Bienvenue à la 11e séance du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes.
Aujourd'hui, le Comité poursuivra son étude des projets d'approvisionnement en défense aérienne et de la Stratégie nationale de construction navale. Le Comité étudiera chaque étude séparément. Pour établir la distinction entre les études, nous avons invité chaque témoin à faire deux déclarations.
Je rappelle aux témoins qu'ils sont chacun invités à faire une déclaration de trois minutes, après quoi nous passerons aux questions.
Au cours de la première heure, le Comité étudiera les projets d'approvisionnement en défense aérienne. Chaque témoin fera une déclaration préliminaire au début de la première heure, après quoi nous passerons aux questions. Au cours de la deuxième heure, le Comité étudiera la Stratégie nationale de construction navale, et les mêmes témoins feront une autre déclaration préliminaire au début de la deuxième heure. Le reste du temps sera consacré aux questions des députés.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Des députés sont présents en personne dans la salle et d'autres sont à distance par Zoom.
En ce qui concerne la liste d'intervention, le greffier du Comité et moi ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de parole pour tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne. Je souhaite profiter de l'occasion pour rappeler à tous les participants à cette réunion que les captures d'écran et les photos d'écran ne sont pas permises.
Comme la situation de pandémie se poursuit, à la lumière des recommandations des autorités de santé publique, ainsi que de la directive du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021 visant à assurer la santé et la sécurité de tout le monde, nous allons devoir respecter un certain nombre de dispositions. Toute personne présentant des symptômes doit participer par Zoom et ne pas assister à la réunion sur place. Dans la salle, tout le monde doit respecter une distance physique de deux mètres, que l'on soit assis ou debout. Tout le monde doit porter un masque non médical pour circuler dans la pièce, et il est fortement recommandé que les membres portent leur masque en tout temps, même quand ils sont assis. Des masques non médicaux, qui nous permettent de vous entendre plus clairement que les masques en tissu, sont disponibles dans la salle. Toutes les personnes présentes doivent maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le désinfectant pour les mains situé à l'entrée de la salle. Les salles de comité sont nettoyées avant et après chaque séance. À cette fin, nous vous encourageons à nettoyer les surfaces telles que les bureaux, les chaises et les microphones avec les lingettes désinfectantes qui vous sont fournies lorsque vous quittez la salle ou que vous vous asseyez à votre place.
En tant que président, j'appliquerai ces mesures pendant toute la durée de la séance, et je remercie d'avance les membres de leur coopération.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins que j'invite à faire leur première déclaration liminaire.
Nous allons commencer par M. Leuprecht.
:
Bonjour. Je vous remercie de votre invitation.
Je vais intervenir dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Je ferai mes remarques en anglais.
Ma déclaration liminaire sur l'approvisionnement en matière de défense va mettre en lumière la myriade de règles inutilement rigides qui favorisent beaucoup trop la transparence et la reddition de comptes plutôt que de permettre que les militaires obtiennent le matériel dont ils ont besoin. Il convient de faire un compromis entre les effets — soit obtenir pour les troupes les infrastructures et le matériel dont elles ont besoin — et la transparence nécessaire pour gérer le risque du processus d'approvisionnement, pour exercer un contrôle politique et pour éviter qu'un soumissionnaire lésé ne crie à l'injustice.
En l'absence d'un nouvel apport important de fonds et sans perspective immédiate d'augmentation des effectifs, le Parlement et le gouvernement doivent envisager sérieusement de réduire les procédures exceptionnellement rigides qui entravent les processus d'approvisionnement et de dotation. Deux remèdes sont possibles: soit engager plus de personnel et injecter plus de fonds, soit simplifier des procédures qui exigent beaucoup de temps et de ressources humaines.
Le gouvernement libéral de M. Chrétien et le gouvernement conservateur de M. Harper ont tous deux tenté de s'attaquer aux obstacles bureaucratiques, mais les équipes de lutte contre la paperasserie se sont enlisées dans les formalités administratives et n'ont jamais rien accompli.
Les FAC comptent 25 bases, escadres et stations un peu partout au pays. Elles possèdent le parc immobilier le plus important du gouvernement du Canada, avec 10 millions de mètres carrés d'espaces, 21 000 bâtiments, 2,2 millions d'hectares de terrain et 13 500 infrastructures dont des routes, des réseaux d'égouts et ainsi de suite. En raison du manque persistant de personnel et de ressources financières, le risque d'échec est omniprésent. Cela étant, le MDN réagit aux crises qui entraînent une augmentation exponentielle des coûts par rapport à ce qu'il en aurait coûté pour effectuer un entretien proactif si le ministère avait reçu les fonds nécessaires.
Toutes ces contraintes sont imposées par les organismes centraux, souvent à la demande du Parlement. Lors du dernier exercice, le MDN a reversé 1,2 milliard de dollars de son budget global, soit environ 5 %. Voilà qui est indicatif du décalage entre le financement et les procédures. Autrement dit, une augmentation du financement ne réglera pas nécessairement les problèmes d'approvisionnement des FAC.
Ce comité devrait étudier en détail les exigences strictes en matière d'approvisionnement qui sont imposées au MDN et aux FAC, cela afin de voir comment les simplifier et les harmoniser de sorte que les procédures d'affectation des fonds soient mieux adaptées aux effets que recherchent le Parlement et le gouvernement.
Le Comité pourrait également envisager d'autres modèles d'approvisionnement, comme le fait de compter sur un ministre de l'industrie de la défense dévoué, à l'instar de l'Australie, pour que le secteur bénéficie d'une plus grande attention et d'une meilleure expertise politiques. Le niveau d'attention n'est pas le même pour un seul ministre responsable du plus grand employeur organisationnel au Canada et qui administre environ le quart des dépenses directes du gouvernement fédéral.
Et puis, le Comité devrait examiner d'autres modèles d'approvisionnement, comme l'approche suisse consistant à voter une enveloppe budgétaire pour la défense sur une question particulière, à cet effet particulier. Ensuite, le Suisses s'en remettent à la Défense et aux procédures du gouvernement pour décider des résultats à obtenir avec cette enveloppe.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour parler de certains des mécanismes d'approvisionnements en matière de défense aérienne du Canada.
Je tiens d'abord à souligner que nous avons réalisé des progrès appréciables dernièrement dans plusieurs de ces domaines. Pas plus tard qu'hier, et pour la deuxième fois en 12 ans, nous avons annoncé l'achat du F‑35. J'espère que, cette fois‑ci, cette annonce sera suivie d'effets, soit par l'achat du nouveau chasseur.
Au‑delà de cela, et dans le cadre d'autres projets liés aux engins aériens téléguidés, aux aéronefs de surveillance, et aux avions d'avitaillement en vol et de transport, certains de nos achats ont pris de l'ampleur. J'espère que les déclarations publiques de la au sujet de la modernisation de la défense continentale, dont elle dit qu'elle commencera sous peu, déboucheront sur des améliorations pour notre défense aérienne, à condition que ce plan soit conduit à terme.
Toutes ces initiatives devraient renforcer notre défense dans son ensemble, mais je crois qu'elles pourraient bénéficier de trois améliorations, soit d'une plus grande priorité accordée à l'approvisionnement de défense, d'une augmentation de la capacité de notre système d'approvisionnement et d'une approche plus rigoureuse en matière d'établissement des échéanciers.
Compte tenu de la complexité de l'approvisionnement de défense et de la nécessité pour le gouvernement de concilier une multitude d'objectifs concurrents, les approvisionnements se feront plus rapidement quand les gouvernements se soucieront clairement de la rapidité avec laquelle les matériels sont livrés et qu'ils en feront leur grande priorité. Chaque fois que ces conditions ont été réalisées, d'importants achats ont été faits rapidement, comme pour l'achat des avions de transport et de l'équipement lors de la guerre en Afghanistan, à la fin des années 2000. En l'absence de priorités claires de la part du et du Cabinet, de la fonction publique et de l'armée, les projets avanceront plus lentement. À l'heure actuelle, il ne semble pas que l'approvisionnement soit une priorité essentielle du gouvernement du Canada.
La capacité du système d'approvisionnement doit également être mieux calibrée en fonction du nombre de projets d'approvisionnement que le Canada poursuit actuellement. L'effectif consacré aux approvisionnements a été réduit à l'occasion d'un examen de programme dans les années 1990 et n'a jamais été entièrement rétabli. Par exemple, l'effectif du Groupe des matériels du MDN ne représente qu'un peu plus de la moitié de ce qu'il était à la fin des années 1990, même s'il gère à peu près les mêmes budgets qu'à l'époque, après rajustement en fonction de l'inflation. Ce décalage entre la capacité et la charge de travail sera un facteur limitatif de taille dans toute tentative d'accélération du rythme des projets d'acquisition en défense aérienne ou d'augmentation des dépenses de défense, y compris par la modernisation de la défense continentale.
