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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais remercier le Comité pour l'invitation qui m'a été faite de participer à la réunion de ce matin.
Parmi les trois mesures proposées, compte tenu du temps que j'ai, j'aimerais limiter mes commentaires à la partie de la répartition du revenu, même si c'est avec plaisir que je répondrai aux questions sur les autres aspects pendant la période des questions. Je vous invite aussi à consulter mon récent rapport récent « Splitting the Difference: Who really benefits from small business income splitting? », qui contient une analyse plus détaillée que celle que je vais présenter verbalement aujourd'hui.
Les données qui sont comprises dans ce rapport et que je vais présenter aujourd'hui reposent sur un logiciel de modélisation fiscale de Statistique Canada, qui permet de déterminer des répercussions statistiquement exactes de la répartition du revenu des petites entreprises.
Ce qui ressort tout de suite clairement, c'est le niveau de concentration des avantages de la répartition du revenu parmi les familles les plus riches au Canada. Les 20 % de familles comprises dans la fourchette supérieure bénéficient de 91 % des avantages fiscaux découlant de la répartition du revenu des dividendes d'une SPCC. Les 5 % de familles se trouvant dans la fourchette supérieure, qui gagnent plus de 216 000 $ par année, profitent de la moitié des avantages. Les 70 % de familles comprises dans la fourchette inférieure, y compris essentiellement toutes les familles à revenus moyens, qui touchent moins de 100 000 $ par année en revenus combinés avant impôt, se partagent seulement 3 % des avantages de la répartition du revenu d'une petite entreprise. Les ménages qui en profitent le plus sont presque exclusivement des ménages ayant un homme à leur tête.
Malgré tout ce tapage, les avantages sont incroyablement faibles, même chez les familles qui touchent des dividendes d'une SPCC. Parmi les 904 000 familles économiques qui reçoivent de tels dividendes, 13 % pourraient avoir recours à la répartition du revenu, en présumant toutefois que ce ne sont pas toutes les dividendes d'une SPCC qui respecteraient le critère du caractère raisonnable, qui constitue de toute évidence une limite supérieure. Autrement dit, au moins 87 % des petites entreprises familiales ne profitent pas de la répartition du revenu.
Un examen plus poussé révèle que seulement 5 % environ des petites entreprises familiales utilisent activement la répartition du revenu. Elles ne respecteraient probablement pas le critère du caractère raisonnable et, par conséquent, seraient touchées. Cela correspond à seulement 0,3 % de toutes les familles canadiennes.
Le coût annuel pour le gouvernement fédéral de la répartition du revenu des petites entreprises que j'ai estimé pour 2017 est de 280 millions de dollars, et le coût provincial, de 110 millions de dollars. Il est intéressant de noter que l'avantage fiscal moyen est plus faible que ne le laissait supposer la rhétorique récente, même pour les familles se situant dans la tranche supérieure de 1 %, qui gagnent plus de 416 000 $. L'avantage moyen n'est que de 10 000 $ pour ceux qui profitent d'un avantage net.
Statistiquement, les professionnels sont beaucoup plus susceptibles d'avoir recours à cette stratégie fiscale. Ce sont les familles qui ont à leur tête une personne travaillant dans le domaine des soins de santé qui sont les plus susceptibles d'en profiter. Ce groupe englobe les médecins et les avocats et représente 26 % des familles qui profitent d'un avantage de plus de 1 000 $ de la répartition du revenu d'une petite entreprise. Le deuxième groupe le plus susceptible d'en bénéficier est un grand groupe de professionnels comprenant les avocats et les comptables. Le troisième groupe est constitué de vendeurs dans l'immobilier et les assurances; ces genres d'entreprises ne sont généralement pas considérés comme des petites entreprises traditionnelles. En fait, le secteur agricole, qui englobe les familles d'agriculteurs, ainsi que la catégorie des services d'hébergement et de restauration, laquelle inclut notamment les restaurants familiaux, est environ 2,5 fois moins susceptible de profiter d'un avantage net lié à la répartition du revenu d'une petite entreprise que les familles dont le chef travaille dans le domaine des soins de santé.
Compte tenu du fait que les avantages sont concentrés chez les professionnels et les familles à revenu élevé, j'inciterais le Comité à poursuivre sa démarche en vue de mettre fin à la répartition du revenu pour les dividendes d'une SPCC. Ceci étant dit, j'inciterais aussi le Comité à s'attaquer à de plus gros poissons en ce qui a trait aux dépenses fiscales, y compris la déduction pour option d'achat d'actions et le taux d'inclusion dans les gains en capital. Il est à souhaiter que ces éléments fassent partie d'un débat public plus large dans le cadre de l'examen des dépenses fiscales.
Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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La rapidité fait partie du travail de professeur.
[Français]
Tout d'abord, j'aimerais remercier le Comité permanent des finances de son invitation.
Depuis 2007, je suis professeur à l'École des sciences de la réadaptation à l'Université d'Ottawa. Ma formation et mes champs d'intérêt de recherche portent sur l'organisation des soins, particulièrement en ce qui a trait aux problèmes musculosquelettiques.
Je vais aborder le projet de loi en ce qui a trait à la pratique des médecins, puisque c'est seulement sous cet angle que je peux me prononcer.
Les données des dépenses en santé publiées par l'Institut canadien d'information sur la santé démontrent qu'en 2014, année la plus récente pour laquelle les données sont disponibles, 21,4 % de l'ensemble des dépenses publiques en santé ont été attribuées aux médecins, soit environ 32,5 milliards de dollars. Cependant, ce montant sous-estime la quantité totale des ressources financières publiques attribuées aux médecins, puisqu'on retrouve également des fonds attribués aux médecins dans le financement des hôpitaux et des autres établissements, soit un total de 73,3 milliards de dollars, ce qui représente 48,4 % des dépenses publiques. Malheureusement, l'Institut ne précise pas quelle part du financement des hôpitaux et des autres établissements est attribuée aux médecins.
Nonobstant, une seule profession représente un des postes de dépenses les plus importants en engrangeant environ le quart des dépenses publiques totales en santé au Canada. Cette proportion est également en constante augmentation depuis 2005.
Je tiens à rappeler au Comité qu'en Ontario, par exemple, 26 professions de la santé sont réglementées. Dans plusieurs provinces, les médecins peuvent également se constituer en société. Cela a pour effet, bien évidemment, de réduire considérablement le taux de taxation, ce qui s'accompagne de déductions fiscales corporatives. De plus, en déclarant un salaire personnel moindre, les médecins qui se sont constitués en société obtiennent accès à de nombreux et généreux avantages sociaux habituellement attribués à la classe moyenne moins fortunée, tels que des allocations familiales plus généreuses, des frais de garde subventionnés, des bourses d'études pour les membres de la famille, un plancher plus bas pour les crédits de frais médicaux, et ainsi de suite.
Cette constitution en société a des répercussions non seulement sur les finances fédérales et provinciales, mais également sur les finances municipales. Je vais vous donner un exemple un peu anecdotique, mais qui vous donnera une idée: là où je demeure, un médecin déclarant un revenu brut inférieur à 40 000 $ et présentant son avis de cotisation peut obtenir une carte d'accès aux services municipaux pour la moitié du tarif courant.
On estime que plus de 60 % des médecins sont actuellement constitués en société, alors que les taux ont grandement augmenté ces dernières années. Comme la constitution en société nécessite annuellement temps et argent, cela indique qu'il doit y avoir évidemment un avantage fiscal clair.
Les taux de taxation plus bas des entreprises ont notamment été instaurés pour favoriser la création d'emplois dans les secteurs compétitifs. Or la profession médicale tient plus du monopole, étant donné l'offre hautement réglementée et contrôlée. Contrairement aux autres secteurs d'emploi, les médecins ont peu de risques à encourir, puisqu'ils comptent sur une source de revenus constante provenant d'un seul payeur hautement solvable, qui est le gouvernement.
Le peu d'emplois créés en cabinet médical est essentiellement une transposition d'emplois qui se trouveraient en milieu hospitalier si les cabinets n'existaient pas. On peut donc évidemment s'interroger sur la création nette d'emplois provenant de la constitution de médecins en sociétés.
Les sommes récupérées par une taxation plus équitable pourraient être réinvesties dans des initiatives visant à accroître la santé de la population canadienne.
Le système des soins n'est qu'un des 12 déterminants de la santé reconnus. Les sommes pourraient être réinvesties dans d'autres déterminants, par exemple un système de garderies subventionnées, qui est le déterminant du développement de la petite enfance, l'amélioration du transport en commun, qui est le déterminant de la qualité de l'air et de l'environnement physique, ou encore un régime public d'assurance-médicaments.
Encore une fois, je remercie le Comité de l'invitation. Cela me fera plaisir de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, Wayne. C'est agréable de parler à un habitant des Maritimes. Je me sens en pays de connaissance. Nous sommes au milieu de la récolte, mais je suis quand même heureux d'être ici.
Merci, monsieur le président et les membres du Comité de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions concernant le plan fiscal proposé pour les sociétés privées. Je m'adresse à vous aujourd'hui comme producteur de pommes indépendant du Nouveau-Brunswick, et non pas comme représentant d'une organisation agricole. Ma ferme s'appelle River View Orchards. Je suis un agriculteur de première génération et j'ai reçu en 2016 le prix des Jeunes agriculteurs d'élite du Canada. Ma femme et moi avons deux enfants, un fils de 12 ans et une fille de cinq ans.
J'aimerais commencer en disant qu'il y a près de 200 000 fermes au Canada, qui sont presque toutes des petites entreprises. Leur contribution au PIB du Canada se situe à un peu plus de 108 milliards de dollars par année, et elles emploient environ 2,2 millions de Canadiens. L'agriculture a été un moteur économique résilient pendant de nombreuses années au Canada. Le présent gouvernement reconnaît son potentiel immense, mais il semble laisser de côté la contribution qu'apportent les agriculteurs à notre économie, à la sécurité alimentaire et à la lutte contre les changements climatiques.
J'apprécie les observations faites récemment par et , selon lesquels ce ne sont pas les agriculteurs qui sont visés par les changements proposés, mais cela ne semble pas clair. À moins que les propositions ne soient considérablement remaniées, elles auront un impact négatif sur les familles d'agriculteurs au Canada, et nous assisterons à une baisse du nombre d'exploitations agricoles dans notre pays, ce qui fera augmenter notre taux de chômage et diminuer le PIB. Il faudra davantage de hausses d'impôt pour la classe moyenne pour compenser les pertes accrues liées aux emplois et aux revenus dans le PIB.
À cet égard, j'aimerais vous faire part de quelques réflexions sur le fait que ces propositions ont été lancées le 18 juillet, avec une période de consultation de 75 jours, pendant les récoltes, à un moment où la plupart des agriculteurs n'ont pas le temps de s'asseoir et de prendre connaissance des changements fiscaux avec leurs comptables. Il m'arrive parfois de ne même pas avoir de temps à consacrer à ma famille. Il a fallu des semaines avant que de nombreux agriculteurs se rendent compte des conséquences pour eux, et j'entends encore parler d'autres façons dont ces changements pourraient affecter mon entreprise. Depuis, je ne crois pas avoir parlé une seule fois avec un autre agriculteur sans que cette question vienne sur le tapis.
Même si le groupe visé est un groupe trié sur le volet de personnes bien nanties, les propositions actuelles ne semblent pas cadrer avec cela. Afin de vous donner une idée de ce que je veux dire, je vais vous faire part de quelques problèmes possibles.
Il y a tout d'abord la répartition du revenu. Le travail dans une exploitation agricole familiale n'est pas un travail de neuf à cinq. Les familles vivent dans leur ferme, le travail se fait à toute heure du jour, et les membres de la famille y contribuent de nombreuses façons. On ne poinçonne pas de cartes ici. Je comprends que le but visé est de tenir compte de ces contributions, mais l'intention et la réalité du critère sont des choses très différentes. Comment un seul critère peut-il rendre compte de toutes les façons dont les membres de la famille contribuent au travail de la ferme, sans parler de la subjectivité dont fait preuve l'ARC? L'agriculture est indéniablement une affaire de famille. Pour décider d'investir pour l'avenir, il faut du capital et un climat de certitude. Même en respectant les règles, le caractère vague et incertain de ce critère crée de nouveaux risques et suscite des questions. Cela m'amène à me demander s'il vaut la peine que je prenne de l'expansion, ou même que je poursuive mes activités.
Le critère strict appliqué aux 18 à 24 ans vient encore compliquer les choses. Les enfants d'agriculteurs ne deviennent pas propriétaires des fermes dans n'importe quelles circonstances. Mon fils Robert participe aux activités de la ferme depuis qu'il est tout jeune, et il a maintenant 12 ans. Même lorsque, plus tard, il quittera la ferme qu'il aime pour fréquenter l'école ou pour travailler, je sais qu'il continuera d'y revenir et d'apporter sa contribution. En fait, il fait déjà pousser ses propres fraises et courges, qu'il vend lui-même. Est-ce que ces contributions respecteront le critère de l'ARC?
Si Robert venait à avoir des parts dans ma société agricole, les dividendes qu'il recevrait seraient-ils raisonnables? Je me pose la question pour lui, à l'heure actuelle, parce que ma fille est encore un peu trop jeune pour travailler, même si elle nous donne certainement du travail à sa mère et à moi. Ces questions compromettent ma capacité de planifier pour l'avenir.
Il y a aussi les changements touchant à l'exemption pour gains en capital, ainsi que le traitement des gains en capital. Les nouvelles limites quant à l'accès à l'exemption pour gains en capital compliquent aussi la transmission des fermes d'une génération à l'autre. Je dois planifier la relève. Je dois le faire à l'avance pour m'assurer que mon exploitation agricole demeure dans la famille. Qu'y a-t-il d'équitable dans le fait de doubler mes impôts si je veux transmettre ma ferme à mes enfants?
L'exploitation agricole nécessite beaucoup de capital, et mon entreprise me sert de régime d'épargne-retraite. Il est déjà compliqué de céder une exploitation agricole, et cela vient limiter encore les options dont je dispose pour que la transaction profite aux deux parties. Lorsque vous tenez compte des changements proposés concernant la conversion du revenu en gains de capital, qui constituent un incitatif à vendre la ferme à quelqu'un de l'extérieur, vous devez prendre des décisions financières difficiles, soit de garder la ferme dans la famille, en assumant un fardeau fiscal punitif, ou de vendre simplement à un étranger.
Ce ne sont pas là des décisions que les agriculteurs ou les parents devraient avoir à prendre. L'agriculture fait partie de notre patrimoine. La tradition veut que les agriculteurs cèdent leur ferme à leurs enfants. Mes enfants sont-ils moins importants que les enfants il y a 100 ans? Je ne crois pas.
En ce qui a trait au revenu des investissements passifs, ces derniers sont conservés dans une société pour un certain nombre de raisons. Ils peuvent aider à gérer les baisses de revenu ou à faire en sorte que vous ayez un gain en capital à investir lorsqu'une occasion se présente. Les investissements passifs sont déjà imposés à 50 %, et j'ai vu qu'il était question de taux d'imposition de plus de 70 % dans ces propositions. Encore une fois, cela soulève d'autres questions concernant la façon de planifier pour l'avenir.
L'agriculture fait déjà face à une certaine volatilité liée à des facteurs comme les conditions climatiques, les maladies, les ravageurs et le marché, pour ne nommer que ceux-là. La politique fiscale du Canada ne devrait pas m'imposer de nouveaux obstacles, mais plutôt me permettre de gérer les risques et de faire prospérer mon entreprise. Cette année, nous avons eu une sécheresse au Nouveau-Brunswick. Je fais face à des pertes importantes de récolte. Comment puis-je planifier en fonction de Mère Nature?
J'aimerais vous faire part aussi de mes réflexions concernant des solutions possibles.
