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Merci à vous tous de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Pour commencer, je tiens à remercier le Comité de prendre le temps d'examiner l'administration et le fonctionnement de la loi. Je sais que les membres de ce comité prennent cette question très au sérieux et je tiens à répéter qu'il en va de même pour le gouvernement.
Nous apprécions — et, personnellement, j'apprécie — tout le travail que fait le Comité pour étudier cette question complexe et écouter des témoignages utiles d'un large éventail de témoins pour formuler des recommandations à l'intention du gouvernement.
[Français]
Comme vous le savez, le gouvernement s'emploie depuis près de trois ans à effectuer des investissements pour faire croître l'économie, renforcer la classe moyenne et offrir une aide réelle à ceux qui travaillent fort pour faire partie de cette classe moyenne.
Nous avons aussi travaillé fort afin que notre régime fiscal soit équitable pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens. En termes simples, l'économie ne peut fonctionner pour tous lorsque ce n'est pas tout le monde qui paie sa juste part.
[Traduction]
Après tout, les impôts et taxes que nous payons au Canada contribuent à fournir les services sur lesquels nous comptons tous pour avoir une bonne qualité de vie. Les impôts et taxes nous aident à construire l'infrastructure qui nous permet d'acheminer nos marchandises vers les marchés et qui soutient de bons emplois bien rémunérés. Bien entendu, les impôts et les taxes que nous payons contribuent à réparer les fractures et à mettre le cancer en rémission dans tout le pays. Ils payent les programmes et les services qui contribuent à assurer la sécurité des Canadiens dans les collectivités canadiennes.
Il est absolument important pour nous tous que tout le monde paye sa juste part. C'est la raison pour laquelle nous continuons de prendre des mesures pour lutter contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal. Nous avons récemment déposé une motion demandant à présenter une mesure législative qui permettrait d'inscrire dans la loi canadienne une convention internationale qu'on appelle l'instrument multilatéral et qui vise à contrer les stratégies d'évitement fiscal qui mènent à une érosion de la base et à un transfert des bénéfices et qui consistent pour des sociétés et de riches particuliers à profiter d'échappatoires dans les traités fiscaux pour transférer indûment des bénéfices à des endroits où l'impôt est faible ou inexistant pour éviter d'avoir à en payer. C'est un outil important dans notre lutte contre l'évitement fiscal international agressif.
En veillant à ce que tous payent leur juste part, nous pouvons continuer à préserver notre capacité à investir dans les programmes et les services que nous savons que les Canadiens méritent. C'est aussi pour cette raison que nous participons activement à des efforts complémentaires par l'intermédiaire du G20 pour combattre l'évasion fiscale internationale et l'évitement fiscal agressif, notamment en accroissant la transparence quant à la propriété bénéficiaire des sociétés et des fiducies.
Nous collaborons aussi avec nos partenaires étrangers à l'intérieur du G7 et avec l'ensemble de la communauté internationale sur plusieurs fronts pour combattre le blanchiment d'argent et les risques qui y sont associés, dont le financement du terrorisme. Ce travail comprend la modification de lois et de règlements, des évaluations de risques, des estimations et des contributions aux efforts internationaux par l'intermédiaire de groupes comme le Groupe d'action financière internationale, ou GAFI, les Nations unies, le G7, le G20 et le coalition destinée à contrer le financement du groupe armé État islamique.
En avril dernier, j'ai eu l'occasion de prendre la parole à une conférence contre le financement du terrorisme organisé par le président Macron, à Paris, où les ministres de 70 pays se sont réunis pour discuter des obstacles complexes et changeants à surmonter pour couper l'accès des terroristes à des fonds. Ces efforts contribuent à garder les Canadiens en sécurité et, bien entendu, nous sommes fiers de faire notre part.
Il est aussi important pour le gouvernement de s'assurer que la croissance économique profite à tout le monde et non seulement aux plus fortunés. Ce thème a été au centre des récentes réunions du G7 et reste une priorité.