Enfin, nos efforts en matière d'approvisionnement pourraient être renforcés par l'amélioration de la rigueur avec laquelle les calendriers des projets d'approvisionnement de défense sont établis. Trop souvent, on semble se contenter de décider d'acheter un nouveau matériel à telle date pour ensuite procéder à rebours, sans tenir compte de la mesure dans laquelle le plan est réalisable dans le délai imparti. Ne pas tenir compte des dimensions du risque et de la complexité d'un projet, ainsi que du temps qu'il faut pour le mener à bien, revient à se condamner à ne pas pouvoir respecter les engagements dès le départ et à quasiment garantir que les budgets seront érodés par l'effet de l'inflation dans le temps.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici pour vous parler de ces questions.
J'aimerais d'abord faire un commentaire sur la tragédie qui se déroule actuellement en Ukraine. Nous avons l'obligation morale d'agir et de faire notre part pour lutter contre la violence qui sévit là‑bas. Selon toute vraisemblance, nous nous retrouverons dans des situations semblables à celle‑ci, ailleurs dans le monde. Si nous voulons faire notre part, nous ne pouvons pas continuer à gaspiller notre temps et nos ressources en raison de pratiques d'approvisionnement odieuses, dont on peut constater l'effet dans nos tentatives d'acquisition de nouveaux chasseurs et de nouveaux navires.
Je propose de vous parler un peu de la façon de régler le problème de l'approvisionnement de défense, puis je ferai quelques commentaires sur la décision récente d'acquérir le F‑35.
Depuis plus d'une décennie, je défends ardemment la nécessité d'établir un seul point de responsabilité. M. Leuprecht en a d'ailleurs parlé. Tout cela est fort simple: il y a un chevauchement et un dédoublement excessifs entre le rôle du ministre de la Défense nationale et celui du ministre de Services publics et Approvisionnement Canada. Tant que l'approvisionnement en matière de défense ne sera pas la responsabilité d'un seul ministère, elle ne sera jamais aussi efficiente et efficace qu'elle le devrait.
De tous ses proches alliés, le Canada est le seul pays où le système de responsabilités est éparpillé. Aux États-Unis, le secrétaire de la Défense est responsable de l'approvisionnement militaire. Au Royaume-Uni, cette responsabilité incombe au secrétaire d'État à la Défense. En Australie, l'approvisionnement en matière de défense est sous l'autorité de la Defence Materiel Organisation, relevant du ministre de la Défense.
En décembre 2019, j'étais sûr que le gouvernement donnerait enfin suite à cette recommandation. À l'époque, les lettres de mandat des ministres de la Défense nationale et de Services publics et Approvisionnement Canada comprenaient une directive visant à présenter des options pour la création d'une nouvelle entité unique: Approvisionnement de défense Canada. Malheureusement, mes espoirs ont été anéantis lorsque, en décembre 2021, les lettres de mandat de ces deux ministères ne faisaient plus référence à cette question.
Je reconnais que le fait de corriger ce problème de gouvernance ne réglera pas tous les problèmes d'approvisionnement, mais il s'agit d'une première étape nécessaire. Les avantages de créer un organisme unique d'approvisionnement va au‑delà du renforcement de l'obligation de rendre compte. Premièrement, le processus sera également simplifié. Actuellement, le processus avance seulement aussi vite que le permet l'organisation la plus lente. De nombreux mois peuvent ainsi être perdus en raison de présentations et d'approbation entre de multiples organisations.
Deuxièmement, l'élimination des frais généraux et de la duplication des fonctions par la fusion des ressources de SPAC et du MDN permettra de réaliser des économies. Ces économies peuvent contribuer à atténuer les répercussions des importantes réductions de personnel survenues au cours des deux dernières décennies.
Troisièmement, tant qu'un seul ministre ne sera pas investi de la responsabilité globale de l'approvisionnement en matière de défense, il sera difficile, voire impossible, de mettre en place des mesures de rendement à l'échelle du système.
En parlant des mesures de rendement, Peter Drucker, le célèbre gourou de la gestion, a affirmé: « Toute administration, qu'elle soit à la tête d'une entreprise ou d'un pays, s'embourbe dans la médiocrité et les mauvais rendements si elle n'est pas clairement responsable des résultats. » Sans mesures de rendement ouvertes à un examen public, le rendement souffre. Nous avons besoin d'indicateurs qui, au minimum, mesurent les coûts et la ponctualité. Si les coûts augmentent, qu'est‑ce qui le justifie? Si des retards surviennent, à quelles étapes du processus y a‑t‑il des goulots d'étranglement? Il est impossible d'apporter des améliorations si nous n'avons pas une compréhension claire de l'origine des problèmes.
Enfin, nous avons besoin d'un plan d'immobilisations ayant les caractéristiques suivantes. Tout d'abord, il doit s'agir d'un plan à long terme dont le coût est entièrement calculé. Le Plan d'investissement de la Défense du MDN est une tentative faible et inadéquate de remplir ce besoin. Sa granularité est insuffisante pour qu'il soit efficace. La débâcle des coûts des NCSC en est la preuve. Contrairement au Plan d'investissement de la Défense, les coûts du cycle de vie complet de chaque projet doivent être présentés pour une période de plus de 30 ans et schématisés afin de représenter les fonds disponibles projetés année par année.
Ensuite, le plan doit être approuvé par le Cabinet. L'approbation du Cabinet rend plus difficile pour les gouvernements de modifier les priorités à des fins de politiques partisanes.
Puis, le plan doit être rendu public. Les avantages d'un plan public seraient considérables. Du point de vue de l'information publique, tous les Canadiens auraient une meilleure compréhension des sommes dépensées et de la manière dont elles le sont. Les comités parlementaires pourraient plus facilement assurer un contrôle rigoureux de ces dépenses qui représentent des milliards de dollars.
Enfin, en sachant que ce plan a moins de risque d'être modifié, les fournisseurs potentiels prendront plus facilement les mesures nécessaires pour se positionner de manière optimale afin de concourir au moment opportun.
Et puis, j'entretiens des réserves au sujet de l'annonce récente...
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs. Je vous remercie d'être avec nous.
Ma première question concerne la nouvelle que nous avons apprise hier au sujet de la présélection du F‑35. Ce que nous avons compris, c'est que le F‑35 n'a pas vraiment été choisi officiellement et qu'il doit encore y avoir ce que le gouvernement appelle des « dialogues ». On dit qu'il pourrait y avoir jusqu'à sept mois de « dialogues » avec Lockheed Martin.
Monsieur Williams, de votre côté, quelle est votre compréhension de ce que sont ces « dialogues »?
:
En fait, j'allais dire que j'ai deux sujets d'inquiétude majeurs au sujet de cette annonce.
Premièrement, il ne suffit pas de dire que c'est un investissement de 19 milliards de dollars. Il est important que le Comité sache s'il s'agit du coût d'acquisition ou du coût de soutien à long terme, du coût de maintenance à long terme. Il n'est pas rare qu'on nous présente des estimations incroyablement faibles, qui, en fait, induisent les comités parlementaires et la population en erreur.
Deuxièmement, à dire vrai, j'ai été tout à fait stupéfait d'apprendre que les négociations prendront au moins sept mois. En général, quand on lance un appel d'offres, toutes les conditions et modalités sont précisées dans la proposition, et pour faire une offre, il faut les remplir toutes. Sept mois, c'est terriblement long, et ce genre d'information m'inquiète.
Je rappelle que l'achat du Cormorant a pris plus de trois mois. L'achat de l'hélicoptère maritime a pris environ quatre mois. D'après mon expérience, c'est le délai normal habituel.
Il ne devrait pas y avoir beaucoup de nuances, pas s'ils ont répondu favorablement et valablement à toutes les conditions et modalités.
:
Franchement, on peut être dégoûté des deux programmes dont nous allons parler aujourd'hui. Nous voilà retournés 12 ans avant d'avoir nos avions. M. Leuprecht en a parlé.
Il y a 12 ans, le 16 juillet 2010, il n'y avait aucune raison de contourner les procédures applicables et d'annoncer l'attribution d'un contrat à un fournisseur unique pour l'achat d'un avion à réaction. On ne dépense pas des milliards de dollars d'argent des contribuables sur une simple affirmation. Pour s'assurer que les militaires savent de quoi ils ont besoin, il faut lancer un appel d'offres. En 2010, personne n'avait la moindre idée de ce que ce projet allait finalement coûter ni même de ce qu'il permettrait de faire. La proposition de s'adresser à un fournisseur unique était à l'époque une abomination. C'est inadmissible.
Si ce n'est pas le cas, il convient, au moment opportun — parce que ces avions devaient être remplacés en 2018‑2019 —, de lancer l'appel d'offres à l'avance et d'obtenir ce dont on a besoin dans un délai approprié.
:
J'allais parler du délai.
En 2000, j'ai fait une étude qui a révélé qu'il fallait près de 16 ans pour conclure un approvisionnement. Le vice-chef de l'époque, George Macdonald, et moi-même avons estimé que c'était inacceptable. Nous avons envoyé une directive aux hommes et aux femmes du ministère de la Défense nationale qui s'occupaient des approvisionnements pour leur dire que, dorénavant, les militaires auraient deux ans entre le moment où des besoins seraient circonscrits et le moment où ces derniers feraient l'objet d'un énoncé définitif. Ils auraient deux ans, et moi, du côté civil, j'aurais deux ans pour conclure un contrat.
