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La séance est ouverte. Pour commencer, au nom des membres du Comité, toutes mes excuses aux témoins. Nous avons eu une réunion informelle avec le comité des finances finlandais, et la réunion a duré un peu plus longtemps que nous l'avions prévu. Je suis désolé de vous avoir fait poireauter à l'extérieur pendant un certain temps.
Durant la réunion d'aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité étudiera la planification fiscale au moyen de sociétés privées. Cette étude contribuera aux consultations du ministère des Finances.
À titre informatif, puisque les consultations prennent fin le 2 octobre, on a décidé de tenir des audiences avec 24 témoins, si je ne me trompe pas, et le . Le compte rendu, les mémoires et tout ce que vous nous présenterez aujourd'hui seront transmis au ministère des Finances et au ministre, et ce, sans recommandation du Comité. Nous nous inscrivons dans le processus de consultation.
Je remercie ceux qui ont pu présenter des mémoires. Les membres les ont sur leur iPad. Je remercie chacun d'entre vous de s'être préparé et d'être venu ici, malgré le préavis relativement serré, extrêmement serré, en fait.
Pour commencer, il serait utile que vous puissiez limiter vos déclarations préliminaires à environ cinq minutes.
Nous accueillons pour commencer M. Bonnett, président, et M. Ross, directeur de la gestion des risques et de la politique agricole, de la Fédération canadienne de l'agriculture.
Ron, la parole est à vous.
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité, de nous donner l'occasion de communiquer nos points de vue sur les modifications proposées de la planification fiscale au moyen de sociétés privées.
Par l'intermédiaire de ses organisations membres, la Fédération canadienne de l'agriculture représente près de 200 000 familles d'agriculteurs de partout au pays. Au cours de mes huit années à la présidence de la FCA, je ne vois pas vraiment quel autre enjeu a suscité autant de préoccupations chez les agriculteurs de partout au pays. Des agriculteurs sont préoccupés par l'ampleur des propositions, les consultations limitées qui ont été menées durant la récolte et le caractère immédiat de l'entrée en vigueur des propositions.
La FCA persiste à dire qu'elle est très préoccupée par le manque de temps prévu pour formuler des commentaires sur d'aussi importantes réformes à la politique fiscale. Nous serions heureux de travailler en collaboration avec le gouvernement pour améliorer l'équité fiscale, mais de tels objectifs peuvent seulement être atteints grâce à un examen complet de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, un examen auquel participerait l'ensemble du milieu des affaires. Par conséquent, nous sommes devenus membres de la Coalition pour l'équité fiscale envers les PME, dans le but de demander un processus plus délibéré et global qui mobiliserait de façon proactive le milieu des petites entreprises du Canada.
Aujourd'hui, nous allons limiter nos commentaires aux répercussions sur le secteur agricole, mais nous croyons qu'un examen plus général est tout de même requis pour dissiper l'ensemble des préoccupations de l'ensemble du milieu des petites entreprises.
Nous sommes heureux de voir que le ministre et le ministre ont déclaré publiquement que les familles d'agriculteurs du Canada et les pratiques agricoles légitimes n'étaient pas visées par ces changements. Malgré ces garanties, les agriculteurs pourraient subir des conséquences imprévues, vu les courts délais avant l'entrée en vigueur de la loi officielle.
L'agriculture canadienne évolue rapidement. Environ 25 % des exploitations familiales sont maintenant constituées en personne morale, et la taille et la complexité des fermes continuent d'augmenter. L'âge moyen des agriculteurs est maintenant supérieur à 55 ans. La planification de la relève peut prendre des années, et bon nombre de plans deviendront caducs en raison de ces changements, ce qui fera en sorte que des agriculteurs auront dépensé des dizaines de milliers de dollars pour quasiment rien. Les propositions actuelles doivent être beaucoup modifiées si on veut s'assurer que les pratiques légitimes ne sont pas touchées.
Je vais maintenant céder la parole à notre directeur de la politique, Scott Ross, qui vous décrira certaines de nos préoccupations précises.
J'aimerais préciser que, en raison de l'échéancier, notre évaluation n'est pas encore terminée. Nous continuons d'entendre parler de nouveaux problèmes et nous nous sommes réunis avec d'autres groupes agricoles pour commander une analyse plus détaillée des répercussions liées précisément au milieu agricole, mais l'analyse ne sera pas disponible avant le 2 octobre. Les résultats préliminaires indiquent un passif d'impôt bien supérieur à 1 million de dollars pour une exploitation agricole typique sur une période de 20 ans.
En ce qui a trait au fractionnement du revenu, nous soulevons un certain nombre de préoccupations importantes. Les familles d'agriculteurs vivent là où elles travaillent, et les contributions à la ferme sont faites de nombreuses façons directes et indirectes, ce dont un critère de raisonnabilité unique ne saurait tenir compte. Les transferts des fermes agricoles peuvent se faire sur des décennies, les enfants des agriculteurs détenant des intérêts dans la ferme tout en poursuivant des études ou en travaillant à l'extérieur pour acquérir des compétences et diversifier les revenus. Le critère strict de raisonnabilité pour ceux âgés de 18 à 24 ans crée des défis précis à cet égard.
Les fermes familiales ont aussi accès aux dispositions de transfert en franchise d'impôt, qui permettent des transactions en deçà de la juste valeur marchande. Le caractère vague des propositions actuelles crée de l'incertitude relativement à tous les actifs actuellement transférés de cette façon.
Pour ce qui est des placements passifs, il reste à savoir de quelle façon les terres agricoles louées et les fonds du programme Agri-investissement seront traités. Et il reste des préoccupations plus générales au sujet des plans de retraite des agriculteurs et de leurs investissements futurs. Cette dernière considération minerait directement la capacité de l'industrie d'atteindre les cibles de croissance ambitieuses des exportations agroalimentaires établies dans le budget de 2017.
Enfin, les modifications liées au traitement des gains en capital créent des complications indues dans le cadre des transferts de ferme intergénérationnels. Les changements visant à empêcher la conversion de revenus en gains de capital accentueraient les inégalités que la FCA souligne depuis longtemps et qui découragent les agriculteurs de vendre leur ferme à des membres de la famille. Les limites touchant l'accès aux gains de capital menacent les plans de relève à long terme mis en place dans le cadre du régime fiscal actuel, créant une complexité et des coûts accrus.
Le choix ponctuel du traitement fiscal en 2018 est aussi problématique puisqu'il crée une dette fiscale qui n'est pas gérable en raison du traitement fiscal minimal par défaut et d'une série de pièges fiscaux potentiels.
Chacune de ces préoccupations reflète la possibilité d'importantes conséquences imprévues.
Je vais maintenant céder à nouveau la parole à Ron, qui décrira les points de vue de la FCA sur la marche à suivre.
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Merci de me donner l'occasion de parler de ce dossier.
L'un des défis en matière de politique fiscale, c'est que les riches ont souvent le plus à perdre ou à gagner, et c'est donc eux qu'on entend le plus. Lorsque les gouvernements écoutent seulement les nantis, on se retrouve avec beaucoup de réductions d'impôt ou une politique fiscale qui exacerbe l'inégalité croissante des revenus.
Lorsque les gouvernements offrent des réductions d'impôt ou éliminent des échappatoires fiscales, il est peu probable que cela modifie beaucoup les taxes que payent les Canadiens à revenu moyen et à faible revenu. Par conséquent, les Canadiens ordinaires ne prennent pas la parole, et on constate que le caractère progressif de notre régime fiscal est érodé par de plus en plus de réductions d'impôt et d'échappatoires fiscales qui profitent principalement aux riches. Une récente étude réalisée par le Centre canadien de politiques alternatives a révélé que, en moyenne, les 10 % les plus riches obtiennent une réduction d'impôt de plus de 20 000 $ par année en raison d'échappatoires fiscales. Il s'agit d'une augmentation de 6 000 $ depuis 1992.
Cependant, les Canadiens à revenu moyen et à faible revenu sont touchés lorsque les gouvernements n'ont pas suffisamment de recettes pour bien financer les programmes comme la protection de l'enfance, les transports en commun ou les services publics. Par exemple, le gouvernement libéral a fourni du financement pour les services de garde dans le budget de 2017, mais il s'agissait de 7,5 milliards de dollars sur 11 ans, ce qui est totalement inadéquat selon le FMI. Les représentants du Fonds affirment qu'il faut 8 milliards de dollars par année et que cet investissement pourrait être récupéré grâce à une augmentation des recettes fiscales et un taux de participation à la population active plus élevée.
L'organisation Canadiens pour une fiscalité équitable demande au gouvernement de mener des consultations publiques sur les dépenses fiscales — ce qu'on appelle les « échappatoires fiscales » — et de fermer celles qui sont injustes ou inefficaces. Nous applaudissons les mesures proposées pour limiter l'utilisation des sociétés privées en vue de réduire l'impôt. Il s'agit d'une mesure pour assurer l'équité fiscale, mais nous demandons instamment au gouvernement de poursuivre le travail et d'éliminer d'autres échappatoires fiscales injustes ou inefficaces, comme la déduction relative aux options d'achat d'actions, l'exemption pour gains en capital et la déduction pour frais de représentation des entreprises, pour ne nommer que celles-là.
Nous avons dénoncé des personnes riches qui utilisaient des comptes bancaires à l'étranger et des comptes dans les paradis fiscaux pour se soustraire à l'impôt et nous demandons au gouvernement de déployer des efforts pour éliminer ces paradis fiscaux. Nous sommes heureux de voir que certaines mesures ont été prises à cet égard, mais nous n'avons jamais accusé ceux qui utilisent des sociétés privées pour réduire leur niveau d'imposition d'être des « fraudeurs fiscaux ». Ce qu'ils font est légal, mais il est là, le problème. L'évitement fiscal légal est un aussi gros problème, en ce qui a trait aux pertes de recettes gouvernementales, que l'évasion fiscale illégale. C'est au gouvernement de réformer les lois qui ne servent pas l'intérêt public ou qui permettent à quelques personnes riches de payer moins que leur juste part d'impôt.
Au coeur du problème, il y a l'inégalité. Notre régime fiscal est devenu moins progressif au cours des dernières décennies et c'est un élément majeur qui continue à l'augmentation des inégalités. Le Fonds monétaire international et l'OCDE ont déterminé que le niveau actuel d'inégalité au Canada a un impact négatif sur notre économie. Il ralentit notre croissance économique. Les données révèlent que l'inégalité mine aussi le bien-être de tout le monde, y compris les résultats liés à la santé de la population, même pour les riches.
Les revenus stagnants des Canadiens à revenu moyen et faible réduisent la demande des consommateurs pour les biens et services dont les entreprises dépendent. En fait, le sondage réalisé en 2015 par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante auprès de ses membres a constaté que le principal facteur limitant la capacité des petites entreprises d'accroître leurs ventes ou leur niveau de production était une demande nationale insuffisante. Leur plus gros problème, c'est non pas le taux d'impôt, mais le manque de pouvoir d'achat des Canadiens. Ces entreprises bénéficieraient de politiques gouvernementales qui augmentent la demande globale, comme l'augmentation des salaires minimums, le fait d'investir dans les services de garde et les investissements dans d'autres infrastructures sociales et physiques.
Notre régime fiscal est aussi l'un des meilleurs outils que nous pouvons utiliser pour aider à réduire les inégalités en augmentant les recettes de façon à permettre aux gouvernements d'investir dans les programmes qui aideront à réduire les inégalités et aussi à atténuer les dépenses fiscales injustes ou inefficaces qui exacerbent l'inégalité de revenu.
Les recherches montrent clairement que les riches sont beaucoup plus susceptibles que les Canadiens à revenu moyen et faible de détenir une société privée et qu'ils sont plus susceptibles de profiter des échappatoires fiscales. Moins de 10 % des personnes qui ont un revenu inférieur à 51 000 $ ont un intérêt important dans une entreprise privée. Dans le cas des 1 %, environ 50 % possèdent un intérêt important dans une entreprise privée. Pour la première tranche de 0,01 %, le pourcentage augmente de façon marquée à près de 80 %.
La question ne concerne pas seulement les petites entreprises. Les deux tiers des propriétaires canadiens de petites entreprises gagnent moins de 73 000 $. Pour eux, cette échappatoire fiscale n'est pas vraiment bénéfique au bout du compte. Ce n'est pas un grand soutien pour les entreprises en démarrage, parce qu'elles ne font pas beaucoup d'argent durant les premières années. De plus, les propriétaires de petites entreprises ont d'autres options pour économiser en vue de la retraite. Les REER et les comptes d'épargne libres d'impôt bénéficient déjà de généreuses subventions gouvernementales.
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Merci beaucoup. John et moi allons tous les deux vous présenter notre exposé.
J'ai pourtant revêtu un complet différent cette semaine, monsieur le président, afin de vous dérouter, mais ça n'a pas fonctionné.