D'abord et avant tout, les agriculteurs au Canada sont d'accord pour que tous paient leur part équitable et ils ne sont pas contre l'idée que le gouvernement règle les abus dans le système fiscal. En fait, lorsque l'on regarde les sommes générées par les exploitations agricoles, on doit probablement les multiplier par cinq ou six dans notre économie. Toutefois, les changements vont bien au-delà de l'évitement fiscal chez les Canadiens bien nantis. Ils ont des répercussions sur toutes les sociétés privées. Certaines des modifications touchant les gains en capital auraient même des répercussions sur les propriétés agricoles admissibles ne faisant pas partie d'une société. Ce ne sont donc pas seulement les exploitations agricoles constituées en société qui sont touchées.
Je comprends les observations de lorsqu'il dit qu'il souhaite que les entreprises agricoles familiales réussissent, et que ce ne sont pas elles qui sont visées par ces modifications. Il y a un écart important entre le but visé par les propositions actuelles et ce qu'elles entraîneraient réellement pour les exploitations agricoles et les autres petites entreprises. Même s'il peut s'agir de conséquences non voulues, elles ne sont pas sans importance et elles toucheraient les exploitations agricoles partout au Canada, à moins que des modifications importantes ne soient apportées. Cela signifie tenir le revenu agricole à l'écart des propositions concernant la répartition du revenu, exempter les propriétés agricoles des nouvelles règles sur les gains en capital, et trouver une façon de distinguer les véritables transferts entre générations.
Des groupes d'agriculteurs partout au Canada sont prêts à chercher des solutions, mais l'échéancier pose un problème. Je suggère que nous prenions du recul et que nous envisagions d'exclure toutes les exploitations agricoles de cette proposition, afin qu'elles ne fassent pas partie des dommages collatéraux.
Ceci étant dit, j'aimerais vous remercier du temps que vous m'avez consacré. Je répondrai avec plaisir aux questions que vous pourriez avoir.
Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner ici.
Je suis professeur en fiscalité à l'Université du Québec en Outaouais depuis le 1er mai 2015. Mes champs d'intérêt de recherche portent surtout sur la planification fiscale agressive, qu'elle soit exercée par les PME ou par d'autres.
Avant de me joindre à l'Université du Québec en 2015, j'ai travaillé en fiscalité pendant plus de 25 ans, et près de la moitié de ce temps à l'Agence du revenu du Canada. Au début de ma pratique à l'Agence, je travaillais en tant que vérificateur en évitement fiscal. Par la suite, j'ai travaillé à l'Agence ici, à Ottawa, à la direction des décisions en impôt.
Avant de me joindre à l'Agence, j'ai travaillé un peu plus de 10 ans dans un cabinet d'experts-comptables dans le service de fiscalité. Mes clients étaient principalement des PME. Je travaillais donc en planification fiscale pour les PME.
En somme, je travaille en fiscalité depuis 1990.
C'est sûr que la réforme proposée changera la donne pour ce qui est de la planification fiscale des PME. C'est pour cela que je suis ici. J'aime vulgariser, comprendre les règles et les expliquer. C'est ce que je fais dans les médias depuis le 18 juillet dernier. À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de commenter le dossier ou plutôt d'expliquer les règles et de tenter de faire comprendre la politique fiscale.
Il faut dire d'entrée de jeu que la planification fiscale, que ce soit au moyen du fractionnement du revenu ou des placements passifs, c'est-à-dire les deux premières catégories de mesures, était légitime et acceptable en politique fiscale. C'était un changement de politique fiscale. Ce n'est pas parce que les gens en profitaient qu'il s'agissait nécessairement d'une loophole, si vous me permettez l'expression, autrement dit une échappatoire.
La troisième catégorie de mesures touche la conversion des dividendes en gains en capital. Ces mesures sont pointues et visent à boucher des trous, si l'on veut. Il y a des outils dans la loi, mais le gouvernement n'a pas eu beaucoup de succès en ce qui concerne certaines transactions. Les planificateurs fiscaux ont été très créatifs pour trouver des façons de contourner la loi. C'est pourquoi on a créé des outils encore plus pointus pour éliminer les possibilités d'évitement fiscal.
Ma spécialité est l'évitement fiscal. Bien que je comprenne bien le système au complet, j'ai quelques petits commentaires ou quelques réserves sur la dernière catégorie de mesures, qui touche l'évitement fiscal. On a proposé des mesures qui vont certainement régler les problèmes, mais cela pourra entraîner des dommages collatéraux en ce qui touche des transactions légitimes. Cela va créer un peu d'incertitude.
Cette semaine, le ministère des Finances a tenu une journée avec certaines associations de fiscalistes. On leur a dit que ces nouvelles mesures avaient pour but de contrer les transactions d'évitement fiscal, mais il reste que cela crée un peu d'incertitude.
Je ne suis pas ici pour faire du lobbying ni pour exercer des pressions d'un côté ou de l'autre. Je suis disponible pour répondre aux questions ou pour commenter de manière générale les mesures proposées.
Je vous remercie beaucoup.
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J'aimerais remercier les membres du Comité de me donner la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'occupe principalement d'affaires commerciales, et ma clientèle est surtout composée de petites entreprises, ce qui fait que même si je mets mes connaissances à contribution pour résoudre ces enjeux, je souhaite aussi aujourd'hui faire état des préoccupations de mes clients, des gens ordinaires sur le terrain, qui vont être affectés par ces changements et qui les ont étudiés de façon exhaustive parce qu'ils ont des répercussions sur eux.
J'aimerais soumettre trois propositions au Comité.
Tout d'abord, cette répartition du revenu, dans sa structure actuelle, est équitable et permet aux travailleurs autonomes de profiter des mêmes avantages économiques que les employés qui ont une rémunération similaire. En deuxième lieu, les changements proposés nuiront de façon particulière aux entreprises familiales. En troisième lieu, ils nuiront aux secteurs qui génèrent le plus d'emplois dans notre économie.
En ce qui a trait au premier point, à savoir que la répartition du revenu est équitable, la proposition du ministère des Finances donne l'exemple d'un dénommé Jean, qui est propriétaire d'une entreprise et qui emploie une personne appelée Suzanne. Un beau graphique montre leur situation économique, mais laisse de côté les avantages imposables et non imposables dont profite Suzanne en vertu de la loi. Les charges liées aux contributions de l'employeur à ces avantages représentent de 15 à 18 % de la valeur du revenu de Suzanne, et ceux-ci viennent s'ajouter à son revenu imposable sous forme de prestations médicales, dentaires et d'invalidité, de vacances et de pensions.
Ces chiffres brillent par leur absence dans le graphique du ministère des Finances. Je vous ai fourni un mémoire, dans lequel je les ajoute. Comparativement à l'économie d'impôt de 15 % dont pourrait profiter Jean, les 15 à 18 % d'avantages de Suzanne sont substantiels et font en sorte que ces deux personnes se retrouvent au bout du compte dans la même position du point de vue du revenu disponible, ce qui montre que c'est véritablement une mesure d'équité qui doit être appliquée.
Cela diffère de la situation d'un employé qui est rémunéré au moyen d'options d'achat d'actions. Amusons-nous un peu et appelons cet employé Bill. Le revenu d'emploi de Bill serait imposé à un taux inférieur à celui de Suzanne ou de Jean, de l'ordre d'environ 26 % à l'heure actuelle, ce qui fait que le système actuel traite Suzanne et Jean sur le même pied. Si vous modifiez cela, afin que Jean ne puisse plus répartir son revenu, son revenu disponible réel après impôt diminue de 15 à 18 %, ce qui le place loin derrière par rapport à celui de Suzanne. Évidemment, notre Bill fictif se situera loin devant les deux autres, au même niveau de revenu, parce que nous traitons les options d'achat d'actions comme un gain en capital.
Pour obtenir un système fiscal réellement équitable, il faut abandonner la répartition du revenu ou, et il s'agit d'une question politique que personne ne veut aborder, il faut envisager l'imposition des avantages libres d'impôt, ce qui ne devrait pas bien passer selon moi. Il faut aussi tenir compte du fait que les personnes qui sont rémunérées au moyen d'options d'achat d'actions profitent d'un avantage substantiel qui, selon ce que j'ai lu, représente environ 840 millions de dollars par année pour le Trésor.
Le deuxième point que j'aimerais soulever concerne les entreprises familiales. Le mécanisme utilisé pour mettre fin à la répartition du revenu prend la forme d'une modification de la définition de l'impôt sur le revenu fractionné ou IRF. Cela est fait de façon à punir les membres de la famille, qui seront imposés à un taux de 52 %. Cela laisse de côté la réalité, à savoir que lorsqu'une personne lance une petite entreprise, ses principaux investisseurs en capital sont ses amis et les membres de sa famille. Lorsque l'on demande à un ami ou à un membre de la famille d'investir dans une entreprise, il s'attend à partager les risques moitié-moitié, 50 % des petites entreprises échouant au cours de la première année. Le bon côté pour eux est que, si l'entreprise réussit et qu'ils en détiennent une partie, même s'ils n'y travaillent pas, ils peuvent recevoir une compensation substantielle.
Selon les règles proposées, les gains des personnes qui sont apparentées et qui ne travaillent pas dans l'entreprise sont plafonnés, et ils sont imposés de façon punitive à 52 %. C'est donc dire que lorsque vous vous présentez devant un membre de votre famille pour lui demander d'investir dans la nouvelle entreprise que vous lancez, il y a 50 % de risque que cette personne perde tout, sans obtenir aucune compensation.
Si vous examinez de plus près les règles relatives aux prêts, vous verrez que l'ARC considère un rendement de 1 % comme un rendement raisonnable. La proposition au membre de la famille, dans ce cas, se résumerait à dire qu'il y a 50 % de risque qu'il perde tout et qu'il peut s'attendre à un rendement de 1 % par année par suite de cet investissement.
Ce qui est susceptible d'arriver, ultimement, c'est que les familles ne fassent rationnellement pas le choix d'investir dans l'entreprise. Elles feront le choix rationnel d'investir avec d'autres, et de nombreuses petites entreprises ne verront simplement pas le jour. Prenons les entreprises les plus florissantes dans l'économie canadienne. Force est de constater que la moitié d'entre elles sont des entreprises familiales. Irving, Reitmans et McCain sont des entreprises qui ont été lancées par des familles, dont les actionnaires sont des membres de la famille, et ce sont elles qui mènent notre économie vers des sommets.
Cela m'amène à mon troisième point. Les petites entreprises représentent la partie la plus productive de notre économie en matière de création d'emplois. Selon les chiffres de Statistique Canada pour 2015, 70 % des emplois dans le secteur privé se retrouvent dans des petites entreprises comptant entre 1 et 99 employés. Ces entreprises sont le moteur de l'économie. Ces changements s'adressent au tiers supérieur, la tranche des 73 000 $ et plus. Ces petites entreprises sont les principales responsables des emplois dans le secteur privé, à hauteur de 70 %.
Les personnes qui sont touchées, selon mon interprétation, représentent environ 90 % de ces 70 % d'emplois. Si ces personnes sont touchées, et comme quelqu'un l'a souligné, si elles font partie des dommages collatéraux, ces derniers toucheront de 60 à 70 % de l'économie productrice d'emplois. Lorsque l'on complique les choses pour les petites entreprises, on met le Canada en difficulté.
Pour mettre fin à la répartition du revenu qui profite à quelques privilégiés, on a recours à la définition de l'impôt sur le revenu fractionné. La modification de cette définition de cette manière a des conséquences énormes, qui vont des bénéficiaires que l'on vise, à savoir les professionnels qui gagnent 500 000 $, jusqu'aux entreprises agricoles familiales. Il faut cesser de considérer la modification de la définition de l'impôt sur le revenu fractionné comme une façon d'y arriver. Si l'on vise un segment très limité, petit et spécifique des SPCC, il faut préciser de qui il s'agit par tranche de revenu et, au besoin, par profession. Il faut être très précis et disposer d'une réglementation très détaillée.
Bien franchement, les conséquences de cette approche, quel que soit l'objectif visé, seront considérables et dévastatrices pour la collectivité des petites entreprises, et l'économie canadienne en souffrira.
Merci.
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Merci de me donner la possibilité de parler des changements qui sont envisagés par le gouvernement relativement au secteur des petites entreprises commerciales.
J'aimerais aborder cette question dans une perspective légèrement différente, c'est-à-dire prendre du recul et dire que les changements envisagés sont devenus nécessaires ou, à tout le moins, qu'une certaine démarche est devenue nécessaire, parce que le Canada a maintenu pendant des décennies ce que l'on appelle le système d'intégration de l'impôt sur le revenu des sociétés, une approche très unique qui est très peu utilisée de cette façon dans les autres pays. Le but visé est de recevoir un flux de revenu constant des sociétés, tout en intégrant en même temps ces revenus d'entreprise, comme si cette dernière n'était pas une personne morale distincte, c'est-à-dire en accordant des crédits d'impôt pour les dividendes qui sont distribués à l'extérieur de la société.
Cette mesure a été conçue par la commission Carter. Elle était le fruit, dans sa forme originale, de nombreux travaux techniques bien conçus, qui visaient à faire en sorte qu'à la fin du processus, peu importe s'il y avait intégration de la société ou non, les gains en capital, le revenu d'emploi, le revenu d'entreprise non constituée en société et les dividendes soient tous imposés plus ou moins également, afin que l'on puisse faire valoir que l'équité représentait le but premier du régime fiscal au Canada.
Malheureusement, étant donné que l'impôt constitue un aspect très politisé de l'élaboration des politiques, les détails techniques nécessaires pour mettre au point ce système au départ ont entraîné la création de cibles faciles au fil des décennies. De façon plus particulière, par suite du mouvement mondial et, j'ose dire, sous l'impulsion du Canada, de réduire tous les taux d'imposition, les taux d'imposition élevés du revenu des particuliers et les taux d'imposition du revenu des sociétés ont pris de l'importance. Cela impose un niveau élevé de stress au système d'intégration. Les règles s'appliquant aux petites entreprises commerciales, qui constituaient le seul écart par rapport au système d'intégration de l'impôt sur le revenu des sociétés, sont devenues particulièrement vulnérables.
À l'heure actuelle, les règles s'appliquant aux petites entreprises comportent un objectif politique différent des règles d'intégration. Elles ont été dérivées des règles d'intégration avec comme objectif premier de démontrer que les gouvernements appuyaient les petites entreprises et leur accordaient des taux d'imposition plus faibles, afin qu'elles puissent accumuler plus rapidement des bénéfices après impôt et, par conséquent, disposer de bénéfices non répartis après impôt susceptibles d'être investis dans la recherche, le développement, l'innovation, les immobilisations et l'expansion, et avec un peu de chance, pour leur permettre de sortir de la catégorie des petites entreprises.
Le problème est qu'au fur et à mesure que les taux d'imposition des petites entreprises ont commencé à diminuer, les experts de la planification financière et les conseillers financiers se sont soudainement rendu compte qu'il était inefficace au niveau fiscal pour les petites entreprises de verser à des membres de leur famille des salaires qui devaient respecter le critère du caractère raisonnable compris dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Ils ont commencé à encourager les gens à cesser de se verser des salaires à eux-mêmes, ce qui a signifié qu'ils ont cessé d'accumuler de l'assurance-emploi, des cotisations au Régime de pensions du Canada, des cotisations à un régime de pension agréé, des cotisations à un régime enregistré d'épargne-retraite et d'autres types d'avantages versés par les sociétés. Ils ont commencé à se verser des dividendes, comme principale source de revenu, ceux-ci n'étant pas imposables, et à se priver de la couverture de l'assurance-emploi, du RPC et des REER.
