Bonjour à tous. Bienvenue à la 159e réunion du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes, aussi appelé, bien sûr, le puissant Comité OGGO.
Avant de commencer, je vous rappelle à tous qu'il faut toujours garder vos écouteurs loin des microphones. De plus, ne touchez pas à votre micro lorsque le voyant rouge est allumé.
Chers collègues, j'aurai besoin d'environ trois minutes de votre temps à la fin. Nous allons poursuivre à huis clos. Je veux discuter rapidement d'un point avec tout le monde pour obtenir des commentaires à mesure que nous avançons.
Nous souhaitons la bienvenue à M. Hartle.
Vous avez cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Vous avez la parole, monsieur Hartle.
Nous allons poursuivre pendant une heure avant de suspendre la séance pour ensuite faire entrer l'ombudsman de l'approvisionnement.
Monsieur Hartle, soyez le bienvenu. Vous avez la parole, monsieur.
La stratégie d'approvisionnement pour les entreprises autochtones n'a pas de loi habilitante. Il ne s'agit pas d'un programme, mais plutôt d'une stratégie voulant que les marchés publics pour des biens et services destinés aux populations autochtones soient attribués à des entreprises autochtones.
La politique du gouvernement exigeait que tout marché d'une valeur de 2 millions de dollars ou plus qui était réservé à une entreprise autochtone fasse l'objet d'une vérification préalable. Les contrats d'une valeur inférieure pouvaient faire l'objet d'une vérification aléatoire, à la discrétion du ministère.
Les gros contrats — de 2 millions de dollars ou plus — contiennent une clause qui permet au gouvernement d'effectuer une vérification postérieure à l'adjudication. Cet audit vise principalement à s'assurer que l'entreprise respecte le critère du contenu autochtone, qui stipule que l'entreprise ou les sous-traitants autochtones doivent effectuer au moins 33 % des travaux requis pour remplir le contrat.
Je comparais aujourd'hui devant le Comité pour répondre à des questions sur un dossier particulièrement flagrant, « Pedabun 35 Nursing Inc., Canada Health Care Agency Ltd, en coentreprise », ci‑après appelée « la coentreprise ».
La coentreprise a obtenu un contrat de 160 millions de dollars sur huit ans pour fournir des services directs en soins infirmiers à des communautés autochtones éloignées. Ma vérification a permis de déterminer que la coentreprise servait de société-écran à la Canada Health Care Agency, la CHCA, qui est non autochtone. Cette entreprise a profité de la naïveté de la propriétaire de Pedabun 35 Nursing pour décrocher et exécuter un important contrat réservé aux Autochtones. Dans le cadre de mon audit, j'ai conclu que la coentreprise n'existait pour aucune autre fonction que celle de permettre à la CHCA de remporter le contrat obligatoirement réservé aux Autochtones dans le cadre de la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones, ou SAEA.
Je vais également répondre à vos questions sur les coentreprises contractuelles et expliquer pourquoi elles posent problème.
Enfin, j'aimerais discuter avec le Comité des vérifications obligatoires.
Lorsque la politique a été adoptée, les vérifications obligatoires devaient être effectuées par Conseils et vérification Canada. Cette branche du gouvernement a fourni les vérificateurs indépendants tiers requis. Lorsqu'il a été démantelé, les services ont été sous-traités. En novembre 2016, Altis Professional Services a conclu un contrat pour fournir au ministère des vérificateurs indépendants tiers pour garantir la conformité à la SAEA. J'ai sous-traité mes services à Altis.
Le contrat d'Altis a pris fin en 2021. Services aux Autochtones Canada a décidé que le nouveau contrat devait être réservé, au besoin, pour servir la communauté autochtone.
Roundpoint Consulting est une entreprise d'Akwesasne inscrite au Répertoire des entreprises autochtones. M. Roundpoint m'a demandé de me joindre à lui pour présenter une proposition de service de vérification en réponse à l'appel d'offres no 1000226949. Son entreprise a obtenu un contrat réservé sur deux ans. Le contrat comportait une clause de renouvellement typique stipulant que le gouvernement pouvait, à sa discrétion, proroger le contrat existant à trois reprises, soit d'un an chaque fois.
En juillet 2023, Services aux Autochtones a décidé de ne pas tenir compte des exigences de vérification obligatoires et a mis fin au contrat de consultation de Roundpoint. L'entreprise s'est vu refuser les frais de recouvrement engagés pour fournir les services requis. C'était arbitraire et contraire à la politique du gouvernement, mais Roundpoint n'avait malheureusement pas les moyens d'intenter des poursuites judiciaires. À mon avis, Roundpoint Consulting aurait eu gain de cause si elle avait demandé une révision judiciaire.
