Nous commencerons par les travaux du Comité. Le Sous-comité des finances — ou le comité directeur — s'est réuni l'autre jour, et la greffière vous a remis un rapport sur les conclusions du Sous-comité. Vous l'avez devant vous. Il s'agit du premier rapport. Nous aurons besoin d'une motion pour l'approuver. Je devrais peut-être vous donner quelques explications.
Premièrement, nous avons convenu d'inviter des représentants de KPMG à comparaître au Comité le mardi 3 mai, à l'occasion d'une réunion télévisée de 90 minutes qui portera sur notre étude sur les efforts de l'Agence de revenu du Canada afin de combattre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. Les 30 dernières minutes seront réservées aux travaux du Comité.
Deuxièmement, le Comité accueillera l'honorable et les fonctionnaires du ministère des Finances le jeudi 5 mai. Nous avons des discussions pour savoir si c'est toujours possible. Les gens du cabinet du ministre m'ont confirmé qu'il pensait que c'était faisable, mais c'est sujet à confirmation.
Troisièmement, la semaine du 9 au 13 mai sera réservée à une série de réunions télévisées consacrées à l'examen du projet de loi d'exécution du budget, sous réserve de l'adoption du budget par la Chambre le 6 mai. S'il n'a pas été adopté par la Chambre d'ici là, nous pourrions avoir une motion visant la tenue de discussions plus générales sur l'objet de la loi plutôt que sur la loi elle-même, de façon à lancer le débat à ce sujet. Nous pouvons en discuter également.
Quatrièmement, le Comité invitera les personnes suivantes à comparaître au Comité le mardi 17 mai, à l'occasion d'une réunion télévisée de 90 minutes qui portera sur l'étude susmentionnée sur les efforts de l'Agence de revenu du Canada afin de combattre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale: M. Andrew Treusch, commissaire du Revenu et premier dirigeant de l'Agence du revenu du Canada; M. Ted Gallivan, sous-commissaire adjoint de la Direction générale des programmes d'observation de l'ARC; Mme Stéphanie Henderson, gestionnaire de l'observation à l'étranger; d'autres officiels pertinents de l'ARC.
Cinquièmement, le Comité accueillera l'honorable le jeudi 19 mai à l'occasion d'une réunion télévisée de deux heures. La première heure serait consacrée à l'étude du Comité sur l'Agence de revenu du Canada et sur les questions de l'évitement fiscal et de l'évasion fiscale, tandis que la deuxième heure serait consacrée au Budget principal des dépenses.
Ce sont là les conclusions du Sous-comité.
Monsieur MacKinnon.
:
Monsieur Caron, monsieur Liepert, me permettez-vous d'apporter des précisions?
Nous n'avons aucune idée du nombre de personnes qui manifesteront un intérêt pour cette question et qui souhaiteront comparaître au Comité, mais nous pourrions réserver la semaine du 9 au 13 mai aux témoignages. La semaine suivante est déjà réservée à l'étude d'autres questions, soit les enjeux liés à KPMG et à l'ARC. La semaine d'après, la dernière semaine du mois de mai, est une semaine de relâche. Ensuite, la première date disponible pour l'étude article par article pourrait être soit le 30 mai, soit le 31 mai, si nous avons terminé l'écoute des témoignages pendant cette semaine-là.
Nous ne sommes pas tenus de préparer le rapport pendant la semaine du 9 au 13 mai. Nous le ferons seulement si nous en avons la possibilité, en tenant compte des travaux de la Chambre, puis nous nous adapterons en cours de route.
:
Je remercie les témoins de leur indulgence.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 21 mars 2016, nous étudions le projet de loi .
Nous accueillons M. Nicolas Zorn, qui est analyste de politiques à l'Institut du Nouveau Monde. Nous accueillons également, de l'Institut de recherche en politiques publiques, Mme France St-Hilaire, vice-présidente de la recherche.
Nous entendrons également, par vidéoconférence, M. Michael Veall, qui est professeur à la faculté d'économie de l'Université McMaster.
Au téléphone, en ce moment, nous avons M. Jack Mintz, de la School of Public Policy de l'Université de Calgary. Ce sont nos témoins pour la première heure de la séance.
La parole est à vous, monsieur Zorn.
:
Bonjour. Je m'appelle Nicolas Zorn. Je suis analyste de politiques à l'Institut du Nouveau Monde. Je vous remercie de votre accueil.
Notre institut s'intéresse depuis quelques années aux inégalités économiques et sociales au Québec et au Canada.
On sait que les inégalités de revenus ont beaucoup augmenté depuis les années 1980: le revenu médian n'a pas vraiment progressé et le revenu du 1 % le plus riche a connu une croissance importante, bien plus élevée que celle du reste de la population. Grâce aux travaux de centaines de chercheurs d'institutions internationales comme le FMI ou l'OCDE, on sait aujourd'hui que des inégalités importantes nuisent à la croissance économique, au bien-être de la population, à la mobilité sociale, à l'espérance de vie et à la santé de notre démocratie.
C'est dans ce contexte que les trois mesures fiscales du projet de loi influenceront la répartition des revenus et des inégalités, en général. Mon intervention et le mémoire que j'ai soumis au Comité visent à évaluer l'incidence de ces mesures sur la répartition des revenus, de deux façons.
Tout d'abord, l'Institut du Nouveau Monde a produit l'an dernier et cette année un bulletin des budgets, un exercice non partisan qui vise à évaluer l'impact sur les inégalités des mesures qui sont mises en avant dans le budget fédéral et dans le budget du Québec.
Cette année, nous avons demandé à 33 économistes et spécialistes des politiques publiques reconnus, tant de gauche que de droite ou des centristes, d'évaluer les principales mesures du dernier budget fédéral. Essentiellement, on agrège les réponses des experts, on note le niveau de consensus entre eux et on présente leurs commentaires, qui confirment ou nuancent les résultats.
De l'avis des participants, les trois changements fiscaux du projet de loi risquent de réduire les écarts de revenus. Les résultats, la méthodologie et les noms des spécialistes du groupe d'experts sont indiqués dans le mémoire.
Cela étant dit, l'effet global de la réduction du taux de la seconde tranche d'imposition — l'une des trois mesures du projet de loi — sur les inégalités serait moins important que celui des deux autres mesures. Par ailleurs, les spécialistes consultés divergent d'opinion plus sur cette mesure que sur les deux autres. En effet, la première moitié des spécialistes considère que cette mesure va réduire les inégalités, mais la deuxième considère qu'il n'y aura pas d'impact ou, pire, que cela va augmenter les inégalités de revenus au Canada.
Lorsqu'on regarde les détails de cette mesure présentée comme une baisse d'impôt pour la classe moyenne, on voit qu'elle profiterait surtout aux mieux nantis, en particulier ceux qui ont un revenu imposable individuel supérieur à 90 000 $. Par exemple, pour un individu ayant un revenu imposable de 50 000 $, que certains pourraient considérer comme faisant partie de la classe moyenne, cette baisse d'impôt représente environ 70 $ d'économie. Pour quelqu'un qui a un revenu imposable de 100 000 $ ou de 200 000 $, le gain fiscal est 10 fois plus important. Autrement dit, les gens qui ont un revenu supérieur à 90 000 $ auront un gain fiscal d'environ 700 $ par personne.