Je suis ici aujourd'hui non pas en tant que dirigeant de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, mais en tant que membre de la Coalition pour l'équité fiscale envers les PME. Cette coalition a vu le jour il y a moins d'un mois et réunit 35 associations du milieu des affaires qui se sont consultées pour formuler leurs préoccupations sur ces enjeux. La Coalition compte maintenant plus de 70 associations d'entreprises de partout au pays et représente des centaines de milliers d'employeurs canadiens et des millions d'employés du Canada.
La liste des membres de la coalition est dressée dans la présentation que je vous ai fournie et inclut des membres dans les secteurs de la construction, de l'agriculture, des services professionnels, de la vente au détail et de la restauration. Tous ces groupes se sont réunis pour essayer d'exprimer leurs préoccupations au gouvernement au sujet des changements proposés.
En guise de contexte, je suis heureux de voir que ceux qui sont en faveur de ce projet de loi — le gouvernement — et ceux qui s'y opposent ont reconnu que la grande majorité des petites entreprises affichent des niveaux de revenu assez modestes. Les deux tiers gagnent moins de 73 000 $ par année. Je suis heureux de voir qu'il n'y a pas de débat à ce sujet.
Ce que nous tentons de dire, c'est que les propriétaires d'entreprises, peu importe le niveau de revenu, sont susceptibles d'être touchés par au moins une des trois mesures envisagées, y compris ceux qui gagnent bien moins de 150 000 $ par année, un montant qui a été proposé par le ministre.
Bon nombre de ces entreprises, peut-être la majorité, verront aussi leur fardeau fiscal augmenter. Selon moi, il s'agit d'une réalité que le gouvernement doit connaître. Pour la majeure partie des propriétaires d'entreprises, le niveau global d'impôt qu'ils paieront en raison de ces changements sera plus élevé à l'avenir, ce qui, évidemment, signifie qu'ils auront moins d'argent pour faire d'autres choses que nous pouvons considérer comme importantes.
De plus, en raison de ces changements, il y a de nombreux exemples, que soulève la coalition, de situations où des propriétaires d'entreprises canadiens paieront des taux d'imposition plus élevés que d'autres contribuables qui affichent des niveaux de revenu similaires. On ne tente pas ici de simplement s'assurer que les propriétaires de petites entreprises payent autant que les autres. Dans de nombreux cas, nous constatons que les propriétaires d'entreprise payeront plus. C'est quelque chose dont on ne semble pas s'inquiéter. Tous les examens réalisés par des fiscalistes ont donné à penser qu'il y a beaucoup d'exemples de situations où des propriétaires d'entreprises payeront plus que les autres contribuables affichant des niveaux de revenu similaires.
Pour ce qui est du fractionnement du revenu, cette mesure a le potentiel de toucher tous les contribuables de quasiment tous les niveaux de revenu. Évidemment, à un niveau de revenu d'environ 50 000 $, les propriétaires d'entreprise commenceront à être touchés par ces changements.
Nous sommes aussi extrêmement préoccupés par le manque de clarté du critère de raisonnabilité accru qui sera utilisé par l'Agence du revenu du Canada.
En ce qui concerne les règles liées au revenu passif, beaucoup d'entreprises doivent conserver certains gains dans la société ou auront des politiques qui limitent la quantité d'argent pouvant être distribuée aux actionnaires. Beaucoup d'entreprises essuient des pertes durant les premières années, des pertes que les actionnaires ne peuvent tout simplement pas utiliser pour réduire leur revenu personnel. Nous voulons aussi souligner que les entreprises qui réussissent, particulièrement dans le secteur des hautes technologies, utilisent ces profits conservés dans les sociétés pour investir dans d'autres entreprises en démarrage, alors que cette source de financement d'autres entreprises, c'est notre crainte, commencera à se tarir.
Même si certains ont laissé entendre qu'un recours accru aux REER ou au CELI pourrait être une solution pour les propriétaires d'entreprises, il y a des limites pratiques à cette solution. Vos politiques encourageront les propriétaires d'entreprises à sortir plus d'argent de l'entreprise; il en restera donc moins dans l'entreprise pour les protéger en cas de ralentissement économique ou de problème d'affaires ou encore pour investir dans d'autres occasions d'affaires.
Je vais maintenant céder la parole à John, qui prendra la relève.
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Merci, monsieur le président.
Je ne crois pas que les taux d'impôt sur la diapositive sont contestés. Ils révèlent une importante augmentation des coûts d'imposition pour ces types de revenus passifs.
Je crois que la question, ici, la question de nature politique qu'il faut vraiment se poser, consiste à savoir si un report est une politique fiscale appropriée pour les entreprises privées canadiennes. Nous croyons qu'il y a de bonnes raisons pour lesquelles il s'agit d'une politique fiscale appropriée. Dan a déjà fait allusion à certaines raisons. J'aimerais ajouter deux choses.
Je crois qu'une source d'épargne au sein d'une société garantit qu'il y a des capitaux disponibles pour investir dans l'entreprise. Ces types d'investissements importants peuvent être nécessaires à des intervalles de quelques années, particulièrement pour une petite entreprise. Je crois qu'il est important que les entreprises puissent économiser ces fonds et y avoir accès.
Ensuite, ces types d'économies peuvent aider les entreprises durant les années où les revenus fluctuent ou lorsqu'il y a des ralentissements économiques. Nous avons eu beaucoup de clients dans notre société — par exemple, ceux en Alberta — qui, durant les récents ralentissements économiques, ont utilisé les économies de leurs sociétés privées pour maintenir les niveaux d'emploi dans le marché albertain, où de grandes sociétés ont dû procéder à beaucoup plus de mises à pied que les entreprises du secteur privé.
Passons à la diapositive 9. J'ai deux ou trois commentaires à formuler au sujet de l'impact des changements sur les transferts entre générations. J'ai deux ou trois observations au sujet de l'impact des changements sur les transferts entre générations. Je veux formuler deux ou trois points pour vous aider à comprendre que le coût fiscal des transferts entre générations augmentera — et augmentera beaucoup — en raison de ces propositions. Les coûts vont augmenter pour un certain nombre de raisons. Vous pouvez voir que, dans la diapositive, on parle d'une augmentation des coûts fiscaux pouvant atteindre 70 %. Permettez-moi de vous expliquer rapidement ce dont il est question.
Bon nombre de transferts entre générations sont organisés de façon à ce que les parents paient de l'impôt sur les gains en capital liés à la vente des parts à leurs enfants, renonçant même à l'exemption pour gain en capital, la capacité de demander l'exemption, pour permettre à leurs enfants d'utiliser les profits futurs de l'entreprise pour les rembourser. Les changements ont pour effet de changer le coût aux fins de l'impôt de ce type de planification; on passera d'un taux d'imposition des gains en capital d'environ 27 % au taux qui s'applique aux dividendes, soit 45 %. Faites le calcul. On parle d'une augmentation d'environ 70 %.
En vendant l'entreprise à une partie indépendante, le propriétaire de l'entreprise aura seulement à payer le taux d'impôt sur les gains en capital de 27 %, et si on ajoute l'exemption pour gain en capital, le taux pourrait être encore plus bas. Il y a maintenant un biais qu'on crée, lequel favorise la vente de l'entreprise familiale à un acheteur indépendant plutôt qu'un transfert entre générations.
Par souci de brièveté, je vais m'arrêter ici, mais nous avons d'autres exemples qui montrent que la réponse est encore pire si on applique les nouvelles règles de fractionnement du revenu.
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Bonjour. Je m'appelle Jerry Dias. Je suis président national d'Unifor, le plus important syndicat du secteur privé.
Nous représentons plus de 315 000 travailleurs de partout au pays. Nos membres travaillent dans tous les secteurs de l'économie et sont représentés dans tous les échelons de revenu. Nos membres paient leurs impôts et contribuent de plusieurs façons à une société dans laquelle nous voulons vivre chaque jour.
Au nom de nos membres, de leur famille et de leur collectivité, je suis fier de vous faire part de nos points de vue sur la juste imposition du revenu des propriétaires de sociétés privées sous contrôle canadien au Canada.
Unifor défend et soutient une structure fiscale progressive qui garantit que nos gouvernements à tous les échelons ont les revenus nécessaires pour fournir des services publics de haute qualité, efficients et efficaces. La structure fiscale doit aussi tenir compte de l'inégalité des revenus et de la richesse dans notre société actuelle et demander à ceux qui gagnent plus de payer plus.
Les impôts permettent de payer les services de base que nous utilisons chaque jour, comme les soins de santé et d'infrastructure, et de répondre à certains des besoins les plus pressants actuellement, y compris l'élimination de la pauvreté, la réconciliation et le leadership en matière d'environnement. L'enjeu dont nous discutons aujourd'hui, c'est l'inégalité de notre système fiscal qui permet à certaines personnes de ne pas payer leur juste part d'impôt dont les gouvernements ont besoin pour offrir ces services.
Le gouvernement du Canada propose d'éliminer certaines échappatoires fiscales qui permettent à des propriétaires de petites entreprises constituées en société d'éviter de payer le même niveau d'impôt sur leur revenu qu'une personne qui occupe un emploi et qui gagne autant. Au total, 60 % des 0,1 % de personnes qui gagnent le plus au Canada détiennent des parts dans une SPCC. Seulement 5 % des familles à revenu moyen possèdent de telles parts. Cela signifie que 60 % de ceux qui touchent les plus hauts revenus au Canada ont la capacité de s'extraire de notre système fiscal progressif grâce à ces échappatoires, tandis que le reste d'entre nous devons continuer à payer notre juste part.
La plupart des propriétaires de petites entreprises ne bénéficient pas de ces échappatoires non plus. Un propriétaire d'entreprise doit avoir beaucoup de revenus et une structure familiale particulière afin de tirer vraiment profit des échappatoires dont on discute, mais les deux tiers des propriétaires de petites entreprises gagnent moins de 73 000 $ par année. La plupart des propriétaires de petites entreprises ne gagnent pas assez d'argent pour exploiter les échappatoires.
Unifor soutient l'initiative du gouvernement d'accroître l'équité du système d'impôt sur le revenu en éliminant les échappatoires fiscales injustes: les échappatoires auxquelles ont actuellement accès des personnes à revenu élevé qui ont constitué une petite entreprise en société, mais qui ne sont pas accessibles aux personnes qui gagnent un salaire ou qui touchent des honoraires, qu'ils gagnent beaucoup ou peu. En raison de l'exploitation de ces échappatoires, certaines personnes ont plus de revenus disponibles ou un plus grand portefeuille d'investissements que d'autres simplement en raison de la structure de leur entreprise.
Les échappatoires qu'on examine aujourd'hui font en sorte que deux personnes qui ont des revenus similaires et une structure familiale similaire, un possédant une SPCC, et l'autre, non, paieront des taux d'imposition effectifs très différents. Ces taux d'imposition effectifs différents se traduisent par deux niveaux très différents de revenus disponibles aujourd'hui, et deux niveaux d'économies très différents à l'avenir.
Nous savons que les avantages fiscaux liés à ces échappatoires profitent aux propriétaires de SPCC qui gagnent le plus. De plus, les recherches de quasiment tous les économistes et experts en politique qui ont fait connaître leur point de vue sur ce sujet ont révélé qu'un propriétaire de SPCC peut seulement vraiment bénéficier des échappatoires fiscales lorsque son revenu dépasse un certain niveau. Le fractionnement du revenu, par exemple, n'est pas avantageux pour quiconque gagne moins de 90 000 $.
Des associations d'entreprises et d'autres groupes de défense ont essayé de dépeindre les changements proposés comme une façon détournée d'aller piger dans les poches de la classe moyenne. Ce n'est pas le cas. Les changements fiscaux font en sorte que les personnes à revenu élevé paieront le même taux d'impôt que leurs pairs salariés ou rémunérés sous forme d'honoraires. Là où la classe moyenne est touchée, c'est qu'on s'assurera que les personnes qui sont dans le même décile de revenu avant impôt seront encore dans le même décile, après impôt.
Certaines associations d'entreprises et autres groupes de défense ont tenté de dépeindre les changements proposés comme des mesures qui mineront l'investissement, l'innovation et l'entrepreneuriat. La réalité, c'est que si les échappatoires fiscales ont très peu à faire avec l'innovation ou les investissements d'affaires. Les gouvernements peuvent et devraient mettre en place des systèmes qui soutiennent l'innovation et l'investissement dans les entreprises, mais le système actuel ne favorise ni l'un ni l'autre.
La proposition vise à protéger l'intégrité du système fiscal progressif canadien. Les Canadiens croient qu'ils doivent payer leur juste part d'impôt. Même s'il reste du travail à faire, c'est assurément un pas dans la bonne direction.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs, de tenir cette réunion.
J'aimerais soulever deux arguments ce matin. Le premier touche les objectifs de la réforme, et le deuxième, sa mise en oeuvre.
D'après ce que je comprends, le but premier de la réforme est d'accorder une plus grande neutralité au régime fiscal. Dans le cadre d'un régime fiscal neutre, les décisions d'ordre commercial sont prises en fonction des mérites, et non pas des considérations fiscales. C'est un principe de libre marché qui est bon, selon moi.
