Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour, chers collègues. Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 61e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le mercredi 15 février 2023, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi C‑290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
Nous accueillons l'auteur du projet de loi, le député Jean‑Denis Garon. Nous allons écouter votre déclaration liminaire de cinq minutes.
Il s'agit d'un moment important pour moi et pour beaucoup de lanceurs d'alerte. C'est un moment historique.
Depuis plus de 20 ans, nous avons eu peu d'occasions d'améliorer le régime de protection des divulgateurs au sein du gouvernement fédéral. J'ajoute que la saine gestion des finances publiques et de l'appareil d'État ainsi que la restauration de la confiance du public envers l'appareil de l'État sont des enjeux profondément non partisans.
Présentement, il y a une loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs, mais elle est malheureusement déficiente et fait que la confiance entre les potentiels lanceurs d'alerte et le gouvernement a parfois été brisée. D'ailleurs, selon l'organisme indépendant américain Government Accountability Project, la loi canadienne fait partie des plus faibles, parmi les pays qui ont une loi en la matière. En effet, le Canada se classe derrière le Liban, le Rwanda, le Pakistan, la Bosnie, la Tunisie, l'Ouganda, le Kenya, la Zambie, le Kosovo, la Namibie, la Serbie, et j'en passe. Il s'agit d'un problème pour un pays du G7, pour un pays du G20, pour un pays de l'OCDE, pour une démocratie dont les institutions sont censées être solides.
Ce projet de loi vise à renforcer la protection de l'anonymat des lanceurs d'alerte et à ajouter davantage de catégories de fonctionnaires au sein du système. Il vise aussi à mieux protéger l'identité des témoins qui participeront à des enquêtes. Le projet de loi augmentera l'obligation de soutien aux fonctionnaires divulgateurs et donnera à ceux-ci plus de temps pour déposer une plainte. Présentement, le délai de prescription est beaucoup trop court. Dénoncer un acte répréhensible est un processus extrêmement engageant; il faut parfois y réfléchir plus de 60 jours. Le projet de loi va permettre de simplifier les processus d'appel lors de cas de rétribution contre ceux qui décident de lancer l'alerte. Il permettra aussi, dans les cas de mauvaise gestion, de faire appel à la vérificatrice générale.
Je rappelle que la loi actuelle a pris naissance à la suite du scandale des commandites, qui avait été mis au jour par l'expertise de la vérificatrice générale, une expertise qu'on trouve à peu d'autres endroits au sein du gouvernement fédéral.
Le projet de loi vise à restaurer la confiance entre la fonction publique et l'appareil de l'État, ce qui est extrêmement important. Les lanceurs d'alerte sont des gens extrêmement courageux qui veulent mieux protéger le public. Décider de divulguer un acte répréhensible a d'énormes conséquences sur la vie du divulgateur.
Au cours de son étude, le Comité va rencontrer des témoins dont la vie a été brisée par ce processus. Ces gens avaient fait confiance à ce processus, mais celui-ci contient de nombreuses failles — on le verra lors de l'étude article par article. Ces gens ont été punis pour avoir fait le bien et pour avoir voulu servir les Canadiens, les Québécois, les contribuables, la démocratie et nos institutions. Dans certains cas, ces personnes ont même été surveillées. Il est même possible que le Comité rencontre des gens qui ont peur de témoigner devant le Comité, qui ont peur des représailles. C'est à ce genre de situations qu'il faut s'attaquer; il en va de notre démocratie.
En protégeant les lanceurs d'alerte, on protège la démocratie et la saine gestion, mais on protège aussi le gouvernement. Le scandale n'est pas un mode gestion. On ne peut pas attendre qu'il y ait un scandale avant d'apporter des changements et des correctifs à la Loi.
On doit mettre en place des mécanismes pour s'assurer que les Canadiens et les Canadiennes qui sont témoins d'irrégularités sont mieux servis par l'appareil public, et c'est exactement l'objet du projet de loi que j'ai déposé à la Chambre.
Chers collègues, avant que nous commencions notre premier tour, je tiens à dire que la sonnerie commencera à retentir à 17 h 30. Comme à l'habitude, je vais demander à l'avance le consentement unanime pour poursuivre la réunion jusqu'à environ 17 h 55. Nous aurons le temps, je l'espère, de poser nos questions à M. Garon et d'entendre également les exposés de nos témoins de la deuxième heure avant de suspendre la séance.
Êtes-vous d'accord?
Des députés: D'accord.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Je vous suis reconnaissant, chers collègues.
Madame Kusie, la parole est à vous pour six minutes.
Je vous remercie, monsieur Garon, d'être parmi nous aujourd'hui et du travail que vous avez fait en créant le projet de loi C‑290, un travail que le gouvernement a décidé de ne pas faire.
Selon vous, quelles sont les raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé de ne pas mettre en œuvre les recommandations du rapport de 2017 de ce comité?
Vous savez, il est difficile pour moi de présumer des motivations du gouvernement, et ce n'est pas l'objet de mon témoignage aujourd'hui.
Il faut se rappeler que le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a produit un rapport il y a plusieurs années. Ce qui est intéressant, c'est que ce rapport était hautement consensuel. Il s'appuyait sur des dizaines de mémoires et de témoins de très haute qualité.
Ce que l'on retrouve dans mon projet de loi est inspiré de façon très importante de ce rapport. Étant donné que nous sommes dans l'opposition, nous n'avons pas les mêmes moyens que le gouvernement. Il y a les questions de dépenses, de recommandations royales. Nous ne pouvons pas suggérer, par exemple, que les frais d'avocats qui peuvent parfois… Vous savez qu'aller jusqu'en Cour suprême, cela peut coûter jusqu'à 1 million de dollars et acculer des gens à la faillite. Ces gens sont sans défense. Nous n'avons pas accès à ce genre de démarche.
Beaucoup de mesures, sinon toutes les mesures, contenues dans le projet de loi étaient consensuelles au sein du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires.
Si vous me le permettez, je vais vous expliquer la raison pour laquelle j'ai déposé ce projet de loi . Peu après mon élection, en 2021, j'ai été choqué du fait que je recevais des coups de téléphone et des courriels de lanceurs d'alerte qui étaient témoins d'actes répréhensibles, d'actes répréhensibles allégués. Vous savez, je ne suis pas enquêteur. Je leur ai donc demandé pourquoi ils ne divulgaient pas eux-mêmes cette information, et pourquoi ils n'utilisaient pas les processus en place? Ils me répondaient souvent qu'ils connaissaient des gens qui s'étaient risqués à le faire. Or cela a mis fin à leur vie, à leur carrière. Cela a eu des conséquences sur leur santé physique et mentale.
Dans le système actuel, les gens qui sont témoins d'actes répréhensibles ont peur de perdre leur travail, leur revenu, leur maison.
J'ai donc consulté la Loi, et je suis tombé sur le rapport de ce comité et sur les rapports dans lesquels sont classés les systèmes de divulgation. À la lecture de ces rapports, on constate à quel point il y a des failles. Quand vous voulez suivre une route où il y a tant de trous, il devient impossible de se rendre au bout sans tomber dans au moins un des trous et de se blesser grièvement. C'est à ce moment‑là que je me suis dit que c'était dans l'intérêt du public de présenter ce projet de loi.
C'était d'ailleurs ma prochaine question: quelle a été votre source d'inspiration pour ce projet de loi? Y a-t-il une histoire personnelle qui vous a motivé pour ce projet de loi? Je vous remercie d'avoir répondu à ma question.
Mes prochaines questions sont les suivantes.
Vous avez décidé d'ajouter au projet de loi certaines parties du rapport de 2017. Pourquoi avez-vous choisi des parties précises du rapport et non pas toutes les parties? Quels ont été vos critères pour choisir certaines parties du rapport et non pas d'autres?
Voici les principales raisons qui ont motivé notre décision. Il y a trois raisons.
La première raison, c'est qu'on a des limites quand on est dans l'opposition. Cela a manifestement fait partie de l'équation.
La deuxième raison repose sur mon profond désir d'avoir un processus consensuel qui nous mènera à l'adoption de ce projet de loi. Je suis persuadé que nous sommes capables d'y arriver de façon consensuelle. Nous sommes évidemment ouverts à toutes sortes de propositions d'amendements lors des discussions. Les portions du rapport du Comité que nous avons conservées ont un potentiel très élevé d'être consensuelles.
Évidemment, ce travail vient avec un coût: nous devons être conscients que tout le travail n'aura pas été fait. Cela fait très longtemps que nous attendons des modifications qui peuvent être apportées de manière simple et efficace. Je pense que n'importe quel pas dans la bonne direction sera le bienvenu, et ce projet de loi nous permettra d'en franchir plusieurs.
Il s'agit des principales raisons qui nous ont menés à déposer le projet de loi dans sa forme actuelle.
Quelles seront les prochaines étapes pour le gouvernement actuel et les gouvernements subséquents après ce projet de loi?
Que pensez-vous du groupe de travail créé par le gouvernement pour examiner la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles?
Le dossier des lanceurs d'alertes n'est pas suffisamment présent dans l'actualité. C'est un sujet qu'on glisse souvent sous le tapis. Très rapidement après le dépôt du projet de loi, la présidente du Conseil du Trésor a accéléré les choses pour faire davantage de consultations. J'ai deux choses à dire là-dessus.
D'abord, je suis très content qu'on parle de ces hommes et de ces femmes courageux qui dénoncent des actes répréhensibles et qui veulent améliorer la gestion du secteur public. Cela a été le premier effet du projet de loi. Déjà, c'est un succès. Ensuite, si le gouvernement désire faire des consultations, il en a la possibilité. Il peut faire appel à des experts et, ultérieurement, il pourra continuer de bonifier la loi, de telle sorte que la sanction royale ne sera pas nécessairement requise.
Toutefois, ces deux processus ne sont pas mutuellement exclusifs. On peut absolument adopter les mesures consensuelles du projet de loi tout en continuant de faire des consultations. Ce faisant, la présidente du Conseil du Trésor reconnaît que cela doit être un processus continu et que ce travail n'est jamais réellement achevé.
Merci beaucoup, monsieur le président, de cet accueil. C'est très gentil de votre part.
J'aimerais aussi féliciter mon collègue M. Garon d'avoir pris l'initiative de déposer le projet de loi C‑290. Comme notre collègue vient de le dire, nous avons ici une occasion en or de trouver un vaste consensus parmi toutes les formations politiques quant à la façon d'améliorer la loi.
Monsieur Garon, j'ai quelques questions à vous poser concernant certains éléments de votre projet de loi. Plusieurs des modifications qu'il propose consistent à supprimer des restrictions de la loi destinées à empêcher le chevauchement avec d'autres lois ou organismes. Par exemple, il propose de supprimer le paragraphe 19.1(4), qui empêche les personnes d'entamer une procédure en vertu d'une autre loi ou d'une convention collective si elles déposent une plainte de représailles.
