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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 141 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 septembre 2024

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bienvenue à tous à la 141e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes, que l'on appelle bien sûr le puissant Comité.
    Comme toujours, il est rappelé à tous qu'il faut garder les écouteurs loin de ses microphones de façon à protéger l'ouïe de nos précieux interprètes.
    Tout d'abord, nous avons deux invités aujourd'hui. Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Buckley, pour cinq minutes. Veuillez respecter le temps imparti. Cela m'évitera de devoir vous interrompre.
    Nous passerons ensuite à M. Potestio.
    Monsieur Buckley, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je pense qu'il est grand temps que le Comité se penche sur la réglementation des produits de santé naturels, ou PSN. C'est l'enjeu réglementaire le plus pressant pour les Canadiens.
    À titre d'exemple, l'organisme dont je fais partie, la Natural Health Products Protection Association, a rédigé plus d'un demi-million de lettres de citoyens adressées à certains députés pour une seule campagne afin d'appuyer le projet de loi C‑368 concernant la réglementation des PSN.
    Les citoyens s'y intéressent grandement parce qu'ils craignent que Santé Canada alourdisse le fardeau réglementaire avec son cadre pour les produits d'autosoins. Cependant, le Comité doit comprendre que la réglementation actuelle est bien trop sévère et nous place en net désavantage concurrentiel par rapport aux États-Unis.
    J'aimerais établir trois distinctions majeures entre la façon dont les États-Unis et le Canada réglementent leurs produits de santé naturels. Le Comité doit comprendre que nous en sommes arrivés à ces approches réglementaires diamétralement opposées à cause des pressions exercées par les consommateurs.
    À la fin des années 1980 et dans les années 1990, la FDA, qui est le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques, et Santé Canada surréglementaient les PSN en leur imposant la réglementation sur les médicaments chimiques. Les consommateurs s'y sont opposés en passant deux messages: ne réglementez pas les PSN de la même façon que les médicaments, et nous voulons avoir un meilleur accès aux PSN, ce qui nécessite de réduire le fardeau réglementaire plutôt que de l'alourdir.
    Le soulèvement des citoyens aux États-Unis a mené à l'adoption de la Dietary Supplement Health and Education Act de 1994, qui fait trois choses complètement contraires à la façon dont Santé Canada nous a amenés à réglementer.
    La première différence, c'est qu'aux États-Unis, les PSN sont considérés comme des aliments, alors qu'on nous a amenés à les classer comme des médicaments.
    La deuxième grande différence — écoutez bien —, c'est que les PSN aux États-Unis sont considérés comme sécuritaires en vertu de la loi, mais nous avons été convaincus de passer au modèle pharmaceutique, où nos PSN sont jugés dangereux en vertu de la loi.
    La troisième grande différence, c'est qu'aux États-Unis, il n'est pas nécessaire d'obtenir une approbation préalable du gouvernement pour vendre un produit de santé naturel. Au Canada, parce que nous avons été poussés à adopter le modèle pharmaceutique, nous devons franchir toutes ces étapes réglementaires pour obtenir la permission de Santé Canada sous forme de licence.
    Ce processus a fait grimper en flèche le coût des PSN au Canada par rapport à nos concurrents américains, de sorte que les Canadiens à faible revenu n'ont maintenant plus les moyens d'utiliser des PSN. Des conséquences sur la santé en découlent.
    Le plus curieux dans le seul message de Santé Canada, c'est que nous aurions apparemment besoin de ces règlements pour des raisons de sécurité. Or, nous pouvons conclure sans crainte que ce n'est pas vrai, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nous n'avions pas de problème de sécurité avant l'adoption du règlement. Aussi, la réglementation en vigueur aux États-Unis ne pose pas de problème de sécurité. La grande fourberie, c'est que chaque Canadien est libre d'importer des États-Unis des produits de santé naturels non réglementés et de les utiliser personnellement. Un grand nombre d'entre eux le font d'ailleurs en raison de la différence de prix.
    Le risque est toujours pondéré. Il existe une hiérarchie des risques. Chaque année, combien y a‑t‑il de décès par million d'habitants? Santé Canada refuse de nous donner ce chiffre parce qu'il n'y en a probablement pas le moindre qui soit plausiblement attribuable à l'ensemble de l'industrie des PSN par décennie, et encore moins par million d'habitants chaque année.
    Enfin, pour avoir une analyse honnête des risques, si nous sommes vraiment ici afin de réglementer pour des raisons de sécurité, alors tous les membres du Comité savent que bien plus de 70 % des Canadiens utilisent régulièrement des PSN, et un grand nombre d'entre eux gèrent efficacement des problèmes de santé — dont certaines sont graves — avec ces produits. De toute évidence, le retrait de produits que les gens utilisent pour prendre en charge leur santé aura des conséquences sur celle‑ci, mais nous n'avons jamais ce genre de discussion. On nous dit simplement qu'il y a un risque et que nous devons renforcer notre réglementation. Il s'agit de la réglementation la plus impopulaire de l'histoire du Canada, et elle est probablement la plus dommageable; elle a des conséquences sur la santé.
    Je pense que j'arrive à la fin de mes cinq minutes, et je vais conclure en soulignant que je ne propose aucunement d'arrêter les produits à la frontière. Cela ne résisterait pas à une contestation fondée sur l'article 7 de la Charte des droits et libertés. Ce n'est pas la solution. Il faut plutôt se débarrasser de ce fardeau réglementaire qui n'a rien à voir avec la sécurité et à adopter un modèle qui ressemble plus à celui des États-Unis.
(1110)
    Merci, monsieur Buckley.
    Monsieur Potestio, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, monsieur le président. Je vous remercie de nous avoir permis d'exprimer aujourd'hui les préoccupations de l'industrie.
    Malgré la recommandation du Comité des finances fédérales de soutenir le secteur du cannabis, le gouvernement n'a pris aucune mesure en ce sens. Il y a lieu de se demander si le gouvernement prévoit venir en aide à l'industrie qu'il a légalisée et mise en marche.
    Environ 40 % de toutes les faillites des trois dernières années au Canada concernaient des entreprises de cannabis, ce qui a mis en évidence les problèmes qui enfoncent l'industrie. Cet effondrement a fait ressortir le besoin urgent que le gouvernement fédéral intervienne et soutienne l'industrie.
    Les entreprises de cannabis sont écrasées par un fardeau fiscal accablant de plus de 45 % de leurs revenus, ce qui est nettement supérieur à d'autres industries réglementées comme l'alcool et le tabac. Par conséquent, les marges de profit sont non viables, et de nombreuses entreprises n'ont pas pu poursuivre leurs activités. Il faut des impôts moins élevés et un meilleur cadre réglementaire.
    L'industrie a été témoin d'une destruction massive de richesse, car de nombreuses entreprises de cannabis ont recueilli des dizaines de milliards de dollars en investissements de capitaux pour ensuite déclarer faillite et voir leurs installations démolies et fermées. Les échecs financiers, même si le secteur est fortement réglementé, sont rares en dehors des grands effondrements du marché et démontrent que les fondements réglementaires actuels ne tiennent pas la route. Les entreprises qui ont suivi toutes les étapes requises n'ont quand même pas été en mesure d'atteindre le seuil de rentabilité, même après des investissements de plusieurs millions de dollars. La proposition d'un droit uniforme ou d'un droit ad valorem de 10 % permettrait de faire face aux pressions financières et aux situations qui ont été préconisées par les dirigeants de l'industrie au fil des ans, mais il est grand temps que le gouvernement fédéral agisse.
    Alors que le Canada est le chef de file mondial de la production de cannabis, ses entreprises nationales sont aux prises avec des fardeaux réglementaires et fiscaux si lourds qu'il est plus viable de vendre des produits à l'étranger plutôt qu'au pays. La lourdeur de l'environnement fiscal et réglementaire pousse les consommateurs et les producteurs vers les marchés illégaux du cannabis qui peuvent offrir des prix plus bas sans les règles strictes du gouvernement, ce qui mine l'industrie légale qui génère des recettes fiscales pour le gouvernement.
    Il y a eu un arriéré de taxes d'accise impayées de plus de 200 millions de dollars au cours des dernières années. Les entreprises ne sont pas en mesure de payer les impôts en raison des conditions financières instables, ce qui met davantage en péril la stabilité du secteur. Cette vague de faillites a entraîné d'importantes pertes d'emplois et touche des milliers de travailleurs canadiens partout au pays. Sans réduction de la charge fiscale ni réforme réglementaire, la main-d'œuvre de l'industrie continuera de rétrécir.
    La réglementation excessive en matière d'innovation et la croissance potentielle du développement de nouveaux produits, de la recherche, de l'intervention et de la compétitivité sont limitées par la restructuration du contexte fiscal et réglementaire. L'industrie du cannabis est un secteur de plusieurs milliards de dollars qui pourrait stimuler la croissance économique du pays et la création d'emplois. Cependant, la réglementation à outrance et la taxe d'accise l'empêchent de contribuer pleinement à la reprise économique du Canada.
    Je vous remercie de votre attention. Vous me donnez l'occasion de contribuer à cette importante discussion sur les industries canadiennes.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Avant de commencer nos séries de questions, je tiens à souhaiter un très joyeux anniversaire à l'un de nos membres.
    Bonne fête, monsieur Sousa.
     Des voix: Bravo!
     Le président: En guise de cadeau d'anniversaire, vous pouvez prendre toutes les séries de questions aujourd'hui. Allez‑y.
     Des voix: Oh, oh!
     Le président: Vous avez trois heures, monsieur Souza. Je vous écoute.
    Nous allons commencer par Mme Block, qui a six minutes.
    Allez‑y, madame.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Nous poursuivons notre étude sur la réduction de la paperasse.
    Mes premières questions s'adressent à M. Buckley, de la Natural Health Products Protection Association.
    Je dois dire qu'en tant que députée, il y a certains enjeux dont nos électeurs ont tendance à nous parler en long et en large. Nombre d'entre eux m'ont interpellée après la présentation de la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget au printemps dernier. Ils étaient très préoccupés par les changements qui étaient apportés à la réglementation des produits de santé naturels, ou PSN.
    J'ai deux questions à vous poser.
    Premièrement, y a‑t‑il eu des consultations auprès de l'industrie des PSN?
    Serait‑il juste de dire que votre industrie a été prise au dépourvu par les changements introduits dans la loi d'exécution du budget, soit le projet de loi C‑69?
(1115)
    Tout d'abord, il faut comprendre le contexte. Cette loi, qui est devenue la Loi de Vanessa en 2014, a été présentée pour la première fois par l'ancien ministre de la Santé, Tony Clement, en mars 2008. Il s'agissait du projet de loi C‑51. Les bureaucrates s'en souviennent encore.
    Essentiellement, on a instauré des amendes de 5 millions de dollars par jour, et tous ces pouvoirs quasi divins dont dispose Santé Canada. Le projet de loi initial s'appliquait à tous les médicaments. Nous n'avions pas la catégorie des produits thérapeutiques. C'est ce qui a été ajouté avec la Loi de Vanessa.
    Je me souviens d'une réunion que j'ai eue au Cabinet du premier ministre. Nous étions escortés par Laurie Thrones, qui était le numéro deux du ministère de la Santé à l'époque. Il nous a expliqué qu'il y avait tellement de courrier envoyé au cabinet du ministre qu'il arrivait en brouettes. Les Canadiens étaient inquiets.
    Santé Canada savait que les Canadiens ne voulaient pas que ces pouvoirs et ces pénalités s'appliquent aux PSN. Le ministère a donc attendu jusqu'en 2014, année où la Loi de Vanessa a créé la catégorie des produits thérapeutiques, qui excluait les PSN, de sorte que le consommateur était satisfait. Il ne se souciait pas des amendes, qui sont en fait très petites si l'on tient compte de l'argent que gagnent les sociétés pharmaceutiques, mais qui, en fait, détruiraient absolument tout producteur de PSN ou praticien dans ce domaine. Peu importait aux consommateurs que Santé Canada ait des pouvoirs accrus. Or, sur le plan de la primauté du droit, ce serait déplacé pour toute organisation publique. Personne n'a donc bougé.
    Je peux vous dire que tout le monde a été abasourdi. Pourquoi insérer dans un projet de loi d'exécution du budget des modifications majeures à notre réglementation sur les médicaments qui, vous le savez, préoccupent énormément les consommateurs? C'est un affront au processus parlementaire. Nous avons été complètement pris au dépourvu. Il y aurait eu un véritable tollé. En fait, à quelle fréquence un projet de loi d'initiative parlementaire est‑il renvoyé à un comité? C'est arrivé pour le projet de loi C‑368 parce que le Parlement comprend que les citoyens canadiens s'en préoccupent.
    Je vous ai seulement donné les chiffres de notre organisation, mais d'autres organisations comme l'Association canadienne des aliments de santé, ou ACAS, mènent aussi des campagnes et appuient le projet de loi C‑368.
    Le demi-million de lettres que notre organisation a envoyées à elle seule témoigne de l'intérêt général des Canadiens à cet égard.
    Je vous remercie.
    Je me demande si vous seriez prêt à parler des énormes répercussions financières que subissent les petites et moyennes entreprises qui offrent des PSN, ainsi que des conséquences pour les Canadiens qui dépendent de ces produits pour gérer leur santé.
    D'accord. Vous posez en fait une question sur la santé. Je vais parler des préoccupations entourant ce cadre pour les produits d'autosoins. Cependant, quand on a... Vous savez, selon certains chiffres, jusqu'à 80 % des Canadiens utilisent régulièrement ces produits, mais les personnes à faible revenu ne peuvent pas se les permettre. Elles... Vous savez, si vous consultez un naturopathe ou un praticien de médecine chinoise traditionnelle, mais que vous n'êtes pas en mesure d'assumer le coût des PSN, vous aurez essentiellement perdu le droit fondamental de décider la façon de vous soigner en cas de maladie. Des problèmes juridiques et philosophiques se posent. Cependant, avec ce cadre d'autosoins, la réglementation des PSN sera prohibitive. Même en ce qui concerne le recouvrement des coûts, ce qui a déjà été publié dans la Gazette du Canada... Santé Canada a tenu une importante réunion Zoom avec l'industrie. Même avec les nouveaux chiffres donnés — nous savons tous que l'objectif est l'harmonisation complète —, des joueurs disent qu'ils ne feront plus affaire au Canada. Presque tous les fabricants vont réduire leur gamme. Du côté du recouvrement des coûts seulement — c'est très effrayant —, nous allons perdre les fournisseurs des praticiens de médecine traditionnelle chinoise, ou MTC, qui ont littéralement besoin de milliers de produits pour un champ de pratique complet... Il en va de même pour la médecine homéopathique. Qu'adviendra‑t‑il du milieu de la santé naturelle lorsque nous perdrons deux grandes traditions de guérison au sein de cette communauté, et que le ralentissement aura des répercussions sur les distributeurs et les magasins?
    N'oublions pas non plus le cadre pour les produits d'autosoins. Santé Canada nous dit publiquement qu'on ne pourra même pas obtenir de licence pour un produit qui nécessite l'avis d'un professionnel de la santé, comme un naturopathe ou un médecin de MTC. Nous sommes donc maintenant dans un régime de licence en vertu de l'article C.08.001 du Règlement sur les aliments et les drogues.
(1120)
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Buckley, mais le temps est écoulé. Pouvez-vous conclure rapidement?
    D'accord.
    Nous pourrions passer en revue les différents éléments du cadre pour les produits d'autosoins. En raison de tous ces éléments combinés, le projet sera loin d'être rentable. L'industrie des PSN considère, à juste titre, que c'est l'objectif ultime. Soit nous obtenons une intervention, soit nous disparaissons.
    Merci beaucoup.
    C'est à vous, monsieur Kusmierczyk.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Buckley, je vous remercie de votre témoignage.
    Bien sûr, le Comité cherche un équilibre entre deux priorités, soit veiller à ce que les Canadiens aient accès à un produit et à ce qu'ils puissent l'utiliser en toute sécurité.
    C'est une question importante pour ma collectivité. Nous avons une entreprise incroyable à Windsor—Tecumseh, du nom de Jamieson. J'ai eu l'honneur et le plaisir de rencontrer probablement quatre ou cinq fois les gens qui y travaillent au cours des deux dernières années seulement. C'est une entreprise centenaire. Elle compte 1 000 employés. C'est incroyable. C'est la plus grande entreprise de produits de santé naturels au Canada, et c'est celle qui connaît la croissance la plus rapide. Elle exporte dans 50 pays. Encore une fois, c'est une fierté pour Windsor-Essex, et ses produits sont exportés dans 50 pays aux quatre coins du monde. En discutant avec Jamieson, l'une des choses que j'ai entendues, c'est que Santé Canada est en fait considéré comme la référence en matière de réglementation dans le monde. Cela donne en fait un avantage à des entreprises comme Jamieson par rapport à la concurrence internationale parce que les gens font confiance aux produits fabriqués au Canada. Les gens font confiance aux produits qui sont créés ici parce que le sceau de Santé Canada a une signification dans le monde entier. Par conséquent, ce produit peut être concurrentiel en Chine, en Europe, au Moyen‑Orient, en Afrique et ailleurs, car on fait confiance à un système de réglementation rigoureux.
    J'aimerais que vous nous en parliez; dans certains cas, la réglementation peut être perçue comme une force et un avantage pour les produits fabriqués au Canada parce que les gens nous font confiance.
    Je me demande quel est le but ici, car on nous dit en avoir besoin pour des raisons sécuritaires, et non pour des avantages commerciaux.
    Il y a un nom pour ce qui se passe dans la réglementation des produits de santé naturels. Les économistes appellent cela la recherche de rente, qui consiste essentiellement à augmenter les coûts, de sorte qu'il ne reste qu'une poignée de grandes entreprises qui appuient la réglementation et la hausse des frais imposés par l'organisme de réglementation. Faites une recherche sur le terme « recherche de rente ». Jamieson compte parmi les rares entreprises à survivre et à être un quasi-monopole.
    Si nous voulons exporter, pourquoi n'avons-nous pas un régime de licence volontaire qui respecte les mêmes normes, de sorte que les entreprises qui veulent les respecter puissent le faire?
    Il y a différents éléments, mais nous parlons ici de sécurité. La sécurité est mesurée en fonction du nombre de décès annuel par million d'habitants causés par quelque chose. La foudre est plus dangereuse que toute l'industrie des produits de santé naturels. À ma connaissance, la foudre tue environ un à quatre Canadiens par année, ce qui veut dire environ 10 décès. Eh bien, nous ne pouvons pas citer 10 décès crédibles dans toute l'histoire du Canada causés par des produits de santé naturels, mais je peux vous donner des exemples où les restrictions imposées par Santé Canada sur ces produits ont entraîné des décès.
    Quel est le but ici? Avons-nous des règlements pour permettre à l'industrie canadienne d'exporter? Ayons alors des normes volontaires à l'exportation. Nous parlons en fait de produits de santé que les gens utilisent. Certaines personnes en ont besoin pour vivre.
    J'étais avocat dans le dossier du soutien nutritionnel de Truehope, et Santé Canada a limité l'accès à ce seul produit pendant une courte période. L'Association canadienne pour la santé mentale tenait une conférence de presse chaque fois qu'il y avait un décès. Le tribunal a acquitté Truehope, concluant qu'il y avait eu violation de la loi, mais que c'était nécessaire du point de vue juridique, parce qu'un plus grand nombre de personnes seraient mortes à cause de la restriction de ce seul produit de santé naturel, qui est maintenant autorisé par Santé Canada. À l'époque, on ne pouvait pas obtenir de licence.
    Je vous invite à la prudence. Nous parlons de produits sur lesquels les gens comptent pour leur survie, et nous n'avons jamais une discussion honnête sur la sécurité. Quelles sont les conséquences de notre réglementation? Quelles sont les conséquences de toujours l'accroître, de faire grimper les prix et de réduire le nombre? Nous savons tous que lorsqu'on réglemente à outrance, on restreint l'accès.
    C'est amusant de constater qu'à la suite de la décision Jamieson (C.E.) c. Canada — l'une des meilleures décisions qui n'aient jamais été rendues — Jamieson était le porte-étendard de la liberté en matière de santé. Lorsque c'était une petite entreprise, elle pensait très différemment. Si je siégeais au conseil d'administration de Jamieson, j'aurais l'obligation fiduciaire légale d'appuyer la recherche de rente, parce que ce serait bon pour mon entreprise, et non pour la sécurité des Canadiens. J'aurais l'obligation légale de maximiser le prix de l'action de Jamieson et les profits pour les actionnaires.
    On parle donc de choses différentes. Nous pouvons exporter en ayant des normes volontaires. Nous n'avons nullement besoin de cela pour des raisons de sécurité. Santé Canada parle de sécurité. Dites-moi en quoi cette réglementation a‑t‑elle servi à sauver une seule vie depuis son entrée en vigueur le 1 er juillet 2004?
(1125)
    Monsieur Buckley, je conviens que, de toute évidence, les produits de santé naturels présentent un profil de risque différent de celui des produits pharmaceutiques et des médicaments sur le marché. Sur une période de deux ans, Santé Canada a signalé 1 000 effets indésirables des produits de santé naturels. Il y a eu 772 hospitalisations.
     Je conviens qu'il faut trouver un équilibre, encore une fois, en veillant à ce que les Canadiens aient accès à ces produits, mais en veillant aussi à ce que la sécurité prime. Un effet indésirable, ou un seul effet négatif, en est un de trop.
    Je crains que le temps soit écoulé, alors nous allons maintenant passer à Mme Vignola. Vous avez la parole pendant six minutes. Allez‑y, je vous prie.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Pourrait‑on permettre au témoin de répondre brièvement? Habituellement, nous permettons aux témoins de répondre brièvement si les députés utilisent le temps qui leur est alloué jusqu'à la fin. Je serais curieux de savoir...
    Normalement, nous le ferions, mais nous manquons de temps, car nous avons deux groupes de témoins aujourd'hui. Nous pourrons peut-être obtenir une réponse lorsque Mme Kusie aura la parole.
    Allez‑y, madame Vignola.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais prendre une minute pour donner avis d'une motion, dont voici le texte:
Étant donné que