Ce secteur est devenu plus vulnérable par suite de l'effet combiné de l'accent mis par le gouvernement pendant plus de 25 ans sur la réduction de tous les taux d'imposition, ce qui a entraîné des inégalités entre les taux d'imposition des particuliers et les taux d'imposition des sociétés, qui se situent à des niveaux réellement très bas, non seulement au Canada, mais principalement au Canada, et la création d'une catégorie d'entrepreneurs qui sont maintenant, dans un sens, prisonniers de la planification fiscale dans laquelle ils ont investi. C'est donc dire que s'ils ne peuvent pas continuer à recevoir des dividendes libres d'impôt et à les fractionner, ils ne pourront pas récupérer les avantages perdus au chapitre de la sécurité du revenu, qu'ils auraient accumulés autrement au cours des dernières décennies.
Je qualifierais cela de crise.
Il s'agit d'une crise en particulier pour les nombreux membres des familles qui ont participé à l'ensemble de ce processus. Je parle des femmes, parce que ce sont les femmes qui ont été utilisées pour le versement de ces dividendes, afin de maintenir le flux de revenu nécessaire pour soutenir le niveau de vie de la famille. Tout cela a signifié que l'objectif des petites entreprises est devenu le maintien d'un mode de vie fondé sur un faible niveau d'imposition, et l'abandon de l'accent mis sur l'accumulation de revenus après impôt, en vue de commencer à économiser, à prendre de l'expansion et à innover.
Les répercussions sur les femmes sont, je crois, mesurables et importantes. En 2007, 20 % de tous les propriétaires de petites entreprises étaient des femmes. En 2014, cette proportion se situait à 15 %. Il s'agit d'une baisse considérable, à une époque où le gouvernement avait commencé à mettre l'accent de façon importante sur la participation plus grande des femmes aux activités entrepreneuriales et à accepter le fait que les emplois dans le secteur public, et les emplois en général, ne seraient plus aussi facilement accessibles pour les femmes que par le passé.
Les femmes sont particulièrement touchées. Il est statistiquement difficile de définir exactement la situation. Prenons l'exemple des femmes célibataires. Seulement 20 % de tous les dividendes au pays vont à des femmes célibataires, mais les femmes mariées se situent à près de 50-50. Il ne s'agit pas seulement des gens qui ont les niveaux les plus élevés de revenu. Je crois qu'il y a un effet pervers dans ce cas, à savoir que cela incite les femmes à abandonner des emplois donnant droit à l'assurance-emploi, au Régime de pensions du Canada, à des prestations de retraite, etc., y compris le congé de maternité notamment, et à mettre leurs efforts dans des entreprises gérées par leur famille, qui sont beaucoup moins capables d'assurer une sécurité de revenu que les systèmes d'État, qui sont beaucoup plus efficaces à ce chapitre.
Merci.
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La réponse est oui, il y a des avantages fiscaux rattachés au fait de se constituer en société. Cela permet principalement de différer l'impôt avec un taux sur le revenu d'entreprise plus bas, qui peut être entre 14,5 et 22 %, ou 26 %, selon les critères. En comparaison, un particulier a un taux progressif qui va atteindre son maximum autour de 200 000 $. Cela peut varier selon la province, mais ce taux peut atteindre 53 %. Donc, il y a un avantage à reporter à plus tard la deuxième partie de l'impôt.
L'autre avantage du système actuel est qu'il permet de diviser son revenu entre plusieurs têtes, ce qui est impossible de faire en tant qu'individu ou même en tant qu'individu entrepreneur. Ce dernier peut effectivement verser des salaires sans problème, mais il ne peut pas diviser le surplus. Le véhicule corporatif permet cela.
La Cour suprême a reconnu le fractionnement du revenu dans quelques causes, que ce soit l'affaire McClurg ou l'affaire Neuman. C'est donc légal. La seule qualité nécessaire pour recevoir un dividende, c'est le fait d'être un actionnaire. La Cour suprême a déterminé qu'il n'était pas nécessaire qu'il y ait une contribution.
Ainsi, un salarié qui gagne 200 000 $ par année, pour sa part, n'a aucune possibilité de diviser son revenu, par opposition à un entrepreneur constitué en société, qui, lui, en a la possibilité.
Voilà ma réponse.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos invités d'être parmi nous ce matin dans le cadre de ces discussions et travaux importants.
Je crois que nous pouvons nous entendre sur le fait que les notions d'équité et de justice doivent constituer le principe de base de notre système fiscal. Il est clair que, selon les mesures actuelles, les avantages ne sont pas les mêmes pour un salarié que pour une personne constituée en société ou une petite entreprise. On offre en effet à ces dernières des possibilités fiscales auxquelles n'ont pas accès les salariés.
Par ailleurs, tous ces petits entrepreneurs, qu'ils soient fermiers ou médecins, nous disent qu'ils comptent sur ces mesures depuis des années. Dans le cas des fermes ou des petits commerces de proximité, il se peut effectivement que les enfants aient contribué au succès de l'entreprise. Il est possible également, dans le cas des médecins, qu'on les ait un peu incités à se constituer en société parce qu'on n'avait pas l'argent nécessaire pour leur payer des augmentations de salaire. Il se peut aussi que de petits entrepreneurs n'aient pas accès à un régime de retraite et que l'investissement passif soit pour eux une manière de préparer l'avenir.
Monsieur Goulet, comme parlementaires dans notre rôle de législateur, comment devrions-nous trouver un équilibre entre ces deux pôles, à votre avis?
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C'est en effet un objectif difficile à atteindre. En réalité, la raison pour laquelle on instaure des taux d'imposition moins élevés dans une société, c'est pour permettre et faciliter le réinvestissement. D'après ce que je comprends, le gouvernement veut maintenant empêcher que les gens mettent de l'argent de côté en vue de financer divers régimes, comme vous l'avez si bien mentionné, plutôt que de le réinvestir.
Que faire dans ces conditions? Je ne le sais pas. Cependant, comme quelqu'un l'a mentionné, plutôt que d'appliquer les propositions à tout le monde, on pourrait probablement viser certaines activités. Il peut s'agir de professionnels qui ne génèrent pas d'activité économique compte tenu, par exemple, du nombre de personnes qui sont à leur emploi. On pourrait commencer par cela, plutôt que de viser tout le monde. Je dois dire que c'est assez large, pour le moment.
Je tiens aussi à rappeler que, parmi les trois catégories de mesures fiscales, ce n'est que dans celle-ci que rien n'est proposé. D'après ce que je comprends, une consultation est en cours. En revanche, des mesures sont proposées dans le cas du fractionnement du revenu et de la conversion des dividendes en gains en capital. Pour ces catégories de mesures, la table est mise, en quelque sorte. Dans le cas de cette catégorie de mesures, il y aurait probablement lieu de faire un peu de peaufinage et de procéder par étape.
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Je suis d'accord que le taux d'imposition des petites entreprises vise une chose, et une chose seulement, soit inciter le réinvestissement des bénéfices dans l'entreprise, si des bénéfices sont réalisés. Cela n'a jamais été pensé comme un régime d'épargne pour la retraite, même si c'est de cette façon que cela est utilisé. Cette utilisation a été autorisée, et les gens planifient en fonction de cela, ce qui crée de toute évidence un problème.
Nous avons déjà des régimes de retraite très généreux à l'extérieur de l'enveloppe des petites entreprises. Il s'agit des REER, des CELI. Ils comportent un ensemble distinct de règles. Ils ont aussi des limites particulières qui doivent être respectées. Lorsque des gens prennent leur retraite, il existe des règles de conversion en FEER, par exemple. Tous les autres Canadiens doivent se conformer à ces règles, qui sont plus restrictives que celles qui existent pour les petites entreprises.
En outre, dans le cas des petites entreprises, il y a beaucoup plus de souplesse en ce qui a trait aux sommes qui peuvent être investies. Ces entreprises n'ont pas à respecter les règles des FEER. Elles n'ont pas à respecter les limites de cotisation aux REER et aux CELI qui, à l'heure actuelle, se situent à un maximum de 31 000 $ par année. Il s'agit d'une somme importante d'argent économisé pour la retraite.
Seulement 12 % des employés du secteur privé ont un régime de retraite. Je suis donc heureux que les petites entreprises se préoccupent de la retraite, mais il ne s'agit pas uniquement d'un problème pour les petites entreprises, mais pour tous les Canadiens.
Je vais m'arrêter là.
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Le système de santé représente actuellement de 40 à 45 % des coûts. Heureusement, ce taux n'augmente plus et s'est stabilisé. Or ce pourcentage ne tient compte que des dépenses publiques. Si on ajoute à cela les avantages fiscaux associés à une constitution en société, cela donne des ressources financières énormes. Celles-ci ont augmenté de façon exponentielle au cours des dernières années.
C'est maintenant un choix politique. Cette question relève probablement davantage des provinces. Il faut se demander à quel endroit il faut investir pour obtenir le meilleur rendement des investissements dans le contexte du système des soins de santé.
Pour ce qui est des médecins, on entend parler de plusieurs avantages sociaux. Certains médecins préfèrent avoir des avantages sociaux plutôt que de se constituer en société.
On sait que la plupart des associations offrent un genre d'achat groupé d'avantages sociaux à des tarifs très bas, parce que cette population est relativement en santé. Elles ont plusieurs avantages sociaux, comme l'assurance-invalidité, l'assurance-incapacité, l'assurance-vie, et le reste.
Globalement, cela demeure un choix politique.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je souhaite la bienvenue à tous et à toutes.
[Traduction]
Lorsque cette discussion prendra fin, le 2 octobre, près de 75 jours se seront écoulés, et elle nous aura apporté plein de bonnes idées. De plus, l'équité fiscale faisait partie de notre programme, un thème que nous avons présenté, et c'est quelque chose qui doit être réglé. Nous tenons à éviter toute conséquence imprévue. Nous voulons nous assurer de faire les choses correctement. C'est pourquoi nous consultons, et que nous invitons toutes les personnes concernées à déposer leurs mémoires le moment venu.
Quand j'y pense, je réalise qu'il se passe plein de bonnes choses dans notre économie en ce moment. Nous avons un taux de chômage très faible, de nombreux bons emplois ont été créés, et cette année, nous allons diriger l'OCDE, nous avons donc des bases très solides. La réforme fiscale, ou l'équité fiscale est quelque chose que nous devons entreprendre.
J'ai une question, et je vais commencer par M. Goulet.
Monsieur Goulet, merci pour votre intervention. Comment pouvons-nous nous assurer que les entreprises privées et les sociétés privées qui génèrent des capitaux — et nous avons des taux d'imposition très faibles, ils génèrent donc beaucoup d'argent — réinjectent cet argent dans l'économie et que, par exemple, ce ne soit pas que des investissements passifs? On peut s'empêtrer au sujet de la définition d'investissements passifs, mais réinjectent-ils cet argent dans l'économie canadienne?
:
Merci, monsieur Goulet.
Maître Merrigan, les règles de l'IRF s'appliquent déjà — l'impôt des enfants mineurs, si vous voulez l'appeler ainsi — aux revenus, ce qui élargirait donc les règles de l'IRF aux dividendes. Si votre enfant — votre fils ou votre fille pour utiliser une meilleure terminologie — travaille à la ferme familiale, comme l'a mentionné le député du Nouveau-Brunswick avec tant d'éloquence... Nous aimons ces agriculteurs et nous voulons qu'ils produisent de la nourriture pour le Canada et que notre pays devienne un chef de file en matière d'agriculture dans le monde, ce qu'il est déjà d'ailleurs. Mais si votre enfant travaille toujours à la ferme familiale ou pour l'entreprise familiale, un restaurant peut-être, nous pouvons argumenter sur le caractère raisonnable et sur toute autre façon d'interpréter cela, mais supposons que nous puissions surmonter cet obstacle et que nous évitions ces conséquences imprévues, ce que nous faisons en fait, c'est simplement élargir les règles aux dividendes, où il n'y a pas de règles concernant les dividendes en ce moment, et où il existe un traitement fiscal préférentiel. Certains peuvent y voir un avantage, mais je ne vais pas faire usage de rhétorique ce matin. Je vais simplement dire qu'il y a un traitement fiscal préférentiel des dividendes pour cette cohorte de 18 à 24 ans par rapport à ce que l'on retrouve au niveau des revenus.
Est-ce juste, et n'est-ce pas quelque chose que nous pouvons réellement régler et qui est la bonne chose à régler, sans avoir à faire face à aucune conséquence imprévue telle que voir un agent de l'ARC débarquer à la ferme familiale et mentionner ce qui est permanent, ce qui est raisonnable et ainsi de suite, ceci dit?
Maître Merrigan et monsieur Macdonald. Madame Lahey, vous pouvez également vous joindre à la discussion.
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Oui, mais je vais vous amener dans une autre direction. L'une des conséquences de cette approche des règles de l'IRF est qu'un couple marié sera en mesure de diviser les revenus lors du divorce, et que la conjointe pourra être mieux rémunérée pour avoir contribué à l'entreprise.
Cela varie d'une province à l'autre. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, un critère tient compte des contributions du conjoint à la maison. Cette situation a des antécédents faisant partie de certaines théories juridiques féministes très solides. Ainsi, une épouse peut être rémunérée pour un travail véritable qui permet à l'homme de gagner de l'argent. Heureusement, nous en sommes au point où, par exemple, le mari d'une collègue espère rester à la maison et élever ses enfants lorsque le moment viendra. Mais vous serez plus en mesure de répartir le revenu et de diviser l'entreprise, avec moins de vérifications et avec plus de générosité, à la suite du divorce. Au Nouveau-Brunswick, la contribution à la maison est prise en compte. À Terre-Neuve, ce n'est pas le cas, alors le critère du caractère raisonnable appliqué à l'examen de votre contribution à l'entreprise ne tient pas compte des contributions à la maison. Il considère strictement les contributions à l'entreprise.
Par conséquent, vous allez mettre en place un système à deux vitesses et vous allez créer une incitation économique à la séparation de l'unité familiale afin d'atteindre... Est-ce que je pense que les gens vont le faire? Certains, oui — pas beaucoup, mais à l'aube d'une détresse économique, c'est quelque chose dont on tient compte.
Tout d'abord, je tiens à remercier M. Macdonald pour son étude. J'y ai fait allusion hier à propos de certains témoignages, alors merci. Il se peut que je sois à court de temps pour vous poser une question, mais je tiens à vous dire combien j'apprécie de pouvoir m'appuyer sur des données qui me permettront de me mettre à l'abri de beaux discours et d'histoires personnelles où il est question de telle ou telle femme d'affaires qu'on connaît. C'est le genre de témoignages que nous avons entendus, et j'apprécie donc beaucoup votre position.
Madame Lahey, j'apprécie vraiment votre témoignage. C'était presque une leçon d'histoire concernant l'origine des propositions et leurs objectifs. Vous avez défini une approche très intéressante, mais je pense qu'il existe des perceptions erronées ou peut-être que nous entendons ce que nous voulons bien entendre. Ce que j'entends, c'est que vous dites que le système a été utilisé de manière à vraiment encourager les femmes à rester à la maison et à recevoir des dividendes pour leur participation à l'entreprise familiale. J'ai noté ceci: « Encourager les femmes à quitter le système étatique qui est le plus efficace et à gagner un revenu à leur façon, d'une manière particulière, avec des congés de maternité, etc. »
Ensuite, j'entends les commentaires de Me Merrigan qui dit que les femmes devraient recevoir des contributions à la maison pendant que l'homme rapporte un revenu externe, pour ne pas favoriser la rupture de l'unité familiale. Je ne pense pas que votre intention était offensante, mais je considère cela comme une approche très offensante pour les femmes sur le marché du travail.
Madame Lahey, si je vous comprends bien, vous dites que le fonctionnement du système a en fait encouragé l'écart de revenu entre les sexes, et que nous ne devrions pas continuer à encourager cette disparité. Nous ne devrions pas continuer à faire en sorte que les hommes rapportent les revenus et que les femmes restent à la maison et bénéficient des miettes de la répartition des revenus. Ce que nous devrions faire, soit reconnaître que le système a été établi et qu'il y a des personnes qui en seront touchées — donc pourquoi ne sommes-nous pas rétroactifs, et c'est ce que le ministre a déclaré —, mais si on va de l'avant, nous ne devrions pas favoriser un système dans lequel les femmes gagnent 28 % moins que les hommes.