Je demande au Comité de se pencher sur deux questions cruciales, la première étant que l'absence de vérifications externes signifiera un manque de surveillance pour détecter et prévenir la corruption publique et la seconde, le simulacre de résiliation d'un contrat réservé à une entreprise d'Akwesasne.
Roundpoint Consulting est une petite entreprise dynamique reconnue par sa communauté comme un modèle à l'ère de l'autonomie gouvernementale des Premières Nations. M. Roundpoint a une famille en pleine croissance. Il est un membre actif très apprécié des Mohawks d'Akwesasne. Il avait l'intention d'embaucher et de former des vérificateurs autochtones pendant que j'étais disponible pour encadrer ces jeunes.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Hartle, d'avoir comparu aujourd'hui.
J'aimerais vous poser quelques questions.
En date de novembre 2024, 2 945 entreprises figuraient dans le répertoire des entreprises autochtones. De ces quelque 3 000 entreprises, 111 sont des entreprises autochtones ou des coentreprises, ce qui représente environ 3 % du total. En 2022, lorsque Services aux Autochtones a examiné le répertoire, 1 100 entreprises ont été rayées de la liste, soit environ 25 % du total.
Pouvez-vous nous parler de la mesure en question? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
J'aimerais commencer par souligner que les terres sur lesquelles nous sommes réunis sont le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
[Français]
Monsieur le président, membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à discuter aujourd'hui d'un aspect central à l'intégrité de la surveillance des marchés publics, c'est-à-dire le sous-financement de mon bureau.
[Traduction]
Comme vous le savez, le Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement, ou BOA, a pour mandat de garantir l'équité, l'ouverture et la transparence en matière d'approvisionnement fédéral. Cependant, sans les ressources nécessaires, il est devenu presque impossible de remplir efficacement cette mission, ce qui a fini par miner la confiance du contribuable canadien dans l'approvisionnement fédéral.
Depuis la création du bureau en 2008, notre budget de 4,1 millions de dollars est demeuré essentiellement inchangé. Il n'a pas été ajusté pour tenir compte de l'augmentation des coûts, ni du volume et de la complexité croissants du travail que nous effectuons.
[Français]
Malgré l'engagement, dans le dernier budget, à respecter et à appliquer les normes les plus rigoureuses en matière d'approvisionnement fédéral et à assurer une gestion saine des fonds publics, nous n'avons vu aucune augmentation de notre budget. En fait, notre budget a été réduit d'environ 350 000 $ au cours des années, en raison d'importantes réductions budgétaires à l'échelle du gouvernement.
[Traduction]
Bien que je comprenne la nécessité pour le gouvernement de trouver des rentabilités dans de nombreux ministères, il est maintenant crucial d'investir dans un bureau qui supervise un système d'approvisionnement de 37 milliards de dollars.
Sous-financer notre bureau équivaut à ne pas effectuer l'entretien de base d'un véhicule, ce qui entraîne une panne. Mon bureau a été construit pour faire les mises au point nécessaires au fonctionnement du véhicule, mais malheureusement, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour remplir cette fonction essentielle. Avec l'augmentation demandée de notre budget, nous n'effectuerions pas seulement l'entretien courant nécessaire pour garder le véhicule sur la route, mais nous aurions aussi les connaissances et la capacité nécessaires pour appuyer le choix du nouveau véhicule. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport annuel, le moment est venu. Il est temps de remplacer le véhicule. Il est temps d'agir.
Au fil des dernières années, notre bureau a été témoin d’une augmentation dans l’ensemble des cas, de plaintes concernant l’attribution ou l'administration d’un contrat, de demandes de services de médiation et d’examens ponctuels des pratiques d’approvisionnement comme dans les cas de l’organisme UNIS, d'ArriveCAN, de McKinsey, des publicités-appâts et tout récemment, l'éventuel examen de l’approvisionnement auprès des entreprises autochtones.
Ce sont tous des domaines capitaux de l’approvisionnement qui demandent une analyse et nous ne sommes simplement pas adéquatement financés pour faire ce travail.
[Français]
De plus, le BOA a assumé la charge de travail du Programme de gestion des conflits d'ordre commercial de Services publics et Approvisionnement Canada, qui fournissait aussi un mécanisme de recours pour régler les différends contractuels.