Le régime fiscal actuel n'est pas neutre du tout, et je vais vous donner un exemple. Imaginez une personne qui a de bonnes habiletés, un marteau et un camion et qui veut se lancer en affaires. Elle en parle à un ami qui est comptable, et ce dernier lui dit que, en raison de son revenu, elle ne devrait pas se constituer en personne morale. Selon lui, elle n'a pas besoin de faire cela compte tenu du revenu qu'elle touche en ce moment.
Le problème, c'est qu'elle fait concurrence à des personnes morales qui bénéficient d'une multitude d'avantages fiscaux auxquels elle n'a pas droit. Par conséquent, il est très difficile de se lancer en affaires. Beaucoup d'entreprises, beaucoup de personnes ayant un grand esprit d'entrepreneuriat, ne sont pas constituées en personne morale. Comme les autres, ces personnes travaillent beaucoup, elles s'occupent de leur famille et elles contribuent à l'économie. Nous voulons qu'il existe un équilibre entre les sociétés et les entreprises non constituées en société. C'est ce que j'entends par neutralité.
Mon deuxième point concerne la mise en oeuvre de la réforme. De nombreux fiscalistes se sont dits préoccupés par, entre autres, la planification de la relève, les actifs intersociétés ainsi que l'exactitude des règles de transition pour les mesures relatives aux revenus passifs. De nombreuses suggestions intéressantes et utiles découlent des plaintes ou des préoccupations que nous avons entendues. Nous espérons que, après le 2 octobre, le et son ministère seront en mesure de répondre de manière pertinente et sérieuse aux préoccupations qui ont été soulevées.
Je crois que ces éléments doivent être pris au sérieux, mais nous ne devons pas demeurer inactifs par crainte de coûts de transition. Toute réforme fiscale entraîne une transition et un certain dérangement. Je suis convaincu que, en 2019, les membres des partis ici présents voudront proposer certaines mesures fiscales, et chacune d'entre elles entraînera une transition et des changements.
Je crois que la façon de faire est d'atteindre l'équilibre entre le coût de cette transition et la complexité qui peut découler des avantages de la réalisation d'un objectif que nous jugeons important. Je crois que c'est la façon de créer un meilleur régime fiscal pour le Canada.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui sur cette importante question.
Mon introduction se limitera à certains aspects de la proposition quant aux revenus passifs. La proposition est contestable et pourrait nuire considérablement à l'économie canadienne, affectant du même coût la classe moyenne, qui dépend de cette économie.
Comme vous le savez déjà, les sociétés privées sous contrôle canadien, ou SPCC, bénéficient d'un taux d'imposition préférentiel sur leurs revenus. Le gouvernement craint qu'une SPCC qui acquiert des placements de portefeuille ne bénéficie par conséquent d'un report auquel les particuliers n'ont pas droit.
La préoccupation du gouvernement est justifiée. Les revenus de placements des sociétés privées sont passés de 9 milliards de dollars en 2002 à 27 milliards de dollars en 2015. La proposition du gouvernement permettrait d'imposer les revenus de placement des SPCC à un taux non remboursable de 50 %, ce qui est équivalent au taux d'imposition le plus élevé pour des particuliers, soit le fameux 1 % de la population. Il y aurait ensuite une deuxième taxe au moment où la société verse des dividendes à son propriétaire. Le résultat serait une taxe combinée sur les revenus de placement de plus de 70 % pour les propriétaires d'entreprise de la catégorie de revenus la plus élevée.
Les conséquences pour les propriétaires d'entreprise de la classe moyenne seraient encore pires. Bien que les propriétaires de la classe moyenne ne soient pas visés comme tels, en imposant un taux non remboursable de 50 % aux entreprises, la proposition entraînerait une surtaxation extrême de tous les propriétaires d'entreprise du pays qui figurent dans les catégories de revenus inférieures. Par exemple, un propriétaire de la classe moyenne dont les revenus sont imposés à 30 % ferait l'objet d'un taux combiné de 59 %, et non pas de 30 %. Il s'agit d'une augmentation de 75 % par rapport à la loi existante. Le Canada applique déjà un taux d'imposition immédiat de 50 % sur le type de revenu dont il est question ici. C'est plus qu'assez. Il y a environ 200 pays dans le monde, et il n'y a qu'un seul pays dont le taux d'imposition des sociétés est supérieur à 50 %.
Malgré tout, les revenus de placement des sociétés privées augmentent. Pourquoi? À l'extérieur du secteur professionnel, il n'y a aucune raison de croire que les entreprises se constituent en société pour bénéficier d'avantages fiscaux. Une entreprise se constitue en société pour des raisons non liées à la fiscalité, et ces raisons n'ont pas changé depuis les 50 dernières années.
Les revenus de profession libérale sont bien différents. De nombreux médecins, avocats et comptables aux honoraires élevés, y compris de nombreux associés de grands cabinets juridiques et comptables nationaux, se constituent en société afin de bénéficier d'avantages fiscaux. Cela explique certainement en grande partie l'augmentation récente des revenus de placement touchés par des sociétés privées.
Je suggère donc une approche différente, soit l'introduction d'un impôt remboursable spécial sur les revenus de profession libérale d'une SPCC pour la plupart des médecins, des avocats et des comptables. Cette mesure serait semblable à l'impôt qui est entré en vigueur en 1979 et qui a été annulé en 1984 pour des raisons techniques, et non pas pour des raisons de politique fiscale. Cet impôt ne s'appliquerait pas aux autres secteurs d'activité et répondrait à la préoccupation du gouvernement tout en évitant la plupart des dommages économiques qu'entraînerait la proposition actuelle. Cette mesure serait simple et justifiable, et le suivi des revenus liés à cet impôt serait facile à réaliser et donnerait des résultats précis. Tous les revenus fiscaux supplémentaires des médecins constitués en société devraient être affectés au financement des soins de santé et à la réduction de la dette.
Monsieur le président, je suis un comptable à la retraite. Je n'ai pas de clients. Je n'ai aucun intérêt dans des sociétés privées ou des sociétés en fiducie. Je n'ai pas de parti pris. Je veux simplement que les changements fiscaux règlent les vrais problèmes liés aux politiques fiscales, que les mesures prises à cet égard soient réfléchies et que le résultat soit un équilibre approprié entre les revenus fiscaux pour le gouvernement et les dommages économiques inévitables de tout autre impôt supplémentaire. Dans le cadre de ce processus, nous devons également revoir en profondeur l'imposition des sociétés privées et envisager sa réforme.
Merci, monsieur le président.
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Je remercie beaucoup tous les témoins de leurs présentations. J'ai beaucoup appris.
Un des privilèges qu'ont les députés de la Chambre des communes est d'apprendre des choses sur des sujets auxquels ils ne s'étaient jamais intéressé auparavant.
Je suis fils d'immigrants. Quand mon père est arrivé au Canada, c'est lui qui travaillait tandis que ma mère restait à la maison. Mon père a toujours eu un salaire, de sorte que ses déclarations de revenus n'étaient pas compliquées. De mon côté, j'ai été salarié presque tout au long de ma carrière et mes déclarations de revenus n'étaient pas compliquées non plus.
Depuis cet été, j'ai la chance d'en apprendre beaucoup sur les sociétés privées contrôlées par des Canadiens.
[Traduction]
J'ai une petite question bien précise pour vous tous. J'apprécierais que vous vous en teniez à une réponse de 15 secondes. Ma question est assez directe.
Le régime d'impôt actuel offre-t-il aux sociétés privées sous contrôle canadien des avantages fiscaux auxquels les salariés comme moi, hommes et femmes, n'ont pas droit?
Monsieur Lanthier.
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Eh bien, la réponse est que la constitution en société n'apporte aucun avantage fiscal, car, évidemment, tous les revenus générés par une société sont imposés aux mêmes taux que ceux d'un salarié, mais à un moment différent. Les petites entreprises paient 15 % sur-le-champ et paient le solde d'impôts au moment de distribuer les fonds.
Alors non, il n'y a pas d'avantage. La situation est différente, car les salariés n'ont pas besoin de mettre de l'argent de côté pour une entreprise donnée, car l'entreprise appartient à leur employeur, et ce sont deux choses distinctes.
Ma question s'adresse à M. Milligan, un économiste que je respecte immensément.
J'aimerais remettre en question une de vos affirmations, avec tout le respect que je vous dois. Vous avez mentionné que nous avons besoin d'un régime fiscal neutre. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que nous avons besoin d'une plus grande neutralité. On nous dit haut et fort que les changements proposés feront en sorte que notre régime fiscal sera comme la Suisse — neutre —, mais je peux vous donner des exemples du contraire.
La mesure touchant le revenu passif obligera une entreprise à payer plus d'impôt si elle investit dans les activités d'une autre entreprise que si elle investit dans ses propres activités. Cela est exacerbé par le fait que ni les sociétés cotées en bourse ni leurs actionnaires ne seront visés par ces taux d'imposition plus élevés sur le revenu passif des sociétés.
Enfin, les modifications de l'article 84.1 et l'ajout de l'article 246.1 obligeraient les fermes et les entreprises familiales à payer plus d'impôt pour être vendues à la succession au lieu d'être vendues à un étranger.
Ce sont des exemples qui font en sorte que ces propositions sembleraient rendre le régime fiscal moins neutre au lieu du contraire. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
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Je vous remercie, monsieur, de votre question. Plusieurs choses entrent en ligne de compte.
Tout d'abord, je crois qu'il est excellent que nous soyons tous d'accord sur l'importance du principe de la neutralité. Selon moi, l'objectif de notre régime fiscal est de favoriser la croissance tout en demeurant juste pour tous les Canadiens. C'est un bon objectif, et c'est bien de cerner les éléments du régime qui manquent de neutralité. Nous pourrions discuter longuement de tous ces éléments.
Le député a cerné quelques questions importantes qui peuvent être problématiques dans le cadre de la proposition actuelle; et il s'agit notamment des actifs intersociétés, de la planification de la relève et d'autres aspects faisant en sorte que des circonstances à première vue similaires entraînent un taux d'imposition différent. J'espère que ces questions seront abordées après le 2 octobre, lorsque nous entendrons la réponse du . J'encourage le député à continuer de se pencher sur ces questions lorsque nous aurons la réponse.
Mon deuxième point concerne la déduction pour petites entreprises. J'ai soulevé cette question, car elle sous-tend le manque de neutralité que nous abordons ici et qui est attribuable au fait que certains types d'entreprises ne sont pas assujetties au même taux d'imposition que les autres. Une façon de nous débarrasser de ce problème serait d'éliminer purement et simplement la déduction pour petites entreprises.
Maintenant, cette mesure poserait problème pour beaucoup de personnes. Lorsque cette mesure a été introduite en 1971-1972, la discussion était la même. La déduction pour petites entreprises visait à encourager la croissance des petites entreprises. Par contre, nous nous demandions comment nous pouvions nous assurer que cette mesure allait vraiment servir à la croissance des petites entreprises et de l'économie et qu'elle n'allait pas devenir une sorte d'échappatoire fiscale.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également tous les témoins d'avoir fourni un éclairage sur le sujet et ajouté des renseignements. Bien que les informations fournies par les témoins soient parfois contradictoires, j'imagine que la recherche a été bien faite. Ce sera à nous de débroussailler le tout.
Je rappelle que, lors de la dernière campagne électorale, le actuel a fait une déclaration assez inusitée. Selon lui, plusieurs personnes créaient des petites et moyennes entreprises dans le but d'éviter de payer leur juste part d'impôt. On peut dire que le premier ministre parlait d'expérience, puisque c'est ce qu'il a lui-même fait à plusieurs reprises. En effet, il a fondé quatre compagnies à numéro afin de réduire son taux d'imposition. Son commentaire a un peu empoisonné l'atmosphère. Encore aujourd'hui, plusieurs dirigeants de PME considèrent que cela ne correspond pas à leur réalité.
Les libéraux avaient également promis de réduire le taux d'imposition des petites et moyennes entreprises, le faisant passer de 11 à 9 %. Or cela n'a pas été fait. Jamais, dans la plateforme libérale de 2015, n'a-t-il été fait mention de viser particulièrement les petites et moyennes entreprises. Par contre, on disait vouloir éliminer l'échappatoire fiscale qui profitait aux PDG et qui leur permettait d'économiser à peu près 800 millions de dollars par année, 800 millions de dollars que nous perdons et qui nous permettraient d'améliorer les programmes sociaux ou nos infrastructures.
Monsieur Dias, tantôt, vous avez dit voir d'un bon oeil les réductions des iniquités fiscales entre les salariés et les petites entreprises qui peuvent s'incorporer. Toutefois, vous avez aussi dit qu'on pouvait aller plus loin.
Selon vous, aller plus loin veut-il dire que nous devons nous attaquer aux échappatoires fiscales des PDG et à la multiplication des ententes avec des paradis fiscaux?
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Je vous remercie, monsieur Dias.
Monsieur Kelly, dans la plateforme électorale de 2015 du Parti libéral, on annonçait vouloir « procéder à un examen à grande échelle, attendu depuis longtemps, de plus de 100 milliards de dollars de dépenses fiscales de plus en plus complexes qui existent actuellement ».
