre temps de parole.
Nous avons terminé la première série d'interventions. Nous passons maintenant aux séries de questions de cinq minutes. Nous allons commencer par le député Barrett.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, madame, de vous être jointe à nous aujourd'hui.
Quel est l'effet sur le moral de vos membres lorsqu'ils voient des millions de dollars de contrats aller à une seule entreprise? Comme nous l'avons souligné aujourd'hui, McKinsey a reçu 15 millions de dollars du ministère de la Défense parmi un grand nombre d'autres contrats.
Quel effet cela a‑t‑il sur la culture et le moral de vos membres sur leur lieu de travail?
C'est très décourageant pour les membres lorsqu'ils savent qu'ils sont sous-payés pour ce qu'ils font. Ils voient juste à côté d'eux des gens qui font un travail similaire au leur et qui sont la plupart du temps bien mieux payés qu'eux. Ils ont l'impression que leur travail est dévalorisé et qu'il n'est pas apprécié à sa juste valeur. Ils essaient constamment de surmonter cette contrariété.
Sur les quelque 4,6 milliards de dollars dépensés par le ministère de la Défense nationale pour la sous-traitance, les 15 millions de dollars versés à McKinsey concernaient la culture. Ils étaient censés conduire à un changement de culture. Nous avons souligné à plusieurs reprises les raisons pour lesquelles je ne voudrais pas qu'une société qui a une feuille de route comme celle de McKinsey vienne donner des conseils sur la culture à mon équipe. Ayant servi dans les Forces canadiennes et ayant travaillé avec des employés du ministère de la Défense qui ne portaient pas l'uniforme, je sais qu'ils ne tireraient pas de véritables leçons d'une entreprise comme McKinsey en matière de culture. Ils seraient conscients de la nécessité d'écouter leurs pairs pour savoir où des changements doivent être apportés, et ils tiendraient compte de ce qu'ils ont à dire. Ils sont en mesure de reconnaître quand quelque chose ne fonctionne pas comme il faut et que ce n'est pas parce que les choses se font d'une certaine manière depuis longtemps qu'il n'y a pas de possibilités de les améliorer.
Dans le cadre des travaux de ce comité, j'ai attiré l'attention de la ministre sur l'état des logements à la BFC Kingston, et plus particulièrement à l'École d'électronique et des communications des Forces canadiennes, où les logements des membres qui y sont stationnés ne sont pas réparés. C'est aussi le lieu de travail de vos membres, et on y trouve de la moisissure, des infestations de rongeurs, des infiltrations d'eau et des salles de bain inadéquates.
Étant donné que le gouvernement verse de l'argent à des consultants qui coûtent très cher et qui gagnent plus que les membres en uniforme — certainement plus que les militaires du rang qui séjournent dans ces logements et que vos membres qui travaillent dans ces installations —, cela a‑t‑il un effet négatif sur le moral des effectifs? Si c'est le cas, croyez-vous que des investissements dans les infrastructures et le leadership des membres de longue date pourraient améliorer les problèmes de culture et l'espace de travail physique déprimant qui, franchement, sapent le moral des employés du ministère de la Défense et des membres en uniforme des Forces canadiennes?
Le cas de la BFC Kingston est particulièrement difficile. Aux alentours de Noël, j'ai reçu un appel téléphonique du président de la section locale, qui m'a dit qu'un de nos membres était à l'hôpital et qu'il avait été plongé dans un coma artificiel. On soupçonnait qu'il avait contracté la maladie du légionnaire. Peu de temps après, la maladie a été confirmée et nous avons trouvé des bactéries Legionella sur le lieu de travail. À cause de cette maladie, ce membre est aujourd'hui un double amputé, alors que tout ce qu'il essayait de faire, c'était d'aller travailler.
Cela a‑t‑il un effet négatif sur leur moral? Bien sûr que oui. C'est choquant d'en arriver là. À vrai dire, c'est absolument scandaleux et honteux. Avons-nous besoin d'investissements pour améliorer le moral et les lieux de travail? Absolument. Cependant, nous recevons un autre rapport. C'est ce que fait la Défense nationale: nous recevons un autre rapport, puis un autre et encore un autre. À un moment donné, ils doivent donner suite à ces rapports...