[Traduction]
Je veux partager avec vous les répercussions que cette insuffisance budgétaire a engendrées sur la capacité de mon bureau à exécuter de façon efficace son mandat législatif. Si personne n'aborde le sujet, elle continuera à avoir des conséquences sur les contribuables, les fournisseurs et la communauté de l'approvisionnement fédéral du Canada.
Afin de mener les examens ponctuels dont je viens de parler, nous avons dû obtenir un financement forfaitaire de SPAC, ce qui a réglé certains problèmes, mais qui en a également créé de nouveaux. Le financement forfaitaire nous a empêchés d'embaucher des ressources permanentes et a plutôt créé une solution expéditive où nous étions obligés d'embaucher des employés temporaires qui n'avaient pas l'expérience ni les compétences pour mener ces examens. Avec ce financement forfaitaire, nous avons refusé d'embaucher des experts-conseils afin de réaliser ces examens pour plusieurs raisons figurant dans les examens d'ArriveCAN et de McKinsey, ainsi que pour éviter les conflits d'intérêts. Nous avons besoin de financement permanent qui nous permettra d'embaucher des ressources permanentes possédant les compétences et l'expérience pour mener ces examens d'approvisionnement importants et complexes.
L'insuffisance budgétaire entraîne d'autres répercussions importantes, y compris des retards de lancement de nos examens de suivi des pratiques d'approvisionnement, qui sont primordiaux pour évaluer si les ministères ont mis en œuvre nos recommandations. Il est inutile de mener des examens systémiques et de formuler des recommandations d'amélioration si nous ne faisons pas de suivi pour être certains que des mesures visant à corriger les lacunes ont été prises. Les résultats des rapports de suivi sont rendus publics et tiennent les ministères et les organismes responsables de régler les problèmes cernés dans notre premier examen.
Parmi les autres répercussions graves de notre manque de financement, mentionnons des retards de lancement de nos études de recherche d'approfondissement et de partage des connaissances, qui offrent des directives aux responsables des achats et aux fournisseurs. Ces études sont essentielles à l'établissement des « motifs raisonnables » exigés par la loi pour lancer nos examens d'approvisionnement systémiques.
Ce manque à gagner a également pour résultat une capacité limitée de réaliser nos activités de rayonnement à travers le Canada, afin d'assurer que les entreprises canadiennes pour lesquelles nous avons été créées sont au courant de notre existence et qu'elles sachent que nous pouvons les aider, en particulier les petites et moyennes entreprises.
Ce manque de financement nous donne également une capacité limitée de lancer des examens des pratiques d'approvisionnement dans des domaines importants comme l'administration des contrats de construction, l'approvisionnement en matière de défense, l'approvisionnement auprès des entreprises autochtones et d'autres qui pourraient engendrer des conséquences importantes sur l'approvisionnement.
Nous sommes en mesure de réaliser des examens et de formuler des recommandations visant à améliorer l'approvisionnement fédéral avant l'apparition d'enjeux coûteux. Je vais m'arrêter ici, mais la liste est longue.
Notre bureau a récemment présenté sa demande budgétaire pour la troisième fois, puisque les deux premières demandes ont été refusées. Nous avons toujours travaillé de façon prudente sur le plan financier et avons demandé du financement lorsque nous savions que nous n'avions plus les ressources nécessaires pour offrir nos services. Nous avons adopté l'approche professionnelle d'être proactif avant que la situation devienne critique, mais malheureusement, nous avons atteint ce point critique où des décisions difficiles doivent être prises et où des services essentiels seront réduits.
Dans la demande budgétaire la plus récente...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Jeglic, d'être parmi nous aujourd'hui. Je sais que vous avez comparu devant le Comité à de nombreuses reprises au cours des dernières années. Nous vous sommes reconnaissants de votre disponibilité.
Nous savons que vous avez déjà soulevé ce problème. En fait, cela me rappelle une lettre que je vous ai écrite dans laquelle je vous demandais d'examiner de plus près la passation des marchés avec GC Strategies.
À ce moment‑là, vous aviez annoncé que votre bureau allait lancer un examen de la pratique d'appât et de substitution dans l'ensemble du gouvernement. Dans cette lettre, vous aviez souligné également ce que vous avez mentionné aujourd'hui, soit le manque de ressources. En fait, vous aviez dit alors — et vous avez peut-être répété cela en partie ici aujourd'hui — que votre bureau fonctionnait dans les limites du budget qui lui était alloué et qui est demeuré le même depuis plus de 15 ans, et que bien que vous ayez continué à remplir votre mandat, les contraintes budgétaires ont rendu la tâche difficile. Vous avez dit également que le manque de financement durable a entraîné des pénuries de personnel qui limitent votre capacité de mener des examens systémiques ponctuels concernant les risques liés à l'équité qui sont portés à l'attention de votre bureau.