Ai-je clarifié l'inégalité dans le système actuel et pourquoi, si on va de l'avant, ne devrions-nous pas continuer dans cette voie?
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Oui, c'est vrai. Je pense que c'est un bon résumé. Le problème fondamental auquel sont confrontées les femmes au Canada est qu'elles n'ont pas pu combler l'un des plus grands écarts de revenus de l'OCDE. Le principal obstacle est vraiment cette insistance voulant que tout le monde doive élever ses propres enfants, personnellement et en privé, et pendant de nombreuses années, ce qui nuit toujours aux capacités de gain à long terme des femmes.
Quand vous ajoutez à tout cela un système conçu pour considérer les entreprises familiales comme reproductibles et en fonction des rôles historiques masculins et féminins traditionnels dans la famille, indépendamment du genre et de l'orientation sexuelle des personnes concernées, cela incite au désengagement des systèmes de soutien qui existent.
Par exemple, si son revenu de retraite provient des dividendes de la société, une femme n'aura pas droit au SRG si le revenu est faible, ni à la SV, car son admissibilité sera compromise par les dividendes perçus qui, dans certains cas, ne seront peut-être même pas leur source de revenus. C'est l'autre problème.
La situation du divorce et de la séparation est tout à fait différente, car tout conjoint accumule des droits équitables sur les biens qui se retrouvent dans le patrimoine matrimonial. C'est une situation qui peut sembler un peu inconfortable considérant ce dont nous parlons ici, parce qu'il y a des secteurs de l'économie plus traditionnels que d'autres. L'un d'entre eux est l'agriculture; un autre pourrait être la pêche. Je pense qu'il est important d'obtenir le type de données nécessaires pour examiner cette situation. Les données concernant la position des femmes dans l'économie ont été durement touchées au cours des 20 dernières années. Ce n'est plus ce que c'était. Il faut les soutenir et donner plus d'informations sur la situation économique des femmes doivent être intégrées à cette discussion.
On peut aller de l'avant, mais il faut accorder une grande attention aux situations différentes dans lesquelles les gens se trouvent. Je parle également de personnes qui n'ont peut-être pas une carrière professionnelle très rémunérée, des personnes travaillent peut-être plus dans le commerce parce qu'elles ne peuvent pas être salariées et qui sont donc de facto dirigeantes d'entreprise. On les a peut-être convaincues de former une société en pensant ainsi améliorer leur sort, mais elles doivent retirer tout ce qu'elles gagnent parce qu'elles ne peuvent vivre de leurs profits.
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Merci à tous d'être ici.
Monsieur Lovell, je respecte tout à fait le travail que vous faites. Vous préféreriez sûrement gérer votre entreprise plutôt que d'être ici devant le Comité permanent des finances et d'avoir à vous adresser à nous tous.
Nous avons entendu le gouvernement répéter à maintes reprises que ces changements ne sont pas rétroactifs, et nous avons entendu des experts de la Fondation canadienne de fiscalité dire le contraire. Leur propre proposition est rétroactive. C'est rétroactif au niveau des successions et pour ceux qui tentent de transférer la ferme familiale, en particulier d'une génération à l'autre.
Dans le cadre de l'exploitation de votre entreprise, quand vous planifiez pour l'avenir, vous parlez bien sûr à d'autres agriculteurs de votre région, à des gens du même secteur, à des familles qui sont en affaires depuis des générations. Que vous disent-ils? Les Néo-Brunswickois qui oeuvrent dans ce type d'entreprise, qui planifient pour l'avenir avec leurs enfants, avec leurs familles, que pensent-ils de ces changements?
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Ils sont bouleversés. Ils ont peur. Près de chez moi, il y a une ferme qui est exploitée depuis sept générations. Les premières concessions de terres ont eu lieu en 1784. Pourquoi cette ferme aurait-elle une valeur moindre, ou pourquoi le gouvernement exigerait-il moins d'impôts si le fermier me vend sa terre à moi, qui ne suis pas un membre de la famille, que si ce sont ses propres enfants qui prennent la relève?
En ce qui concerne les transferts d'exploitations agricoles, il ne faut pas oublier que l'agriculture est un mode de vie. C'est un choix de vie. Je suis une exception dans ce milieu. Je n'ai pas été élevé dans une famille d'agriculteurs. Mon père travaillait chez Sears. Il est d'ailleurs en train de perdre sa pension. Pour moi, ce lien avec la terre revêt une très grande importance, parce qu'il est rare qu'une personne qui n'a pas grandi sur une ferme décide de se lancer dans l'exploitation agricole. Cela n'arrivera plus. La moyenne d'âge des exploitants agricoles oscille entre 52 et 55 ans. Si la relève se fait attendre, que se passera-t-il dans une dizaine d'années quand un agriculteur voudra prendre sa retraite si sa ferme fait l'objet d'une double imposition? De deux choses l'une: elle sera achetée par une société étrangère — dans les Prairies, beaucoup de fermes appartiennent déjà à des intérêts étrangers — ou bien les terres agricoles seront laissées à l'abandon.
À titre d'information, le Canada compte 167 millions d'acres de terres agricoles; selon les données du dernier recensement, chaque acre générait 646 $ par année. Si la superficie moyenne d'une exploitation agricole est de 728 acres, cela signifie que chacune de ces exploitations génère annuellement 470 000 $ en contribution au PIB. Que se passera-t-il si nous perdons ce revenu? Quel est le plan?
Le Nouveau-Brunswick compte 117 000 acres de terres agricoles non exploitées. Si nous appliquons ces chiffres, nous constatons qu'il manque 75,5 millions de $ par année au PIB de la province parce que, dans le passé, ces fermes n'ont pas été cédées à la relève et qu'elles sont actuellement inexploitées. Est-ce une bonne chose pour les Canadiens? Pour la société?
Je ne comprends pas.
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Merci de votre question.
Comme je l'expliquais, nous entendons moins parler de la troisième catégorie de mesures parce qu'elles visent à bloquer des planifications fiscales agressives. On propose de modifier l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu et de créer l'article 246.1, qui est une règle anti-dépouillement des surplus. Cela va couvrir les planifications fiscales agressives au sujet desquelles on a perdu devant les tribunaux. Quand je dis « on », je parle du gouvernement. Pardon, j'ai encore des réflexes qui me viennent de mon passage à l'Agence. Or la portée de ces modifications est un peu large.
La modification de l'article 84.1 va venir tuer une planification qui était utilisée, que nous appelions la transaction de type pipeline, et qui permettait d'éviter une double imposition dans le cas d'un entrepreneur décédé. À son décès, une personne est réputée avoir disposé de ses biens. L'actionnaire décédé a donc un gain en capital sur ses actions, et la succession se retrouve avec des actions. Maintenant, si on décidait de liquider une société, on se retrouverait avec un dividende. Il y aurait donc deux impositions potentielles. Il y aurait des façons de corriger cela, de peaufiner la Loi pour réussir à bloquer les transactions indésirables, tout en prévoyant des mesures pour éviter de créer une double imposition lors du décès.
En ce qui concerne l'article 246.1 proposé, c'est une règle très large qui s'applique en date du 18 juillet 2017 sur les dividendes versés. Peut-être que des transactions qui ont été effectuées avant le 18 juillet au sein d'une société et qui ont généré du gain en capital faisaient partie d'une planification fiscale et ont été faites de bonne foi. Cependant, à présent, les gens se font attraper pour avoir contrevenu à cette règle. Il y aurait peut-être lieu d'adopter une règle transitoire pour couvrir ces situations.
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Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie également les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Merci beaucoup pour vos témoignages.
Je tiens à réaffirmer très clairement que notre gouvernement reconnaît le caractère distinct des exploitations agricoles et leur accorde une place très spéciale, de même qu'à toutes les familles qui se consacrent à l'agriculture. Mon père est agriculteur et mon grand-père possédait, lui aussi, une ferme au Pendjab; je suis donc bien placé pour savoir que l'exploitation d'une ferme exige beaucoup de travail. Nous allons vraiment concentrer nos efforts, et nous entendons beaucoup de commentaires dans ce sens de la part d'agriculteurs, pour nous assurer que les propositions fiscales n'auront aucun effet pervers inattendu. Merci pour votre témoignage. Nous apprécions grandement vos commentaires.
Mes prochaines questions s'adressent à James.
Je vous remercie grandement pour le témoignage que vous avez livré aujourd'hui. Vous avez beaucoup parlé de répartition du revenu et d'injustice. Compte tenu de toutes les idées fausses qui circulent, je tiens à rappeler qu'il s'agit seulement d'une proposition. Le but de l'exercice, c'est de consulter les Canadiens et les experts, de connaître leur opinion et de revenir à la table pour rédiger une bonne politique permettant d'atteindre un meilleur équilibre dans la Loi de l'impôt sur le revenu.
Ne pensez-vous pas, à l'instar de M. Macdonald, qu'il sera possible de continuer de répartir un revenu parmi les membres d'une famille, à condition de pouvoir démontrer qu'ils contribuent à l'entreprise?
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C'est une façon originale de voir les choses. J'investis dans des fonds communs. Je détiens des actions dans Coca-Cola. Même si je n'ai jamais mis les pieds dans cette entreprise, j'ai droit à des dividendes parce que je détiens des actions. Là où c'est vraiment justifié, c'est lorsque des familles investissent dans des entreprises familiales.
Parmi mes clients, j'ai deux frères. Ils ont tous deux investi dans une compagnie. L'un d'eux était très intéressé à la gérer, l'autre pas vraiment. Il y a 10 ou 15 ans, ce dernier a cessé toute activité dans l'entreprise. Il détient la moitié des actions et touche des dividendes.
Les nouvelles règles relatives à l'impôt sur le revenu fractionné auront deux conséquences sur eux, ce qui les inquiète grandement. Le frère inactif touche des dividendes depuis une douzaine d'années, un montant équivalant à celui que touche son frère, puisqu'ils détiennent chacun la moitié des actions. Ce cas de figure servira désormais, en vertu des règles sur le caractère raisonnable, à démontrer que le frère inactif a été indemnisé de manière déraisonnable dans le passé; c'est là l'un des trois volets du critère de raisonnabilité. Deuxièmement, il n'a pas travaillé pour l'entreprise. Troisièmement, comme le capital initial qu'ils ont tous deux versé est plutôt modeste, sa contribution n'est donc pas élevée — certainement pas supérieure à celle de son frère. Il a détenu la moitié des actions de cette entreprise durant une longue période et, en vertu des nouvelles règles, il sera imposé comme s'il gagnait 220 000 $ par année sur tout dividende qu'il touche. Pourtant, rien n'a changé dans l'entreprise.
S'il était un actionnaire sans lien de parenté, il ne serait pas du tout touché par ces règles. Le fait est que des familles créent des entreprises dans lesquelles les membres jouent différents rôles et fonctionnent exactement comme des personnes sans lien de parenté. Or, voilà qu'en vertu de ces nouvelles règles, ces entreprises familiales seront traitées de manière très différente. Ces règles auront comme effet de décourager les familles à investir dans une entreprise familiale.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour à tous. Je remercie le Comité pour son invitation à participer au débat dans le cadre des consultations menées par le gouvernement relativement à l'examen de la planification fiscale au moyen de sociétés privées.
Je suis le premier vice-président de la Fédération canadienne des épiciers indépendants, mais je m'adresse à vous aujourd'hui en ma qualité de président de la Coalition des petites entreprises, un groupe d'associations commerciales évoluant dans une vaste gamme de secteurs. Au total, nous représentons quelque 180 000 entreprises. Nous sommes maintenant la plus nombreuse coalition du Canada.
Depuis quelques semaines, la proposition dont nous discutons aujourd'hui suscite beaucoup de bruit et d'agitation dans divers milieux notamment parce que le régime actuel ne donne peut-être pas les résultats attendus.
Notre coalition a pris bonne note de la promesse faite par le Parti libéral durant la dernière campagne électorale d'abaisser, s'il était élu, le taux d'imposition des petites entreprises à 9 %, tout en s'assurant que statut de société privée sous contrôle canadien ne soit pas utilisé pour réduire les obligations fiscales des particuliers à revenu élevé, et qu'il serve plutôt à soutenir les petites entreprises.
Durant la campagne électorale, notre coalition a appuyé cet objectif qui est, je pense, réitéré dans la lettre de mandat adressée à la qui a été rendue publique.
Avant de venir ici aujourd'hui, j'ai fait une revue de presse et je n'ai rien décelé qui ressemble au bruit et à l'agitation que nous voyons ici aujourd'hui. Comme nous l'avons dit à la ministre, nous avons réitéré notre soutien au principe qui sous-tend cet examen, un examen qui vise, si nous avons bien compris, à analyser divers moyens pour s'assurer que le régime actuel soit équitable et plus transparent et qu'il soit utilisé par de véritables petites entreprises aux fins voulues.
Nous avons également dit à la ministre, à ses prédécesseurs ainsi qu'aux membres de ce comité, comme l'ont fait d'autres intervenants du milieu des affaires, que le système de paiement par cartes doit être plus équitable et plus transparent. Actuellement, de petites entreprises sont désavantagées par rapport à la concurrence parce que les frais d'interchange des cartes de crédit sont outrageusement élevés, totalisant des milliards de dollars. L'idée que vous puissiez promouvoir ces principes dans un domaine et pas dans l'autre me laisse perplexe.
Je ne veux pas dire, et ma coalition non plus, qu'il n'est pas possible d'apporter quelques modifications aux propositions contenues dans le document de consultation. Je m'attends à ce que le gouvernement apporte des changements en fonction des commentaires qu'il aura reçus. Il doit nous démontrer clairement qu'il nous a entendus durant la période de consultations. Nous n'avons encore vu aucune disposition sur la question la plus litigieuse, le revenu passif, ni obtenu d'information concrète sur la manière dont il a l'intention de procéder.
Le moment venu, nous ferons connaître notre opinion, mais dans le cadre de cet examen, pourquoi ne pas appliquer le principe d'équité et de transparence à la répartition du revenu, par exemple. Il s'agit d'une mesure extrêmement importante qui vise à indemniser les membres d'une famille qui apportent une contribution raisonnable à l'entreprise. Nous espérons collaborer avec le gouvernement à la définition de ces termes. La répartition du revenu ne doit pas être utilisée par les professionnels indépendants à revenu élevé comme un moyen de se soustraire à l'impôt, en répartissant leur revenu entre les membres de leur famille qui n'ont pas un lien raisonnable avec l'entreprise.
Je connais des gens qui profitent de cette stratégie de planification fiscale, mais comme je leur ai respectueusement fait savoir, nous pensons que l'argent qu'ils touchent devrait plutôt servir à réduire l'impôt des petites entreprises. Nonobstant le fait que Canada est le pays du G7 qui affiche le plus bas taux d'imposition des petites entreprises, nos petites entreprises ont des défis particuliers à relever en matière de coûts. En plus d'investir dans leurs installations, d'embaucher du personnel local, d'acheter des produits locaux et d'être l'épine dorsale des collectivités de l'ensemble du pays, nos membres doivent composer avec les hausses vertigineuses des coûts énergétiques, des frais de cartes de crédit toujours plus élevés que ceux imposés aux grandes chaînes d'entreprises, la popularité croissante des achats en ligne et, dans certaines provinces, les hausses vertigineuses du salaire minimum, sans parler de l'augmentation d'une myriade d'autres frais, dépenses et primes.
Tous ces coûts ont un impact disproportionné sur les petites entreprises. Les gouvernements oublient trop souvent ce contexte lorsqu'ils établissent le taux d'imposition des petites entreprises. Les trois ordres de gouvernement doivent se montrer plus sensibles à l'impact cumulatif de ces coûts, quel que soit celui qui en est responsable.