Si l'objectif des parlementaires et du gouvernement du Canada est de réduire les inégalités de revenus et d'alléger le montant d'impôt payé par la classe moyenne, il y aurait peut-être des mesures mieux ciblées qui permettraient d'atteindre cet objectif.
Si vous avez des questions à ce sujet, cela me fera plaisir d'y répondre.
Je vous fais maintenant part de mon deuxième et dernier point.
Nous avons estimé que l'effet sur les inégalités de l'ajout d'une cinquième tranche d'imposition pour les gens qui gagnent 200 000 $ et plus serait important. La démonstration se trouve également dans le mémoire. Essentiellement, le 1 % le plus riche a accru sa part de revenus parce que ses revenus ont augmenté quatre fois plus rapidement que ceux du reste de la population.
Cette mesure va faire ralentir la croissance du 1 % le plus riche, juste assez pour que les revenus des 99 % les moins riches augmentent à peu près à la même vitesse. Autrement dit, cette mesure va freiner l'augmentation des inégalités qu'on a vue au cours des 30 dernières années. Par contre, les inégalités vont rester, malgré tout, à leur niveau historiquement élevé. Pour ramener ces inégalités à un niveau historiquement plus faible, par exemple au niveau qui avait cours en 1985, le taux d'imposition de la nouvelle tranche devrait passer de 33 % à 39 %. Pour en venir à la réduction des inégalités qu'il y avait il y a 25 ans, il faudrait que ce soit le cas pour les 25 prochaines années.
En conclusion, si le gouvernement et le Parlement souhaitent réduire les inégalités entre le 1 % le plus riche et les 99 % les moins riches, et s'ils veulent aider davantage la classe moyenne, l'ajout de tranches additionnelles d'imposition pour les revenus plus élevés et la révision du système fiscal dans son ensemble seraient plus efficaces, selon plusieurs spécialistes, que de simplement augmenter le taux d'imposition de cette cinquième tranche d'imposition.
Dans la mesure où les nombreuses déductions de crédits d'impôt augmentent les possibilités d'évitement fiscal, l'abolition de déductions profitant principalement aux mieux nantis, par exemple, serait peut-être pertinente.
Je vous remercie de votre écoute. N'hésitez pas si vous avez des questions.
:
Monsieur le président, bonjour.
Je voudrais tout d'abord remercier le Comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
Si vous me le permettez, je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai très heureuse de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
[Traduction]
Mon exposé d’aujourd’hui est fondé sur les résultats d’une initiative de recherche de deux ans dirigée par l’Institut de recherche en politiques publiques. L’étude, qui vient d’être terminée, visait à examiner les tendances canadiennes en matière d’inégalités de revenus, les facteurs contributifs de la forte hausse des inégalités observée depuis le début des années 1980 et le rôle des politiques dans la résolution de ce problème.
Nous avons constaté une hausse marquée des inégalités de revenu au cours des 35 dernières années. Cela découle principalement de la hausse spectaculaire du revenu des mieux nantis et de la croissance anémique des revenus des ménages de la classe moyenne.
Étant donné ce constat, on pourrait s’attendre à ce que beaucoup de mesures fiscales annoncées dans le récent budget — en particulier la hausse du taux d’imposition sur le revenu imposable des particuliers qui excède 200 000 $ — soient d’importantes politiques visant à régler ce problème.
Comme je ne dispose que de quelques minutes, j’aimerais me concentrer sur les questions liées aux taux d’imposition des tranches supérieures de revenu et sur les raisons pour lesquelles cette solution n’est peut-être pas aussi simple ou aussi efficace qu’elle puisse sembler à première vue.
Premièrement, il est important de souligner que ce sont les transferts qui contribuent le plus à atténuer l’inégalité du revenu du marché au Canada. À titre d’exemple, en 2011, le système d’imposition et de transfert a permis de réduire l’inégalité de 28 %; les deux tiers de cette baisse étaient attribuables aux transferts, et l’autre tiers était attribuable aux impôts. Cette contribution d’un tiers n’est pas négligeable, mais elle permet de mettre en perspective ce qui peut être accompli en matière de lutte contre l’inégalité grâce au régime fiscal.
Deuxièmement, l’augmentation du taux d’imposition des mieux nantis entraînera une réduction de leur part des revenus, mais il est fort probable que cet effet soit limité, et ce, pour deux raisons. D’abord, l’augmentation du taux marginal ne s’applique qu’à la part du revenu qui excède le seuil de la tranche d’imposition supérieure. Ensuite, ceux qui touchent les revenus les plus élevés peuvent réagir à l’augmentation des taux d’imposition en réduisant leurs revenus déclarés en ayant recours à des abris fiscaux et aux transferts de revenus. Je vous invite à consulter les travaux de MM. Kevin Milligan et Michael Smart sur cet enjeu.
Il y a un vif débat au sujet de l’ampleur de ces changements de comportement et les limites de l’imposition des revenus réels, c’est-à-dire la question de savoir jusqu’où le taux marginal le plus élevé peut être augmenté avant que la perte de revenus découlant de la réaction du contribuable n'excède l’augmentation des recettes obtenue grâce à l’augmentation du taux d’imposition. Il s’agit d’un équilibre délicat difficile à établir.
Troisièmement, l’enjeu de l’imposition des tranches supérieures de revenu comporte aussi une importante dimension liée au fédéralisme dont tous les gouvernements doivent tenir compte. Même si les provinces partagent la même assiette de l’impôt sur le revenu, la réduction des revenus déclarés découlant de l’augmentation du taux d’imposition de la tranche supérieure par un ordre de gouvernement peut entraîner une baisse des recettes pour l’autre ordre de gouvernement. Dans certains cas, cela peut se traduire par une perte nette au niveau des recettes globales.
Les experts semblent convenir que le risque lié aux transferts de revenus est plus élevé à l’échelle provinciale qu’à l’échelle fédérale. C’est dans une certaine mesure ce que l’on voit actuellement. Ces dernières années, la plupart des provinces ont augmenté considérablement le taux d’imposition marginal de la tranche de revenu supérieure et les nouveaux taux fixés au fédéral portent les taux d’imposition fédéraux et provinciaux combinés à une fourchette de 48 à 54 % dans la plupart des provinces. Des taux de cet ordre augmentent le risque de concurrence fiscale entre les provinces et suscitent des préoccupations au sujet de la diminution de la mobilité de la main-d’oeuvre et des recettes. C’est probablement pour cette raison que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a décidé d’annuler sa hausse récente des taux d’imposition des tranches de revenu supérieures.
Cela soulève deux questions. D'abord, que l’augmentation des taux d’imposition soit à l’échelle fédérale ou provinciale importe-t-il? Ensuite, peut-on augmenter les taux davantage?
