:
Nous allons commencer. Bonjour à tous. Les conversations allaient bon train tout à l'heure, mais je vois que vous vous êtes tous calmés. C'est formidable.
Bienvenue à la 39e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes, mieux connu sous le nom de « puissant comité ». De 15 h 30 à 16 h 30, nous allons étudier l'application ArriveCAN. Cette portion de la séance sera publique.
Pour témoigner aujourd'hui, nous avons, à titre personnel, Mme Amanda Clarke, professeure agrégée à l'École d'administration publique et de politique gouvernementale à l'Université Carleton. Nous accueillons également M. Robert Steward, sous-ministre du commerce international au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Nous recevons de nouveau Catherine Luelo, sous-ministre et dirigeante principale de l'information au Secrétariat du Conseil du Trésor. Enfin, nous entendrons, par vidéoconférence, M. Sean Boots, conseiller principal en politiques à Service numérique canadien.
Nous passons maintenant aux déclarations liminaires. Nous commençons par Mme Luelo.
Avant de commencer, je tiens à souligner que je m'adresse à vous sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je ne sais pas si c'est approprié de le dire, mais c'est la première fois que je comparais devant un comité parlementaire. Je suis enchantée d'être ici, parmi vous, aujourd'hui. Je vous demanderais d'être indulgents, car c'est ma première fois.
Je travaille depuis 16 mois dans la fonction publique après une carrière de 30 ans dans divers secteurs de la sphère privée, notamment l'énergie et les télécommunications. J'ai occupé le poste de dirigeante principale de l'information chez Air Canada, et j'ai assumé des fonctions de nature commerciale chez WestJet. J'ai donc travaillé pour deux des grands transporteurs aériens au Canada dans des environnements opérationnels très complexes, comme c'est le cas au gouvernement du Canada. Il y a cette occasion à saisir actuellement qui est de fournir aux Canadiens des services gouvernementaux de grande qualité à la fois efficaces et accessibles grâce à une meilleure utilisation du numérique. C'est ce défi qui m'a conduite vers le service public.
À titre de dirigeante principale de l'information du Canada, je dois exercer un leadership général en ce qui concerne la gestion des technologies de l'information, la gestion de l'information, la transformation numérique et la transformation des services au sein du gouvernement du Canada. Mon bureau s'acquitte de cette responsabilité en soutenant l'administration des lois sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels, en élaborant des politiques et des normes et, surtout, en épaulant les ministères dans leur gestion de projets et de programmes. C'est un aspect important de notre mandat.
Les politiques sur les services et les politiques numériques d'une part, et les politiques sur la sécurité au gouvernement, y compris la cybersécurité, d'autre part, sont deux choses distinctes. Le volet lié à la sécurité comprend aussi le plan de gestion des événements de cybersécurité au gouvernement du Canada. Notre équipe est chargée de coordonner la réponse lorsque surviennent des événements de cybersécurité au gouvernement.
Nous sommes également responsables de la planification générale des technologies pour le gouvernement du Canada au moyen d'une variété de mécanismes. J'ai le privilège de soutenir, dans le cadre de mes responsabilités, Service numérique Canada, dont un représentant, Sean Boots, est parmi nous aujourd'hui.
En août 2022, nous avons lancé le programme Ambition numérique pour le gouvernement du Canada. Cette initiative conçue pour tous les Canadiens a pour objet de fournir les services gouvernementaux au moyen du numérique. Cette vision claire, stratégique et à long terme, étayée dans un plan sur trois ans, nous aidera à mettre sur pied des activités de recrutement des talents, mais aussi à gérer la question des renseignements personnels, de l'accessibilité et du contexte de cybersécurité. Je vous encourage à visiter Canada.ca pour en savoir plus.
Un des piliers du plan sur trois ans est de transformer les services gouvernementaux au moyen de technologies modernes sans perturber la prestation de services dont les Canadiens ont besoin. Essentiellement, nous voulons faire passer le gouvernement à l'ère numérique.
Un autre pilier est le déverrouillage des données comme moyen d'améliorer les programmes et les services, d'élaborer des politiques et des stratégies qui auront des répercussions concrètes et de mesurer le rendement. Un objectif assez englobant d'Ambition numérique est l'évolution du financement, des talents et de la culture. Le Canada est aux prises avec une crise des talents, notamment de talents numériques au gouvernement fédéral. Je suis certaine que ce point fera partie de nos discussions aujourd'hui.
[Français]
Encore une fois, monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je vais répondre avec plaisir à vos questions.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très reconnaissant d'avoir été invité ici aujourd'hui.
Je suis un fonctionnaire qui travaille dans le domaine des technologies et des politiques publiques. J'ai été invité à comparaître en raison des travaux de recherche que j'ai menés avec la professeure Amanda Clarke au cours de la dernière année dans le cadre du programme de fonctionnaire en résidence. Ma déclaration et mes réponses recouperont essentiellement les constatations émanant de ces recherches.
J'ai mené ces travaux dans le cadre du programme de recherche sur le gouvernement numérique digne de confiance, dirigé par la professeure Clarke. Le processus d'acquisition de technologies de l'information, ou TI, et la relation entre les fournisseurs de TI et les organisations du secteur public sont des aspects importants du problème, car ils touchent à la confiance de la population et à la capacité du secteur public.
La professeure Clarke et moi-même avons analysé les données publiques relatives à l'attribution de contrats dans les ministères fédéraux, particulièrement la divulgation proactive d'un registre compilant des données à ce sujet. Nous voulions établir des tendances dans l'attribution par le gouvernement de contrats liés aux TI. Nous avons été confrontés au problème classique lié aux données ouvertes: nous devions présenter sous une forme plus lisible, conviviale et compréhensible des données publiques difficiles à décrypter et à interpréter. Les résultats de ces travaux peuvent être consultés à govcanadacontracts.ca. Je ne vais pas parler de notre méthodologie, faute de temps, mais celle‑ci est exposée sur le site que je viens de mentionner.