Parallèlement, le milieu des affaires doit faire preuve de cohérence lorsqu'il exhorte le gouvernement à être plus équitable et plus transparent dans d'autres domaines. Nous devons nous assurer que le système fiscal continue à soutenir la capacité des petites entreprises à investir, embaucher davantage, s'approvisionner au Canada et prendre de l'essor. Si l'examen en cours permet au Canada d'aller dans cette direction, notre coalition le soutiendra.
S'il y a un message que je souhaite transmettre au Comité aujourd'hui, c'est que les acteurs du milieu des affaires ne vont pas déchirer leur chemise durant cette consultation. Nos membres comprennent les principes sur lesquels porte cet examen. Nous avons le sentiment d'être entendus et, à en juger par l'ouverture que nous avons perçue autant de la part de la que du , pour ne nommer que ceux-là, et par l'accueil qu'ils nous ont réservé — c'est tout ce dont je peux parler —, nous sommes confiants que le gouvernement prendra des mesures pour s'assurer que ces propositions n'entraîneront pas de conséquences perverses.
Et je répète que nous souhaitons une réduction plus importante du taux d'imposition des petites entreprises.
Je vous remercie.
À titre d'information pour les membres du Comité, le groupe Producteurs laitiers canadiens figure sur la liste des témoins. Le représentant, M. Dykstra, devait prendre un vol à partir de Toronto, mais celui-ci a été annulé. On a en main son mémoire qui sera traduit et présenté aux membres du Comité.
Le représentant, M. Lammam, de l'Institut Fraser, qui est à Vancouver, était censé participer à une vidéoconférence, mais il y a eu un problème, alors il écoute la discussion et il présentera son exposé par téléconférence.
Nous allons céder la parole à M. Roberts qui représente le Congrès du travail du Canada.
Vous avez la parole, monsieur Roberts.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je vous remercie de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis ici au nom du Congrès du travail du Canada.
Le CTC est la centrale syndicale la plus importante du Canada. Il s'exprime sur les enjeux nationaux au nom de 3,3 millions de travailleurs au Canada et regroupe des syndicats sur la scène nationale et internationale, des fédérations syndicales des provinces et des territoires et plus de 100 conseils de travail de district partout au pays.
Je suis le directeur des politiques sociales et économiques du CTC, mais je ne suis pas un spécialiste fiscal. Je suis ici cet avant-midi pour exprimer l'appui du CTC aux mesures du gouvernement pour gérer la planification fiscale au moyen de sociétés privées sous contrôle canadien.
Le CTC appuie le plan du gouvernement fédéral visant à éliminer les échappatoires fiscales pour les personnes gagnant un revenu très élevé. Selon nous, cette proposition fiscale représente un premier pas important vers l'atteinte d'une plus grande équité du régime fiscal canadien. Les règles fiscales actuelles visant les SPCC permettent aux personnes qui gagnent 300 000 $ de payer encore moins d'impôts que le revenu annuel moyen d'un travailleur canadien et c'est fondamentalement injuste. Tout indique que les avantages d'un traitement fiscal préférentiel pour les SPCC s'accumulent de façon disproportionnée au profit d'un groupe privilégié de familles dont le revenu est élevé.
Selon le ministère des Finances, les deux tiers des 0,01 % des personnes aux revenus les plus élevés détiennent une SPCC. Une étude publiée par le professeur Michael Wolfson indique que plus de 70 % des personnes faisant partie du palier supérieur des 0,01 % dont les revenus étaient de plus de 2,3 millions de dollars détenaient une SPCC et presque la moitié des personnes dans le palier supérieur des 1 % en faisaient partie. Par comparaison, moins de 5 % des déclarants au palier inférieur de 50 % de l'échelle de revenus détenaient une société privée de ce genre. Ces chiffres remontent à 2011. Parmi les 90 % des salariés les moins bien rémunérés, moins de 10 % détenaient une SPCC. De plus, une partie de ces personnes détenant des actions dans une SPCC serait les conjoints à faible revenu de personnes à revenu élevé et il s'agirait donc de familles qui gagnent un revenu élevé.
Je tiens à préciser que ces possibilités de planification fiscale ne sont généralement pas accessibles aux travailleurs. La constitution d'une société représente un processus complexe qui engendre des coûts élevés, en particulier lorsqu'une seule personne crée de multiples SPCC. La capacité de tirer profit de façon disproportionnée des avantages fiscaux de la constitution d'une société augmente lorsque les revenus sont plus élevés.
Le nombre de SPCC a augmenté de 600 000 au cours de la dernière décennie et demie et il s'agit d'une hausse de 50 %. Ce genre de planification fiscale entraîne des coûts pour le gouvernement fédéral d'environ 500 millions de dollars par année ou plus.
L'impôt des contribuables sert à financer les services essentiels sur lesquels nous comptons tous, de la sécurité physique à la salubrité des aliments en passant par les soins de santé, l'éducation et les secours offerts aux sinistrés. Les Canadiens s'attendent à ce que tout le monde paie sa juste part. À l'heure actuelle, notre régime fiscal récompense généreusement les personnes qui assument un risque commercial. Le Canada offre le taux d'imposition le moins élevé pour les petites entreprises parmi les pays du G7 et KPMG précise que le Canada représente le pays le plus concurrentiel sur le plan fiscal pour les entreprises à l'échelle mondiale. Un traitement fiscal préférentiel pour les SPCC permet aux gens de réinvestir dans leur entreprise à un taux réduit d'imposition et les propriétaires d'entreprises sont en mesure de réclamer des déductions fiscales sur les dépenses de leur entreprise.
Nous appuyons donc les mesures prévues par le gouvernement pour gérer la planification fiscale au moyen de sociétés privées, mais, selon nous, il faut aller plus loin. Après une décennie et demie d'importantes réductions de l'impôt des sociétés à l'échelle fédérale et provinciale et de l'application de conditions de plus en plus favorables pour les petites entreprises, nous devons nous assurer que les grands propriétaires et sociétés paient également leur juste part, ce qui se traduirait par l'adoption de mesures plus vigoureuses contre les paradis fiscaux et l'évasion fiscale des sociétés.
Il s'agirait notamment d'éliminer les échappatoires fiscales régressives et inefficaces par l'annulation des déductions pour options d'achat d'actions; l'annulation des déductions pour actions accréditives; la prise en compte intégrale des gains en capital sur le revenu imposable; l'imposition des entreprises étrangères qui font du commerce électronique afin d'égaliser les chances pour les fournisseurs canadiens; l'augmentation de l'impôt des banques et des institutions financières, qui ont bénéficié d'énormes profits grâce aux réductions de l'impôt des sociétés au cours de la dernière décennie et demie; la mise sur pied d'une mesure de l'impôt sur la fortune et l'adoption de mesures fiscales plus progressives.
En conclusion, nous espérons que le budget de 2018 et les projets législatifs du gouvernement qui découlent de cet exercice de consultation permettront de lutter contre certains des congés fiscaux les plus régressifs et inutiles ainsi que les possibilités de planification fiscale au moyen des sociétés privées, les faveurs fiscales qui profitent de façon disproportionnée à un petit groupe de gens aux revenus élevés et ne sont pas accessibles à la grande majorité des salariés de ce pays.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
L'AMC et ses 85 000 membres sont fiers de donner le pouvoir aux patients et de collaborer avec eux en plus de fournir des soins de santé de la plus haute qualité à la population canadienne.
[Français]
Comme beaucoup d'autres organisations représentant les petites entreprises au Canada, l'AMC demeure grandement préoccupée par l'ampleur des modifications proposées et la période prévue pour évaluer en détail l'effet des propositions. Nous croyons que la consultation de 75 jours ne suffit pas, compte tenu de l'envergure des modifications proposées à une structure qui existe depuis 45 ans.
Je voudrais aborder trois grandes questions qui exposent les conséquences inattendues de la proposition fiscale telle que présentée.
Premièrement, qu'en est-il de la promotion de la santé de l'économie?
Vous avez entendu la Coalition pour l'équité fiscale envers les PME affirmer que les petites et moyennes entreprises sont les locomotives économiques du Canada. Ce qualificatif s'applique aussi aux cabinets de médecins, car ils génèrent des activités économiques importantes, tout en fournissant des soins médicaux essentiels aux communautés qui composent notre grand pays.
Il devient impérieux de maintenir les conditions nécessaires pour appuyer la réussite soutenue des cabinets de médecins lorsque la croissance de l'économie et de la prestation des services essentiels sont prises en compte.
Voici quelques faits à ce sujet. En 2016, par exemple, le produit intérieur brut généré directement par les cabinets de médecins au Canada a atteint 22,3 milliards de dollars. Les professionnels de la médecine ont payé 6,2 milliards de dollars en salaires et employé 137 000 personnes. Les cabinets de médecins ont généré 643 millions de dollars en recettes fiscales dans les coffres du gouvernement.
Les propositions fiscales à l'étude obligent les médecins dont la pratique est constituée en société, comme tout entrepreneur, à rajuster leur modèle d'affaires. Ce rajustement aura des conséquences inattendues en entraînant une diminution de l'empreinte économique des cabinets des médecins et en limitant potentiellement les services à la population canadienne.
Deuxièmement, pourquoi la constitution en société est-elle logique pour tant de médecins au Canada?
La majorité des médecins, c'est-à-dire 66 %, soit un total de 54 000 médecins, possèdent et exploitent une société privée qui constitue la structure soutenant la viabilité de leur cabinet en fournissant un accès à des fonds de roulement. Les médecins comptent sur les fonds de roulement pour investir dans leur cabinet, ce qui inclut l'achat de matériel, la modernisation des salles d'examen, l'implantation des dossiers médicaux électroniques et bien d'autres investissements cliniques. Le fonds de roulement est aussi essentiel lorsque les médecins cherchent à offrir plus de services pour répondre aux besoins croissants en soins de santé pour la communauté.
La structure peut rendre aussi les fonds disponibles pour compenser les congés de maternité, les congés de maladie, les congés parentaux et le roulement du personnel, ainsi que pour épargner en vue de la retraite.
En tant qu'organe d'affaires légitime pour les médecins qui a été approuvé et encouragé par les gouvernements qui se sont succédé, la constitution en société comporte des risques et des avantages qui sont bien établis.
Enfin, pourquoi faut-il prendre à ce moment-ci la bonne décision? C'est la dernière question et la plus importante.
Les cabinets de médecins jouent un rôle essentiel en offrant aux Canadiens l'accès à des soins médicaux partout dans notre vaste pays. Toute modification du régime fiscal en vigueur peut avoir des conséquences inattendues en forçant les propriétaires de cabinets de médecins à réduire leurs activités et en étouffant l'expansion des services médicaux des plus nécessaires.
[Traduction]
Nous avons l'occasion de bien faire les choses et les Canadiens comptent sur nous. Les propositions annoncées en juillet ont de lourdes retombées et des conséquences imprévues. Nous exhortons donc le gouvernement à entreprendre un examen complet du régime fiscal en tenant compte, comme principal facteur de changement, la question d'équité. Un régime fiscal équitable répond aux besoins des contribuables qui assument divers niveaux de risque et permet d'être suffisamment souple pour permettre aux propriétaires de petites entreprises, ce qui comprend les médecins dans l'exercice de leur pratique, de gérer leurs activités dans diverses circonstances.
Enfin, l'équité exige également que, si l'on prévoit éliminer ou grandement rajuster les dispositions sur le filet de sécurité autofinancé dans le nouveau régime fiscal, d'autres véhicules doivent viser des mesures de planification ou non. Dans notre mémoire présenté au gouvernement, l'AMC demande de suspendre la proposition afin de permettre la tenue d'un examen complet d'un régime fiscal qui mobilise l'ensemble de la population canadienne et tient compte des aspects propres à chaque secteur.
Je répondrai volontiers aux questions que vous pourriez me poser.
Merci.
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Je vous remercie, monsieur le président et membres du Comité, de me donner l'occasion de vous partager mes réflexions sur la proposition du gouvernement fédéral au sujet des changements fiscaux qui toucheront les sociétés privées. J'espère que mes commentaires vous seront utiles et vous éclaireront au moment de délibérer sur cet important enjeu de politique publique.
Je suis directeur des études fiscales à l'Institut Fraser qui représente un groupe de réflexion indépendant et non partisan sur les politiques économiques. L'Institut a pour mission de mesurer les incidences des politiques du gouvernement et d'informer à large échelle les Canadiens sur la façon dont ces politiques touchent leur vie et celle des futures générations. Les commentaires que je vais exprimer aujourd'hui sont le fruit de mes propres opinions et observations. Ils ne traduisent pas nécessairement le point de vue d'autres membres du personnel, de chercheurs affiliés ou des membres de notre conseil d'administration.
Puisque les membres du Comité ont déjà été bien informés des aspects techniques des changements proposés par le gouvernement, je vais me concentrer sur certains points sur lesquels, à mon avis, le débat public ne s'est pas suffisamment attardé.
Tout d'abord, je tiens à féliciter le gouvernement qui a décidé d'entreprendre un examen du code fiscal. Le régime d'impôt sur le revenu des particuliers du Canada est devenu de plus en plus complexe et non concurrentiel au fil des ans, alors l'objectif de la réforme est digne de mention. L'Institut Fraser a publié des études sur la complexité accrue du régime fiscal et l'occasion pour le gouvernement fédéral de grandement simplifier ce régime tout en promulguant la croissance économique. Cette mesure fait largement suite aux changements fiscaux apportés par le gouvernement précédent, qui avait tendance à accentuer la complexité du régime sans apporter de nette amélioration en matière d'efficacité. Dans le cadre de l'examen actuel, le gouvernement a bien relevé les lacunes de notre régime fiscal, notamment la kyrielle des soi-disant crédits d'impôt ultraciblés et il s'agit de congés fiscaux inefficaces sur le plan économique visant certains groupes et particuliers. De plus, il a relevé comme autre problème les mesures de planification fiscale grâce au recours aux sociétés privées.
Cependant, la meilleure façon de décrire les politiques mises en oeuvre à ce jour par le gouvernement fédéral actuel, dont l'élimination de plusieurs crédits d'impôt ainsi que les changements proposés à l'imposition des sociétés privées, c'est qu'il s'agit d'une approche fragmentaire qui est loin d'être satisfaisante par rapport au genre de réforme fiscale globale dont le Canada a maintenant besoin. Il s'agit là d'une occasion manquée.
La façon dont le gouvernement prévoit se servir des revenus escomptés par l'abolition de mesures fiscales préférentielles représente une lacune importante de l'approche du gouvernement concernant ces changements fiscaux. L'approche normale en matière de réforme fiscale, comme ce fut le cas pour la grande réforme canadienne de l'impôt sur le revenu des particuliers en 1987, consiste à utiliser les revenus découlant de l'abolition des mesures fiscales préférentielles afin de réduire largement les taux marginaux d'imposition. Pour ce faire, le gouvernement abolirait les privilèges spéciaux pour certains groupes tout en réduisant les taux d'imposition pour tous, ce qui permettrait d'améliorer l'environnement économique pour les travailleurs, les propriétaires d'entreprises, les entrepreneurs et les investisseurs. Le gouvernement fédéral prévoit plutôt conserver tous les nouveaux revenus. Il s'agit là d'une tendance du gouvernement actuel puisqu'il a éliminé plusieurs crédits d'impôt et d'autres privilèges spéciaux intégrés au régime fiscal sans utiliser les revenus obtenus pour réduire largement les taux d'imposition de valeur équivalente.
Lorsqu'il est question des changements fiscaux proposés pour les sociétés privées, il faut comprendre la raison pour laquelle une personne opte tout d'abord pour une planification fiscale par le recours à de tels véhicules, car cette pratique comporte des coûts élevés. Les propriétaires d'entreprises, y compris les professionnels, doivent débourser beaucoup d'argent pour retenir les services de comptables et d'avocats afin de recourir aux options prévues dans le code fiscal. Ces dépenses sont justifiées pour la simple et bonne raison que les coûts engagés sont moindres par rapport aux bénéfices obtenus grâce à une nette réduction des taux d'imposition effectifs. Les économies d'impôt sont attribuables aux écarts importants entre les différents niveaux et types de revenus.