[Français]
Il est important de mentionner que l'objectif d'une croissance qui profite à tout le monde ne peut être atteint s'il l'est de façon isolée. Pour y parvenir, plusieurs éléments doivent être en place.
Nous devons avoir des institutions démocratiques solides, une économie ouverte et stable ainsi qu'un système financier accessible et avancé. Or nous avons la chance d'avoir tous ces éléments ici, au Canada.
[Traduction]
Malheureusement, ces points forts peuvent parfois faire de nous une cible pour ceux qui cherchent à blanchir le produit de la criminalité ou à lever, transférer et utiliser des fonds à des fins terroristes. Pour compliquer encore plus les choses, le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes sont des crimes qui facilitent et récompensent la commission d'autres crimes, compromettant la sécurité de nos collectivités. Ils compromettent aussi le caractère abordable de nos villes.
Nous savons que le blanchiment d'argent peut créer des distorsions sur les marchés immobiliers locaux, contribuant à rendre certaines villes simplement inabordables pour de nombreuses familles canadiennes. Il faut que cela cesse. Le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes devrait mobiliser tous les outils disponibles pour détecter, stopper et juger ces activités illicites.
Bien entendu, au Canada, nous sommes uniques à cet égard. Partout dans le monde, des pays déploient beaucoup d'efforts pour détecter et décourager les crimes financiers. Nous pouvons beaucoup apprendre des efforts des autres. Je sais que c'est ce que des membres du Comité ont entrepris de faire en allant au Royaume-Uni et aux États-Unis, deux de nos partenaires de l'alliance du renseignement constituée par le Groupe des cinq, pour en apprendre plus sur la façon dont ils ont réussi à réprimer le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
Ici, chez nous, je crois comprendre que le Comité a prévu d'entendre un large éventail de Canadiens qui ont intérêt à veiller à ce que le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme n'aient pas cours sous leur surveillance. Il y a, entre autres, des chefs de gouvernement provincial, des membres de forces de police, des spécialistes de la protection des renseignements personnels et de la transparence et ceux qui, dans le secteur privé, représentent des institutions financières, des associations juridiques et professionnelles, et des agences immobilières et d'autres entités qui doivent communiquer de l'information. Cette sorte de coopération est importante, puisque les activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme sont souvent complexes et que les techniques utilisées sont souvent très sophistiquées.
Ceux qui financent le crime et le terrorisme exploitent le fait que ces crimes ne connaissent pas de frontières. Dans bien des cas, les personnes impliquées ont réussi à se soustraire à l'attention des autorités, protégeant dans les faits ceux qui profitent de leurs activités illégales.
[Français]
Une intervention globale efficace doit être équilibrée, assez souple pour répondre aux nouveaux défis et bien coordonnée. C'est là que le Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes appliqué par le gouvernement entre en jeu. S'appuyant sur d'importants outils qui permettent de détecter, de décourager et de prévenir le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, le Régime vise à protéger l'intégrité de notre système financier et à assurer la sécurité des Canadiens.
[Traduction]
Le régime est efficace et conforme aux normes, mais cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas être amélioré. Comme gouvernement, nous ne perdons pas de vue la nécessité de protéger les droits des Canadiens et de respecter la séparation des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux tout en réduisant au minimum le fardeau sur le secteur privé.
Nous savons qu'il y a un équilibre délicat à atteindre ici. J'invite le Comité à consulter les personnes qui peuvent dire comment nous pouvons améliorer le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité tout en protégeant les droits des Canadiens. Notre commissaire à la protection de la vie privée, par exemple, serait une personne à consulter sur cette question.
La triste réalité, c'est que les criminels trouvent sans cesse de nouvelles façons d'exploiter le système financier et de se servir d'entreprises légales à des fins criminelles. Nous devons réagir à leur créativité avec fermeté. Depuis la dernière étude, en 2013, le contexte dans lequel sont menées les activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme a évolué considérablement. Je sais que cinq ans, cela paraît bien court, mais nous devons prendre en considération ce qui a changé. Les produits financiers complexes, dont la monnaie virtuelle qui assure l'anonymat des utilisateurs, se sont multipliés. Les technologies financières émergentes, comme les services bancaires mobiles, qui changent la façon dont les Canadiens accèdent au système financier, ont aussi été largement adoptées.