- les médias ont rapporté mercredi 25 septembre 2024 que la Gouverneure générale du Canada, Mary Simon était toujours incapable d'échanger en français lors d'une visite dans un organisme communautaire de Lévis, au Québec et qu'elle a dû renoncer à certaines activités prévues lors de son séjour au Québec pour cette raison;

- la Gouverneure générale s'était « fermement » engagée à apprendre le français en 2021, lors de sa nomination et qu'elle avait à nouveau affirmé à Radio‑Canada, lors d'une entrevue en 2023, qu'elle souhaitait pouvoir « parler aux francophones » d'ici la fin de l'année 2024;

- des dizaines de milliers de dollars en fonds publics ont été dépensés pour peu de résultats, pour des cours de français depuis 2021;

Que, en vertu de l'article 108(2) du Règlement, le Comité invite à témoigner pour un minimum de deux heures chacun, et ce, au plus tard dans les 15 jours suivant l'adoption de la présente motion:

a) son Excellence la Gouverneure générale;

b) le ministre des Langues Officielles;

Et, que le Comité fasse rapport à la Chambre.
    Je ne souhaite pas discuter de cette motion maintenant, je ne fais qu'en donner avis, mais la situation est préoccupante. Si on n'est pas capable de parler la langue du lieu où on va, il vaut mieux avoir un interprète. Cela aurait été fortement respectueux et apprécié. J'arrête ici mon commentaire. Nous pourrons éventuellement en parler. Le texte de la motion sera distribué sous peu aux membres du Comité.
    Je passe maintenant à mes questions pour les témoins.
    Messieurs Buckley et Potestio, ma question s'adresse à vous deux. Le 10 avril 2024, Corinne Pohlmann, vice-présidente exécutive de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, a recommandé au gouvernement d'utiliser un langage clair et d'offrir plus de souplesse en matière de conformité et de réglementation. On comprend de vos allocutions que la réglementation est très lourde et qu'elle a des conséquences. Comment peut-on faire en sorte que la réglementation soit claire et souple? Avez-vous des propositions ou des exemples concrets à donner?
(1130)

[Traduction]

    Monsieur Potestio, voulez-vous commencer? Avez-vous bien entendu la question?
    Oui, mais c'était en français, alors je n'ai pas compris la question.
    Il y a un bouton au milieu de l'écran Zoom pour l'interprétation.
    Pourquoi ne pas commencer par M. Buckley pendant que M. Potestio s'en occupe?
    Oui, bien sûr.
    Monsieur Potestio, c'est juste à côté du bouton des participants, si cela peut vous aider. Nous regarderons le même écran.
     M. JohnFrank Potestio: Oui, je l'ai maintenant.
     M. Shawn Buckley: La question portait sur la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et sur le fait que Mme Pohlmann a dit que nous avons besoin d'utiliser un langage clair en matière de conformité et de réglementation.
    Nous avons été invités à commenter des exemples précis. C'est intéressant, parce qu'une grande partie des coûts dans l'industrie des produits naturels sont liés à ce qui se trouve dans les documents de politique et d'orientation et dans la façon de les mettre en œuvre. Vous passez par ce processus coûteux de délivrance de licence qui peut vous prendre énormément de temps, et disons que vous voulez ensuite apporter un changement, un changement mineur. Vous donnez un avis de changement. Tout à coup, vous apprenez qu'on procède à un examen complet. L'industrie nage alors en pleine confusion, parce que vous ne savez pas d'une fois à l'autre quelle sera la décision. Il n'y a pas d'uniformité dans l'application. Ce n'est pas une question de langage, si ce n'est que les documents de politique et la loi actuels ne donnent pas à l'industrie une idée claire de ce à quoi elle doit s'attendre par la suite.
    C'est pareil dans toutes les parties de la réglementation, qui sont très détaillées, et vont jusqu'aux bonnes pratiques de fabrication, aux normes de preuve, etc. Comme nous sommes sous le modèle des médicaments... Comme je l'ai dit, aux États-Unis, les mêmes produits sont jugés sécuritaires en vertu de la loi. La FDA doit avoir des preuves concrètes qu'un produit a des effets néfastes avant de prendre des mesures. Cependant, il faut prouver que les produits sont sans danger. Je connais une entreprise qui ne pouvait pas prouver que le persil en capsule était sans danger, parce que, évidemment, personne n'a fait d'étude sur l'innocuité du persil. Il serait très utile de remonter dans le temps. Ne devrions-nous pas préciser que, si un ingrédient se trouve dans notre approvisionnement alimentaire, il est considéré sécuritaire aux fins de la politique?
    Je vais laisser JohnFrank répondre. Je ne veux pas dominer la discussion.
    Monsieur Potestio, je vais demander à Mme Vignola de répéter la question pour vous, maintenant que vous avez l'interprétation.