En outre, un professionnel peut transférer ses revenus à un conjoint ayant de moindres revenus ou même à un enfant à charge sans revenu. Si un professionnel peut profiter de cet avantage, les gains découlant des moindres taux d'imposition peuvent être significatifs. Présumons qu'un médecin, qui est assujetti au taux d'imposition fédéral le plus élevé de 33 %, peut transférer son revenu à un conjoint qui travaille seulement à temps partiel et qui paie de l'impôt sur le revenu au taux fédéral le moins élevé de 15 %. Il s'agit d'une réduction de plus de 50 % du taux d'imposition marginal par le transfert de revenu entre conjoints. Le gain est encore plus élevé si le revenu est transféré à un enfant à charge sans revenu.
Ces différences d'imposition justifient la raison pour laquelle les gens recherchent ce genre de stratégies. Si le gouvernement réduisait les écarts entre les taux d'imposition, il contribuerait à amoindrir tout d'abord les incitatifs qui en découlent, soit les bénéfices, d'une telle planification fiscale. Le gouvernement actuel a plutôt élargi cet écart en majorant le taux d'imposition fédéral le plus élevé qui est passé de 29 % à 33 %.
En creusant l'écart fiscal, le gouvernement fédéral, ainsi que plusieurs provinces, ont accentué involontairement l'incitatif pour les professionnels admissibles et les propriétaires d'entreprises d'exploiter ces stratégies. Les nouvelles règles ne permettront pas à elles seules d'éliminer ou d'atténuer l'utilisation de ces stratégies, selon la mesure actuelle proposée par le gouvernement, et ne contribueront pas à régler le problème sous-jacent. Elles inciteront simplement les comptables et les avocats à trouver de nouvelles façons de contourner les nouvelles règles pour leurs clients. La solution consiste à éliminer de façon simultanée ou du moins à réduire de façon significative les écarts entre les taux d'imposition présents dans le régime actuel. Cette solution permettra ainsi de réduire les incitatifs relatifs à la planification fiscale.
Pour conclure, j'ai deux sujets à vous présenter.
La proposition du gouvernement risque de compliquer encore davantage le régime fiscal sans régler le problème fondamental. Un incitatif demeure, à savoir que les Canadiens continueront à assumer les coûts imposés par les comptables pour leur permettre de recourir à des mesures de planification fiscale, mais les coûts d'administration et de conformité augmenteront alors que l'Agence du revenu du Canada jouera un plus grand rôle afin de faire appliquer les nouvelles règles proposées.
Pour terminer, je veux m'attarder sur les signaux négatifs que le gouvernement envoie aux entrepreneurs et aux investisseurs dans ses produits de communication auprès du public au sujet des changements proposés à l'imposition des petites entreprises. En outre, au cours d'une entrevue télévisée à l'échelle nationale, le ministre des Finances a utilisé l'expression « lutter contre » pour décrire l'approche de son gouvernement pour prélever d'autres impôts auprès des professionnels ayant constitué une société et des gens riches. Ce niveau de langage signale au monde entier que le Canada est un endroit peu propice à faire des affaires, ce qui mine la capacité de notre pays à attirer des investissements, et il s'agit là d'un ingrédient clé pour assurer la croissance économique et l'innovation. Heureusement, de précédents gouvernements libéraux sur la scène fédérale ont adopté des réformes fiscales positives, qu'il s'agisse de la mise sur pied d'un comité technique sur l'imposition des sociétés et l'application de nombreuses recommandations du comité ou bien encore de l'expansion des droits de cotisation à un REER ou la diminution du taux d'inclusion de l'imposition des gains en capital. D'ailleurs, la réforme fiscale favorable à la croissance est une question non partisane.
Je vous remercie et cela conclut ma déclaration préliminaire sur cette question.
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Je vous remercie, monsieur le président et membres du Comité. Je tiens à vous remercier de nous accueillir ici aujourd'hui pour vous fournir des preuves au sujet des règles proposées le 18 juillet visant l'imposition des sociétés privées.
Kim et moi sommes associés au cabinet MNP. Il s'agit d'un cabinet d'experts-comptables, fiscalistes et consultants de premier plan auprès d'entreprises familiales au Canada. Nous représentons 150 000 entreprises privées et familiales ainsi que 16 000 agriculteurs. Nous sommes le conseiller principal en services auprès de plus de 350 colonies huttériennes au Canada. Nous avons écouté leurs témoignages.
Leur message est clair et ils sont unanimes à affirmer qu'une réforme fiscale s'impose et qu'un régime fiscal équitable est un objectif louable. Nous ne sommes pas tous convaincus, cependant, que les règles proposées le 18 juillet permettent d'atteindre ces objectifs. Ils sont tous d'accord pour affirmer que la réforme fiscale doit reposer sur l'équité fiscale et un régime simple à administrer et il faudra du temps pour mettre en oeuvre la réforme fiscale. Je tiens à préciser que les règles du 18 juillet ne permettent probablement pas d'atteindre ces deux objectifs.
J'aimerais vous présenter mon autre cliente, Marie. Elle vient de transférer son exploitation agricole à sa famille après 30 ans de travail. Elle est maintenant à la retraite et elle reçoit 40 000 $ après un rachat d'actions visant à s'acquitter de ses obligations de retraite, l'impôt en fait partie dont le montant est d'environ 1 000 $. Au titre des règles proposées de l'impôt sur le revenu fractionné, Marie ne participant plus activement aux activités de l'entreprise et possédant un capital limité depuis le rachat, l'impôt imposé sera de 16 000 $, soit une augmentation multipliée par 16. Marie ne croit pas que les règles du 18 juillet soient équitables. Elle n'est pas la seule dans ce cas-là.
Nos collègues en Alberta estiment que les règles sur le revenu de placement passif sont problématiques. Ils avaient créé un coussin financier afin de contribuer à compenser le ralentissement économique auquel ils font actuellement face. Je discutais récemment avec Kim, cliente de notre bureau de Calgary, comment, si ce n'était de cette société de portefeuille, on ne serait pas en mesure de soutenir les activités commerciales aujourd'hui et de continuer à employer des Canadiens, étant donné le ralentissement qui sévit à Calgary. Cette situation est problématique.
Le transfert des entreprises familiales cause également des problèmes. Les entreprises familiales aujourd'hui feront face à un préjugé. Elles préféreraient vendre leur entreprise à un tiers parti sans lien de dépendance puisque le taux effectif d'imposition est de 25 %. Les coûts de la vente intergénérationnelle à un membre de la famille pourraient être deux fois plus élevés. L'impôt ne devrait pas servir de critère décisionnel, à savoir à qui on désire vendre l'entreprise. Si les familles désirent poursuivre leurs activités commerciales, elles ne devraient pas être pénalisées en devant payer le double.
Nous savons tous que la mort et l'impôt sont inéluctables. Les règles de dépouillement des gains aux termes des articles 84.1 et 246.1 sont problématiques. D'autres personnes en ont fait mention et c'est également notre cas. Au moment du décès d'une personne, les entreprises privées ne devraient pas s'attendre à payer le double du taux. Cette situation a des répercussions sur l'ensemble des petites entreprises au Canada, et il ne s'agit pas là d'un créneau ni d'une petite minorité. Toutes les entreprises, au moment du décès de leur propriétaire qui détient des actions, devront assumer de lourdes retombées fiscales et il faut régler ce problème.
Nous estimons que les règles du 18 juillet représentent un changement fondamental à l'imposition des entreprises privées. Nous ne nous opposons pas à une réforme fiscale. Cependant, les règles proposées le 18 juillet sont imprécises, incertaines et imprévisibles. Par souci de bien interpréter la loi, il faut que celle-ci soit claire, équitable et prévisible de sorte que tous les contribuables canadiens puissent planifier leurs affaires en conséquence. La loi proposée s'éloigne de cet objectif.
Il existe suffisamment de preuves pour affirmer que le texte est flou et créera des incertitudes. Aujourd'hui, les sociétés privées et leurs propriétaires s'attardent à en comprendre le sens et comment ils peuvent aller de l'avant. Quelles sont nos recommandations, vous direz-vous?
Tout d'abord, s'il faut entreprendre une réforme fiscale, une période de consultations s'impose pour permettre la collaboration de tous les intervenants. Des intervenants ayant l'esprit ouvert seront tous d'accord pour dire qu'une réforme fiscale est nécessaire pour que les mesures soient justes, simples et équitables pour tous les contribuables canadiens. Les règles actuelles sont dépourvues d'initiatives efficaces et c'est ce dont nous avons besoin dans l'application des nouvelles règles.
Je vous demande aujourd'hui de prolonger la période de consultations pour intégrer davantage ces enjeux dans les règles existantes afin d'éviter que toutes les sociétés privées au Canada aujourd'hui aient à faire face à ces conséquences imprévues.
Je vous remercie. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Je remercie le Comité de l'occasion qui m'est donnée de commenter les propositions du ministère des Finances, ainsi que le personnel qui a fait une traduction de dernière minute des trois tableaux et graphiques que j'utiliserai.
Dans mes observations, je m'en tiendrai aux deux questions suivantes. La répartition du revenu est-elle inéquitable et comment pouvons-nous le savoir? Avons-nous les renseignements probants dont le Parlement et les Canadiens ont besoin?
Vous avez déjà beaucoup entendu de l'iniquité. La plupart de vos témoins en ont parlé. De fait, je suis frappé par le fait que les opinions sont quasi unanimes pour dire qu'il s'agit d'une question d'équité. Venant renforcer ce point, le premier tableau du document distribué fait voir certains calculs faits par un fiscaliste-conseil du secteur privé. Il s'agit d'une comparaison de l'impôt sur le revenu d'un particulier dont tout le revenu est sous forme de salaire avec celui d'un particulier qui touche exactement le même revenu, mais par l'intermédiaire d'une société privée qui, la même année, le verse sous forme de dividendes à un conjoint ou encore, comme une des rangées du tableau le montre, à un conjoint et à deux enfants, dont aucun n'a un revenu d'une autre source.
Je suppose que la première rangée, où figure un revenu de 73 000 $, a été insérée à la suite de l'affirmation faite par Dan Kelly et la FCEI, ainsi que le groupe auquel il est associé, selon laquelle deux tiers des petites entreprises ont un revenu inférieur à 73 000 $. Bien que ce ne soit pas dit explicitement, il est sous-entendu que c'est ce groupe qui sera durement touché par les propositions.
En nous penchant sur la partie des propositions du ministre portant sur la répartition du revenu, il importe de savoir que, dans une très large proportion, ces petites entreprises n'ont même pas établi une SPCC, si bien qu'elles ne seront nullement touchées. Même dans le cas d'une petite entreprise qui se serait constituée en société et qui aurait recours à la répartition du revenu, il est probable que son économie d'impôt sera inférieure aux honoraires de son planificateur fiscal.
Je m'abstiendrai d'expliquer les autres chiffres. Il y a quelques minutes, Chris Roberts a décrit ces chiffres, ceux figurant dans le graphique, qui montrent que 90 % des particuliers, par exemple, avaient un revenu de moins de 68 800 $ et que beaucoup moins de 10 % d'entre eux étaient propriétaires d'une SPCC. Permettez-moi d'insister sur un point qu'il a soulevé, à savoir que certains de ces propriétaires à faible et à moyen revenu étaient vraisemblablement le conjoint et les enfants du principal propriétaire de la SPCC, de telle sorte que, considérant leur revenu familial, ils appartiennent en fait à des familles ayant un revenu beaucoup plus élevé.
Dans le dernier ensemble de graphiques, j'ai montré la progression du nombre de SPCC de 2001 à 2011 dans quatre provinces, pour chacun de trois groupes professionnels, soit les restaurateurs, les avocats et les médecins. Dans chacune des quatre provinces, le nombre de SPCC appartenant à des restaurateurs a été relativement stable, quelque peu à la hausse, tandis que celles appartenant à des avocats ont augmenté de façon assez constante au cours de la décennie.
Beaucoup plus marquée a été la hausse en Ontario du nombre de SPCC appartenant à des médecins. En 2005, le gouvernement de l'Ontario, dans le cadre de ses négociations du barème des honoraires avec l'Ontario Medical Association, a apporté une modification obscure à sa loi sur les sociétés — en page 159 du budget — permettant aux membres de la famille de médecins et de dentistes de devenir actionnaires de leur société privée. Cette modification a peut-être été bien cachée de la vue du grand public, mais elle comportait sans doute un réel avantage quant à la situation fiscale des médecins et de leur famille puisque le nombre de SPCC qu'ils ont établi a décuplé au cours des années suivantes.
Il est vraisemblable que cette modification de la loi ontarienne sur les sociétés, qui a permis aux médecins à revenu élevé qui avaient établi une SPCC d'économiser des dizaines de milliers en impôt sur le revenu, n'a à peu près rien apporté qui ait contribué à une réelle croissance économique. Dans le contexte de ce qu'a dit l'Association médicale canadienne, « dans un monde idéal, personne ne tomberait malade », la dépense ou la contribution au PIB est tenue pour regrettable par certains économistes des frais médicaux. Il vaut mieux ne pas avoir à dépolluer; il vaut mieux ne pas avoir à soigner les gens qui tombent malades.
L'utilisation de SPCC pour la répartition du revenu est inéquitable, tant horizontalement entre les particuliers ayant le même revenu, mais dont certains ont la possibilité, alors que d'autres ne l'ont pas, de faire transiter ce revenu par une société, que verticalement en érodant la progressivité du régime canadien d'impôt sur le revenu. L'inégalité croissante du revenu a été mise en lumière ces dernières années, en particulier pour ce qui est de la part de revenu du 1 % supérieur. Notre analyse indique que ce degré d'inégalité est pire que les chiffres l'indiquent parce que ceux-ci ne font pas entrer en ligne de compte le revenu touché, mais retenu dans les sociétés privées.
Lorsque nous avons pu lever le voile de l'anonymat des sociétés et ajouté ces revenus cachés à la part du 1 % supérieur en 2011, cela a fait augmenter d'un tiers son revenu et d'une moitié celui du dixième supérieur du 1 %.
Permettez-moi de passer maintenant à mon deuxième et dernier point. Les deux graphiques que je viens de vous montrer ne vont pas au-delà de 2011. Quand nous avons entrepris notre recherche en 2013, il s'agissait des plus récentes données disponibles. Nous avons mis plus de deux ans à recueillir les données qui sous-tendent ces résultats. Je suis très fier du fait que notre recherche nous a permis de jeter de la lumière, pour la toute première fois, sur cette zone obscure de la politique fiscale canadienne.
Malheureusement, il est rare qu'on puisse jeter de la lumière sur les zones obscures du régime fiscal. Selon la conclusion du vérificateur général dans son rapport du printemps 2015, les dépenses fiscales « n'étaient pas systématiquement évaluées et […] l'information fournie n'appuyait pas adéquatement le Parlement dans sa fonction de surveillance ».
Bien que le Parlement soit en mesure de connaître le moindre détail de ce que j'appelle les dépenses directes prévues chaque année par le gouvernement dans le budget principal des dépenses, diverses dépenses indirectes par le biais d'avantages fiscaux — ou, comme le vérificateur général les appelle, de dépenses fiscales — sont à peine examinées une seule fois, au moment où elles sont inscrites dans le budget.
J'ajouterai — et je terminerai là-dessus — que la capacité d'analyse du gouvernement fédéral s'est gravement affaiblie au cours de la dernière décennie. Le précédent gouvernement était notoirement connu pour savoir à l'avance ce qu'il voulait faire, quelles que soient les preuves ou analyses qui lui étaient apportées, surtout si elles étaient contraires à ses voeux. De ce fait, les équipes d'analyse des politiques au sein des ministères ont généralement dépéri. Il faut moins d'une année pour détruire l'une de ces équipes, mais jusqu'à 10 ans pour les recruter et les reconstituer. Je m'inquiète de ce que les problèmes initiaux éprouvés par le gouvernement actuel pour communiquer ces propositions financières soient le signe que le ministère des Finances lui-même, foyer d'expertise analytique sans égal depuis des décennies, aurait également subi une certaine érosion de ses capacités.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président, et merci aussi à nos témoins qui se sont déplacés aujourd'hui.