Nous sommes d’avis que la fiscalité progressive devrait surtout être pratiquée au niveau fédéral. Les estimations de Milligan et Smart démontrent que l’augmentation des recettes des provinces découlant d’une hausse identique des taux d’imposition de la tranche supérieure varie considérablement d’une région à l’autre. Ils ont constaté que les provinces les plus pauvres, qui ont déjà les taux d’imposition les plus élevés, sont plus susceptibles d’obtenir des hausses de recettes moins élevées, tandis que c’est l’inverse pour les provinces les plus riches, étant donné qu’elles comptent une part plus importante des personnes ayant les revenus les plus élevés.
L’adoption d’une fiscalité progressive au niveau fédéral est avantageuse en ce sens qu’elle n’engendre pas une concurrence fiscale nuisible entre les provinces, puisque le taux est uniforme dans l’ensemble du pays, et elle réduit le risque de transfert de revenus chez les autres ordres de gouvernement. En outre, la fiscalité progressive entraîne une augmentation des recettes à l’échelle nationale, ce qui accroît l’effet redistributif des programmes de transferts fédéraux, non seulement pour les particuliers, mais aussi pour les provinces qui utilisent ces transferts pour financer les services de santé et les services sociaux. Cela permet d’améliorer l’efficacité et l’équité de la redistribution opérée par l’intermédiaire du système fédéral de transfert fiscal, et ce, dans l’ensemble du pays.
En ce qui concerne la hausse supplémentaire des taux d'imposition des tranches supérieures, nous considérons qu'il serait d'abord préférable d'attendre de connaître les effets des importants changements aux politiques adoptés depuis les élections de l'automne dernier. Abstraction faite des importantes réserves exprimées au sujet des réductions d'impôt pour la classe moyenne, on s'attend à ce que l'augmentation des taux des tranches supérieures — combinée à d'autres mesures liées aux CELI, au fractionnement du revenu et à l'Allocation canadienne pour enfants — rende le système d'impôts et de transferts plus progressif. Il serait sage d'attendre que ces réformes soient en vigueur, puis d'en évaluer l'effet global.
En conclusion, nous sommes aussi d'avis, à l'instar d'autres personnes — dont Mike Veall et plusieurs autres — que le régime fiscal doit faire l'objet d'une révision exhaustive de façon à réévaluer l'objet et l'incidence d'une panoplie d'avantages fiscaux, dont bon nombre avantagent démesurément les mieux nantis. Jusqu'à ce qu'on ait réglé ses problèmes, toute augmentation supplémentaire des taux d'imposition ne fera qu'accroître le coût d'efficacité et les iniquités du régime d'impôt sur le revenu.
[Français]
Merci, monsieur le président.
:
Je vous remercie de cette occasion. Je suis navré de ne pas pouvoir témoigner en personne, comme je le fais d'habitude.
J'ai trois points.
Premièrement, on s'interroge sur la question de savoir de combien pourront encore augmenter les recettes fiscales liées aux taux d'imposition des particuliers à revenu élevé. Je ne reprendrai pas les propos de France, auxquels je souscris entièrement. Il y a également la question de l'érosion de l'assiette fiscale découlant de cette augmentation. Je pense, comme France l'a indiqué à juste titre, qu'il convient d'insister sur le fait que cela a aussi une incidence sur les provinces. Il est connu que les économistes ont tendance à ne jamais être d'accord, mais je souscris aux estimations de l'Institut C.D. Howe, du ministère des Finances et du Bureau du directeur parlementaire du budget, selon lesquelles l'augmentation des taux entraînerait une hausse des recettes du gouvernement fédéral d'environ 1 milliard de dollars, mais une baisse des recettes des gouvernements provinciaux de l'ordre de 1 milliard à 1,8 milliard de dollars. Auparavant, j'aurais été porté à dire que cette baisse se rapprocherait du montant le moins élevé, mais selon mes calculs les plus récents, ce serait contraire. Quoi qu'il en soit, toutes proportions gardées, il s'agit d'une variation plutôt faible.
Il y a toutefois une variable inconnue. Les récentes études économiques laissent entendre que l'augmentation du taux d'imposition des particuliers touchant les revenus les plus élevés pourrait aussi...
Je n'écarte pas la possibilité que cette mesure aurait une incidence sur d'autres tranches d'imposition qui auraient permis de générer des recettes additionnelles qui ne sont pas prises en compte dans le calcul normal, mais je ne pense pas que l'on appuie suffisamment cette approche encore pour l'utiliser dans la politique fiscale actuelle.
Mon deuxième point appuie également les prévisions du ministère des Finances et du directeur parlementaire du budget quant à l'incidence de cette hausse d'impôt pour la tranche de revenu allant de 45 000 $ à 91 000 $. Je pense que ces prévisions budgétaires sont également solides.
Enfin, mon troisième point porte sur les CELI.
Soit dit en passant, si vous connaissez une personne de 64 ans dont le revenu est suffisamment bas pour avoir droit au Supplément de revenu garanti, à l'âge de 65 ans, dites-lui de ne pas cotiser à un REER, mais plutôt à un CELI. Les cotisations à un REER risquent fort probablement d'avoir un rendement négatif important, car elles seront assujetties à la récupération du Supplément du revenu garanti. En fait, si les gens retirent l'argent l'année suivante, il est presque certain qu'ils perdront la moitié de leur argent, voire plus dans certains cas. C'est un très mauvais investissement à faire.
Les CELI offrent donc un avantage, mais là où le bât blesse, c'est qu'il y a également un important problème de politique. Il y a de nombreuses façons de l'expliquer, mais si l'on pense au plafond de 10 000 $ — s'il est maintenu —, il y aura vraisemblablement un grand nombre de personnes qui, à l'âge de 65 ans, auront peut-être un demi-million ou un million de dollars ou plus en banque, mais qui seront quand même admissibles au Supplément complet de revenu garanti, qui est un programme conçu pour venir en aide aux personnes âgées pauvres.
Donc, de façon plus générale, les CELI sont des bombes à retardement. Les problèmes qu'ils peuvent créer vont empirer avec le temps et auront une incidence sur les revenus presque 10 fois plus importante pour le PIB en 2050 que maintenant. Leurs répercussions empireront. À mon avis, il faut freiner le problème des CELI tandis qu'il y a une réforme qui intègre mieux l'imposition du rendement sur l'investissement à l'épargne et au régime de pensions, car si nous nous attendons à ce que les Canadiens planifient 20, 30 ou 40 ans à l'avance, le gouvernement doit en faire autant.
Merci beaucoup.
J'aimerais abordé plus particulièrement l'idée de faire passer le taux marginal d'imposition des particuliers de 22 à 20,5 %, et le taux d'imposition supérieur, de 29 à 33 %. C'est une réforme qui aura des répercussions positives et négatives.
Les répercussions positives sont associées à la modeste réduction des taux d'imposition sur le revenu des particuliers qui gagnent entre 45 000 et 90 000 $ environ, dont de nombreux ménages à revenu moyen pourront profiter. Cette réduction encouragera les gens à travailler et à épargner, mais comme les études économiques le laissent entendre, les répercussions seront relativement modestes. Les réductions contribueront également à compenser les taux marginaux d'impôt plus élevés pour les familles au moyen de la nouvelle allocation fiscale pour enfants, qui est fondée sur le revenu, et à compenser les taux d'imposition des familles à un seul revenu qui bénéficiaient du fractionnement du revenu qui a été aboli.