En fait, d'après les renseignements fournis par le ministère, en 2011, nous avons réussi à le faire. Malheureusement...
:
Merci, monsieur le président.
Bienvenue à tous les témoins d'aujourd'hui. Je vous remercie de vos témoignages.
Je vais commencer par M. Perry.
Je sais bien que votre exposé préliminaire portait sur l'approvisionnement, mais j'aimerais aborder un autre aspect, l'investissement. C'est un sujet sur lequel vous vous êtes également prononcé vigoureusement, notamment en ce qui concerne le NORAD et sa modernisation. J'espère que vous pourrez répondre à quelques questions à ce sujet.
Puisque le NORAD est un système de systèmes et qu'il existe deux écoles de pensée ou de multiples moyens concernant sa modernisation, pourriez-vous nous parler de ces moyens? Lequel recommanderiez-vous?
:
Je crois qu'on envisage de nombreuses solutions pour moderniser non seulement le NORAD, mais aussi un éventail plus large de mesures liées à la défense continentale. J'espère que nous verrons quelque chose très bientôt.
Ce qu'expliquait le ministre de la Défense nationale de l'époque dans une lettre adressée au secrétaire à la Défense des États-Unis — la veille de nos dernières élections fédérales, je crois — couvrait le secteur riverain, littéralement et figurativement, du point de vue des mesures auxquelles le Canada pourrait contribuer, de concert avec les États-Unis. Il était question d'enjeux divers: améliorer notre infrastructure dans l'Arctique, améliorer la fonctionnalité de nos emplacements d'opérations avancés, en en installant un autre plus au nord, par exemple, et remplacer le Système d'alerte du Nord par une gamme de systèmes modernes pour fournir les mêmes services avec la technologie d'aujourd'hui, c'est‑à‑dire détecter les principales menaces sur l'Amérique du Nord. À mon avis, nous devrions aussi envisager un certain nombre d'autres investissements concernant le commandement et le contrôle et diverses choses comme le ravitaillement aérien.
J'espère que cela nous mènera...
:
D'accord. Je vais parler lentement, dans ce cas.
Monsieur Williams, vous avez parlé de la lourdeur administrative. Dans vos notes, vous dites qu'il faut qu'il y ait, au sein de Services et Approvisionnement Canada, des gens spécialisés, notamment en approvisionnement aéronaval, pour faire les vérifications et les contrôles.
À votre connaissance, de telles personnes sont-elles présentes au sein de la fonction publique fédérale?
:
Je m'excuse de vous couper la parole. Je vais préciser ma question.
Au fond, je cherche à savoir s'il existe des fonctionnaires qui possèdent des connaissances suffisamment approfondies pour savoir si les prix qui leur sont proposés dans le cadre d'une partie ou de l'ensemble d'un contrat sont trop élevés, vu les tendances du marché et ainsi de suite.
Lockheed Martin était au départ un fournisseur unique. On a ensuite changé son fusil d'épaule, puis on est finalement revenu dans le cadre d'un contrat bel et bien conclu avec deux concurrents, mais qui ressemble néanmoins à un contrat avec fournisseur unique. Nous nous exposons ainsi à un danger, celui de voir les prix exploser.
Par conséquent, y a-t-il au ministère des fonctionnaires particulièrement compétents pour s'assurer que les prix n'exploseront pas, comme on le voit dans d'autres ministères ou dans d'autres projets?
:
Je n'ai aucune objection à ce que la même entreprise soit retenue dans le cadre de différents appels d'offres. Tant mieux pour elle si elle peut l'emporter de façon ouverte, équitable et transparente, mais je dirais que ce n'est pas le cas en l'occurrence. Il me semble que cela a été le cas pour les F‑35, mais, s'agissant des navires de combat canadiens, il pourrait y avoir débat ou discussion énergique. Je dirais que, en l'occurrence, le gouvernement a abdiqué sa responsabilité à l'égard du programme, l'a refilée au secteur privé et a laissé celui‑ci choisir les entreprises avec lesquelles il voulait travailler.
Franchement, je ne pense pas que quiconque dans cette salle ou dans le secteur privé ait été choqué et surpris de voir Irving choisir Lockheed Martin. Les deux font des affaires ensemble depuis des années. Elles entretiennent de bonnes relations, et, à dire vrai, si j'avais été aux commandes, j'aurais probablement fait la même chose. Mais j'estime que c'est très différent de ce qui s'est passé quand Lockheed Martin a été choisie. D'autres ne seraient peut-être pas d'accord.
En principe, chaque appel d'offres est distinct, et je n'ai aucun problème à ce qu'une bonne entreprise gagne plus que sa part.
Toujours au sujet des avions F‑35, je ne sais pas qui pourra le mieux me renseigner. Ce sera peut-être M. Perry.
Dans un article paru en juillet 2021 dans la publication américaine Defense News, on peut lire qu'il y avait encore sept défauts techniques critiques à corriger sur le F‑35. Or le constructeur refuse de préciser quels sont ces défauts. Je trouve qu'il serait important de les connaître, étant donné que le gouvernement du Canada est un acheteur potentiel.
Pourriez-vous me donner vos impressions sur ces sept défauts et sur les conséquences qu'ils pourraient avoir sur la navigabilité et la durabilité des avions?
:
Je crois que nous aurons une bonne entente. D'après ce que je comprends, c'est l'un des aspects qui pourrait être abordé dans le processus de finalisation, qui prendra un certain temps, quelques mois de plus, avant d'en arriver au point où nous pourrons effectivement acheter l'avion.
Il faut se rappeler que beaucoup de ces avions sont constamment mis à niveau, essentiellement parce qu'ils sont dotés de super ordinateurs. C'est pourquoi les logiciels sont constamment mis à jour, ce qui suppose l'ajout progressif de fonctions supplémentaires pour garantir que tout fonctionne en tout temps.
Cet avion n'est en production que depuis un peu plus de 10 ans. En fait, l'un des avantages de l'acheter maintenant — dont nous n'aurions pas profité si nous l'avions acheté la dernière fois que nous avons décidé de le faire —, est que beaucoup des problèmes qui se posaient il y a 12 ans sont désormais réglés.
:
J'aimerais faire quelques observations.
Premièrement, comme l'a dit M. Perry, nous ne le savons pas. Je ne suis pas sûr que nous voulions vraiment le savoir, d'ailleurs, mais c'est ainsi que les choses se passent partout. Je ne suis pas sûr que nous voulions rendre un mauvais service à notre secteur privé par rapport à ce qui se passe ailleurs.
Je tiens à souligner que la façon dont nous utilisons désormais les RIT pour retenir une offre est, à mon avis, tout à fait inacceptable. Comme vous le savez, l'ancienne structure des retombées industrielles et régionales prévoyait qu'une offre devait être retenue en fonction du dossier technique et du prix. Chaque entreprise devrait soumettre un plan industriel, qui pouvait être rejeté ou accepté. Tout le monde connaissait les règles du jeu, et aucun plan industriel n'était rejeté.
Mais désormais — et c'est ce qui s'est passé dans le cadre de l'appel d'offres portant sur le F‑35 —, on attribue jusqu'à 20 % aux RIT. Cela ne s'est pas produit dans ce cas‑ci, mais je crains que si, à l'avenir, on accorde autant d'importance aux retombées industrielles, on en vienne à sacrifier les solutions optimales à des emplois théoriques.
Je mets mon chapeau d'ancien SMA...
:
Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de poser quelques questions au professeur Leuprecht, dont le livre Spheres of Governance, coécrit avec le professeur Lazar, a vraiment influencé ma réflexion sur la gouvernance multi-niveaux. J'avais vraiment hâte à cet échange.
Dans un article paru en 2016 dans le Toronto Star, vous avez parlé du processus d'approvisionnement en avions de chasse au Danemark. Vous aviez déclaré à ce moment‑là que « les avions qu'achète le Canada et leur nombre ont moins d'importance que la régularité de la procédure ». Aujourd'hui, M. Williams a qualifié d'« abomination » le processus d'approvisionnement auprès d'un fournisseur unique sous le gouvernement précédent. M. Perry nous a parlé du manque de confiance caractérisant le processus d'approvisionnement sous le gouvernement précédent.
Pourriez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, un processus d'approvisionnement transparent et indépendant est important pour l'achat de ces avions de chasse?
:
Je vais changer un peu de sujet.
Vous avez beaucoup écrit sur le soutien du Canada à la mission en Lettonie et, plus précisément, sur la présence avancée renforcée de l'OTAN.
Selon vous, quels seront les avantages que procureront ces 88 avions de chasse au Canada lorsqu'ils seront livrés? Plus précisément, en quoi, selon vous, cette nouvelle capacité permettra-t-elle d'appuyer le rôle ou d'avoir un effet sur le rôle du Canada dans la présence avancée renforcée de l'OTAN, si du moins c'est le cas?
:
Comme je l'ai souligné à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, on peut bien parler de dissuasion, mais cela suppose en fait d'avoir, par exemple, un avion de chasse capable de neutraliser les défenses aériennes russes. Le F‑35 est le seul avion qui en soit capable. En matière de dissuasion militaire, c'est très important.