Je suis d'accord avec la Coalition pour l'équité fiscale envers les PME sur le fait que cette consultation a été trop courte, en plus d'avoir été menée en plein milieu de l'été, et qu'elle ne couvrait qu'une partie de la réalité, alors qu'on nous promettait un examen à très grande échelle.
Je suis d'accord avec vous sur votre dernière recommandation. Si on devait procéder à une réforme fiscale, ne devrait-on pas l'ouvrir à l'ensemble des mesures fiscales, au lieu de cibler uniquement un secteur économique? Selon vous, devrait-on également revoir l'ensemble des règles qui ne s'appliquent pas seulement aux petites entreprises, mais également aux multinationales, aux grandes compagnies, aux PDG et aux ententes fiscales que nous avons avec certains paradis fiscaux?
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici. J'aurais une question à poser à chacun d'entre vous, mais mon temps est limité, alors je vais commencer avec M. Bonnett ou M. Ross.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier des recommandations que vous avez formulées. Vos recommandations sont pertinentes et très utiles, car le but de la présente période de consultation est de veiller à ce qu'il n'y ait aucune conséquence inattendue.
Je vais poser une question qui va dans le même sens que la question de mon collègue au sujet des avantages et des inégalités. Même chez les agriculteurs constitués en société, disons... j'ai eu mon premier emploi lorsque j'avais 16 ans. Ce n'était pas dans une petite entreprise, mais l'idée est que beaucoup de jeunes travaillent lorsqu'ils ont 16 ou 17 ans. Dans le cas d'une ferme familiale constituée en société dont les parents ont un enfant de cet âge, ces parents ne seraient pas en mesure de fractionner leurs revenus. En guise de comparaison, la ferme d'à côté dont les enfants ont plus de 21 ans et travaillent pour l'entreprise bénéficie d'un avantage très clair, car elle peut fractionner ses revenus.
Tous les enfants travaillent de façon légitime sur la ferme, mais une famille a le droit de fractionner ses revenus, tandis que l'autre ne peut le faire. Ne pouvez-vous pas reconnaître le fait que même parmi les entreprises constituées en société, cet âge arbitraire pour le fractionnement crée des inégalités qui devraient au moins être examinées et reconnues?
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Bien sûr. Je vous remercie de la question. Puisque je suis un universitaire, je vais d'abord vous expliquer les principes avant d'entrer dans les détails.
Le principe qui s'applique ici est celui de la neutralité. Le régime fiscal que nous voulons devrait ni avantager ni désavantager les entrepreneurs qui décident de conserver leur épargne dans l'entreprise. En d'autres mots, nous devons mesurer l'imposition de l'épargne qui est conservée au sein d'une entreprise par rapport à l'épargne placée à l'extérieur de l'entreprise.
Actuellement, il est avantageux de conserver l'épargne au sein de l'entreprise, vu la déduction accordée aux petites entreprises. Ce qu'on propose actuellement revient à affaiblir cet avantage en imposant une charge fiscale supplémentaire sur l'épargne au sein de l'entreprise. L'objectif est d'équilibrer la situation pour les deux cas, que l'épargne soit conservée à l'intérieur de l'entreprise ou placée à l'extérieur.
Donc, en pratique, cela veut dire qu'il faut une imposition supplémentaire applicable à l'intérieur de l'entreprise, et c'est à partir de là que vient le genre de chiffre comme celui que vous avez mentionné pour certains cas particuliers. Par exemple, si vous êtes un contribuable ontarien dont le revenu se trouve dans l'une des fourchettes d'imposition élevée et que vous avez déjà un revenu accessoire de 220 000 $, alors l'impôt supplémentaire que vous devrez verser, advenant que vous décidez de transférer ces montants à votre revenu passif, serait plus ou moins similaire à ce que vous avez dit plus tôt, mais ce n'est pas un scénario qui s'applique à tout le monde.
Je peux vous donner un autre exemple: prenons un petit entrepreneur dont le revenu est de 50 000 $ et qu'il les dépense immédiatement, vu qu'il ne peut pas se constituer un gros bas de laine puisqu'il a une famille à nourrir. Cette personne est assujettie à un taux d'imposition d'environ 30 %, qu'elle soit rémunérée sous forme de dividendes ou de revenu d'emploi. Je crois que c'est le genre de chose qui importe le plus aux petits entrepreneurs.
Quand il est question de l'imposition applicable aux actifs d'un portefeuille valant des centaines de milliers de dollars, on doit s'assurer de ne pas se tromper. On ne veut pas être inéquitable, mais je doute que ce soit la préoccupation principale de la plupart des entrepreneurs.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins. Nous vous sommes très reconnaissants de nous faire part de vos commentaires sur une mesure de cette importance.
Je vais commencer par vous, monsieur Milligan, puisque nous sommes tous les deux Britanno-Colombiens et fiers de l'être. J'aimerais revenir sur votre exemple de l'entrepreneure avec son camion et quelques outils qui cherche à se tailler une place dans l'industrie. Je n'ai jamais travaillé dans la construction, mais j'ai déjà été entrepreneur, et je sais ce que c'est d'être propriétaire unique. Mais disons que le propriétaire se trouve un conjoint. En Colombie-Britannique, après six mois, vous êtes conjoint de fait.
Admettons aussi que votre conjoint de fait possède un condo. De votre côté, non seulement êtes-vous responsable de ce qui arrive dans le cadre de votre travail, mais en plus, advenant une poursuite judiciaire parce que vous avez laissé tomber votre marteau sur quelqu'un, les actifs de votre conjoint sont soudainement aussi en danger. Les employés, eux, n'ont pas à se soucier de ce genre de choses. Est-ce que c'est bien ça?
Maintenant, quand une personne accepte un emploi comme employé salarié, habituellement elle accepte de toucher une rémunération fixe, ce qui lui permet de prévoir son épargne en fonction du régime fiscal.
Je sais que dans le cas d'un petit entrepreneur... Disons qu'une pièce d'équipement brise, soudainement tout l'argent qui devait aller à l'épargne, par exemple pour son fonds de pension, n'est plus là. À dire vrai, même après 10 ans, je crois qu'il y a environ 80 % ou presque des petites entreprises qui mettent la clé sous la porte.
Comprenez-vous pourquoi ce que vous dites actuellement est si difficile à admettre pour quelqu'un qui travaille tous les jours à faire prospérer sa petite entreprise? Ce n'est pas nécessairement mal, mais, encore une fois, 50 000 $ pour un employé salarié ne représente pas le même montant réel pour un entrepreneur. Vous ne pouvez pas dire que l'entrepreneur a beaucoup plus que l'employé salarié, parce que l'entrepreneur s'expose à beaucoup plus de risques qu'un simple employé salarié. Vous voyez où est l'incohérence entre le principe logique et...
Malgré tout, d'un côté, je suis d'accord avec vous. Je comprends la position théorique qui sous-tend ce que vous dites, mais le contexte pour l'un et l'autre est complètement différent. Comprenez-vous ce que je veux dire?
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être venus ici aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant.
Pour résumer approximativement beaucoup de vos commentaires, il semble que les modifications proposées au régime fiscal suscitent beaucoup de passion et d'émotions, et je veux vraiment mettre l'accent sur le fait qu'il s'agit de modifications « proposées » et souligner l'importance des consultations en cours. J'ai l'impression que nous avons oublié quelque chose, et c'est le fait que, à mon humble avis, c'est de cette façon que les choses fonctionnent le mieux en démocratie lorsqu'il est question de politiques: lorsque quelque chose est proposé, on demande l'avis des Canadiens d'un bout à l'autre du pays sur les modifications à apporter.
Ron, Scott, je veux vous remercier chaleureusement de vos commentaires qui nous aideront à nous assurer qu'il n'y a aucune conséquence fortuite et que les règles transitoires appropriées sont appliquées. On ne veut pas qu'une entreprise, peu importe laquelle, se retrouve dans une situation où... Une erreur est si vite arrivée — et je veux aussi mettre en relief le fait que les modifications fiscales proposées ne sont pas rétroactives —, mais nous voulons éviter toute conséquence inattendue, parce que les gens travaillent vraiment fort, en particulier les gens dans les exploitations agricoles familiales.
Monsieur Milligan, j'approuve beaucoup ce que vous avez dit à propos de la nécessité d'un processus décisionnel objectif. Pourquoi le taux d'imposition devrait-il être moins élevé parce qu'une personne s'est constituée en société dans le seul but d'abaisser son seuil d'exposition? Pouvez-vous nous dire pourquoi cela n'est pas équitable pour l'ensemble des Canadiens?
Laissez-moi vous donner un exemple. J'ai déjà travaillé pour un grand cabinet d'avocats sur la rue Bay à titre d'avocat de sociétés, et les associés pouvaient se prévaloir des avantages de la constitution en société, alors que les collaborateurs, même s'ils étaient à l'emploi du cabinet depuis sept, huit, neuf ou dix ans étaient encore traités comme des employés salariés.
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La difficulté tient à deux choses.
D'abord, les mesures supplémentaires que les modifications proposées prévoient mettre en oeuvre vont probablement, selon nous, réduire à zéro ou du moins restreindre les possibilités qui s'offrent aux jeunes de participer, même de façon minime, à l'entreprise familiale. Cela nous préoccupe en ce qui concerne la relève, parce qu'il faut effectivement que les entrepreneurs forment la prochaine génération.
Je reviens de Winnipeg, où j'ai rencontré un entrepreneur qui possède une entreprise de camionnage prospère. Il m'a dit qu'il avait reçu un tas d'offres de sociétés d'investissement en capital qui veulent acheter son entreprise, mais il sait que s'il la vend, les emplois à Winnipeg et au Manitoba vont s'envoler en un instant pour être déménagés ailleurs. C'est pour cette raison qu'il refuse et qu'il veut s'assurer que la prochaine génération reprenne son entreprise, et je ne crois pas que nous voulons nuire à ce genre d'activités, mais c'est que ce font les changements proposés.
En ce qui concerne les règles relatives au fractionnement du revenu, j’aimerais également dire, en ce qui a trait aux dividendes, qu’il faut veiller à ce que le gouvernement ne puisse pas être celui qui décide de la personne à qui appartient l’entreprise. Je comprends ce que vous dites à propos du revenu. C’est pour cette raison que l’ARC applique déjà le critère du caractère raisonnable pour le revenu, mais l’appliquer aux dividendes reviendrait à dire que le gouvernement peut essentiellement décider du propriétaire d’une entreprise, et c'est une préoccupation pour les jeunes. Nous croyons aussi que c’est une préoccupation pour les femmes entrepreneures. Deux tiers des entrepreneurs…
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être venus pour que nous puissions tirer parti de votre expertise.
J'aimerais aborder la question de la rétroactivité. Cela concerne aussi en partie la planification de la relève, alors c'est bien que les questions aillent déjà dans cette direction. Il y a beaucoup de mésinformation entourant ce sujet, et c'est en partie la faute du gouvernement. Le ministre a dit que les mesures ne s'appliqueraient pas rétroactivement, mais selon mon interprétation de l'article 246.1 proposé sur les comptes de dividendes, les mesures seront effectivement appliquées rétroactivement. De fait, il y a même des experts de l'impôt et des comptables fiscalistes qui ont écrit pour dire qu'une personne qui hérite de l'entreprise familiale pourrait être imposée sur les bénéfices réalisés par l'ancien propriétaire. Certaines des règles et des mesures proposées vont avoir comme conséquence une double imposition appliquée rétroactivement.
Je vois que M. Kelly m'indique que M. Wonfor veut dire quelque chose à ce sujet, mais je veux terminer ce que j'ai à dire sur ce principe de rétroactivité et la double et parfois triple imposition du revenu déjà gagné. Si nous voulons être neutres, il est clair que cette double imposition d'actifs entre générations est injuste.
Vous pouvez commencer, monsieur Wonfor, mais j'aimerais aussi entendre ce que M. Lanthier a à dire là-dessus.
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Je serai heureux de me contenter d'une minute.
En ce qui concerne les modifications relatives au dépouillement des surplus proposées par le gouvernement, il est incontestable que les règles prévues sont assorties de mesures rétroactives. Le ministère des Finances reçoit actuellement beaucoup de rétroaction à ce sujet.
Selon lui, les modifications proposées à l'article 84.1 ne s'appliqueront qu'aux dispositions en date du 18 juillet ou subséquentes, mais c'est faux, parce que vous allez devoir examiner toutes vos transactions passées pour déterminer si vous contrevenez à l'article 84.1. Vous allez devoir examiner toutes les transactions qui remontent jusqu'à l'époque où l'article est entré en vigueur — je crois que c'était en 1984 —, ce qui va nous donner des situations où une personne pense pouvoir extraire le produit et avoir déjà payé l'impôt sur les gains en capital, mais maintenant elle se retrouve à devoir payer de l'impôt en fonction du taux de dividende si ces fonds sont retirés de l'entreprise.