Tandis que nous sommes en mesure de répondre avec certitude à certaines questions, nous pouvons seulement tenter de répondre à d'autres. Notre capacité à répondre dépend du niveau de qualité des données. Nous avons trouvé notamment que les dépenses de l'ensemble des ministères et organismes fédéraux pour les achats liés aux TI se sont élevées à environ 4,7 milliards de dollars au cours du dernier exercice. Notons que le ministère de la Défense nationale est exclu des calculs, car nous l'avons classé dans une catégorie à part.
Sur ce montant, environ 1,9 milliard de dollars a servi à payer des consultants et des entrepreneurs en TI, 1,2 milliard de dollars, à acheter des licences de logiciels, et 840 millions de dollars, à acquérir des appareils et des équipements. Enfin, environ 750 millions de dollars ont été consacrés aux télécommunications et à divers autres coûts liés aux TI. Voilà les coûts annuels. Indexées pour tenir compte de l'inflation, les dépenses liées à l'ensemble des TI ont augmenté d'environ 27 % de l'exercice 2017‑2018 à l'exercice 2021‑2022.
Les technologies de l'information se classent désormais au deuxième rang des dépenses contractuelles, tout de suite après les installations et la construction. Le site Web que je vous ai mentionné indique quels sont les principaux fournisseurs de TI. Sur la période de cinq ans que nous avons examinée, trois entreprises ont reçu en moyenne plus de 100 millions de dollars par année pour un total cumulatif d'environ 22 % des dépenses contractuelles liées aux TI dans l'ensemble du gouvernement. Dix autres entreprises ont reçu en moyenne plus de 50 millions de dollars par année, ou environ 17 % des dépenses totales liées aux TI. Nous n'avons pas trouvé de données publiques sur la concentration géographique de ces entreprises. Nous ne savons pas, par exemple, combien d'entre elles se trouvent dans la région de la capitale nationale ou combien d'entre elles sont entièrement établies au Canada.
Nous avons également voulu connaître le nombre d'entrepreneurs et de consultants en TI qui travaillent dans des ministères fédéraux, la plupart du temps dotés d'ordinateurs portables, de comptes courriel et de cartes d'accès à l'immeuble. Aucun des ministères qui ont répondu à nos demandes d'accès à l'information n'a pu fournir de données sur le nombre de membres du personnel d'entrepreneurs en TI qui travaillent chez eux. Néanmoins, d'autres données publiques sur les dépenses liées aux TI nous permettent d'estimer que les ministères recourent aux services d'environ 7 700 membres du personnel d'entrepreneurs en TI. En comparaison, le gouvernement compte environ 18 000 employés TI internes. Encore une fois, ces données excluent le ministère de la Défense nationale. Dans l'ensemble, pour la fonction publique centrale, on observe un ratio d'environ un membre du personnel d'entrepreneurs en TI pour 2,3 employés TI à temps plein.
Selon les réponses que nous avons reçues à nos demandes d'accès à l'information au cours du dernier mois, l'indemnité journalière ou le taux de rémunération journalier pour les services professionnels d'entrepreneurs en TI dans les ministères fédéraux serait de 1 400 $ en moyenne. Les indemnités vont de 230 $ à 2 800 $ par jour. En comparaison, les employés du gouvernement de niveau TI‑2 gagnent en moyenne environ 400 $ par jour, salaire et avantages combinés, et les employés de niveau TI‑5, environ 650 $ par jour. Le niveau TI‑5 est le plus élevé du groupe TI dans la fonction publique. Le gouvernement ne compte que 500 ou 600 employés de ce niveau dans ce groupe.
La grande difficulté avec les données publiques est de mesurer avec exactitude la somme dépensée par le gouvernement en TI, ainsi que le ratio entre les membres du personnel d'entrepreneurs en TI externes et les employés TI du gouvernement. Les données sources ne se rapportent pas toutes au même projet de TI. Il n'y a pas de données publiques qui pourraient expliquer pourquoi un projet a mal tourné. En ne sachant pas si les projets de TI se sont bien matérialisés ou non, il est difficile de dire si les fonds qui y ont été affectés étaient justifiés. Certaines données sur des projets de TI du gouvernement de plus de 1 million de dollars ont été rendues publiques grâce à une question écrite soumise par un parlementaire. Il est possible de trouver des données datant de plus tôt cette année sur les grands projets de TI du gouvernement du Canada.
La professeure Clarke pourra en parler de façon plus détaillée, mais il existe une relation claire entre l'envergure des projets de TI et les risques d'échec. Autrement dit, plus les projets sont grands, plus le risque d'échec est élevé. Nos recherches mettent en parallèle, d'une part, la grande visibilité du projet ArriveCAN par rapport à d'autres projets de TI, et d'autre part, la faible proportion des dépenses qui y sont liées par rapport aux dépenses totales de TI du gouvernement.
Pour conclure, je me réjouis du niveau d'intérêt que suscitent les travaux du gouvernement dans le domaine des technologies. Il est vraiment important d'accroître la transparence quant à notre façon de travailler dans la fonction publique, aux processus d'approvisionnement et de mise au point des services numériques et aux progrès que nous faisons dans l'amélioration de ces services.
Merci beaucoup de votre temps.
[Français]
Merci de m'avoir écouté.
[Traduction]
Je vais répondre avec plaisir à vos questions.
:
Merci, monsieur le président, et merci au Comité de m'avoir invitée à comparaître.