Cela dit, s'agissant du déploiement efficace de ces avions, il faut comprendre qu'on n'achète pas simplement un avion. Je crois que M. Perry y a fait allusion. On achète une plateforme de données. Au XXIe siècle, la guerre est d'abord et avant tout une question de données et de flux de données.
Une modernisation importante s'impose au sein du ministère, tant du côté des réseaux — mais le gouvernement n'a pas prévu d'investissements supplémentaires dans les réseaux et nous commençons donc à faire du surplace et nous allons rapidement prendre du retard — que du côté de la capacité du ministère à se doter d'une stratégie des données et à numériser toute son administration.
La question de la capacité des avions de chasse F‑35 s'inscrit dans une perspective beaucoup plus vaste dont il faut encore se préoccuper.
Je vais poursuivre sur ce que vous venez de dire, monsieur Perry.
Tout à l'heure, dans son allocution, M. Williams disait que la participation de cette centaine d'entreprises canadiennes n'était pas liée à une obligation d'achat.
Dans l'éventualité où le Canada opterait, en fin de compte, pour le Gripen ou pour tout autre aéronef, et pour refaire tout le processus, qu'arriverait-il à la centaine d'entreprises canadiennes? Est-ce que, derechef, les F‑35 les sortirait de leur consortium, ou demeureraient-elles partenaires de ce consortium?
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous ceux qui ont comparu aujourd'hui et qui nous ont fourni de bons renseignements.
À la dernière séance, j'ai interrogé l'un des témoins du groupe au sujet d'une liste de systèmes de défense surface-air. J'ai mentionné le drone Switchblade et les missiles Stinger et Javelin. Si j'en ai parlé, c'est qu'on entend parler aux informations du matériel que les États-Unis fournissent à l'Ukraine et qu'ils essaient d'utiliser dans leurs propres capacités de défense. Les témoins ont dit que nous n'avions aucune de ces armes. J'ai demandé si nous achèterions ce matériel pour nous-mêmes ou pour l'Ukraine. Ils ont répondu que c'était confidentiel et qu'ils ne pouvaient rien dire. Ce que j'accepte. C'est sans doute leur prérogative.
Que pensez-vous des armes que j'ai énumérées: Switchblade, Stinger et Javelin? L'une ou l'autre aurait-elle sa place dans nos propres capacités de défense aérienne ou ces systèmes sont-ils réservés aux États-Unis?
Que celui qui le voudra me réponde, M. Perry ou M. Williams.
:
Votre question ressemble à celle que M. Jowhari a posée la semaine dernière au sujet du manque d'information. Le fait est que vous n'avez pas les outils nécessaires pour exercer une surveillance. Vous devriez être en mesure de consulter un plan qui indique, du point de vue des immobilisations, ce que nous avons et ce que nous prévoyons acquérir pendant les prochaines décennies. Nous devrions avoir cette information. D'autres pays l'ont bel et bien. Sans cela, personne ne peut exercer une surveillance correcte.
Si on ajoute des mesures de rendement, on a l'autre membre de l'équation: pour ce qui est mis en place, comment les choses se passent-elles? Les retards et les goulots d'étranglement, où se situent-ils et qui en est la cause? Nous n'avons pas l'information élémentaire qui nous renseignerait sur ce que nous avons et ce dont nous avons besoin.
Voilà le nœud du problème, voilà pourquoi nous sommes inefficaces à ce point. Nous sommes le seul pays où la responsabilité ministérielle est diffuse. Nous n'avons aucun moyen de mesurer ce que nous faisons, et nous n'avons aucun plan qui nous renseigne sur ce que nous estimons devoir faire.
Je ne m'exprimerai peut-être pas de façon aussi pittoresque, mais je voudrais d'abord signaler que l'approche interministérielle de l'approvisionnement est en place depuis longtemps, depuis plus de 50 ans, je crois. Il est donc bien ancré.
Cela dit, monsieur Williams, vous avez de nombreuses idées sur l'approvisionnement en matière de défense et la façon de l'améliorer. Ces discussions et ces idées avaient-elles leur place dans votre travail lorsque vous étiez au service de la fonction publique?
:
Je vous remercie de la question.
Je vous répondrai par l'affirmative. Vous n'ignorez pas que j'ai publié un livre sur l'approvisionnement en matière de défense, A View from the Inside. Je répète le même refrain depuis 15 ans: la responsabilité partagée entre divers ministères mènera toujours à l'inefficacité et au manque d'information et de surveillance. J'ignore pourquoi nous n'avons pas corrigé le problème. Ce n'est peut-être pas une priorité du gouvernement, mais tant qu'il ne sera pas réglé, il nous manquera de l'information nécessaire pour améliorer le processus.
Ce n'est rien de si compliqué, il me semble. C'est une question élémentaire d'approvisionnement. S'il n'y a pas de plan prospectif, pas de mesure du rendement, pas de possibilité d'exiger des comptes d'un seul ministre, pas la peine d'espérer des améliorations.
:
Tout au long de l'histoire du gouvernement fédéral, nous avons assez facilement fusionné différents ministères. Ce ne serait pas la première fois ni la dernière. Ce n'est donc pas une complication.
J'ajouterai cependant que, dans les ministères, certains pourraient avoir l'impression de gagner quelque chose ou de perdre au change. J'ai donc toujours dit que, à moins que le premier ministre ne l'ordonne, la restructuration ne se fera jamais. Le personnel de SPAC, j'en suis sûr, préfère de loin aller à des salons de l'aéronautique au Bourget ou à Farnborough plutôt que s'occuper de l'achat de meubles pour les services de l'État.
Ce travail plaît, et je le comprends. Un ministre peut avoir l'impression de perdre quelque chose s'il ne participe pas à l'annonce d'un marché qui se chiffre en milliards de dollars. Je comprends cela aussi. Je ne pense donc pas que le mouvement en faveur de la restructuration puisse venir de la base. Si nous voulons qu'elle se fasse, il faut que le premier ministre l'ordonne.
:
Merci, monsieur Williams.
Voilà qui met fin aux questions sur l'approvisionnement en matière de défense aérienne.
Le médecin en moi dit que tout le monde devrait se détendre un instant et rapidement faire quelques étirements. Comme nous n'avons pas à faire venir d'autres témoins, nous sommes prêts à poursuivre. Nous entendrons les témoins déjà présents.
Passons maintenant à l'étude de la Stratégie nationale de construction navale.
Pour la gouverne des témoins, je signale que les déclarations liminaires qu'ils nous ont remises ont été distribuées aux membres du Comité, qui les ont en main, mais nous avons convenu de vous accorder un maximum de trois minutes si vous jugez nécessaire de revenir brièvement à ces déclarations. Nous allons nous en tenir aux trois minutes pour respecter l'horaire.
Cela dit, je vais encore une fois donner la parole à M. Leuprecht d'abord. Vous avez trois minutes.
:
Merci encore une fois de m'avoir invité.
La SNCN est un bel exemple qui montre à quel point l'approvisionnement en matière de défense est politisé, en particulier par les partis de l'opposition qui cherchent à marquer des points, et les hommes et femmes politiques cherchent avant tout à faire profiter l'industrie des largesses de l'État dans des circonscriptions ciblées plutôt qu'à garantir l'efficacité et l'efficience de l'approvisionnement.
Les difficultés qui nuisent à l'approvisionnement en matière de défense aérienne et dans le déploiement de la SNCN ne sont que les symptômes d'un système hanté par des problèmes contrariants qui ne sont pas de son fait. Les organismes centraux et le Parlement ont imposé des procédures et des contrôles qui empêchent de plus en plus le MDN et les Forces armées canadiennes d'obtenir les effets que les gouvernements et les contribuables souhaitent dans les opérations.
Tant que les parlementaires de l'opposition chercheront à marquer des points politiques en s'en prenant au greffier du Conseil privé et à d'autres au sujet des avions de chasse et de la construction navale, les organismes centraux redoubleront de prudence, de sorte que, inévitablement, ils avanceront à pas de tortue et les coûts augmenteront en conséquence. Ainsi, les projets d'approvisionnement sont entraînés dans une spirale fatale ou ont pour résultat que les militaires en obtiennent beaucoup moins pour l'argent dépensé que ce que le gouvernement aurait pu avoir si les projets s'étaient déroulés correctement.
Les NPEA en sont un bon exemple. Prenez les F‑35 et comparez les coûts estimatifs de l'achat qui vient d'être annoncé aux coûts initiaux d'il y a plus d'une décennie.
Un élément de solution consisterait à faire des votes importants sur la politique et les dépenses en matière de défense des décisions de tous les partis, comme cela se fait en Australie. L'appui de tous élimine une partie de l'incitation à politiser l'approvisionnement en matière de défense.
Dans le même ordre d'idées, l'objectif est‑il de permettre aux Forces armées canadiennes d'acquérir le matériel nécessaire avec le maximum d'efficacité ou de répartir les largesses politiques partout au Canada? Si l'objectif est le deuxième, il est malhonnête que les parlementaires promettent aux militaires qu'ils recevront le matériel dont ils ont besoin à temps et dans les limites des budgets. Les chasseurs à réaction et la construction navale sont tous deux pris dans ce piège. Le problème, ce n'est pas que les militaires définissent mal les besoins, mais que le gouvernement essaie de maximiser les retombées pour l'industrie dans des circonscriptions précises.