Ces dernières années, nous avons vu l'usage continu d'arrangements juridiques et corporatifs complexes pouvant servir à camoufler le produit de la criminalité et les véritables propriétaires des sociétés. Les systèmes d'identification numériques qui peuvent contribuer à mieux protéger l'identité des consommateurs se sont aussi améliorés.
[Français]
Il vaut la peine de rappeler que le gouvernement compte sur des partenaires importants dans sa lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Au Canada, les entreprises ont, elles aussi, un rôle essentiel à jouer. Voilà pourquoi les activités de sensibilisation et de conformité menées par le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, sont cruciales.
Je sais que le Comité a entendu parler de l'importance d'offrir une formation conviviale et du besoin de simplifier la tâche des entreprises canadiennes de respecter leurs obligations. J'espère que le Comité prendra ces recommandations au sérieux et qu'il songera à ce que nous pourrions faire de plus pour minimiser le fardeau des entreprises.
[Traduction]
Aussi, les partenaires du régime au sein du gouvernement doivent continuer de collaborer pour assurer l'intégration harmonieuse de la politique et des activités opérationnelles. Nous pouvons ainsi contrer le plus efficacement possible les nouvelles menaces dès leur apparition. Nous ne pouvons pas lutter efficacement contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes sans une collaboration étroite entre les entités tenues de faire des déclarations, les organismes de sécurité nationale et les responsables de l'application de la loi, fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux.
Cela dit, même s'il est crucial que les partenaires du régime échangent de l'information de façon rapide et fiable, il est également essentiel que nous respections collectivement les droits des Canadiens, y compris leurs droits à la vie privée, qui sont garantis par la Charte des droits et libertés. Le respect de la vie privée et la protection des renseignements personnels sont très importants pour le gouvernement. C'est pourquoi les rapports requis au titre de la loi dont nous discutons aujourd'hui sont remis au CANAFE, et non directement aux organismes d'application de la loi. Les rapports et les autres renseignements soumis au CANAFE, que ce soit au sujet d'opérations financières douteuses ou de mouvements transfrontaliers de fonds, font l'objet d'une analyse et d'un examen indépendants menés par le Centre. Le régime compte de nombreux freins et contrepoids, y compris les mécanismes qui protègent l'indépendance et l'impartialité du CANAFE en ce qui concerne l'application de la loi et les enquêtes de sécurité nationale.
Je sais que vous avez entendu les témoignages du commissaire à la protection de la vie privée et d'autres personnes, qui nous rappellent que ces freins et contrepoids servent à protéger les droits à la vie privée des Canadiens. Je me réjouis à l'idée de lire l'ensemble des recommandations que vous présenterez, mais j'attends particulièrement vos conseils sur la façon d'accroître l'efficacité du régime dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes tout en réduisant le fardeau pour les entreprises et en continuant de respecter les droits et libertés des Canadiens.
Alors que nous nous préparons à prendre de nouvelles mesures, nous devons également chercher des façons de combler les lacunes réglementaires et législatives relevées dans le rapport d'évaluation mutuelle du Canada, que le Groupe d'action financière a publié en 2016. Il faut aussi s'occuper des nombreuses questions soulevées par les intervenants et les partenaires du régime. Parmi ces lacunes, on a souligné la collecte de l'information sur la propriété bénéficiaire et l'accès à ces renseignements, c'est-à-dire les données sur les véritables propriétaires des entreprises au Canada. Comme vous le savez, le gouvernement travaille déjà d'arrache-pied avec les provinces et les territoires pour améliorer l'accessibilité à l'information sur la propriété bénéficiaire. Ce dossier illustre bien la valeur de la collaboration dans les efforts visant des problèmes complexes.