Par ailleurs, l'augmentation du taux d'imposition supérieur est moins considérée comme étant une source de revenus. Le taux d'imposition supérieur du Canada, qui est de 53 % environ, combiné aux taux provinciaux, sera le quatrième plus élevé parmi les taux des pays industrialisés, légèrement inférieur à celui de la France. Le taux d'imposition supérieur s'applique à partir d'un revenu d'environ 140 000 $US, ce qui est le tiers de celui des États-Unis, où le taux d'imposition supérieur est fixé à 46,3 %. Bien entendu, dans le passé, nous avons constaté que lorsque le Royaume-Uni et la France ont augmenté leurs taux marginaux d'imposition — considérablement, dans le cas de la France —, les deux pays sont revenus sur leur décision lorsqu'ils ont constaté une très grande diminution des impôts perçus.
Comme les économistes l'ont signalé dans diverses études, il y a d'importantes conséquences lorsqu'on augmente le taux d'imposition supérieur. Un taux d'imposition supérieur élevé dissuadera les talents de rester au Canada ou de venir au Canada, et ce changement arrive au moment où la valeur du dollar canadien a rechuté à moins de 80 ¢US, un peu comme dans les années où il y a eu l'exode des cerveaux. En fait, j'ai discuté avec un certain nombre d'entreprises, et elles constatent déjà que cette hausse pose problème pour attirer au pays les meilleurs éléments de partout dans le monde. Les études sur les effets migratoires sur les riches sont peu nombreuses, mais nous avons entendu parler de cas, dont un qui a été très public récemment au Canada. Ce n'est pas tant la perte de l'assiette fiscale qui est importante que la perte des talents dont nous avons besoin pour améliorer la productivité du Canada.
Des taux marginaux d'imposition élevés ont pour conséquence de décourager les soi-disant créateurs d'emplois à faire des efforts en entreprenariat. On ne réduira plus le taux marginal d'imposition effectif, mais on l'augmentera de deux points de pourcentage en raison du taux d'imposition du revenu des particuliers plus élevé prévu dans le budget fédéral.
Les mesures dissuasives qui touchent les talents et les entreprises peuvent nuire à la croissance économique. Selon une excellente enquête publiée par William McBride de la Tax Foundation aux États-Unis, 21 études sur 23 montrent que les hausses d'impôt réduisent la croissance. Les deux études qui n'indiquent aucun lien entre les deux ont été menées avant 1993. Tandis que la croissance aux États-Unis et au Canada s'accompagnait de taux marginaux d'imposition élevés il y a de cela 50 ans, ceux qui soutiennent que les impôts n'ont aucune incidence sur la croissance ont mal fait leurs devoirs, en ne calculant pas adéquatement les taux d'imposition effectifs qui dépendent de l'assiette fiscale. Par exemple, le Canada ne prélevait pas d'impôt sur les gains en capital avant 1972. Ce type d'études ne prenaient pas non plus en considération d'autres facteurs qui expliquent la croissance, en mélangeant la relation de cause à effet, où la croissance peut donner lieu à des taux d'imposition plus élevés en raison du caractère progressif du régime fiscal. Ces études devraient être rejetées.
Presque toutes les études qui utilisent de bonnes analyses statistiques ont révélé que la hausse des taux marginaux d'imposition ou des taux d'imposition supérieurs réduisent les taux de croissance. Dans un document bien connu, Robert Barro montre que la hausse des taux marginaux d'imposition moyens réduit de 0,5 % le PIB par habitant. Gemmel, Kneller et Sanz estiment que les impôts sur le revenu et les profits sont des plus nuisibles pour la croissance, suivis des déficits et des taxes à la consommation. Il y a d'autres personnes qui ont calculé les coûts marginaux de l'imposition. Bev Dahlby, de l'École de la politique publique de l'Université de Calgary, qui est l'une des expertes en la matière dans le monde, a révélé que l'impôt des sociétés est l'impôt la plus nuisible au Canada, de même que dans de nombreux autres pays, suivi du taux le plus élevé d'imposition sur le revenu des particuliers.
Des études récentes ont également évalué la sensibilité de l'assiette fiscale aux changements apportés aux taux marginaux d'imposition. Michael Veall est l'un de ceux qui ont fait de l'excellent travail à cet égard. La sensibilité peut être causée en partie par des répercussions à plus long terme, telles qu'une baisse des investissements et les effets de la migration. Nous ne connaissons pas très bien les effets de la migration, puisque très peu d'études ont été réalisées sur le sujet.
L'assiette fiscale peut également diminuer à court terme en raison de la planification fiscale et du moment de la réception des déclarations, où les contribuables — ceux à revenu élevé plus particulièrement — sont en mesure de faire ces choses de manière assez rigoureuse, conformément à la loi. Il est certain que de nombreux contribuables se sont organisés en 2015 pour déclarer leur revenu de manière à faire baisser leur revenu déclaré en 2016. Il y a diverses techniques pour le faire, comme bon nombre d'entre vous le savent.
L'Institut C.D. Howe, qui a effectué différentes études canadiennes et américaines, a indiqué qu'une augmentation d'un point de pourcentage du taux d'imposition supérieur entraînerait une réduction du revenu après impôt d'environ 0,69 %. L'institut a évalué que cette hausse du taux d'imposition supérieur ne générerait que 1 milliard de dollars pour le gouvernement fédéral, ce qui est nettement insuffisant pour couvrir les coûts d'une réduction du taux d'imposition médian. Le bureau du directeur parlementaire du budget, comme Michael l'a mentionné, estime qu'une hausse du taux d'imposition supérieur générera davantage de recettes — 1,8 milliard de dollars en 2016-2017 — en utilisant une réduction beaucoup moins élevée d'environ 0,38 %, ce qui est bien en-deça de ce qui est prévu dans la majorité des études qui ont été publiées. Les provinces perdront également des recettes si l'assiette fiscale diminue dans la tranche d'imposition supérieure.
De façon générale, je crois que la hausse du taux d'imposition supérieur au Canada au-delà de 50 %, ce qui est comparable à ce qu'il était en 1993, a été une erreur en matière de politique publique. C'était peut-être une bonne manoeuvre politique d'augmenter les impôts des Canadiens à revenu élevé, mais on aurait pu utiliser une approche beaucoup plus efficace pour financer la baisse d'impôt pour la classe moyenne. Comme je l'ai fait valoir dans de nombreux articles, plusieurs incitatifs fiscaux profitent aux Canadiens à revenu élevé, mais ils ont réduit indûment l'assiette fiscale. Plutôt que d'augmenter les taux marginaux d'imposition, nous aurions dû réduire les avantages fiscaux, ce qui aurait amélioré l'efficacité et l'équité fiscales.
J'espère qu'un jour, le gouvernement s'apercevra, comme le Royaume-Uni et la France, que ce qu'il a fait était une erreur et qu'il reviendra sur sa décision.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de leur présence, que ce soit ici, à Ottawa, par vidéoconférence ou par téléphone.