Selon vous, la suppression de cette restriction entraînerait-elle un chevauchement important entre les mécanismes de recours?
L'objectif du projet de loi est de donner plus de recours à la personne qui lance une alerte, et je pense effectivement que, dans son ensemble, c'est exactement ce qu'il fait.
Cela dit, ce projet de loi est complexe, dans la mesure où, pour protéger les lanceurs d'alertes, il intervient dans toutes sortes de branches de la fonction publique. Il ratisse très large. Alors, je pense que des amendements devront effectivement y être apportés. Tout le monde est conscient qu'il y aura un travail à faire là-dessus.
Par ailleurs, le Conseil du Trésor et le gouvernement ont un rôle à jouer dans tout cela. La machine gouvernementale est complexe et comporte beaucoup d'interactions. Il sera intéressant, sinon nécessaire, d'entendre les fonctionnaires à ce sujet. Nous serons évidemment disposés à les écouter.
Cela étant dit, il faut comprendre que certains mécanismes sont prévus par des conventions collectives, entre autres; mais cela ne doit pas être un prétexte pour se garder de légiférer en cette matière. Pendant plusieurs années, les syndicats ont dû suppléer, dans certains cas, aux déficiences du régime actuel. Des normes minimales doivent certainement être établies dans la loi.
Dans votre projet de loi, quelle est la raison pour laquelle les références à la bonne foi et aux motifs raisonnables ont été supprimées des articles de la loi relatifs à l'examen préliminaire?
Monsieur Roche, voulez-vous répondre à ma question?
Les allusions à la bonne foi sont liées à l'intention du lanceur d'alertes. Parfois, un lanceur d'alertes peut être témoin depuis des années de choses qu'il n'aime pas, et il est possible qu'on juge qu'en les dénonçant, il veut du mal à ses collègues.
Cependant, on n'a pas à juger s'il veut du bien ou du mal à son collègue en déposant une plainte. Ce qui compte, c'est de savoir si la plainte est justifiée de prime abord. Il faut juger les plaintes en fonction des faits qui s'y rattachent, et non en fonction de l'intention qu'on prête au plaignant. C'est trop facile d'écarter quelqu'un parce qu'on lui prête de mauvaises intentions. Ainsi, on retire ces éléments arbitraires pour qu'on soit obligé de juger les plaintes selon leur bien-fondé, et non selon l'intention de la personne.
Si la personne dit vraisemblablement la vérité, peu importe sa motivation, cela mérite une enquête et une protection.
Je pense que, dans l'état actuel des choses, on peut craindre que les articles auxquels vous faites référence puissent empêcher le processus de cheminer. C'est notre crainte.
L'objectif du projet de loi est d'améliorer la qualité de la gestion et de l'administration des fonds publics. Si la plainte elle-même est justifiée, l'État qui veut améliorer ses processus a l'obligation de mettre la plainte en avant.
Sous sa forme actuelle, l'article auquel vous faites référence peut nous empêcher d'améliorer les processus de gestion dans le secteur public sous prétexte qu'on a jugé des intentions d'une personne. Il semble que le coût de maintenir cette disposition telle qu'elle est outrepasse le bénéfice.
Merci, monsieur Garon. Je vous remercie surtout d'avoir déposé ce projet de loi.
Lors de la dernière législature, on avait exprimé l'intention d'étudier cette loi. Or il est arrivé ce qui est arrivé en 2021. L'étude n'a donc pas été possible. Vous forcez de nouveau cette étude de la Loi, ce qui est bien accueilli, notamment par les fonctionnaires.
Vous avez déjà énoncé les raisons pour lesquelles vous avez présenté le projet de loi. J'aimerais, de façon pédagogique, claire et limpide, que vous nous fassiez brièvement une comparaison entre la Loi actuelle et celle qui découlerait du projet de loi que vous avez déposé à la Chambre.
Comme je l'ai dit, d'abord, le projet de loi vise à mieux protéger l'anonymat des lanceurs d'alerte et celui des témoins dans les enquêtes.
Je vous donne un exemple. Vous savez, décider de dénoncer un acte répréhensible, c'est très engageant dans une carrière. Il arrive peu souvent que ceux qui le font soient les seules personnes à avoir été témoins de l'acte en question. Cela prend donc quelqu'un pour corroborer tout cela. Or les autres témoins n'en sont peut-être pas au même point dans leur cheminement personnel. Alors, même si on assure l'anonymat de la personne qui dénonce l'acte, au moment d'aller voir les témoins et de faire enquête, si ces personnes ne sont pas suffisamment protégées, cela réduit de facto le pouvoir d'enquête de façon substantielle. Cela fait partie des choses que nous avions en tête lorsque nous avons rédigé le projet de loi.
Il y a aussi les délais. La loi actuelle dit que, lorsque vous êtes témoin d'un acte répréhensible, vous avez 60 jours pour agir. Encore une fois, je vous le dis parce que vous allez entendre des témoins qui ont traversé ce processus et qui en ont payé le prix fort. Ces 60 jours servent à se poser certaines questions. Est-ce que je sers l'intérêt du public, l'intérêt du pays et l'intérêt de la saine gestion de la machine étatique? Est-ce que je risque de perdre mon emploi, de me faire rétrograder, de me faire harceler, etc.?
En effet, il peut y avoir des représailles. Soixante jours pour prendre une telle décision, c'est assez court. Quand on obtient un taux hypothécaire, il est gelé pendant trois mois. C'est une décision importante. On veut donc allonger ce processus jusqu'à un an. Je vous dirais qu'à ce titre, un an, c'est relativement peu.
Il y a également l'appel au vérificateur général. Présentement, si on est témoin d'actes criminels dans le cadre de la gestion publique, il y a évidemment le recours à la GRC. Pour les problèmes de lacunes de gestion graves, on n'a pas recours au vérificateur général. On le sait, le vérificateur général a un ensemble de compétences uniques au sein de la machine gouvernementale, et il a un niveau d'indépendance unique également en ce qui concerne les graves lacunes de gestion. Cela fait partie des changements proposés à la loi.
Il y a enfin l'obligation de soutenir les fonctionnaires. Lorsqu'un fonctionnaire est victime de représailles, on ajoute la possibilité qu'il se fasse entendre pour faire reconnaître l'existence de ces représailles avant qu'il ne soit obligé, à ses frais, d'aller se vider les poches devant la Cour fédérale. Ce sont des changements majeurs qui vont rendre le processus beaucoup plus efficace et beaucoup moins coûteux, à la fois pour les lanceurs d'alerte qui font leur travail et pour le gouvernement qui doit gérer tout ce processus, dont le processus d'appel et le processus judiciaire.
Cela fait partie des quelques changements qui sont contenus dans le projet de loi C‑290.
Il faut beaucoup de courage pour faire une dénonciation. Vous l'avez mentionné.
À votre connaissance, des lanceurs d'alerte ont-ils fait des demandes de soutien à la GRC ou ont-ils déposé des plaintes à la police sans avoir pu être entendus, malgré tout?
J'aurais pensé que, dans un pays développé, on prendrait en considération l'expérience de ces personnes et ce qu'elles voient dans la gestion de l'appareil public comme une expertise. Lorsqu'on est témoin d'une irrégularité, cela devient une expertise qui peut être mise au service de l'État.
Du milieu d'où je viens — le milieu universitaire —, l'expertise est valorisée. Les lanceurs d'alerte qui ont fait appel à moi, qui ont témoigné et avec qui j'ai été en contact, dans plusieurs cas, ont été victimes de représailles, de vengeances et de rétrogradations. Il faut aussi penser à la violence physique et mentale que cela fait à une personne. On peut subir une perte de confiance à l'endroit de son employeur. Ces gens sont loyaux à leur employeur. Ils veulent que l'État fonctionne correctement. Ils veulent que le gouvernement fournisse des services aux Canadiennes et aux Canadiens. Or, en passant par ce processus, ces personnes et leur famille peuvent être victimes de dommages collatéraux importants.
À ma grande surprise, dans un nombre possiblement substantiel de cas, cette perte de confiance fait en sorte que des gens ne dénoncent pas des irrégularités, qui ne sont donc pas incluses dans les statistiques. C'est un des problèmes du régime actuel.
J'aurais cru que l'expertise de ces gens, qui est unique, aurait été bien accueillie. Cela m'a profondément choqué.
Premièrement, avant de commencer, je tiens à vous féliciter. Je sais que vous figuriez très haut dans l'ordre de priorité en ce qui a trait aux projets de loi d'initiative parlementaire. Il y a bien des dossiers que vous auriez pu faire progresser, et vous avez choisi d'accorder la priorité aux travailleurs. Je tiens à vous en remercier. C'est très important.
Je tiens aussi à remercier mes collègues au sein du Comité. Ils souhaitent également faire avancer la discussion sur votre projet de loi en vue de l'améliorer. Nous savons que les travailleurs traversent une période difficile. Leurs salaires n'augmentent pas du tout au même rythme que l'inflation. Certains font la grève en ce moment. Ils ont du mal à joindre les deux bouts. En plus, les problèmes liés au système de dénonciation actuel ont des répercussions sur leur santé mentale.
Nous sommes heureux de ce projet de loi concernant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles et nous voulons l'améliorer. Nous avions grandement besoin de cette mesure législative. Comme vous l'avez mentionné, nous traînons de la patte par rapport à d'autres pays en ce qui a trait à la protection des fonctionnaires qui dénoncent des actes répréhensibles. C'est pourquoi ce projet de loi est important. Si nous ne protégeons pas les fonctionnaires dénonciateurs, les actes répréhensibles ne sont pas mis au jour, et nous en souffrons tous. Encore une fois, je vous remercie d'avoir présenté ce projet de loi.
Nous avons maintenant l'occasion de contribuer à renforcer le projet de loi. Nous avons eu le temps de consulter certains dénonciateurs et certains organismes qui défendent leurs intérêts, et ils ont soulevé certaines préoccupations à propos du projet de loi. Nous voulons, bien entendu, faire valoir ces préoccupations en vue d'améliorer cette mesure législative pour que nous disposions d'un système qui protège véritablement les fonctionnaires dénonciateurs.
L'objectif, je le répète, est d'améliorer le projet de loi. On nous a notamment parlé du renversement du fardeau de la preuve. Cela signifie que, lorsqu'un dénonciateur se présente devant un tribunal pour prouver qu'il subit des représailles de la part de son employeur, le fardeau de la preuve reposerait sur les épaules de l'employeur, qui devrait démontrer qu'il a de bonnes raisons de prendre des mesures contre l'employé, des raisons qui ne sont pas liées à la dénonciation. C'est là le fondement de toute bonne loi sur la protection des dénonciateurs.