À un moment donné, ils doivent traduire ces rapports en gestes. Ils doivent en faire quelque chose et ne pas se contenter de chercher ce qui correspond au scénario convenu ou à leur finalité prédéfinie.
La solution n'est pas de continuer à chercher d'autres moyens d'aborder la question. La solution est de poser des gestes concrets.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je pense que je peux dire sans me tromper que tous les membres du Comité sont navrés de ce qui est arrivé à votre membre. C'est terrible, et je suis vraiment désolé pour lui. Je tiens à vous exprimer mes regrets.
Je tiens tout d'abord à remercier vos membres pour le travail qu'ils accomplissent. Il est incroyablement important.
Si vous me permettez de revenir aux contrats accordés à McKinsey, à quel type d'expertise la sous-traitance permet-elle au gouvernement d'accéder et qu'il n'a pas à l'interne?
Je ne sais pas ce que fait McKinsey. Chaque fois que je présente une demande d'accès à l'information pour le savoir, soit je n'obtiens pas de réponse, soit les réponses sont si lourdement caviardées qu'il est pratiquement impossible de le savoir.
Certains de ces contrats impliquent nos propres membres. Nous essayons donc de recueillir des renseignements des deux côtés et de les comparer afin de pouvoir comprendre ce que le contrat est censé contenir.
La vérification a permis de formuler quatre recommandations pour améliorer le processus d'approvisionnement. Le ministère a fourni des plans d'action pour régler ces problèmes.
Pensez-vous qu'il y a des éléments du processus d'approvisionnement actuel qui pourraient être renforcés du point de vue de la prise de décision et qui n'ont pas déjà été mentionnés dans le rapport de vérification?
Certains des contrats accordés à McKinsey étaient à fournisseur unique, en raison de la nature exclusive des offres de McKinsey & Company, pour lesquelles il n'y avait pas de revendeurs. Pensez-vous qu'il s'agit là d'une raison acceptable pour procéder ainsi?
La Défense nationale aime faire affaire avec des fournisseurs uniques pour beaucoup de contrats. Je m'interroge parfois sur la validité des motifs de cette pratique.
On s'est toujours attendu des réservistes qu'ils aient un emploi régulier. Pensez-vous que les réservistes devraient être exclus de tous les contrats de la Défense nationale, ou existe‑t‑il des circonstances dans lesquelles ils peuvent travailler pour le ministère sans être en conflit d'intérêts?
Nous avons des réservistes qui viennent travailler à la Défense nationale. Je ne vois pas pourquoi nous les embaucherions comme contractuels alors que nous pouvons utiliser leurs compétences en tant que réservistes au sein de la Défense nationale.
D'accord. Je voulais simplement poser une autre question sans qu'il y ait d'interruption.
La Politique d'inadmissibilité et de suspension qui fait partie du régime d'intégrité actuel prévoit des interdictions de 5 et 10 ans pour les entreprises jugées coupables d'une infraction. S'agit‑il de sanctions appropriées en cas de conduite contraire à l'éthique?
La deuxième partie de ma question, pour que cela figure au compte-rendu, est la suivante: le régime canadien est‑il déphasé par rapport à ceux d'autres pays?
Si je peux revenir brièvement au travail que McKinsey faisait, comme il l'a expliqué au Comité, au sujet du changement de culture qui doit se produire au sein du ministère, pourriez-vous nous dire comment vos membres pourraient effectuer ce travail?
Je pense que nos membres pourraient contribuer à favoriser un changement de culture en ayant la possibilité de parler, à partir de leur expérience, des défis à relever et des conséquences de certaines mesures qui ont fait l'objet de recommandations.
Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut que toutes les voix soient présentes à la table. C'est ce que j'ai constaté tout au long de ma carrière. Étant donné que vous comprenez la complexité des changements qui doivent se produire au sein de la Défense nationale, qui d'autres, selon vous, devraient être présents à la table pour bien comprendre toute l'ampleur et l'étendue des défis qui sont à relever, puis le plan d'action à mettre en place pour qu'on assiste à une réelle transformation au sein du ministère?