Ce qui ressort principalement de plusieurs de vos interventions, sinon de la totalité, c'est que le projet de loi répond largement à l'objectif de réduction des inégalités du gouvernement. On peut le comparer au premier acte d'une pièce de théâtre, le deuxième étant le budget de 2016 déposé à la Chambre par le . Avec cet objectif en tête, j'aimerais que, chacun à votre tour, vous soumettiez vos commentaires.
Vous avez aussi souligné, lors de vos témoignages respectifs, la nécessité de réviser le système fiscal.
[Traduction]
Je sais, monsieur Mintz, que vous avez écrit sur le sujet également, et dans vos observations parues dans un article du Globe and Mail le 18 avril, vous avez dit qu'il est temps d'examiner la Loi de l'impôt sur le revenu. D'autres témoins qui sont ici aujourd'hui ont mentionné que c'est probablement un exercice nécessaire car il y a un certain nombre de distorsions dans la loi. Que vous étudiez la question du point de vue de l'inégalité, de la simplification des impôts ou des incitatifs appropriés, une réforme fiscale s'impose plus ou moins d'urgence au Canada.
J'aimerais que vous nous parliez brièvement de ces deux points, soit l'inégalité et la réforme fiscale.
:
Pour ce qui est du système fiscal, on entend dire régulièrement que cela pourrait diminuer la capacité d'aller chercher des revenus chez les personnes les mieux nanties, notamment. On dit aussi craindre que cela puisse décourager le travail et l'épargne.
Je vais prendre comme exemple Steve Jobs et Bill Gates, deux individus qui, on peut le dire, ont réussi en affaires. Ils ont démarré leur entreprise pendant les années 1970, alors que le taux d'imposition était particulièrement élevé. Au cours des 100 dernières années, la période des 30 glorieuses est celle où la croissance économique a été la plus soutenue et où les crises économiques ont été les moins nombreuses. C'était une époque où l'imposition était parmi les plus élevées.
Je veux simplement souligner que cet impact n'existera pas si on élargit la base du système fiscal et qu'on réduit, comme nous le prônons, les possibilités d'évitement fiscal, soit les occasions pour les mieux nantis de réduire leur facture fiscale.
Par ailleurs, le fait de réduire les inégalités a un impact concret. Voici un exemple. À Montréal, l'écart entre le quartier Hochelaga-Maisonneuve et celui de Westmount, pour ce qui est de l'espérance de vie, est de 10 ans. Nous ne parlons pas ici de dollars, mais d'années d'espérance de vie, un aspect extrêmement concret. Cet écart de 10 ans est le même que celui qui sépare le Bangladesh et l'Allemagne.
Réduire les inégalités est souhaitable. Comme l'a souligné le bulletin du budget, c'est un premier pas. Par contre, cela ne permet que d'arrêter la croissance des inégalités. Si elles demeurent élevées, les conséquences négatives vont rester.
Merci.
:
J'aimerais revenir sur le commentaire que j'ai fait plus tôt. La part des impôts liée à la réduction des inégalités est une question qu'il faut mettre en perspective. Le système des impôts ne peut aider que dans une certaine mesure à contrer la croissance des inégalités. Ce rôle est plus précisément celui des transferts. Or on sait qu'il y a encore du travail à faire du côté des programmes de transfert, qu'il s'agisse de l'aide sociale, de l'assurance-emploi, de l'aide aux personnes âgées ou d'autres encore.
Les mesures contenues dans le budget fédéral vont améliorer la progressivité de notre système. Par contre, il y a probablement encore du travail à faire de ce côté.
En ce qui a trait à la classe moyenne, il aurait peut-être été préférable de se concentrer sur celle-ci, compte tenu de ce que va coûter en revenus non perçus la réduction du taux de la deuxième tranche de revenu.
Comme toutes ces mesures interagissent les unes avec les autres, il faudra voir comment elles se combinent. Il faudra prendre du recul et se demander si on a réussi ce qu'on voulait faire.
Pour ce qui est d'entamer une révision du système d'impôt, je pense que c'est très important. En effet, plusieurs mesures fiscales profitent particulièrement aux gens dont les revenus sont les plus élevés, ce qui mine également l'aspect progressif du système d'impôt.
Merci.
:
C'est une longue question, mais j'ai quelques réponses brèves à vous donner.
Pour être franc, je m'inquiète moins de l'inégalité. J'ai toujours été plus préoccupé par la pauvreté. Nous nous sommes attaqués à la pauvreté chez les aînés dans une certaine mesure, mais pas chez les aînés vivant seuls. J'ai été ravi de voir les mesures prévues dans le budget concernant le Supplément de revenu garanti à cet égard. Nous avons un gros problème de redistribution de l'argent des travailleurs aux aînés. Prenons notamment le fractionnement du revenu, la Sécurité de la vieillesse et d'autres mesures à ne pas oublier, et nous devons nous demander si c'est une redistribution appropriée, compte tenu des problèmes de pauvreté chez les travailleurs.
À mon avis, il est important d'élaborer un cadre pour la réforme fiscale. Habituellement, les meilleures réformes fiscales sont celles qui fixent des taux peu élevés, pas celles qui augmentent les taux, et qui élargissent l'assiette fiscale pour rendre la structure fiscale des sociétés plus neutre. Pour ce qui est de la structure fiscale des particuliers, il faut s'assurer qu'elle est neutre pour les contribuables qui ont les mêmes ressources et que le caractère progressif du régime fiscal est approprié. Quand on regarde les calculs sur le caractère progressif du régime, on constate que le régime fiscal est progressif au Canada. Des articles ont été publiés à ce sujet récemment, et si l'on examine la question attentivement, je pense qu'on constatera que la seule question qu'il faut se poser, c'est dans quelle mesure on veut que le régime soit progressif. On l'a rendu plus progressif au cours des dernières années, contrairement à ce que les gens soutiennent. Je pense que ce qui est important, c'est de fournir au gouvernement un cadre pour la réforme fiscale qui lui permettra de rejeter quelques-unes des mauvaises idées qui sont parfois présentées et qui mènent à l'érosion et à la réduction de l'assiette fiscale et à des incitatifs inefficaces.
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Eh bien, l'enquête réalisée par Will McBride de la Tax Foundation que j'ai mentionnée était remarquable car elle regroupait 23 articles rédigés sur le sujet. Elle se penche sur ce qui se passe lorsqu'on rend le régime fiscal plus progressif et sur les effets sur les taux de croissance. Je pense que de façon générale, la plupart des économistes s'entendent pour dire que les impôts sur le revenu sont des plus nuisibles pour l'économie. L'impôt des sociétés est plus nuisible que l'impôt des particuliers. Si l'on augmente le taux d'imposition supérieur, on nuit à l'économie. C'est ce qu'indiquent de nombreuses études. Elles se penchent sur de nombreux sujets. Elles examinent les pays dans le monde. Elles étudient les différents États américains. Je pense que les données sont là.