:
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité à continuer de vous parler, cette fois de la construction navale.
Je commencerai par dire que les trois problèmes que j'ai énumérés tout à l'heure à propos de l'approvisionnement en matière de défense aérienne, c'est‑à‑dire le manque de priorisation et les problèmes de capacité et d'ordonnancement, sont également présents dans la construction navale.
Sur le premier point, de manière générale, la Stratégie nationale de construction navale avait deux objectifs: rebâtir une industrie maritime canadienne et construire des navires. À ce jour, le premier aspect de cette équation a reçu de la part du gouvernement une attention plus constante que le deuxième. Si nous souhaitons que nos navires soient construits plus rapidement, leur livraison doit être une plus grande priorité que ce qu'elle est actuellement.
De plus, les pénuries de main-d'œuvre qui nuisent à d'autres acquisitions entravent les projets de construction navale, mais ceux‑ci souffrent également de deux problèmes uniques en matière de capacité. L'offre de main-d'œuvre qualifiée dans le secteur maritime, particulièrement à un moment où beaucoup d'alliés du Canada réalisent eux-mêmes des projets comparables, est un problème à corriger si nous voulons assurer le succès du renouvellement de la flotte du Canada. En même temps, le manque d'expertise en construction navale au sein du gouvernement du Canada continue d'être un facteur limitatif. Si nous voulons que nos efforts dans le secteur de la construction navale soient couronnés de succès, nous devons commencer à penser à une stratégie nationale des ressources humaines pour le secteur maritime de façon à résoudre ce problème collectif.
Enfin, tous les projets sous l'égide de la SNCN ont connu des difficultés d'ordonnancement, la majorité d'entre eux ayant raté plus d'une échéance majeure. Cette incapacité répétée de respecter les délais des projets donne à penser que nous faisons face à un problème systémique à résoudre dans l'industrie navale.
Au‑delà de ces problèmes généraux, nos projets de construction navale pourraient bénéficier de deux autres changements dans les modalités de gestion. Premièrement, nous continuons de gérer la Stratégie nationale de construction navale et ses projets comme une série de projets individuels pour la Marine et la Garde côtière canadienne, plutôt que comme un programme de travaux interdépendants. Puisque tous les projets doivent passer par des étapes de construction à chaque chantier naval de façon plus ou moins séquentielle, toute décision concernant un projet a inévitablement un impact sur les autres. De façon similaire, prendre des décisions en matière d'achat ou de conception projet par projet, ou pire, navire par navire, empêche le Canada d'assurer une certaine uniformité dans sa flotte ou de réaliser les économies que permettraient des commandes en gros de systèmes et d'équipement. Le Canada serait mieux servi s'il gérait ces projets comme un programme collectif de travaux, depuis le cabinet jusqu'à tous les niveaux de la bureaucratie.
Deuxièmement, pour revenir au problème de la priorité à accorder à la livraison des navires, la gouvernance de la Stratégie nationale de construction navale et de nos projets de construction navale doit être réévaluée. Compte tenu de la hausse importante des coûts des projets de construction navale, des sommes énormes consacrées à nos flottes et de leur importance pour la Marine et la Garde côtière, nous avons besoin d'une structure de gouvernance capable de prendre des décisions rapides qui permettront de livrer rapidement les navires.
L'actuel réseau complexe de ministères canadiens et d'intervenants de l'industrie — et, dans le contexte de navires de combat canadiens, le gouvernement américain — pourrait être mieux structuré. Il ne semble pas que les dispositions actuelles permettent de réunir les parties prenantes assez souvent, avec des représentants du niveau voulu, pour faire en sorte que les nombreuses décisions difficiles qu'exige la construction de navires soient prises assez rapidement et en tenant suffisamment compte des effets sur le programme de travaux dans son ensemble. Merci.
:
Merci. Je suis heureux que vous ayez lu vos exposés, parce que cela me fera gagner beaucoup de temps et, franchement, m'épargnera bien du chagrin.
Le programme va coûter un quart de billion de dollars. Il faut comprendre qu'il est financièrement impossible de s'y prendre comme nous l'avons fait. À peu près tous les principes d'une bonne démarche d'approvisionnement ont été sacrifiés, négligés, bafoués, si bien que les coûts ont augmenté de 44 %.
L'énoncé des besoins, plutôt que d'être mis au point au ministère, a été abandonné à l'industrie, qui a pu décider ce qu'elle voulait faire. Le gouvernement a abdiqué sa responsabilité en faveur du secteur privé — c'est ISI, Irving Shipbuilding Inc., qui prend toutes les décisions. Comment pourrait‑il en être autrement? Les prix continuent d'augmenter en dehors de toute surveillance. Ce n'est pas compliqué. On court à une catastrophe comme celle‑ci lorsqu'on renonce aux principes fondamentaux que sont la reddition de comptes et la transparence.
Personne ne semble se soucier du coût du cycle de vie complet. Pour acheter et entretenir ce matériel, il faut compter environ 240 milliards de dollars sur 30 ans. Ce seul projet pèse plus lourd que l'ensemble des besoins des forces terrestres, maritimes et aériennes regroupées. Alors qu'il faudrait jeter les hauts cris, on se demande encore si ce sera 60, 56 ou 77 milliards de dollars, sans comprendre que cela ne représente que 30 % des coûts.
Je me suis déjà expliqué. À mon avis, ce projet ne se réalisera jamais. Quelqu'un va se réveiller et comprendre que c'est impossible.
Ce que j'ai recommandé, en dépit de dépenses excédentaires énormes, c'est de construire trois navires de cette façon, puis, pour les 12 autres, de reprendre correctement tout le processus, avec appel à la concurrence pour le chantier naval. La réduction des coûts, par rapport aux coûts actuels, se situera entre la moitié et le tiers. C'est amplement démontré.
:
Merci, monsieur le président.
Peu importe à quel parti politique nous appartenons, je pense que nous avons tous le même intérêt ici, qui est d'améliorer les choses. Avec la guerre en Ukraine et les demandes de l'OTAN, le message est assez clair. Même si nous avions déjà planifié ces réunions avant tout cela, nous avons maintenant une démonstration claire qu'il faut être beaucoup plus efficaces.
Monsieur Williams, je vais revenir sur la création d'un ministère consacré à l'apprivoisement militaire. Monsieur Leuprecht, vous en parlez aussi dans vos notes.
En 2019, dans la lettre de mandat du ministre de la Défense nationale — c'était M. Sajjan à l'époque —, il était inscrit clairement qu'il devait travailler avec la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement pour créer un ministère appelé « Approvisionnement de défense Canada ». En 2021, ça a disparu des lettres de mandat.
Pourquoi le gouvernement a-t-il changé d'idée? Nous considérions de notre côté que c'était une très bonne idée. De plus, cela va dans le même sens de ce que vous avez dit.
:
C'est assez lourd de sens, quand vous dites que le problème est d'ordre idéologique. De surcroît, l'idée venait du gouvernement en place, qui l'a laissée tomber deux ans plus tard.
Même si je veux qu'on règle le dossier, je n'ai pas le choix de faire de la politique, nous sommes ici pour cela aussi.
Il est clair pour vous que le gouvernement libéral n'avait pas l'intention, jusqu'à il y a un mois, avant la guerre en Ukraine, d'investir en défense, et que c'est pour cela que tout traîne en longueur. C'est assez grave.
On a également parlé de dépassements de coûts. À l'époque, quand le gouvernement conservateur a mis la stratégie navale en place, c'était pour être beaucoup plus efficace. Il a adopté cette stratégie pour que les chantiers puissent construire de l'équipement, planifier et obtenir des budgets pour qu'on finisse par avancer.
On dirait qu'il y a maintenant un effet pervers à tout cela. M. Williams en a parlé, il y a des dépassements de coûts, et on semble ne pas avoir de contrôle sur ces dépassements. Par exemple, les cinq premiers navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique, les fameux NPEA, coûtaient 400 millions de dollars chacun. Le gouvernement en a commandé un sixième, qui coûtait 800 millions de dollars. Il y avait des coûts associés à ces 400 millions de dollars supplémentaires, mais on ne sait pas trop lesquels. Cela fait au total 2,8 milliards de dollars. Or nous avons appris dernièrement que ce chantier est rendu à 4,3 milliards de dollars. On nous donne pour seule réponse que c'est à cause de la COVID‑19.
Monsieur Leuprecht, n'est-ce pas un exemple d'abus?
:
Évidemment, je m'appuie sur mon expérience dans le domaine de l'approvisionnement et dans votre bureaucratie.
Je soutiens que ce programme en particulier a été victime d'une singulière incompétence. Ceux qui ont conçu le processus ont fait comme s'ils ne connaissaient rien des modalités normales de l'approvisionnement. Cela n'a rien à voir avec la politique. Ce sont des bureaucrates qui ont conçu des processus inapplicables.