[Français]

     Mon intervention sera très brève.
    En avril 2024, la vice-présidente de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Mme Pohlmann, a recommandé au gouvernement d'utiliser un langage clair et d'offrir plus de souplesse en matière de conformité à la réglementation.
    Monsieur Potestio, avez-vous des exemples ou des propositions de ce qui pourrait être fait pour simplifier le langage de la réglementation et pour en assurer une meilleure souplesse?
(1135)

[Traduction]

    Oui, le principal exemple ici est de permettre aux entreprises de cannabis qui entrent dans ce secteur réglementé de réussir en tant qu'entreprises. Nous avons besoin qu'elles réussissent aujourd'hui. Il y a eu beaucoup de recommandations faites ou proposées par le gouvernement, mais le gouvernement doit agir. Le gouvernement n'a pris aucune mesure pour aider les entreprises de cannabis au Canada. Nous avons vu des centaines d'entreprises fermer leurs portes, et aucune mesure n'a été prise pour...
    On nous a joints à ces industries réglementées en disant que l'industrie du cannabis allait être soutenue par le gouvernement canadien. L'industrie n'a reçu aucun soutien. Des recommandations ont été faites par des comités et présentées au gouvernement, mais aucune mesure n'a été prise. Nous sommes ici aujourd'hui et nous demandons si nous pouvons survivre dans cette industrie. Pouvons-nous nous assurer que la santé des Canadiens demeure notre principale préoccupation?
    J'ai bien peur que votre temps soit écoulé.
    Monsieur Bachrach, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également nos témoins.
    C'est une étude intéressante. Nous avons entendu parler des divers domaines de la réglementation. Bien que nous pourrions parler de chacun de vos domaines de façon précise, il y a des milliers de règlements dans l'ensemble du gouvernement et à divers niveaux qui ont une incidence sur les divers secteurs.
    J'aimerais d'abord parler des principes de la réglementation auxquels on contrevient dans ces cas‑ci et qui devraient s'appliquer de manière plus large à l'environnement de la réglementation. J'ai pris bonne note de ce qu'a dit M. Buckley. S'il n'y a pas de problème en matière de sécurité ou autre, que tentons-nous de régler? C'est l'argument que l'on fait valoir.
    Quelles sont les leçons tirées avec les produits de santé naturels et les produits du cannabis qui devraient orienter les réformes réglementaires dans l'ensemble du gouvernement?
    Monsieur Potestio, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais intervenir en premier. Je vais essayer d'être bref.
    J'adore la question, parce que parfois, nous nous empêtrons dans les menus détails, comme vous le dites, et nous oublions de regarder les choses dans une perspective plus large. Le modèle pharmaceutique, qui est entré en vigueur dans le monde occidental dans les années 1930, englobe essentiellement tout ce qui est utilisé à des fins thérapeutiques. Tout ce que vous ingérez, que ce soit pour prévenir une maladie ou pour traiter une maladie ou une blessure, est une drogue.
    Le modèle pharmaceutique vise l'ensemble du domaine. Je pourrais vous dire: « Vous avez l'air déshydraté. Prendriez-vous de l'eau pour traiter votre déshydratation? » J'aurais alors enfreint une myriade de lois fédérales: j'ai fait de l'eau une drogue. L'eau est littéralement une drogue, si nous l'utilisons pour traiter la déshydratation.
    La deuxième partie du modèle pharmaceutique a trait à l'illégalité des drogues. Toutes les drogues sont illégales, sauf que le gouvernement va accorder des exemptions temporaires sous forme de permis, ce qui nous permettra d'y avoir accès. Comment en sommes-nous arrivés à la situation philosophique et juridique où, au Canada, il est illégal de se traiter soi-même avec quoi que ce soit ou de prévenir des blessures sans l'approbation du gouvernement? C'est très offensant d'un point de vue philosophique et juridique. Nous utilisons le thé au gingembre pour traiter la nausée depuis 3 000 ans, et maintenant, tout à coup, il devient illégal et nous devons demander la permission de Santé Canada.
    Je pense que, sur le plan réglementaire, nous devons toujours nous demander quelle incidence cela aura sur les droits des citoyens et si c'est justifié. Ce sera parfois le cas, mais en gros, nous avons perdu la souveraineté sur notre propre corps parce qu'il y a toutes sortes de modalités de traitement auxquelles nous n'avons pas accès.
    Monsieur Bachrach, je dois vous interrompre un instant.
    Je vois que M. Latimer est de retour. Après votre intervention, nous allons suspendre la séance pendant environ 30 secondes, puis nous effectuerons un test audio avec M. Latimer.
    Il pourra ensuite participer à la séance.
    Allez‑y, monsieur Bachrach.
    Oui, je crois que les points soulevés par M. Buckley sont très intéressants.
    À titre de suivi, j'aimerais en savoir plus au sujet de la frontière entre les drogues et les autres produits, et je me demande comment les États-Unis la définissent. Cela trahit peut-être mon ignorance quant à la question, mais j'aimerais savoir où votre organisation fixe la limite, monsieur Buckley.
    Je suppose que vous êtes d'avis que les produits pharmaceutiques — les médicaments complexes — doivent continuer d'être réglementés à titre de drogues. À l'autre bout du spectre, vous avez utilisé l'exemple de l'eau. Où devons-nous tracer la ligne?
(1140)
     Tout d'abord, il est important de comprendre, et je n'ai pas... À moins que le Comité ne m'accorde cinq minutes pour expliquer pourquoi le modèle pharmaceutique n'est pas conçu pour obtenir de bons résultats en matière de santé...
     Il faut comprendre que nos règlements sur les drogues visent à protéger les droits de propriété intellectuelle. Ils ne visent pas à obtenir de bons résultats en matière de santé. La Loi sur les aliments et drogues et son règlement d'application n'obligent pas Santé Canada à obtenir de bons résultats en matière de santé.
     La raison pour laquelle nous avons défini les drogues de façon aussi large... Et c'est la même chose dans tous les pays occidentaux. Tout ce qui est ingéré est un médicament s'il est utilisé à des fins thérapeutiques, dans tous les pays occidentaux. Nous sommes tous visés par ce modèle, ce qui est vraiment fantastique. Ce que je veux dire, c'est que nous avons besoin d'une réglementation plus stricte pour les médicaments pharmaceutiques, et je pourrais vous expliquer en quoi notre processus d'approbation des drogues chimiques est une escroquerie totale pour la population canadienne.
     Je suis d'accord avec vous sur ce point, mais comment pouvons-nous nous retrouver dans une situation où les seuls traitements, même s'ils sont tout à fait bénins, sont... Nous devons passer par le gouvernement pour cela?
    Monsieur Buckley, permettez-moi de vous interrompre. Plus tôt, vous avez dit que les produits de santé naturels étaient classés à titre d'aliments aux États-Unis...
    M. Shawn Buckley: Oui...
    M. Taylor Bachrach: ... donc, je présume qu'ils visent aussi des fins thérapeutiques.
     Oui, mais il s'agit d'une exemption à leur loi sur les drogues. Leur définition de « drogue » est aussi large que la nôtre, mais la Dietary Supplement Health and Education Act de 1994 établit une exception et dit en gros que ces produits — ils les appellent « suppléments alimentaires », mais il s'agit de la même chose que nos produits de santé naturels — font partie de la catégorie des aliments, et ils vont même plus loin. Puisque les aliments ne sont pas jugés non sécuritaires, on indique en fait que, en vertu de la loi, ils sont considérés comme étant sécuritaires. C'est parce qu'ils ont fait une exception précise.
     C'est comme lorsque la Loi de Vanessa est entrée en vigueur et a créé les produits thérapeutiques: leur définition excluait les produits de santé naturels. C'est ainsi que les choses se sont passées là‑bas. Mis à part l'exception de la définition des suppléments alimentaires, absolument tout est une drogue. Nous avions cette possibilité. Ce que je veux dire, c'est que nous n'avions pas à en arriver là au Canada.
     Je pense que la vraie réponse serait la charte des droits et libertés en matière de santé. Vous n'avez qu'à consulter le site charterofhealthfreedom.org. En gros, l'industrie et les praticiens du domaine de la consommation se sont réunis et se sont demandé comment résoudre ce problème. C'est en créant une troisième catégorie, différente de celle des États-Unis, mais qui permettrait à l'industrie d'être concurrentielle et de prospérer.
    Je crois que la plupart des gens...
    Oh. Est‑ce que mon temps est écoulé, monsieur le président?
    Vous n'avez plus de temps.
    Nous allons suspendre la séance brièvement afin d'effectuer un test de son avec M. Latimer, puis nous reviendrons.
(1140)