Je vais m'arrêter ici.
Compte tenu de cette situation, serez-vous en mesure de terminer votre examen sur la pratique d'appât et de substitution avec votre niveau de financement actuel?
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Je vais brièvement passer en revue les statistiques, mais seulement pour ce qui est des cas liés à l'approvisionnement que nous avons vus. Je vais utiliser des statistiques qui vont de 2017‑2018 — c'est‑à‑dire lorsque j'ai commencé à occuper ce poste — jusqu'à maintenant.
Nous sommes passés de 264 cas à 582. C'est une augmentation de 120 %. Les plaintes écrites sont passées de 26 à 62, ce qui représente une hausse de 138 %. Nous avons reçu 102 plaintes écrites jusqu'à présent cette année.
En ce qui concerne les examens des pratiques d'approvisionnement, comme celui de McKinsey, nous en avons mené 41 depuis la création de notre bureau en 2008, mais nous en avons effectué 20 au cours des cinq dernières années. Il s'agit donc d'une augmentation importante. En ce qui concerne les suivis des examens des pratiques d'approvisionnement, qui ont malheureusement subi les contrecoups de cette réduction de financement, notre souhait est de les mener dans les deux ans suivant la fin de l'examen initial. Nous n'avons pas été en mesure de respecter ce délai, alors la reddition de comptes fait défaut.
Pour ce qui est de l'examen des plaintes, nous sommes passés de 4 à 38 cette année. Ce chiffre représente certainement une anomalie. Il se situe certainement beaucoup plus haut que normalement, mais je répète que nous sommes passés de quatre en 2017‑2018 à 38 cette année.
Pour ce qui est des demandes de règlement extrajudiciaire des différends, nous sommes passés de 9 à 11. Il y a une augmentation dans tous les secteurs.
Pour répondre à votre deuxième question, qui portait sur les problèmes fondamentaux, c'est un domaine qui me passionne au plus haut point, parce que je suis en poste depuis assez longtemps pour avoir constaté une tendance importante, et cette tendance est troublante. Plutôt que de chercher des solutions temporaires, il est temps d'exiger des changements transformationnels, comme nous l'avons essentiellement fait dans notre rapport annuel, mais il ne suffit pas de demander des changements transformationnels. Nous avons formulé ce que nous croyons être des changements fondamentaux.
De plus, en prévision du dépôt de notre rapport annuel, nous voulions mener de vastes consultations. Nous avons identifié 10 experts, y compris une grande partie de la communauté des acheteurs au sein du gouvernement fédéral, et nous leur avons demandé quels étaient les cinq changements fondamentaux qu'ils jugeaient nécessaires.
Nous leur avons fourni les cinq que nous recommandons. Si vous me le permettez, je vais vous en faire part. Ils ne devraient pas vous surprendre. Je vais faire cela très rapidement.
Premièrement, il faut créer un poste de dirigeant principal des achats, ce que j'ai mentionné à plusieurs reprises, afin de veiller à ce qu'il y ait une reddition de comptes dans l'approvisionnement fédéral.
Deuxièmement, il faut mettre en place un système pangouvernemental de gestion du rendement des fournisseurs. Je pense que cela réglerait bon nombre des problèmes qui se posent encore aujourd'hui.
Troisièmement, il faut élaborer un ensemble de règles d'approvisionnement pouvant être appliquées universellement. Il y a trop de règles, et les gens ne savent tout simplement pas lesquelles ils doivent suivre.
Quatrièmement, il faut établir un cadre de collecte de données, afin d'accroître la transparence des marchés publics fédéraux. La collecte de données a été incroyablement problématique.
Cinquièmement, il faut utiliser les progrès de l'intelligence artificielle pour moderniser les outils et les systèmes d'approvisionnement du gouvernement fédéral.
Ce sont les cinq changements que nous avons proposés, mais nous menons des consultations. Je me ferai un plaisir de revenir devant le Comité pour vous faire part des résultats. Nous avons un plan pour trouver des solutions à ces problèmes.
À l'heure actuelle, nous avons 31 employés à temps plein, dont 23 sont nommés pour une période indéterminée. Cela veut dire que huit sont des employés occasionnels ou à temps partiel.