Je m'appelle Amanda Clarke et je suis professeure agrégée à l'École d'administration publique et de politique gouvernementale de l'Université Carleton. Depuis environ 10 ans, j'étudie les réformes numériques mises en œuvre au sein des gouvernements au Canada et ailleurs dans le monde.
La première fois que j'ai lu sur l'application ArriveCAN, je dois admettre que je n'étais pas particulièrement scandalisée. Le coût de cette initiative représente un infime pourcentage des dépenses effectuées annuellement par le gouvernement pour les contrats liés aux TI, comme M. Boots vient de l'expliquer. Ce contrat n'est certainement pas le plus exorbitant de ceux que j'ai vus au fil des ans. Je n'étais pas scandalisée parce que l'histoire d'ArriveCAN ne sortait pas vraiment de l'ordinaire. J'y voyais tous les ingrédients du cas classique des technologies à la sauce gouvernementale: le recours à une agence de placement pour combler le manque de capacités internes, des recherches insuffisantes sur la manière dont l'application allait être utilisée par le personnel de première ligne ou le public et des communications bâclées sur la protection des données.
Le Comité a en main les notes de breffage que M. Boots et moi-même avons préparées à partir de notre analyse des données contractuelles fédérales. Dans ma déclaration, je veux faire ressortir ce qui est au centre de la problématique. Puisque c'est notre objectif à tous, nous devons nous demander comment mettre sur pied une fonction publique capable de gérer plus efficacement les projets technologiques comme ArriveCAN.
L'étape la plus importante est d'investir sérieusement dans les compétences numériques de la fonction publique fédérale. De façon délibérée ou par habitude inconsciente, nous faisons appel depuis toujours aux fournisseurs de TI et aux conseillers en gestion pour remplir les lacunes béantes de l'expertise numérique au gouvernement fédéral. Par ailleurs, peu de mesures sont prises pour embaucher et former des fonctionnaires qui aideraient le gouvernement à prendre des décisions sensées, responsables et stratégiques sur les technologies. Si nous avons laissé longtemps les muscles s'atrophier, ne nous surprenons pas si nous sommes paralysés aujourd'hui.
Ce problème entraîne deux types de conséquences. Tout d'abord, sans l'expertise interne suffisante en TI, il est impossible de faire des choix éclairés de services, de logiciels et d'équipements de TI. Comme nous l'avons vu dans notre analyse, ce manque d'expertise aide à comprendre la propension du gouvernement fédéral à enfreindre régulièrement les pratiques exemplaires dans le domaine de l'approvisionnement moderne en TI. Les contrats sont trop gros et trop longs. Le gouvernement ne privilégie pas la propriété intellectuelle publique ou de source ouverte. En se limitant à certains fournisseurs, il a très peu de portes de sortie si les produits ou services s'avèrent insatisfaisants.
La deuxième raison pour laquelle il faut bâtir une capacité interne solide est le rôle fondamental des technologies dans les processus actuels d'élaboration des politiques. Tout ce que font les gouvernements est façonné par les systèmes numériques et toutes les activités du gouvernement produisent des résultats numériques. Nous ne pouvons plus traiter les technologies comme une étape subséquente du vrai travail sur les politiques qui peut être externalisée.
Après des décennies de recours systématique à des consultants, les gouvernements aux premières loges de l'ère numérique, qui font preuve de lucidité à cet égard, se sont mis à recruter activement des technologues. Ils nomment de hauts dirigeants, comme Mme Luelo, qui ont une compréhension approfondie des technologies et de leur rôle dans le processus d'élaboration des politiques. Ces gouvernements savent qu'ils peuvent mettre sur pied d'excellents services qui améliorent concrètement la vie des gens. Ils saisissent également que l'État est à plusieurs égards beaucoup mieux placé que le secteur privé pour produire des services numériques publics fiables, dignes de confiance et inclusifs. Ce consensus rallie les gouvernements de gauche et de droite à l'échelle internationale. Nous sommes loin du débat partisan.
La question, alors, est de savoir comment le gouvernement fédéral pourra rattraper la tendance. Comme je l'ai dit, nous devons d'abord nous engager sincèrement à embaucher des talents dans les technologies. Nous devrons être honnêtes au sujet des échelles salariales et des modèles de progression de carrière. Il faudra également procéder aux évaluations des compétences linguistiques et assouplir les exigences relatives à la présence au bureau. Tout cela est faisable et Service numérique canadien en est la preuve vivante.
Ensuite, nous devons en faire plus pour développer les compétences des fonctionnaires au moyen de formations ciblées, particulièrement pour les hauts dirigeants. La vaste majorité des dirigeants dans la fonction publique ne se sont jamais astreints à comprendre les technologies et leur rôle dans le processus d'élaboration des politiques. De fait, certains dirigeants se dissocient des décisions liées aux technologies, puisqu'elles se soldent trop souvent par un fiasco. Cette impuissance opportuniste n'est plus acceptable.
J'aimerais soulever un dernier point en disant que l'embauche et la formation ne serviront pas à grand-chose si la culture administrative de la fonction publique fédérale ne change pas. Les dirigeants et les chercheurs dans ce milieu se plaignent depuis longtemps que le gouvernement fédéral est excessivement frileux. Il est en outre ralenti par des processus et des exigences de production de rapports inefficaces et par des règles opaques et illogiques. Cet environnement étouffe la créativité et l'autonomie des fonctionnaires. Il encourage l'apathie. Ce contexte rend pratiquement impossible la mise au point de produits numériques solides, même avec une équipe remplie de talents.