Au sujet des entités tenues de faire des déclarations, on a également soulevé le fait que les professions juridiques ne font pas partie du régime du Canada. Comme nous le savons, la Cour suprême du Canada a récemment statué dans une décision juridique que certaines dispositions de la loi touchant les avocats sont inconstitutionnelles. Nous sommes conscients des risques associés au fait que les professionnels du droit ne fassent pas partie du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. À cet égard, nous sommes ouverts à vos suggestions pour une meilleure intégration au régime des professionnels du droit, d'une façon qui soit constructive et respectueuse des décisions de la cour.
Ces deux lacunes, qui portent respectivement sur l'information sur la propriété bénéficiaire et sur les professionnels du droit, sont évidentes dans le secteur immobilier, qui est vulnérable aux manoeuvres de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale en raison du nombre de transactions financières importantes qui s'y déroulent.
Au fédéral, le CANAFE et l'Agence du revenu du Canada ont tous les deux intensifié leurs activités pour améliorer le respect des obligations en matière d'impôt et de lutte contre le blanchiment d'argent. Il faut toutefois en faire plus. Comme vous le savez, les blanchisseurs d'argent et les financiers du terrorisme se tournent vers de nouvelles activités, comme les cryptoactifs et le blanchiment d'argent par voies commerciales, ce que le gouvernement cherche également à combattre. J'ai hâte d'entendre vos conseils sur ces enjeux.
Monsieur le président, avant de conclure, je tiens à assurer aux membres du Comité que le gouvernement prend ces préoccupations, le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, très au sérieux. Pour être franc, ces questions constituent une menace à la sécurité des Canadiens, et le gouvernement sait qu'assurer la sécurité des Canadiens doit être une priorité absolue.
[Français]
Je tiens à remercier encore une fois le Comité du travail ardu qu'il a accompli pour maintenir les Canadiens en sécurité. Je suis reconnaissant de l'attention minutieuse et réfléchie qu'il a portée à ce sujet complexe et je compte recevoir ses recommandations très bientôt. Je les recevrai en étant sincèrement reconnaissant pour la large portée de la tâche qu'il a entreprise.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer aujourd'hui. Je serai très heureux de répondre à vos questions.
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D'accord. Voilà qui met fin à la période de questions.
Nous allons entendre les fonctionnaires dans un instant, mais tout d'abord, j'aimerais soulever quelques points que vos fonctionnaires voudront peut-être examiner. Nous avons entendu, tant ici que dans le cadre de nos déplacements, à quel point il est primordial de faciliter le respect des exigences. L'un des témoins que nous avons entendus à New York a parlé de la possibilité d'avoir un système de déclaration convivial doté d'un menu déroulant et d'une case à cocher. Ce sont des choses auxquelles il faut réfléchir.
Par ailleurs, il a beaucoup été question des valeurs mobilières lors de nos réunions avec des représentants des États-Unis et du Canada, et selon ce qu'on nous a dit, on ne prend pas au sérieux ici la question du blanchiment d’argent en lien avec les valeurs mobilières. Ce serait donc un deuxième élément.
La question de la transparence du commerce a également été soulevée, car il semble que les documents et les chiffres concernant les importations et les exportations ne correspondent pas nécessairement.
On a beaucoup recours au ciblage géographique aux États-Unis, et cela a permis d'aboutir à d'importantes conclusions.
Des deux côtés, on a parlé des fiducies et de la multiplication des fiducies.
Enfin, on s'est également fait dire que la communication de renseignements est essentielle, surtout entre les banques. À l'heure actuelle, si une personne se livre à des activités douteuses et qu'elle se fait virer d'une banque, elle n'a qu'à s'adresser à une autre banque. Il faut qu'il y ait en quelque sorte un moyen de transmettre ces renseignements. En revanche, il faut tout de même trouver un juste équilibre entre la communication des renseignements et la protection de la vie privée.
Il y a d'autres réflexions qui n'ont pas été mentionnées par les membres du Comité, mais dont nous avons entendu parler durant nos déplacements.
Sur ce, monsieur le ministre, je sais que vous avez un horaire chargé, et que nous avons un peu dépassé le temps qui nous était imparti. Merci beaucoup pour votre exposé.
Nous allons faire une pause d'une minute, le temps que les autres fonctionnaires s'installent dans la salle.