(1145)
    Nous reprenons les travaux.
    Nous allons entendre Mme Kusie et Mme Atwin, qui disposent de cinq minutes chacune, puis nous entendrons Mme Vignola et M. Bachrach, qui disposeront de deux minutes et demie chacun pour conclure.
    Allez‑y, madame Kusie.
    Allez‑vous me réinsérer dans l'ordre du jour?
    Nous n'aurons pas le temps pour une déclaration préliminaire, malheureusement, en raison de tous les retards que nous avons connus, mais vous pourrez répondre aux questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Monsieur Buckley, M. Kusmierczyk a raconté avec beaucoup d'enthousiasme une anecdote au sujet d'un fabricant de produits de santé naturels de sa circonscription avant de vous donner des statistiques sur les décès et les hospitalisations qui n'ont rien à voir, j'en suis certaine, avec les produits fabriqués par la société mentionnée.
    De plus, il ne vous a pas donné l'occasion de répondre, alors j'aimerais revenir à vous et à son commentaire sur la nécessité de trouver un équilibre. Comme je l'ai dit, il s'est d'abord montré très enthousiaste à l'égard du fabricant de produits de santé naturels de sa circonscription, puis il a changé de ton lorsqu'il a évoqué les statistiques.
    Que diriez-vous en réponse à M. Kusmierczyk?
    Je vous remercie de me donner l'occasion de lui répondre. Je comprends qu'il est un peu incohérent de dire d'une part que nous avons besoin de règlements pour aider les grandes sociétés à exporter leurs produits, et d'évoquer d'autre part tous les dangers associés à la réglementation.
    Pour être franc — et je m'attends à ce que les membres du Comité aient connu la même expérience —, Santé Canada ne transmet presque jamais de données brutes. Toutes les analyses des risques réalisées par des professionnels à l'aide des données du gouvernement devaient se fonder sur les données probantes d'autres pays occidentaux pour trouver de réelles preuves de décès.
    Santé Canada tente de créer un argument en matière de sécurité — c'est le seul fondement à cet égard — même si, comme je l'ai dit, si le Comité m'en donnait l'occasion, je pourrais expliquer comment notre politique sur les drogues vise à protéger les droits de propriété intellectuelle. Je ne suis pas le seul expert à le dire.
    Si nous avions une discussion honnête sur la sécurité et sur la façon d'obtenir les meilleurs résultats pour la santé... Nous allons avoir de bonnes pratiques de fabrication. Nous allons avoir des procédures en place pour veiller à ce que les gens soient en sécurité. Toutefois, nous ne pouvons pas dire qu'il faut des règlements plus stricts sans se demander si le retrait des produits entraînera des conséquences pour la santé. Les Canadiens disent aux députés que oui.
    Pourquoi les Canadiens sont-ils préoccupés? Ils sont intelligents. Ils savent ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas pour eux, mais Santé Canada ne fait que parler des risques.
    Lorsque les représentants ont témoigné devant le Comité permanent de la santé l'année dernière, ils ont utilisé l'exemple du décès d'Ezekiel Stephan. Je suis désolé. J'ai agi à titre de conseiller juridique lors des deux procès dans l'affaire Stephan et je ne comprends pas comment sa mort peut être attribuée à un produit de santé naturel. Les services de santé de l'Alberta ont retiré de toutes les ambulances du Sud de l'Alberta... Ils ont retiré tous les équipements dont les ambulanciers auraient eu besoin pour intuber un enfant de moins de 12 ans. Les ambulanciers pleuraient lors de leur témoignage. Ils ont dû dire à la direction qu'un premier bébé était mort. Ce premier bébé, c'était Ezekiel, parce que, pendant huit minutes et 38 secondes, ils n'avaient pas pu lui donner de l'air, faute d'équipement.
    Comment peut‑on attribuer sa mort à un produit de santé naturel? Est‑ce que le responsable des services de santé de l'Alberta — qui a fait preuve de négligence criminelle en prenant une telle décision, à mon avis — était sous l'influence d'un produit de santé naturel?
    Santé Canada n'explique pas ces choses. Parfois, ceux d'entre nous qui sont au courant de ces cas sont tout simplement choqués, mais je ne crois pas à ces statistiques. Si Santé Canada nous transmettait les rapports d'enquête afin que nous puissions les examiner, j'y croirais peut-être, mais à l'heure actuelle, je n'y crois pas.
    Je demande à Santé Canada de nous dire combien de décès par million d'habitants surviennent chaque année afin que nous puissions établir une hiérarchie des risques comme le font tous les autres pays et que nous puissions avoir une discussion honnête sur le sujet.
    De plus, monsieur Buckley, vous savez probablement que les conservateurs ont présenté le projet de loi C‑368, qui a passé l'étape de la deuxième lecture en mai dernier. Le projet de loi vise à abroger les articles 500 à 504 de la Loi no 1 d'exécution du budget de 2023.
    À votre avis, pourquoi est‑il important d'adopter cette mesure législative le plus rapidement possible? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est prioritaire d'adopter le projet de loi C‑368 dès que possible?
    Merci beaucoup.
(1150)
    Veuillez répondre en 30 secondes, s'il vous plaît, monsieur Buckley.
    Je connais bien le projet de loi; j'ai rédigé sa première ébauche pour le député Blaine Calkins.
    Nous sommes maintenant dans une catégorie où les sanctions et les pouvoirs sont tellement stricts qu'il n'y a aucune possibilité pour les entreprises de tenir tête à Santé Canada, même si ses conseils peuvent mener à des préjudices ou la mort.
    En tant qu'avocat qui pratique depuis 30 ans dans ce domaine, je peux vous dire qu'il est arrivé que des entreprises doivent tenir tête à Santé Canada afin de protéger la vie, et que nous ayons perdu. Nous nous sommes fait démolir.
    Lorsque la bureaucratie a le pouvoir absolu sur vous et que vous ne pouvez pas faire passer votre point de vue, alors elle peut faire tout ce qu'elle veut. C'est la définition même de la tyrannie. Le terme en soi n'est pas négatif, mais nous savons que les choses vont mal tourner.
    Nous n'avons malheureusement plus de temps.
    Nous allons maintenant entendre Mme Atwin, qui dispose de cinq minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Mes questions s'adressent à M. Potestio, et portent sur l'industrie du cannabis.
    De nombreuses boutiques non réglementées ont fait leur apparition dans ma circonscription. Nous songeons à ce que cela signifie pour notre communauté, notamment à l'exposition des enfants à ces produits.
    À Fredericton, la société RPC réalise de nombreux essais sur le cannabis provenant de partout au pays, et elle peut confirmer que les produits du cannabis réglementés sont exempts de métaux lourds, de pesticides et d'autres résidus nocifs. Ainsi, les consommateurs ont l'esprit tranquille lorsqu'ils achètent ces produits. Je suppose qu'ils associent l'augmentation des coûts à cet élément de sécurité.
    L'industrie du cannabis est réglementée depuis peu et elle vend des produits jugés thérapeutiques par le gouvernement, mais les Canadiens doivent tenir compte de certains effets néfastes. À votre avis et selon votre expérience du processus d'octroi des permis et de démarrage des entreprises, est‑ce que le processus permet d'atteindre un équilibre approprié entre la santé et la sécurité publiques d'une part, et la possibilité de faire des affaires de l'autre?
    Excusez-moi, monsieur Latimer; attendez un instant.
    Monsieur Potestio, monsieur Latimer, puisque vous êtes dans la même pièce, un seul d'entre vous peut activer son micro. Je tenais à le préciser.
    Allez‑y, monsieur Latimer.
    Je pense que c'est une excellente question, et c'est très malheureux. Il s'agit d'une importante étude en matière de politique publique et d'une erreur de deux termes — les mots « plus de » ou « moins de » — dans la Loi sur le cannabis. Cela concerne la taxe d'accise. Comme on parle de « plus de » et du fait que les analystes ont établi que nous allions fixer le prix d'un gramme de cannabis à 7 ou 10 $ alors qu'il en coûte 2 $, nous avons maintenant renversé la situation et fait en sorte que le marché noir soit lucratif. C'était la conséquence imprévue d'une simple reformulation des mots.
    Aujourd'hui, le marché noir refait soudainement surface, et ce à même nos quartiers, comme vous l'avez fait valoir. Ce sont des magasins qui ressemblent exactement à tous les autres, sauf qu'ils ne respectent pas les règlements et n'ont pas à s'y plier.
     Dans le cadre de la vente du cannabis réglementé, M. Potestio dépense 50 millions de dollars et investit le temps et les efforts de sa famille pour construire des installations. Chaque fois qu'il fait 100 000 $ de vente, il doit donner 1 $ sur les 2 $ au gouvernement, soit environ 44 %, en raison de la formulation. S'il vend 100 000 $ par semaine, il remet 44 000 $ au gouvernement.
     Le contrebandier n'a pas à remettre ces 44 000 $, alors il garde l'argent. Ce sont ce que j'appelle des « entrepreneurs cowboys » dans la rue. Ils voient là une occasion de faire de l'argent. Avant, ils devaient se rendre au centre-ville et vendre en espèces. Aujourd'hui, ils peuvent s'établir un peu partout dans les quartiers pour vendre leurs produits. Ils peuvent utiliser la carte Visa et la carte de débit. Ils peuvent accepter autant d'argent qu'ils le veulent. Ils gagnent 44 000 $ de plus chaque semaine. Ils peuvent acheter des biens de luxe pour leur conjoint, et ils peuvent ensuite ouvrir un deuxième ou un troisième magasin pour faire encore plus d'argent...
(1155)
    Puis‑je vous interrompre? Je suis désolée, mais j'ai très peu de temps pour poser des questions. Je veux seulement ajouter un élément.
    Dans sa déclaration préliminaire, M. Potestio a mentionné que 40 % des faillites récentes au Canada touchaient des entreprises de cannabis. Voici mes questions. Cette réglementation a‑t‑elle évolué au fil du temps? Y a‑t‑il eu un changement dont ces industries n'étaient pas au courant, ou n'étaient-elles tout simplement pas prêtes à intégrer le marché? Qu'est‑ce qui explique ces 40 %? C'est très élevé.
    C'est un marché tellement nouveau, qui est trop taxé. Les analystes ont fait fausse route. Ils pensaient que les prix oscilleraient entre 7 et 10 $. Un gramme ne coûte que 2 $. C'est sur ce plan qu'ils se sont trompés, et ils n'ont jamais corrigé l'erreur. Maintenant, le marché est lucratif pour le marché noir. Voici ce qui va se passer. Je vais appeler ces intervenants les « experts de la ruine. » Ils vont ouvrir des magasins. Les consommateurs pourront commander des produits en ligne. Ils pourront acheter un petit joint saupoudré d'un peu de méthamphétamine en cristaux pour 5 $. Nos enfants y auront accès, dans tous les quartiers. C'est un détournement auquel on ne s'attaque pas. Il faut ajuster la politique rapidement. Vous voyez, la politique est quelque peu inappropriée. Ajustez‑la.
    Je suis d'accord avec M. Shawn Buckley. Santé Canada exerce trop de contrôle. Le ministère surcharge sans relâche le système et alourdit la bureaucratie. La situation est devenue un véritable cauchemar, et tous ces commerces sont en train de faire faillite. Et les entrepreneurs ont investi de l'argent. Par exemple, M. Potestio et sa famille ont investi 50 millions de dollars dans leur projet. Ils doivent fermer boutique, parce que l'ARC les extorque et leur dit que s'ils ne paient pas la somme dans les 30 prochains jours, leur permis sera révoqué. C'est littéralement ce que le ministère affirme. Pendant ce temps, les propriétaires de commerces illégaux disent que la situation ne pourrait être plus idéale. Leurs commerces n'ont pas à rester cachés. Les propriétaires peuvent accepter les paiements avec Visa et les autres modes de paiement, et ils peuvent innover. Ils peuvent ajouter de nouveaux produits à leur offre; ils ont le vent dans les voiles. Ils vont prendre de l'expansion, s'implanter partout au pays, et faire des affaires en ligne pour pouvoir vendre beaucoup de produits.
    Merci.
    Monsieur Latimer, le temps est écoulé. J'ai dû vous interrompre.
    Nous allons passer à Mme Vignola pendant deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Buckley, je vais m'adresser à vous pour mieux comprendre. Je suis toujours ouverte à l'amélioration des processus. Je pense qu'on a compris que la réglementation est lourde. Je vais vous poser une question de cohérence.
    Parlons des produits naturels. L'oxygène est un produit naturel. Bien entendu, 100 % des êtres humains en ont besoin pour vivre, mais certaines personnes ont besoin, par exemple, de bonbonnes d'oxygène. L'azote est un produit naturel dans le sens qu'il se trouve dans l'atmosphère que l'on respire, mais des gens en ont besoin pour le traitement de verrues, notamment.
    Je ne sais si j'extrapole trop, mais l'application de la réglementation actuelle régissant les produits naturels pourrait-elle aller jusqu'à une difficulté d'accès à ces produits pour les gens qui en ont besoin? Si oui, comment ferait-on pour s'assurer que des produits qui sont sains et bons et qui sont essentiels à la santé de ces personnes demeurent accessibles à la population?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la question, peut-être à cause de l'interprétation. Qu'est‑ce qui pourrait restreindre l'accès? Parlons-nous du cadre d'autosoins?
(1200)

[Français]

     Comment pourrait-on faire pour que le cadre de réglementation n'empêche pas les gens d'avoir accès à des produits qui sont sains et essentiels à leur santé, comme l'oxygène ou l'azote dans certains cas? Le cadre actuel peut-il aller jusqu'à une interdiction de ces produits? Si oui, comment ferait-on pour éviter une telle aberration?