Lors de vos discussions avec des intervenants et des fonctionnaires, vous ont-ils dit qu'il s'agissait d'une priorité? Avez-vous choisi de ne pas inclure cet élément dans le projet de loi pour une raison quelconque? Est‑ce que cela a suscité des préoccupations?
Oui, on en a discuté. Cela a d'ailleurs été soulevé par un grand nombre de lanceurs d'alerte, dont certains sont présents ici aujourd'hui. Effectivement, cela fait partie des choses qui devront être discutées. Un renversement du fardeau de la preuve pourrait être bienvenu, si c'est la décision du Comité. Nous sommes évidemment très ouverts à cela.
Dans l'état actuel du projet de loi, il y a quand même certains éléments, dont un en particulier, qui viendraient faciliter le processus. Par exemple, aujourd'hui, si vous êtes un lanceur d'alerte qui estime avoir fait l'objet de représailles, vous devez d'abord passer par le commissaire. Si, par la suite, on reconnaît que vous avez été victime de représailles, l'instance suivante vous offre une compensation. Par contre, si la première instance n'a pas statué que vous avez été victime de représailles, vous n'avez plus de recours autres que d'aller devant la Cour fédérale, ce qui est extrêmement coûteux pour une personne.
Le projet de loi actuel permettrait à la deuxième instance, le tribunal, non seulement d'octroyer des dédommagements, comme c'est le cas actuellement dans la loi, mais aussi de revoir le verdict et ainsi de donner une deuxième occasion, avant d'arriver dans le système judiciaire formel, de faire reconnaître la présence de représailles. Comme je le disais tout à l'heure, cela donnerait une chance supplémentaire aux lanceurs d'alerte de faire valoir leurs droits, une chance qui est moins coûteuse, plus rapide, moins dommageable pour leur carrière et qui, par ailleurs, facilite les processus au sein de l'appareil gouvernemental.
Je vais revenir au commissaire à l'intégrité du secteur public et aux enquêtes.
Un aspect qui fait défaut dans le projet de loi — et je veux vous interroger à ce sujet aujourd'hui — c'est la nécessité de mener une enquête indépendante sur l'acte répréhensible dénoncé. Des experts et des défenseurs des intérêts dans le domaine m'ont dit qu'il est impossible d'avoir confiance à l'égard des enquêtes menées dans le cadre de la présente loi puisque le commissaire à l'intégrité du secteur public a toujours été un fonctionnaire du gouvernement.
Croyez-vous qu'un fonctionnaire dont la carrière et les relations professionnelles tiennent au fait qu'il reste dans les bonnes grâces du gouvernement est la meilleure personne pour occuper le poste de commissaire à l'intégrité du secteur public? Pensez-vous qu'un expert véritablement indépendant serait mieux à même de mener des enquêtes réellement indépendantes sur les actes répréhensibles?
De nos conversations avec des lanceurs d'alerte et des juristes au niveau international qui travaillent à de tels régimes, il est ressorti que la nomination des commissaires finit souvent par faire qu'on nomme quelqu'un qui vient de l'appareil d'État et qui risque d'y retourner. Il a été déterminé que c'était un problème. Le projet de loi n'y fait pas référence expressément, mais, lors de la nomination des commissaires, le gouvernement doit être très attentif à cet aspect.
Le projet de loi actuel prévoit, dans le cas d'actes graves de mauvaise gestion allégués, le recours au vérificateur général, qui est indépendant et en qui on a entièrement confiance pour les questions de finances et de gestion.
Une autre préoccupation concernant le projet de loi qu'ont soulevée à maintes reprises les intervenants et les fonctionnaires est l'absence de redressement par injonction. Cela signifie une protection proactive des divulgateurs dès le début, lorsqu'ils dénoncent la première fois l'acte répréhensible.
Lorsque des divulgateurs dénoncent un acte répréhensible, estimez-vous qu'il est important qu'ils puissent obtenir immédiatement une injonction pour éviter qu'ils subissent des représailles de la part de l'employeur? Croyez-vous qu'il s'agit d'un élément essentiel en vue de les protéger?
Je remercie les témoins pour leur présence aujourd'hui.
Je ne sais pas combien de temps il nous reste avant que la sonnerie retentisse, alors il y a une chose que je voudrais faire avant de poser mes questions. J'aimerais donner avis d'une motion que je propose. Je vais la transmettre à la greffière par écrit dans les deux langues officielles.
La motion est la suivante:
Que le Comité:
a) invite les administrateurs généraux des entités suivantes en ce qui concerne le caviardage et la traduction inacceptable des documents demandés par le Comité le 18 janvier 2023: Énergie atomique du Canada limitée; Banque de développement du Canada; Agence des services frontaliers du Canada; Corporation de développement des investissements du Canada; Postes Canada; Office d'investissement du régime de pensions du Canada; ministère des Finances du Canada; Emploi et développement social Canada; Exportation et développement Canada; Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; Innovation, sciences et développement économique Canada; Défense nationale; Ressources naturelles Canada; Bureau de l'Ombudsman des vétérans (Anciens Combattants Canada); Bureau du Conseil privé; Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public; et TransMountain Corporation;
b) invite le bureau du légiste à informer le Comité, en public, de l'importance des pouvoirs du Comité en matière de demande de documents;
c) charge le président d'envoyer une lettre à chacune des entités énumérées dans la section a) de la présente motion pour les informer que le Comité considère actuellement de renvoyer cette question à la Chambre des communes en raison d'une éventuelle violation du privilège parlementaire.
Je vous remercie beaucoup pour votre patience.
Pouvez-vous nous donner des exemples de représailles que des divulgateurs ont subies?
J'ai été en contact avec plusieurs lanceurs d'alerte. Certains désirent divulguer leur identité, certains sont bien connus et certains ont accepté de témoigner.
Par exemple, il y a un cas où la personne s'est fait retirer tout son ouvrage. Elle n'avait plus rien à faire de la semaine, mais à 14 h 30 le vendredi, on lui a demandé de faire tout le travail qu'elle aurait dû faire pendant la semaine. Il y a même des gens qui ont été suivis jusqu'à leur domicile. Il y a eu des situations de harcèlement psychologique.
Quand on commence à ostraciser un lanceur d'alerte en milieu de travail, celui-ci devient un peu empoisonné pour ses collègues. Lorsque les gens des échelons supérieurs commencent à prendre la personne en grippe, à l'ostraciser et à exercer des représailles contre elle, les employés, peu importe leur niveau de poste, ont naturellement tendance à s'éloigner de cette personne, à l'isoler, à la retirer des équipes, etc. Il y a des représailles directes, mais il y a aussi des conséquences indirectes sur la qualité de vie au travail de cette personne.
La personne qui décide de divulguer un acte répréhensible peut, dans certains cas, vouloir préserver son anonymat. Autour d'elle, les gens de son milieu de travail ou ses supérieurs immédiats commencent à chercher qui a divulgué l'acte répréhensible. La chasse aux sorcières commence, mais on peut parfois accuser la mauvaise personne, qui pourrait alors subir des représailles.
Cela soulève donc toute la question de protection des personnes qui sont prises à tort pour des lanceurs d'alerte. En un sens, il y a deux aspects au problème. Premièrement, il faut s'assurer que les gens qui ont été témoins d'actes répréhensibles dénoncent ces actes et qu'ils peuvent faire confiance au système. Deuxièmement, il faut s'assurer qu'au sein de l'appareil public, personne n'est victime de représailles, qu'on le considère comme un lanceur d'alerte de façon légitime ou non. On ne devrait jamais avoir à subir des représailles.
Monsieur Garon, je vous remercie de votre présence. Je vous félicite, car je sais que, en tant que député, vous travaillez toujours très fort. Je suis très content que votre projet de loi soit à l'étude.
Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées que M. Fergus.
Cela me fait un peu peur de supprimer l'exigence que la divulgation soit faite de bonne foi et de supprimer ce qui a trait au fait que la personne doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'elle a été victime de représailles. M. Fergus cherchait une façon de satisfaire tout le monde.
Messieurs Garon et Roche, êtes-vous d'accord sur le fait qu'on devrait au moins inclure que la personne croie raisonnablement que ce qu'elle divulgue est vrai? Je ne voudrais pas que quelqu'un puisse divulguer quelque chose qu'il croyait être faux, même si ce pourrait être vrai en apparence. Il y a peut-être une manière différente de dire « de bonne foi ». Est-ce possible?
Protéger les divulgateurs, ce n'est pas protéger la diffamation et ce n'est pas permettre à qui que ce soit de dire n'importe quoi à l'encontre de n'importe qui. De notre côté, nous éprouvions un petit malaise par rapport aux conséquences juridiques de la « bonne foi » telle que définie dans la Loi parce que cela présumait de l'intention d'une personne plutôt que des fondements.
La définition que vous venez de nous fournir, à savoir que cette personne croit raisonnablement que ce qu'elle dit est vrai, vient, en un sens, préserver l'esprit qu'on voulait avoir dans la définition de la « bonne foi », tout en ne présumant plus de l'intention.
Je pense que c'est probablement un pas dans la bonne direction.
Le projet de loi vise aussi à ajouter, pour les administrateurs généraux, l'exigence de fournir un soutien aux divulgateurs. Je crois qu'il y a peut-être une mauvaise compréhension de la part de certaines personnes, qui croient que cela implique de l'argent.
Pouvez-vous nous expliquer de quel type de soutien il s'agit?
Il y avait effectivement une ambiguïté. Cela fait partie de l'analyse des greffiers de la Chambre, qui nous disaient que la recommandation royale était nécessaire. Il y avait deux raisons à cela. Permettez-moi de prendre quelques secondes de plus, sans vouloir contourner la question.
Le fait que nous voulions élargir le cadre d'application de la loi pour inclure les contractuels du gouvernement tout en offrant du soutien, qui pouvait être interprété comme étant financier, engendrait la possibilité qu'une recommandation royale soit nécessaire. Alors, nous allons proposer des amendements pour resserrer cela.
Lorsqu'une personne porte plainte, nous voulons nous assurer qu'elle est correctement accompagnée par le système, avec des moyens logistiques qui ne sont pas coûteux, en ce sens qu'ils n'exigent pas de nouvelles allocations financières de la part du gouvernement. Voilà ce que nous voulons dire quand nous parlons de soutien.
Effectivement, nous proposerons une précision là-dessus.
Oui, absolument. C'est un aspect du projet de loi qui nous a été signalé. Après l'avoir étudié, effectivement, nous avons fait le tour de la question. Nous sommes donc d'avis que le régime de protection des divulgateurs doit être renforcé et élargi, mais qu'il doit s'appliquer aux fonctionnaires.