Notre demande de financement prévoit 27 nouveaux postes ETP sur trois ans, selon une approche progressive. Il y aurait des dépenses de 1 million de dollars au cours de l'exercice 2025‑2026, de 3,4 millions de dollars en 2026‑2027, et de 4,7 millions de dollars en 2027‑2028.
Grâce à cela, les huit postes existants deviendraient permanents, soit 23 plus 27. Neuf de ces postes seraient consacrés spécifiquement à l'examen des pratiques d'approvisionnement, trois à l'examen des plaintes, sept au règlement extrajudiciaire des différends, trois à l'approfondissement et au partage des connaissances et cinq au rayonnement.
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Je vais d'abord expliquer le conflit d'intérêts.
Si vous retenez les services d'un organisme externe pour examiner les dossiers d'approvisionnement, au bout du compte, il s'agit de renseignements commerciaux confidentiels fournis par des fournisseurs. Lorsqu'ils participent au processus, les fournisseurs peuvent avoir souscrit à une clause d'audit. Cependant, il n'est pas nécessairement entendu que cette clause d'audit s'étend à des tiers, en particulier au sein de notre bureau. Cela crée donc un conflit d'intérêts.
Du point de vue des délais, ces examens systémiques sont des examens à long terme. Il faut un an pour les terminer. Je pense que le scénario cauchemardesque pour nous, c'est d'avoir des ressources temporaires qui effectuent le tiers ou la moitié du travail et qui finissent par partir pour occuper un poste à temps plein. Cela fait en sorte que nous devons remplacer quelqu'un à mi‑chemin d'un processus à long terme.
L'examen des plaintes n'est pas aussi long. Dans ce cas, le délai est de 120 jours ouvrables. Quoi qu'il en soit, il s'agit de projets à long terme, et il existe un risque réel de perdre des ressources.
Si vous me le permettez, j'aimerais souligner qu'il y a deux ans, nous avons perdu huit ressources au cours d'un exercice financier. Cela ne semble peut-être pas beaucoup, mais il s'agissait de huit employés à temps plein. Le fait de perdre 8 employés sur un effectif de 23 est très important. Cela a vraiment mis à rude épreuve notre bureau et, je dirais, nous a nui pour ce qui est de pouvoir livrer la marchandise avec succès les années suivantes.
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Cela me donne l'occasion de parler de notre équipe.
Nous avons une excellente équipe, et je suis extrêmement fier du travail que nous faisons. Je pense que si je n'avais pas une équipe aussi forte, je ne serais pas en mesure de répondre à la question avec autant d'assurance, mais nous avons pu faire l'examen dans les limites du budget alloué.
Une chose à laquelle nous veillons avec beaucoup de diligence, c'est de dépenser l'argent des contribuables le plus judicieusement possible. Chaque fois que des sommes nous sont allouées, nous essayons de ne pas les dépenser inutilement.
Cela dit, nous aurions certainement avantage à avoir une équipe d'examen plus importante, parce qu'il y a une pression démesurée sur les gens. Ce qui est susceptible d'arriver, c'est que si quelqu'un devait partir, cela exercerait une pression énorme sur l'organisation, parce qu'il n'y a pas beaucoup de ressources capables d'effectuer ces examens. Par conséquent, je répondrai à votre question par un « oui », mais avec certaines réserves.
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Je vous remercie de me donner l'occasion d'expliquer l'importance du rôle de l'ombud fédéral.
Je joue un rôle unique et j'ai le pouvoir de faire trois choses principales.
Premièrement, nous effectuons des examens systémiques avec des recommandations concernant plus de 90 ministères et organismes, afin d'améliorer les pratiques d'approvisionnement lorsque nous avons des motifs raisonnables de le faire.
Deuxièmement, nous examinons les plaintes des fournisseurs canadiens concernant l'attribution ou l'administration des contrats fédéraux. Cela nous distingue du Tribunal canadien du commerce extérieur, qui ne peut examiner que les plaintes liées aux contrats visés par des accords de libre-échange.
Enfin, nous offrons des services de règlement extrajudiciaire des différends aux fournisseurs canadiens qui réussissent à obtenir des contrats du gouvernement fédéral et qui font face à des problèmes. Ces services ont toujours été sous-utilisés. Nous constatons une acceptation de plus en plus grande de la part des ministères. C'est cela qui me rend optimiste. Nous voyons des ministères qui ont pour objectif de régler ces différends avec succès. C'est ce qui arrive, et c'est une façon d'économiser l'argent des contribuables, parce que cela permet d'éviter les litiges, sans coûter des millions de dollars. Nos services de médiation atteignent généralement leur but en une journée. La présence des bonnes personnes dans la salle permet d'obtenir un règlement et des résultats.