Ce processus a débuté en 2012. Dix ans ont passé. C'est à n'y rien comprendre. La DEIQ, la demande d'expression d'intérêt et de qualification, a été publiée en 2012. Les Américains sont en train de construire une série de frégates. Il leur a fallu trois ans pour faire le travail initial et prendre leur décision, et cinq ou six ans de plus jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur premier navire, à un tiers du coût. Bon, peut-être pas exactement le tiers du coût, mais...
:
Nous savions que le chantier naval ne serait pas en mesure de livrer certains éléments. La Défense nationale doit maintenant les construire à Esquimalt.
Je refuse de me prononcer sur les compétences de quiconque, mais il y a toujours des compromis politiques dans les décisions que les gouvernements prennent lorsqu'ils accordent des contrats d'approvisionnement.
Nous vivons dans un pays particulièrement vaste et nous n'achetons pas beaucoup de ces choses‑là. Lorsque nous les achetons, nous devons ensuite les adapter. Nous apportons une série d'adaptations au navire de combat canadien. Bon nombre d'entre elles sont dictées par la prudence. Il s'agit de répondre aux besoins particuliers du Canada.
C'est pourquoi je trouve la comparaison de M. Williams un peu injuste. Chez les Américains, par exemple, la construction navale se fait à une tout autre échelle, et les Français ne s'y prennent pas tout à fait comme nous pour acquérir leurs navires. Nous devons, quant à nous, nous assurer qu'au bout du compte, le matériel servira vraiment les intérêts canadiens et répondra aux besoins de la Marine royale canadienne. Cela exige toujours des modifications sur mesure, comme nous le voyons avec le navire de combat canadien, par exemple.
:
Monsieur Bains, vous posez une question extrêmement importante. Le plus grand défi, peu importe ce que mes collègues ont dit, ne tient pas au matériel lui-même, mais au personnel.
À l'heure actuelle, les plus grandes lacunes des Forces armées canadiennes concernent certains métiers dans la Marine canadienne. Nous pouvons acheter tous les avions et tous les navires que nous voulons, quels que soient les dépassements de coûts, si nous ne pouvons pas fournir le personnel capable d'exercer certains métiers ou professions, si nous ne pouvons pas fournir les pilotes, peu importe quel avion au monde... Nous mettons beaucoup l'accent sur l'approvisionnement, mais il y a d'autres difficultés de taille. Je témoignerai la semaine prochaine au comité de la défense nationale au sujet du recrutement et du maintien en poste du personnel.
Les forces armées doivent faire trois choses. Elles doivent pouvoir se renouveler. Elles doivent se maintenir, subvenir à leurs besoins et fonctionner. Pendant des années, nous avons tellement mis l'accent sur les opérations que nous n'avons pas été en mesure de renouveler et de maintenir les forces. C'est ainsi que nous avons maintenant d'importants défis à relever du côté du renouvellement. Cela va compromettre la capacité des Forces armées canadiennes de se maintenir et certainement de mener des opérations si nous ne pouvons pas régler ces problèmes de renouvellement.
Il faut insister beaucoup plus sur la nécessité de s'assurer que l'organisation peut vraiment se renouveler, vu les obstacles à surmonter pour y arriver.
:
L'interopérabilité est absolument essentielle parce que, dans les opérations internationales et multinationales, le Canada agit rarement seul. Nous sommes toujours aux côtés d'alliés, mais nos besoins sont également quelque peu différents des leurs.
Par exemple, les frégates françaises ne sont pas conçues pour rester en mer six mois d'affilée. Compte tenu de notre situation géostratégique, nous devons nous assurer que notre matériel peut répondre aux besoins particuliers des Canadiens, qui sont quelque peu différents de ceux de plusieurs de leurs alliés.
Nous devons dire oui à l'interopérabilité, mais aussi nous préoccuper de la contribution particulière du Canada et nous rappeler la façon dont nous avons utilisé la défense nationale avec beaucoup d'adresse sur le plan politique, au fil des décennies, pour maximiser l'influence de la politique étrangère canadienne. Il faut comprendre que la défense nationale et les Forces armées canadiennes constituent un instrument de politique étrangère et d'influence, l'instrument de politique étrangère le plus important dont dispose un gouvernement fédéral.
Messieurs Perry et Leuprecht, ce que vous dites à propos du besoin de main-d'œuvre qualifiée m'interpelle grandement. En 1994, j'étais étudiante à Rimouski et l'Institut maritime du Québec, qui s'y trouve, débordait. Il n'y avait même pas assez de places dans les résidences de l'Institut. Les étudiants devaient venir aux résidences du Cégep de Rimouski.
En 1994, un ancien premier ministre canadien a fait des compressions budgétaires dans les forces armées. Je m'en souviens. Je n'étais pas dans les forces, mais mes amis étaient présents lors de l'annonce disant que leurs services n'étaient plus requis et qu'ils pouvaient partir. Cela a vidé peu à peu l'Institut maritime du Québec, qui cherche aujourd'hui des étudiants, alors qu'auparavant il en refusait.
Alors, à mon humble avis, en effet, ce que vous dites est vrai. Il y a beaucoup de travail à faire sur le plan du recrutement et de la formation.
Cela dit, monsieur Williams, j'ai aussi été fortement interpelée lorsque vous avez dit que c'était l'industrie qui décidait, et non le client, c'est-à-dire le gouvernement du Canada. Je m'interroge énormément là-dessus. Il me semble qu'habituellement, lorsqu'un client fait des demandes ou pose des questions, l'industrie s'organise pour y répondre et doit lui rendre des comptes.
Que se passe-t-il, actuellement, si c'est l'industrie qui décide?
J'aimerais que vous nous donniez plus d'information sur cet aspect.
:
D'après mon expérience, ce problème est propre au projet des navires de combat canadiens.
Essentiellement, le gouvernement a dit que, pour construire ces navires, il allait présélectionner un chantier auprès duquel tout le monde allait devoir soumissionner, et il a choisi Irving pour les grands navires de combat. Ainsi, tous ceux qui voulaient soumissionner ont été contraints à travailler avec Irving, ce qui, en soi, est allé à l'encontre du cours normal des choses, qui consiste à permettre aux consortiums de se structurer et de choisir leur propre chantier.
Cela fait, les responsables ont encore aggravé la situation en disant qu'Irving étant le chantier naval, ce serait aussi cette entreprise qui prendrait les décisions sur l'énoncé des besoins: le choix de l'intégrateur et celui de la conception. C'est Irving qui a choisi le modèle de type 26, qui n'avait pas fait ses preuves. C'est encore Irving qui a choisi Lockheed Martin. L'entreprise décide de l'énoncé des besoins.
Pas étonnant que les coûts soient passés de 26 à 77 milliards de dollars et que le poids des bâtiments ait augmenté de 44 %: il n'y a aucune contrainte. Aucune limite budgétaire. Tous les contrôles élémentaires dont un programme d'approvisionnement est normalement assorti ont été éliminés.
La situation est maintenant très grave: comment pouvons-nous aller de l'avant? Je ne pense pas que le gouvernement signe un jour un contrat portant sur 15 de ces navires sous la rubrique actuelle. Il va falloir faire quelque chose, et j'ai proposé des idées pour la suite des choses.
Je ne fais aucun reproche à Lockheed Martin, mais je me questionne sur le processus décisionnel.
Messieurs, êtes-vous inquiets de voir que Lockheed Martin sera responsable de la construction de nos aéronefs et qu'elle est également impliquée dans la conception des navires?
Ne trouvez-vous pas qu'on donne beaucoup de contrôle à cette compagnie, qu'on lui donne un trop grand pouvoir de décision? Ne trouvez-vous pas que certains aspects devraient être entre les mains d'intérêts purement canadiens?
:
Permettez-moi de distinguer les deux dossiers.
Pour être juste envers les F‑35, c'est le gouvernement qui est le responsable, pas le secteur privé. Lockheed Martin n'est pas le responsable. Le gouvernement a choisi cet avion. C'est lui et ses fonctionnaires qui surveilleront l'élaboration du programme.
Je n'ai aucune raison de soupçonner quoi que ce soit. Lockheed Martin est une entreprise réputée et très compétente. À propos de ce programme particulier, il faut dire que 700 ou 800 appareils ont déjà été vendus. Elle en produit 3 400 au total et environ 2 400 appareils de version A. Ces gens ont de solides moyens et sont très compétents.
Quant au programme des navires, ce n'est pas tant Lockheed Martin qui me préoccupe. Ce qui m'inquiète, c'est qu'Irving Shipbuilding, Lockheed Martin et BAE sont en mesure, sans contraintes budgétaires, d'exploiter les contribuables. Il est incroyable que nous dépensions plus d'un quart de billion de dollars, plus d'argent que nous n'en avons pour acheter ce dont ont besoin les forces terrestres, maritimes et aériennes, et que personne ne brandisse le drapeau rouge et ne dénonce ce scandale. Je ne comprends pas comment nous en sommes arrivés là sans que personne s'en aperçoive.
Vous pouvez en débattre, vous disputer avec moi et soutenir que je me trompe sur toute la ligne, mais cela devrait faire l'objet d'un examen minutieux avant qu'il ne soit trop tard.
Je vais revenir à M. Williams.