[Traduction]

    Si le cadre d'autosoins, qui comporte plusieurs volets, va de l'avant, nous perdrons la plupart de nos produits de santé naturels, ce qui nuira gravement à bon nombre de nos traditions de guérison. Pour résoudre ce problème, il faut commencer par poser la bonne question. Prenons par exemple la réglementation de tous les médicaments — qu'ils soient chimiques ou naturels; comment pouvons-nous obtenir les meilleurs résultats pour la santé? Il faut revoir tout le système, parce que le système ne s'appuie pas sur cette question. La plupart des intervenants en conviennent. Il y a tellement d'éléments raisonnables. Personne dans l'industrie ne dira qu'il ne faut pas adopter de bonnes pratiques de fabrication...
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Buckley, mais nous avons dépassé le temps imparti.
    Je dois céder la parole à M. Bachrach pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président. J'adore que vous ayez dit que vous « devez » me donner la parole.
     Des voix: Ha, ha!
     M. Taylor Bachrach: Monsieur Buckley, je pense que la dernière question que vous avez posée est très importante: comment nous assurer d'obtenir les meilleurs résultats pour notre santé? Une partie de la réponse réside certainement dans l'utilisation de données de grande qualité pour éclairer les décisions réglementaires. Santé Canada a souligné qu'il s'agissait peut-être d'une lacune des systèmes de réglementation antérieurs pour les produits de santé naturels, ou du moins c'est ce que le ministère prétend. C'est pourquoi, si j'ai bien compris, la Loi de Vanessa a été appliquée.
    Selon vous, comment pouvons-nous nous assurer d'avoir des données objectives de grande qualité sur lesquelles fonder nos décisions réglementaires afin de garantir les résultats positifs en matière de santé que vous avez mentionnés?
    Il faut commencer par poser la bonne question. Si vous cherchez des risques, vous en trouverez. Si vous cherchez des méfaits, vous en trouverez.
    Nous avons le système de déclaration des effets indésirables, qui est très fiable, depuis 1965. Vous ne trouverez aucun signalement crédible de décès causé par un produit de santé naturel pendant toute cette période, ce qui signifie que le beurre d'arachide est extrêmement plus dangereux. Je ne parlerai même pas des mollusques et des crustacés. Nous devons simplement poser la bonne question: comment obtenir de bons résultats en matière de santé? Ensuite, il faut commencer à les mesurer.
    Vous savez, certaines des principales causes de décès au Canada sont liées aux produits pharmaceutiques chimiques. Une bonne politique en matière de santé pourrait consister à en restreindre l'accès jusqu'à ce que des modalités de traitement plus sûres aient été mises à l'essai. Mais nous ne sommes pas autorisés à avoir cette discussion. Personne ne prétend qu'aucun type de produit de santé ne comporte des risques. Or, si nous nous demandons comment obtenir les meilleurs résultats en matière de santé — ce que nous ne demandons jamais — grâce à notre politique sur les médicaments, nous en arriverons à un résultat raisonnable. Puis, si nous continuons à poser cette question, nous continuerons toujours à en apprendre davantage.
    En vérité, notre réglementation sur les médicaments vise à protéger les droits de propriété intellectuelle, et non à nous garder en santé. Il faut simplement commencer à poser les bonnes questions. Ensuite, nous saurons quoi mesurer.
    J'imagine que mes deux minutes et demie sont écoulées, mais je vais peut-être demander au président de me le confirmer.
    Il vous reste quatre secondes, monsieur Bachrach.
    Je vais céder ces secondes à mon prochain collègue.
    Merci.
    En fait, c'est tout pour ce groupe de témoins. Normalement, nous avons un peu plus de latitude, mais nous devons entendre un autre groupe de témoins.
    Merci beaucoup aux témoins. Nous vous remercions de votre patience par rapport au micro et à certains problèmes d'interprétation. Si vous avez un mémoire ou un autre document écrit que vous souhaitez nous communiquer pour le rapport, vous pouvez certainement l'envoyer à notre greffier. Nous inclurons ces documents aux fins d'examen.
    Merci encore de vous être joints à nous.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour accueillir les nouveaux témoins.
(1205)

(1210)
    Nous sommes de retour, chers collègues. Je vous remercie de votre patience.
    Nous accueillons deux témoins dans le deuxième groupe.
    Nous allons commencer par la déclaration liminaire de M. Beaulieu‑Guay, qui est en ligne.
    Allez‑y, monsieur. Vous avez la parole pendant cinq minutes. Nous sommes relativement pressés par le temps, alors nous allons veiller à ce que tout le monde respecte son temps de parole.
    Monsieur Beaulieu‑Guay, nous vous écoutons.

[Français]

    Alléger le corpus réglementaire d’un pays comme le Canada est une tâche extrêmement difficile. Plusieurs réformes ont été tentées dans différents contextes et ont connu des succès mitigés. Ici, plus particulièrement, certaines initiatives ont fonctionné, d’autres non. Notamment, il y a eu la mise en œuvre de la règle du « un pour un », où, pour chaque nouvelle règle, les autorités réglementaires doivent retirer une règle existante. Cette procédure n’a jamais vraiment pu être appliquée efficacement à grande échelle. Par contre, d’autres mesures ont réussi à changer la culture dans certains ministères, comme la Lentille des petites entreprises, qui sensibilise les autorités réglementaires aux effets de leurs actions sur les petites et moyennes entreprises à l'aide d'une liste de contrôle.
    Cela dit, le poids de la réglementation, ou fardeau réglementaire, est une question de première importance pour les autorités réglementaires canadiennes depuis les années 1980. Le Canada s’est doté assez tôt de plusieurs dispositifs administratifs pour minimiser ce fardeau sur les individus et les entreprises.
    Le fer de lance de la réduction réglementaire et de l’amélioration des règlements est l’analyse d’impact réglementaire. Celle-ci est obligatoire pour tout nouveau règlement ou tout changement réglementaire susceptible d’avoir un impact significatif au Canada. Le Canada est un bon praticien en matière d’analyses d’impact réglementaire. Les résumés d'étude d'impact de la réglementation, ou REIR, combinent déjà plusieurs outils qui servent à contrôler l’expansion réglementaire et à atténuer le poids indu des règlements sur l’économie et la société canadiennes. Ils rassemblent notamment des analyses coûts-avantages, des consultations publiques avec les parties prenantes, un organe de supervision et des listes de vérification.
    Les analyses coûts-avantages estiment l'avantage net de la réglementation, c’est-à-dire la différence entre les avantages et les coûts. Les consultations publiques sont sectorielles et impliquent les principaux acteurs touchés ou concernés par la réglementation. Elles sont un lieu où tous peuvent s’exprimer et faire valoir leur point de vue auprès des autorités réglementaires. Le processus des REIR est chapeauté par le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui s’assure de la qualité des analyses, de leur rigueur et d’une certaine forme d'uniformité au sein du gouvernement.
    Parmi les listes de vérification incluses dans les REIR, il y a une lentille pour les petites entreprises, des dispositions sur la coopération et l’harmonisation réglementaire intergouvernementale, et des mesures pour faciliter l’incorporation par renvoi des cadres réglementaires internationaux. Ces éléments répondent directement à certains objectifs de ce comité, notamment ceux mentionnés aux points a) et c).
    Nous avons donc déjà des outils en place, une expérience considérable et plus de 25 ans de données administratives sur l’allégement et l’amélioration des règles au Canada, mais il y a des progrès à faire. D'abord, ce ne sont pas tous les ministères qui ont la capacité de réaliser des analyses d’impact poussées. Ensuite, les analyses coûts-avantages ne sont pas toutes rapportées en utilisant les mêmes unités, ce qui complique les comparaisons ou l’estimation du coût total de la réglementation. Quant aux consultations, celles qui ont le plus grand effet sont souvent celles qui sont les plus exclusives et qui sont menées en amont auprès de parties prenantes qui peuvent être triées sur le volet. Enfin, le succès des listes de vérification peut être difficile à mesurer, étant donné qu’elles ne sont pas nécessairement associées à des résultats particuliers ou visibles.
    De plus, s’attaquer à l’allégement réglementaire de cette manière revient souvent à ajouter des procédures à d’autres. Si on peut simplifier la reddition de comptes des entreprises, cela complexifie souvent le processus réglementaire en soi. Si on veut minimiser ce qui est demandé aux entreprises tout en restant à l’avant-garde des besoins des Canadiens en matière de sécurité, de protection environnementale, de salubrité alimentaire et de santé publique, le travail devra être fait par quelqu’un, quelque part. Les informations dont le gouvernement a besoin pour assurer un environnement sécuritaire et prévisible aux Canadiens devront être collectées par l’administration publique elle-même, si on souhaite en demander moins aux entreprises. Par contre, dans ces cas-là, on est souvent confronté à des pertes sèches, parce que les entreprises ont plus facilement accès aux informations nécessaires à l'élaboration de bonnes règles au Canada.
    Ainsi, si le gouvernement souhaite moderniser son processus réglementaire, il dispose de plusieurs outils pour savoir où sont les problèmes et ce qu'ils sont, que ce soit par l'entremise des interactions fréquentes entre les autorités réglementaires et les parties réglementées, ou en s'appuyant sur l’expertise que nous confèrent près de 40 ans d’analyses d’impact réglementaire.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous accueillons maintenant M. Trudel.
    Vous avez la parole pour cinq minutes.
(1215)

[Français]

    Il est un peu intimidant pour moi d'être ici, car ça ne fait pas partie de mon travail en temps normal. Je ne suis pas un docteur, un ingénieur ou un avocat. Je suis un ancien policier du Service de police de la Ville de Québec, et j'ai d'ailleurs servi le gouvernement du Canada pendant plusieurs années à l'étranger.
    J'ai fondé mon entreprise dans ma jeune vingtaine avec à peine 1 000 $. Aujourd'hui, les 18 entreprises que je dirige, principalement dans la province du Québec, ont une valeur de presque 1 milliard de dollars. Nous sommes principalement dans les domaines de la promotion immobilière commerciale et résidentielle et du réaménagement de sites urbains dévitalisés. J'ai déjà reçu plusieurs chefs de partis politiques sur le site d'un nos plus gros projets, Place Fleur de Lys. Je me suis entretenu également avec le premier ministre Trudeau, dernièrement, à Québec.
     Cette tribune est pour moi une démarche apolitique qui me permet de répondre à vos questions et d'essayer de vous expliquer, dans ma vie d'entrepreneur, les difficultés auxquelles nous faisons face et les répercussions réelles sur la construction de logements au Canada en lien avec différentes organisations et sociétés d'État fédérales.
    Sachez que je n'ai pas besoin de l'interprétation. Je comprends bien l'anglais. Il peut arriver que je parle en anglais, mais je vais essayer de faire attention pour donner un coup de main aux interprètes. J'ai appris l'anglais aux Nations unies avec des policiers et des militaires de partout dans le monde. Parfois, c'était plus expéditif, moins diplomatique et peut-être moins poli. Alors, je vais faire attention. Si vous me parlez en français, je pourrai être un peu plus nuancé, mais si vous me parlez en anglais, il n'y a pas de problème, je le comprends bien.
    En écoutant ce qui a été dit avant, j'ai appris que je possède déjà une des qualités nécessaires pour possiblement devenir gouverneur général un jour, puisque je suis bilingue.

[Traduction]

    Je vous en remercie.
    Nous allons écouter notre première intervention, de Mme Block, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de participer à cette deuxième heure de la réunion d'aujourd'hui sur la réduction de la paperasse et aussi, comme nous l'avons exploré avec de nombreux témoins, sur le coût des politiques gouvernementales et le fardeau réglementaire pour les entreprises qui, au bout du compte, ont une incidence sur les Canadiens et notre économie.
    Monsieur Beaulieu‑Guay, j'aimerais vous poser mes premières questions, étant donné que vous travaillez à l'Université de la Saskatchewan. Convenez-vous que les investissements dans les écoles et les étudiants sont importants?

[Français]

[Traduction]

    Merci.
    De récents rapports montrent que le système d'éducation de la Saskatchewan paie plus de 200 millions de dollars par année en taxe sur le carbone. N'est‑ce pas de l'argent qui pourrait être investi dans l'éducation des étudiants et dans la recherche comme celle que vous faites?

[Français]

     Les fonds peuvent être distribués de plusieurs manières, effectivement. Ce sont des fonds publics et ce sont les politiciens qui décident comment les distribuer.

[Traduction]

    Oui, en 2021, l'Université de la Saskatchewan a payé 3,7 millions de dollars en taxe sur le carbone, avant son augmentation. Ce montant passera à 12,1 millions de dollars d'ici 2030. Selon le budget de fonctionnement 2022‑2023 de l'Université de la Saskatchewan, les revenus d'exploitation ont dépassé les coûts de fonctionnement de 17 millions de dollars.
    Étant donné ces marges de manœuvre aussi serrées, la taxe sur le carbone qui ne cesse d'augmenter ne menace‑t‑elle pas l'existence d'établissements publics comme l'Université de la Saskatchewan et les recherches que vous menez?

[Français]

     Je ne peux pas établir de causalité entre la taxe sur le carbone et le financement d'établissements d'enseignement supérieur. Je suis désolé, mais ce n'est vraiment pas mon champ d'expertise. Ce sont deux domaines qui peuvent être très facilement séparés. Les intrants monétaires et les extrants politiques sont deux choses différentes.