Je voudrais toutefois clarifier une chose: nous ne partons pas de zéro. Il y a des fonctionnaires immensément talentueux, comme M. Boots, qui s'en tirent très bien avec les technologies, mais dans un contexte où il est souvent difficile de faire les bonnes choses. Il est alors plus facile de renoncer à l'innovation et à la créativité. Il est plus facile de garder le statu quo. Un grand nombre de ces fonctionnaires s'épuisent. Ils sont prêts à quitter la fonction publique, si ce n'est pas déjà fait.
Il faut absolument régler les problèmes de gestion et les problèmes organisationnels qui sévissent depuis longtemps dans la fonction publique fédérale. Si ce n'est pas fait, les efforts pour renforcer la capacité numérique n'aboutiront pas.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, chers membres du comité permanent.
Je m'appelle Rob Stewart, et je suis sous-ministre du Commerce international. J'étais sous-ministre de la sécurité publique jusqu'au 16 octobre de cette année, et je crois que c'est à ce titre que vous m'avez demandé de comparaître aujourd'hui. Mes remarques porteront sur la période pendant laquelle j'assumais ces fonctions.
[Français]
Comme les membres du Comité le savent sûrement, le rôle de Sécurité publique Canada consiste à appuyer le et à assurer la coordination entre les organismes du portefeuille, à savoir le Service canadien du renseignement de sécurité, l'Agence des services frontaliers du Canada, la Gendarmerie royale du Canada, Service correctionnel Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Nous n'avons pas pour mandat de superviser ces organismes. Le rôle principal du ministère consiste plutôt à apporter une fonction de coordination au portefeuille de la Sécurité publique et aux cinq organismes qu'il regroupe.
[Traduction]
Aujourd'hui, je vais donner un aperçu de la chronologie du développement et de l'utilisation de l'application ArriveCAN pendant que j'étais sous-ministre de la Sécurité publique.
Comme vous l'avez entendu lors d'autres témoignages, l'application ArriveCAN a été mise au point et lancée aussi rapidement que possible après que l'Organisation mondiale de la santé a déclaré l'état de pandémie le 11 mars 2020. Comme l'ont mentionné l'Agence de la santé publique du Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, l'application a été développée pour limiter la propagation de la COVID‑19 et pour faciliter la circulation des voyageurs. Cet outil mis au point en mode urgent était opérationnel le 29 avril 2020.
[Français]
L'application s'est avérée nécessaire lorsqu'il est devenu évident que l'Agence de la santé publique du Canada ne pouvait gérer efficacement un processus manuel et sur papier pour transmettre les informations en matière de santé aux provinces et aux territoires. Ces informations étaient nécessaires pour mener rapidement des activités liées à la conformité et à l'application de la loi, notamment les mises en quarantaine.
[Traduction]
L'application ArriveCAN ne sert donc pas seulement à communiquer des informations. Il s'agit plutôt d'une application transactionnelle sécurisée et d'un outil Web fonctionnant selon la norme de la carte Santé SMART reconnue internationalement, qui permet de vérifier les preuves de vaccination.
L'ASFC n'avait pas les ressources nécessaires pour mettre au point et gérer une application comme ArriveCAN tout en continuant à assumer les tâches quotidiennes liées à la gestion de la frontière. C'est pour cette raison que l'organisme a fait appel au moyen de plusieurs contrats à des services professionnels dotés de l'expertise nécessaire pour développer et assurer la maintenance de l'application ArriveCAN.
[Français]
Au fur et à mesure de l'évolution de la situation pandémique, le gouvernement du Canada a adapté régulièrement les mesures frontalières en fonction des nouveaux décrets.
[Traduction]
Sur une période de deux ans et demi, je crois que plus de 80 décrets ont été pris au total pour maintenir l'efficacité de la réponse du Canada à la COVID‑19. Les ajustements subséquents ont entraîné plusieurs mises à jour de l'application. Si la plupart de ces ajustements étaient mineurs, d'autres, tels que la preuve de vaccination, le dépistage moléculaire et les plans de quarantaine, étaient considérables.
Les changements ont dû se trouver développés et testés avant le lancement pour vérifier que l'application était sûre et à jour, puisque cette dernière allait être sur plusieurs plateformes et fonctionner au moyen de plusieurs technologies et dans plusieurs langues. Par conséquent, le budget total d'ArriveCAN inclut le travail nécessaire au fonctionnement, à la maintenance et à la mise à niveau de l'application. Par exemple, 70 mises à jour et mises à niveau ont été effectuées au fil de l'évolution des mesures liées à la COVID.
[Français]
C'est dans ce contexte que ce travail s'est déroulé, au cours des deux dernières années et demie.
[Traduction]
Je vais répondre avec plaisir à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Au mois de mars 2020, le pays était aux prises avec des circonstances exceptionnelles. La semaine dernière, l'ASFC a dit au Comité que l'application avait été mise au point en un mois, ou une trentaine de jours. Selon ce que nous avons entendu, l'application en tant que telle, les systèmes et les systèmes dorsaux étaient passablement complexes, puisque l'outil devait faciliter l'échange de données entre plusieurs organismes fédéraux. Ajoutons que la protection des renseignements personnels était une priorité absolue. Enfin, les Canadiens devaient pouvoir accéder à l'application à partir de n'importe quelle plateforme. Selon l'ASFC, 30 millions de soumissions ont été reçues concernant cette application et 97 % de ces soumissions ont été traitées sans anicroche. L'ASFC nous a dit également que cette application avait été ajustée sans problème à 80 décrets entraînant 80 modifications.
J'ai une question pour Mme Luelo.
À votre connaissance, le Canada a-t-il déjà développé une application pour un système de cette complexité et de cette ampleur en 30 jours? Selon votre vaste expérience dans le secteur privé, diriez-vous que la mise au point de cette application serait considérée comme une réussite même dans le privé?
:
On me pose cette question assez souvent. Je voudrais insister sur certains points devant le Comité.