Madame Winger, le ministère de la Défense nationale aurait attribué à McKinsey de nombreux contrats, entre autres pour améliorer ses technologies et renforcer son état de préparation. McKinsey aurait également fourni des conseils à des entreprises américaines des secteurs de la défense et des technologies de l'information, ce qui suscite des interrogations au sujet de possibles conflits d'intérêts. Ces conseils ont été dispensés et des renseignements ont été recueillis, non seulement aux États‑Unis, mais ailleurs également.
Craignez-vous que la firme McKinsey utilise les données récoltées dans d'autres pays pour conseiller le Canada et qu'elle utilise les données du Canada pour conseiller d'autres pays, incluant des pays qui ne sont pas forcément des alliés du Canada?
J'ai assurément des préoccupations au sujet de la partialité.
Précédemment, ils ont dit que l'information communiquée ne concernait pas des secrets d'État, mais nous savons que les secrets d'État n'ont pas besoin d'être communiqués pour que les forces d'opposition causent des problèmes. Il suffit de penser à l'insurrection du 6 janvier, n'est‑ce pas? Aucun secret d'État n'a probablement été communiqué à ce moment‑là, mais elles en ont fait assez pour avoir des répercussions sur le gouvernement et entraver son fonctionnement. Cela fait partie de nos préoccupations.
Je pense aux munitions britanniques dans les années 1990. Ils avaient l'habitude de fabriquer leurs propres munitions. Par souci d'économie, ils ont décidé de ne plus s'en occuper et de sous-traiter. Ils ont mis à pied tous les employés. Ils ont vendu tout l'équipement. Ils ont vendu le terrain sur lequel se trouvait l'équipement. Ils ont fini par s'approvisionner en munitions auprès d'un fabricant international. Puis, au moment de la guerre du Golfe, ils n'ont pas pu obtenir de munitions. Le pays d'origine de l'entreprise n'a pas autorisé leur vente parce qu'il tentait de protéger les Saoudiens.
Il y a un problème lorsque les entreprises finissent par avoir différentes affiliations et que cela a des répercussions sur le résultat final.
Madame Winger, j'aimerais vous donner l'occasion de parler un peu de l'historique des problèmes auxquels vous et vos membres vous heurtez en ce qui concerne les postes vacants, les coupes et la sous-traitance. Pouvez-vous nous expliquer un peu à quoi ressemblent ces problèmes sous le gouvernement actuel, et à quoi ils ressemblaient sous le gouvernement précédent?
Nous faisons face à de nombreux problèmes en ce qui concerne les postes vacants.
Le ministère de la Défense nationale est comme les autres ministères. Il dispose d'une enveloppe des traitements et salaires dans laquelle il puise l'argent pour payer ses fonctionnaires, et il dispose d'un budget de fonctionnement et de gestion qu'il utilise pour payer ses sous-traitants, etc.
Depuis les réductions budgétaires de 2012, le nombre de fonctionnaires et l'enveloppe des salaires et traitements sont insuffisants — nettement insuffisants — pour offrir aux militaires les services dont ils ont tant besoin. Dans ces circonstances, nous ne sommes pas en mesure de pourvoir les postes correctement.
Je vais donner un autre exemple qui concerne les pompiers, mais je tiens à préciser que ces problèmes ne se limitent pas aux pompiers. Je pense que tout le monde comprend ce que font les pompiers et comment ils travaillent, c'est pourquoi j'aime les utiliser comme exemple.
Le bureau du chef du Service des incendies de la Défense nationale effectue des contrôles de conformité dans toutes ses casernes environ tous les cinq ans. Au cours des 3 derniers examens, c'est-à-dire depuis 15 ans, la Défense nationale a indiqué que sa caserne de Dundurn, en Saskatchewan, manquait de personnel, mais lorsque nous demandons au ministère quand il va en embaucher, il nous parle des différents problèmes budgétaires.
On parle ici des pompiers, des emplois essentiels. Le ministère investit 4,6 milliards de dollars dans la sous-traitance, mais il ne peut pas embaucher cinq pompiers supplémentaires, quand ses propres dirigeants lui disent qu'il doit le faire. Il enfreint ses propres règles. Il fait ce genre de choses.