Nous élargissons la définition des actes répréhensibles. Prenons l'ingérence politique, par exemple. Cela peut être perçu comme étant nouveau, mais c'est présent dans la loi américaine, par exemple. Cela fait partie des critères du Government Accountability Project. On la retrouve à plusieurs endroits. Il s'agit de gestes qui vont à l'encontre de l'intérêt public. Le terme juridique, aux États‑Unis, est « improper intervention », qu'on pourrait traduire par « intervention indue », par exemple.
L'abus de pouvoir fait référence au comportement du gestionnaire. Évidemment, on se demande si on doit le définir dans la loi. Après des conversations avec des juristes, nous nous sommes rendu compte que c'est un terme qui peut paraître flou, mais qui est déjà très bien défini dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et qui a déjà été balisé en droit canadien du travail, dans la pratique. Comme c'est un terme juridiquement accepté, défini et balisé par la jurisprudence en droit du travail, il est très bien encadré par le droit.
Je dois vous dire qu'il s'est passé beaucoup de choses depuis que j'ai déposé la version originale du projet de loi et qu'il sera nécessaire d'y inclure l'ingérence étrangère. En effet, si un fonctionnaire...
Ce qui est important, c'est d'élargir le cadre d'application de la loi. Cela nous oblige à définir les catégories d'actes répréhensibles dans le cadre de la loi. C'est pourquoi nous faisons allusion, comme je l'ai dit, à l'ingérence politique et à l'abus de pouvoir. Ce sont des termes assez larges, mais bien définis.
Comme j'allais le dire à mon collègue M. Housefather, l'ingérence étrangère doit aussi être incluse. C'est un terme qui peut être assez bien circonscrit, tout en étant assez large. On l'a vu dans le cas des allégations d'ingérence chinoise, entre autres. Si des fonctionnaires ou des gens qui travaillent dans l'appareil de l'État sont témoins de tels cas d'ingérence et décident de les divulguer au sein de leur organisation, ils doivent être protégés. C'est d'autant plus vrai que, si nous avons un mauvais régime de protection des lanceurs d'alertes et si les gens ne leur font pas confiance, il ne nous reste qu'une seule soupape, soit les médias et les journalistes. Dans certains cas qui impliquent la sécurité nationale, il est extrêmement important que les fonctionnaires puissent faire confiance au système.
Justement, en ce qui a trait aux médias, certains fonctionnaires peuvent être tentés de se tourner derechef vers ceux-ci au lieu de se fier au processus actuel. Cela a-t-il des répercussions sur la divulgation et sur leur protection?
Les médias font un travail important, évidemment, mais, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, le scandale n'est pas un mode de gestion. L'objectif, en ayant un bon régime pour les lanceurs d'alerte, est de protéger ces gens pour qu'on puisse améliorer les processus et combler les lacunes des processus de gestion gouvernementaux qui ont donné naissance à ces irrégularités.
Il est important qu'il y ait un processus interne et que ce soit vu comme un mécanisme d'amélioration.
Un autre avantage du projet de loi est qu'il permet aux fonctionnaires de dénoncer un acte répréhensible, par exemple, à un gestionnaire dans le secteur de la fonction publique où ils travaillent, et pas seulement à leur superviseur immédiat.
Pouvez-vous nous expliquer l'importance de cet élément et nous dire pourquoi il est tellement important que les divulgateurs aient la capacité de faire ce choix?
Il arrive souvent que l'acte répréhensible qu'un fonctionnaire constate se produise dans son équipe de travail, et cela risque d'être le fait de son supérieur immédiat. Actuellement, l'employé peut court-circuiter la chaîne hiérarchique et faire une divulgation au sommet de l'échelle, au commissaire, en suivant un processus très intimidant, alors que, parfois, cela devrait se faire simplement, auprès d'un gestionnaire d'une unité au sein du même ministère. Cela pourrait simplifier les choses et favoriser une culture de transparence, d'ouverture et de discussion franche. Plus les processus sont simples, plus il sera facile de régler les problèmes avant qu'ils ne s'amplifient.
Le projet de loi étend l'application de la Loi aux actes répréhensibles commis dans le secteur public qui impliquent un abus de pouvoir ou une ingérence politique. Grâce à cet ajout, est‑ce que la liste des actes répréhensibles potentiels est suffisamment complète?
Est‑ce que des divulgateurs ou des défenseurs des intérêts ont mentionné d'autres catégories d'actes répréhensibles qui devraient être ajoutées?
Comme je l'ai mentionné précédemment, cela demeure un pas en avant. Le temps nous dira si ces deux ajouts sont suffisants. Nous n'en sommes pas certains, mais c'est clairement un grand pas en avant. L'ajout de ces deux catégories fait en sorte qu'on ajoute un grand nombre d'actes répréhensibles. Je pense que l'ingérence étrangère doit être ajoutée.
Ce que je dois souligner, monsieur Johns, c'est que le projet de loi prévoit aussi — ce n'est pas le cas dans la Loi actuelle — un mécanisme de révision tous les cinq ans. En effet, l'univers politique, les modes de gestion et la structure organisationnelle du gouvernement évoluent et c'est très important que la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles s'adapte continuellement et que ce soit inscrit dans la Loi. En soi, c'est une innovation importante, qui va nous mener à cette réflexion. Une fois qu'elle sera adoptée et appliquée, dans cinq ans, nous pourrons nous demander si l'environnement a changé de telle sorte que nous devions ajouter d'autres catégories. Ce mécanisme serait très salutaire pour cette loi car, de toute évidence, sa mise à jour fait rarement partie des priorités.
Je vous remercie pour votre présence. Je suis heureuse que notre comité étudie ce projet de loi. J'ai eu l'occasion de prendre la parole au sujet de cette mesure législative à l'étape de la deuxième lecture.
Comme vous le savez, la Loi fédérale sur la responsabilité a été mise en place en 2006‑2007 par un gouvernement conservateur, à la suite du scandale des commandites des libéraux. Au fil du temps, nous avons vu que la protection offerte dans cette loi n'était pas adéquate. Il est toujours bon d'examiner les mesures législatives dans l'optique de les améliorer. Je crois que c'est ce qui a probablement motivé le Comité à entreprendre une étude de cette loi en 2017 et à présenter un certain nombre de recommandations en vue de rehausser la protection des dénonciateurs. Je pense que 15 recommandations avaient été formulées.
Pouvez-vous dire au Comité, et éventuellement à ceux qui nous écoutent, quelles recommandations vous avez utilisées dans le cadre de l'élaboration de votre projet de loi.
J'ai déjà, de façon plus large, répondu à la question. Si vous me le permettez, je pourrais vous fournir une réponse écrite et un tableau récapitulatif de l'ensemble des recommandations que nous avons retenues, et qui se trouvent dans le projet de loi C‑290.
Je vous remercie pour votre réponse. Je n'ai pas vérifié de cette façon quelles recommandations se retrouvent dans le projet de loi.
Je vais me reporter au rapport annuel concernant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles de 2021‑2022. Dans ce rapport, la dirigeante principale des ressources humaines a écrit ceci:
Au cours de l'exercice 2021‑2022, les organisations du secteur public fédéral ont reçu plus de demandes de renseignements et d'allégations qu'au cours des cinq derniers exercices, et la plupart des allégations portaient sur une seule inconduite grave. Parallèlement, nous avons aussi connu le plus grand nombre d'enquêtes officielles qui ont été lancées. Bien que ces résultats puissent indiquer que les fonctionnaires ont une connaissance accrue de la Loi, nous savons qu'il reste du travail à faire pour renforcer le système de divulgation afin de s'assurer que les employés ont la confiance nécessaire pour présenter des cas potentiels d'actes répréhensibles sans crainte de représailles.
Avez-vous été préoccupé par le fait que le gouvernement s'est abstenu de voter sur le renvoi de ce projet de loi au Comité?
D'accord. Vous avez une bien plus grande confiance qu'un grand nombre d'entre nous dans cette salle.
Pensez-vous que cela traduit un manque d'engagement à l'égard de la protection des dénonciateurs, compte tenu particulièrement du fait que le gouvernement ne fait rien pour mettre en œuvre les recommandations du Comité et que la protection des dénonciateurs est un aspect qui figure dans la lettre de mandat de la présidente du Conseil du Trésor?
Votre question me donne l'occasion de lancer un message extrêmement important.
Indépendamment de la façon dont les gens ont voté à l'étape de la deuxième lecture, les membres du Comité ont aujourd'hui l'occasion de faire avancer les choses. Personnellement, je regarde en avant. Je sens que le climat est favorable à l'avancement du projet de loi. J'ai la ferme intention de convaincre l'ensemble de mes collègues de voter en faveur de celui-ci, ce que je crois possible.
Oui, bien sûr. C'est la prérogative du Comité de proposer des amendements et de les étudier. Nous travaillons d'ailleurs à un certain nombre d'amendements.
Comme je l'ai dit, il s'agit d'une question qui n'est pas partisane. Tout type d'amendement visant à corriger ou à bonifier le projet de loi sera pris en considération. Mon intention, c'est d'élargir la portée du projet de loi. Si l'intention des autres parlementaires est la même, les amendements seront plus que bienvenus.
Je vous remercie beaucoup pour le travail que vous avez effectué relativement à ce projet de loi. Je crois que c'est une mesure législative extrêmement importante. Votre dévouement et votre capacité à rallier les gens sont tout à votre honneur. Merci.
J'ai quelques questions à vous poser.
Pouvez-vous nous parler de la raison pour laquelle vous avez décidé de confier au commissaire à l'intégrité du secteur public l'évaluation ou l'examen des processus internes de divulgation au sein des organisations et nous dire sur quelle norme le commissaire s'appuiera pour faire cette évaluation?
Le but est de s'assurer que les plaintes sont traitées de la façon la plus équitable et efficace possible, avant d'en arriver aux processus judiciaires, qui sont coûteux et qui, souvent, découragent les lanceurs d'alerte de faire leur travail.
Comme je l'ai expliqué précédemment, à la deuxième instance, on est en mesure de réviser la décision plutôt que de seulement faire l'adjudication des compensations qui pourraient être versées. Personnellement, j'y vois une importante simplification. Il y a aussi le fait qu'on donnerait le droit aux lanceurs d'alerte de faire appel au tribunal et à la Cour fédérale par la suite. Au fond, cela ajoute une possibilité aux lanceurs d'alerte de voir une justice plus efficace.
Si j'ai bien compris, vous demandiez de faire un commentaire sur le fait d'ajouter un mandat au commissaire, soit celui de porter une appréciation sur le travail des ministères.