D'abord, le fait que le gouvernement du Canada a décidé de se concentrer sur sa mission a de très grandes répercussions sur les professionnels des technologies. Rien n'est plus important que le travail que nous accomplissons chaque jour. C'est ce qui motive les 18 000 employés des technologies à faire ce travail au service du pays.
Je pense que la difficulté qui persiste dans le secteur privé en ce moment est le manque abyssal de talents à l'échelle du pays au moment où tout le monde veut numériser. Les données de Statistique Canada démontrent que la demande en ingénieurs informatiques d'une année à l'autre est de 115 %. Or, ces ingénieurs n'existent pas, et ce n'est qu'une illustration de ce qui se passe. En un mot, la pénurie de talents au Canada est devenue un problème chronique.
Un des enjeux particuliers que j'ai observés au sein du gouvernement est la longueur du processus permettant d'attirer, d'embaucher et d'intégrer des personnes dans le système. Nous avons mis sur pied une équipe de talents et de leaders numériques au bureau de la dirigeante principale de l'information chargé de régler certains de ces pépins systémiques. Nous avons instauré une bonne collaboration avec nos collègues du Bureau de l'agent principal de gestion des risques, qui nous épaulent dans ce processus.
J'aimerais revenir sur ArriveCAN.
Vous avez dit qu'un de vos rôles principaux était d'élaborer des politiques qui contribuent à prévenir les événements de cybersécurité. Nous avons entendu, lors de témoignages devant le Comité, que le gouvernement du Canada compose régulièrement avec des milliards de cybermenaces.
Voici la question que je voudrais vous poser. Les projets de l'envergure d'ArriveCAN, mis au point aussi rapidement, font-ils augmenter les risques de cyberattaques ou d'événements de cybersécurité? Est-ce pour cette raison que nous devions porter une attention particulière à l'aspect cybersécuritaire du projet?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mes premières questions s'adresseront à Mme Clarke.
Madame Clarke, nous avons bien reçu votre guide sur la réforme de l'approvisionnement en technologies de l'information au gouvernement du Canada, qui contient des recommandations, ma foi, très logiques et très pertinentes, notamment en ce qui concerne la taille des contrats. En effet, plus les contrats sont petits, moins ils présentent de risques, parce qu'on est capable d'en faire un meilleur suivi. Vous parlez aussi du recrutement d'employés spécialisés. Vous dites qu'il faut faire en sorte que les gestionnaires aient des connaissances en technologies de l'information. Je pense que c'est la base lorsqu'on travaille dans ce domaine. On peut être gestionnaire et être polyvalent, mais le domaine des technologies de l'information exige quand même d'avoir des connaissances assez pointues.
Il y a cependant une recommandation sur laquelle nos opinions divergent. D'ailleurs, vous dites vous-même, dans votre mémoire, que cette recommandation risque de provoquer des désaccords. C'est effectivement le cas. Il s'agit de la recommandation qui propose de supprimer les exigences de bilinguisme pour les employés en technologies de l'information afin d'élargir le bassin de talents disponibles.
Premièrement, les talents n'ont rien à voir avec la langue parlée à la naissance. De plus, les francophones sont, en proportion, les personnes qui sont les plus bilingues et qui s'expriment le plus aisément dans les deux langues officielles au Canada, particulièrement au Québec. En outre, parmi les gestionnaires supposément bilingues, certains le sont parfaitement, alors que d'autres peinent à répondre aux questions en français.
Compte tenu de tout cela, quelles conséquences croyez-vous que l'adoption de cette recommandation aurait sur le droit des francophones d'avoir accès à des emplois en technologies de l'information au sein du gouvernement et sur leur droit de travailler dans leur propre langue maternelle?
Que faites-vous de l'accès à l'information et aux données du gouvernement par les francophones?
Au fond, c'est comme si votre recommandation disait que nous étions des citoyens de deuxième classe. C'est une recommandation douloureuse. C'est comme si nous n'avions aucune importance.
À l'inverse, seriez-vous à l'aise si un francophone unilingue possédant une grande expertise en technologies de l'information imposait sa langue à l'ensemble?
Ce sont des questions qui se soulèvent à la lecture de cette recommandation. Parfois, lorsqu'on fait partie de la majorité, on n'est pas conscient des conséquences d'une telle recommandation sur la minorité, notamment la minorité linguistique en Amérique du Nord. Étiez-vous consciente de toutes les répercussions et de tous les effets que cela pourrait avoir sur les employés?
:
Merci pour la question.
Nous reconnaissons dans notre mémoire qu'il s'agit certes d'une suggestion pouvant prêter à controverse. Cette recommandation fait suite aux entretiens que nous avons eus avec des fonctionnaires pour essayer de mieux comprendre les difficultés auxquelles se heurte le gouvernement lorsque vient le temps de recruter les talents technologiques qui sont une denrée vraiment recherchée. Je crois que l'on est tout à fait justifié de faire valoir la légitimité des valeurs associées au bilinguisme, des objectifs d'inclusivité mis de l'avant et de la volonté d'assurer une représentation des Canadiens francophones au sein de la fonction publique fédérale, l'un de nos objectifs stratégiques. Si tout cela fait en sorte qu'il devient plus difficile de recruter des talents dans le secteur des technologies de l'information, nous devons simplement accepter cet état de fait, car nous ne pouvons pas renoncer à des valeurs aussi fondamentales. Je pense donc que c'est tout à fait raisonnable. Cette recommandation s'explique du fait qu'il faut objectivement reconnaître que la multiplication des exigences d'embauche a pour effet de rétrécir le bassin de candidats.