Je m'adresserai d'abord à M. Sands. Nous avons beaucoup de rétroaction concernant les propositions fiscales, que ce soit dans nos circonscriptions ou ici à Ottawa, au comité des finances. Je trouve excellent que tant de personnes se manifestent et expriment leurs vues. Je l'ai déjà dit et je le dirai de nouveau. C'est un excellent moyen d'obtenir l'engagement des Canadiens en vue d'élaborer une meilleure politique.
L'une des choses, je pense, sur laquelle tous peuvent probablement s'entendre est la nécessité de rendre la Loi de l'impôt sur le revenu plus simple, plus claire et plus prévisible, de sorte que nous n'aurons plus à recourir à des avocats ou des comptables. Si vous vivez au Canada, vous devriez être capable de comprendre la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est à retenir.
Ce que j'ai grandement apprécié de votre témoignage, c'est que vous avez présenté une sérieuse proposition concernant la répartition du revenu. Vous avez dit qu'en l'absence d'une contribution raisonnable à la société, la répartition du revenu devrait être interdite. Je crois que beaucoup de Canadiens seraient d'accord avec vous. Vous avez également souligné que, pour la seule raison que nous modifions la règle, cela ne signifie pas que nous ne devrions pas aider les petites entreprises par un autre moyen, c'est-à-dire par une réduction du taux d'imposition des petites entreprises. Pourriez-vous préciser pourquoi vous pensez qu'il s'agirait effectivement d'une politique saine?
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Je tiens à répéter aussi que les observations que je formule aujourd'hui sont basées sur l'apport direct des divers membres de notre coalition, malgré ce que peuvent en dire les médias. Je ne viens pas ici pour m'aventurer aussi loin. Nous reflétons ce que nous entendons de la part de nos membres, qui sont d'authentiques petites entreprises dans divers secteurs.
La raison pour laquelle nous sommes en faveur de cette proposition dès le départ, depuis que le parti qui forme maintenant le gouvernement l'a énoncée ou présentée dans son programme électoral, est que nous voulons, en tant que représentants d'authentiques petites entreprises, voir une plus grande équité et une plus grande transparence. Nous le préconisons dans bon nombre de domaines, et ce n'est pas moi qui reviendrai devant le Comité dans quelques mois pour discuter, par exemple, des frais de carte de crédit et vous dire, droit dans les yeux, que nous voulons une équité et une transparence plus grandes pour vous entendre me répondre « Il y a quelques mois vous disiez… ». Je lutte contre cette idée.
J'insiste sur le fait que les observations que je fais sont basées sur la rétroaction réelle de nos membres, d'authentiques petites entreprises. La conjoncture actuelle est une source de frustration continuelle pour nous, qu'il s'agisse du salaire minimum en Ontario ou… Je devrais peut-être invoquer ce dossier pour bien faire ressortir mon point. Nous ne cherchons pas à engager un débat sur le pour et le contre d'une hausse de 32 % du salaire minimum en Ontario. Ce que toujours nous cherchons à faire, c'est de voir quelle est la conjoncture dans laquelle les petites entreprises se trouvent actuellement.
Nous devons composer avec une multitude de règlements, des heures d'ouverture déroutantes et contradictoires les jours fériés, tout en étant aux prises avec la concurrence du commerce en ligne, les taxes…
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins qui sont parmi nous ce matin pour discuter de cette question cruciale pour plusieurs personnes et plusieurs entreprises.
Permettez-moi de soulever deux points brièvement avant de poser des questions.
Nous avons beaucoup entendu parler des fermes familiales et des difficultés liées au transfert intergénérationnel. Mon collègue du NPD Guy Caron avait déposé une proposition pour améliorer cela, mais elle a malheureusement été rejetée par le Parlement. Avant les changements proposés que nous étudions présentement, nous avions déjà cette préoccupation.
Nous sommes d'accord avec ceux d'entre vous qui proposent une prolongation de la durée des consultations. Elles ont commencé le 18 juillet, mais pour plusieurs petites entreprises et fermiers, cette date posait problème. Nous espérons pouvoir tenir des consultations jusqu'au 16 décembre.
Tant qu'à parler d'équité fiscale, comme l'a dit M. Roberts du CTC, il faudrait discuter des échappatoires fiscales pour les PDG, des règles concernant l'évasion fiscale ou des accords internationaux que nous avons conclus avec des paradis fiscaux, qui ne sont pas du tout touchés en ce moment.
Docteur Marcoux, j'aimerais juste vérifier quelque chose. Les médecins membres de votre association ont la possibilité d'acheter des REER ou de mettre de l'argent dans un compte d'épargne libre d'impôt, un CELI, n'est-ce pas?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Marcoux, votre témoignage m'intéresse particulièrement, car vous avez parlé de la santé de l'économie. Hier, nous avons entendu un témoignage selon lequel les coûts économiques relatifs à la santé mentale, par exemple, ont atteint 51 milliards de dollars, alors que le montant réclamé au départ était beaucoup moins important.
Il a été répété à maintes reprises que si l'argent de ces entreprises est réellement réutilisé pour l'entreprise, rien ne changera avec ces propositions. Vous avez dit toutefois qu'elles contribueront à entraver la croissance et les services. Les changements apportés à ces politiques ne s'appliquent que lorsque l'argent est retiré pour les besoins d'imposition d'une personne physique. Je suis très curieuse de savoir pourquoi vous pensez que ces mesures entraveront la croissance et les services, alors que le seul changement et la seule répercussion portent sur l'imposition des particuliers. Si l'argent est réellement utilisé et réinvesti dans l'entreprise, alors il n'y a pas de changement réel.
La question que je veux vraiment poser est la suivante. Nous entendons parler de plus en plus des médecins qui sont en désaccord avec la position de l'Association médicale canadienne. Peut-être êtes-vous déconnecté de la réalité de vos membres. Pensez-vous réellement que vos collègues appuient l'idée qu'une politique fiscale — cette question est semblable à celle de M. Boulerice — puisse remplacer une rémunération équitable, et tentez-vous vraiment de promouvoir de plus grandes inégalités au sein de vos membres? Si l'on regarde le tableau qu'a fourni M. Wolfson, on peut constater que les médecins de l'Ontario obtiennent plus de bénéfices que ceux des autres provinces. Certains médecins sur des listes d'hôpitaux ne courent aucun risque de perception; ils n'emploient personne, mais s'ils sont constitués en société privée, ils peuvent répartir leur revenu et payer moins d'impôt. Même les omnipraticiens ne peuvent profiter de cette option, car ils auraient à payer de l'impôt de diverses façons.
Ne craignez-vous pas de contribuer à de plus grandes inégalités parmi les professionnels de la santé? Vous prônez un système qui, même au sein de vos propres membres, n'offre pas à tous l'accès à ce type de détournement fiscal.
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J'y ai réfléchi. Pour la gouverne des membres du Comité, en 1983 je faisais partie du personnel de la recherche du Comité spécial sur la réforme des pensions et c'est ce comité qui a notamment recommandé les plafonds globaux de l'aide fiscale pour les placements de retraite.
Et je pense que c'est à la suite de ces recommandations que le ministère des Finances a augmenté les limites des REER qui sont maintenant en phase avec les régimes de retraite à prestations déterminées. Ainsi, les travailleurs autonomes ou les gens qui n'ont pas bénéficié d'un régime de pension offert par l'employeur ont un accès égal à l'aide fiscale.
Au cours de l'une de nos discussions, l'un des membres de ce comité a dit qu'un maximum équitable pour l'aide fiscale équivaut à peu près au revenu d'un directeur d'école secondaire. En fait, le revenu admissible à un régime d'épargne-retraite exonéré d'impôt est un peu plus élevé, mais il se situe dans ces eaux-là.
J'ai vraiment été surpris par les propos d'un témoin avant la pause qui a dit que sa société privée devait pouvoir retenir des bénéfices, non seulement pour capitaliser l'entreprise, mais également pour les régimes d'épargne-retraite et les études des enfants. Il existe d'autres moyens de payer les études des enfants.
Je reçois des messages d'amour pour certains articles que je publie. Une personne m'a dit dans un courriel qu'elle avait une dette de 150 000 $ au terme de ses études. Cette personne a obtenu un doctorat et elle a été en mesure de rembourser sa dette. Il lui a fallu trois ans pour la payer. Mon Dieu, quel pouvait bien être son revenu?
Pour revenir au régime d'épargne-retraite, je n'en connais pas les détails. J'examinais l'article 8515 du Règlement de l'impôt sur le revenu l'autre jour. Je me souviens, lorsque je travaillais dans le secteur des finances, il y a bien des années, que nous étions divisés à propos des plans conçus pour un seul employé appelés « retraites chapeaux ». Les règlements à cet égard semblent s'être considérablement resserrés, mais je présume qu'il est encore possible d'acheter rétroactivement des plans bonifiés. Si vous vous payez un salaire de 20 000 $ par année, ce qui est relativement minimal, pour jeter les bases de votre plan de retraite, et qu'au cours des cinq dernières années de carrière vous vous payez un salaire de 100 000 $ ou 200 000 $ par année dans un régime fin de carrière, vous pourriez racheter des années antérieures de service sur le salaire de plusieurs milliers de dollars que vous vous êtes versé. Je pense qu'il y a lieu d'examiner ces choses-là de plus près.
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Merci monsieur le président. J'ai un exposé préliminaire à présenter.
Premièrement, honorables députés, permettez-moi de vous dire que je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui. Merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui de notre consultation sur la planification fiscale au moyen de sociétés privées. J'aimerais également vous remercier de prendre le temps d'entendre des témoins concernant notre plan d'équité fiscale.
Il est important pour moi d'être ici et d'avoir l'occasion d'entendre vos points de vue. Après tout, il s'agit d'une consultation et il importe que je connaisse vos opinions, vos idées et vos impressions qui nous aideront à faire les choses correctement. Je me ferai un plaisir d'entendre vos questions sous peu, mais j'aimerais dans un premier temps exposer brièvement le contexte de ce que nous essayons de réaliser.
J'ai remarqué que lorsque nous parlons aux gens à l'échelle du pays, nous sentons beaucoup d'inquiétude au sujet de la prochaine génération — vos enfants ou vos petits enfants — qui ne seront peut-être pas en aussi bonne position que les jeunes générations d'aujourd'hui. C'est ce qui me motive et ce qui motive notre gouvernement. Nous voulons nous assurer de créer les conditions qui permettront à tous les Canadiens de réussir dans une économie en mutation. Pour y arriver, je m'engage à assurer un climat sain et propice aux entreprises et à protéger la capacité des entreprises canadiennes à investir, à croître et à créer des emplois.
Je pense qu'il faut commencer par examiner où nous en sommes présentement. Lorsque je suis entré en fonction il y a quelques années, nous nous sommes engagés à investir dans la classe moyenne au Canada. Nous avons diminué les impôts de cette catégorie de travailleurs et nous avons augmenté les prestations des enfants les plus dans le besoin. Nous avons effectué des investissements à long terme dans nos infrastructures, parce que nous avons vu à quel point c'était important pour l'avenir de notre pays et l'avenir de notre économie.
Nous sommes actuellement le pays qui connaît la plus forte croissance parmi les pays du G7 et, de surcroît, avec une grande longueur d'avance. La croissance de notre économie s'est accélérée au cours du dernier trimestre à un rythme impressionnant de 4,5 %, une croissance plus forte que celle que nous avons connue depuis le début de 2006. Depuis notre entrée en fonction il y a deux ans, 400 000 nouveaux emplois ont été créés. En partie grâce à une forte croissance économique et aux judicieux investissements que nous avons faits dans les Canadiens et pour les Canadiens, nous nous retrouvons dans une position financière beaucoup plus forte que ce que nous avions prévu pas plus tard qu'en mars. Pour l'année financière qui a pris fin le 31 mars, notre déficit budgétaire est de 11,6 milliards de dollars inférieur à ce que nous avions projeté pour 2016, il y a relativement peu de temps.
Ce sont là de bonnes nouvelles, mais nous devons faire face à la réalité. Stimuler l'économie ne suffit pas. Nous devons travailler pour nous assurer que tous les Canadiens récoltent les fruits de cette croissance économique.
[Français]
Il nous faut une économie où tous les Canadiens, et non pas seulement le tout petit groupe des plus fortunés, devraient bénéficier des avantages et des possibilités qui accompagnent cette réussite économique.
[Traduction]
Il y a encore du travail à faire pour assurer un traitement équitable aux Canadiens de la classe moyenne. Voilà ce que sous-tendent nos discussions sur le régime fiscal: assurer que non seulement quelques privilégiés, mais que chacun bénéficie de la croissance économique. Depuis le tout début, nous avons dit que nous voulions une économie qui profite à la classe moyenne et à tous ceux qui travaillent fort pour améliorer leur sort. Il existe au coeur e cet objectif un principe très simple selon lequel chaque Canadien doit payer sa juste part d'impôt. C'est pourquoi l'une de mes premières décisions en qualité de a été d'augmenter l'impôt du 1 % des particuliers les plus riches, de manière à réduire celui de neuf millions de Canadiens à l'échelle de notre pays.
L'une de mes principales responsabilités en qualité de est de veiller à ce que notre régime fiscal soit juste et plus efficace, qu'il soutienne la croissance, qu'il soit équitable et qu'il traite tous les Canadiens de manière équitable. Je veux que vous sachiez que je prends ces objectifs très sérieusement. Dans nos deux premiers budgets, nous avons mis l'équité fiscale au premier plan et nous avons misé sur de nouveaux investissements clés dans notre économie. Nous avons fourni de nouvelles ressources à l'Agence du revenu du Canada afin de renforcer l'application des lois fiscales déjà en place. Nous continuons à participer aux efforts déployés en collaboration avec nos partenaires mondiaux pour combattre l'évasion et l'évitement fiscaux à l'étranger.
Mais notre tâche n'est pas terminée.
Honorables membres du Comité, la création d'une entreprise privée permet à de vaillants entrepreneurs de la classe moyenne de vendre des parts, de se procurer des capitaux et de limiter les dettes. Elle leur permet d'obtenir le plus bas taux d'imposition des petites entreprises parmi tous les pays du G7. Nous savons toutefois que le fait de se constituer en société l'incorporation offre quelque chose de plus aux biens nantis. Dans certains cas, ce quelque chose est loin d'être négligeable. Cela signifie qu'un professionnel à revenu élevé qui est constitué en société peut être imposé à un plus faible taux; un médecin, par exemple, peut être imposé à un plus faible taux qu'une infirmière salariée travaillant dans le même bureau.
Au fur et à mesure que l'économie croît, les Canadiens ont besoin et méritent de savoir que leur régime fiscal est équitable. Actuellement, force est de constater qu'il ne l'est pas. Nous devons apporter d'importants changements et nous savons que nous devons le faire correctement. Nous savons que nous avons besoin de votre aide et de vos commentaires sur ce que nous tentons de réaliser. C'est pourquoi le , mon nouveau secrétaire parlementaire, et moi-même rencontrons des propriétaires de petites entreprises, des professionnels, des agriculteurs et des pêcheurs de partout au pays; nous sommes à l'écoute de leurs idées et nous répondons à leurs questions.
Hier, j'ai rencontré des Canadiens qui venaient de partout dans le cadre d'une séance de discussion ouverte et diffusée en direct sur Facebook. Demain, je m'attends à rencontrer une centaine de personnes à Oakville. Nous savons qu'il est important d'être à l'écoute des idées et des préoccupations des gens. Il est également important de mentionner clairement que les Canadiens qui travaillent fort, les propriétaires de petites entreprises et les Canadiens de la classe moyenne ne sont vraiment la cible de nos propositions.