Le commissaire à l'information le fait lorsqu'il évalue si le traitement des demandes d'accès à l'information se fait bien. Le commissaire aux langues officielles le fait pour savoir si les ministères respectent bien la Loi sur les langues officielles. Pour ce qui est de la protection des lanceurs d'alerte, aucun tiers neutre n’observe le travail du gouvernement et ne lui fait des recommandations pour l'aider à s'améliorer.
Nous estimons que le commissaire à l'intégrité du secteur public est le mieux placé pour le faire.
Je vais revenir au tribunal. En exigeant que le tribunal accepte la conclusion du commissaire selon laquelle il y a eu des représailles, est‑ce qu'on se trouve à passer d'une enquête administrative à une audience quasi judiciaire?
La réponse est oui, absolument. Excusez-moi, j'avais mal compris votre question précédente. Je devrais écouter l'interprétation en français.
Nous sommes d'avis que d'avoir ce tribunal administratif, qui existe dans beaucoup d'autres cas dans l'appareil public, faciliterait les procédures. De plus, cela n'enlèverait aucunement la possibilité de faire appel à la Cour fédérale par la suite.
D'abord, je remercie l'ensemble des parlementaires. Je pense que tout le monde a bien étudié le projet de loi, ce qui fait de cette conversation une rencontre intéressante. Ce sera aussi très intéressant dans l'avenir.
J'ajouterai un commentaire final très important: on ne choisit pas de devenir lanceur d'alerte; on le devient par la force des choses. Cela demande énormément de courage pour traverser ce processus, et, lorsqu'on décide de le faire, il y a des conséquences majeures. Évidemment, même avec le meilleur projet de loi, cela prendra des changements de culture au sein du gouvernement et des ministères. C'est un processus long, et il est difficile à encadrer dans la loi. Toutefois, il faut absolument bonifier la loi pour minimiser tous les coûts pour ces personnes qui désirent vraiment servir leur employeur et l'appareil public. C'est de première importance.
Je serai très brève. Je vous remercie, car je crois que le côté humain est très important, tout comme le courage de dénoncer et de parler dans des circonstances très difficiles.
Monsieur Garon et monsieur Roche, je vous remercie beaucoup pour votre présence aujourd'hui. Vous êtes excusés.
Chers collègues, nous allons laisser quelques secondes à la greffière pour qu'elle se prépare pour les prochains témoins. Avec un peu de chance, ils auront le temps de faire leurs déclarations liminaires. Nous allons probablement suspendre la séance pour aller voter, puis nous reviendrons pour terminer les deux tours restants.
Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, madame Forward. C'est merveilleux de vous revoir. Je suis heureux de votre présence et je vous suis reconnaissant pour tout ce que vous avez fait dans le passé pour aider le Comité et les dénonciateurs.
Monsieur Sabourin, je vous souhaite la bienvenue.
Vous disposez tous les deux de cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
La parole est d'abord à vous, madame Forward. Vous disposez de cinq minutes.
Je m'appelle Pamela Forward et je suis la présidente et directrice générale de la Whistleblowing Canada Research Society. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je remercie du fond du cœur les députés qui, jusqu'à maintenant, ont appuyé le projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C‑290, Loi modifiant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, et le député de Mirabel, du Bloc québécois, M. Jean‑Denis Garon, qui a proposé cette mesure législative.
Ce projet de loi donne un signal qui était tant attendu. Il témoigne d'une humanité, d'une compassion et d'un respect envers les fonctionnaires canadiens dénonciateurs. Il permettra d'apporter des améliorations importantes et tellement nécessaires à cette Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles qui laisse à désirer, et j'ose espérer qu'il suscitera bien d'autres améliorations.
Durant mon exposé, je vais souligner certains faits historiques, expliquer pourquoi il est nécessaire d'améliorer le système de dénonciation canadien et proposer d'autres mesures à prendre.
En ce qui a trait à l'histoire, voici quelques faits importants.
Les deux grands partis au Canada ont contribué à la création de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, qui a été mise en œuvre en 2007. Il est clair qu'ils savaient d'emblée que cette loi n'allait aucunement améliorer la situation pour les dénonciateurs. Le juge Gomery l'avait mentionné dans son rapport sur le scandale des commandites en 1995. Au lieu d'encourager et d'aider les dénonciateurs, cette loi a plutôt fait en sorte d'exercer un contrôle sur eux et de les réprimer.
D'autres faux pas ont contribué à perpétuer la souffrance et à favoriser les auteurs d'actes répréhensibles. Premièrement, il y a eu la décision prise par le gouvernement en 2012 de contrevenir à une loi, ce qui constitue un acte criminel. Il n'a pas effectué l'examen indépendant obligatoire de la Loi au bout de cinq ans. Ensuite, il y a eu la décision prise par le nouveau chef du gouvernement de ne pas tenir compte du rapport unanime de 2017 de votre comité sur son étude de la Loi, qui recommandait plus de 20 amendements, si je me souviens bien.
Pourquoi des améliorations sont-elles nécessaires? Des études et des cas de dénonciation confirment que la vérité et les révélateurs de la vérité au Canada sont en danger en raison du manque de volonté catégorique — du moins jusqu'à maintenant — d'offrir une véritable protection aux dénonciateurs et de mettre fin aux représailles. Ce danger englobe des catastrophes majeures à la fois pour les individus et la société dans son ensemble qui peuvent aller jusqu'à la mort. Lorsqu'on tait la vérité, les préjudices et la corruption prennent de l'ampleur.
Les études et les conclusions en question figurent dans mon mémoire. Elles confirment que la Loi comporte des lacunes et que la culture est dysfonctionnelle.
Une autre des principales conclusions est qu'une loi à elle seule ne peut pas protéger les dénonciateurs. Le facteur déterminant de la réussite est la culture. Si des lois sont mises en œuvre dans une culture de résistance et peu accueillante, elles ne seront pas correctement appliquées.
Je vais décrire quelques cas de dénonciation.
Le premier remonte à loin, mais il a des conséquences actuellement. Il y a 30 ans, dans les années 1990, des dénonciateurs d'actes répréhensibles touchant la sécurité nationale au sein de l'ancien ministère des Affaires étrangères, de la GRC et du SCRS ont été réprimés et ostracisés. Leurs carrières et leur santé ont été anéanties uniquement parce qu'ils ont fait leur travail. Ils ont dénoncé la corruption au sein du Haut-commissariat du Canada à Hong Kong qui a permis aux triades chinoises — des criminels — d'apporter avec elles des drogues au Canada et d'y favoriser la traite de personnes, le blanchiment d'argent, l'inflation des prix de l'immobilier, etc. Nous subissons encore ces conséquences aujourd'hui et nous sommes en outre aux prises avec une ingérence du PCC dans les élections canadiennes.
Voici maintenant un cas dont nous allons entendre parler. Il s'agit d'un agent de l'Agence des services frontaliers du Canada qui a simplement fait son travail en refusant d'exécuter les directives illégales et potentiellement de nature criminelle de ses supérieurs. Vous allez l'entendre tout à l'heure. Ce qui fend le cœur et qui est effrayant, c'est qu'il s'est adressé à plusieurs responsables, qui auraient dû et auraient pu l'aider, mais qui ne l'ont pas fait. Malheureusement, il y avait parmi eux des députés de la plupart des partis. Cela témoigne de la désintégration de nos institutions démocratiques.
(1735)
Il y a là matière à réflexion. Je ne vais pas poursuivre là‑dessus afin ne pas dépasser le temps imparti. J'espère que nous y reviendrons.
Nous avons besoin du projet de loi C‑290. Il contient huit des pratiques exemplaires reconnues internationalement. Il y en a 20 au total. Il faudrait en inclure quelques autres pour donner une chance raisonnable aux dénonciateurs d'obtenir gain de cause. Je vous invite à travailler en collaboration pour inclure le plus grand nombre possible de ces pratiques exemplaires dans le projet de loi. Il ne s'agit pas d'une question partisane. Notre démocratie est menacée, et nous devons — vous devez — aider les dénonciateurs à la défendre.
Les problèmes qui affligent le régime actuel… Je vais les énumérer, et j'ai indiqué les solutions dans un tableau…
Il y a des mesures législatives boiteuses, des mises en œuvre qui échouent, des leaderships sans conviction ni efficacité, des cultures politiques et administratives qui insistent sur le contrôle de l'information et un manque d'examen minutieux et constructif de la part du Parlement.
Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de me recevoir.
Au nom de mes collègues, je remercie également M. Garon et Mme Vignola.
Je m'appelle Luc Sabourin, j'ai 55 ans et je suis père de deux jeunes enfants, une fille de 16 ans et un garçon de 12 ans. Je suis un divulgateur d’actes répréhensibles fédéral à l'interne.
J'étais opérateur principal du contrôle de la qualité d'entrées d'informations critiques et spécifiques d'une base de données fédérale qui contribuait en partie à la sécurité nationale et internationale. J'ai été détenteur des plus hautes attestations de sécurité, extrêmement limitées et restreintes, dans l'exercice de mes fonctions en milieu opérationnel pour le gouvernement canadien, pendant 26 années de service, sans aucun incident à mon dossier de carrière.
Ma carrière a commencé le 13 août 1990 et s'est terminée de façon brutale et tragique le 16 février 2016. Durant la période de mars 2009 à février 2016, j'ai été témoin de plusieurs actes répréhensibles et criminels à mon lieu de travail. Le 16 février 2016, j'ai reçu un congédiement administratif déguisé. Cette procédure administrative était la phase finale de l'employeur à mon égard après huit ans de harcèlement psychologique, physique et administratif.
Ce congédiement déguisé constitue une mesure de représailles majeure de la part de l'employeur pour deux raisons. Premièrement, une enquête externe, mais extrêmement limitée et sous le contrôle administratif de la direction, a révélé et démontré que l'employeur était coupable de harcèlement à mon endroit.
Deuxièmement, j'ai utilisé les processus internes de divulgation et suivi religieusement les directives et les protocoles internes de l'employeur sur la divulgation d'actes répréhensibles et criminels en milieu de travail fédéral.
Une campagne majeure de représailles envers ma personne a ainsi été initiée par la direction et mes collègues fautifs dans le seul but de me nuire et de me détruire pour me prendre en faute et justifier un congédiement. Pendant huit ans, j'ai été victime de harcèlement psychologique, physique et administratif de façon vraiment excessive en milieu de travail, ainsi que d'une campagne de dénigrement, de gestion abusive et de menaces injustifiées de la part de collègues et du personnel de la direction, jusqu'au point de l'effondrement psychologique.
En 2015, j'avais atteint le point de rupture psychologique et j'ai fait une tentative de suicide sans succès. Aujourd'hui, la vie me donne une nouvelle chance de parler au nom de certains de mes collègues qui ne sont plus avec nous et de ceux qui sont encore présents. Personne ne devrait avoir à vivre ce à quoi les divulgateurs d’actes répréhensibles internes sont soumis de la part de l'employeur.