C'est la même chose avec les modifications proposées au nouvel article 246.1, relativement aux montants « reçus » ou « devenus à recevoir après la veille de la date de publication ». Mettons que vous avez effectué une transaction imposable avant cette date, que vous avez réalisé un gain en capital avant la date de publication, que vous avez reçu les fonds seulement à la date de publication ou par la suite, c'est là que les problèmes avec la planification se manifestent. C'est injuste, selon nous. Nous respectons le droit du gouvernement de modifier sa politique fiscale à cet égard, mais il faudrait que les modifications soient applicables dans l'avenir, et non rétroactivement...
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous ceux qui sont venus ici aujourd'hui et qui ont fourni de la bonne matière à réflexion.
Je me suis assis avec un certain nombre de fiscalistes au cours des dernières semaines. J'ai passé la moitié de la journée de la fête du Travail à passer en revue toutes les propositions dans le document de travail. Je comprends que l'équité fiscale est importante et que nous devons bien faire les choses. Je pense que nous sommes sur la bonne voie pour ce qui est de bien saisir l'esprit de l'équité fiscale.
Nous devons nous assurer que notre régime fiscal a en place les mesures incitatives appropriées pour encourager la formation de capital et la croissance des petites entreprises, pour qu'elles ne restent pas simplement au niveau de 15 %, mais passent au niveau d'imposition de 26 %, ce qui est une bonne chose, parce que cela montre que les entreprises réussissent. Nous devons aussi nous assurer d'avoir en place les bonnes propositions.
J'ai considéré le document de travail comme étant divisé en deux volets en ce qui concerne — je pense que quelqu'un y a fait allusion — les professionnels et ce que je considérerais comme les petites entreprises, comme les manufactures et les firmes d'ingénierie. Nous ne voulons pas empêcher le deuxième volet de faire ce qu'il fait. Il fait très bien les choses au Canada. Cette année, nous avons un taux de croissance de 3,2 %, soit le meilleur des pays du G7. Nous avons créé des centaines de milliers d'emplois, et j'attribue cela en grande partie aux investissements consacrés par les PME à leurs entreprises et à l'embauche de Canadiens.
Lorsqu'on examine les volets, on constate que deux d'entre eux, il me semble, ont un certain mérite. Un de ceux-ci est d'élargir la répartition des revenus de façon à inclure non seulement les revenus, parce que ceux-ci sont déjà compris, mais aussi les dividendes, parce que si une personne travaille pour une organisation ou une ferme, elle peut continuer de travailler pour celle-ci et d'être payée. Il convient maintenant de clarifier davantage les termes « caractère raisonnable » et « continu » et d'autres mots du même type, de même que la conversion des dividendes en des gains de capital et la multiplication de l'exonération cumulative des gains en capital. Certaines de ces choses ont beaucoup de mérite dans l'ensemble original.
En ce qui concerne les revenus passifs, on doit évidemment répondre à beaucoup de questions. Je représente un domaine qui compte 13 000 entreprises privées. La région de York est très dynamique. Elle connaît une grande croissance, laquelle est stimulée par l'entreprise privée. Je sais que nous menons des consultations. Je le fais moi-même. Je parle à des propriétaires d'entreprise tous les jours. Je sais que notre gouvernement mène des consultations. J'encourage tout le monde à présenter un mémoire d'ici le 2 octobre.
Monsieur Kelly, n'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il y a un certain mérite à ces deux premières mesures, si on les examine dans la perspective de l'équité fiscale, ce que nous devons vraiment faire?
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J'ai entendu hier un de nos intervenants dire cela. Merci à tous, parce que j'aime bien lorsqu'on se tient loin des beaux discours et qu'on aborde vraiment le coeur du sujet. De nouveau, nous devons examiner l'équité fiscale, et ce, pour tous les Canadiens.
C'est ce que nous avons fait par rapport à l'évitement fiscal. En tant que gouvernement, nous avons injecté des centaines de millions de dollars pour nous assurer que tous les Canadiens paient leur juste part d'impôt, que ces services dont les Canadiens dépendent tous les jours leur sont accessibles et que les personnes ont confiance dans notre régime fiscal. Nous avons fait cela. Je félicite notre gouvernement de l'avoir fait. Je suis fier de faire partie d'un gouvernement qui fait ce type de chose.
Pour ce qui est de l'équité fiscale, de nouveau, nous devons examiner les mesures existantes, par exemple l'élargissement de la répartition des revenus, parce que si votre fils ou votre fille continue de participer à l'entreprise... Encore une fois, de quoi parlons-nous? Nous parlons de faire passer l'âge limite de 18 à 24 ans, où on pourrait sans doute dire que l'adoption de cette façon de faire se rapporte au fait que beaucoup de parents paient leurs enfants — et d'une façon avantageuse sur le plan fiscal — pour aller à l'université. C'est très bien d'aller à l'université, mais beaucoup d'entreprises utilisent cette échappatoire ou cette situation d'avantage fiscal pour financer l'entreprise d'une personne, tandis que d'autres personnes ne peuvent financer cette entreprise pour ce motif. Je pense qu'il y a pour nous une vraie chance de bien faire les choses, de consulter des entreprises.
Écoutez, en Colombie-Britannique, il y a 25 ans, Grace McCarthy m'a décerné le prix d'entrepreneur de l'année. J'adore les entrepreneurs, mais...
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Merci de m'avoir invité à la présente séance. Je suis vraiment heureux d'avoir l'occasion d'exprimer non seulement mon point de vue, mais aussi celui de nombreux fiscalistes.
J'écoutais plus tôt la discussion à la tribune. Je ne pouvais m'empêcher de secouer la tête et de me dire: « Wow. Pourquoi sommes-nous ici? Est-ce vraiment nécessaire? »
Je déteste le dire, mais le mois prochain, cela fera 30 ans que je pratique dans le domaine de la fiscalité, et je n'ai jamais vu autant d'indignation et d'anxiété, dans le milieu non seulement des affaires, mais aussi de la fiscalité, au sujet d'éléments qui, à mon avis, sont assez simples à régler, et vous verrez pourquoi.
Nous avons des propositions qui ont été publiées à la mi-juillet, avec une période de consultation de 75 jours. Le site Web dit que les mémoires doivent être soumis, au plus tard, à minuit le vendredi 29 septembre, mais on nous a dit qu'ils devaient l'être le 2 octobre. Hier, il y avait un certain manque d'uniformité à la conférence de l'Association canadienne d'études fiscales. Peut-être pourrions-nous obtenir quelques précisions. Je n'ai pas de mémoire à vous présenter aujourd'hui en raison du court préavis, mais j'aimerais vous en fournir un.
Je pense que nous devons tous prendre du recul. C'est important parce que, à mon avis, on ne peut pas choisir les solutions sans connaître les problèmes, et personne ne peut avoir une vue d'ensemble de la question dans le cas présent.
Je pense que les politiques et les objectifs du gouvernement en ce qui concerne la répartition des revenus relativement au report d'impôt des sociétés sont des objectifs stratégiques valides. Je pense qu'ils s'harmonisent bien avec le programme électoral qu'il a présenté. Je pense que ce sont des objectifs qu'on peut atteindre beaucoup plus simplement que de la façon qui est maintenant proposée. Je vais vous donner quelques suggestions. Je vais lancer une bouée de sauvetage et dire que, si vous voulez mettre fin à cela, si vous voulez sauver ce qui se passe en ce moment et réellement aller de l'avant avec les objectifs dans l'économie et réduire l'incertitude pour les entreprises, voici quelques idées.
De nouveau, je pense que l'intention stratégique est fondamentalement bonne et conforme au programme électoral. Toutefois, je pense — non, pas « je pense », mais bien « je sais » — que les propositions vont bien au-delà de cela. Je vous parle comme personne ayant été pendant 30 ans sur le terrain pour s'occuper de législation fiscale et de modifications fiscales. J'ai commencé à travailler dans le domaine de la fiscalité lorsque la réforme fiscale a été proposée, en 1987. J'ai assisté à l'élimination de l'exonération des gains en capital sur les biens possédés, puis à l'imposition de restrictions sur celle-ci. J'ai été témoin de l'introduction de l'impôt sur le revenu fractionné avec des mineurs pour gérer le fractionnement et la répartition des revenus — terme qui est maintenant utilisé — et j'ai donc des idées.
Avant que j'oublie de le dire, cette question est sans équivoque: ces règles, la plupart d'entre elles, sont tout à fait rétroactives. Il est faux de dire aux Canadiens que ces règles ne touchent que ce qui s'en vient. Comme nous l'avons dit plus tôt, les attributs fiscaux des actions que vous détenez dans votre entreprise familiale qui ont été créés il y a 10 ans en raison de transactions effectuées l'année dernière ou il y a 20 ans ont une incidence sur l'impôt qui sera calculé en vertu de ces règles. Même si on dira qu'elles touchent les transactions effectuées après le 18 juillet, ces règles sont rétroactives, parce qu'il n'y a pas de clause de droits acquis ni de transition.
C'est comme dire à une personne qu'elle possède sa maison et qu'elle a accumulé toute cette croissance à l'abri de l'impôt, mais que nous changeons les règles. Sa maison sera imposable, mais seulement si elle la vend à partir de maintenant. Si elle l'a vendue avant cette annonce, elle n'est pas touchée par cette mesure. C'est de la planification fiscale rétroactive, et c'est ce que certaines de ces règles font aux entreprises.
Ce que j'aimerais dire dans le peu de temps que j'ai, c'est que, à mon avis, la répartition des revenus est une cible stratégique valide. Je sais que la raisonnabilité n'est pas la façon de faire. L'incertitude et la subjectivité dans le code des impôts mènent tout droit à des poursuites et à des coûts, en plus de créer le malheur des contribuables qui n'ont pas les fonds nécessaires pour engager des poursuites. Autant que possible, il faut soustraire le jugement à la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous avons besoin d'objectivité.
Le critère de raisonnabilité applicable aux dividendes ne peut tout simplement pas être déterminé. La raisonnabilité applicable aux salaires est déjà assez difficile, mais au moins, il y a des façons de faire une analyse fonctionnelle. On ne peut pas faire cela avec les dividendes.
J'ai entendu quelqu'un donner l'exemple de prolonger l'impôt sur le revenu fractionné avec des mineurs jusqu'à l'âge de 24 ans comme un compromis possible pour réagir à la restriction de la répartition des revenus. Pourquoi ne trouverions-nous pas une solution? Si quelqu'un passe plus de x nombre d'heures par année dans l'entreprise, les règles s'appliqueront ou non. Ce genre de règle est en réalité utilisée dans le dossier du crédit d'impôt pour personnes handicapées, auquel j'ai participé il y a plusieurs années à titre de conseiller. En ce qui concerne les soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie, nous n'avons pas pu définir ce que cela signifiait, donc la règle proposée était que, si vous passez plus de 14 heures par semaine à fournir des soins thérapeutiques essentiels, vous êtes admissible au CIPH. On pourrait utiliser quelque chose qui ressemble à cela, plutôt qu'un critère de raisonnabilité.
Lorsqu'il est question du report d'impôt des sociétés, je secoue simplement la tête. Pourquoi parlons-nous des revenus passifs et de l'imposition des revenus passifs? Vous imposez les gens jusqu'à hauteur de 70 % et vous pénalisez des gens qui gagnent des revenus passifs dans une société. La raison, c'est qu'il existe ce report d'impôt des sociétés, parce que le taux d'imposition des sociétés est inférieur au taux d'imposition des particuliers. On a réglé cette question. Je suis juste outré de savoir que nous recevons ces propositions au sujet des revenus passifs.
Nous avons dans la Loi des règles concernant les entreprises de prestation de services personnels. Il y a longtemps, des athlètes et des artistes se constituaient eux-mêmes en société. Un joueur de hockey qui travaillait pour une équipe de hockey se constituait en société et disait au club de payer son entreprise, parce qu'il allait être assujetti au taux d'imposition des sociétés plutôt qu'à celui applicable à un revenu d'emploi. Le gouvernement a introduit des règles concernant les entreprises de prestation de services personnels et a dit que, si vous n'employez pas plus de cinq employés à temps plein, vous ne pouvez pas vous prévaloir du taux applicable aux petites entreprises. Le gouvernement a éliminé la déduction offerte aux petites entreprises pour les athlètes constitués en société.
Récemment, elle a été utilisée pour les programmeurs informatiques et les autres professionnels qui se sont constitués en société afin d'obtenir accès au taux des sociétés. Les programmeurs informatiques sont visés par le régime des entreprises de prestation de services personnels s'ils sont constitués en société, et il y a maintenant une surtaxe pour les entreprises de prestation de services personnels. Cette surtaxe hausse le taux d'imposition des sociétés sans augmenter ce taux pour tout le monde, ce qui n'est pas, à mon avis, ce que le gouvernement souhaite faire. La surtaxe augmente le taux effectif, réduit le report d'impôt et peut cibler les gens que le gouvernement tente vraiment de cibler, à mon avis. Je suis une de ces personnes. Je prends le blâme.
Si vous voulez que des gens comme moi cessent de se constituer en société simplement pour obtenir les avantages du faible taux d'imposition des sociétés, empêchez-moi de le faire. Dites-moi que, si je me constitue en société, j'aurai une surtaxe, mais ne me dites pas que vous devez nuire à toutes les entreprises familiales de l'ensemble du Canada.