J'ajouterais également à titre d'exemple que l'exigence actuelle de travailler en présentiel au bureau est un autre obstacle important à surmonter pour le recrutement d'employés dans le secteur technologique. En reconnaissance du fait que le gouvernement ne pourra jamais faire concurrence, toutes proportions gardées, au secteur privé dans le recrutement de ces talents, nous nous devons d'offrir d'autres incitatifs et c'est exactement ce que nous nous employons à faire.
Est-ce que vous sous-entendez qu'il n'y a pas assez de personnes bilingues au Canada pour pourvoir des postes et que, de ce fait, les francophones devraient abandonner leurs propres droits pour que des unilingues anglophones puissent travailler? Il faut savoir que, dans un territoire comme le Québec, qui est majoritairement francophone, le bilinguisme est obligatoire dans une proportion de plus de 70 %, alors que, dans les régions francophones ailleurs au Canada, ce n'est pas une obligation.
Êtes-vous en train de suggérer qu'on doit abandonner les droits des francophones pour faire en sorte que l'anglais soit la seule langue de travail dans le domaine des technologies de l'information au Canada?
J'aurais maintenant quelques questions pour Mme Clarke, mais je vais d'abord situer les choses dans leur contexte.
Nous savons tous que les services de GC Strategies ont été retenus pour une grande partie du travail à effectuer relativement à l'application ArriveCan. Dans leur témoignage, les représentants de l'entreprise nous ont indiqué ne pas être des experts en technologie ni des concepteurs de logiciels. Ils mettent plutôt sur pied des équipes capables d'offrir une telle expertise. Ils nous ont dit, et les gens du gouvernement l'ont confirmé, qu'il leur était impossible de révéler l'identité des sous-traitants en raison des dispositions de confidentialité incluses dans les règles fédérales en matière d'approvisionnement. Je trouve ahurissant que l'on puisse ainsi allouer des contrats gouvernementaux à des entreprises qui font ensuite appel à des sous-traitants, et qu'il n'y ait aucun moyen pour nous de savoir qui sont ces sous-traitants, quel travail ils ont effectué et combien ils ont été payés.
Vous avez recommandé une plus grande transparence dans l'attribution des marchés fédéraux en précisant que les ministères devraient divulguer chaque année les coûts des services professionnels et autres associés aux différents projets en technologie de l'information, et ce, avec une ventilation par fournisseur.
Que pensez d'une telle situation où l'on retient les services d'un fournisseur qui n'effectue pas lui-même le travail, mais a plutôt recours à des sous-traitants? Il nous est alors impossible d'obtenir quelque renseignement que ce soit dans nos efforts pour veiller à ce que les Canadiens en aient vraiment pour leur argent.
:
Je ne sais pas dans quelle mesure cette pratique est répandue, mais l'idée de s'en remettre à une agence de dotation capable de mettre rapidement sur pied une équipe de travail ne sort pas vraiment de l'ordinaire.
Quant à la question qui consiste à savoir comment les gouvernements peuvent collaborer de façon responsable avec des fournisseurs privés en technologie de l'information, mes recherches et mes entretiens avec des fonctionnaires, aussi bien au Canada qu'à l'étranger, m'ont permis de constater que l'acquisition d'une expertise de base à l'interne place le gouvernement dans une position privilégiée pour agir de façon judicieuse en formant lui-même ces équipes grâce à une connaissance de l'expertise des différentes firmes et de leur capacité à accomplir le travail requis, et en sachant comment vérifier la qualité de ce travail et comment demander des comptes aux fournisseurs. Vous pouvez alors acquérir directement cette capacité de recrutement — pour reprendre un terme souvent utilisé par les fonctionnaires — en sachant que, surtout dans une situation d'urgence où il faut agir rapidement comme c'était le cas en l'espèce, vous n'aurez d'autre choix que d'avoir recours à des fournisseurs privés.
Je ne me souviens pas d'avoir entendu quelqu'un soutenir que la collaboration avec un intermédiaire comme une agence de dotation pouvait être la façon de faire à privilégier. C'est en gros ce que je pourrais vous dire à ce sujet.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins de leur présence parmi nous et de l'expertise dont ils nous font bénéficier.
En regardant le groupe qui comparaît devant nous aujourd'hui, je vois des représentants du gouvernement qui sont des experts des politiques numériques ainsi que de la sécurité. Je vois aussi des chercheurs et des universitaires qui se sont intéressés de très près non seulement à nos politiques, mais aussi à la manière dont nous pourrions les améliorer.
Je note aussi que les représentants de l'ASFC ont parlé des délais de traitement et de l'ampleur du travail accompli.
Lors de notre dernière séance, nous avons d'abord et avant tout été en mesure d'établir clairement que nous n'avions d'aucune manière dépensé 54 millions de dollars pour le développement de cette application. Les dépenses encourues jusqu'à maintenant s'élèvent à environ 40 millions de dollars. Le coût total pour le développement de l'application est de quelque 8,8 millions de dollars.
Voici la question que je veux maintenant poser à nos témoins qui nous donnent accès à trois différentes formes d'expertise. Supposons que je suis un entrepreneur externe qui vous offre une application qu'il a développée pendant une fin de semaine au coût, par exemple, de 250 000 $, en quoi cela pourrait‑il vous inquiéter? À la lumière de vos connaissances approfondies de ce domaine et de tous les échanges que vous avez pu avoir lors de cette période, estimez-vous envisageable que l'on puisse développer une application semblable à un tel coût?
Je vais d'abord demander à Mme Luelo de bien vouloir me répondre à ce sujet.
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Il est courant de tenir des marathons de programmation réunissant pendant une fin de semaine des entreprises et des programmeurs individuels pour la conception d'une application destinée aux services de première ligne. C'est une méthode qui est fréquemment utilisée et que nous devrions continuer de mettre à profit afin de pouvoir sans cesse tirer des enseignements de certaines des pratiques mises de l'avant par ces entreprises en démarrage. C'est une façon de faire à laquelle je souscris.