J'ai demandé l'aide du président de mon lieu de travail, de mon député libéral, du ministre de la Sécurité publique et de la ministre de la Justice, et j'ai aussi porté plainte à la GRC, sans succès à ce jour.
Aujourd'hui, je suis à la retraite de façon permanente pour des raisons médicales. Je suis une personne détruite physiquement, mentalement et financièrement. Ma vie personnelle et ma carrière professionnelle sont détruites et l'avenir est incertain pour ma famille et moi-même.
Je peux vous assurer avec certitude que le gouvernement du Canada et le peuple canadien avaient un fonctionnaire chevronné et intègre qui représentait leurs intérêts avec intégrité et transparence. Ce sont pour ces mêmes raisons que l'employeur a mis fin à ma carrière de fonctionnaire fédéral.
Il est impératif que chacun d'entre vous modifie la loi actuelle en adoptant le projet de loi C‑290 pour les fonctionnaires fédéraux divulgateurs d’actes répréhensibles, afin de les protéger et de sauver des vies de fonctionnaires divulgateurs dans l'intérêt de la transparence et de la justice. La démocratie et la sécurité du public doivent être protégées des situations potentiellement destructives et illégales au sein du secteur public fédéral.
Je remercie les témoins d'être ici avec nous aujourd'hui.
Monsieur Sabourin, je suis vraiment désolée d'entendre votre histoire. Je vous remercie de nous en avoir fait part.
Je suis contente d'être ici aujourd'hui. J'espère qu'à partir de maintenant, les choses vont changer. Comme je l'ai déjà dit, il y a eu un rapport en 2017, mais, malheureusement, nous n'avons pas constaté de changements sous le gouvernement actuel. Au moins, le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui est un début, et j'espère que c'est seulement un début. En effet, je ne veux pas que d'autres personnes aient à parcourir le même chemin que vous.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Madame Forward, vouliez-vous terminer ce que vous aviez à dire ? Vous lisiez vos recommandations, mais souhaitiez-vous ajouter quelque chose? Je voudrais vous donner le temps de les présenter.
Brièvement, pour ce qui est des mesures législatives boiteuses, je prends pour hypothèse que tout le monde dans cette salle sait à quoi ressemble une loi efficace. Vous avez accès à des experts internationaux. Vous avez le travail du comité de 2017. Il ne vous reste plus qu'à le faire et à faire ce qu'il faut.
Il n'existe aucun motif rationnel, de mon point de vue, pour lequel les Canadiens ne devraient pas avoir toutes les 20 pratiques exemplaires dans la loi. Pourquoi devrions-nous nous en tenir aux huit qui sont là maintenant et les trois ou quatre supplémentaires qui sont absolument impératives si nous voulons être en mesure de garder la tête haute ou tout du moins être sur un pied d'égalité avec les autres pays, nos pairs, les autres démocraties du monde. S'il vous plaît, ne vous arrêtez pas là. Nous avons besoin d'autant de pratiques exemplaires que possible.
Pour ce qui est des mises en œuvre qui échouent, comme cela a été mentionné ici aujourd'hui, nous devons mettre en place des mécanismes de divulgation internes et externes adaptés, qui assurent les fonctions nécessaires à la réussite de celle‑ci. Il peut s'agir de conseils à l'interne et, s'ils décident de s'y adresser, au commissaire à l'intégrité du secteur public. Il peut s'agir de formations de sensibilisation, de soutien juridique, de soutien psychologique et de tout ce qui a été mentionné.
Les enquêtes sur les actes répréhensibles et sur les représailles devraient également être incluses à l'interne. Comme on l'a mentionné, les actions d'appui juridictionnel, la protection des divulgations et la prévention des préjudices devraient toutes faire partie intégrante de ce à quoi devrait ressembler un mécanisme interne de divulgation. Ce mécanisme n'existe pas à l'heure actuelle.
Cela signifie que les gens ont besoin d'apprendre à écouter activement. Ils ont besoin de connaître les forces invisibles qui sont le moteur des représailles, les forces psychologiques et inconscientes, comme la conformité dans les groupes, l'obéissance à l'autorité et la façon dont nous nous comportons lorsque nous percevons des menaces. La réaction automatique dont nous ne sommes souvent pas conscients est de détruire la menace. Cette réaction remonte à l'époque de l'homme des cavernes. Nous essayons de survivre, donc nous nous battons.
Ensuite, pour ce qui est du leadership sans conviction ni efficacité, ce sont les dirigeants qui doivent mener le changement et c'est là où le bât blesse. Ils doivent constituer la partie visible du plan de communication sur le changement de comportement. C'est l'étape suivante. Ce n'est pas seulement la mesure législative. C'est essentiel au changement de culture. Il ne devrait pas avoir de divergence entre ce que dit un dirigeant et ce qu'il fait. Et les divergences sont énormes. Les dirigeants disent une chose....
Nous avons adopté cette merveilleuse loi, mais quand il s'est agi de s'assurer que toutes les mesures prévues par la loi pour garantir la mise en place d'un mécanisme opérationnel étaient prises et que la loi était traduite dans la fonction publique, nous n'y avons pas donné suite. Ces mesures n'ont pas été concrétisées. Il n'y a eu ni formation, ni sensibilisation, ni leadership en quelque sorte. S'il y a divergence, c'est le signe d'un manque de sincérité et la confiance sera de nouveau perdue, ce qui mène à l'échec.
Les cultures politiques et administratives qui insistent sur le contrôle de l'information…
J'aimerais aussi remercier les deux témoins d'aujourd'hui.
Je salue particulièrement le courage de M. Sabourin, qui est venu témoigner devant le Comité, car il s'agissait d'un dossier très pénible, si je me souviens bien.
[Traduction]
Madame Forward, avant de passer à mes questions, je vais plutôt vous donner la possibilité de terminer votre réponse aux questions de Mme Kusie. Si cela ne vous dérange pas de terminer cette partie‑là, après quoi je poserai mes questions.
Pour ce qui est des cultures politiques et administratives, je suppose que nous avons besoin de développer des cultures ouvertes, d'écoute et de réflexion pour remplacer les cultures de défense et de contrôle, si l'on veut garder la confiance du public. Nous avons besoin de passer d'une administration publique de commandement et de contrôle à des approches d'écoute et d'apprentissage. Il nous faut admettre les erreurs, accepter les responsabilités, les corriger et apprendre.
Il existe des organismes pour cela. Il y a le Centre for Public Impact qui travaille avec les gouvernements du monde entier pour mettre justement en œuvre ce changement. Je vous recommande très vivement de demander à quelqu'un de ce centre de venir vous faire une présentation, vraiment. Le travail qu'ils font est incroyable.
Pour ce qui est du dernier point, le manque d'examen minutieux et constructif de la part du Parlement, je recommande la création d'un comité parlementaire suivi, doté de fonctions de surveillance, qui interagirait avec les ONG et les lanceurs d'alerte afin d'assurer les rétroactions sur le système et sa maintenance en continu.
Je participe à l'heure actuelle à un mouvement international. Il existe une commission dirigée par le Royaume-Uni. Le travail qu'ils accomplissent est incroyable. Ils ont en train d'adopter une nouvelle loi. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire qui circule à toute allure au Parlement. Un groupe parlementaire de tous les partis travaille de très près avec les groupes de soutien des lanceurs d'alerte de la société civile. L'organisme WhistleblowersUK sert de secrétariat au groupe parlementaire multipartite. Ils sont en train de faire adopter une loi pour établir un bureau des lanceurs d'alerte, qui a du pouvoir et qui peut sanctionner les auteurs d'actes répréhensibles.
Vous avez commencé à répondre à la question que je voulais vous poser, madame Forward.
Si l'on faisait une comparaison à l'échelle internationale, nous avons entendu dire que différents organismes donneraient une mauvaise note au Canada, mais c'est l'un de ces cas où vous pouvez disposer d'un cadre législatif admirable et ne pas avoir de suivi du tout dans la pratique. Je ne suis pas sûr de cette comparaison à l'échelle internationale.
Selon vous, quel pays serait le meilleur exemple, avec le meilleur équilibre entre un cadre législatif et une culture qui respecte réellement le cadre législatif ?
... s'il y a un pays qui est vraiment le meilleur.
Les États-Unis sont reconnus pour être les inventeurs de la dénonciation. Les dénonciations existent depuis leur première loi dans les années 1700, quand les entrepreneurs fraudaient le gouvernement. Je crois qu'une guerre ou autre chose était en cours. Je ne sais plus.
Ils ont une loi sur les lanceurs d'alerte qui date de 1979, qui a été remaniée et améliorée à plusieurs reprises. Le fait est qu'ils ont toujours des problèmes de culture. Le gouvernement en fait... La différence, selon moi, c'est que le gouvernement prend les lanceurs d'alerte au sérieux. Ils pensent que c'est important de disposer de la loi adaptée.
Pour ce qui est de la culture, il semble que, chaque fois qu'ils adoptent des modifications pour combler une lacune et améliorer les choses, les membres des organisations s'efforcent de trouver des moyens de la contourner, même si cela signifie qu'il faille reclassifier des emplois pour qu'ils soient désormais des postes sensibles du point de vue de la sécurité. Ensuite, ils portent des accusations criminelles contre les lanceurs d'alerte.
Partout où vous allez, il y a des problèmes de culture.
Madame Forward je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Sabourin, je vous en remercie infiniment. C'est à vous que mes questions s'adresseront. Si vous les trouvez trop indiscrètes ou si vous avez de la difficulté à y répondre, ne vous gênez pas à me le dire. Je suis capable d'en prendre aussi.
Dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que vous aviez subi certaines représailles. Pouvez-vous nous en décrire quelques-unes pour qu'il soit vraiment clair pour le public jusqu'où cela peut aller? Vous avez parlé de votre tentative de suicide. Je suis heureuse de voir que vous êtes ici. C'est l'une des conséquences ultimes des représailles, mais, outre cela, que s'est-il passé avant?
Après avoir rapporté mes observations à la gestion, on a commencé à me mettre de côté. Ou bien je n'avais pas de travail, ou bien on me donnait des tâches qui n'étaient pas à la hauteur de mes compétences. On me retirait des tâches pour lesquelles j'avais été engagé. Après cela, je pouvais passer quelques jours sans travail. Ensuite, on arrivait et on déposait une pile de dossiers sur mon bureau le jeudi soir, soit l'équivalent d'une semaine complète de travail. Je ne pouvais pas respecter l'échéancier du vendredi. Ce qui m'inquiétait dans cette façon de faire, c'est que c'était du travail opérationnel important pour nos agents à la frontière. Ils devaient avoir en main ces dossiers pour pouvoir fonctionner.