Nous voulons que les familles agricoles qui travaillent à la sueur de leur front sachent que nous les appuyons.
Nous savons, par exemple, que 2 % des SPCC gagnent 80 % du revenu passif au pays. Les mesures que nous proposons ne toucheront qu'un faible nombre de SPCC et une infime minorité de Canadiens. Les petites entreprises continueront de bénéficier du plus bas taux d'imposition parmi tous les pays du G7 et les changements proposés au régime fiscal n'empêcheront pas les entreprises d'investir, de rivaliser avec leurs concurrents ou de croître. Les approches proposées pour résoudre le problème des revenus d'investissements passifs ne concernent pas l'argent qui est investi dans une entreprise. Elles concernent l'argent retiré des entreprises; il faut s'assurer que ces entreprises versent leur juste part d'impôt, que les taux d'imposition des petites entreprises et des sociétés contribuent à soutenir la croissance économique, et comme nous le souhaitons tous, à créer des emplois pour les Canadiens à l'échelle du pays.
Nous cherchons sans cesse de meilleures façons de résoudre les problèmes qui ont été relevés dans nos consultations. Mais je tiens à préciser que nous allons les résoudre, parce que notre gouvernement a été élu pour favoriser la croissance de la classe moyenne.
Monsieur le président, je me ferai un plaisir de répondre aux questions de messieurs et mesdames les députés.
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Je pourrais peut-être commencer par vous remercier, car je sais que vous avez reçu des commentaires d'un grand nombre de vos électeurs, de bien du monde — des professionnels ou des propriétaires de petites entreprises de votre circonscription — et que vous m'avez transmis les commentaires et les idées dont on vous fait part. C'est avec cela que nous pouvons formuler les bonnes propositions. C'est en fait ce que nous voulons faire.
Je dirai que nous avons des objectifs très importants pour un régime fiscal qui permet aux contribuables, depuis une demi-génération, de tirer un meilleur parti de la planification fiscale pour profiter d'un taux d'imposition plus bas que celui des autres Canadiens. Dans cette optique, cette planification fiscale amène moins d'argent dans les entreprises exploitées activement, car cet argent est plutôt mis dans des placements passifs, essentiellement pour le long terme et il ne fait rien pour faire progresser l'entreprise; c'est de l'argent qui n'entre pas dans notre économie.
Nous avons décidé, comme pays — et cette décision, à mon sens, était bonne, et elle a été prise par des gouvernements successifs — d'abaisser les taux d'imposition des sociétés pour encourager l'investissement, et d'abaisser les taux d'imposition des petites entreprises pour encourager le lancement et l'expansion des petites entreprises. Mais lorsque ces incitations ne suffisent pas pour que l'argent serve effectivement à l'expansion de l'entreprise comme nous l'espérions, ce n'est pas ce que nous aurions voulu. Nous voulons encourager les personnes à investir dans leur entreprise exploitée activement, qui a un faible taux d'imposition, tout en les incitant à réinvestir dans l'entreprise en leur donnant l'incitation à le faire ou à retirer l'argent de l'entreprise pour la gestion de leurs affaires familiales.
Nous pensons que ces incitations contribueront à la création d'un régime fiscal plus équitable qui améliorera par ailleurs notre activité économique.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui.
Évidemment, comme progressistes, les néo-démocrates saluent toute initiative qui rehausse l'équité au sein du système fiscal. Certaines des orientations proposées dans les documents présentés vont dans ce sens, et nous le reconnaissons, même si nous avons certaines craintes quant aux effets que cela pourrait avoir, notamment sur les fermiers et sur certaines petites entreprises.
Toutefois, nous croyons que la question de l'équité doit surtout viser les gens les plus fortunés, et non ceux qui ont une ferme familiale ou un petit dépanneur au coin de la rue. C'est pourquoi nous considérons que ces consultations sont partielles, incomplètes. Nous avons déjà demandé que l'ensemble du système fiscal soit évalué, y compris l'évasion fiscale, le recours aux paradis fiscaux et certaines échappatoires.
À cet égard, votre parti, lors de la dernière campagne électorale, avait fait la promesse de « procéder à un examen à grande échelle [...] de plus de 100 milliards de dollars de dépenses fiscales de plus en plus complexes qui existent actuellement ». Cependant, la consultation proposée aujourd'hui met complètement de côté l'échappatoire fiscale relative aux options d'achat d'actions des PDG, qui sont souvent établis sur Bay Street. Or cela nous coûte collectivement 750 millions de dollars par année. Vous aviez fait cette promesse, mais vous ne la réalisez pas. Vous l'avez écartée des consultations actuelles.
Pourquoi n'étudierait-on pas cette échappatoire fiscale, qui nous coûte vraiment très cher?
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Merci beaucoup de votre question.
Il est très important pour nous de considérer les façons d'avoir un système fiscal plus juste. C'est un but très important.
Comme vous l'avez dit, notre objectif premier était d'en vérifier la faisabilité, ce qui est très important.
Il y a plus de deux ans, nous avons expliqué qu'il était important de prendre en considération les sociétés privées, parce que celles-ci donnent la possibilité aux gens les plus riches d'utiliser une planification fiscale qui leur permet de payer moins d'impôt.
Après avoir considéré cela pendant un an, à l'aide d'un conseil d'experts, nous avons conclu qu'il était très important d'inclure ces mesures dans notre document de consultation. C'est notre but en ce moment. Nous voulons trouver une façon d'améliorer notre système fiscal dans les secteurs les plus importants qui procurent des avantages aux plus riches.
Il est important d'écouter les commentaires, ce que je suis en train de faire. C'est très clair qu'il y a des idées pour s'assurer que les fermiers et les petites et moyennes entreprises comprennent que notre but n'est pas d'essayer de changer leur situation, mais de leur permettre d'avoir une meilleure situation dans l'avenir.
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J'ai une autre question, monsieur le ministre. Je reviens à mon image, que plusieurs ont partagée: j'ai un peu l'impression que vous êtes un drôle de pêcheur qui garde les petits poissons et rejettent les plus gros dans le lac.
En ce qui concerne le recours à l'évasion fiscale et aux paradis fiscaux, votre parti a voté en faveur de la motion du NPD qui voulait s'attaquer aux problèmes de l'évasion fiscale dans les paradis fiscaux, phénomène qui nous coûte, selon Statistique Canada, environ 8 milliards de dollars par année en impôt et en taxes non payés au pays, ce qui est considérable.
Cependant, nous ne comprenons pas pourquoi vous avez signé une nouvelle entente, par exemple, avec les îles Cook, qui ont un taux d'imposition de 0 % pour les compagnies. Cela continue donc dans la même direction que par les années passées.
Beaucoup de gens nous disent qu'on pourrait tout simplement changer le paragraphe 95(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'article 5907 du Règlement de l'impôt sur le revenu pour s'assurer que les revenus qui reviennent au Canada à la suite d'un dépôt ou d'un transfert dans les paradis fiscaux peuvent être imposés et nous rapporter collectivement des sommes qui serviront à payer nos programmes sociaux ou nos infrastructures, entre autres choses.
Pourquoi refusez-vous de vous engager dans cette direction?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, nous avons entendu certains témoignages intéressants au sujet des propositions fiscales. Je veux signaler que le Centre canadien de politiques alternatives a fait une présentation et a aussi distribué un document, dont je vous lis un petit extrait: « Presque toutes les familles qui profitent le plus de la répartition du revenu ont à leur tête un soutien de sexe masculin, ce qui affaiblit la thèse selon laquelle l'échappatoire actuelle favorise l'égalité des hommes et des femmes, et près de la moitié de tous les avantages vont aux 5 % de familles les plus riches ».
Nous avons aussi reçu ce matin un témoignage que j'ai trouvé très intéressant. Il présentait une perspective différente de l'inégalité entre les sexes. Je ne saurais la citer textuellement, mais on a dit que les femmes étaient utilisées pour maintenir un style de vie où les impôts sont faibles, et que le maintien de ces types de stratégies fiscales augmenterait en réalité l'inégalité des femmes et l'écart de 28 % entre les sexes, pour ce qui est de l'incitation à la répartition du revenu, surtout en faveur des femmes — si la majorité de ces sociétés ont un homme à leur tête et que leur conjoint est une femme. On a aussi dit que l'adoption de cette mesure favoriserait effectivement cette répartition du revenu pour créer ce style de vie à faible imposition, et ne refermerait pas l'inégalité ni l'écart entre les sexes.
Encore une fois, cela est fondé sur un témoignage que j'ai entendu et qui a piqué ma curiosité. Compte tenu de l'information que votre ministère et vous avez reçue, pourriez-vous réagir à certaines des allégations selon lesquelles le colmatage de cette échappatoire serait contraire aux intérêts des femmes?
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Avec votre accord, je commencerai par un énoncé des valeurs de notre gouvernement. Nous voulons être absolument certains que notre mandat sera un des plus progressistes au niveau de la capacité des femmes de réussir leur entrée sur le marché du travail, d'y connaître le succès, et de pouvoir gérer leur vie d'une manière qui leur permettra de faire ce qu'elles veulent de leur carrière parallèlement à toutes les autres choses qu'elles pourraient vouloir faire de leur vie. C'est une question fondamentale pour nous. Nous ne ferons rien qui bloquera ou ralentira l'atteinte de ces objectifs d'ensemble de quelque manière que ce soit.
Pour cette raison, je suis tout à fait en mode écoute du genre de témoignages que vous avez entendus ce matin, mais aussi des autres, parce que nous voulons bien faire les choses.
Nous nous sommes engagés dans cette voie, sachant que les avantages qu'offrent les instruments constitués en société sont des avantages qui profitent, pour la plupart, aux Canadiens riches, et qui leur profitent encore plus à mesure qu'ils s'enrichissent. Nous avons étudié l'effet sur les femmes, et avons conclu que ces mesures n'allaient pas avoir de conséquences disproportionnées sur les femmes, mais nous voulons en être certains, et nous sommes à l'écoute.
Les genres d'idées que vous avez entendues ce matin... Il y a certains problèmes. Nous restons à l'écoute. Nous n'avons pas encore tous les mémoires. Nous allons prendre le temps de les entendre, avant d'adopter une solution qui donnera aux Canadiens l'assurance que nous atteindrons nos objectifs d'ensemble, tout en ayant un régime fiscal plus équitable.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre Morneau, merci de vous être présenté à cette réunion du Comité et, devrais-je ajouter, merci de votre patience. Vous avez fait preuve d'une grande patience aujourd'hui.
Parmi les choses que j'adore dans mon rôle de député, et certainement comme membre du comité des finances, il y a la possibilité de m'informer sur des choses dont je serais autrement resté ignorant. Ayant travaillé comme salarié pendant le plus clair de ma vie, je n'ai jamais eu l'occasion de comprendre les différents aspects de notre régime fiscal. Mon père, seul soutien de famille, était dans la même situation, si bien que je n'ai jamais été exposé à cela.
J'ai deux questions.
La première est celle que j'ai posée à d'autres témoins. Notre régime fiscal actuel présente-t-il des avantages à ceux qui sont constitués en société par opposition à ceux qui ne le sont pas ou qui sont salariés?
Ma deuxième question est la suivante. Pourriez-vous prendre le temps de nous expliquer à moi-même, et peut-être aux autres membres du Comité qui pourraient être intéressés, quelle est la différence entre le montant d'argent accumulé dans une société cotée en bourse et celui accumulé dans une société privée? Ne vous gênez pas pour nous donner des détails.
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Deux questions, donc. La première concerne les différences entre la situation fiscale des gens qui se sont donné des instruments par opposition aux autres. Il y a certaines différences importantes de ce côté-là, car nous voulons encourager les gens à lancer leur petite entreprise. Le fait que nos petites entreprises jouissent du plus bas taux d'imposition des pays du G7 — 14,4 %, en moyenne, au Canada — est une forte incitation à lancer une entreprise et à y réinvestir les bénéfices qu'elle rapporte.
Le fait que nous avons une exemption à vie pour gains en capital pour les petites entreprises — une exemption qui a progressé sensiblement, au point d'atteindre 835 000 $ — est une forte incitation à investir dans son entreprise. Il y a des différences entre les gens qui sont salariés — ou qui ne sont pas constitués en société — et ceux qui sont en affaires. Certains de ces avantages sont très intéressants, économiquement parlant. Nous voulons encourager les comportements qui contribueront à l'expansion de l'économie.
Mais il y a d'autres avantages qui ne favorisent pas nécessairement le genre d'occasion que nous voulons. Pour nous, la possibilité de répartir le revenu entre les proches adultes qui ne travaillent pas dans l'entreprise, et ce, sans autre but que d'abaisser le taux d'imposition, n'est pas une bonne idée. Nous croyons que d'autres Canadiens qui n'ont pas cet avantage n'y verraient pas un élément ajoutant de la valeur à notre économie. Plus tard, nous verrons s'il faut maintenir cette possibilité.
Nous voyons que la capacité d'avoir un faible taux d'imposition non seulement pour investir activement dans son entreprise, mais encore pour créer un compte de retraite dans l'entreprise même, procure un avantage qui n'est pas vraiment la croissance de l'entreprise, mais plutôt la croissance d'un compte de retraite. Je sais bien que, pour les petites entreprises, cet instrument est parfois avantageux, parce qu'il arrive qu'on a besoin d'utiliser ces fonds pour une assez brève période. Nous comprenons cela. C'est quelque chose que la petite entreprise nous a dit, quelque chose que nous écoutons attentivement.
Mais pour les gens qui se constituent un gros compte de retraite à cette fin exclusive... Nous savons que, jusqu'à environ 150 000 $ de revenu, ce n'est pas vraiment un avantage, parce qu'il est possible d'utiliser plutôt ses REER et ses comptes d'épargne libres d'impôt. Pour profiter de cet avantage, il faut un revenu nettement supérieur. Il est crucial pour nous de bien le comprendre.
Quant aux différences entre les sociétés privées et les sociétés cotées en bourse, je sais par expérience, pour avoir travaillé dans une société privée et une société cotée en bourse comme chef de la direction, que la plupart des entreprises réinvestissent leurs bénéfices dans leur entreprise pour prendre de l'expansion, et c'est ce que nous voulons.
Lorsqu'elles ont fini de réinvestir dans l'entreprise même, la plupart des entreprises distribuent leurs fonds sous forme de dividendes ou en salaires. Les petites entreprises les distribuent en salaires. Les grandes entreprises les versent en dividendes. Il arrive que les entreprises décident de laisser les fonds à leur bilan pour les réinvestir dans l'entreprise même, mais pas l'année suivante. Dans ce cas-là — bien sûr — elles ne le font pas vraiment pour le revenu d'investissement. Elles le font pour investir dans leur entreprise. Leur objectif, alors, est de garder l'argent dans l'entreprise pour une autre occasion.
Nous voulons qu'il soit possible de maintenir ces objectifs — d'investir dans l'entreprise à un faible taux d'imposition, de conserver l'argent dans l'entreprise pour le nécessaire — et aussi de trouver un moyen de se constituer un fonds de retraite qui représente une certaine équité inhérente à ce régime de retraite, que ce soit dans une petite, une moyenne ou une grande entreprise.
Nous croyons qu'il est possible d'atteindre tous ces objectifs. Nous savons que nous devrons être à l'écoute des gens — et nous sommes effectivement à leur écoute — pour bien faire les choses. Je trouve rassurant de voir autant de personnes nous proposer des idées sur la façon dont nous pouvons arriver à faire exactement ce que nous voulons.
Nous en aurons beaucoup plus à dire lorsque nous aurons fini les consultations et étudierons la rétroaction recueillie et la meilleure façon d'atteindre notre objectif: un régime fiscal équitable pour encourager l'investissement.