À titre d'exemple, ou du moins d'expérience, nous savons que lorsqu'on embauche des gens de talent — que ce soit des jeunes ou des PDG —, l'imposition est un facteur qui entre en ligne de compte. Ce n'est pas le seul facteur, mais il peut avoir une incidence. En fait, souvent, lorsque les entreprises doivent faire venir des talents au Canada, elles doivent payer la péréquation pour compenser les taux d'imposition élevés. Cela fait augmenter les coûts d'exploitation de l'entreprise. Si les taux d'imposition plus élevés dissuadent les gens à venir au pays parce qu'ils considèrent le Canada comme étant un pays où les impôts sont élevés, cela aura une incidence négative sur nos talents.
Des études sur les talents et sur l'exode des cerveaux ont révélé que cela a une incidence. Ce que nous pourrions faire, et je n'ai jamais vu qui que ce soit le faire, c'est d'examiner les formulaires de déclaration de revenus que l'Agence du revenu du Canada recueille. Les gens indiquent sur ces formulaires s'ils ont changé de province et s'ils ont quitté le pays. Ils indiquent s'ils sont devenus des non-résidents. Il serait bon de commencer à examiner les données pour voir comment les impôts pourraient inciter les gens à déménager.
Philip Bazel et moi avons rédigé un article sur la TVH en Alberta. Nous avons découvert que jusqu'à récemment, environ 25 % de l'assiette fiscale de l'impôt sur le revenu des particuliers provenait de ce que l'on appelle les ménages à revenu élevé, ceux qui gagnent plus de 500 000 $ par année. C'est beaucoup d'argent. En fait, c'est beaucoup plus élevé que dans n'importe quelle autre province.
Nous savons que de nombreuses personnes, surtout celles qui sont à l'âge de la retraite, se sont établies en Alberta. Ce n'est pas difficile à faire, surtout si vous décidez que vous aimez le ski. Il sera intéressant de voir si les récentes hausses d'impôt sur le revenu des particuliers en Alberta donneront lieu à une migration des personnes à revenu élevé dans la province.
Je vous remercie toutes et tous.
J'aimerais corriger les propos de Mme Raitt, bien gentiment. Elle a mentionné que la réduction d'impôt donnait 90 ¢ par jour au Canadien moyen. Ce n'est pas tout à fait exact. En effet, le Canadien moyen n'a pas droit à une réduction d'impôt, puisqu'on parle des Canadiens qui gagnent 45 000 $ et plus. La médiane se trouve bien en-deçà de cela, ce qui a d'ailleurs été rapporté par M. Zorn lors de sa présentation. Lorsqu'on parle de 90 ¢ par jour, ce n'est donc pas pour le Canadien moyen, mais pour les Canadiens qui ont des revenus plus élevés.
Monsieur Zorn, j'ai beaucoup aimé votre présentation et le rapport que vous avez fait sur le projet de loi .
Mes questions vont s'adresser à M. Zorn, à Mme St-Hilaire et à M. Veall, si j'en ai l'occasion.
Vous avez jeté un coup d'oeil au rapport du directeur parlementaire du budget sur l'impact de la réduction d'impôt et sur une mesure de rechange qui aurait été de réduire d'un point de pourcentage la première tranche d'imposition. Au lieu de réduire la deuxième de 22 % à 20,5 %, on aurait réduit la première de 15 % à 14 %. Évidemment, c'est une mesure hypothétique, puisque le gouvernement a choisi de ne pas aller dans cette direction.
J'aimerais quand même connaître votre estimation, monsieur Zorn. Selon votre connaissance du groupe d'experts et de la méthodologie, où se serait située une telle mesure de réduction d'impôt dans l'ensemble des effets globaux sur les inégalités?
À mon sens, il faut toujours chercher le juste équilibre de telle sorte qu'un régime d'impôt progressif puisse être véritablement efficient. Depuis un certain temps, et particulièrement au cours des 10 dernières années, notre régime fiscal est devenu de plus en plus complexe et alambiqué. J'estime donc que l'on est justifié de vouloir le simplifier. Il convient toutefois de doser nos interventions pour que le caractère progressif ne nuise pas à l'efficacité du régime fiscal.
Je ne pense pas personnellement que nous devrions retourner aux années 1960 ou 1970 où les taux marginaux d'imposition atteignaient les 70 %, et je crois même qu'ils sont allés jusqu'à 90 % dans les années 1960. D'après moi, ce n'est pas une bonne chose; je préfère le juste équilibre auquel nous sommes maintenant parvenus avec notre régime de fiscalité progressive.
Comme mon collègue M. MacKinnon, je suis en faveur d'un examen de notre régime fiscal, mais je crois que cet examen devra aussi porter sur des aspects comme la retraite et la façon dont les gens l'abordent, et ce, de manière à brosser un portrait général de la situation.
Monsieur Zorn, j'ai lu votre rapport et j'ai constaté que vous accordez une note de A à l'établissement de notre nouvelle Allocation canadienne pour enfants pour ce qui est de la réduction des inégalités. Si j'interprète bien votre graphique, l'impact est d'environ 1,75, ce qui nous a valu cette note de A. Je crois que vous avez aussi évalué la bonification du Supplément de revenu garanti pour les aînés vivant seuls en lui octroyant une note de A-, si je ne m'abuse.
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En examinant notre régime fiscal actuel, je constate qu'on y trouve un certain nombre de crédits et de déductions qui ont été instaurés au fil des ans. C'est toujours un peu comme ça que les choses se passent. Des crédits, des déductions et des avantages fiscaux sont intégrés progressivement au régime, si bien que l'on vient à se demander comment on en est arrivé là. Pourquoi ne pas simplement réduire le taux d'imposition et simplifier le tout en se débarrassant de tout ce fouillis? On diminuerait ainsi les frais administratifs et les coûts d'observation pour les contribuables tout en atténuant les effets de distorsion au sein du régime.
Les pays procèdent généralement à une réforme de leur régime fiscal à tous les 20 ans. Il arrive qu'on attende plus longtemps comme c'est le cas des États-Unis qui viennent enfin d'entreprendre une révision devenue vraiment nécessaire du fait que la dernière remontait à 1986. Au Canada, nous avons procédé de 1985 à 1987 à une réforme d'importance qui a été complétée en 1991 avec l'entrée en vigueur de la TPS.
Notre régime actuel est truffé d'avantages spéciaux. Cependant, c'est désormais moins vrai du côté de l'impôt des sociétés à la suite du rapport du Comité technique sur la fiscalité des entreprises. J'ai présidé en 1997 les travaux de ce comité qui ont mené à une réforme de notre régime d'imposition des entreprises. Cette réforme a été selon moi bénéfique pour le Canada dans les années subséquentes. Nous n'avons toutefois pas fait de même pour le reste de notre régime fiscal.
Si on prend l'exemple de l'impôt des particuliers, il y a toutes sortes de crédits et de déductions. Des études ont révélé que certaines de ces mesures sont non seulement inefficaces, mais aussi dommageables pour l'économie. C'est le cas notamment du crédit d'impôt pour fonds de travailleurs qui a été rétabli dans le dernier budget. Les actions accréditives n'ont pas donné non plus de très bons résultats. Je pourrais vous dresser une longue liste de mesures semblables.