[Traduction]

    Mais il est certain que lorsqu'un gouvernement paie autant d'argent en taxe sur le carbone ou qu'une province verse autant d'argent au gouvernement fédéral en taxe sur le carbone, ces sommes ne peuvent servir à financer des programmes dans cette province.
    Je sais que vous avez fait beaucoup de recherches sur l'influence des intervenants sur les administrateurs publics et l'élaboration des politiques. À votre avis, le gouvernement actuel consulte‑t‑il suffisamment les entreprises de différentes industries pour ensuite mettre en œuvre les recommandations entendues pendant ces consultations publiques?
(1220)

[Français]

     Je n'ai pas étudié l'actuel gouvernement de façon spécifique ou particulière. En général, j'ai une vision plus macroéconomique de l'administration publique.
    Mes recherches portent sur les années 2000 à 2021 et 2022. Je n'ai pas de précisions particulières à apporter sur le gouvernement actuel. Pour les règlements en particulier, des mécanismes sont inclus dans les analyses d'impact réglementaire permettant à toutes les parties prenantes touchées ou concernées par la réglementation de participer aux consultations et d'être consultées. D'ailleurs, un forum leur est offert par l'entremise des consultations publiques que sont les avis de consultation et les appels de commentaires. De plus, il est assez bien documenté que les grandes entreprises, en particulier, ont des liens très étroits avec l'administration publique lorsque cette dernière veut formuler des règlements. Elles sont l'une des parties prenantes ayant le plus d'interactions avec les organismes gouvernementaux de réglementation, qu'ils soient fédéraux ou d'autres ordres de gouvernement.
    Dans le cadre de mes recherches, j'ai découvert que les deux types de consultation avec les parties prenantes peuvent effectivement avoir un impact sur la réglementation, qu'il s'agisse de consultations en amont, qui se font plus de façon bilatérale, ou encore de consultations plus ouvertes comme les avis de consultation et les appels de commentaires.
    J'ai noté que, lorsque les entreprises se présentent seules à ces consultations et qu'elles sont le seul interlocuteur du gouvernement, elles vont souvent réussir à réduire le niveau de contrainte découlant de la réglementation. Quand elles vont se présenter aux consultations publiques et quand elles vont interagir avec les organismes de réglementation, elles vont être en mesure de réduire le niveau de contrainte des règlements, parce que ce sont elles qui, la plupart du temps, détiennent le plus d'information sur leurs propres activités. Elles peuvent donc aider les organismes de réglementation à mieux comprendre leur réalité.
    Si je peux continuer, on…

[Traduction]

    Merci. Je vous en suis reconnaissante. Mon temps est limité.
    Sur le site Web de la Johnson Shoyama Graduate School of Public Policy, on peut lire au sujet de vos recherches: « Ses recherches remettent en question la croyance répandue selon laquelle les consultations publiques sont, au mieux, inutiles ou, au pire, une autre tribune pour le lobbying des entreprises. »
    Pourrais‑je entendre vos commentaires à ce sujet?
    Répondez brièvement, s'il vous plaît.

[Français]

    Oui. En fait, je démontre que plus les consultations publiques sont larges, plus les changements réglementaires seront importants. Autrement dit, plus on consulte de personnes, plus on aura une diversité d'opinions et d'avis. De plus, un problème qui pouvait sembler simple peut se complexifier et être lié à une intervention gouvernementale plus importante.
    En ce qui concerne le lobbying, comme je le disais tout à l'heure, quand les industries sont consultées directement par les organismes de réglementation, elles peuvent faire valoir leur point de vue et réduire le niveau de contrainte de la réglementation. Par contre, quand d'autres parties prenantes sont aussi autour de la table, elles peuvent contrecarrer les intérêts de l'entreprise. S'il y a des organisations non gouvernementales, s'il y a des citoyens, si plusieurs sources d'information sont présentes lorsqu'on consulte…

[Traduction]

    Merci. Je crains que le temps ne soit écoulé.
    Nous allons passer à M. Sousa, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec mon collègue.
    Avant de le faire, j'aimerais poser une brève question à M. Beaulieu‑Guay au sujet des administrations qui se penchent sur les formalités administratives et les affaires réglementaires.
    Avant votre comparution, nous avons reçu un représentant de l'industrie du cannabis — au sujet de la santé et des produits naturels. Je pense que quelqu'un d'autre était censé parler de la loi sur les prêts sur salaire. Ces enjeux touchent également des questions de réglementation provinciale.
    Pouvez-vous nous parler du processus de consultation qui a eu lieu pour certaines de ces questions?
    Où nous sommes-nous le plus améliorés?

[Français]

     Je n'ai aucune expertise sectorielle en particulier, que ce soit dans le domaine de la santé, des transports ou autres. Je me concentre vraiment sur le processus de la formulation des politiques publiques. Je ne pourrais donc pas cerner un problème dans un secteur précis.
    Par contre, je sais que la consultation sur la légalisation du cannabis a été l'une des plus grandes consultations qui ont été faites sur le plan réglementaire, parce qu'il s'agissait de changer de paradigme. On a pris un produit qui était illégal, qui est devenu un produit thérapeutique, puis un produit récréatif. On a consulté très largement des gens de l'industrie, mais aussi beaucoup d'experts du domaine de la santé. Je sais que les experts en santé, notamment les gens de Santé Canada, ont eu beaucoup d'influence sur la structure réglementaire de la légalisation du cannabis.
    Pour ce qui est des autres politiques spécifiques que vous avez mentionnées, je n'ai pas d'information à ce sujet.
(1225)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je sais que, entre 2013 et 2016... Nous venons d'entendre une députée du Parti conservateur parler de ses préoccupations par rapport aux universités. À l'époque, les ministères et les associations à vocation scientifique ont subi des compressions de 2,6 milliards de dollars, y compris certaines universités qui avaient besoin de soutien. Le financement aurait pu améliorer notre technologie, nos avancées et nos affaires réglementaires dans certains de ces domaines.
    Sur ce, monsieur le président, j'aimerais céder mon temps de parole à Ireneusz Wlodzimierz Kusmierczyk.
    Bravo.
    Monsieur Kusmierczyk, vous avez presque quatre minutes.
    Merci.
    Merci beaucoup de cette présentation. Je serai indulgent, car c'est votre anniversaire.
    J'ai une question pour M. Beaulieu‑Guay.
    Comme on l'a déjà mentionné, votre biographie sur le site Web de l'Université de la Saskatchewan indique que vos recherches « remettent en question la croyance répandue selon laquelle les consultations publiques sont, au mieux, inutiles ou, au pire, une autre tribune pour le lobbying des entreprises. » Vous dites essentiellement que vos recherches montrent que les consultations publiques et les consultations auprès des intervenants importent et ont une incidence.
    C'est ce que j'ai constaté, et je veux vous donner deux exemples. Pour revenir à la discussion que nous avons eue sur les produits de santé naturels, j'étais moi aussi préoccupé par l'incidence des coûts — en particulier pour le recouvrement des coûts — pour pouvoir financer la surveillance et la reddition de comptes. J'étais préoccupé par les coûts, et je sais que d'autres petites entreprises, en particulier, de cette industrie, s'inquiétaient vraiment des coûts associés à la surveillance.
    Des milliers de consultations auprès des intervenants ont été acceptées par Santé Canada. Le ministère a reçu environ 4 600 mémoires portant sur tous les enjeux, du fardeau de l'étiquetage au fardeau financier du recouvrement des coûts. Depuis, très récemment, Santé Canada a réagi en apportant des changements au recouvrement des coûts: il a réduit de moitié le recouvrement total des coûts et, dans certains cas, il a réduit les frais de 72 %. Il a également mis en place progressivement l'approche de recouvrement des coûts sur sept ans pour réduire ses effets et pour permettre aux entreprises de s'adapter. En plus de cette approche progressive et de la réduction des frais, il a également maintenu les rabais existants pour les petites entreprises. Ici encore, il a tenu compte des commentaires des Canadiens qui ont décrit les répercussions potentielles que cela pourrait avoir sur les petites entreprises, et il a donc maintenu les rabais pour les petites entreprises.
    Ce n'est qu'un exemple où l'interaction entre les Canadiens, les petites entreprises et Santé Canada a porté ses fruits. Je dirais que cette communication a grandement influé sur les règlements proposés qui allaient entrer en vigueur.
    Pouvez-vous nous décrire en quoi les intervenants et les non-experts arrivent à influencer la réglementation qui émane d'organisations comme Santé Canada?

[Français]

     Les administrateurs ne disposent pas de toute l'information nécessaire pour prévoir toutes les conséquences possibles de la réglementation. Ça a été compris assez rapidement et c'est la raison pour laquelle beaucoup de dispositions obligent les administrateurs à aller consulter les gens sur le terrain, en particulier ceux qui vivent les effets des politiques publiques et ceux qui en sont la cible.
    On a donc abandonné le modèle où les administrateurs élaboraient eux-mêmes les règlements et les imposaient à tout le monde, en faveur d'un modèle plus ouvert où les gens qui veulent ou qui peuvent faire des commentaires en ont l'occasion. Par contre, les consultations peuvent être inaccessibles pour certaines parties de la population. Les gens qui interagissent le plus souvent avec les organismes de réglementation, qui adoptent leur langage et qui connaissent le mieux les particularités de chaque règlement auront la plus grande influence. Pour les citoyens, il est très difficile de s'impliquer et d'avoir un impact réel, notamment dans des sujets qui requièrent une importante expertise technique.
    Cela dit, globalement, les consultations peuvent avoir un effet bénéfique, ne serait-ce que pour prévenir des conflits futurs ou des contestations judiciaires de la part des parties prenantes dans les cas où la réglementation prévue au départ n'était pas adéquate. Donc, les consultations et le fait d'avoir des…
(1230)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Malheureusement, nous avons dépassé le temps imparti.
    Madame Vignola, vous avez la parole.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Trudel, merci d'être parmi nous aujourd'hui. Dans votre entreprise, combien de personnes sont affectées uniquement à la paperasse?
    Dans nos entreprises, il y a facilement une dizaine de personnes qui sont affectées à la paperasse. Seulement à notre service du contentieux, au moins deux ou trois de nos cinq avocats à temps plein sont affectés à la conformité des entreprises à la réglementation des différents ordres de gouvernement, dont, souvent, le gouvernement fédéral. Étant donné la nature de nos activités, nous interagissons beaucoup avec le gouvernement fédéral par l'entremise de sociétés d'État comme la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la Banque de développement du Canada ou, de façon plus générale, le Bureau du surintendant des institutions financières.
    Par ailleurs, de nombreuses personnes sont engagées comme consultants sans faire directement partie de nos entreprises. On peut penser ici à des avocats, à des consultants en coûts, à des ingénieurs. Bref, il y en a une panoplie.
    Il serait fastidieux de calculer avec précision le coût d'engager toutes les personnes qui travaillent directement dans nos entreprises et tous les consultants que nous devons engager sur une base quotidienne, mais il est question de plusieurs millions de dollars par année pour répondre aux exigences de conformité du gouvernement fédéral en lien avec des choses très simples qui deviennent extrêmement compliquées pour rien.
     Pourriez-vous donner des exemples qui montrent les limites des critères de conformité, particulièrement lorsqu'il s'agit de préserver des bâtiments patrimoniaux qui sont essentiels?
     Dernièrement, j'ai eu des discussions avec des gens de la Banque de développement du Canada, la BDC. Ce sont des gens très compétents et très dévoués, et la BDC fait beaucoup au Canada pour le développement des entrepreneurs. Par contre, on atteint rapidement les limites. Ce que je déplore souvent, et pas seulement à la BDC, mais aussi dans les sociétés d'État, c'est que j'ai l'impression qu'on a perdu le sens commun. Lorsqu’on s'adresse à quelqu'un, je vois parfois dans le regard de cette personne qu'elle est en train de chercher dans sa tête lequel des tableaux de conformité du système informatique, du troisième onglet ou du quatrième paragraphe va lui permettre de répondre à ma question.
    Dernièrement, je m'adressais à quelqu'un de la BDC alors que nous visitions l'ancien édifice Sears, à la Place Fleur de Lys à Québec, qui est classé bâtiment patrimonial. Nous sommes en train de rénover complètement ce bâtiment et de le restaurer à son état d'origine. Je demandais aux représentants de la BDC s'ils pouvaient nous accompagner dans le dossier et ils ont répondu que ce serait une bonne idée. Cependant, une personne a commencé à m'expliquer le cadre de conformité réglementaire et a fini par découvrir, après 14 sous-questions, qu'il n'y a pas de petit crochet de conformité pour les bâtiments patrimoniaux qu'on restaure à l'état d'origine. Cette personne a ensuite commencé à nous expliquer que, par contre, si nous passions par le chemin de l'écoénergie de telle ou telle façon, elle serait en mesure de rendre le dossier conforme.
    Nous sommes donc rendus à travailler avec des fonctionnaires qui nous aident à contourner légalement des règles des sociétés d'État pour cadrer avec des tableaux de conformité avec des petits crochets, parce qu'on a complètement perdu le sens commun.
    En tant qu'entrepreneur, tout cela vous permet-il de faire place à l'innovation entrepreneuriale? Le fait de rénover et de restaurer un bâtiment patrimonial au lieu de le détruire est louable. Nous devons vous remercier pour ça, parce qu'on dirait souvent qu'en Amérique du Nord, tout n'est là que pour 50 ans. Cependant, ces exigences de conformité empêchent-elles votre innovation de fleurir, de prendre de l'expansion?
    Ça complique beaucoup les choses. Prenons l'exemple de la SCHL, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, une autre société d'État avec laquelle nous travaillons énormément. Ces dernières années, en raison de l'augmentation des taux d'intérêt, la SCHL a littéralement soutenu à bout de bras le marché du logement au Canada. Si la SCHL n'avait pas été là les deux ou trois dernières années, ce serait catastrophique, bien pire que ça l'est maintenant. Je le reconnais.
    Par contre, le commerce de détail a changé, puisque les ventes en ligne ont changé les habitudes de consommation. Dans le cadre de nos projets, nous prenons de vieux centres commerciaux qui sont dévitalisés, nous les défaisons en partie et nous enlevons des stationnements, pour recréer des milieux de vie intégrés avec une université, un hôtel de calibre international et des logements abordables. Cependant, nous nous butons constamment à des cadres réglementaires qui, à la base, n'ont pas été conçus pour ce nouveau modèle de développement économique, dans lequel on change la vocation d'anciens immeubles commerciaux en raison de la crise du logement. Il est question de l'eau au cadastre national du Québec, il est question de la prise de garantie croisée, il est question de ne pas conserver trop de commerces dans l'ancien centre commercial, parce que notre entreprise est à vocation résidentielle. Nous nous butons constamment à des problèmes de conformité.
    Je déplore le fait qu'il n'y a pas de transparence de la part des sociétés d'État fédérales avec lesquelles nous faisons affaire. Nous ne sommes jamais capables de finir par comprendre comment faire pour répondre aux exigences de conformité, et nous n'arrivons pas à obtenir des réponses. Parfois, on me répond même:
(1235)

[Traduction]

    Nous sommes une société d'État. Nous ne parlons pas avec le secteur privé ni avec les intervenants privés.