Ensuite, quand on a vu qu'on n'arrivait pas à me prendre en faute, on s'est mis à saboter mon travail. Comme cela n'a pas fonctionné, on a vandalisé mon bureau. Je vous ai d'ailleurs fourni des photos. Il a fallu quelques jours avant que je puisse retrouver toutes mes choses.
Par la suite, on a tenté d'ouvrir des enquêtes à mon sujet simplement dans le but de me nuire. Un jour, j'avais apporté de l'aide à un nouveau collègue, qui ne savait pas la différence entre un numéro de voyage, un numéro d'autorisation et un NIF, soit un numéro d'identification fiscale. On m'a accusé d'avoir accédé à de l'information pour laquelle je n'étais pas d'autorisation. J'ai traversé un processus d'enquête avec la gestion, jusqu'à ce que le chef de la sécurité confirme que j'avais fait mon travail, que j'avais aidé un collègue et qu'on n'avait rien à me reprocher.
Par la suite, j'ai été malade à plusieurs reprises. On ne savait pas pourquoi. Un matin, on a trouvé du Purell dans mon café. Cela a été un des éléments déclencheurs.
J'ai demandé au service des Normes professionnelles de l'ASFC d'installer des caméras dans mon bureau pour identifier les personnes fautives, mais on a refusé.
La haute direction m'a dit que si la personne responsable de ces gestes était trouvée coupable, il faudrait rouvrir tous les dossiers qu'elle avait défendus à la Cour fédérale, et que cela pourrait causer un embarras à notre ministère.
J'ai dû témoigner, dans l'exercice de mes fonctions, pour l'Agence des services frontaliers contre des membres du crime organisé.
Quelques semaines avant que je témoigne, j'ai été menacé. Quelqu'un avait divulgué mon adresse personnelle. Des menaces ont été faites directement à mes enfants. J'ai dû demander des mesures de sécurité à l'école pour mes enfants.
Si je comprends bien, l'intimidation a mené non seulement à une tentative d'empoisonnement, mais on a également fourni votre adresse et des détails personnels au crime organisé.
Non. Quelqu'un a donné mes informations, mon adresse personnelle. Des gens se sont présentés près de chez moi. Ils m'ont cerné, ils m'ont fait des menaces et ils ont fait des menaces directement à mes enfants quelques semaines avant que je témoigne.
Le seul endroit d'où pouvait venir la divulgation de cette information était mon bureau.
Quand on témoigne, on donne l'adresse de son bureau de travail.
Je mettrais toute l'information dans une enveloppe et je l'enverrais aux médias. C'est tout.
Le système m'a abandonné. La gestionnaire que j'ai contactée et les directeurs en poste m'ont dit qu'il était plus important de me concentrer sur ma carrière et de penser à ma famille et à ma retraite que de me concentrer sur les répercussions légales potentielles des allégations que je ferais contre des membres du personnel, qui incluaient des membres de la gestion.
Merci à vous deux de votre présence et de votre passion à résoudre les problèmes. Je n'en dirai jamais assez.
Je vous remercie, madame Forward.
Et je m'adresserai également à vous, monsieur Sabourin.
Encore une fois, je vous suis très reconnaissant pour le courage dont vous faites preuve en venant ici aujourd'hui, pour votre cran et votre volonté de justice pour les travailleurs actuels et à venir, afin qu'ils se sentent en sécurité et en mesure de faire des dénonciations plus tard.
Beaucoup d'experts en reddition de comptes et de défenseurs des lanceurs d'alerte expriment leurs préoccupations quant au fait que le Commissaire à l'intégrité du secteur public a refusé de faire enquête sur des cas très importants et à fort enjeu, comme les problèmes de Phœnix, des problèmes que vous avez constatés dans votre travail.
Pensez-vous que le Commissaire, qui a toujours été un fonctionnaire du gouvernement, représente un conflit d'intérêts, quelqu'un qui a été impliqué de cette façon?
J'ai moi-même contacté le Commissaire à l'intégrité. Je lui ai fourni deux ans de documentation, et dans un délai très court, il m'a répondu et a exclu un certain nombre d'informations.
Un directeur de mon unité m'a fait remarquer que le Commissaire à l'intégrité et la personne que je désignais dans ma plainte avaient déjà travaillé ensemble et se connaissaient. J'ai réclamé un avis officiel au Commissaire à l'intégrité, lui demandant de m'expliquer s'il avait un conflit d'intérêt quelconque avec la personne que je désignais dans ma plainte. Il a refusé.
La recommandation que j'ai faite aux députés du Parlement était que tout type de situation comme celle où je me trouve, faisant intervenir des agents dans un environnement opérationnel où il existe un risque pour le gouvernement du Canada et pour les personnes qui travaillent sur le terrain, devrait être confié à une personne indépendante. Il doit s'agir d'une personne qui n'a aucun lien avec qui que ce soit et une deuxième personne devrait vérifier le bien-fondé de l'information et de la décision qui est prise. C'est là, l'importante transparence que nous pouvons avoir.
Encore une fois, j'admire vraiment votre courage d'être venu aujourd'hui. Je voudrais vous en remercier.
Je vais vous laisser un peu de temps pour parler de ce que sont, selon vous, les échecs et les aspects fondamentaux d'une protection solide des lanceurs d'alerte qui doivent figurer dans ce projet de loi, qui n'y figurent pas encore, et que nous pourrions envisager pour renforcer ce projet de loi en travaillant avec notre ami et collègue.
Je crois que nous avons tout à gagner en travaillant tous ensemble, chacun d'entre vous, quel que soit le parti que vous représentez.
Nous vous représentons tous, en tant que fonctionnaires. Quand les problèmes auxquels nous faisons face sont des personnes haut placées qui commettent des actes répréhensibles ou des actes criminels, nous n'avons personne à qui nous adresser. Le mécanisme en place pour signaler ces actes confie les informations que nous donnons et les preuves que nous détenons aux personnes mêmes que nous avons dénoncées.
Cela ne peut pas continuer. Nous ne pouvons pas continuer comme ça, parce que cela ne mène pas... C'est impossible de continuer comme ça. Nous avons besoin d'une équipe indépendante qui va se saisir des informations et nous protéger et protéger tous les autres, et donner la possibilité à un organisme d'application de la loi d'enquêter discrètement pour constater l'ampleur du problème ou les torts qui ont été faits.
C'est très important de concrétiser cette notion. Sinon, le système continuera de nous faire défaut.
Tout ce que je peux dire, c'est que nous avons ici les huit pratiques exemplaires.
Afin de donner aux lanceurs d'alerte une chance fiable d'aboutir, il faut absolument que le fardeau de la preuve... Une exigence de renversement du fardeau de la preuve devrait s'y trouver. Un gestionnaire doit justifier que la mesure prise n'était pas une mesure de représailles, plutôt que ce soit à l'employé de le prouver. Il faut également prendre en considération la question de la perte financière de la personne pénalisée simplement pour avoir fait respecter la loi et avoir fait son travail, il faut à tout le moins un soutien juridique dans le système. Cela devrait faire partie du système.
La troisième chose importante, selon moi, c'est que la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles modifiée devrait interdire les ententes de non-divulgation. Elle devrait supplanter ces règlements qui peuvent également se trouver dans d'autres lois, comme les ententes de non-divulgation qui interdisent d'exposer quelqu'un ou de rendre public un acte répréhensible.
Je vais commencer par faire écho au commentaire de ma collègue, Mme Kusie. Je voudrais également reconnaître et saluer le courage auquel on a fait allusion ici et la détermination qu'il vous a fallu, je crois, pour vous exprimer et parler publiquement.
Je ne parlerai pas au nom de tous, mais je dirais qu'il est très difficile de comprendre comment une fonction publique professionnelle peut permettre l'existence d'une telle culture. Il est encore plus difficile de comprendre et d'apprendre le degré d'intimidation dont vous avez été l'objet et les répercussions que celle‑ci a eues sur votre bien-être mental et physique. Je tiens à vous remercier de vous être exprimé, monsieur Sabourin, et de nous avoir fait part de votre histoire.
Je voudrais aussi remercier M. Garon encore une fois pour avoir présenté le projet de loi C‑290. Je pense que la seule chose qui soit pire que de ne rien faire est de croire que vous faites quelque chose quand, en fait, vous ne faites rien.
Examiner ce projet de loi et agir en conséquence sont, selon moi, des choses auxquelles nous sommes très engagés de ce côté‑ci de la Chambre et de la salle.
Je n'ai plus vraiment d'autres questions. Je voudrais juste rendre la parole à l'un d'entre vous pour les derniers commentaires que vous souhaiteriez faire à notre comité aujourd'hui.
Mon histoire est l'histoire de tous les fonctionnaires qui font preuve de loyauté envers ce gouvernement et qui font face à ce dilemme. Cette situation ne touche pas que moi, et c'est important de le comprendre. Je suis ici au nom de tous ceux qui n'ont probablement pas eu la force ou la chance que j'ai eue d'être ici aujourd'hui. Il est très important de le souligner.
Je voudrais répéter ce que M. Sabourin a dit. Notre organisme a été créé pour sensibiliser davantage la population au phénomène de la divulgation d'actes répréhensibles à l'aide de la recherche et du partage de renseignements. Nous n'avons en aucun cas annoncé que nous fournissions des services aux divulgateurs d'actes répréhensibles, mais nous finissons par les aider parce qu'ils communiquent avec nous et parce qu'ils n'ont personne d'autre vers qui se tourner. Je ne saurais vous dire combien d'histoires semblables à celle de Luc j'ai entendues.
Très rapidement, j'aimerais vous dire que nous avons mis sur pied, il y a quelques mois, un groupe de soutien pour les divulgateurs d'actes répréhensibles. Une facilitatrice professionnelle gère le groupe. C'est une ancienne législatrice du Manitoba.
Trois participants ont dû quitter le groupe. Ils ne pouvaient même pas participer aux discussions parce qu'ils étaient trop ébranlés mentalement, souffrant de stress post-traumatique. Ces gens voient des menaces partout et sont très méfiants. Ils ne me faisaient pas confiance lorsqu'ils ont découvert que j'étais un ancien fonctionnaire — j'ai travaillé dans le cabinet d'un ministre — et ils sont tout de suite devenus méfiants à mon égard.
Il est important de savoir qu'il existe de nouveaux renseignements — en fait, ce sont des renseignements qui circulent depuis longtemps et auxquels la population est maintenant plus sensible — selon lesquels ce type de comportement, cette intimidation et ce harcèlement causent des dommages réels au cerveau qui peuvent être observés par imagerie médicale. Cela change la donne pour les employeurs. Ils peuvent désormais être tenus responsables juridiquement. Il est possible de présenter les résultats d'une scintigraphie cérébrale en cas d'antécédents de harcèlement et d'intimidation et après avoir été congédié de la fonction publique ou de n'importe quelle autre organisation.