Nous voyons aussi l'importance de professionnaliser la communauté. C'est pourquoi nous partageons nos connaissances avec elle, grâce à nos études de recherche d'approfondissement et de partage des connaissances. Nous avons consacré beaucoup d'énergie à la diversification de la chaîne d'approvisionnement fédérale. J'ai dit à plusieurs reprises que l'une des statistiques les plus choquantes que nous ayons trouvées, c'est qu'au cours de mon mandat, après analyse des données, nous avons constaté que, dans bien des cas, seulement 32 % des dossiers d'approvisionnement concurrentiel donnent lieu à plus d'un appel d'offres. Il y a souvent un seul soumissionnaire. Mon rôle consiste en partie à améliorer le fonctionnement du système. Autrement, cela ne favorise pas les solutions diversifiées, ni les prix et la concurrence. C'est inefficace.
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C'est un point de discorde au sein de notre bureau. Je vais essayer de ventiler cela par service, mais pour les fournisseurs autochtones qui ont obtenu un contrat en vertu de la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones, ou SAEA, s'il y a un autre fournisseur autochtone qui souhaite se plaindre, il ne peut pas le faire auprès de notre bureau, parce que notre mandat découle de l'ALEC, l'Accord de libre-échange canadien. Étant donné que la SAEA est exemptée de l'application de l'ALEC, nous n'avons pas compétence pour examiner les plaintes des fournisseurs autochtones concernant des contrats adjugés en vertu de la SAEA.
C'est la même chose pour le Tribunal canadien du commerce extérieur. Le tribunal du commerce et nous-mêmes avons d'ailleurs soulevé ce problème.
Nous comprenons également, à la lumière des témoignages et de nos propres consultations, qu'il y a un désir d'avoir une solution et un mécanisme de règlement des différends dirigés par les Autochtones, et nous sommes aussi d'accord avec cela. Cependant, nous croyons que tous les fournisseurs devraient être sur un pied d'égalité et qu'ils devraient tous pouvoir bénéficier de nos examens des plaintes.
Il arrive toutefois que nous puissions offrir des services de règlement des différends aux fournisseurs autochtones. Si un fournisseur autochtone a un problème en vertu d'un contrat fédéral, il peut en fait demander nos services de règlement extrajudiciaire des différends. C'est la distinction entre les deux.
Pour ce qui est du premier aspect, j'ai souligné à trois reprises dans notre rapport annuel que ce changement était nécessaire. Je pense que cela doit se faire.
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D'une façon, oui, et d'une autre, non.
Ceux qui ont travaillé dans le système — et vous voudrez bien m'excuser parce que je l'ai déjà dit devant ce comité — vous diront que, si vous changiez la date d'examens et d'audits vieux de dizaines d'années, vous trouveriez qu'ils sont toujours d'actualité. Cela me porte à croire que le cadre actuel et les recommandations qui ont été formulées au cours des 20 dernières années n'ont pas suffi pour corriger des problèmes de longue date.
Nous devons maintenant admettre qu'il nous faut des solutions plus globales et que nous devons raisonner différemment. C'est pourquoi nous en sommes venus à la conclusion qu'un nouveau véhicule s'impose. On s'attend à ce qu'il fasse beaucoup de choses, mais il doit surtout nous amener du point A au point B, et je ne suis pas sûr qu'il y parvienne encore.
Compte tenu du volume de transactions annuelles — 37 milliards de dollars —, nous avons besoin d'un véhicule qui fonctionnera. Peu importe à qui vous parlez au sein du système d'approvisionnement fédéral, si les gens sont honnêtes avec vous, ils vous diront que cela ne fonctionne pas.
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Pour être honnête, je pense que c'est un peu des deux. Les mesures prises visaient à simplifier les processus, surtout pendant la pandémie de COVID‑19.
Les administrations provinciales et municipales ont eu l'occasion unique de travailler en étroite collaboration pour faire des achats en gros. Il devait en découler des synergies économiques dans les approvisionnements et j'aurais espéré qu'elles se poursuivent au‑delà de la période COVID. Il y a encore du travail à faire dans ce domaine, et la documentation est mise à la disposition de nos homologues provinciaux pour qu'ils puissent utiliser les modèles fédéraux. Je sais qu'il y a eu beaucoup de travail sur la simplification.