[Français]

     Ça devient très frustrant pour nous, alors que ça nous coûte des millions de dollars par année en primes à la SCHL, que je suis obligé d'employer 10 personnes et de nombreux consultants, et que nous ne finissons jamais par comprendre comment faire avancer un dossier. Je dis souvent que, si on prenait le modèle des 12 travaux d'Astérix pour développer le logement au Canada, ce serait déjà une nette amélioration.
     C'est assez clair, monsieur Trudel, je vous en remercie. D'après ce que vous me dites, je comprends que vous ne critiquez pas les institutions comme telles, mais vraiment les démarches.
     La Société canadienne d'hypothèques et de logement, la Banque de développement du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières sont des institutions très importantes, qui aident les Canadiens. Cependant, il y a une question de philosophie, il y a une question de transparence et il y a le fait que les sociétés d'État vont devoir se mettre en mode « client ». À la base, qui est le client de la BDC ou de la SCHL? C'est l'entrepreneur qui travaille 1 000 heures par semaine et qui réussit à faire ses semaines en payant des millions de dollars en primes. Il va falloir à un moment donné qu'on revienne à la base, qu'on parle à nos entrepreneurs et qu'on essaie de trouver des solutions innovantes avec eux, au lieu de toujours sortir des tableaux de conformité.
    Merci, monsieur Trudel.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Bachrach, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais beaucoup poser quelques questions à M. Beaulieu‑Guay.
    Je vais commencer par une question très générale. Le concept de modernisation de la réglementation se fonde habituellement, je crois, sur la prémisse que la réglementation devient de plus en plus lourde et complexe au Canada. De nombreux exploitants de petites entreprises me disent qu'ils sont frustrés par la complexité et les exigences des processus réglementaires.
    Existe‑t‑il des données qui suggèrent que c'est le cas à l'échelle du pays — que dans l'ensemble, l'environnement réglementaire du Canada s'alourdit?

[Français]

     Oui, l'accumulation réglementaire est assez bien documentée. Par contre, des efforts ont été faits pour la réduire. J'en ai mentionné quelques-uns dans mon allocution d'ouverture.
    Pour faire écho à ce que disait M. Trudel, il faut aussi comprendre que les petites entreprises sont beaucoup plus vulnérables à cette augmentation du fardeau réglementaire, parce qu'elles n'ont pas de service dédié à ces questions et qu'elles ne peuvent pas avoir d'avocats pour s'en occuper.
    De plus, comme je l'ai mentionné plus tôt, les petites entreprises ont moins accès aux organismes de réglementation. En effet, quand on commence à penser à une règle, on va aller voir les suspects habituels, qui sont les grandes entreprises, et ce n'est que plus tard dans le processus réglementaire que les petites entreprises, les citoyens ou les organisations non gouvernementales vont intervenir, à un stade où les consultations ont un peu moins d'influence, parce que la règle de départ est déjà assez bien écrite.
    Il est effectivement documenté que les règles sont plus complexes, mais c'est prévisible. En effet, les domaines d'activité du gouvernement, et même de la société, deviennent de plus en plus complexes. Je ne pense pas qu'on va réduire notre cadre réglementaire pour l'intelligence artificielle ou les nouvelles technologies de sitôt, parce que ces nouvelles technologies sont perturbatrices et le cadre réglementaire doit s'adapter.
    Ça va donc avec la société, sauf qu'il ne faut pas non plus tomber dans une surréglementation comme c'est déjà arrivé aux États‑Unis. C'est pour cette raison que, tous les 10 ou 15 ans, une commission comme celle-ci essaie de voir si on est allé trop loin, si on peut avoir de nouvelles procédures pour calmer un peu les choses et avoir des règles nécessaires, mais qui sont aussi bien conçues.

[Traduction]

    Votre commentaire sur l'incidence différente qu'a la réglementation sur les petites et les grandes entreprises est très important. Le gouvernement devrait peut-être concentrer ses efforts de modernisation de la réglementation sur les règlements qui ont des répercussions disproportionnées sur les petites entreprises.
    Trouvez-vous cette recommandation raisonnable?
(1240)

[Français]

     Oui, je crois bien.
    Les grandes entreprises ont souvent des antennes dans d'autres pays et ont des services complets dont le seul rôle est de s'occuper des règlements de différents pays, dans d'autres contextes. Elles ont donc des bureaux d'experts. Peu importe le cadre réglementaire que le gouvernement fédéral va leur imposer, elles seront prêtes à réagir et à s'adapter.
    Ce n'est pas le cas des petites entreprises, qui ont beaucoup plus de difficulté à suivre la cadence réglementaire. Elles ne sont pas là pour faire ce genre de travail, car elles ont souvent un objectif assez clair et des missions bien définies. Elles n'ont pas de grands services ni de liens avec les organismes de réglementation pour voir ce qui s'en vient. Elles ne sont pas très souvent à la planche à dessin, lorsqu'on veut changer ou créer une nouvelle règle.
    S'il faut procéder à une modernisation et si le contexte réglementaire canadien se complexifie, ce sont effectivement les petites entreprises qui vont pas mal subir les dégâts les plus importants.

[Traduction]

    Le thème de la capture réglementaire m'intéresse. Pourriez-vous nous donner une définition de la capture réglementaire, ainsi que vos recommandations pour que le gouvernement du Canada évite la capture réglementaire lorsqu'il élabore de la réglementation?

[Français]

    On parle de capture réglementaire quand ceux qui rédigent les règlements finissent par s'en remettre beaucoup trop aux personnes à réglementer pour déterminer ce cadre réglementaire, et finissent par obtenir toutes leurs informations auprès de ces mêmes sources, qui sont les entreprises ou les individus qu'ils devront réglementer. Par conséquent, ces entreprises exercent un contrôle sur la réglementation et peuvent même s'en servir pour faire obstacle à la concurrence et se ménager un avantage.
    La transparence de l'administration est l'outil le plus efficace pour l'éviter. Quand l'administration s'adresse à des entreprises en particulier ou à des individus dans le cadre d'une réunion, il faut sensibiliser les autres entreprises ou individus concernés à ce fait. En outre, les consultations subséquentes doivent être empreintes d'une grande sincérité, notamment à l'étape de l'avis de consultation et appel de commentaires.
    On a eu des exemples assez flagrants. Bien qu'il ne s'agissait pas d'une capture réglementaire, il y avait à tout le moins apparence de conflit d'intérêts dans le cas de la Tiger Team et de l'édition génomique. Dans ce cas, les entreprises ont fourni des points de discussion aux administrateurs publics. À la base, la réglementation a été quasiment élaborée par l'entreprise et par le secteur privé, avant même la tenue de consultations ou d'avoir reçu les commentaires d'autres secteurs, notamment ceux de la santé et des organisations non gouvernementales.
    Si, au début du processus, on ne consulte que certaines entreprises ou des intervenants qui ont des interactions fréquentes avec l'industrie et que, en plus, on ne fait pas preuve de sincérité au moment de consulter d'autres acteurs, il peut y avoir un risque de capture réglementaire. La transparence permet de voir ces liens, de savoir à qui on a parlé et quand. Si les discussions sont ouvertes, il n'y aura plus d'apparence de conflit d'intérêts ou de capture réglementaire. La transparence est donc la solution.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entamer notre deuxième série de questions. Nous allons commencer par M. Gourde.
    Monsieur Gourde, je vous souhaite de nouveau la bienvenue au Comité. La parole est à vous, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Trudel, votre témoignage a été de la musique à mes oreilles. L'un des plus grands défis auxquels nous ferons face au cours des 10, voire des 20 prochaines années, sera la construction de logements et de locaux, un peu comme vous le faites grâce à votre expertise.
    La réglementation est vraiment très lourde, effectivement. Au risque de vous occasionner d'autres frais, vous serait-il possible de demander à vos avocats de faire parvenir une note au Comité sur la façon d'améliorer l'ensemble de la bureaucratie et de la paperasserie qui vous nuit?
    Selon vous, à quel point cela a-t-il pu vous retarder dans des projets? Avez-vous déjà annulé des projets parce que le processus requis était trop lourd? Avez-vous perdu des années? Avez-vous perdu un nombre de portes? Nous avons énormément besoin de portes au Canada présentement. Les entrepreneurs comme vous sont mis au pied d'un mur qui les retarde carrément. Pendant que vous passez du temps à remplir des documents, vous ne construisez pas de logements.
     C'est en nombre d'années qu'on calcule le retard des projets. Seulement pour notre compagnie, c'est le cas pour des milliers d'unités résidentielles.
    Aujourd'hui, j'ai été dans les médias presque toute la journée dans la région de Québec. Un de nos projets, annoncé au cours des derniers jours, sera retardé encore de 12 mois à cause d'un cadre réglementaire, municipal dans ce cas-ci. Nous faisons présentement une phase d'environ 225 millions de dollars à Fleur de lys, qui comprendra 480 logements, dont 15 % de logements abordables — je le maintiens — et 48 logements pour les personnes vivant avec un handicap. Au moment d'émettre le certificat d'assurance, la Société canadienne d'hypothèques et de logement a décidé de réduire le financement de 16 millions de dollars. Encore aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi. Heureusement, nous avions ces 16 millions de dollars et nous les avons utilisés pour réaliser le projet, qui n'a donc pas été retardé. Cependant, il y a des conséquences à ça: dans trois ou quatre ans, quand nous serons rendus aux phases 5, 6 et 7, ces 16 millions de dollars ne seront plus disponibles et il faudra peut-être retarder des phases. J'espère être capable de lancer une deuxième ronde de financement sur cet immeuble avec la SCHL, mais la grille de conformité ne le prévoit pas. On n'est pas censé faire ça. Je vais peut-être réussir à rouvrir le dossier et on va bien sûr me faire repayer plusieurs millions de dollars pour les frais d'une nouvelle analyse du même dossier. Nous passons notre vie à retarder des projets et à payer des frais sans comprendre pourquoi.
(1245)
     Revenons à la grille de conformité. J'ai compris de votre déclaration tout à l'heure que vous aviez eu la difficulté à trouver quelqu'un capable de prendre une responsabilité au sein de l'organisme. Si ça n'entre pas dans la grille de conformité, on ne peut pas vous répondre et on va contourner ça.
    En fait, c'est parce qu'il n'y a personne au sein de ces organisations capable de prendre une décision, de dire qu'ils vous appuient et que ça va fonctionner. Ça devrait se passer un peu comme dans une banque: ils vous appuient ou non, mais, au moins, vous avez l'heure juste. Quand on est obligé de faire un paquet de choses — sans le dire — toutes croches…
     En fait, j'irais même plus loin dans votre commentaire.
    Je me fais répondre régulièrement par les fonctionnaires qu'ils savent que c'est la bonne chose à faire et que j'ai raison, mais que leurs règlements internes au gouvernement fédéral et à la société d'État ne le permettent pas. Je leur demande alors ce qu'on peut faire et ce que je peux faire, moi, puisque tout le monde a compris que c'est la chose simple à faire. J'appelle alors mon député, qui me dit qu'il comprend mon histoire, mais qu'il s'agit d'une société d'État et qu'il ne peut rien faire. Ensuite, j'essaie d'appeler la société d'État, qui me dit que, comme société d'État, elle ne parle pas aux gens. Je demande s'il y a un ombudsman ou si quelqu'un au gouvernement fédéral pourrait me répondre, mais la réponse est non. J'essaie alors de trouver une nouvelle façon de faire, j'essaie de présenter le dossier différemment, j'essaie de demander à mes architectes de refaire un huitième tour de roue pour essayer de faire cadrer le projet avec une grille de conformité pour que ça finisse par fonctionner. Nous perdons un an, deux ans, trois ans et, pendant ce temps, les gens n'ont pas de logement.
    Devons-nous réduire la paperasse de 50, 60 % pour accélérer les choses? Tout le monde le sait: le grand défi, c'est qu'il faut construire des logements. Nous sommes énormément en retard. Les gens vont finir par dormir dehors.
    Je pense que c'est déjà le cas.
    Jusqu'à quel point devrions-nous réduire la paperasse? Est-il possible de réduire un formulaire de 15 pages à trois pages?
     Je vais juste vous donner un exemple concret.
     Pour être un grand emprunteur à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, il faut détenir un certificat pour les dossiers valant au-dessus de 100 millions de dollars, une limite que nous avons dépassée depuis longtemps. C'est un processus rigoureux, et je comprends très bien pourquoi. En fait, chaque année, nous devons démontrer à la SCHL notre capacité financière de mener à bien nos projets, ainsi que l'analyse de risque de notre méthode de gouvernance, de nos fonds et de nos capitaux.
    Or, ce certificat est valide pour une période de 12 mois et il est à refaire chaque année. Nous venons de compléter la semaine dernière celui de l'année passée. Il a fallu pratiquement six mois d'analyse pour obtenir un certificat de conformité qui ne dure que 12 mois. Au bout du sixième mois, on m'a posé les mêmes questions que la première fois, parce que ce n'était déjà plus à jour. Je vais donc avoir un certificat de grand emprunteur qui va me durer six mois et je vais devoir recommencer l'année prochaine et repasser six mois à obtenir une patente qui dure 12 mois.
    J'ai une autre question à vous poser, mais, si vous n'avez pas le temps d'y répondre, vous pourrez envoyer votre réponse par écrit.
     Est-il encore possible de construire des logements abordables au Canada avec toute cette réglementation?
    C'est encore possible, puisqu'on le fait, mais c'est très difficile. Je peux vous dire une chose: il faut être ingénieux, il faut travailler fort, il faut avoir une équipe dédiée. Il faut travailler avec notre communauté et avec notre collectivité. Il faut travailler avec les organismes communautaires.
    N'oubliez pas une chose: chaque fois qu'un des trois ordres de gouvernement invente une nouvelle taxe, elle se retrouve inévitablement dans le coût du logement. L'unité de mesure dans le développement immobilier, c'est une « unité de logement ». En voiture, l'unité de mesure, c'est un kilomètre, mais, pour nous, c'est une « unité de logement ». Une nouvelle taxe inventée par un des trois ordres de gouvernement va nécessairement se répercuter sur le coût du loyer de M. et Mme Tout‑le‑Monde.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Bains, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins de se joindre à nous aujourd'hui et de nous présenter des commentaires et des témoignages fort intéressants.
    J'aimerais revenir à M. Trudel.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur certains des défis dont vous avez parlé? Nous avons réussi à réaliser quelques projets à Richmond, en Colombie‑Britannique, en lien avec le logement abordable pour les femmes, les femmes ayant des enfants et les membres vulnérables de notre communauté.
    Je vois certaines de ces initiatives, et ce projet particulier à l'intersection de la route Steveston et de l'avenue Railway est un projet qui a été lancé il y a18 mois. Je pense à ce projet et je suis impressionné, parce que je comprends combien de temps il faut pour réaliser des projets. Il a fallu le partenariat entre la municipalité et le gouvernement fédéral, et dans ce cas précis, il s'agissait d'un partenariat direct avec la municipalité.
    Quels sont les défis? Vous avez dit que tous les ordres de gouvernement... S'ils peuvent travailler ensemble, quel genre de mesures doivent être prises pour améliorer la réglementation afin que les projets se réalisent plus rapidement, à votre avis? Quelles recommandations pouvez-vous faire?
(1250)