Dans le domaine de la recherche en matière de défense, nous effectuons de nombreux essais, et nous avions l'habitude d'avoir des machinistes, des soudeurs et beaucoup d'autres gens de métier qui étaient disponibles pour nous aider, parce que nous créons, nous innovons. Nous devons utiliser des outils qui n'ont jamais été utilisés auparavant, n'ont jamais été inventés. Cela fait partie de notre travail. Lorsque nous avons un essai en cours et que nous voulons un certain machin, nous ne pouvons pas demander simplement au machiniste, au soudeur ou à n'importe qui d'autre de le faire; nous devons aller en ville et voir si nous pouvons trouver quelqu'un qui est prêt à tout laisser tomber et à le fabriquer. Entretemps, l'essai reste en suspens. Tous les gens qui sont venus du monde entier sont là à se tourner les pouces en attendant que le machin soit construit, alors qu'avant, nous l'avions...
Je m'excuse de vous interrompre encore, mais j'étire souvent le temps pour vous permettre de terminer votre pensée. Je vous remercie de si bien représenter vos membres.
Madame Winger, je joins ma voix à celle de mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue. Je crois qu'il est important d'entendre le point de vue du syndicat que vous représentez sur cette question.
Je ne sais pas si vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire tous les types de compétences ou de professions que vous représentez. Je suis allée rapidement sur le site Web et j'ai vu que l'Union des employés de la Défense nationale est en fait l'un des plus grands éléments de l'Alliance de la fonction publique. Vos membres font partie d'un large éventail de professions, et je vais les énumérer: ouvriers, pompiers, équipages de navire, divers métiers spécialisés, services administratifs, services de nettoyage, services de restauration, technologues, techniciens, linguistes, programmeurs d'ordinateur, experts en logistique, ingénieurs, administrateurs médicaux, mathématiciens, bibliothécaires, analystes financiers, spécialistes des sports récréatifs, commis de vente au détail... Et la liste n'est pas complète. Vous représentez des gens qui offrent un très grand nombre de services.
J'aimerais vous poser une question sur ce que nous a dit la présidente du Conseil du Trésor. Elle nous a dit que le pourcentage des dépenses du gouvernement consacrées aux services professionnels est resté relativement conforme à la taille de la fonction publique. En d'autres termes, la sous-traitance de services demeure la même que la taille de la fonction publique.
Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Pensez-vous que la proportion de la main-d'œuvre en sous-traitance est relativement la même que celle de la fonction publique, ou qu'elle dépasse la taille de la fonction publique?
Je pense qu'elle est beaucoup plus élevée qu'elle ne devrait l'être. Le travail pourrait être effectué par des fonctionnaires tout aussi bien formés, encore plus expérimentés et encore plus conscients des besoins du ministère, et nous pourrions gérer cela beaucoup mieux qu'en se contentant de recourir à la sous-traitance.
Il faut dire que la plupart de nos gestionnaires sont des militaires et, même s'ils s'acquittent avec brio de leurs responsabilités à l'endroit des Forces armées canadiennes, je n'ai jamais rencontré un militaire qui s'est enrôlé parce qu'il voulait gérer des fonctionnaires.
Par conséquent, opter pour la sous-traitance est une avenue très facile au lieu d'essayer d'augmenter la charge de travail et d'avoir à gérer cela.
L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, qui représente les travailleurs de l'informatique à la Défense nationale, a analysé 194 appels d'offres de la Défense nationale entre janvier 2018 et septembre 2020, et a constaté que 151 griefs avaient été déposés pour des travaux en sous-traitance. Les raisons invoquées pour justifier la sous-traitance étaient qu'il n'y avait pas les compétences requises à l'interne, qu'il y avait des problèmes de recrutement et de maintien en poste et que le processus de dotation fédéral était long et complexe.
Vous avez peut-être déjà abordé certains de ces points, mais ma question est la suivante: votre syndicat a‑t‑il déposé des griefs liés à la sous-traitance?