Ces propositions pourraient s'arrêter là, parce que je crois que ce sont les objectifs stratégiques du gouvernement, mais elles vont bien au-delà de cela. Les règles relatives au dépouillement des surplus proposées à l'article 246.1, dont nous ne parlerons pas, sont si pleines d'ambiguïtés et d'incertitudes qu'il est impossible de planifier en conséquence.
Enfin, parce que je suppose que mon temps est écoulé...
Je suis aussi très heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de vous faire part de mes réflexions. J'ai grandi en Alberta, et je vis au Québec depuis 25 ans. Comme avocate, je pratique en droit de la personne et en droit du travail en Ontario depuis près de 30 ans maintenant. Je serai très claire: je ne pratique pas le droit fiscal, donc je ne suis aucunement fiscaliste, contrairement aux collègues ici à ma droite. Je veux aussi dire clairement que je vais vous faire part de mon point de vue personnel.
J'ai été invitée à participer à ce débat sur la fiscalité sur la scène publique, en réponse à un courriel que j'ai reçu du président de l'Association du Barreau canadien il y a deux semaines — peut-être trois — qui encourageait essentiellement les membres de l'ABC comme moi à écrire à leur député pour s'opposer à ces réformes fiscales et nous informait aussi en tant que membres que l'ABC allait prendre position publiquement pour s'opposer à ces réformes fiscales. Cela a retenu mon attention, et j'ai immédiatement répondu au président de l'ABC, en plus de mettre en copie mon député, pour m'assurer de faire savoir que l'ABC ne parlait pas en mon nom. Je suis avocate et je soutiens très fermement les réformes fiscales qui sont actuellement proposées.
Je pense qu'il est important de se faire entendre, et c'est ce que j'ai fait. Je suis accompagnée d'un certain nombre de médecins également, dont plusieurs sont de jeunes femmes médecins qui, je suis sûre que vous le savez, ont publié une lettre très publique et détaillée dans laquelle elles disent soutenir de la même façon les réformes fiscales qui sont proposées et affirment publiquement qu'elles ne sont pas d'accord avec la position adoptée par leur représentant professionnel dans la situation, l'AMC. L'auteure de la lettre — je l'ai entendue en entrevue à The Current il y a quelques semaines — est une jeune femme qui s'exprime très bien et est, en ce moment, en congé de maternité.
Mon point de départ, c'est que c'est une bonne chose d'établir au Canada une société où nous avons tous accès à une éducation robuste, à des soins de santé, à du logement, à des collectivités sûres et dynamiques, à des loisirs, à des possibilités sportives et à un environnement propre. Peut-être qu'il est naïf de ma part de croire que les revenus générés par ces réformes fiscales serviront au bien collectif, mais c'est certainement ce que j'espère.
L'essentiel, pour moi, c'est qu'il faut évidemment des revenus tirés de l'impôt pour soutenir et améliorer les établissements publics et les programmes sociaux que les Canadiens appuient, à mon avis, de façon générale. Je suis d'avis que la plupart des moyens efficaces et justes pour générer ces revenus reposent sur un système d'imposition juste, transparent et réellement progressif. Pour moi, il est insensé que les personnes les plus privilégiées sur le plan financier et autrement dans la société canadienne — moi y compris — qui ont eu accès à des études postsecondaires subventionnées par le secteur public, soient encore plus avantagées par le régime fiscal.
Toutefois, je crois que la réforme fiscale devrait être exhaustive, et, à cet égard, je crois que nous devons commencer par les sociétés privées, comme le fait actuellement le gouvernement. Je crois aussi que nous devons réviser les autres aspects du régime fiscal qui sont tout aussi régressifs, par exemple la répartition des revenus de pensions. Des critiques, qui sont à mon avis justifiables, ont fusé de la part de petites entreprises qui disaient que les bénéficiaires de pensions du gouvernement fédéral, par exemple, sont autorisés à répartir ces revenus de pensions. Je suis d'accord. Cela n'est pas conforme au fait de conférer, en réalité, un avantage aux bénéficiaires de pensions en matière de répartition des revenus.
En ce qui concerne les REER, pourquoi faudrait-il que, plus je gagne d'argent, plus je peux cotiser au REER? Je comprends qu'il y a un plafond, mais c'est fondamentalement fondé sur un pourcentage de revenus, et jusqu'à un plafond.
Pourquoi faudrait-il que quelqu'un comme moi, qui peut le plus se permettre d'envoyer ses enfants à l'université et de payer pour eux, ait accès à des subventions gouvernementales au moyen d'un système de REEE, tandis que d'autres familles gagnant des revenus de 49 000 $, la moyenne au Canada, arrivent à peine à payer leur hypothèque ou leur loyer, encore moins à verser des sommes dans un REEE pour aider à financer les études de leurs enfants avec l'appui des subventions gouvernementales? Les frais de scolarité augmentent, parce que nous n'avons pas les ressources publiques nécessaires pour financer adéquatement ces établissements d'enseignement postsecondaires.
Mes derniers commentaires auront trait au genre. J'ai entendu dire toutes sortes de choses au sujet du genre et du fait que ces réformes fiscales vont d'une manière ou d'une autre nuire aux femmes. Je ne suis pas d'accord un seul instant.
Je n'ai pas en main les données qui pourraient le prouver, mais je crois que le gouvernement pourrait, pour améliorer les choses, fournir des données qui répondent à la question de savoir si cette réforme fiscale va nuire à un nombre disproportionné de femmes. Mon intuition, c'est que les femmes, et en particulier les mères célibataires, qui sont représentées de façon disproportionnée dans les données sur la pauvreté, dans notre pays, seront les gagnantes de ces recettes fiscales supplémentaires, si l'on suppose, bien sûr, que ces recettes serviront à financer des programmes sociaux et des institutions publiques sur lesquels ces femmes et leurs enfants doivent compter.
Enfin, je voudrais réagir à un commentaire qui a été fait plus tôt et que j'ai entendu de la tribune au sujet du risque que prennent les petites entreprises; je comprends le risque, puisque, en théorie, il faut économiser, quand on a une société ou une entreprise, de façon à avoir accès à des fonds, les moins bonnes années. En tant qu'avocate, je travaille quotidiennement avec des employés qui ont été mis à pied, et nombre d'entre eux n'ont pas droit à une pension ou à des prestations quelconques après avoir perdu leur emploi, et je peux affirmer que ces personnes n'ont d'autre choix que de puiser dans leurs économies personnelles, comme tout le monde, pour faire face aux périodes difficiles. Ces personnes ont en outre travaillé très dur pour gagner l'argent qu'elles ont épargné.
Je dis donc qu'à mon avis il faut traiter toutes les personnes qui travaillent, au Canada, de façon plus équitable. Merci.
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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de me donner l'occasion de venir vous parler.
Je m'appelle Terry Soloman et je fais de la comptabilité publique depuis 27 ans à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard.
J'affirme sans hésiter que ces propositions sont très préjudiciables pour mes clients du secteur de la petite entreprise et aussi pour les petites entreprises de toutes les régions du Canada. Je ne crois pas exagérer en disant qu'il s'agit ici des changements fiscaux les plus importants qui aient été proposés depuis la Commission royale du début des années 1970. J'ai vraiment l'impression que des changements de cette ampleur ne peuvent être faits qu'avec la véritable participation des intervenants.
Ces propositions, d'ailleurs, s'accompagnaient de tout un discours, par exemple « abolir les échappatoires fiscales » et « se servir de la structure de la société pour éviter de payer sa part d'impôt ». Franchement, les membres du milieu des affaires jugent que ce type de communications est offensant et finissent par croire qu'on les considère d'une certaine façon comme des fraudeurs fiscaux, même s'ils respectent les lois du pays. J'estime que le secteur des affaires doit être encouragé, parce que, lorsqu'il réussit, il crée des emplois dans la collectivité.
Je vais, dans le temps qui m'est alloué ce matin, vous exposer quelques-unes des préoccupations spécifiques que ces propositions m'inspirent.
Premièrement, ma principale préoccupation, c'est que ces propositions ratent leur cible déclarée, cibler le secteur le plus riche de la société. Je crois que cela déclenchera une fuite de capitaux. Je crois que ces changements auront des répercussions sur le recrutement et le maintien en effectif de travailleurs spécialisés, par exemple des médecins, entre autres.
Les propositions qui ont trait au partage du revenu vont en fait avoir des répercussions disproportionnées sur la classe moyenne, davantage que sur la classe supérieure. Ces propositions dévaluent la contribution réelle d'un conjoint à l'entreprise familiale, que cette contribution soit directe ou indirecte, que le conjoint se rende dans l'entreprise tous les jours, concrètement, ou qu'il soutienne l'autre membre du couple de façon que l'entreprise puisse maximiser ses profits ainsi que le montant des impôts qu'il versera aux gouvernements.
J'ai déjà fait parvenir mon mémoire écrit au ministère des Finances. J'y fais remarquer que, si ces propositions sont mises en oeuvre, même une famille dont le revenu annuel est de 70 000 $ pourrait faire face à une augmentation de 30 à 40 % de ses impôts. Nous ne parlons pas ici d'un revenu supérieur; nous parlons en réalité de vos voisins, les propriétaires de petites entreprises du Canada.
Le document de travail du ministère compare les gens d'affaires à des employés et compare le montant de l'impôt sur le revenu que chacun d'eux aurait à payer. C'est une analyse bien trop simpliste. Le calcul initial de l'impôt n'est pas le seul facteur dont il faut tenir compte; il y en a bien d'autres.
Ma deuxième préoccupation a trait à l'importante incertitude qui entoure le nouveau critère du caractère raisonnable. Ce critère donnera à l'Agence du revenu du Canada le pouvoir de déterminer unilatéralement la valeur de la contribution de certains adultes à une entreprise. Ce critère est très subjectif et s'appuie sur des faits. C'est un lourd fardeau de plus pour les petites entreprises, qui n'auront même pas assuré le suivi des informations avec lesquelles elles pourraient se défendre. Je suis assez convaincu que ce critère sera la source de nouveaux litiges et de nouveaux désaccords.
Je vais vous donner un exemple: est-ce que le salaire versé à l'Île-du-Prince-Édouard pour un service donné est différent du salaire versé en Ontario? De quelle façon l'ARC — et j'ai presque pitié d'elle — va-t-elle réussir à appliquer ce critère, dans la vraie vie?
À mon avis, la proposition la plus scandaleuse est celle qui vise à imposer le revenu passif. Déjà, le revenu passif des sociétés est imposé à hauteur de 50 à 55 %, au Canada. Cela varie selon la province. En fait, le taux d'imposition est plus élevé que le taux personnel, dans la plupart des cas. À l'évidence, il y a eu report de l'impôt sur le capital initial qu'a pu générer le revenu passif, dans le cas où ce capital provenait d'une déduction accordée à une petite entreprise. Mais il ne s'agit pas là d'une échappatoire que le gouvernement a délibérément choisie afin de donner aux petites entreprises accès à un capital qui servirait soit pour une expansion future, soit comme fonds de roulement pendant les périodes creuses. Ces propositions feront voler en éclats une notion qui existe depuis longtemps au Canada, celle de l'intégration fiscale, du moins pour ce qui concerne le versement de certains dividendes. Les conséquences, pour une société de l'Île-du-Prince-Édouard, seront que le niveau d'imposition du revenu passif pourrait atteindre 74,55 %; les répercussions pourraient être les mêmes dans les autres provinces.
C'est clairement inacceptable, et j'ose espérer que le gouvernement n'a pas cherché ce résultat fiscal.
Les sociétés de portefeuille servent aussi de véhicules pour l'accumulation de fonds en vue de la retraite, en lieu et place d'un REER. Les fonds accumulés sont à certains égards l'équivalent des fonds de retraite d'un régime de pension enregistré d'un employé. Toutefois, la cotisation des employés et des employeurs à un régime de pension, ainsi que le revenu réalisé, ne sont imposables d'aucune façon tant qu'ils ne sont pas retirés, ce qui peut se produire de nombreuses décennies plus tard. À l'inverse, le propriétaire d'une entreprise qui se sert d'une société de portefeuille comme véhicule d'investissement a déjà payé un impôt de 15 à 30 % sur le capital initial, et il paie annuellement des impôts équivalents à 50 % des revenus réalisés.
Pour toutes ces raisons, je recommande fortement de laisser tomber en bloc les changements proposés touchant les investissements passifs.
La quatrième de mes préoccupations a trait à certains changements proposés de l'article 84.1. Bien que je sois d'accord sur le fait que certains changements sont nécessaires si l'on veut prévenir une certaine planification actuellement observée, les changements proposés, de la façon dont ils sont présentement libellés, vont doubler, voire tripler le niveau d'imposition et auront une incidence négative sur les techniques de planification successorale et d'héritage dont certaines étaient déjà appliquées au moment où l'annonce a été faite.