J'aime beaucoup vos explications. Vous avez parlé des différents éléments qui contribuent au coût des navires de combat canadiens: les coûts de conception du navire, les systèmes en développement, la possibilité pour l'industrie de modifier l'énoncé des besoins et d'y ajouter des éléments, l'absence de contrôles budgétaires, et le transfert au secteur privé de la responsabilité du processus d'approvisionnement.
Comment les autres pays s'y prennent-ils pour éviter ces coûts effrénés? Dans quelle mesure l'industrie devrait-elle pouvoir participer à l'élaboration de l'énoncé des besoins pour les grands projets d'approvisionnement en matière de défense?
Monsieur Perry, vous avez parlé de capacité, et cela m'a beaucoup plu.
J'habite à Port Alberni. Nous avons le seul port en eau profonde sur la côte Ouest de l'île de Vancouver. Certains on voulu faire construire une cale sèche sur les terres portuaires fédérales, et Transports Canada a répondu qu'il n'y avait pas de programme pour les cales sèches flottantes. Entretemps, j'ai assisté à la conférence de la Pacific NorthWest Economic Region, et j'ai appris qu'environ 3 milliards de dollars sont consacrés chaque année à la remise en état des cales sèches, et ces installations n'ont aucune disponibilité. Le secteur tourne à plein régime ou presque, depuis l'Oregon jusqu'à l'Alaska.
Pouvez-vous expliquer en quoi le processus d'approvisionnement est vicié, en ce sens que nous pouvons repérer...? Le directeur parlementaire du budget a dit la même chose. Comme nous n'avons pas de secteur de la construction navale robuste depuis des années, les coûts sont faramineux par rapport à ceux d'autres pays.
Pouvez-vous nous parler de la nécessité d'une collaboration interministérielle pour investir dans l'expansion du secteur de la construction navale?
:
Cette partie de la stratégie de construction navale — la constitution d'une industrie souveraine chez nous et d'une source d'approvisionnement — ne devrait pas se perdre. Un de vos collègues a demandé plus tôt si le Canada achetait des missiles Javelin. Comme le conflit en Ukraine l'a fait ressortir, le faible développement de votre industrie nationale limite considérablement les possibilités qui s'offrent à votre gouvernement.
Nous sommes en train de mettre en place un secteur national de construction navale qui pourrait bâtir des navires pour nous ou peut-être pour d'autres à l'avenir. Nous sous-estimons l'avantage que le Canada pourrait avoir pour développer exactement ce type de capacité industrielle.
Je vais réagir rapidement à certaines affirmations d'Alan Williams. Je suis d'accord avec lui lorsqu'il parle de divergences de vues sur une foule de sujets, mais en total désaccord sur beaucoup d'éléments de sa description de l'arrangement. Je suis tout à fait d'accord sur le manque de transparence et sur le fait que nous devrions pouvoir discuter de cette question en nous appuyant sur une interprétation et une explication du gouvernement, qui dirait comment, à son avis, ces arrangements sur la construction navale et les navires de combat canadiens, ou NCC, doivent fonctionner, et quelles devraient être les relations avec les chantiers navals.
Le même point de vue vaut pour la situation qui existera entre le Canada et les divers chantiers navals — d'autant plus qu'il y en aura peut-être trois — et la nature des relations entre le gouvernement et les chantiers navals et toutes les entreprises qui travaillent pour eux. Jusqu'à maintenant, cela n'a pas été expliqué assez clairement.
:
Merci, monsieur le président et messieurs.
Monsieur Williams, merci de m'avoir profondément déprimé.
J'ai un exemplaire du rapport du Congressional Research Service. Il a publié un rapport sur la classe Constellation. Il montre en fait que les États-Unis sont en train de modifier considérablement le navire, le rendant beaucoup plus gros que la frégate européenne multi-mission, ou FREMM, mais toujours à environ 1 milliard de dollars par navire, soit environ le cinquième du coût que nous allons assumer.
Messieurs Perry et Williams, que pensez-vous des problèmes des navires de type 26? Nous avons vu les rapports de nos alliés australiens qui éprouvent des problèmes avec ces navires. La Grande-Bretagne s'est retirée de son engagement quant au nombre de navires qu'elle allait faire construire. Elle va en construire quelques-uns, mais elle construira beaucoup plus de frégates plus petites et moins coûteuses.
Lorsque nous avons reçu les représentants de la Marine, la semaine dernière, nous avons parlé de ce problème et des questions de poids, et ils ont dit qu'ils réduiraient peut-être certaines parties du navire afin de satisfaire aux exigences de poids et de vitesse. Je suis horrifié à l'idée que nous puissions faire des coupes dans l'armement et d'autres éléments nécessaires sur le navire pour respecter les exigences en matière de vitesse et autres définies dans la demande de propositions. La Marine semble peut-être disposée à sacrifier certains éléments pour ne pas dépasser le poids prévu.
À propos du navire de type 26, pourriez-vous tous les deux nous parler de l'expérience de nos alliés? À quoi pouvons-nous nous attendre?
:
J'ai quelques mots à dire.
Premièrement, les États-Unis n'ont allongé leur navire que de 23,6 pieds et n'en ont augmenté le poids que de 500 tonnes. Sur le simple plan matériel, c'est relativement mineur. Les rapports qui portent sur la question ne présument pas qu'il y aura d'importantes majorations des coûts à cause de ces modifications. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un bâtiment qui a fait ses preuves et que tous les systèmes se trouvent sur le marché.
Quant au type 26, je dirais simplement qu'il faut jeter un coup d'œil rapide à ce qui se passe en Australie, où l'augmentation de poids est considérable. Apparemment, il ne reste plus qu'une marge d'environ 3 %. Les Australiens ont fait un examen complet et viennent de retarder le processus de 18 mois. L'augmentation du poids, selon leur vérification, a eu une incidence considérable sur la puissance du navire. Ils ont l'impression qu'ils ont perdu sur les plans du rayon d'action et de la vitesse. Ils retournent à la planche à dessin pour adapter la conception. Ils s'attendent à des retards qui totaliseront 18 mois. Je ne...
:
Pour commencer, il est important de se rappeler que le programme américain n'en est encore qu'à l'étape théorique, à l'étape de l'intention, et qu'il n'a encore rien produit.
Quant à la marine américaine, son bilan en matière de livraison de gros navires dans les délais et sans dépassement de budget n'est pas très reluisant, à moins qu'elle n'en ait déjà livré trois, quatre ou cinq douzaines, comme c'est le cas pour les destroyers de la classe Arleigh Burke.
C'est aussi une considération importante, si vous pensez à la classe Constellation comme solution de rechange possible pour le Canada et au fait que le Canada ne prévoit pas continuer d'acheter le Arleigh Burke Flight III comme le font les États-Unis. Nous n'avons pas de porte-avions. Pour faire des analogies avec d'autres programmes ailleurs, il est important de comprendre les différences entre ce que nous cherchons à faire avec notre seul programme d'acquisition par rapport à ce que d'autres pays font avec des acquisitions multiples.
Il y a en fait un bon nombre de similitudes, cependant, entre l'approche de base adoptée par les Américains et ce que nous faisons. Certains des rapports du Congressional Research Service, par exemple, révèlent qu'ils retiennent l'essentiel de ce navire, mais qu'ils le modifient considérablement. Comme M. Williams l'a souligné, ils sont en train de le modifier sur trois plans et de changer tous les systèmes de combat à bord. C'est là que surgissent les risques et les défis d'intégration réels propres à un projet comme celui‑ci. Le Canada produit une version d'un modèle identique.
Merci aux trois témoins. Vous nous avez tous appris beaucoup de choses. M. Leuprecht, notamment, a fait ressortir les tensions inhérentes entre les différentes exigences imposées au processus d'approvisionnement. On veut faire vite, mais plus on va vite plus on risque d'agir avec incompétence, sans cohérence, sans rigueur dans l'évaluation. On veut limiter les frais, mais plus on le fait, moins on peut insister sur le contenu canadien, sur la création d'emplois au Canada, sur la réalisation de travaux au Canada, alors qu'on peut acheter pour moins cher des produits tout faits à l'étranger.
Bon nombre des contraintes dénoncées aujourd'hui nous sont imposées par le choix de ces modèles. Par exemple, à propos de la création d'emplois au Canada, je suis certain qu'il y a une façon d'acquérir les navires qui n'aurait pas créé autant de milliers d'emplois au Canada. Il aurait été plus rapide de les acheter tout faits à l'étranger.
Qu'en pensez-vous, chacun de vous, messieurs Leuprecht et Perry? C'est ce que je retiens surtout des échanges d'aujourd'hui.
:
Je pense que vous avez frappé dans le mille.
La construction navale en particulier et de nombreux aspects de l'approvisionnement sont essentiellement une série de compromis visant à prendre les décisions les moins mauvaises, et non celles qui sont parfaites en soi. Cela vaut pour toute la trame, y compris le choix de l'entrepreneur principal, par exemple. Beaucoup de modèles différents sont proposés, et il y a deux types de considérations, avec des avantages et des inconvénients dans chaque cas.