Il y a des aspects qui me préoccupent, pour avoir moi-même dirigé des exploitations commerciales à grande échelle, et je ne parle pas ici seulement de planification stratégique. On peut ainsi notamment s'inquiéter des considérations liées à la protection de la vie privée, à l'accessibilité, au multilinguisme et aux connexions à établir avec le réseau de systèmes de soutien déjà en place. Il y a toute une série de tests qui doivent être effectués, car on ne peut pas se contenter d'affirmer que tout fonctionne bien; il faut aussi pouvoir le prouver.
Il ne suffit pas de connecter un nouveau système de première ligne au réseau très complexe de systèmes de soutien en place au sein du gouvernement du Canada. Il faut prendre le temps de se prêter à tous les tests nécessaires pour démontrer que l'on satisfait à tous ces critères en matière d'accessibilité, de langue, de sécurité et de protection de la vie privée.
Ce sont les éléments que je jugerais particulièrement préoccupants.
À l'heure actuelle, le Canada manque foncièrement de talent. Il n'y a pas assez de gens pour assumer les rôles. Je ne souscris pas à l'idée que, en retirant ce critère, nous aurions pu obtenir un résultat différent dans le dossier ArriveCAN.
La façon dont nous abordons en partie la question... Je discute avec la communauté des dirigeants principaux de l'information. Au sein du gouvernement, je suis la cheffe fonctionnelle de cette communauté. C'est un sujet sur lequel nous échangeons souvent. Notre vision est celle d'un monde où nous embauchons des personnes qui, peut-être, sont unilingues francophones ou anglophones et nous leur fournissons un espace où ils peuvent recevoir une formation dans les deux langues officielles.
Je suis d'accord avec votre théorie que c'est cela qui permettra d'obtenir la meilleure technologie pour les Canadiens. Je crois fermement que la main-d'œuvre qui élabore la structure numérique du Canada doit être à son image, ce qui comprend les deux langues officielles.
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Oui. Nous avons accueilli favorablement le rapport de la vérificatrice générale.
À titre d'organisation, nous entamons à peine notre migration vers l'infonuagique. Les conclusions dans le rapport de la vérificatrice générale sont conformes à mon expérience, puisque j'ai procédé à cela dans d'autres grandes organisations canadiennes, où, au départ, vous avez un solide ensemble de mesures de contrôle, sauf que l'organisation doit s'adapter pour veiller à ce que ces mesures de contrôle soient appliquées de façon uniforme.
Nous avons déjà pris des mesures afin de collaborer avec différents ministères pour veiller à ce qu'ils comprennent bien leurs rôles et responsabilités. Vous remarquerez que nous avons publié une mise à jour du plan de gestion des événements de cybersécurité du gouvernement du Canada. Nous y travaillions déjà depuis neuf mois environ. Cette mise à jour a été mise en ligne la semaine dernière, donc c'est un travail en constante évolution pour nous, et il le demeurera.
Nous miserons en grande partie sur la surveillance pour nous assurer d'avoir les bonnes mesures de contrôle en place et veiller à ce qu'elles soient appliquées en toute circonstance.
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Oui. Merci. C'est une bonne question.
Par l'introduction de beaucoup de pratiques de conception moderne, le Royaume-Uni a pris une sérieuse longueur d'avance sur le gouvernement du Canada. Ces pratiques attirent du talent en matière de technologie en plus d'instaurer de forts incitatifs au sein des ministères de sorte qu'ils se procurent et gèrent la technologie de façon intelligente.
Très tôt, le gouvernement britannique a entre autres mis en place des mesures de contrôle des dépenses afin de réduire la taille des contrats. Dans le mémoire, nous expliquons pourquoi c'est important: quand les contrats sont petits, il est plus facile de délaisser des fournisseurs dont la performance est insatisfaisante. Cela force également les fournisseurs à produire quelque chose rapidement afin que vous puissiez le mettre à l'essai auprès des utilisateurs pour voir si cette option est logique et si elle fonctionne.
Le gouvernement britannique a économisé des sommes incroyables, et c'est pour cette raison qu'il s'est hissé au premier rang de tous les classements mondiaux des gouvernements numériques. Sa façon de faire en matière de renforcement de la capacité numérique est en grande partie reproduite partout dans le monde, y compris au Canada. Le Service numérique canadien est fondé sur ce modèle.
Nous pouvons nous tourner vers le Royaume-Uni pour des exemples...
Madame Clarke, je tiens à dire que j'apprécie énormément vos travaux et vos articles. En tant que nouvelle ministre du cabinet fantôme responsable du Conseil du Trésor, je m'intéresse beaucoup à l'optimisation des ressources. Je partage certes votre dilemme par rapport à la situation, c'est‑à‑dire, d'une part, la pénurie de talent au sein de la fonction publique et donc le recours à des sociétés d'experts-conseils qui demandent probablement le prix fort afin de pallier ce manque inhérent de renseignements et de capacité, tout en reconnaissant, d'autre part, le temps et les investissements nécessaires pour effectuer la transition, comme l'a souligné Mme Luelo, vu la pénurie de talent accessible au Canada actuellement.
Vous avez fait référence au Royaume-Uni, que mon collègue, M. Johns, a brièvement mentionné. Pourriez-vous nous fournir un peu plus de détails sur son système pour cette transition des sociétés d'experts-conseils à une capacité inhérente, voire infinie, et à quoi cela pourrait ressembler en fonction de son modèle?