Lorsque nous parlons des fonctionnaires, nous ne parlons que d'une petite minorité d'employés canadiens qui endurent ce genre de situation. N'oubliez pas les employés municipaux et provinciaux, et les employés des sociétés privées constituées sous le régime fédéral, qui ne bénéficient d'aucune protection.
Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui. Je me ferai l'écho de mes collègues en remerciant M. Sabourin d'avoir eu le courage de se pencher à nouveau sur sa douloureuse expérience personnelle.
Merci également à notre collègue, M. Garon, d'avoir soulevé cette question à nouveau.
Je crois que M. Sabourin a quelque peu parlé de ce qui suit: le projet de loi prévoit d'inclure dans la loi le « défaut de fournir du soutien » à un fonctionnaire qui dénonce un acte répréhensible à la définition de représailles.
Ce changement ne risque‑t‑il pas de porter atteinte à la confidentialité du processus, puisque d'autres personnes devraient désormais connaître l'identité du divulgateur? Je pense que vous avez mentionné qu'essentiellement, l'information est transmise aux gens qui connaissent les gens qui connaissent les gens.
Ma question s'adresse à Mme Forward.
Le projet de loi C‑290 inclut également une nouvelle catégorie d'actes répréhensibles, à savoir l'« abus de pouvoir », mais il n'y a pas de définition à ce sujet dans le projet de loi. Comment le Comité peut‑il définir cette nouvelle catégorie?
Je pense que tout ce qui s'approche de ce qui est mal est un abus de pouvoir. Les gens savent instinctivement quand il y a un abus de pouvoir. L'intimidation et le harcèlement sont des abus de pouvoir. L'abus de pouvoir consiste en partie à profiter de son pouvoir et à ne pas l'exercer de manière juste et équitable. Ces abus sont probablement dus au fait que la personne qui les commet n'a pas les compétences nécessaires pour exercer les fonctions qui lui ont été données.
Pour être un bon gestionnaire ou un bon employeur, il faut savoir écouter. Pour développer des cultures organisationnelles au sein desquelles les gens n'auront pas peur de s'exprimer, il faut d'abord que les gestionnaires sachent écouter. Les gens auront l'impression d'être entendus. S'ils s'adressent à leur gestionnaire et que celui‑ci n'est pas enthousiaste lorsqu'ils suggèrent une amélioration... Le gestionnaire, plutôt que de penser que l'employé est en train de lui dire qu'il n'a pas bien fait son travail, et de prendre cette suggestion comme une insulte personnelle — ce qui est souvent ce qui déclenche des représailles —, pourrait simplement pratiquer l'écoute active, ce qui encouragerait les employés à dénoncer certaines choses.
C'est là où le bât blesse. Il s'agit simplement d'un manque de compétences.
Vous avez dit que cette situation dure depuis longtemps. Peut-être que M. Sabourin pourrait aussi faire un commentaire à ce sujet.
Cette culture persiste dans différents ministères. Nous l'avons constaté ailleurs également, qu'il s'agisse de la GRC ou d'autres secteurs administratifs.
Pourriez-vous nous parler de la culture organisationnelle et de ce qui à votre avis...? Vous avez parlé de l'écoute active, et j'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet.
Nous sommes en train de parler d'un environnement interne. Il existe trois éléments qui façonnent l'environnement interne. Le premier est la structure. Le deuxième est le leadership. Le dernier est la culture organisationnelle.
En ce qui concerne la structure, les hiérarchies verticales strictes, en particulier, sont très susceptibles de créer des cultures organisationnelles dysfonctionnelles, principalement en raison de problèmes de communication. C'est la situation que l'on tente d'éviter avec le projet de loi. Plus précisément, si les actes répréhensibles sont commis par des gens qui occupent des postes aux échelons supérieurs, le divulgateur n'a aucun recours, comme l'a dit M. Sabourin.
Il y a ensuite le leadership. Les patrons ont une énorme incidence sur la culture organisationnelle. Tous les patrons disent qu'ils sont très ouverts et qu'ils veulent entendre ce que vous avez à dire. Ils disent qu'il faut venir les voir, que leur porte est ouverte, qu'il n'y a pas de problème, mais qu'est‑ce que...?
J'ai reçu des menaces de la part de la gestion. On m'a dit que, si je parlais aux députés ou aux médias, on me retirerait ma pension du gouvernement fédéral. On l'a retenue délibérément pendant quatre ans, de 2018 à 2022. Le problème a été réglé à la suite de l'intervention de votre bureau. C'était une façon de me museler pendant quatre ans pour que je ne parle pas aux médias et pour épuiser les recours possibles et les délais pour dénoncer la situation.
Quelles auraient été les conséquences pour la réputation internationale et pour la sécurité nationale du Canada si vous aviez fermé les yeux sur ce que vous avez vu ou si vous ne l'aviez pas dénoncé? Étiez-vous forcé, par vos fonctions, de le dénoncer?
J'avais une obligation légale et morale de dénoncer les gestes dont j'ai été témoin et qui pouvaient entraîner une perte de crédibilité du gouvernement canadien auprès de ses alliés. Je ne pouvais pas fermer les yeux sur ces méfaits, des infractions graves, de nature criminelle. Si nos alliés avaient découvert ces choses, le Canada pouvait perdre sa crédibilité et les relations très bien établies avec ses alliés, entre autres les membres de l'OTAN, auraient été brisées. Quand j'ai rapporté les faits à la gestion, c'est devenu immédiatement invivable.
Des personnes en position d'autorité nous ont donné l'ordre de détruire des passeports et d'indiquer dans des banques de données fédérales que nous les avions retournés aux différentes ambassades.
Je suis intervenu. J'ai avisé la gestion que cette façon de faire était illégale. Cela créait de faux documents dans une banque de données fédérale qui est utilisée par la Cour fédérale du Canada dans certains dossiers. On m'a dit que cette pratique allait cesser. Après un certain temps d'interruption, on a placé quelqu'un dans un local fermé pour continuer à détruire des passeports, tout en indiquant dans la banque de données fédérale que nous les avions rendus à nos alliés.
Les auteurs de ces actes étaient en position d'autorité. Je les ai dénoncés, et cela m'a coûté ma carrière.
Comment expliquez-vous le fait que, à ce jour, aucun véritable changement n'a été entrepris pour protéger les fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles?
Comment se fait-il que ces changements n'aient pas eu lieu? Aucune des recommandations de ce comité n'a été appliquée en six ans.
Tout en restant transparent, mais en ne pointant personne du doigt, je peux vous dire que le fait de changer les lois ou de les modifier pour nous protéger fait peur à certaines personnes et dérange une certaine culture, qui est très bien établie. Les seules personnes qui peuvent faire des changements pour les fonctionnaires divulgateurs sont les membres de ce comité. Sans cela, cette culture va toujours demeurer. Il n'y a aucune façon de l'aborder sans l'expliquer directement. Vous seuls avez le pouvoir d'améliorer les choses.
J'ai déjà posé cette question à M. Garon. L'un des aspects positifs du projet de loi est qu'il permettrait aux fonctionnaires de signaler des actes répréhensibles à un agent de la division du secteur public où ils travaillent et pas seulement à leur supérieur immédiat.
Est‑ce que cela vous aurait aidé, M. Sabourin, si cette mesure avait été en place à l'époque? Pourriez-vous nous parler de la possibilité d'utiliser plus d'un mécanisme de recours et de résolution ?
Je me suis adressé à tous les intervenants à tous les niveaux de la structure hiérarchique pour leur expliquer cette situation, et le système m'a laissé tomber. Ce que je dis, c'est que nous devons avoir un agent indépendant auprès duquel nous pouvons dénoncer un acte répréhensible, de sorte que, comme je l'ai dit plus tôt, une enquête appropriée puisse être menée sans que personne ne sache ce qui se passe. La personne vers qui nous nous tournons pour dénoncer un acte répréhensible pourrait même établir si ce que nous avançons est fondé, sans toutefois causer de tort à qui que ce soit.
Lorsque nous dénonçons une situation à notre supérieur ou à tout autre supérieur hiérarchique, en particulier si la situation en question implique des supérieurs hiérarchiques, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Il n'y a aucune chance que cette information sera communiquée ou qu'une quelconque mesure administrative sera imposée.
J'espère avoir compris la question et de vous avoir éclairés.
Madame Forward, l'une des améliorations essentielles qui devraient être apportées au projet de loi, à notre avis, est d'étendre la protection accordée aux divulgateurs d'actes répréhensibles aux entrepreneurs qui ont des contrats dans la fonction publique. Nous assistons à beaucoup de sous-traitance. Il y a beaucoup de fournisseurs.
Vous avez peut-être vu des fournisseurs qui sont témoins d'actes répréhensibles et qui veulent les dénoncer. Pouvez-vous nous parler de l'importance de cette démarche?
Je n'ai pas entendu grand-chose à ce sujet. J'ai entendu parler de quelques cas importants. Je pense qu'il est évident que toute personne ayant été témoin d'un acte répréhensible de la part d'une entité gouvernementale ou d'une entité quelconque devrait être protégée. De nombreux pays protègent tous leurs citoyens. Cela fait partie de leur législation. Tout citoyen, sans restriction, qui signale un acte répréhensible aux autorités qui sont en mesure d'intervenir est protégé. Il n'y a aucune raison pour que le Canada fasse les choses différemment.
Je n'ai pas d'explication valable à vous donner sur les raisons qui les ont poussés à agir de la sorte. Ils ont essentiellement dit qu'ils n'avaient pas l'obligation de me le dire parce que j'occupais un poste subalterne, mais je leur ai dit que ce qu'ils faisaient constituait une infraction criminelle.
Malgré mes 12 années d'expérience dans cette unité, je ne peux pas vous expliquer pourquoi ils faisaient cela. L'explication qu'ils m'ont fournie était illogique. J'ai contesté leurs dires et j'ai vérifié ce qu'ils faisaient. Leur explication ne tenait pas la route.
Je vous remercie de votre participation à notre réunion d'aujourd'hui.
Madame Forward, je vous remercie également. C'est un plaisir de vous voir. Vous avez parlé des États-Unis. Il s'agissait en fait de la marine pendant la Révolution américaine. Les États-Unis ont la chance d'avoir un sénateur de l'Iowa — le sénateur Chuck Grassley — que l'on appelle le saint patron des divulgateurs. J'espère que grâce à ce que nous avons entrepris aujourd'hui et plus tôt, nous pourrons peut-être avoir 11 ou 12 autres saints patrons, au Canada, pour les divulgateurs.
Je vous remercie énormément du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.
Chers collègues, s'il n'y a pas d'autres commentaires, la séance est levée. Je vous remercie.