Il y a aussi un décalage total entre les taux d'imposition sur les gains en capital et le taux maximal d'imposition des dividendes, deux mesures que l'on essaie souvent d'harmoniser pour éviter que les gens soient tentés de transférer leurs revenus des dividendes vers les gains en capital ou vice-versa, selon celui des deux qui est le plus lourdement imposé. C'est selon moi la source de différents problèmes.
Les deux crédits d'impôt pour les dividendes et les deux taux d'imposition des sociétés ont créé une grande complexité et beaucoup de distorsion dans le système. Il ne fait aucun doute qu'il nous faut appliquer un taux d'imposition unique pour les entreprises, et je crois qu'il serait grandement préférable que nous conservions un seul crédit d'impôt pour les dividendes.
J'estime donc qu'un examen du régime actuel s'impose, et que la TPS devrait être également visée. Les économistes soutiennent souvent que l'on devrait augmenter le taux de la TPS, mais cela demeure une taxe sur la valeur ajoutée bien mince par rapport à ce qu'on trouve ailleurs dans le monde. En raison de tous les crédits et de toutes les exemptions qu'offre le régime, nous en tirons en effet à peu près la moitié de ce que nous pourrions percevoir au titre des dépenses de consommation. De nombreux problèmes sont associés à cette taxe, surtout pour ce qui est du traitement des services financiers.
Nous devons procéder à un examen approfondi de l'ensemble du régime, en cherchant notamment à voir comment nous pourrions combiner différemment les mesures fiscales. Il faudrait miser davantage sur les taxes à la consommation à l'échelon fédéral tout en améliorant l'assiette de la TPS, et avoir moins recours à des mesures comme l'impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers qui inhibent la croissance.
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Si vous consultez les données pour voir qui bénéficie de la réduction d'impôt pour les petites entreprises ou des avantages fiscaux pour les sociétés privées sous contrôle canadien, vous pourrez constater qu'une grande partie de ces contribuables — entre 50 % et 60 % — ont un revenu familial supérieur à 200 000 $. La majoration du taux d'imposition des particuliers à l'égard des dividendes entraînera une augmentation des impôts à payer au titre des dividendes et des gains en capital provenant de la petite entreprise, et même en tenant compte de mesures compensatoires comme l'exonération cumulative des gains en capital — un autre problème auquel je m'attaquerais...
En tenant compte de cette augmentation, qui s'ajoute aux impôts à payer sur les autres revenus tirés de l'entreprise, vous en arrivez à une hausse très considérable du taux d'imposition réel du propriétaire de l'entreprise, simplement en raison de la majoration du taux au palier supérieur. Cela s'explique du fait que les entrepreneurs sont très nombreux à se retrouver dans la tranche de revenus la plus élevée. Lorsque vous gagnez 200 000 $ — je sais que bien des gens considèrent que c'est un revenu élevé, mais la plupart des entrepreneurs atteignent ce niveau — c'est problématique; le fardeau fiscal des propriétaires de petites entreprises va forcément s'alourdir.
J'avais rédigé au départ un article portant sur une éventuelle baisse du taux d'imposition des sociétés — des petites entreprises — de 11 % à 9 %, tel que promis pendant la campagne électorale ainsi que par le gouvernement Harper. Comme vous le savez, on n'a pas donné suite à ces promesses, et le taux d'imposition des petites entreprises demeurera à 10,5 %.
Je suis d'ailleurs favorable à ce changement de cap effectué dans le budget où l'on a renoncé à cette réduction d'impôt. Je préconise en effet un taux d'imposition unique pour les entreprises, plutôt que des taux différentiels. Reste quand même que cette hausse des taux d'imposition des particuliers aura un impact encore plus significatif, de ce fait, sur bon nombre de propriétaires de petites entreprises.
En terminant, j'estime essentiel que nous nous penchions sur les moyens à prendre pour accroître l'efficacité des mesures incitatives destinées aux petites entreprises. Selon moi, plusieurs petits entrepreneurs devront composer avec différentes majorations, comme cela a déjà été le cas avec les impôts fonciers, et comme on le verra sans doute avec certaines charges sociales, si on opte par exemple pour la bonification du Régime de pensions du Canada. Ce sont des enjeux qui vont devenir importants pour les petits entrepreneurs, mais il existe des pistes de solution qui offrent de meilleures perspectives que la déduction pour les petites entreprises.
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Nous reprenons nos travaux.
Avant que nous débutions l'étude article par article du projet de loi, je veux souhaiter la bienvenue aux représentants du ministère des Finances qui pourront nous apporter leur aide au besoin. L'un d'entre vous était présent hier soir, mais je ne sais pas si vous y étiez tous les deux. En tout cas, ce fut une longue soirée de travail; jusqu'à 23 h 45, à ce qu'on m'a dit.
Je crois que vous y étiez, Trevor, pour répondre aux questions. Monsieur Champagne était là également à titre de président. Tout au long de la soirée, vous étiez là pour transmettre de l'information.
Comme il y a plusieurs nouveaux membres au sein du Comité, j'aimerais vous dire quelques mots sur la façon dont le Comité procède à l'étude article par article d'un projet de loi, de sorte que nous soyons tous sur la même longueur d'onde. Certains connaissent déjà la procédure; d'autres pas.
Comme son nom l'indique, cet exercice sert à examiner, dans l'ordre, tous les articles d'un projet de loi. Je vais mettre en délibération chaque article, un par un, et chacun pourra faire l'objet d'un débat avant d'être mis aux voix. Si un amendement est proposé à l'article en question, je vais donner la parole au député qui le propose, qui souhaitera sans doute l'expliquer. L'amendement peut alors être débattu, puis mis aux voix lorsque aucun autre député ne désire prendre la parole.
Les amendements seront examinés dans l'ordre où ils apparaissent dans la liasse que les membres ont reçue de la greffière. Lorsque des amendements sont corrélatifs, ils sont mis aux voix ensemble.
Les amendements doivent être rédigés correctement sur le plan juridique, mais ils doivent aussi être conformes à la procédure. La présidence peut être amenée à juger un amendement irrecevable s'il contrevient au principe du projet de loi ou s'il en dépasse la portée — le principe et la portée ayant été adoptés par la Chambre en même temps que le projet de loi, soit à la deuxième lecture — ou si l'amendement empiète sur l'initiative financière de la Couronne.
Si vous voulez éliminer complètement un article du projet de loi, vous devez voter contre l'article lorsqu'il est mis aux voix, plutôt que de proposer un amendement pour le supprimer.
Comme il s'agit d'une première expérience pour plusieurs nouveaux députés, la présidence procédera lentement, de manière à ce que tous puissent bien suivre les délibérations. Le Comité peut décider pendant l'exercice de ne pas mettre immédiatement un article aux voix. Cet article sera alors mis de côté, et le Comité y reviendra plus tard. Cela arrive assez souvent lorsqu'on ne parvient pas à s'entendre au sujet d'un article ou que certaines choses ne peuvent pas être établies avec certitude.