Cependant, encore une fois, tout ce travail n'a pas suffi. Je ne veux pas faire de commentaire sur l'intention, mais si vous prenez un document d'appel d'offres... Je suis avocat, et je travaille dans ce domaine depuis plus de 20 ans, et je trouve qu'il est incroyablement lourd et parfois difficile de comprendre ce qu'on me demande d'examiner ou de faire, et je suis quelqu'un qui devrait le savoir. Imaginez que vous soyez une PME.
Je dirais que la création de Soutien en approvisionnement Canada est un pas important dans la bonne direction. L'organisme permet essentiellement de travailler individuellement avec les petits et moyens fournisseurs et de les guider tout au long du processus. En soi, ce n'est pas une simplification des processus, mais la conscientisation que le système est trop complexe et qu'il fallait cette mesure supplémentaire pour remettre le train sur les rails. La solution est de réparer le système.
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Les changements que nous avons demandés remontent à trois ou quatre ans. Il s'agissait de modifications réglementaires. J'ai également répondu à la question en parlant des changements fondamentaux que nous avons jugés nécessaires et qui sont beaucoup plus vastes que ceux que je vais vous décrire.
L'un d'eux nous donne le pouvoir d'examiner les plaintes des fournisseurs autochtones concernant les contrats attribués en vertu de la Loi sur l'intégrité du secteur public.
Le deuxième est le droit d'exiger la production de documents. C'est une chose à laquelle le comité a gentiment offert son aide. Si nous constations que des documents n'ont pas été fournis par les ministères ou organismes dans le cadre de nos examens, nous pourrions faire appel à ce comité. Je dirais que j'aurais plus de droits en tant que citoyen canadien faisant une demande d'accès à l'information que je n'en ai en tant qu'ombud de l'approvisionnement qui réclame des documents.
Le dernier amendement vise à modifier les dispositions relatives à l'octroi de dommages-intérêts pour me permettre de formuler des recommandations en cas de pertes de profits ou de compensation des coûts associés au dépôt d'une plainte. Le plafond est actuellement fixé à 10 %. Nous avons entendu dire qu'il s'agit d'une restriction artificielle imposée à certaines personnes qui déposent des plaintes parce que, encore une fois, on parle d'entreprises très occupées. Si les intéressés n'ont pas l'impression qu'il vaut la peine de déposer une plainte fondée, ils ne font rien. Nous demandons que ce plafond passe de 10 % à 25 %.
Cela dit, il est nécessaire de fournir une documentation pour justifier les requêtes. Ce n'est donc pas une simple augmentation de 10 % à 25 %. Il est question de prouver la perte de bénéfices ou de valider les coûts associés à la préparation de l'offre.
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Du point de vue de l'indépendance, si vous parlez... Je veux simplement m'assurer de bien répondre à votre question.
Vous parlez de ce qui me préoccupe dans l'indépendance en regard du financement ponctuel?
Il y a ce qu'on appelle les principes de Venise. Ce sont les principes directeurs du fonctionnement des bureaux d'ombud. L'un de ces principes, le numéro 21, porte sur la façon d'obtenir des « ressources budgétaires suffisantes et indépendantes ».
À l'heure actuelle, l'indépendance pose un défi en matière de ressources. Si on me demande de faire un examen pour lequel je n'ai pas le budget, je dois m'adresser au et réclamer ces ressources financières. Cela confère au ministre un pouvoir de décision qui, à mon avis, nuit à notre indépendance. S'il décide qu'aucune ressource ne sera débloquée, mais que nous avons déterminé qu'il existe des motifs raisonnables d'entamer un examen, c'est un peu délicat.
Maintenant, la loi dit qu'il faut procéder à un examen, mais je n'ai pas les ressources pour le faire. Cela place également le dans une position délicate.
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Je félicite le Comité. Je pense que le genre de reddition de comptes que le Comité apporte à la communauté des fournisseurs est extrêmement important. Mon travail porte davantage sur les pratiques des ministères que sur celles des fournisseurs. Je trouve particulièrement utile le travail que fait le Comité pour tenir les fournisseurs responsables de leurs pratiques inappropriées. Je vous garantis que cela aura des résultats positifs dans le système d'approvisionnement à l'avenir.