Le gouvernement a reconnu que l'article 84.1 empêche bel et bien la planification successorale des entreprises familiales et, dans le cadre du processus de consultation, je l'encourage à régler cette question-là aussi plutôt que de se contenter d'en parler dans le document de travail sans plus rien faire par la suite.
Je me suis levée à 3 heures, ce matin. J'ai pris l'avion à Cap-Breton, ce matin, un avion que Mme Raitt a probablement déjà pris, et la matinée a été longue.
Je reprendrais bien mot pour mot tout ce que Denise a dit, mais je vais lire le texte que j'ai sous les yeux.
Je suis médecin de famille à Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse. Je suis la fille d'un petit entrepreneur. Je suis ici au nom de près de 50 médecins et étudiants de médecine du pays, tous signataires comme moi d'une lettre où nous expliquons que nous sommes en faveur des changements fiscaux proposés par le gouvernement fédéral en ce qui concerne les sociétés privées sous contrôle canadien. Et nous sommes en faveur de ces changements pour la raison que nous sommes en faveur d'une plus grande équité pour tous les Canadiens.
Laissez-moi dire pour commencer qu'il ne s'agit pas d'un appui catégorique. Il est dommage que le gouvernement fédéral n'ait pas éliminé l'échappatoire fiscale dont profitaient les PDG et d'autres Canadiens bien nantis dont la rémunération consistait en options d'achat d'actions. Étant donné que les PDG les plus riches du Canada gagnent 193 fois ce que gagne un travailleur ordinaire, il est impératif que le gouvernement tienne cette promesse électorale. Il lui faudrait aussi envisager de mettre en oeuvre diverses autres politiques dont il a été question, en particulier, pendant la dernière session parlementaire.
L'île du Cap-Breton est magnifique, avec ses collines et ses vues superbes sur l'océan. C'est l'image qu'on voit le plus souvent dans les brochures touristiques. Mais il y a l'envers du décor: le tiers des enfants de moins de six ans, sur cette île, vivent dans la pauvreté. Il y a au bout de ma rue une collectivité autochtone, et ses membres ne peuvent ni boire leur eau ni s'en servir pour la cuisine ou pour leur bain. J'ai reçu hier à ma clinique une patiente qui avait trois emplois au salaire minimum, qui dort à peine, et qui se débat afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa fille, dont elle est le seul parent.
À l'inverse, la grande majorité des médecins entrent dans la tranche supérieure des 1 à 5 % des Canadiens les plus riches. En tant que médecins, nous reconnaissons qu'il faut des revenus fiscaux adéquats pour financer des programmes sociaux comme le logement abordable, l'assistance sociale, l'aide juridique, peut-être même un jour, nous l'espérons, un programme d'assurance-médicaments national, et le système de santé lui-même. Ces programmes ont une incidence directe sur la santé de nos patients. Nous croyons qu'il est important pour nous de contribuer, grâce à une assiette fiscale adéquate, à leur durabilité. Nous demandons en effet que les recettes fiscales que ces changements de la fiscalité vont générer soient affectées au financement des politiques et des programmes dont nous avons besoin pour assurer la santé de nos patients.
Toutefois, les médecins sont un cas unique, puisqu'ils sont rémunérés grâce aux fonds publics, mais que la plupart sont des travailleurs autonomes et que les frais généraux de leur pratique sont variables. De nombreux médecins se préoccupent à bon droit de leur situation professionnelle, puisqu'ils n'ont ni couverture de soins de santé supplémentaire, ni congés parentaux, ni régime de pension. Notre formation est longue, nous avons de lourdes dettes d'études, nous entrons tard sur le marché du travail et nous souffrons beaucoup d'épuisement professionnel. Toutefois, nous croyons qu'il vaut mieux s'attaquer à la racine du mal, c'est-à-dire en mettant en oeuvre les meilleures des politiques qui soient, plutôt que par des moyens instables par nature, par exemple par le truchement du système fiscal, qui évolue constamment.
Il est important de souligner, toutefois, que les méthodes auxquelles certains médecins ont recouru, pour commencer — niveau d'imposition plus bas sur les revenus passifs d'une société, répartition du revenu — sont légales, et que, en fait, plusieurs provinces les encouragent, dans le cadre de négociations, en remplacement des honoraires, malgré que c'est le gouvernement fédéral qui est responsable des politiques fiscales en la matière. Nous savons que ce sont des méthodes avantageuses, cela a déjà été souligné, surtout pour certains médecins constitués en société, dans une situation familiale spécifique, et pour les médecins qui gagnent suffisamment pour se passer des véhicules d'épargne traditionnels accessibles à tous les Canadiens. Cela peut sembler injuste aux médecins qui sont chefs de famille monoparentale, comme moi, à ceux qui ont de jeunes enfants ou ceux qui ne sont pas constitués en société. Cela peut également sembler injuste pour tous les Canadiens qui gagnent autant, mais ne peuvent pas se constituer en société. Il ne faut pas oublier que 60 % seulement des médecins sont constitués en société et que cette possibilité n'est offerte, à certains endroits, que depuis environ 10 ans.
Cela dit, les changements que nous soutenons ne pourront être apportés sans un plan de transition ni de manière isolée; il faut au contraire les intégrer à un examen complet des politiques fiscales dont l'objectif serait l'équité. Et c'est pourquoi nous demandons au gouvernement fédéral de prendre les quatre mesures suivantes.
Premièrement, il doit mettre en oeuvre les réformes proposées des sociétés privées sous contrôle canadien comme première étape d'un réexamen complet des politiques fiscales du Canada, en particulier les mécanismes qui profitent le plus à un nombre disproportionné de grandes sociétés et aux Canadiens les plus riches.
Deuxièmement, il doit présenter un plan de transition clair pour les épargnes des cabinets médicaux. Les médecins qui ont eu recours à ces méthodes pour préparer leur retraite, conformément aux ententes en place, ne devraient pas être injustement pénalisés.
Troisièmement, le gouvernement devrait travailler avec les provinces et territoires pour examiner les options d'accès à des programmes d'assurance-maladie complémentaires, aux congés parentaux et aux régimes de pension pour tous les Canadiens de même que les options de réforme de la rémunération qui pourraient être offertes à tous les médecins dans l'objectif de pallier ces lacunes importantes.
Quatrièmement, il devrait travailler avec les provinces et territoires pour régler la question de l'endettement croissant des étudiants en médecine, c'est-à-dire, en l'occurrence, en abaissant les droits de scolarité des nouveaux étudiants et en mettant en place des programmes d'extinction de la dette des débiteurs actuels.
Je sais bien que les changements de la fiscalité fédérale vont bien au-delà des préoccupations des médecins, mais c'est le monde que je connais, et c'est de ce monde que je parle. J'estime, comme de nombreux médecins du pays, qu'un système fiscal équitable est un but que nous pouvons appuyer et que nous pouvons soutenir financièrement.
Merci.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également les membres du Comité de me donner l'occasion d'échanger avec eux et avec les autres témoins sur cet important élément de révision de la planification fiscale au moyen de sociétés privées.
Je porte le chapeau d'économiste et de professeur titulaire de sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal. Je suis en poste à l'Université depuis 1988, à l'exception d'une période de neuf ans pendant laquelle ma classe était plus grande et plus indisciplinée et où c'était moi qui subissais les examens: j'ai été député à l'Assemblée nationale. J'y ai occupé différentes fonctions, mais peu importe la fonction que j'occupais, j'agissais en tant que conseiller économique principal du premier ministre et en tant qu'un des rédacteurs principaux ayant contribué à l'écriture du programme économique du gouvernement entre 2003 et 2012. J'ai même eu l'occasion, pendant sept ans, d'être le président de la Commission des finances publiques. Pour moi, il s'agit donc d'un retour aux sources, mais de l'autre côté de la table et dans un autre Parlement du pays. Pendant quelques années, j'ai également été ministre délégué aux Finances, l'équivalent du ministre d'État aux Finances au fédéral.
J'ai donc souvent été dans le secret en ce qui a trait au budget. J'ai connu autant l'aspect théorique et l'aspect empirique, en tant que professeur-chercheur, que l'aspect pratique, en m'occupant de la préparation budgétaire et des enjeux dont doivent débattre différentes personnes concernées. Ultimement, lorsqu'on parle de la fiscalité, on parle de l'impact sur l'économie et sur les gens qui participent à la création de la richesse et au partage de cette richesse.
Dans ce contexte, mes remarques préliminaires vont porter sur un certain nombre de principes. J'aurai probablement l'occasion d'en parler plus en détail lors de la discussion qui suivra.
La dernière grande réforme de la fiscalité globale au Canada date de 1971, à la suite du rapport Carter de 1966. Les fondements de notre système fiscal demeurent, à bien des égards, campés sur ses racines de l'époque. Il y a eu quelques réformes importantes, de façon ponctuelle. On se souviendra entre autres de cette très bonne réforme économique qu'ont constituée la mise en place de la TPS et les améliorations qui ont été apportées par la suite.
D'autres éléments ont été présentés à la suite du rapport de Jack Mintz, déposé en 1997. Cela a permis aux entreprises de bénéficier d'une réduction fiscale, ce qui était nécessaire à l'époque, en plus de permettre d'améliorer la neutralité du système fiscal, principe sur lequel je reviendrai.
Force est de constater que, depuis lors, l'économie a changé. Par exemple, le secteur des services prend de plus en plus de place au sein de l'économie. Cela ne veut pas dire qu'il faille sacrifier les autres aspects de l'économie, toutefois il faut tenir compte de l'ensemble de la réalité économique et s'assurer que la fiscalité atteint bien les buts qu'elle poursuit. Ces buts sont établis et analysés notamment à l'aune des questions portant sur l'équité et sur l'efficience. Ces deux principes font l'objet d'un débat public qui est parfois rapide, malheureusement. Les journaux ont tendance à les opposer l'un à l'autre de façon systématique, mais cela n'a pas besoin d'être toujours le cas.
Dans le contexte des éléments de réforme et des principes des éléments de réforme qui sont mis en avant par le ministère des Finances, le et le gouvernement, il est clair que, à certains égards, un élément qui est identifié présente un problème d'équité ou de non-neutralité. De fait, on peut encourager des entreprises ou des entrepreneurs à s'incorporer, de manière à profiter du système fiscal de façon légale tant et aussi longtemps que les lois et règlements actuels seront en application. Cependant, on doit en payer les coûts, déployer des ressources et trouver des façons de réduire la fiscalité, non pas strictement pour améliorer la croissance des entreprises, mais pour des raisons fiscales, tout simplement.
À mon avis, il ne faut pas faire indirectement ce qu'on pourrait faire mieux de façon directe. Pour ce qui est de savoir si la fiscalité est trop élevée ou trop basse, on peut en débattre. D'ailleurs, il y a plusieurs débats à ce sujet et plusieurs positions à cet égard, et je serais heureux d'y contribuer moi-même. Une chose est certaine, il faut s'assurer que la fiscalité ne deviendra pas indue. Pour répondre à cet objectif, on encourage une planification excessive. Cela se fait notamment par une répartition des revenus au moyen de l'incorporation. On y a recours non pas pour devenir entrepreneur, mais plutôt à des fins de fiscalité. On peut aussi utiliser des portefeuilles de placements passifs, mais ceux-ci ne permettent pas à une entreprise de croître et de prévoir l'avenir. Selon moi, des éléments pourraient être améliorés d'une façon ou d'une autre. On peut encourager le versement de revenus sous forme de gains en capital, de manière à être moins taxé.
La neutralité, c'est s'assurer que des situations comparables sont traitées de la même façon. Il faut viser à améliorer cette neutralité, ce qui est, à mon avis, un principe important. En principe, les propositions qui ont été soumises vont dans la bonne direction.
Cela dit, il faut quand même éviter les situations qui peuvent sembler des cas d'exception — il ne s'agit pas de prévoir tous les cas possibles —, où les mêmes revenus sont imposés de façon multiple, ainsi que les cas où l'imposition s'appliquerait de façon rétroactive. De tels cas n'ont pas lieu d'être, ni en théorie économique ni en pratique économique.
Il y a aussi des enjeux liés au transfert d'entreprise. C'est une préoccupation dont on m'a fait part. Il y aurait du travail à faire à cet égard et nous aurons l'occasion d'en discuter davantage. Quand j'étais au gouvernement du Québec, je me suis penché sur cette question. Il y avait eu des débats épiques avec des fiscalistes au sein de l'appareil gouvernemental. Ces débats n'étaient pas partisans, mais les fiscalistes voulaient éviter de créer des précédents alors que des problèmes pouvaient être réglés.
Il serait souhaitable qu'il y ait une réforme globale de la fiscalité qui tienne compte de tous les principes. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas d'aspects spécifiques qui pourraient être mieux jaugés pour éliminer les iniquités qui existent dans le système actuel.
En terminant, je répète qu'il ne s'agit pas de menacer la compétitivité fiscale des entreprises canadiennes. Néanmoins, il y a certainement lieu de s'inquiéter de ce qui nous pend au bout du nez, à savoir les mesures que prendra le Congrès américain dans les prochaines semaines ou les prochains mois, peu importe la forme qu'elles prendront.