Nous n'avons déposé aucun grief parce que nous n'avons pas réussi à obtenir du Conseil du Trésor qu'il nous permette d'intégrer cette disposition dans notre convention collective, comme c'est le cas pour la convention collective de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.
Madame Winger, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui et de votre dévouement.
La vérification de l'ombudsman de l'approvisionnement a recommandé de renforcer la diligence raisonnable, ce que le ministère a accepté de faire. Pensez-vous que cela permettra de remédier aux futurs problèmes de conformité dans le processus administratif?
Cela dépendra de la manière dont ils procèdent, n'est‑ce pas? Nous avons un grand nombre de contrats à la Défense nationale, mais lorsque nous avons déposé notre demande d'accès à l'information pour pouvoir examiner les rapports indiquant si le travail avait été effectué correctement, ou effectué tout court, nous n'avons pas été en mesure de les trouver. La Défense nationale nous a dit que nous devions nous adresser au ministère des Travaux publics, ce que nous avons fait, et eux nous ont dit que les rapports étaient détenus par le contractant, alors nous ne pouvons même pas examiner les rapports de conformité. À moins qu'ils n'apportent des changements significatifs pour permettre cela, je ne pense pas qu'il y aura grand changement. Je ne vois pas d'appétit pour le faire.
L'accès du public aux informations gouvernementales est essentiel à notre démocratie, comme vous l'avez mentionné. La vérification au ministère de la Défense nationale a mis en évidence la nécessité de veiller au respect de la divulgation proactive et d'assurer un accès adéquat et rapide à l'information.
Le plan d'action de la direction du ministère visant à améliorer la divulgation proactive des contrats constitue-t‑il un pas dans la bonne direction?
Encore une fois, je le croirai quand je le verrai. Je vois beaucoup de rapports rédigés au nom de la Défense nationale et par la Défense nationale, et le problème n'est pas de ne pas avoir les bonnes idées ou de ne pas avoir les rapports; le problème est d'y donner suite, de passer à l'action.
Les ministères sont tenus de prendre en compte le personnel interne avant de sous-traiter des projets. Certains disent que ce n'est pas assez souvent le cas. Comment pourrait‑on renforcer les politiques de « faire ou faire faire »?
Les ministères sont tenus de prendre en compte le personnel interne avant de sous-traiter des projets. Certains disent que ce n'est pas assez souvent le cas, et je pense que vous l'avez mentionné aussi. Comment pourrait‑on renforcer les politiques de « faire ou faire faire »?
Notre précédente sous-ministre, Jody Thomas, avait dit qu'elle n'allait plus laisser les mains libres aux gestionnaires locaux pour déterminer quels travaux de service public seraient sous-traités. Elle a dit essentiellement, et c'est ce que j'ai compris, qu'elle voulait une analyse de rentabilité démontrant la nécessité et la valeur de la sous-traitance, et qu'autrement, le travail serait fait au sein de la fonction publique.
C'était mentionné dans le compte-rendu. Nous l'avons fait circuler. Nous avons soulevé la question lors de chaque réunion syndicale-patronale locale quand nous le pouvions, mais la direction n'était toujours pas disposée à le faire. Elle peut proposer de nouvelles règles et des obligations, mais tant qu'il n'y aura pas de conséquences négatives pour ceux qui ne respectent pas ces règles, il n'y aura pas grand-chose qui changera. Il en va de même pour presque tout ce qui concerne la Défense nationale.
Parfois, si la carotte ne fonctionne pas, il faut utiliser le bâton, mais je pense que parfois, même si nous constatons qu'ils sont prêts à utiliser le bâton avec nos membres, ils ne l'utilisent pas autant avec la direction pour faire respecter leurs propres règles.
Madame Winger, je vous remercie aussi d'avoir été avec nous aujourd'hui. Je tiens à souligner encore une fois que vous étiez dans une position très compromettante. Vous avez répondu aux questions de manière très professionnelle. Vous nous avez fait part du point de vue de vos membres, et nous vous en remercions. Et merci de vous être déplacée pour venir témoigner en personne.
Chers collègues, nous allons suspendre la réunion pour passer à huis clos.
Je vous remercie encore une fois, madame Winger, d'avoir été avec nous.