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Leur modèle est né d'un échec monumental de la surveillance parlementaire, alors vous êtes sur une bonne lancée ici. En gros, ils ont un excellent rapport qui date, je pense, de 2011, intitulé « Government and IT—'a recipe for rip-offs' », autrement dit « Le gouvernement et la TI, la recette parfaite pour l'escroquerie ». Ils ont procédé à une enquête sur l'attribution scandaleuse de contrats à un petit nombre de très grosses entreprises des TI, qui ont mené à de grands échecs, dont l'échec monumental de leurs tentatives pour créer un système de prestations universelles. Vous auriez tout intérêt à le lire.
Après cet échec... À l'époque, le gouvernement de coalition, dirigé par David Cameron, voulait améliorer les services publics. On a procédé à de très gros investissements, et les ministères ont déployé beaucoup d'efforts pour recruter des talents en technologie et pour évaluer les règles qui font qu'il est difficile de faire un bon travail dans ce domaine au gouvernement.
La recette est assez claire. J'espère que nous n'aurons pas besoin d'un échec monumental pour y arriver, mais je crains de plus en plus que ce soit le cas.
Les États-Unis ont connu une situation semblable. Ils ont procédé à beaucoup de réformes technologiques après l'échec, le premier jour, de l'initiative des soins de santé d'Obama parce que le site Web ne fonctionnait pas. C'est ce qui a mené à la création du programme Presidential Innovation Fellows et à l'U.S. Digital Service. Actuellement, sous l'administration Biden, on procède à des investissements considérables pour réduire le fardeau administratif et améliorer les services.
Il n'y a pas autant d'activités ici au Canada. Nous en sommes plutôt aux stratégies, à la vision et à l'embauche de quelques talents en technologie, mais je pense que nous avons besoin de règles précises. Nous avons aussi besoin de simplifier les règles existantes, afin que les fonctionnaires qui s'efforcent de faire un bon travail aient les moyens de le faire.
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Je pense que nous progressons dans la réalisation du mandat, comme le montre la création en cours de l'équipe des talents numériques. Nous déployons des efforts considérables pour recruter à l'extérieur du gouvernement.
Ce qu'on observe habituellement, c'est une migration des talents au sein même du gouvernement, mais pas l'arrivée de nouveaux talents. Notre équipe a mis en place un processus de recrutement et d'information au cours des six derniers mois. Nous avons diverses offres d'emploi. En fait, nous avons reçu de très bonnes candidatures externes, mais nous devons accroître le nombre en partant d'où nous sommes.
J'ajouterais un point. Nous devons cesser de nous disperser. Si nous avions moins de travail, nous pourrions nous occuper des talents que nous avons et... Le mot « talent » n'est sans doute pas le bon mot. Nous avons des dirigeants incroyablement talentueux au sein du gouvernement, de même que des programmeurs, des développeurs, des ingénieurs en logiciel et des experts en réseaux, mais ils ne sont pas en nombre suffisant pour accomplir le vaste programme que les gouvernements ont mis de l'avant au fil des ans.
Le fait est que nous devons nous concentrer sur notre environnement technique. Nous devons établir les priorités sur lesquelles se concentrera le nombre limité de talents en technologie que nous avons.
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Madame Kusie a‑t‑elle pris quatre de mes cinq minutes?
Je vous remercie, monsieur le président.
En passant, je vais commencer par vous dire, madame Clarke, que j'ai beaucoup aimé le document que vous avez envoyé. Je l'ai envoyé à la après l'avoir lu. Je trouve qu'il est très bien fait.
Monsieur Stewart, je veux revenir à l'exception au titre de la sécurité nationale dont vient de parler Mme Kusie, et qui, je pense, vous a été accordée. Il s'agit du contrat visant à s'assurer que les exigences en matière d'accessibilité étaient satisfaites, comme Mme Luelo vient de le mentionner.
Je crois savoir qu'en mars 2020, on a invoqué l'exception au titre de la sécurité nationale pour exempter tous les éléments des achats de biens et services requis pour faire face à la pandémie de la COVID‑19, ce qui a soustrait ces achats des dispositions de tous les accords commerciaux applicables du Canada.
Est‑ce ce que vous avez compris? Aviez-vous compris que cette exception s'appliquait à tous les biens et services, et pas seulement à l'application ArriveCAN, dans ce contrat précis?
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Je vous remercie beaucoup. Encore une fois, cela vient réfuter les allégations que ces contrats ont profité à des proches du Parti libéral.
On a souvent mentionné le montant de 250 000 $ lors de la période des questions et, en fait, lors de la dernière réunion du Comité —, en disant que cette application aurait pu être créée pour ce montant, ce que même les participants au marathon de programmation n'ont pas affirmé.
Madame Luelo, je vais commencer par vous, avant de passer à Mme Clarke.
Madame Luelo, vous ne travailliez pas au gouvernement à ce moment. Vous êtes venue de l'extérieur, alors vous n'avez pas participé à la conception d'ArriveCAN. Croyez-vous — et j'ai posé la question au dirigeant principal de l'information à Sécurité publique la dernière fois — qu'ArriveCAN, soit sa conception initiale et les 70 ou plus de mises à jour requises sur une période de deux ans pour s'assurer que l'application répondait toujours aux changements de dynamique, et à tous les autres éléments, comme l'accessibilité, la sécurité, la formation, le soutien, que tout cela aurait pu être fait pour 250 000 $, dans toutes les circonstances?
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Je vous remercie, monsieur Housefather.
Je remercie nos témoins de leur participation. Vous pouvez quitter.
Nous avons maintenant terminé la partie publique de la réunion. Nous allons passer à la partie à huis clos.
Lorsque nous suspendrons la séance, le personnel technique mettra fin à cette séance sur Zoom. Monsieur Johns, monsieur Bains et monsieur Chambers, vous allez devoir vous reconnecter avec la deuxième partie du code Zoom.
Sur ce, la séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]