Certes, il faut maintenir le principe de compétitivité fiscale, mais il faut le faire de la bonne façon. Cela ne veut pas dire qu'il faille permettre, comme on peut le voir présentement dans certains cas, une iniquité en matière d'imposition fiscale.
En conclusion, je vais reprendre quelques mots tirés d'un article récent intitulé « Les enjeux d'efficience et la fiscalité », que j'ai rédigé avec un collègue. Sans atteindre la perfection, tout en tenant compte des impondérables et des exigences démocratiques, avec du leadership et de la pédagogie, il est possible de faire mieux.
Les audiences d'aujourd'hui et le travail qui doit être fait ne doivent pas être précipités, mais ce processus ne doit pas non plus mener à l'inaction.
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Merci beaucoup, monsieur le président, c'est apprécié.
Ma question s'adresse à la Dre Dutt.
Nous sommes de la même région, vous et moi, l'île du Cap-Breton; la fin de semaine dernière, docteure Dutt, je suis allée en Nouvelle-Écosse et j'ai même assisté à l'assemblée générale de Doctors Nova Scotia, à laquelle plus de 400 médecins ont participé. Ça m'a permis de savoir que les médecins de la Nouvelle-Écosse s'inquiétaient beaucoup des répercussions de ces réformes fiscales, de ces changements fiscaux, sur les soins aux patients et sur les soins de santé.
Vous avez dit que 60 % environ des médecins étaient constitués en société. Les membres de l'association Doctors Nova Scotia m'ont dit que 75 % des médecins de la province étaient constitués en société et, l'information est importante, l'association a procédé à une enquête auprès de ses membres et constaté que 451 médecins sur les 864 répondants envisageaient pour cette raison de quitter la Nouvelle-Écosse.
Docteure Dutt, vous et moi, comme nous sommes du Cap-Breton, savons toutes deux une chose, c'est-à-dire que le manque d'omnipraticiens est un grave problème, au Cap-Breton. Vous savez que la communauté proteste, vous savez à quel point cette question lui tient à coeur; j'ai donc été très surprise d'entendre votre première recommandation: vous êtes médecin au Cap-Breton, et vous connaissez les répercussions que ces changements auront sur les soins de santé offerts aux Cap-bretonnais, et pourtant vous affirmez que le gouvernement libéral doit mettre ces changements en oeuvre.
J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous estimez que ces changements n'auront pas d'incidence sur les soins de santé offerts au Cap-Breton alors que vos collègues de la Nouvelle-Écosse disent presque unanimement le contraire.
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Je suis heureuse que vous ayez pu assister à cette assemblée. Je sais que les participants étaient nombreux. Je sais aussi que, parmi eux, un certain nombre étaient en faveur des changements.
C'est un environnement difficile, je crois, qui ne facilite pas les choses quand on veut faire valoir certains points de vue. Je me contenterai de dire que les gens étaient clairement contre les changements, de manière générale, je ne dis pas le contraire. Mais les signataires de la lettre, j'ai essayé de l'expliquer, affirment que les médecins sont clairement inquiets quant à ce système, et ils estiment qu'une politique fiscale n'est pas nécessairement le meilleur moyen de chasser ces inquiétudes. C'est probablement la principale raison.
J'ai aussi l'impression que le fait de venir du Cap-Breton influence encore davantage mon jugement, puisque je connais le niveau de revenu de mes patients et que je gagne moi-même un revenu tout à fait suffisant. Je ne fais pas trop d'heures supplémentaires. J'ai un horaire convenable. Je travaille sur appel et je fais ce que font les médecins, et je gagne bien plus qu'eux. Je reconnais également que les médecins qui travaillent dans des régions à faible revenu doivent également tenir compte de cet aspect.
J'ajouterai, puisque les associations de médecins se sont prononcées haut et fort contre les changements — je sais que c'est parce que les membres le leur ont demandé —, qu'il n'a pas été possible d'organiser une enquête pour savoir si nous étions en faveur des changements. Cette question n'a jamais été posée dans le cadre d'un sondage. Sachez-le: je ne crois pas qu'on ait laissé à personne la possibilité d'exprimer cette opinion-là.
Pour terminer, je dirais qu'il est arrivé souvent, dans notre histoire, que les médecins déclarent que les soins aux patients en pâtiront et menacent de quitter le pays ou la province. Il est déjà extrêmement difficile de recruter des médecins dans les petites collectivités, les collectivités rurales, les endroits qui n'offrent pas un aussi bon salaire que d'autres provinces, et on n'a présenté aucune donnée probante selon laquelle les changements de la politique fiscale aggraveraient davantage le problème. En fait, ces dernières années, le Canada a accueilli davantage de médecins américains qu'il n'a déploré de départs de médecins. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura aucune conséquence, mais je pense que cela nous nuira, en fait, au moment de négocier avec la province certaines choses précises que de faire des menaces de ce type qui pourraient ou non se concrétiser, étant donné que les changements fiscaux vont probablement être adoptés, et lorsque nous voudrons négocier autre chose, plus tard, notre position ne sera pas aussi bonne.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Soloman, merci beaucoup d'être venu ici aujourd'hui. J'étais à Charlottetown, aussi, vendredi, et j'ai fini par avoir un entretien avec votre associé, Lloyd Compton, qui était venu assister à une de mes assemblées générales.
Monsieur Soloman, si j'ai bien compris ce qui s'est dit à Charlottetown, il y a dans cette province trois grands secteurs — le président me corrigera si je me trompe —, à savoir l'agriculture, la pêche et le tourisme. En fait, le tourisme représenterait environ 6,5 % du PIB. Dans l'industrie du tourisme, les petites entreprises emploient 80 % des travailleurs. L'Île-du-Prince-Édouard compte 1 300 pêcheurs constitués en société, c'est énorme. Et dans le monde agricole, évidemment, 98 % des entreprises sont des entreprises familiales.
Monsieur Soloman, pourriez-vous me dire si, à votre avis, tout cela aura des répercussions disproportionnées sur l'Île-du-Prince-Édouard, étant donné le fait que son économie est si étroitement liée aux petites entreprises, et dites-moi aussi quelles seront les répercussions sur les petites entreprises.
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Oui, je crois qu'il serait possible de le faire.
Il faut éviter les cas trop ambigus qui nous feraient retomber dans le même scénario où des gens vont essayer d'éviter directement ou indirectement le système. Des balises devraient être établies puisque l'objectif est d'avoir une taux d'imposition plus faible pour les entreprises que pour les individus. Les entrepreneurs doivent courir des risques qu'un salarié ne court pas. Cela n'est ni mal ni meilleur en soi, dans un cas comme dans l'autre. Nous avons besoin de toutes ces personnes dans notre économie.
Je veux revenir à une question que vous avez soulevée un peu plus tôt concernant les risques et le synchronisme auxquels font face les entreprises, la chronologie selon laquelle une entreprise aurait besoin de fonds pour répondre aux occasions qui pourraient se présenter à elle. On peut imaginer que, là encore, il y a moyen un définir un critère, comme un pourcentage, dont la base reste à définir, de revenu assimilable à un placement passif, mais bien encadré, qui permettrait de faire face à des éventualités positives de croissance.
Toutefois, ce ne serait plus comme c'est le cas actuellement, alors que même même si ses objectifs ne garantissent pas sa croissance ou ne répondent pas à des situations particulières, une entreprise peut bénéficier indirectement d'une fiscalité plus faible par des fins d'incorporation.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Soloman, vous avez mentionné ceci dans votre déclaration préliminaire, puis en réponse à cette dernière question, vous êtes allé plus loin pour ce qui est d'affirmer que les conjoints devraient être considérés comme une unité familiale. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez abordé la répartition du revenu pour les personnes qui travaillent légitimement dans l'entreprise, puis même pour celles qui ne le font pas. Je suppose que vous faites encore allusion aux conjoints en tant qu'unité.
J'ai deux questions à vous poser.
La première, c'est comment pourriez-vous justifier l'intégration dans un système d'un avantage pour les personnes mariées et exclure les célibataires qui ne profiteraient pas de cet avantage?
La deuxième est la suivante: si vous faites allusion à l'idée qu'un propriétaire de petite entreprise, par exemple, travaille très dur et que son épouse pourrait avoir à s'occuper des enfants ou faire quelque chose afin de permettre au propriétaire de cette petite entreprise de faire ce qu'il fait et d'investir les heures qu'il investit — parce que j'ai entendu cet argument —, je ferais la comparaison non seulement avec un médecin, mais avec un pompier ou un ambulancier, qui pourrait avoir à se lever au beau milieu de la nuit pour rendre un grand service à la collectivité, mais qui n'a pas vraiment la capacité de répartir son revenu, disons, avec un membre de sa famille ou un conjoint, dans le but de pouvoir faire son travail et d'accomplir les tâches inhérentes à son poste.
Pourriez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous justifieriez le fait de considérer les conjoints comme une unité familiale, malgré les inégalités au sein des couples que j'ai donnés en exemple?
On illustre la situation en disant que les gens sont pour ou contre et que les médecins sont divisés, mais, en fin de compte, je constate souvent, dans le cas de collègues médecins qui pourraient s'opposer avec ferveur aux changements fiscaux, que nous arrivons à nous entendre. Nous savons qu'il y a des problèmes dans le système et que nous devons les régler. Il s'agit souvent du terrain d'entente.
Nos points de vue diffèrent peut-être quant à la façon d'aborder la politique fiscale, mais j'appuie pleinement mes collègues qui travaillent incroyablement fort et qui font de longues heures. Je veux dire cela.
Je pense que l'une des questions qui ressortent de cette discussion et qui ne vont pas être réglées par la politique fiscale, c'est la différence entre la rémunération des divers médecins spécialistes. Les médecins de famille, les urgentistes et les pédiatres sont des exemples de médecins touchant une faible rémunération sur le spectre. En outre, ils sont souvent ceux qui pourraient avoir les coûts indirects les plus élevés. Un médecin qui exploite sa propre clinique de médecine familiale pourrait utiliser une plus grande part du revenu dont il dispose pour exercer la médecine.
Quant à savoir si nous allons perdre des médecins, encore une fois, je ne suis pas certaine que les données probantes du passé nous indiquent que ce sera le cas. Je dirai qu'il pourrait y avoir des conséquences différentes sur certains médecins, surtout dans le cas de ceux qui pourraient utiliser ces incitatifs fiscaux pour appuyer leur entreprise plutôt que pour leur propre épargne.
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Je vais commencer par apporter une correction rapide.
Il a été dit que les petites entreprises bénéficient d'un taux d'imposition moins élevé sur leurs revenus passifs. De fait, elles paient un taux d'imposition plus élevé sur leurs revenus passifs, au titre des règles actuelles.
Pour passer à la déclaration de Mme O'Connell, elle formulait un commentaire sur l'inégalité qu'elle perçoit dans le fait que des propriétaires d'entreprise à la retraite partagent leurs revenus avec leur conjoint, comme s'ils étaient les seuls à pouvoir faire cela. Au pays, nous avons quelque chose qui s'appelle le fractionnement de revenu de pension. Dans le cas des propriétaires de petites entreprises, en ce qui concerne le revenu, les dividendes qu'ils retirent de l'entreprise qu'ils ont établie tout au long de leur vie, c'est leur pension.
Nous, les fonctionnaires, recevons tous une pension publique, et nous avons le droit de fractionner le revenu de cette pension. Le pourra fractionner son revenu de pension gouvernementale avec son épouse expressément et uniquement pour réduire son fardeau fiscal.
Pensez-vous que c'est équitable?
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Je remercie tous nos témoins du témoignage qu'ils ont présenté aujourd'hui. C'est très utile.
Pour donner suite aux questions posées par M. Fergus plus tôt au sujet du fait qu'il y a certains avantages et de savoir si le système est juste ou non, j'aimerais m'assurer qu'il soit déclaré officiellement, monsieur le président, qu'il est très semblable à notre réseau routier ou de transport public. Certaines personnes choisissent d'utiliser une voiture parce que ce mode répond à leurs besoins. Certaines personnes choisissent une minifourgonnette ou un camion plus gros. Ces véhicules ont des caractéristiques différentes. Évidemment, nous obligeons les camions à s'arrêter et à mettre des chaînes dans certaines régions et à se conformer à certains documents, en raison de la façon dont ils sont utilisés, et il devrait y avoir davantage de freins et contrepoids. Il n'est pas question de savoir si quelque chose est avantageux ou pas. Il est question de savoir en fonction de quelles caractéristiques ils fonctionnent.
Concernant l'IRF — l'impôt sur le revenu fractionné —, je veux m'adresser à M. Weissman.
Monsieur Weissman, ces règles sont bien établies. Dans son propre document, le gouvernement affirme simplement que cette mesure ne gagne pas assez devant les tribunaux. Voilà pourquoi il ajoute ces critères de raisonnabilité. Il n'y a aucune définition de ce qui est raisonnable. Au bout du compte, ce seront les tribunaux qui décideront de ce qui est raisonnable, compte tenu de la loi.
Estimez-vous que l'ARC a la capacité de supporter cette surveillance accrue de l'imposition des revenus fractionnés?