Quant au genre de changements fondamentaux que je pourrais vous recommander — et je n'arrêterai jamais d'en parler tant que cela ne se produira pas —, je songe au cadre pangouvernemental de gestion du rendement des fournisseurs. Les répercussions de ce cadre seront loin d'être négligeables. C'est un principe de base: le gouvernement du Canada ne devrait travailler qu'avec des fournisseurs qui sont performants. Il ne devrait pas avoir à travailler avec des fournisseurs peu performants. Tout le monde serait d'accord sur ce principe. Nous devons mettre en place non seulement un système à l'échelle du ministère, mais aussi un système fédéral dans tous les ministères et organismes. Je vais féliciter Services publics et Approvisionnement Canada qui mène actuellement un projet pilote, mais cela ne sort pas du ministère.
Je soulignerai, par ailleurs, que nous aimerions offrir des services de règlement extrajudiciaire des différends pour les appels interjetés conformément au cadre de gestion du rendement des fournisseurs. Nous devons donc renforcer cette capacité, mais encore une fois, où allons-nous trouver les ressources financières et humaines nécessaires pour y parvenir? Nous croyons être la bonne entité pour le faire, mais nous avons besoin de ressources. Il faudra en disposer d'ici un an ou deux. Le temps presse.
Je pense que nous allons aussi...
Je vais vous poser deux questions d'un coup afin de vous donner le plus de temps possible pour y répondre.
Tout d'abord, j'adore la façon dont vous avez établi les augmentations de financement afin que vous ayez le temps de vous rattraper suffisamment pour bien faire les choses. Je pense que c'est une excellente façon de faire, et honnête.
Vous avez parlé du financement ponctuel et de la possibilité d'embaucher des employés permanents. Si les employés passent constamment d'un poste temporaire à un autre ce qui, très franchement, est le cas, ils aboutissent dans un poste permanent.
Qu'est‑ce que cela signifie pour le développement de votre expertise et votre capacité à faire le travail le plus efficacement possible?
Vous avez également parlé du manque de ressources pour effectuer ces examens de suivi, ce qui est pourtant très important selon moi. Certaines des situations que nous examinons en ce moment au Comité se sont produites parce qu'il n'y avait pas de processus de reddition de comptes avant que tout ne devienne un énorme gâchis et ne se transforme en crise.
Je me demande si vous pourriez aborder ces deux questions dans le contexte des demandes accrues que l'on vous fait.
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Merci. Je vais commencer par la deuxième question.
Je serais peiné d'arrêter les examens de suivi. Vous avez parlé de « reddition de comptes », et c'est vraiment ce qui ressort de ces examens. Le problème tient à ce que rien dans ma loi ne m'oblige à faire des suivis. Cependant, je suis tenu d'examiner les plaintes, de procéder à des examens systémiques quand il y a des motifs raisonnables de le faire et d'offrir des services de règlement des différends extrajudiciaires.
Malheureusement, ce serait l'une des premières choses à faire en termes d'établissement des priorités. Comme je suis pour la reddition de comptes, il serait extrêmement gênant pour moi de comparaître devant le Comité et de ne pas pouvoir parler en toute confiance et annoncer si les recommandations ont été mises en œuvre ou pas. C'est à cela que servent les examens de suivi.
La première partie de votre question porte sur la formation, les ressources et le mouvement du personnel à temps partiel ou temporaire. La formation occupe une place importante chez nous, et tout le monde considère que c'est du temps bien investi. Nous voulons que notre personnel évolue. Nous constatons que le travail est de plus en plus complexe, ce qui en pousse plus d'un à rechercher des formations.
Nous n'avons pas connu de roulement important de personnel jusqu'à ce que la charge de travail devienne trop lourde; et puis, il y a aussi la question de l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Même quand les gens aiment leur travail, il peuvent s'épanouir professionnellement dans d'autres contextes et parvenir à un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle. La formation est évidemment importante. Comme l'univers des approvisionnements est en constante évolution, nous devons veiller à demeurer au fait des enjeux de l'heure.
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Merci beaucoup, chers collègues.
Monsieur Jeglic, je vous remercie d'être revenu nous voir. Vous nous avez montré, comme toujours, pourquoi je vous considère comme un ami de ce comité. J'espère que nous pourrons tout faire pour vous appuyer. Peut-être qu'avec l'approbation du Comité, une fois que vous aurez terminé l'étude dont nous avons parlé plus tôt, nous pourrons vous demander de revenir pour en discuter entre nous.
Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant quelque 30 secondes. Nous devons absolument nous arrêter dans trois minutes environ. Je pense que nous allons poursuivre à huis clos. Je n'ai besoin que d'une trentaine de secondes pour recueillir les réactions de tout le monde sur une certaine question.
Monsieur Jeglic, encore une fois, merci beaucoup.
La séance est suspendue.
[La séance se poursuit à huis clos.]