[Français]

    C'est une excellente question.
    En ce qui concerne le logement au Canada, partons du haut, c'est-à-dire du gouvernement fédéral. Ce dernier va principalement influencer ce que j'appelle l'argent et les finances par l'entremise du surintendant des institutions financières, la SCHL et la Banque de développement du Canada.
    Je vais parler des gouvernements provinciaux, la province de Québec dans mon cas, parce que c'est ce que je connais le mieux. Celle-ci va imposer les lois et les règlements en matière de développement immobilier, de développement urbain et d'aménagement du territoire. Les municipalités vont devoir appliquer tous ces cadres réglementaires. Toutefois, ces trois ordres de gouvernement ne se parlent pas vraiment sur une base quotidienne. Je ne sais si c'est le cas ailleurs, mais c'est ce qui se passe dans la province de Québec.
     Je pense qu'il va falloir en arriver à déterminer une stratégie nationale axée sur la crise du logement qui nous préoccupe présentement, pour laquelle il faudra établir des comités permanents représentant les trois ordres de gouvernement. Ces comités seront en mesure d'émettre de bonnes recommandations, et même de prendre des décisions pour améliorer les choses et simplifier le cadre réglementaire des trois ordres de gouvernement en même temps. En effet, si un seul ordre de gouvernement travaille tout seul de son côté, ça va donner un résultat partiel, bien entendu.

[Traduction]

    Merci.
    J'ai remarqué certains projets que vous entreprenez pour les édifices patrimoniaux, notamment. Chaque municipalité a ses propres règlements. Quel travail est‑ce que cette réalité engendre? Vous devez présenter une proposition quelconque pour montrer l'importance du projet. Combien de temps faut‑il pour faire ce travail, qui ne permet que de commencer le processus?

[Français]

     Nous pilotons présentement un projet de développement de deux milliards de dollars, à Place Fleur de Lys, dans la région de Québec. Il s'agit d'un ancien centre commercial datant des années 1960. La superficie du terrain est de trois millions de pieds carrés, et celui-ci est situé directement à côté du Centre Vidéotron et à cinq minutes du parlement de Québec.
    J'ai acheté la propriété au coût de 60 millions de dollars en juillet 2018, mais je n'ai réussi à obtenir le zonage pour commencer mon projet qu'à la fin de l'année 2022, malgré le fait que la communauté appuyait massivement le projet et que les quatre comités de quartier qui entourent notre propriété et plus de 63 organismes communautaires s'étaient prononcés par écrit en faveur de notre projet structurant pour la ville de Québec. C'était comme dans les 12 travaux d'Astérix: il fallait aller chercher le laissez-passer A38 au 17e étage, qui n'existe pas. Il m'a fallu près de cinq ans pour obtenir le zonage pour commencer à construire un seul logement, et ce, même si la communauté était favorable au projet. Il y a tellement de réglementation provenant des trois ordres de gouvernement que nous sommes toujours en train de nous battre contre un moulin à vent pour résoudre quelque chose de simple.

[Traduction]

    Encore une fois, cela témoigne des défis à relever. Il arrive qu'un projet soit présenté, puis abandonné parce qu'un groupe d'intérêt dans la région ne voulait pas qu'il voie le jour. Les paliers de gouvernement, les collectivités concernées et bien d'autres éléments sont autant de facteurs qui peuvent faire démarrer des projets, ou les faire échouer.
    Je vais peut-être demander à M...
    Je crains qu'il ne vous reste plus de temps, monsieur Bains.
    D'accord, merci.
    C'est tout, mais merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Vignola pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Trudel, depuis tout à l'heure, on parle du nombre de gens qu'il faut pour remplir la paperasse, de certaines incohérences et de la difficulté à atteindre les objectifs à cause de ces incohérences et du manque de communication.
    Concrètement, toute cette paperasse fait que cela coûte combien de plus mensuellement à M. et Mme Tout-le-Monde pour se loger?
(1255)
    Il s'agit d'un chiffre difficile à estimer, mais l'équipe des finances de Trudel a fait le calcul concernant les taxes: taxes scolaires, taxes municipales, taxe pour les espaces verts, redevances de développement et taxe de réseau de transport structurant, si c'est le cas. Maintenant, il n'y a plus de TPS fédérale, ce qui est un pas dans la bonne direction, mais il y a encore une TVQ provinciale. Il y a aussi — ce n'est pas une blague —, une taxe pour l'ascenseur et une autre pour la petite musique dans l'ascenseur. Si on fait le calcul, le total est de 500 $ par mois, un montant qui ne s'appliquera pas juste pendant un, deux ou trois mois, mais bien pendant toute la durée de vie de l'immeuble. Pour chaque logement, il y a donc un montant mensuel de 500 $ qui ne revient pas dans nos poches. Autrement dit, les 500 premiers dollars que les gens nous paient ne servent pas à construire l'immeuble. Qui plus est, les coûts de construction ont doublé dans les dernières années.
    Dans la région de Québec, c'est un miracle de réussir à construire des logements abordables à 1027 $ par mois, grâce au programme APH Select de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL. Il s'agit d'un bon programme. Avoir accès à un logement flambant neuf, de bonne qualité et situé dans un milieu de vie intégré au coût de 1027 $ par mois, ça change la vie des gens, des personnes seules et des personnes vulnérables.
    Par contre, nous proposons à la SCHL de bonifier ce programme pour nous permettre de construire des logements de deux ou trois chambres à coucher pour une famille monoparentale ou reconstituée. Présentement, selon le critère fédéral, un logement dont le loyer est de 1027 $ est un logement abordable. Par contre, à 1027 $ par mois, nous n'avons pas le choix de construire un petit logement, qui convient pour une personne seule. Il est impossible de construire un logement de quatre pièces et demie ou de cinq pièces et demie, puisque la banque ne va jamais accepter de financer l'immeuble. J'essaie depuis des années d'expliquer à la SCHL qu'il faut bonifier le programme APH Select, afin de donner une chance à une personne monoparentale ou aux familles reconstituées. Tout le monde me dit que j'ai raison, mais ça ne change jamais.
     Merci beaucoup. Votre témoignage est éloquent et important.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Bachrach pour clore la journée.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai une autre question pour vous, monsieur Beaulieu‑Guay. Vous avez parlé de la participation et du fait que les petites entreprises et les parties intéressées, qui n'ont peut-être pas beaucoup de ressources, ont un accès limité pour défendre leurs intérêts lors des processus réglementaires. Les grandes entreprises sont en mesure de dépenser des millions de dollars en lobbyistes et d'ainsi influencer les changements réglementaires, alors que les citoyens ordinaires, les organismes sans but lucratif et les petites entreprises ont un accès beaucoup plus restreint.
    Je m'interroge au sujet du financement pour la participation. Lors de consultations ou d'examens de la réglementation, devrait‑on en tenir compte, d'une façon ou d'une autre, afin que le gouvernement entende de façon équitable les grands et les petits intervenants?

[Français]

    Effectivement, une solution serait de donner à ces joueurs les moyens de participer. Le plus important, c'est qu'ils puissent participer tôt dans le processus. Pour l'instant, les consultations les plus ouvertes et inclusives surviennent à la fin du processus réglementaire, durant la période de consultations et de commentaires, où les gens ont 90 ou même 30 jours pour commenter. À cette étape-là, c'est déjà un fait accompli.
    Il faut donc permettre aux gens de participer avant d'être rendus à cette étape-là, ce qui est assez difficile. En effet, même les organismes de réglementation ne peuvent pas savoir qui sera touché ou intéressé par leur projet réglementaire. Souvent, ils vont s'en remettre à leur réseau et à leurs relations, c'est-à-dire les gens qui participent souvent. Informellement, ces acteurs deviennent privilégiés.
    Malheureusement, je n'ai pas de solution pour vous. Il faut trouver une façon d'inclure ces gens plus tôt dans le processus. Il faut avoir une plus grande diversité de parties prenantes, regroupant à la même table les petites entreprises, les citoyens, les organismes non gouvernementaux et les groupes citoyens, pour leur permettre d'avoir leur mot à dire avant que la décision soit arrêtée.

[Traduction]

    Merci beaucoup aux témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de tous les commentaires et les renseignements que vous nous avez fournis. Nous vous en remercions grandement.
    Avant de lever la séance, je souhaite encore une fois un joyeux anniversaire à M. Sousa.
    Je veux simplement faire le point sur Affaires mondiales. Nous essayons toujours de trouver un moment dans le calendrier de la ministre Joly. Je remarque qu'elle a pu consacrer du temps au groupe d'amitié Canada-Liban, alors j'espère qu'elle trouvera du temps pour nous également. Nous serons ouverts à toutes les recommandations.
    Nous avons réservé deux heures pour Mme Nicholson, le témoin que nous avions prévu d'entendre le 3 octobre. Pour l'instant, Affaires mondiales essaie de nous imposer une comparution d'une heure seulement. Le greffier et moi travaillons à ce dossier.
    Sur ce, la séance est levée.
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