Pour revenir à ma déclaration liminaire, nous avons toujours constaté que nous avons tendance à sacrifier le calendrier et la rapidité de livraison au profit d'autres considérations, quelles qu'elles soient. Nous devons réfléchir à des moyens d'insister davantage sur le respect du calendrier, car cela a des répercussions sur bien d'autres choses, comme la capacité, l'abordabilité et ainsi de suite. De plus, il y a moyen d'envisager d'investir davantage dès le départ dans les ressources humaines et l'infrastructure ou dans d'autres choses dont nous avons déjà parlé, de façon à accélérer le travail pour respecter les calendriers.
Malheureusement, nous avons trop souvent fait des économies de bouts de chandelle. Nous sommes partie prenante, et si nous voulons que le programme soit une réussite, le Canada devrait songer à prendre des décisions au niveau national pour que le travail se fasse le plus rapidement possible.
Je vais simplement faire un commentaire.
Dans une ancienne vie, j'ai été enseignante, et je devais tout planifier de A à Z. Il ne fallait rien oublier, et cela incluait aussi parfois le coût des activités. Lorsque j'écoute les commentaires, d'un côté comme de l'autre, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de juste milieu. On dirait que, soit on va très vite et on fait des achats ailleurs pour pas cher, soit on va très lentement, ce qui engendre des coûts beaucoup plus élevés, mais qui permet une meilleure reddition de comptes.
Il faut être transparent, mais il me semble qu'il pourrait y avoir un juste milieu, quelque chose d'efficace, parce qu'on parle des taxes et des impôts des contribuables, et non des désirs d'une ou deux compagnies. Les taxes et les impôts des contribuables sont utilisés pour la défense de leur territoire et la souveraineté territoriale. C'est important.
Cela étant dit, actuellement, deux chantiers sont qualifiés. Aurait-il été bien qu'il y en ait un troisième plus tôt dans la mise en œuvre de la stratégie pour que le processus soit efficace et plus fluide?
La question est ouverte à tous.
:
Je commencerai par dire que le troisième chantier naval annoncé il y a deux ans et demi visait en partie à accroître la capacité disponible pour livrer tous ces navires à la Marine et à la Garde côtière. Je pense qu'il faut encore plus de capacité. Il y a énormément de travail à faire.
Il y a un compromis à faire à cet égard, en ce sens que tout le travail sera terminé plus vite, si bien que le long programme de travail envisagé au départ — au début pour un seul chantier naval, puis il y en a eu deux — sera terminé plus tôt s'il n'y a pas d'activité complémentaire. Cependant, l'ajout de cette nouvelle capacité pour assurer des services de brise-glace au moment où nous devons nous préoccuper plus que jamais, selon moi, de sécurité et de défense du Canada dans notre Arctique... J'espère voir cette décision se concrétiser rapidement.
Quant à votre commentaire sur les extrêmes et la recherche d'un juste milieu, je ne pense pas que le Canada dispose vraiment d'options pour l'achat de navires à bon prix, rapidement, et sans qu'il y ait de compromis à faire, par un autre mécanisme. Je fais suffisamment confiance au gouvernement pour croire que, si ces voies faciles existaient, nous les aurions empruntées ces 12 dernières années.
Je pense que tout cela est difficile. Il s'agit de savoir quelles décisions de compromis vous voulez prendre et comment vous faites votre analyse coûts-avantages, parce qu'il n'y a pas de solutions simples.
:
C'est une excellente rétroaction.
Pour revenir à ma question de tout à l'heure au sujet de la capacité, le gouvernement n'a pas vraiment de stratégie d'expansion et de renforcement des capacités dans les petites collectivités rurales comme Port Alberni, où nous avons une bonne entreprise, la Canadian Maritime Engineering, qui souhaite l'expansion du secteur de la construction navale, et qui sait que cela aiderait à soutenir la demande. Selon le directeur parlementaire du budget, s'il y a plus de chantiers navals, les coûts diminueront, surtout s'ils se trouvent dans des collectivités rurales comme Port Alberni, où la vie coûte beaucoup moins cher qu'à Vancouver, à Montréal ou à Halifax.
Pouvez-vous nous parler de l'importance des politiques également? Il y avait un droit tarifaire de 25 % qui dissuadait les entreprises de construire des traversiers à l'extérieur du Canada. Le gouvernement l'a aboli. Cet argent aurait pu être affecté à la construction de docks flottants. Pouvez-vous nous parler de l'importance des politiques et des investissements essentiels dans ces domaines?
Pour revenir à ce qu'a dit M. Williams au sujet des coûts énormes de ce projet — quel que soit le chiffre exact, ils sont énormes — et je pense que nous n'avons pas été bien servis en fait de quantité et de fréquence de communications transparentes sur ce qui s'est passé dans ces projets de construction navale dans la dernière décennie. Il y a eu des hauts et des bas, mais je pense qu'ils sont aujourd'hui à un creux. Des audiences comme celle‑ci ne devraient pas être le mécanisme clé pour nous apprendre ce qui se passe avec un investissement de tout cet argent. Selon moi, c'est trop important pour qu'on s'en tienne à cette série peu fréquente de communications.
Un ancien ministre de SPAC a proposé la publication d'un rapport trimestriel sur la construction navale. Je suis certain que les bureaucrates en seront consternés, mais étant donné les sommes en jeu, j'estime que cet effort servira mieux les Canadiens et nous fera voir ce qui se passe effectivement, pourquoi les décisions sont prises, où sont les coûts, et quand nous allons avoir les navires.
:
Merci, monsieur le président.
Je reprends là où mon collègue, M. Bains, s'est arrêté.
Monsieur Leuprecht, je crois que vous étiez en train de lui répondre lorsque vous avez parlé de l'adaptation. Vous avez bien expliqué le fait que les besoins de notre pays et les besoins de notre flotte sont très différents de ceux des autres pays avec lesquels nous comparons ce coût. Nous avons ensuite parlé de l'interopérabilité et de l'importance de notre intégration dans l'OTAN.
J'aimerais revenir à vous, monsieur, et vous demander, en ce qui concerne l'adaptation ou ce qui nous est propre ou particulier, quel est l'impact sur les coûts globaux. Comment cela cadre‑t‑il avec l'interopérabilité nécessaire au sein de l'OTAN?
:
Je vous donne un exemple.
Étant donné que le Canada est loin des autres régions du monde, lorsque nous dépêchons une frégate quelque part, il faut peut-être que cette frégate soit plus ou moins autosuffisante, pour, mettons, six mois à la fois. Cela a des conséquences sur l'appareillage du navire, par rapport, par exemple, aux frégates françaises, qui sont conçues pour fonctionner en autonomie pendant une période beaucoup plus courte. Ce sont des considérations qui vont nécessairement avoir des incidences sur la conception d'un navire. On pourrait penser, par exemple, au système radar dont on voudrait équiper un navire, et à la mesure dans laquelle on pourrait ensuite déployer ce navire pour appuyer les efforts de défense antimissile, par exemple, des pays alliés.
Ce sont autant de considérations particulières qui ont des composantes militaires et politiques. C'est pourquoi je dis que c'est un instrument de politique étrangère, et si nous n'équipons pas nos navires en conséquence, nous resterons avec de belles frégates qui, au bout du compte, ne répondront pas aux attentes que les contribuables et le gouvernement au pouvoir pourraient avoir en matière de déploiement.
:
C'est une bonne question. Permettez-moi de vous donner un exemple simple.
Souvent, le Canada décide de substituer une frégate canadienne à une frégate américaine, dans une flottille aérienne américaine, par exemple. Les Américains peuvent alors redéployer leur frégate quelque part dans le cadre d'une opération où le Canada pourrait décider, pour des raisons politiques ou autres, qu'il n'a pas intérêt à déployer une frégate canadienne. Cela libère des ressources américaines, ce qui rend le Canada un partenaire vital pour les États‑Unis en matière de défense multilatérale et alliée.
De même, les Américains aiment travailler avec le Canada précisément parce qu'ils peuvent nous faire confiance, et qu'ils peuvent faire confiance à l'équipement canadien, dans la mesure où nous sommes pleinement opérationnels, surtout du côté naval, où cela est absolument essentiel pour maximiser notre impact global. Bien sûr, cela nous fait bien voir également à Washington, parce que si nous sommes en mesure d'appuyer les États‑Unis dans des domaines qui pourraient être d'intérêt national pour le Canada, cela nous donne des points à Washington. Nous pourrons ensuite faire avancer d'autres dossiers de politique d'égale importance dans nos relations bilatérales.
Je remercie les témoins de leur patience. Nous avons commencé à 15 h 48, malheureusement, à cause des votes et de quelques retards, et nous savons que vous étiez là avant l'heure prévue, car vous avez signé la feuille des présences. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier de votre patience, car nous avons passé deux heures complètes à discuter avec vous. C'est très apprécié.
Monsieur Leuprecht, monsieur Perry et monsieur Williams, merci beaucoup d'avoir été des nôtres tout ce temps. Comme je l'ai dit, s'il y a quoi que ce soit que vous estimez devoir nous remettre par écrit, n'hésitez pas à le faire. Cela serait grandement apprécié.
Cela dit, je remercie les interprètes et les techniciens d'être également restés avec nous jusqu'à la fin, ainsi que nos analystes et notre greffier, qui ont été là pendant tout ce temps.
Je déclare la séance levée.