Comme nous l'avons déjà indiqué, le Comité examinera la série d'amendements dans l'ordre où ils apparaissent et les mettra aux voix un par un, à moins qu'il s'agisse d'amendements corrélatifs, qui sont traités ensemble. Chaque amendement a un numéro (dans le coin supérieur droit) qui indique quel parti l'a présenté. Pour qu'un amendement soit présenté, un appuyeur n'est pas requis. Une fois qu'un amendement a été proposé, il faut le consentement unanime des membres du Comité pour le retirer.
Pendant le débat sur un amendement, les députés peuvent proposer des sous-amendements. Ceux-ci n'ont pas besoin d'être approuvés par le député qui a proposé l'amendement. Un seul sous-amendement peut être examiné à la fois, et le sous-amendement ne peut pas être modifié. Lorsqu'un amendement fait l'objet d'un sous-amendement, c'est le sous-amendement qui est mis aux voix en premier. Un autre sous-amendement peut alors être proposé, ou le Comité peut revenir à l'amendement principal et le mettre aux voix.
Une fois que tous les articles ont été mis aux voix, le Comité tient un vote sur le titre et le projet de loi proprement dit. Le Comité doit également donner un ordre de réimpression du projet de loi pour que la Chambre dispose d'une version à jour lors de l'étape du rapport.
Enfin, le Comité doit demander à la présidence de faire rapport du projet de loi à la Chambre. Ce rapport contient uniquement le texte des amendements adoptés, le cas échéant, et une indication des articles supprimés, s'il y a lieu.
C'était donc la façon de procéder. Nous allons débuter avec l'article 1.
(Article 1)
Il y a un amendement du NDP, NDP-1. Guy, vous avez la parole.
Durant les différentes séances du Comité sur le projet de loi , je suis revenu assez fréquemment sur la modification des taux d'imposition et sur l'efficacité qu'elle peut avoir pour réduire les inégalités ou pour stimuler l'économie. De mon point de vue, il est clair que l'ensemble des présentations qui ont été faites là-dessus démontrent que la réduction d'impôt pour la soi-disant classe moyenne présentée par le gouvernement est probablement la mesure la moins efficace parmi celles qui ont été présentées ou promises par le gouvernement, malgré le fait qu'il s'agisse d'une mesure phare.
Si l'on veut réellement réduire les impôts de la classe moyenne en présentant un amendement qui soit toujours à l'intérieur des cadres et du mandat du projet de loi, on peut modifier cette proposition: au lieu de réduire le taux d'imposition du deuxième palier de 22,5 % à 20 % comme il est indiqué dans le projet de loi, une mesure qui entraînerait des coûts à peu près similaires serait de réduire le premier palier d'imposition de 15 % à 14 %, soit pour tous les revenus au-delà de 12 000 $, au lieu des revenus au-delà de 45 000 $.
C'est la proposition que nous avons faite. Je ne la motiverai pas davantage, parce que je pense que j'ai eu l'occasion de le faire amplement dans les travaux du Comité. J'espère sincèrement que le gouvernement, s'il désire réellement donner un répit à la classe moyenne, en fera bénéficier l'ensemble de la classe moyenne, et pas seulement une certaine portion en incluant les revenus bien supérieurs à ce qui pourrait être défini comme la classe moyenne, comme les revenus de 200 000 $ à 217 000 $.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Nous voterons contre la modification. Certains propos tenus par mon honorable collègue ne sont pas sans contredire les promesses que nous avons faites aux Canadiens et aux Canadiennes pendant la campagne électorale quant aux baisses de taxes et d'impôts. D'ailleurs, ce sujet a été l'enjeu principal dans bien des débats. Évidemment, c'est quelque chose qui était au coeur de notre programme électoral et de nos engagements envers les Canadiens et, j'ose le dire, qui a motivé le choix de plusieurs électeurs.
Nous avons également entendu M. Zorn tout à l'heure, de même que d'autres témoins. M. Zorn a parlé de cela en mentionnant un éventail d'autres initiatives qui seront prises par ce gouvernement. Cette baisse d'impôt va servir à freiner l'inégalité au Canada, voire à la réduire.
Cependant, il y a plus important encore. Le député voudrait qu'on réduise de 15 % à 14 % le premier taux d'imposition. Il est à noter que bon nombre de gens dans cette catégorie ne paient déjà pas d'impôt. D'ailleurs, je crois que la majorité de ces gens ne paient pas d'impôt, pour diverses raisons. Par exemple, le crédit d'impôt pour la TPS, le crédit d'impôt pour enfants, et j'en passe, sont des mesures qui réduisent à néant le taux d'imposition de ces gens. Nous nous opposons donc à cette modification pour les raisons que je viens de citer.
J'ajouterais un dernier point. La réduction de ce taux d'imposition toucherait de manière très négative les gens dans cette catégorie d'imposition. En effet, le taux d'imposition utilisé est le même que celui qu'on utilise pour le calcul du crédit d'impôt pour frais médicaux, du crédit d'impôt pour personnes handicapées, et ainsi de suite. Ces personnes bénéficieraient donc de moins de crédits d'impôt à cause du taux d'imposition réduit.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à la modification.
Je cède la parole à mes collègues.
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D'après ce que je comprends, M. MacKinnon considère que la plupart des gens dont le revenu se situe entre 25 000 $ et 45 000 $ payent peu d'impôt en raison de l'ensemble des mesures dont il a parlé. À l'heure actuelle, plusieurs des mesures disponibles sont des crédits d'impôt non remboursables. J'aimerais souligner que la plupart de ces gens payent déjà une part d'impôt et font probablement partie des Canadiens qui ont le plus besoin d'aide sur le plan fiscal. Ils en ont plus besoin que ceux dont le revenu est de 210 000 $ par année et qui bénéficient en plus d'une réduction d'impôt.
Par ailleurs, j'inviterais mon collègue à aller faire un tour dans sa circonscription et à parler aux gens qui gagnent moins de 45 000 $. Il pourrait vérifier s'ils avaient l'impression, pendant la campagne électorale, qu'ils seraient admissibles à une telle réduction d'impôt. Je peux dire, de mon côté et de celui de plusieurs de mes collègues, que la réaction est assez forte. Les gens dont le revenu se situe entre 30 000 $ et 40 000 $ et qui se considèrent comme faisant partie de la classe moyenne croyaient qu'ils allaient bénéficier d'une réduction d'impôt. Or ils sont extrêmement surpris, depuis le début de l'année, de voir que leur chèque de paye n'a pas changé.
Honnêtement, je n'ai guère entendu de débats, durant la campagne électorale, sur le fait que le taux de 22 % serait réduit à 20,5 %. Au-delà de cet aspect technique, les gens ont compris que, s'ils faisaient partie de la classe moyenne, ils auraient droit à une réduction d'impôt. Or ce n'est pas le cas pour la majeure partie de ce qui pourrait être défini comme la classe moyenne.
Je propose donc que l'ensemble de celles et ceux qui peuvent se considérer comme faisant partie de la classe moyenne bénéficient d'une réduction d'impôt et que la réduction d'impôt destinée à ceux dont le revenu annuel est supérieur à 200 000 $ soit abolie. Pour ces raisons, je désire maintenir mon amendement.